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Full text of "Lettres de Peiresc aux Frères Dupuy, publiées par Philippe Tamizey de Larroque"

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-7  C 


COLLECTION 


DB 


DOCUMENTS  INÉDITS 

SDR  L'HISTOIRE  DE  FRANCE 

PUBLIES  PAR  LES  SOCTS 

DU  MINISTRE  DE  L'INSTRUCTION  PURLIQUE 


DEUXIÈME  SERIE 


© 


Par  arrêté  en  date  du  1 8  décembre  i  885,  M.  TiMiZEY  db  Larroqle,  membre 
du  Comité  des  travaux  historiques  et  scientifiques,  a  été  chargé  de  publier, 
dans  la  collection  des  Documents  inédits  de  l'Histoire  de  France,  les  Lettres 
de  Peiresc. 

Par  le  même  arrêté,  M.  Léopold  Delislb,  Président  de  la  Section  d'histoire 
et  de  philologie  du  Comité,  a  été  nommé  commissaire  responsable  de  cette 
publication. 


LETTRES  DE  PEIRESC 


PUBLIEES 


PAR 


PHILIPPE  TAMIZEY  DE  LARROQUE 

CORRESPONDANT  DE  L'INSTITUT 
MEMBRE  NON  RÉSIDANT  DU  COMITÉ  DES  TRAVAUX  HISTORIQUES  ET  SCIENTIFIQUES 


TOME  CINQUIÈME 

LETTRES  DE  PEIRESC  À  GUILLEMIN,  À  HOLSTENIUS 

ET  À  MENESTRIER 

LETTRES  DE  MENESTRIER  À  PEIRESC 

1610-1637  • 


PARIS 

IMPRIMERIE  NATIONALE 


M  DCGG  XGIV 


PS?.  Pif 


AVERTISSEMENT. 


Le  tome  cinquième  de  la  Correspondance  de  Peiresc  renferme  : 

1°  Quatre-vingt-dix-neuf  lettres  adressées,  du  i5  sep- 
tembre 1 6 1  o  au  1 2  mai  1687,3  Denis  Guillemin,  prieur  de  Rou- 
moules  (autrefois  RomoUes) ,  dans  le  diocèse  de  Riez  (Rasses-Alpes) 
et,  plus  tard,  prieur  de  Belgentier,  dans  le  diocèse  de  Toulon 
(Var); 

2°  Soixante-six  lettres  écrites,  du  2  septembre  1627  au 
3  juin  1687,  à  Luc  Holstenius,  successivement  bibliothécaire  du 
cardinal  François  Barberini  et  de  la  Vaticane; 

3"  Cent  dix-sept  lettres  échangées,  du  19  août  1693  au 
5  juin  1687,  entre  Peiresc  et  le  chanoine  franc-comtois  Claude 
Menestrier',  qu'il  ne  faut  pas  confondre,  comme  on  l'a  fait  quel- 
quefois, avec  un  autre  antiquaire  portant  le  même  nom  et  le  même 
prénom,  mais  d'une  époque  postérieure,  son  parent  le  jésuite 
lyonnais  auquel  on  doit,  entre  autres  innombrables  ouvrages, 
Y  Histoire  de  Louis  le  Grand  par  les  médailles,  publiée  en  1689 
(in-folio). 

A  ces  deux  cent  quatre-vingt-deux  documents  s'ajoutent  (pre- 
mier appendice)  une  série  d'instructions  données  au  prieur  Guille- 
min, d'abord  en  1609,  puis  vers  1628  par  Peiresc,  et  (second 

'  Sur  ce  nombre  quatre-^ingt-quinze  lettres  appartiennent  à  Peiresc  et  vingt-deux  à 
Menestrier. 


C 


I,  AVERTISSEMENT. 

appendice)  une  lettre  de  Menestrier  à  ce  dernier,  déjà  mise  en  lu- 
mière par  M.  le  commandeur  de  Rossi,  mais  trop  importante  au 
point  de  vue  arche'ologique  pour  être  négligée. 

Disons  quelques  mots  de  chacun  des  trois  personnages  que  nous 
venons  de  mentionner  et  qui  tous  les  trois  méritèrent  bien  de  leur 
illustre  correspondant. 

Denis  Guillemin  vit  le  jour  on  ne  sait  trop  en  quelle  anne'e  et  en 
quelle  localité.  Selon  l'opinion  la  plus  probable,  il  naquit  quelques 
années  après  Peiresc',  dans  le  département  actuel  des  Basses-Alpes*. 
Attaché  de  bonne  heure  k  la  famille  de  Fabri,  il  devint  le  protégé, 
le  client  de  cette  famille  également  puissante  par  sa  propre  situation 
et  par  ses  alliances  et  ses  relations.  Ce  fut  k  l'aide  de  la  générosité 
du  père  de  Peiresc  qu'il  fit  ses  études;  ce  fut  à  l'aide  de  l'influence 
de  Peiresc  lui-même  que,  prêtre  et  docteur  en  théologie,  il  fut 
nommé  fr  député  de  Provence  en  l'assemblée  générale  du  Clergé  de 
France ■'^  et  * protonolaire  du  Saint-Siège  apostolique*».  Il  dut 
aussi  aux  Fabri,  selon  le  témoignage  formel  de  Gassendi*, ses  deux 
prieurés  de  Roumoules  et  de  Belgentier.  Guillemin  se  montra  vive- 
ment reconnaissant  de  tant  de  bienfaits,  et  on  aime  à  constater,  en 
chaque  page  de  la  correspondance  qui  va  suivre,  qu'il  ne  cessa 
jamais  d'être  bon  et  dévoué  pour  ceux  qui ,  dès  son  enfance ,  l'avaient 


'  Guillemin  devait  avoir  au  moins  une 
vingtaine  d'années  quand  Peiresc  (juin  1 609) 
le  chargea  de  recueillir  en  Anjou  les  sceaux 
et  portraits  des  comtes  de  Provence  et  des 
rois  de  France.  Voir  les  Instructions,  à  l'ap- 
pendice. 

'  k  Villeneuve,  commune  de  l'arrondis- 
seraenl  el  canton  de  Forcalquier.,  d'après  le 
judicieux  et  savant  auteur  de  Peiresc  abbé 
de  Guttres,  M.  Ant. deLantenay  (Bordeaux, 
1 888 ,  p.  8  j  ).  Deux  de  mes  cbers  confrères 
de  l'Académie  d'Aix,  MM.  Léon  de  Berluc- 


Perussis  et  Charies  de  Ganldnii  d'Ule,  ont 
vainement  cherchi'  avec  le  double  zèle  de 
l'érudition  et  de  l'amitié  toute  trace  de  Guille- 
min pt  de  sa  famille  daos  les  dép<Ms  puhKcè 
et  particuliers  des  Basses-Alpes. 

*  Voir  plus  loiu  (p.  iii)  la  lettre  que 
Peiresc  adresse  au  député  le  1 0  octobre  1698. 

'  Voii'  plus  loin  (p.  43)  la  iellre  ia 
39.  juillet  i6a8,  où  pour  la  première  fois 
Peiresc  lui  donne  ce  litre. 

'  De  vila  Peirenkiij  éditian  de  la  Haye, 
i65i,livreIV,p.  38o. 


AVERTISSEMENT.  ib 

traité  comme  l'enjant  de  la  maison.  De  même  qu'on  n'a  pas  retrouvé 
la  date  précise  de  sa  naissance,  on  n'a  pas  retrouvé  la  date  précise 
de  sa  mort.  Tout  au  plus  pourrait-on  induire  d'un  passage  des  Mé- 
moires touchant  la  naissance,  vie  et  mœurs  de  Gassendi^,  qu'il  avait 
déjà  quitté  ce  monde  en  16/17,  puisque  son  prieuré  de  Roumoules 
était  alors  vacant^. 

La  vie  de  Luc  Holstenius  (né  à  Hambourg  en  1696,  mort  à 
Rome  en  1661)  est  parfaitement  connue.  Tous  les  recueils  bio- 
graphiques français  et  étrangers  contiennent  une  notice  plus  ou 
moins  détaillée  sur  cet  érudit,  dont  la  célébrité  a  été  deux  fois 
rajeunie  en  ce  siècle,  par  la  publication  d'une  partie  de  sa  vaste 
correspondance  :  la  première  fois,  en  1817,  quand  un  membre 
de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  qui  fut  un  de  nos 
plus  savants  et  de  nos  plus  fins  critiques,  Jean-François  Boissonade, 
donna  le  gros  volume  intitulé  Lucee  Holstenii  epwtolœ  ad  diversos  ^; 
la  seconde  fois,  de  1886  à  1892,  quand  un  des  membres  les  plus 
distingués  de  l'Ecole  française  de  Rome,  aujourd'hui  professeur  à 
la  Faculté  des  lettres  de  Montpellier,  M.  Léon  G.  Pélissier,  multiplia 
les  documents  inédits  et  les  renseignements  curieux  relatifs  à  l'hu- 
maniste et  à  ses  correspondants  dans  une  série  de  fascicules  intitulée 
Les  amis  d" Holstenius  "^ .  Les  lettres  de  Peiresc,  qui  répondent  aux 

'  Documents  inédits  sur  Gassendi,  Paris,  raanuscriles  du  docle  éditeur  (additions  et 

1877,  p.  ^■•^'  corrections). 

'  ffM.  le  "prince  de  Conty  iuy  demanda  *  I.   Charles  de  Monlchal,  archevêque  de 

[c'est-à-dire  demanda  [wur  lui ,  pour  Gas-  Toulouse.  Rouie,   imprimerie   de   Philippe 

sendi]  les  provisions  du  prioré  de  RomoHes  Cuggiani,  1886.  (Extrait  des  Mélanges  d'ar- 

au  diocèze  de  Riez  en  Provence ,  mais  comme  chéologie  et  d'histoire  publiés  par  Tlicoie  fran- 

il  en  alloil  faire   prendre  possession,   un  çaisedeRonie,  t.VI.)  —  W.  Les  frères  Dupuy. 

dévolutaire  l'obtint  par   arrest    du    parle-  Home,    1887.    (Extrait  du   tome  VI    des 

ment.  .  .  ri  mêmes  Mélanges.)  —  III.  Aleandro  le  Jeune. 

'  Paris,  in-S"  de  xiv-538  pages.  M.  Léo-  Rome,   1888.  (Extrait  du   tome  VIII  des 

pold  Delisle  a  bien  voulu  m'apprendre  que  mêmes  Mélanges.)  —  IV.  Les  petits  corres- 

I»  Bibliothèque  nationale  possède  (Réserve,  pondants.  Montpellier,  189a.  (Extrait  de  la 

Z.  2246)  un  exemplaire  enrichi  de  notes  Revue  des  langues  romanes ,  t.  \W\ .)  ïiam 


IT 


AVERTISSEMENT. 

lettres  du  recueil  Boissonade,  sont  pour  ce  recueil,  ainsi  que  pour 
les  fascicules  de  M.  Pélissier,  un  indispensable  comj)lëment. 

Autant  on  s'est  occupé,  autrefois  et  de  nos  jours,  de  Luc  Hol- 
stenius,  autant  on  a  négligé  Claude  Menestrier.  Pensant  que  dans 
sa  province  natale  on  pourrait  me  fournir  sur  son  compte  ce  que 
me  refusaient  tous  les  livres  que  j'avais  cru  devoir  consulter,  je 
m'adressai,  l'an  dernier,  à  un  érudit  de  grande  valeur,  feu  M.  A.  Cas- 
tan,  correspondant  de  l'Institut  et  conservateur  de  la  bibliothèque 
de  Besançon'.  S'excusant  modestement  de  me  donner  si  peu*,  il 
m'envoya,  quelques  mois  avant  sa  mort  si  regrettable^,  la  notice 
que  l'on  va  lire  : 

Claude  Menestrier  naquit  à  Vauconcourt,  village  voisin  de  Jussey,  en 
Franche-Comté,  à  l'époque  où  cette  partie  de  la  province  était  ruinée  par  les 


quatre  articles  successifs  de  la  Revue  critique , 
le  présent  éditeur  a  eu  le  plaisir  d'appeler 
rattention  sur  chacun  des  fascicules. 

'  Le  prédécesseui-  de  M.  Castan  dans  les 
fonctions  de  bibliothécaire  de  la  ville  de  Be- 
sançon, le  bibliographe  Weiss,  avait  fourni 
h  la  Biographie  universelle  un  article  de 
quelques  lignes  seulement  sur  Claude  Me- 
nestrier. 

'  Je  reproduis  avec  un  pieux  sen  liment  de 
reconnaissance  sa  gracieuse  lettre  d'envoi  : 
ir Besançon ,  le  1 7  avril  189a.  —  Cher  Mon- 
sieur, vous  avez  ci-joinl  la  petite  note  sur 
Claude  Menestrier,  que  vous  m'avez  fait 
i'iionneur  de  me  demander.  Le  personnage 
ayant  fort  peu  vécu  dans  le  pays  de  ses  ori- 
gines, je  manque  des  éléments  nécessaires 
pour  être  précis  sur  son  compte.  Veuillez 
donc  considérer  uniquement  le  présent  envoi 
comme  une  preuve  du  bon  vouloir  et  de  la 
haute  estime  de  voire  tout  dévoué  confrère 
et  serviteur.  —  A.  Castan.  » 

Voir  l'éloge  si  complet   en  quelques 
lignes  qu'en  a  fait  M.  Léopold  Delisle ,  comme 


président  du  Comité  des  travaux  historiques 
et  scicntitiques,  dans  la  séance  du  lundi  A  juil- 
let 189a  [Uullelin  historique  et  pkilologiqut , 
n*  9  do  l'année  1 89Q ,  p.  38 1 .  paru  en  1 89.3).  • 
De  cet  éloge  ofliciel  je  demande  la  permis- 
sion de  rapprocher  un  éloge  intime  donné 
par  l'éniiiient  érudit  &  son  confrère  et  ami 
dans  une  lettre  adressée  k  celui  qui  nMige 
cette  nol«  :t Paris,  le  7  jaillet  1 89a . . .  J'ai 
été  fort  aiïeclé  de  la  mort  de  deux  confrères 
provinciaux  pour  lesquels  j'avais  inGnimenI 
d'estime  et  d'amitié  :  M.  Chassaing,  au  Puy, 
et  M.  Castan,  de  Besanf-on.  Celui-ci  surtout 
était  un  savant  de  premier  ordre, dont  tons 
les  travaux  peuvent  être  cit<^s  comme  des 
modèles,  et  qui  n'a  jamais  eu  à  r^[retler 
qu'une  faute  :  la  campagne  entreprise  en 
faveur  d'Alaise.  Encore  a-t-elle  eu  les  con- 
séquences les  plus  heureuses,  [luisqu'elle  a 
amené  ces  fouilles  qui  uni  fait  la  richesse 
du  musée  archéologique  de  Besançon.  Nous 
lui  appliquerons  le  mol  de  Félix  culpa  que 
vous  avez  rappelé  à  propos  du  Droit  du 
seiffueur  de  M.  Jules  Delpit.  .  .  n 


AVERTISSEMENT.  v 

incursions  des  Huguenots  de  l'Allemagne  et  par  le  passage  des  troupes  que  le 
gouvernement  espagnol  envoyait  depuis  l'Italie  contre  les  rebelles  des  Pays-Bas. 
Il  perdit  très  jeune  son  père  et  eut  l'idée  d'aller  chercher  fortune  en  Espagne, 
où  il  ne  rencontra  que  la  misère  ;  il  y  fut  même  réduit  à  garder  un  troupeau 
de  mérinos.  Ayant  trouvé  moyen  de  passer  en  Italie ,  il  eut  à  Rome  des  pro- 
tecteurs qui  le  firent  étudier  et  lui  ouvrirent  la  carrière  des  bénéfices  ecclé- 
siastiques. Son  goût  pour  la  science  des  antiquités  l'introduisit  dans  la  fami- 
liarité du  cardinal  Francesco  Barberini,  neveu  du  pape  Urbain  VIII,  qui  lui 
confia  la  garde  de  ses  collections  et  le  chargea  de  divers  voyages  en  France, 
dans  les  Pays-Bas  et  en  Espagne  j  pour  recueillir  des  antiques  et  des  objets 
d'art.  Un  canonicat  de  l'église  métropolitaine  de  Besançon  étant  venu  à  vaquer 
dans  des  circonstances  qui  en  attribuaient  la  collation  au  pape,  Claude  Me- 
nestrier  l'obtint  et  se  mit  aussitôt  en  route  pour  venir  échanger  sur  place  ce 
bénéfice  contre  un  revenu  ecclésiastique  d'une  autre  nature.  La  galère  ponti- 
ficale sur  laquelle  il  naviguait,  au  mois  de  juin  1682,  en  compagnie  du  car- 
dinal de  la  Cueva,  fut  assaillie,  en  vue  du  port  de  Marseille,  par  une  tempête 
qui  obligea  les  passagers  à  jeter  les  bagages  à  la  mer.  De  ce  qui  appartenait 
à  Claude  Menestrier,  un  seul  objet  surnagea  :  c'était  un  tableau  représentant  à 
mi-corps  la  Vierge  caressée  par  l'Enfant-Jésus  debout  sur  elle,  tableau  peint 
par  Domenico  Preti,  dit  le  Passignano.  Notre  antiquaire  apporta  pieusement 
cette  toile  à  Besançon,  la  remit  à  son  oncle  Dumay,  chanoine  de  Sainte-Made- 
leine en  cette  ville,  qui,  à  son  tour,  chargea  leur  parent,  Antoine  Alviset, 
curé  de  Saint-Pierre,  d'en  faire  solennellement  hommage  aux  Dominicains  de 
Besançon;  cette  cérémonie  eut  lieu  le  dimanche  9  janvier  i633.  Le  tableau, 
vénéré  dès  lors  comme  miraculeux,  jouit  encore  de  ce  prestige  dans  l'égUse 
cathédrale  de  Besançon,  où  il  est  connu  sous  le  vocable  de  Notre-Dame  des 
Jacobins.  Claude  Menestrier  était  lié  d'amitié  avec  la  plupart  des  érudits  qui 
vivaient  à  Rome  de  son  temps,  et  il  seconda  les  recherches  de  quelques-uns, 
celles  de  Doni,  par  exemple,  dont  il  était  le  commensal  au  palais  Barberini. 
On  a  des  traces  de  ses  relations  (^sans  parler  de  Peiresc)  avec  Aleandro  et 
d'autres  érudits  italiens,  avec  ses  compatriotes  francs-comtois  Jean-Jacques  et 
Philippe  Chifflet.  11  mourut  à  Rome  en  1689.  De  ses  travaux  d'érudition  il  n'a 
survécu  qu'une  dissertation  sur  le  symbolisme  de  la  statue  de  Diane  d'Ephèse 
[Symholicm  Dianœ  Ephesiœ  statua  exposita),  éditée  à  Rome  en  1657,  par  Fede- 
rico Ubaldini,  avec  une  dédicace  au  cardinal  Francesco  Barberini,  où  l'amitié 
de  ce  prince  de  l'Église  pour  Claude  Menestrier  se  trouve  rappelée.  Cette  dis- 


Ti  AVERTISSEMENT. 

sertation,  enrichre  de  notes  par  Bellori  et  suivie  d'une  lettre  compiëmenlaire 
de  Lucas  Holstenius,  fut  réimprimée  à  Rome  dans  le  format  in-folio,  puis  in- 
sérée par  Gronovius  dans  le  tome  VII  du  Thésaurus  anliquhatum grœcarum.  Un 
neveu  de  Claude  Menestrier,  établi  à  Lyon  comme  apothicaire,  eut  pour  fils 
le  jésuite  Claude  Menestrier,  l'un  des  plus  féconds  érudits  du  xrii*  siècle  '. 

Les  lettres  de  Peirese  à  Guillemin,  à  Holstenius,  à  Menestrier 
présentent  divers  genres  d'intérêt.  Les  premières,  plus  familières, 
sont  aussi  beaucoup  plus  variées  que  les  lettres  adressées  aux  deux 
doctes  chanoines.  Peirese  entretient  un  peu  de  toutes  choses  son 
fidèle  Guillemin  :  il  Vaccabk  (littéralement)  de  milliers  de  com- 
missions, le  chargeant  tantôt  des  affaires  du  maître  de  la  maison, 
tantôt  et  plus  souvent  des  affaires  du  collectionneur  aux  goûts  in- 
finis. Le  bon  prieur  s'occupe  tour  à  tour  ou  même  tout  à  la  fois  de 
plantes,  de  fruits',  de  chats,  de  livres,  d'estampes,  d'objets  an- 
tiques (poids  et  mesures,  médailles,  vases,  statues,  etc.);  parfois  il 
est  le  délégué  de  Peirese  en  son  abbaye  de  Guitres';  d'autres  fois 


'  M.  Emile  Roy,  docteur  ps-lettres ,  pro- 
fesseur au  lycée  de  Besançon  et  maître  de 
confërences  à  la  Faculté  des  lettres  de  celle 
ville,  a  eu  l'obligeance  de  faire  diverses  re- 
cherches pour  moi  dans  les  manuscrits  de 
la  bibliothèque  et  particidièrement  dans  le 
volume  XXV  de  la  collection  infitulife  Docu- 
menls  biographiqua  sur  le*  ('liijlet.  Il  a 
trouvé  dans  ce  volume  quelques  kUres  de 
Claude  Menestrier  écrites  de  Rome  n  à  Mon- 
sieur CkitHet ,  cogouverneur  de  la  cité  impé- 
rialle  de  Besançon»,  notamment  trois 
lettres  du  h  mars  1623,  du  2Q  mai  de  la 
même  année,  du  93  janvier  i63i.  Aucun 
ée  ces  docomenls  ne  permet  d'sijoulcr  le 
moinflre  trait  à  la  biographie  de  Menestrier. 
M.  Roy  constate  que  le  correspondant  de 
Chifflet  et  de  Peirese  Ta  une  écriture  hor- 
rible^i.  11  aurait  pu  en  dire  autant  de  son 
style,  dont  la  barbai-ie,  comme  on  en  ju- 


gera, est  vraiment  singulière.  L'orthographe 
de  l'archéologue  franc-ooiotois  ne  laitse  pM 
moins  à  désirer,  et  de  toute  façon  ses  tetlns 
forment  un  frappant  contraste  avec  celle* 
de  Peirese,  les<juelles,  sans  être  de  forme 
irréprochable,  sont  bien  d"uii  homme  qui 
a  profité  d'abord  de  la  firé<|uenfation  dp» 
bons  litres  de  toutes  les  lillérstnres.  en- 
suite de  la  politesse  de  la  Cour,  et  dont  la 
prose  n'est  pas  toujours  indigne  de  celle 
de  ses  excellents  amis  Du  \  air  et  Malherbe. 

'  Quelques  billets  écrits  li  propos  de 
pommes ,  fruit  dont  Peirese  était  très  friand , 
paraîtront  peut-être  insigniliaiits  h  quelques 
graves  lecteurs ,  mais  je  n'ai  pas  cru  devoir 
dédaigner  ces  menus  détails.  N'a-l-oo  pas  dit 
depuis  longlemps  que  tout  intéresse  dans  la 
correspondance  des  hommes  supérieurs? 

'  Suivant  Jean-Jaajues  Bouchai-d,  dont 
j'ai  reproduit,  dans  Peirese  abbé  de  Gudres , 


TU 


AVERTISSEMENT. 

r 

il  le  représente  à  Paris  auprès  des  grands  personnages  de  l'Etat, 
auprès  des  savants,  auprès  des  artistes,  auprès  des  libraires,  etc. 
Ce  voyageur  qui  court  sur  toutes  les  routes,  cet  auxiliaire  qui 
mène  à  bien  toutes  les  missions  qu'on  lui  confie,  même  les  plus 
délicates,  devient  en  quelque  sorte,  à  force  de  zèle  intelligent,  un 
substitut  du  procureur  général  de  la  littérature.  La  correspondance 
de  Peiresc  avec  ce  brave  cœur  est  une  des  plus  attrayantes  de  tout 
notre  recueil  moins  encore  parce  qu'elle  touche  à  tant  de  sujets 
que  parce  qu'elle  est  empreinte  de  la  plus  cordiale  bonhomie. 

Les  lettres  à  Holstenius  et  à  Menestrier  plairont  surtout  aux; 
humanistes  et  aux  archéologues.  On  y  trouvera  les  informations  les 
plus  instructives  sur  les  choses  de  l'antiquité ,  particulièrement  sur 
les  médailles,  les  objets  d'art,  les  grands  monuments  (églises,  pa- 
lais, voies  romaines,  catacombes,  etc.),  les  manuscrits'.  Chaque 
page  déborde  d'érudition,  de  cette  érudition  aimable  et  souriante 
que  ne  gâtent  jamais  la  prétention  et  le  pédantisme.  On  peut  n'être 
pas  toujours  d'accord  avec  Peiresc  et  regarder  quelques-unes  des 
explications  du  grand  critique  comme  plus  ingénieuses  que  solides, 
mais  il  faut  partout  admirer,  avec  le  vaste  déploiement  de  son 
savoir,  sa  touchante  modestie  et  sa  parfaite  candeur. 

Dans  les  lettres  à  Holstenius  et  à  Menestrier,  c'est  surtout  de 
l'Italie  quil  est  question,  et,  dans  l'Italie,  de  cette  ville  de  Rome 


Supplément  à  la  notice  d'Anl.  de  Lanlenay 
(Bordeaux,  1898,  p.  11,  note  i5),  le  récit 
jusqu'alors  inédit,  irll  [  Peiresc J  ne  retiroit 
point  d'argent  de  son  abbaye  qui  rendoit 
1 ,200  escus,  se  faisant  tout  payer  en  livres 
par  les  mains  du  prieur  de  Romoulle,  au- 
quel il  avoit  remis  tout  le  soing  de  son  ab- 
baye, ce  moine  estant  fort  sçavant  et  lui  en- 
voyant tous  les  livres  nouveaux  de  divers 
endroits  en  France  et  médailles  et  aultres 
antiques.  iVl'  de  Peiresc  lu  y  avoit  une  fois 


résigné  son  abbaye  lorsqu'il  fut  fort  ma- 
lade. 5) 

'  Diverses  lettres  sont  relatives  aux  ma- 
nuscrits de  Pacius  si  généreusement  donnés 
par  Peiresc  à  Holstenius.  On  en  rappro- 
chera avec  fruit  une  notice  spéciale  publiée 
par  un  de  nos  plus  savants  paléographes, 
M.  H.  Omont,  de  la  Bibliothèque  nationale  : 
Les  manuscrits  de  Pacius  chez  Peiresc  et  Hol- 
stenius, lôag-iCSi  (Toulouse,  1891;  ex- 
trait du  tome  III  des  Annales  du  Midi). 


vm  AVERTISSEMENT. 

qui  fut,  pour  ainsi  dire,  la  favorite  et  l'hëroïne  de  Peiresc.  Aussi 
c'est  avec  une  entière  confiance  que  j'appelle  sur  cette  double  cor- 
respondance la  bienveillante  attention  de  tous  les  esprits  cultives 
pour  qui  Rome  est  une  seconde  patrie. 

Philippe  Tamizey  de  Larboqde. 

Pavillon  Peiresc,  près  Gontaud,  ao  décembre  1898. 


LETTRES  DE  PEIRESC 

À  D.  GUILLEMIN. 


I 

À  MONSIKLR,  MONSIEUR  GLILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROMOLLES, 
À  AIX. 

Monsieur  le  Prieur, 
Ce  fut  le  cadet  d'Amirat'  qui  rue  donna  cesle  mauvaise  nouvelle  de 
ma  petite '^  vous  m'avez  bien  faict  plaisir  de  m'en  donner  de  meil- 
leures. Et  d'y  prendre  la  peine  que  vous  y  avez  prins.  Car  sans  mentir 
il  jne  seroit  bien  griefs  d'en  perdre  toute  la  race.  Je  vous  prie  d'en 
avoir  bien  soing  durant  mon  absance.  Et  vous  garder  de  luy  bailler 
autres  viandes*  que  le  pain  accoustumé,  et  un  peu  de  potage,  s'il  se 
peuJI.  Que  si  son  mal  n'est  autre  chose  que  le  Caduc,  je  ne  l'en  esti- 
meray  pourtant  guieres  moins,  car  elles  ne  laissent  pas  de  vivre  long- 
temps avec  ce  mal.  Mais  j'ai  grande  appréhension  des  vers  qui  ont  tiié 
l'aultre.  Il  fault  que  le  grand  soin  et  l'assiduité  d'estre  prez  de  cez 
])etites  choses  délicates,  les  enlève^.  Je  suis  marry  de  vostre  peine, 

'  Le  cadet  d'Arairat  était  Frédéric  Logj-  '  Bien  pénible,  bien  dur. 

bard,  fils  cadet  d'Honoré  Lombard,  seigneur  *   Viandes  est  pris  ici  dans  le  sens  de 

de  Saint-Benoît.  Sur  la  famille  Lombard  voir  nourriture. 
plus  loin  une  lettre  du  G  novembre  iGSa.  '  Que  de  menues  recommandations!  Elles 

'  C'est-à-dire  de  ma  petite  chatte.  On  attestent  l'extrême  bonté  de  Peiresc  et  aussi 

connaît  l'affection  de  Peiresc  pour  les  chats,  les  généreux  sentiments  du  prieur  Guille- 

surtont  depuis  <[ue  Ion  a  lu,  dans  t''«^raHrf  min.    On    ne    demanderait    pas    tant    da 

amateur  françaix  du  xvii'  niècle,  les  détails  piécaulions  et   d'attentions   à   un    homme 

charmants  donnés  par  M.  Léopold  Delisle  dont  l'excellent  cœur  ne   serait   pas  bien 

sur  ce  sujet  (p.  17-19).  connu. 

V.  1 

mpntMcnis    KATIOXiLE, 


2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1610] 

mais  nous  trouverons   quelque  moyen  de  nous  en  revancher,  de- 
meurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

voslre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
DE  Peiresc. 
Ue  la  Floride  ',  ce  i5  8epl[embre]  1610  '. 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIÎV, 

PRIEUR  DE  ROMOLLES, 
À  S'  MAXIMIN. 

Monsieur  le  Prieur, 
On  m'a  dicl  qu'à  S'  Maximin  il  y  a  un  poltier  de  terre  qui  travaille 
fort  gentilment  sa  potlerie  lequel  a  fait  des  vases  goderonncz  pour 
monsieur  le  conseiller  Espagnet'.  Je  desirerois  qu'il  m'en  fil  une  dou- 
zaine de  bien  grands  pour  mettre  dans  mon  jardin,  mais  parceqn'il  les 
fauldra  charrier  d'un  lieu  à  l'aultré  deux  fois  l'année,  je  vouldrois  qu'ils 
fussent  bien  forls  et  bien  espois  à  celle  fin  qu'ils  ne  courussent  fortune 
de  se  casser  facilement.  Et  encore  voudrois-je  qu'ils  n'eussent  poinct 
de  pied,  afin  qu'ils  se  renversent  plus  diliicilement,  en  la  manière  (jui 
sera  marquée  cy  dessoubs.  Pour  la  coulleur,  je  voudrois  qu'ils  fussent 


'  La  Floride  était  la  maison  de  campagne , 
sitiiëe  non  loin  de  Marseille,  de  Guillaume 
Du  Vair,  alors  premier  prt'sident  du  parle- 
ment de  Provence.  On  sait  que  le  grand 
magistrat  ne  pouvait  pas ,  pour  ainsi  dire , 
se  passer  de  la  douce  compagnie  de  Peiresc 
et  qu'il  lu  garda  presque  toujours  auprès 
de  lui,  soit  en  Provence,  soit  plus  tard  à 
Paris. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  6170.  fol.  8.  Auto- 
graphe. 


'  Sur  le  conseiller  Espagnol  et  sa  famille 
voir  la  table  du  recueil  des  Lettres  de' Pei- 
resc aux  frère»  Dupuy.  Je  renvoie  mes  lec- 
l'jui-s  au  même  recueil  au  sujet  de  la  ville  de 
Saint-Maximin  et,  une  fois  ])our  toutes,  aa 
sujet  des  noms  de  lieux  et  de  personnes 
qui  auront  ëtë  dëjà  Tobjet  d'une  note  dans 
les  trois  premiers  volumes  de  la  Cbrret- 
pondance.  À  mesure  que  nous  avanceroDS, 
le  texte  prendra  toujours  plus  de  place. 
l'annotation  devenant  de  moins  en  moÏDs 
nécessaire. 


[1611]  À  D.  GUILLEMIN.  3 

de  quelque  beau  verd,  ou  bien  de  quelque  noir  ou  tanné  ^  bien  obscur 
et  bien  verny.  Je  laisse  la  grandeur  à  vostre  discrétion  parceque  les 

plus  grands  seront  presque  les  meilleurs.  Au 
moiiigs  fault  ils  qu'ils  ayent  environ  deux  pieds 
et  deniy  de  diamettre  de  plus  ou  de  moins,  et 
qu'ils  soient  bien  esgaulx  l'un  à  l'aultre.  Vous 
pourrez  faire  ce  marché,  et  m'en  donner  advis. 
Que  si  le  marché  se  pouvoit  faire  en  bled,  je 
luy  en  fairois  porter  de  Rians,  et  il  me  semble- 
roit  en  ce  cas  là,  qu'ils  ne  me  cousteroient 
rien\  Mesnagez  le  du  mieux  que  vous  pourrez, 


et  cependant  je  demeureray. 
Monsieur  le  Prieur, 


D'Aix,  ce  9  avril  i6i  i  '. 


vostre  meilleur  amy  à  vous  servir, 
DE  Peiuesc. 


III 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROMOLLES, 
À  S'  MAXEMIN. 

Monsieur, 

J'ay  receu  le  Tite-Lwe",  ensemble  dix  petites  médailles  d'argent  dont 

il  y  en  a  une  de  celles  que  je  vous  avois  tant  recommandé;  toutes  les 

autres  sont  tout  aultre  chose,  mais  je  ne  laisse  pas  de  vous  en  avoir  la 

mesme  obligation  pour  tant  de  bonne  volonté  que  vous  me  tesmoignez. 


'  Couleur  de  tan. 

^  C'est  ce  qui  s'appeiie  payer  en  nature, 
mode  de  payement  que  les  propriétaires  ont 
de  tout  temps  préfdré  au  payemnnt  en  espèces 
sonnantes. 


'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouv.  Qcq.,  8170 ,  fol.  9.  Autographe. 

'  Probablement  une  des  éditions  en  un 
volume  in-f°  données  h  Venise  par  les  Aide 
eni555,i556,i57Q, iSga. 


A  LETTRES  DE  PEIRESC  [1611] 

Je  ii'av  jamais  eu  le  Grand  HortcHus\  je  n'en  avois  qu'un  petil  abrogé* 
(jui  m'a  esté  retenu  quelque  coing  fort  longtemps  y  a.  J'ay  bien  le 
Delrio^  que  vous  demandez,  qui  est  relié  en  marroquin  prest  à  dorer. 
Je  le  fairav  achever  ceste  semaine  Dieu  aydant  et  le  vous  envoyeray 
par  le  premier,  ensemble  une  aultre  nouvelle  géographie  à  la  place  de 
YHorlelius.  Quant  h  Angers,  je  vous  puis  jurer  que  les  divertisse- 
ments'' que  j'ay  eu  m'ont  tellement  tourmenté  jusques  h  ceste  heure. 
(|ue  je  n'y  pouvois  vacquer  en  façon  quelconque;  il  fanldra  que  ce  soit 
à  ces  feriatz^  de  Noël  Dieu  aydant.  Et  lors  il  ne  nous  manquera  pas 
d'excuse  sur  l'occasion  du  voyage  que  je  voulois  y  faire  en  personne 
sans  la  précipitation  de  nostre  arrest,  afin  que  je  sois  cependant  des- 
trappe'' d'une  aiïaire  qui  me  presse  extrêmement,  sur  quov  je  vous 
baise  les  mains  demeurant. 
Monsieur, 

vostrc  allectionné  et  plus  serviable  amy, 

DE  PeiRKSC. 
D'Aix ,  cp  1 0  novembre  1 6 1 1  '. 


'  On  sait  combien  a  t'iii  longtemps  cé- 
lèbre l'ouvrage  d'Abraliam  Ortelius ,  né  h  An- 
vers en  iSay,  mort  en  iSgS,  surnommé  lo 
père  de  la  géographie,  et  qui,  du  moins, 
est  le  père  du  premier  allas  connu.  Voir  sur 
les  diverses  éditions  du  Theatrmn  orbit  ter- 
rarum  (Anvers,  iSyo,  grand  in-fol.;  ibid. , 
jôyi,  1073,  iSgS,  1098,  i6o3,  même 
f'oniial)  le  Manuel  du  libraire,  t.  IV,  p.  aqa. 

'  Brunet  n'indique  aucun  abrégé  du  re- 
ruril  d'Ortelius. 

'  Les  controverses  e."  recherches  mofpques 
du  jésuite  M.  A.  Delrio  venaient  d'Atre  tra- 


duites du  latin  |Kir  son  confrère  Audi-é  I)u- 
chesnc  (Paris,  i6t  «,  in-8*).  Voir  sur  Del- 
rio le  fasoicule  \IX  des  Corrttpondants  de 
Peiresc  :  Lettre*  du  P.  Mersemie  (I/P  Mans. 
1898,  grand  in-8*). 

'  Pour  empêchements. 

'  Fêtes,  comme  nous  l'avons  déjii  >u  plu- 
sieurs fois  dans  les  tomes  précédent». 

'  Pour  detattrapper. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisilions ,  5 1 70 ,  fol.  1  o.  Anlo- 
groplie. 


[1611]  À  D.  GUILLEMIN. 


IV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIÎN, 

PRIEUR   DE   ROUMOLLES, 
À  SAINT  MAXEMIN,  AU  COLLEGE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Il  y  a  loii{i[  temps  que  vous  auriez  receu  les  3  pièces  de  libvres  que 
je  vous  envoyé  maintenanl,  si  plus  tost  j'eusse  trouvé  commodité  de 
les  faire  tenir.  J'avois  prié  le  cappitaine  Nielis  de  m'en  chercher;  il  me 
l'avoit  promis,  mais  je  ne  l'ay  plus  veu,  dont  j'ay  esté  marry  pour 
l'amour  de  vous.  Au  surplus  vous  sçavez  le  desplaisir  que  mon  père  et 
moy  avions  receu  lorsque  vous  changeastes  voz  rentiers  de  Roumolles 
voyant  que  vous  aviez  reculé  les  anciens  serviteurs  de  nostre  maison 
pour  leur  préférer  d'aultres  nouveaux.  C'est  la  vérité  que  ce  nous  esloit 
tout  plein  de  crevecœur^  mesmes  attendu  que  les  nouveaux  ne  fai- 
soient  pas  vostre  condition  meilleure,  si  je  ne  me  trompe,  mais  cela  se 
fit  par  surprinse  sans  vous  donner  loisir  d'y  penser,  ne  d'en  prendre 
advis  de  voz  amys.  Or  j'entends  que  leur  terme  est  maintenant  expiré 
ou  peu  s'en  fault,  et  qu'il  fauldra  venir  à  un  nouveau  arrentement. 
C'est  pourquoy  j'ay  bien  voulu  vous  faire  la  présente  et  vous  exhorter 
à  concéder  quelque  chose,  si  non  à  l'afTeclion  que  feu  mon  oncle'-'  avoit 
tousjours  porté  à  Pierre,  aussy  bien  que  mon  père,  et  mon  frère,  et 
moy  luy  en  portons  tout  ce  qui  est  à  nostre  possible,  qu'au  moings 
vous  fassiez  considération  aux  offres  avantageuses  que  j'ay  aprins  qu'il 
vous  veut  faire  par  dessus  la  condition  des  autres  rentiers.  Et  cela 
estant,  j'espère  qu'il  taschera  de  couvrir  les  manquements  qu'il  pouvoit 

'  En  cette  occasion,  comme  en  toule  oc-  '  Claude  de  Fabri,  conseiller  au  par- 

casion,  Peiresc  montre  les  plus  généreux,  lement  de  Provence,  mort  eu  1608.   On 

les  plus  nobles  sentiments.  11  resti;  fidèle  h  sait  que  Peiresc  hérita  de  sa  charge,  qui 

ses  anciens  serviteurs,  comme  il  fut  toujours  était  dans    la  famille  depuis  cinq   géné- 

fidèle  à  tous  ses  amis.  rations. 


6  LETTRES  DE  PEIRESC  [1613] 

avoir  cy  devant  faicts  en  vostre  endroict,  comme  ayant  aprins  que  c'estoit 
d'estre  despouiHé  de  cest  appuy  par  son  mauvais  mesnage'.  Et  se  ren- 
dra meilleur  payeur  et  plus  facile  à  vous  donner  toute  sorte  de  satis- 
laclion.  Je  ne  doubte  pas  que  les  aultres  ne  trouvent  d'aultres  inter- 
cesseurs envers  vous,  pour  avoir  la  preferance,  mais  je  ne  me  promets 
pas  moins  de  vous,  que  vous  ne  peziez  la  differance  qu'il  y  a  des  aultres 
,  amys  de  ce  monde,  avec  ceux  de  nostre  maison  pour  vostre  regard. 
Enfin  si  vous  le  faictes,  vous  m'obligerez  plus  que  vous  ne  pensez  et  je 
seray  tousjours  d'aultant  plus, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  alTectionné  et  plus  serviabie  amy. 
DE  Peuiesc. 
D'Aix,  ce  8  décembre  i6i  i*. 

Si  mon  père  estoit  icy  je  m'asseure  qu'il  vous  en  ecriroit  conmie 
moy,  mais  il  est  en  commission  delà  la  Rivière. 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROUMOULLES, 
À  SAI.M  MAXEMIN. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  vous  fay  responce  incontinant  par  celuy  qui  m'avoit  rendu  vostre 
lettre.  Maintenant  on  m'en  a  rendu  une  autre,  et  aussy  tost  je  vous  ay 
faist  appresler  le  Tacite  que  vous  me  demandez.  Vous  y  trouverez  bien 
de  quoy  prolliter.  S'il  vous  fault  d'autre  livre,  envoyez  les  demander 
sans  cerimonie.  M'  Hermite  est  à  Beaugentier  où  il  presclia  le  jour  de 

Conduite,  procédé.  trois  petits  billetsque  je  me  contente  de  meo- 

Bibliotlièque  nationale,  fonds  français,  tionnor;  il  n'y  est  guère  question  que  de 

nouvelles  acquisitions ,  5 1 70 ,  fol.  11.  Auto-  fenouil  :  rCc  mot  n'est  que  pour  vous  prier 

graphe.  A  la  suite  de  cette  lettre  on  trouve  de  faire   chercher   des  graines  de  fanuil 


[1613]  À  D.  GUILLEMIN.  7 

l'Ascencion ,  et  ravist  tout  ie  monde  en  admiration.  Quand  vous  vouldrez , 
vous  en  pourrez  bien  faire  davantage  Dieu  aydant.  Nous  avons  receu 
nostre  arrest  contre  ceux  de  Riaiis  \  par  lequel  nous  avons  eu  tout  ce 
que  nous  demandions  excepté  les  despans.  Il  l'ault  bien  en  rendre 
grâces  à  Dieu.  Et  tous  ceux  qui  sont  de  la  maison  comme  vous  y  doi- 
vent contribuer  quelque  chose  de  leur  part.  Je  ra'asseure  que  vous  le 
fairez,  sur  quoy  je  demeureray, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  meilleur  amy  à  vous  servir, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  18  may  i6i3  ^ 


dont  Jes  couroyeurs  emploient  ie  bois  et  les 
feuilles.  M' de  Branges  en  a  des  boscages.  " 
(a3  avril  i6i3.)  —  irCe  mot  en  passant 
n'est  que  pour  vous  remercier  du  soing 
qu'avez  eu  de  la  graine  de  fanuii  et  vous 
prier  de  vous  en  ressouvenir  à  la  saison .  .  . 
je  vous  remercie  aussy  de  la  petite  mé- 
daille. .  .  »  (1"  may  i6i3.)  —  Le  26  sep- 
tembre de  la  même  ann'ie,  Peiresc  revient 
surle  même  sujet  :  (f  Je  vous  remercie  infini- 
ment du  soing  qu'avez  eu  h  m'envoyer  de 
la  semence  de  fanuii ,  mais  il  fault  que  vous 
vous  informiez  encores  de  ceux  qui  le  cul- 
tivent en  quel  temps  il  le  fault  semer  et  en 
quelle  façon  il  y  fauldra  accommoder  b 
terre.»  Le  post-scriptum  de  ce  dernier  billet 
nous  apprend  qu'il  y  eut  entre  les  deux  amis 
un  petit  combat  de  générosité'  dans  lequel 
Peiresc  fut  vaincu  :  «Je  voulois  payer  ie  port 
et  cette  femme  n'a  pas  seulement  laissé  re- 
paistre  sa  beste  céans.  Vous  estes  trop  ceri- 
monieux.  i) 

'  Les  contestations  entre  les  seigneurs  et 
la  communauté  de  Rians  ne  devaient  pas 
être  terminées  par  cet  arrêt.  J'ai  eu  entre 
les  mains  un  document  conservé  dans  les  ar- 


chives de  M.  Louis  de  Bresc ,  à  Aixen  Provence , 
qui  jiroiive  (|ue  ces  contestations  duraient 
encore  quatorze  années  plus  tard  :  Extrait 
de  transaction  passée  entre  les  seigneurs  ba- 
rons de  Rians ,  seigneurs  dudit  lieu,  Artigues 
et  Admirât,  et  les  communautés  desdits  lieux 
(cahier  in-fol.  non  paginé).  Voici  les  pre- 
mières lignes  de  ce  document  :  rrL'an  1G27 
et  le  3o""  jour  de  décembre  avant  midy 
régnant  très  chrcslion  et  très  puissant 
prince  Louis  Xlll*  par  la  grâce  de  Dieu 
Roy  de  France  et  de  Navarre  longuement 
et  heureusement  soit-il.  Comme  soit 
que  cy  devant  y  eut  de  grands  procez 
et  differens  entre  feu  Messire  Reinaud 
Fabry  en  son  vivant  seigneur  da  Callas, 
baron  de  Rians,  conseiller  du  Roy  en  ses 
Conseils  d'Estat  et  doyen  en  la  cour  des 
comptes,  aydcs  et  finances  de  ce  pays, 
d'une  part,  et  les  consuls  et  communauté 
dudit  Rians,  sur  quoy  seroit  intervenus 
divers  arrêls ,  sentences  arbitrales  et  trans- 
actions, etc.» 

'  Bibhothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  6170,  foi.  17.  Auto- 
graphe. 


LETTRES  DE  PEIRESC  [1613} 


VI 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  GUILLEMIN, 

rniEUR   DE   nOUMOULLES, 
À  SMAXEMIN. 

Monsieur  le  Prieur, 

Pendant  mon  absence  les  livres  que  vous  m'envoyiez  furent  rendus 
à  mon  père,  sans  qu'il  visl  le  muletier  qui  les  apporta.  Maintenant 
que  ie  cappitaine  Nielis  s'en  rêva,  je  vous  ay  voulu  donner  advis  de 
la  réception  d'iceux,  et  vous  dire  que  comme  tous  ceux  que  j'avois 
séparez  n'y  estoicnt  pas,  j'en  avois  aussy  trouvé  a  ou  3  qu'il  ne  me 
senibloit  pas  avoir  choisy.  C'est  pourquoy  je  désire  (jue  vous  m'en- 
voyiez une  coppie  du  roolle  qu'avez  faict  de  par  delà,  pour  voir  la 
conformité  d'iceluy  avec  lesdites  pièces.  Cependant  je  trouve  fort  bon 
que  vous  Irailliez  avec  le  père  Garrat  de  son  S'  Hierosme,  et  qu'en  ac- 
cordiez le  marché  comme  pour  vous.  Et  aprez  me  le  faisant  scavoip 
j'envoyeray  l'argent  du  prix  tout  incontinant,  et  lors  le  pourrez  donner 
au  P.  d'Ambruc  de  ma  part,  et  le  remercier  Irez  humblement  de  la 
laveur  qu'il  luy  a  pieu  me  faire  dont  je  me  resseotiray  tout  le  temps 
(le  ma  vie  envers  luy  et  envers  son  couvent  et  son  ordre.  Et  taschez  de 
sçavoir  de  luy  de  quels  autres  livres  ils  pourroient  avoir  besoinjj  afin 
que  je  leur  en  puisse  procurer  pour  le  désir  que  j'ay  de  leur  tesmoifjner 
mon  obligation. 

Du  faict  de  Roumoules  si  m'en  eussiez  cscript  loi-squ'y  voulustes  aller 
j'eusse  prié  M'  de  Riez  '  d'y  procéder  un  peu  plus  doulcement  et  crois 
(|u'il  eut  faicl  quelque  chose  à  ma  considération;  advertissez  moy 
<juand  il  sera  besoiiig  que  je  luy  escrive  et  je  vous  feray  voir  en  cela 
comme  en  toute  aultre  chose  de  combien  bon  cœur  je  suis. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  aniy. 
Peiresc. 
Cliarles  de  Sainl-Sixte  occupa  le  siège  de  Riez  du  mois  de  novembre  i  Sgg  au  1 3  avril  1 6 1 4. 


[1613]  A  D.  GUILLEMIN,  ^  9 

Je  vous  envoie  ies  Harangues  funèbres  que  vous  demandez  avec 
le  Rousset'. 

D'Aix,  ce  24  octobre  i6i3\ 


VU 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROMOLLES, 
À  S'  MAXEMIN. 

Monsieur  le  Prieur, 
M'  de  Renier  se  vouldroii  servir  des  arnioieries  de  mon  père  que 
vous  aviez  faict  graver  lorsque  vous  lui  desdiates  certaines  thèses^.  Je 
vous  en  escrivis  dernièrement,  mais  il  fault  que  la  lettre  se  soit  per- 
due. Si  vous  sçavez  qu'est  deveniie  cette  planche,  je  vous  prie  me 
l'cscrire,  ou  me  l'envoyer  si  l'avez  et  me  tenir  tousjours  pour 

vostre  meilleur  et  plus  serviable  amy, 

Peiresc. 
P'Aix ,  ce  1  a  décembre  1 6 1 3  *, 


'  Sans  doule  ie  Roman  des  chevaliers  de 
la  Gloire,  contenant  plusieurs  hautes  et  fa- 
meuses aventures  des  princes  et  des  cheva- 
liers qui  parurent  aux  courses  faites  à  la  place 
royale  pour  la  fête  des  alliances  de  France  et 
d'Espagne,  etc.,  par  François  de  Rosset, 
Paris,  v'  Bertauit.  i5ia,  et  Fr.  Huby, 
161 3,  in-/l°.  Cet  ouvrage  de  circonstance 
fut  fort  rechercbé  et  on  en  fit  une  nouvelle 
édition  en  1616  sous  un  titre  différent 
(Paris,  Fr.  Huby,  in-4°). 


'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  6170,  fol,  19.  Auto- 
graphe. 

'  Probablement  les  thèses  que  l'on  sou- 
tenait dans  les  classes  supérieures  ou  huma- 
nités. Plus  tard  Guillemin  devint  docteur 
en  théologie;  il  obtint  le  diaconat  en  1618 
et  la  prêtrise  en  1619. 

''  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français , 
nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  ao.  Auto- 
graphe. 


tilPItlUEItlE     NiTIONiLE. 


10 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1613J 


VIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

{■RIEUR  DE  ROUMOULES, 
À  S'  MAXEMhN,  COLLEGE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  vous  remercie  de  la  planche',  et  je  vous  asseure  qu'elle  vous. 
sera  fort  seurement  renvoyée,  fattendois  tousjours  (jue  ni'escrivissiez 
le  prix  du  Saint- JerosmeS  sans  cela  j'en  eusse  desja  faict  venir 
un  d'ailleurs.  Je  vous  prie  de  m'en  csclaircir  au  plus  tost  que  vous 
pourrez,  et  me  sçavoir  dire  à  peu  prcz  quels  aultres  livres  il  y  a  au 
mesme  lieu,  qui  poussent  estre  agréables  h  ccz  bons  pcres'  en  cas  qu'il;» 
soient  à  vendre  et  que  je  les  leur  peusse  donner,  afin  que  si  ce  n'est 
de  ce  costé  là,  que  je  tasche  d'ailleurs  de  leur  tesmoigner  ina  bonne 
volonté,  ne  pouvant  assez  remercier  le  R.  P.  d'Anibruc  de  tant  do 
courtoisie  dont  il  a  usé  en  mon  endroict,  et  dont  je  ne  désire  pas  de 
mourir  ingrat.  Tous  les  livi'es  que  j'eus  sont  les  niesmes  du  loolje, 
mais  il  y  en  a  quelqu'un  qui  n'estoit  pas  du  nombre  de  ceux  que 
j'avois  séparez  et  au  contraire  il  en  est  demeuré  quelques  uns  de 
ceux  que  je  desirois  voir  encores  et  entre  aultres  une  pièce  de  Beda 
Venerabilis ',   si  je  ne  me   trompe,  et  cette   pièce  du   Tito-F.ive   et 


'  liD  planche  des  armoiries  réclama 
flans  la  lettre  précédente. 

^  Le  Saint -Jérôme  mentionné  dans  la 
lettre  du  2  4  octobre  161 3. 

'  Dans  cette  lettre  et  dans  celles  du  ai  oc- 
tobre précédent,  du  a 9  mars  et  du  11  avril 
161/1,  il  parait  être  question  de  livres  ma- 
nuscrits ou  imprimés  que  les  relijjieux  de 
Saint-Maximin  durent  abandonner  à  Pei- 
resc.  Il  y  a  à  la  Bibliothèque  nationale ,  fonds 
latin,  n"  348  et  aôaS,  deux  manuscrits, 
l'un  du  Liber  de  proprielatibus  rerum  de 


Barlhélemi  l'Ang-lais,  l'autre  du  Mammo- 
Ireplus,  (jui  viennent  du  couvent  de  Sainl- 
Maximin  ;  tous  deux  ont  passé  par  la  biblio- 
thèque du  canlinal  Mararin;  celui-ci  les 
avait  sans  doute  trouvés  dans  la  partie  du 
cabinet  de  Peiresc  qu'il  acheta  du  baron 
(le  Rians.  (Comumoication  de  M.  Léopold 
Delisle.) 

*  Sur  Bède  le  Vénérable,  que  l'on  a  sur- 
nommé l'homme  le  plus  savant  de  son  époque 
(673-735),  voir  le  ïiéperloire  du  chanoine 
Ulysse  Chevalier  (fascicule  I  ). 


[IGl/.]  À  D.  GUILLEMIN.  11 

quelque  aultre  dont  il  ne  me  souvient  plus.  Voyez  si  sçaurez  trouver 
ceux-là.    J'ay   ouy   parler  en  Arles   de  quelque  traicté  qui  s'est  es- 
bauché  avec  vous  :  ne  i"esolvez  rien  sans  prendre  advis  de  vos  amis\ 
et  croyez  que  je  seray  à  jamais, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
Peiresc. 

D'Aix ,  ce  1 4  décembre  1 6 1 3  '. 


IX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROMOLLES, 

À  S'  MAXEMIN,  DAiNS  LE  COLLÈGE  ROYAL'. 

Monsieur  le  Prieur, 
Les  occupations  du  Palais  et  aultres,  tant  domestiques  que  de  ceux 
qu'il  nous  fault  servir  à  toute  heure,  me  divertissent  de  telle  sorte 
que  si  je  ne  suis  pressé  de  faire  responce  aux  lettres  qui  me  viennent  de 
plusieurs  divers  endroicts,  il  n'est  pas  bien  en  mon  pouvoir  d'y  satis- 
faire. Ce  n'est  que  cela  seul  qui  m'a  empesché  de  vous  respondre,  et 
non  aulcune  des  considérations  que  vous  vous  estiez  imaginé.  Je  vous 
ayme  trop  pour  concevoir  aulcune  sinistre  opinion  de  vous,  quand  on 
me  vouldroit  persuader  le  contraire,  je  procederois  par  remonstrances 
plus  tost  que  par  silence  et  vous  traitterois  plus  tost  comme  un  mien 
frère,  que  comme  persone  qui  me  fut  indifférante.  Croyez  le  assuré- 
ment, et  ne  doubtez  jamais  de  la  continuation  de  mon  affection  en 
vostre  endroict  parceque  je  suis  si  asseuré  au  jugement  que  j'ay  faicl 

'  Peiresc  craignait  que  l'on  n'abusât  de  nouvelles  acquisitions ,  6170,  fol.  ai.  Auto- 
la  candeur  de  Guillemin.  Plus  tard ,  quand  graphe. 

le  bon  prieur  fut  rompu  aux  affaires,  son  '  Rappelons    que    Peiresc    avait   dludit^ 

correspondant  mit,  comme  nous  le  verrons,  pendant  quelque  temps  en  ce  mi-me  collège, 

toute  sa  confiance  en  lui  et  le  félicita  sou-  m  San-Maximilano  collegio,  comme  s'ex- 

venl  sur  ses  babiies  négociations.  prime  Gassendi  (livre  I,  p.  i5). 

■  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 


\-2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1614. 

(le  vostre  vertu  et  de  vostre  bonté,  que  je  ne  croirois  jamais  que  vouf 
dussiez  faire  d'action  contraire  à  cela.  Continuez  seulement  vos  estudes 
afin  que  vous  ayez  par  aprez  davantage  de  moyen  de  vous  acquitter 
de  vostre  debvoir  envers  Dieu. 

M''  Herniitte  dict  il  y  a  quinze  jours  sa  preiiiiL-re  messe  sans  ceri- 
monic  en  l'Eglise  de  la  doctrine  où  il  donna  tout  plein  de  bonne  édi- 
fication de  luy.  Quand  vous  aurez  atteint  comme  luy  le  terme  de  vos 
estudes,  je  seray  bien  aise  de  vous  voir  aussy  bien  faire  que  luy,  m'as- 
seurant  qu'il  ne  tiendra  qu'à  vous  de  faire  encores  mieux ,  Dieu  aydant. 
Au  surplus  j'oubliois  de  vous  dire  qu'il  fault  que  le  S'  Jerosme  du 
P.  Charlois  soit  bien  richement  babillé,  puisqu'il  le  tient  à  5o  libvres. 
Car  j'en  puis  avoir  un  tout  neuf  dans  Lyon  pour  3o  libvres  et  le  port 
n'en  sçauroit  pas  couster  3  libvres  qui  est  bien  loing  de  ce  compte  là. 
Voyez  de  me  sçavoir  dire  le  lieu  de  l'iiiqjression  de  celuy  là,  si  c'est 
de  plus  beau  papier  que  l'ordinaire,  s'il  est  réglé  et  lavé  ou  s'il  va 
aultre  qualité  qui  le  puisse  rendre  si  cher,  et  que  je  sois  bieiil4)st 
résolu  du  dernier  prix,  aultrement  je  feray  venir  l'aultre,  demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
Peiresc. 

Du  faict  d'Arles,  je  ne  vous  sçaurois  rien  dire  à  cette  heure  j)arce 
que  je  n'ay  pas  trouvé  à  ma  main  ce  que  m'en  aviez  escript  avec  les 
papiers  qu'y  aviez  joincts. 

D'Aix,  ce  a 9  mni-s  i6i4  '. 


'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  5170,  fol.  a3.  Auto- 
graphe. 


[1615]  À  D.  GUILLEMIN.  13 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROUMOLLES, 

À  S'  MAXEMIN,  AU  COLLEGE  ROYAL. 
(Avec  un  livre  noir  clans  un  sachet.) 

Monsieur  le  Prieur, 
Le  cœur  me  disoit  que  ce  livre  du  P.  Charlois  ne  seroit  pas  grand 
chose,  et  de  faict,  l'impression  est  trop  vieille  et  la  relieure  trop 
jjoffe  ^  pour  en  payer  seulement  le  tiers  de  ce  qu'il  en  demandoit.  Je 
suis  fort  aise  de  n'avoir  pas  achepté  chat  en  sac'^  et  ne  suis  marry  que 
du  temps  qui  s'est  perdu,  durant  lequel  j'en  eusse  eu  un  tel  qu'il  s'ap- 
partient. J'y  pourvoiray  maintenant  à  la  première  occasion  Dieu  ay- 
dant  ensemble  à  quelque  aultre  livre  qui  soit  du  goust  de  cez  bons 
pères,  si  vous  en  pouvez  rien  sentir^  comme  je  vous  avois  ordonné, 
demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
Peibesc. 

D'Aix ,  ce  1 1  avril  1 6 1 4  *. 


XI 
\  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROUMOULLES, 

À  S'  MAXEMLN,  AU  COLLEGE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Il  est  couru  un  bruict  qu'à  cette  veille  de  nostre  Dame  la  Chandeleur 

'  Grossière.  Nous  avons  rehvé gofe ,  gof-  chat  en  sac.  —  Folie  esl  d'accepter  chai  en 

Jement  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  sac.n 

'  On  trouve  dans  le  Livre  des  proverbes  '  Deviner. 

français  de  Le  Roux  de  Lincy  (t.  I,  p.  187 )  *  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

ces  deux  citations  tirdes  d'un  recueil dM(/ag-ftï  nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  a/i.  Auto- 

français  du  xvi"  siècle  :  ffC'cst  mal  achat  de  graphe. 


lA  LETTRES  DE  PEIRESC  [1613J 

vous  deviez  exécuter  le  desseing  dont  aultrc  fois  nous  avions  parlé 
ensemble  à  Montrieu  ',  et  que  vous  estiez  venu  me  voir  pour  me  le  com- 
muniquer. C'a  esté  la  cause  que  trouvant  cette  commodité,  j'ay  voulu 
vous  en  donner  advis,  ])our  vous  dire  (|ue  je  ne  le  crois  pas,  et  que 
(juand  vostre  intention  seroil  telle,  j'estime  que  vous  vous  en  viendriez 
conseiller  à  moy  sçacliant  bien  que  je  ne  suis  pas  pour  vous  dissuader 
d'aulcun  bon  dessein  que  vous  sceussiez  avoir,  ains  seulement  vous 
représenter  les  inconvénients  auxquels  il  fault  bien  penser  et  repenser, 
pour  ne  se  laisser  surprendre.  Si  trouvez  commodité  de  m'en  escrire,  j'en 
sçauray  volontiers  la  vérité,  et  ne  fault  qu'envoyer  voz  lettres  à  Aix  à 
mon  père  qui  me  les  fera  tenir,  ou  bien  à  Drajjuignan  chez  M' de  Meaux^ 

Adieu. 

Vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
Peiresg. 

De  Roqucbrune ',  ce  37  jfinvipr  i6».S  '. 


XII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  REMOULLE, 

À  S'  MAXEMIX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Trouvant  ceste  commodité  de  vous  faire  tenir  le  S'  Hierosme  que 

j'avois  promis  à  cez  messieurs  les  religieux  de  S'  Maxemin,  je  le  vous 

ay  bieii  voulu  envoyer,  pour  vous  prier  de  le  faire  mettre  dans  leur 

librairie,  et  sçavoir  quels  livres  ils  desireroient  d'avoir,  parce  que  je  les 

'  La  cliarlreuse  de  Montrieux,  pi-ès  de  '  Petite  ville  du  déparlement  du  Var, 

Belgentier.  Voir  h  recueil   Peiresc-Dupuy  arrondissement  de  Draguijpiau ,  canton  de 

(t.  I,  p.  91a).  Fn'jus,  à  8  kilomètres  ouest  de  cette  der- 

'  Un  parent  de  Peiresc  dont  le  nom  figure  nière  ville, 
deux  fois  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy  et  *  Bibilothèque  nationale,  fonds  français, 

((ue  nous  retrouverons  souvent  dans  le  vo-  nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  aô.  Auto- 

luine  qui  sera  consacré  à  la  correspondance  graphe, 
de  Peiresc  avec  sa  famille. 


[1619]  A  D.  GUILLEMIN.  15 

en  vouklrois  bien  gratifier  s'il  estoit  possible,  estant  marry  que  celuy  cy 

ait  tant  tardé,  mais  mon  absance  et  mon  indisposition  en  ont  esté 

cause.  Me  recommandant  à  leurs  bonnes  prières  et  aux  vostres,  sur 

quoy  je  demeureray, 

Monsieur, 

vostre  Irez  affectionné  serviteur, 

Peiresc. 
À  Aix,  ce  16  jiiiHet  161 5. 

Le  cappitaine  Nielis  désire  bien  que  vous  vous  souveniez  de  luy  en 
je  ne  sçay  quelle  allaire  oh  vous  ne  le  sçauriez  obliger  sans  m'obliger 
moy  mesme,  et  si  M'  de  S*^  Marc  a  depuis  continué  ses  discours \  il 
est  temps  de  me  les  faire  voir  s'il  l'a  agréable,  pour  les  insérer  en  leur 
lieu.  Je  vous  prie  de  luy  baiser  trez  humblement  les  mains  de  ma  part. 

J'ay  donné  un  quart  d'escu  au  presant  porteur  pour  le  port'^ 


XIII 
V  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  UOUMOULLES, 
À  S'  MAXEMIX. 

Monsieur  le  Prieur, 
Ayant  faict  tenir  voz  pacquetsàM'  vostre  frère  à  Villeneulve-le-Hoy*, 
il  en  est  voulu  venir  porter  la  response  luy  mesme,  que  vous  aurez 
par  l'homme  de  M'  de  la  Verdiere,  qui  partit  devant  hier  en  poste. 
Il  est  aprez  pour  obtenir  icy  une  sauvegarde  pour  son  beau-père,  où  je 
le  serviray  le  mieux  que  je  pourray.  J'espère  aprez  Pasques  Dieu  ay- 
dant  d'aller  faire  un  petit  voyage  en  Guienne  pour  voir  en  passant 

'  Sur  ce  conseiller  au  parlement  d'Aix,  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

qui  était  en  même  temps  professeur  de  droit  nouvelles  acquisitions ,  5 1 70 ,  fol.  a6.  Aulo- 

à  l'universitf!  de  cette  ville,  voir  le  recueil  graphe. 
Peiresc'Dupuy,  t.  Ill,  p.  /i.").  '  Près  de  Paris. 


16  LETTRES  DE  PEIRESC  [1623] 

l'Abbaye  de  Guistres  qu'il  a  pieu  au  Roy  me  donner  '  et  de  là  je  passe- 
ray  en  Provence  où  nous  vous  verrons.  Je  loue  grandement  voslre  sainte 
resolution  de  prendre  les  ordres  sacrez.  Il  lauldra  que  j'en  fasse  bien- 
lost  aultant^  Cependant  je  me  recommande  à  voz  bonnes  prières,  de- 
meurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  allectionné  à  vous  servir, 
DE  Peirrsc. 

De  Paris,  ce  a  febvrier  1619  '. 


XIV 
-  À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE   ROUMOULLES  (stc) , 
À  ROMOULLES  {sic). 

Monsieur  le  Prieur, 
Il  y  a  quelques  jours  que  je  receus  vostre  lettre  du  29  novembre- 
avec  celles  de  M"  de  Sisleron*  et  d'Apt*  que  je  vous  renvoie  ouvertes 
afin  que  vous  voyiez  les  termes  où  ils  peuvent  en  eslre  demeurez  avec 
vous,  que  je  trouve  un  peu  dilTerents  d'avec  ce  que  vous  me  mandez; 
vous  en  ferez  vostre  prodict,  et  je  continueray  de  vous  rendre  en  leur 
endroict  touts  les  meilleurs  offices  que  je  pourray.  Vous  aurez  sceu 
que  les  Eslats  sont  mandez  au  1 2*  du  mois  prochain  ;  je  pense  que 
ces  messieurs  ne  manqueront  pas  de  s'y  trouver;  je  leur  rafraichiray 
mes  prières  de  vive  voix  et  si  vous  y  venez  vous  en  pourrez  estre 

'  Il  y  avail  d^jà  plus  de  Irois  mois  que  '  Peiresc  ne  prit  jamais  les  ordres  sacn^s. 

Louis  XIII  lui  avait  donné  celle  abbaye,  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

puisque,  dès  le  a3  octobre  de  l'amiée  pré-  nouvelles  acquisitions,  5 170,  fol.  07.  Auto- 

cédente,  le  nouveau  titulaire  annonçait  celle  graphe. 

nouvelle  h  Aleandro,  comme  l'a   rappelé  *  Toussaint  de  Glandeve  de  Cujes  siégea 

M.  labbé  Louis  Bertrand,  sous  le  nom  d'An-  de  1607  h  )648.  Voir  le  recueil  Peiresc- 

toine  de  Lanlenay,  dans  Peiresc  abbé  de  Dupuy,  t.  I,  p.  oj. 

Guitres,  p.  7.  5  Jean  Pélissier  siégea  de  1607  à  1639. 


[1623]  À  D.  GUILLKMIN.  17 

tesmoiiig  vous  mcsinos.  Je  n'ai  pas  encor  sceu  prendre  à  poinct 
M?''  TEvesque  de  Frejus'  pour  luy  en  parler  pour  ne  mettre  cas  sur 
cas  attendu  que  j'attends  l'événement'^  d'une  prière  que  je  luy  ay  faitte 
pour  le  prothonolaire  Aguillenqui^  car  s'il  ne  faict  ce  qu'il  m'a  promis, 
je  suis  incertain  comment  je  pourray  vivre  avec  luy  désormais.  J'es- 
père que  nous  en  serons  esclaircis  dans  7  ou  8  jours,  tout  au  plus 
tard,  cependant  je  denieureray. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostrc  Irez  affectionné  à  vous  servii', 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  16  décembre  if)S23. 

Enquerez  vous  un  peu,  je  vous  prie,  si  dans  vos  montaignes  il  se 
trouve  poinct  de  ces  pommes  qu'en  France  on  appelle  du  nom  de  He- 
iielte,  lesquelles  sont  fort  jaunes  en  la  pelure  et  ont  la  chair  niesmes 
jaunaslre;  leur  forme  est  un  peu  poinctue  comme  une  poire  renver- 
sée, leur  goust  est  aigrelet  et  fort  aggreable  à  manger  avec  du  sucre, 
et  se  gardent  toutle  l'année.  Entre  celles  que  vous  nous  fistes  ap- 
porter, il  s'en  est  trouvé  5  ou  G  par  hasard  qui  tenoient  un  peu  de 
ce  goust  et  de  cette  forme  poinctue,  mais  elles  estoient  de  couleur  fort 
verde  et  estoient  les  meilleures  de  toutes  celles  que  vous  avez  envoyées 
à  mon  goust.  S'il  s'en  trouvoit  de  vrayes  renettes,  j'en  achepterois 
volontiers  une  charge  pour  ma  provision  de  ce  caresme.  Je  vous  prie 
d'en  faire  chercher  et  de  me  faire  sçavoir  ce  qu'elles  cousteront.  J'ou- 
bliois  de  vous  dire  qu'elles  ont  quelquefois  la  pellure  pointillée  de  petits 
poincts  ou  grains  noirastres  et  quelquefois  de  grosses  tasches  grises. 
Il  y  en  a  qui  ont  la  chair  blanche,  mais  elles  ne  sont  pas  si  bonnes  de 
beaucoup  et  ne  sont  pas  comprinses  sous  le  nom  de  franches  Kenettes*. 

'  Barthélémy  de  Camelin  siégea  de  1696  i-esc-Dupuy,pfl.ssH«.  Ce  personnage  reparaîtra 

à  1687.  Voir  Recueil  l'eiresc-Dupuy,  t.  I,  souvent  dans  le  reste  de  la  correspondance. 

p.  170.  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

^  Pour  résultat.  nouvelles  actpiisitions,  5170,  fol.  36.  Ori- 

^  Sur  ce  protonolairc,  parent  de  Peiresc,  pinal.  La  signature  seule  est  do  la  main  de 

ri  f|ui  fut  prévôt  de  iiarjols,  voir  Recueil  Pei-  Peiresc. 

iMPnntrnir    x  in  on  a  1.1:, 


18  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G24] 


XV 
À  MONSIEUR,  MONSIEl'R  GLILLEMIN, 

PRIEUR   DE   ROUHOULLES, 
À  ROUMOIIU.ES. 

Monsieur  le  Prieur, 

J'ay  receu  vostre  despesche  du  /i''  de  ce  mois  ensemble  les  3  petittes 
{{ondoHes  et  les  pommes  dont  je  vous  remercie  bien  fort  et  vous  en 
eusse  bien  sceu  davantage  de  gr»«  si  par  mesme  moyen  vous  m'eussiez 
escrit  ou  faict  dire  par  vos  gents  ce  que  coustoient  lesdictes  pommes 
et  les  fraiz  de  voicture,  car  cela  sera  cause  que  je  ne  vous  en  de- 
menderay  pas  une  aultre  fois  avec  mesnie  liberté;  je  ne  vous  sçanrois 
encor  dire  mon  advis  de  leur  goust,  jmr  ce  que  je  me  suis  trouvé  sur- 
pris d'une  fascheuse  toux  laquelle  m'empescbe  d'en  oser  manger  de 
touttes  crues  comme  je  ferois  trez  volontiers. 

Pour  le  surplus,  nous  attendrons  vostre  venue  à  cez  procliains  Estai/ 
et  tasclierons  de  faire  pour  vous  tout  ce  qui  nous  sera  possible  en 
eschange  de  tant  d'effects  de  vostre  bonne  volonté.  Si  vous  allez  passer 
à  Riez  avant  que  venir,  je  vous  prie  d'y  transcrire  le  plus  exactement 
que  vous  pourrez  toultes  les  inscriptions  antiques  qui  s'y  trouvent  et 
cependant  je  demeureray. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  et  affectionné  serviteur, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  9  janvier  i6a4  '. 

Bibliolhètine  nationale,  fonds  fiançais,  nouvelles  acquisitions,  5 170,  foi.  Sy.  La  signa- 
ture seule  est  autographe. 


[1624] 


A  D.  GUILLEMIN. 


19 


XVI 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROUMOULLES, 
À  S'  MAXEMIN. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  vous  sçay  fort  bon  gré  du  soing  que  vous  avez  eu  de  nous  laire 
tenir  si  diligemment  la  boitte  de  lleurs  que  vous  avoit  addressée  M"'  le 
prieur  de  Beaugenliex',  laquelle  est  arrivée  fort  bien  conditionnée 
Dieu  mercy.  Je  luy  faicts  un  mot  de  response  que  je  vous  prie  de  luy 
envoyer  par  le  premier  qui  s'en  ira  de  voz  quartiers  de  ce  costé  là  el 
qui  passera  par  voz  faulxbourgs,  si  vostre  bomme  ne  trouve  en  s'en 
allant  d'icy  là  cpielque  commodité  de  la  faire  tenir  comme  je  l'en  ay 
prié  d'y  prendre  garde.  Mon  père  vous  remercie  de  voz  perdrix  et  je 
vous  envoyé  un  cbeval  pour  venir  mardy  comme  vous  m'avez  promis, 
demeurant  cependant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  afl'ectionné  à  vous  servir, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  i"  avril  l6a^l^ 


gentiex  le  nom  qu'il  écrit  d'ordinaire  Beau- 
Ifenlter.  IMus  lard  Giiillemin  devint  prieur  de 
Beigentior,  comme  nous  l'apprend  en  ces 
termes  Gassendi  (liv.  IV,  p.  38o)  :  Pridem 


Roinotlarum ,  el  iiuiic  etiiiin  Belgenserii  pvw- 
rutiim,  ut  vacant,  ohtinuit. 

"  Bibliothèque  nationale,  fonds  irançuis, 
nouvelles  acquisitions,  5 170,  loi.  38.  Ori- 
ginal avec  signature. 


20  LETTRES  DE  PEIRESC  [162A] 


Wff 
À  MONSIEUR,  MONSIKUR  GUFLLEMIN, 

PBIEUR  DE  ROUMOl'LES, 
À  ROUMOULES. 

(rECOHMANDK  à  riez  a  51'  I.E  GRARD  VICAIRE  DD  S'  EVCfQDB  DB  RIEZ.) 

Monsieur  le  Prieur, 

Enfin  l'occasion  s'est  présentée  d'accej)ter  l'offre  que  vous  m'avez 
iaicte  de  voslre  vallet,  car  il  a  prijis  «ne  humeur  à  Claude  de  de- 
meurer trois  jours  hors  du  logis,  sans  que  je  Taye  veu  durant  ledirt 
temps  sur  le  poincl  que  mon  frère  estoit  sur  son  despart,  que  mon 
clerc'  estoit  occupé  à  escrire.  De  sorte  qu'il  m'a  bien  incommodé,  et 
a  depuis  eu  tant  de  honte,  qu'il  n'a  pas  eu  le  courage  de  se  repré- 
senter devant  moy,  dont  j'ay  esté  infiniment  aise  pour  avoir  un  juste 
prétexte  de  m'en  desfaire.  Je  vous  prie  donc  de  ni'envoyer  vostre 
garçon  le  plus  tost  que  vous  pourrez,  car  il  me  viendra  bien  à 
poinct  maintenant  que  mon  frère  est  parly  avec  tous  ses  gents,  en- 
semble mon  cousin  de  Meaux ,  et  que  mon  père  est  encore  malade.  Je 
crains  que  cela  ne  vous  incommode  et  suis  bien  marry  de  le  vous 
oster  en  cesle  saison.  Je  lenq)orisois  lanl  que  je  pouvois,  mais  il 
n'y  a  plus  de  moyen  de  différer.  Je  vous  serviray  en  revanche,  el 
seray  toujours. 

Monsieur  le  Prieur, 

voslre  Irez  affectionné  serviteur, 

DE  Peiresc. 

H'Aix,  ce  29  juin  lôai. 

Je  vous  rendray  l'argent  que  vous  luy  donnerez  j)our  sa  des- 
pence jusques  icy  avec  d'aultre  dont  il  nous  fault   venir  à   compte. 

'  C'est-à-dire  secrétaire. 


[1624]  À  D.  GUILLEMIN.  21 

Si  je  sçavois  par  quelle  voye  ira  cette  lettre,  je  vous  en  eusse  en- 
voyé '. 


XVIIl 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROUMOULLES, 

À  ROUMOULLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  suis  bien  ayse  que  l'une"  de  mes  lettres  soit  parvenue  entre  vos 
mains  et  ne  puis  assez  vous  remercier  de  la  franchise  et  promptitude 
avec  laquelle  vous  m'avez  voulu  donner  vostre  serviteur.  J'ay  un  peu 
de  regret  qu'il  ne  vous  ait  faict  faute  pendant  vostre  indisposition  de 
migraine  et  qu'il  ne  vous  face  encor  faute  à  l'advenir,  mais  [vous 
avez]  voulu  adjouster  ce  tesmoignage  d'alTection  à  tant  d'aultres  que 
vous  m'en  aviez  donnez  de  longue  main  dont  je  tascheray  de  me  mieux 
revancher  à  l'advenir  que  je  n'ay  faict  par  le  passé,  si  j'en  puis  avoir 
davantage  de  moyen.  Je  le  feray  habiller  cette  sepmaine  afin  de  vous 
renvoyer  au  plus  tost  l'habit  que  vous  lui  aviez  faict  de  vostre  livrée, 
pour  vous  en  pouvoir  servir  en  la  persone  de  celuy  que  vous  luy 
subrogerez.  Mais  j^  suis  en  peine  par  quelle  voye  je  vous  le  feray  tenir. 
Si  je  n'en  trouve  de  commode  pour  Riez,  je  l'envoyeray  à  S'  Maxemin 
oh  c'est  qu'en  un  besoing  l'homme  que  vous  prendrez  le  pourra  venir 
quérir.  Je  n'avois  point  ouy  parler  du  cuir  doré  que  vous  faisiez  faire 
en  Avignon.  J'en  escriray  à  Mons""  de  Mondevergues  '^  par  le  premier 
et  envoyeray  à  S'  Maxemin  suyvant  vostre  ordre  tout  ce  que  je  pour- 
ray  recouvrer  si  je  n'ay  commodité  plus  propre  pour  l'envoyer  droit >^ 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  tioiiné  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  JIl , 

nouvelles  acquisitions,  vol.  6170,  fol.  89.  p.  95/i),  et,  avec  deux  documents  signés 

Suit  (fol.  ho)  un  duplicata  de  la  présente  de  lui,  dans  le  fascicule  VIII  des  Correspon- 

lettre,  avec  cette  addition,  à  la  fin  :  frJc  danls  de  Peiiesc  :  Letlros  du  cardinal  Utchi, 

vous  ay  envoyé  à  S'  Maxemin  l'original  de  évêquc  de  Carpentras  (et  autres  personnages 

cette  lettre.  1  du  Gomtat  Venaissin),  p.  a5-3a  do  la  se- 

'  Jérôme  Lopès  de  Mondevergues ,  men-  conile  partie. 


■2-2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 

Riez.  J'escriray  vendredy  à  M"^  le  cardinal  Bentivojjlio  '  el  liiy  feray  un 

recharge  ^. 

Ne  pouvant  vous  dire  autre  chose  si  ce  n'est  que  je  suis  tousjours, 

Monsieur  le  Prieur. 

voslre  plus  serviable  et  nicillfur  aniy, 

DE  PeiRESC. 

D'Ak,  ce  8  juillet  169 4'. 


XIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GLILLEMIX, 

PniKUn   DE   ROtMOULLES, 
À  ROUMOLLLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Trouvant  cette  bonne  comodité  de  vous  escrire  j'ay  bien  voulu  vous 
advertir  que  le  landemain  du  despart  de  François,  je  receus  lettres  de 
M'  Aleandre  "  eu  datte  du  six  du  mois  passé  portant  que  le  jour  pre-' 
cèdent  le  bon  P.  d'Ambruc  avoit  esté  mené  par  M'  de  Betbunes'*  et 
avoit  présenté  ce  qu'il  portoit  qui  avoit  esté  extrêmement  bien  receu. 
J'eus  par  niesme  moyen  une  aultre  lettre  du  i5  d[un  aultre  de  mes 
amis  à  qui  ledict  P.  d'Ambruc  avoit  rendu  un  libvre  de  ma  part.  Je 
croids  que  nous  aurons  bientost  des  nouvelles  de  luy-mesmes,  c'est- 
à-dire  par  l'ordinaire  qui  viendra  d'aujourdhuy  en  8  jours  dont  je  vous 
feray  part.  Paul"  se  monstre  fort  serviable  et  gentil  garçon,  son  habit 
n'a  pas  encore  peu  estre  achevé  pour  aujourd'huy  dont  je  suis  bien 

'  Sur  le  cardinal  Bentivoglio,  correspon-  Peiresc-Dopuy,  pa««»in,  el,  daiLS  le  présent 

daiit  et  ami  de  l'eirosc,  voir  les  trois  tomes  tome,  a  ia  suite  des  lettres  à  D.  Guilleinin. 

du  recueil  des  lettres  aux  frères  Dupuy.  les  lettres  h  L.  tlolslciiius. 

■  Rappel,  insistance.  '  Sur  l'ambassadeur  à  Rome  Pliilippc  de 

■*  Bibliollièquc  nationale,  fonds  français,  Bi'tliuae,  voir  le  recueil  Peiresr-Dupny.  t.  I 

nouvelles  actpiisilions ,  6170,  fol.  4a.  Ori-  et  II,  pasxim. 
ginal  avec  simple  signature.  '  Le    serviteur    prélé    par  le    prieur    à 

'  Sur  Jt'rôm3  Aleaudro,  voir  le  recueil    '     Peiresc. 


[162/1]  À  D.  GUILLEMIN.  23 

marry,  car  le  présent  porteur  le  vous  eust  reporté,  mais  je  l'envoyeray 

par  le  premier.  Cependant  je  demeureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

voslre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix ,  ce  1 2  juillet  1634  '. 


XX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR   DE  ROUMOULLES, 
À  ROUMOULLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  aujourd'huy  receu  incontinant  aprez  disner  une  lettre  du  -iG 
de  ce  mois  par  le  présent  porteur,  ensemble  une  aultre  pour  mon  frère 
de  Vallavez  que  j'envoye  demain  en  cour  par  un  des  enfants  d'Estienne 
et  parce  que  ce  porteur  m'a  dict  que  le  sieur  de  Frontienes  estoit  en 
cette  ville  depuis  deux  ou  trois  jours,  je  l'ay  prié  de  l'aller  chercher 
pour  tascher  de  recouvrer  mon  pacquet  et  à  ce  soir  sur  les  sept  heures 
ledict  sieur  de  Frontienes  a  prins  la  peine  de  me  l'apporter  luy  mesuies 
avec  tout  plein  d'excuses;  j'y  ay  trouvé  vostre  lettre  du  xui^  avec  les 
anticailles  dont  je  n'estime  que  la  1"=  et  la  dei'nière  que  vous  cottez 
])ar  numéro  i  et  v  et  regrette  que  l'eau  de  la  fontaine  gaste  la  cin- 
quiesme  que  je  trouve  l'or!  gentile  et  qui  mérite  bien  avant  qu'on 
1  achevé  de  gaster,  qu'on  la  fasse  desseigner"^  par  quelque  garçon 
peintre  de  tous  les  trois  costez  pour  voir  la  forme  des  testes  de  tau- 
reau, de  bellier  et  des  pommes  de  pin.  Je  vous  renvoyé  la  lettre  du 
1  o  may  à  laquelle  il  n'escheoit  pas  de  grande  response  puisque  l'ordre 
en  est  revocqué  par  celle  du  lA  juin,  laquelle  prévaudra  désormais 

'  BiWiotlièquc  nationale,  fonds  français,  ^  Dessiner,  comme  nous  l'avons  déjà  vu 

nouvelles  acquisilioiis,  5170,  fol.  'i5.  Ori-        dans  les  tomes  précédents, 
jjinal  avec  simple  signature. 


24  LETTRES  DE  PEIRESC  11624] 

à  mon  advis.  J'ay  plainct  et  plainctz  cncores  le  pauvre  M'  Cotelon  et 
suis  bien  fasché  qu'il  porte  la  folle  enchère  pour  aulruy  à  ce  coup  cy, 
mais  je  ne  pense  pas  mourir  que  je  ne  le  voye  bientost  vangé  de  tous 
ceux  qui  luy  ont  randu  ou  procuré  ce  mauvais  office  (piel  (pùl  soit. 
Je  vous  escrivis  devant  iiier,  par  un  nommé  lloyer  de  liiez  qui  se 
chargea  de  l'habit  de  Pol.  J'ay  depuis  receu  des  nouvelles  lettres  de 
Rome  du  xui  de  ce  mois  d'un  intime  amy  de  M' le  Cardinal  et  de  moy 
qui  me  faict  encor  de  nouvelles  recommandations  de  sa  part,  ce  que 
je  n'ay  pas  voulu  obmettre  pour  vous  oster  entièrement  l'allarme  où 
l'on  vous  avoit  mis  de  par  delà  ',  INous  eusmes  hier  au  soir  des  nou- 
velles de  mon  frère  de  Vallavez  de  Paris,  du  ta  et  1 4  de  ce  mois;  il 
en  partict  le  1 5  pour  aller  à  Couq)iegne  aprez  avoir  mis  ordre  à  ses 
rilTaires,  et  sur  ce  je  demeure, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  aflectionné  à  vous  servir, 

DE  Peibesc. 

A  Aix,  ce  xiii'  juillet  iGai  '. 


XXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROUMOULLES, 

À  ROUMOULLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Ce  mot  sera  pour  vous  dire  que  j'ay  escript  à  M'  de  Mondevergues, 
pour  luy  rementevoir  vos  peaux  de  cuir  doré,  mais  je  ne  les  ay  pas 
encore  receus.  Cependant  ayant  trouvé  la  conunodilé  du  sire  Antoine 
Hoyer,  présent  porteur,  qui  s'en  alloif  à  Ronmoules,  j'ay  esté  bien  aise 
que  Pol  s'en  soit  prévalu  pour  vous  renvoyer  l'habit  (juc  vous  luy  aviez 
donné,  afin  qu'il  puisse  servir  à  son  successeur.  11  se  faict  gentil  garçon 

Au  sujet  d'une  prétendue  mort  on  jjiMve        iiOiiveilc«  .ic,|uisilioiis,  Siyo,  fui.  5a.  Ori- 
Mialadie  du  caidinal  Fr.  Barbe,  itii.  ginal.  La  formule  linaie  à  partir  de  rostiv 

'  Bibliothèque  nationale  ,  fonds  français.         Irez,  etc.,  est  autographe. 


[1624]  À  D.  GUILLEMIN.  25 

et  je  croy  qu'il  réussira  à  bien,  Dieu  aydant.  Au  surplus  le  procureur 
Augier  me  vint  monstrer  dernièrement  une  lettre  de  M'  vostre  arche- 
diacre  touchant  le  mauvais  bruict  qu'avoit  semé  de  par  de  là  je  ne 
sçay  quel  prebstre,  que  je  convaincquis  bien  tost  de  faulseté,  car  j'eus 
des  lettres  de  Rome  du  5  de  ce  moys  par  lesquelles  on  me  faisoit  tout 
plain  de  compliments  de  la  part  de  M^'^le  Cardinal  qui  se  porte  fort  bien 
Dieu  mercy^  et  m'avoit  escript  par  l'ordinaire  précédant  du  i6  juin, 
ce  que  je  vous  fis  mander  par  mon  homme  dans  un  pacquet  que  Pol 
bailla  ces  jours  passez  à  un  homme  de  Roumoules  nommé  Guillen,  je 
croy  que  vous  l'aurez  receu.  Au  surplus  je  suis  en  grande  peine  pour 
la  maladie  de  M""  de  ^  Galias  mon  père,  laquelle  va  tousjours  en  em- 
pirant; Dieu  le  veuille  conserver  et  remettre  en  santé  ^  et  sur  ce  je 
demeure, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  à  vous  servir, 

DE  Peuiesc. 
D'Aix,  ce  95  juillet  lôa/i  '. 


XXII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE   ROUMOULLES, 
À  ROUMOULLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despeche  du  2"=  de  ce  mois  et  ay  esté  bien  aise 
d'apprendre  que  les  miennes  vous  ayent  esté  rendues  ensemble  l'habit 
de  vostre  garçon.  J'ay  eu  response  de  M"^  de  Mondevergues  touchant  vos 

'  Fr.  Barbeiini,   dont  on  avait,  comme  t.  I,  p.  66)  que  R.  de  Fabri  mourut  le 

nous  l'avons  vu,  annoncé  la  maladie  ou  a 5  octobre  i6a5. 
même  le  décès.  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

'  Peiresc,   dans  ses  filiales  préoccupa-  nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  5 1.  Auto- 
lions,  a  écrit  deux  fois  Af'  de.  graphe. 


'  Nous  avons  vu  (Recueil  Peiresc-Dupuy, 


& 


•26  LETTRES  DE  PEIRESC  [1621] 

cuirs',  lequel  m'escript  que  l'ouvrier  est  si  paresseux  qu'il  n'avoit  pas 
encor  louché,  mais  qu'il  est  résolu  de  ne  le  laisser  point  en  repos 
qu'il  ne  vous  ait  donné  contentement,  et  adjouste  que  c'est  chose  qu'il 
peut  faire  fort  à  son  ayse,  parceque  l'ouvrier  demeure  viz  à  viz  de  sa 
maison.  Je  vous  remercie  du  soinfj  qiio  vous  voulez  prendre  do  nie  faire 
desseigner  le  marbre  de  la  fontaine,  en  quoy  vous  obligerez  le  public 
qui  a  interest  que  ceste  pièce  ne  s'achève  pas  de  ruiner  sans  qu'il  en 
demeure  quelque  dessein  qui  puisse  estre  conservé  à  la  postérité.  Au 
surplus  je  n'attends  plus  de  lettres  que  du  P.  d'Amhruc,  puis  <ju' il  a 
tant  tardé,  et  crois  qu'il  en  doibt  estre  luy  mesmcs  le  porteur  et 
n'attends  pas  des  lettres  de  Rome  plus  tosl  que  de  vendi-edy  prochain 
dans  8  jours  par  le  retour  de  l'ordinaire  d'Avijjnon  si  ce  n'est  qu'il  n'en 
vienne  par  quelque  voye  ordinaire.  Je  ne  manqueray  point  de  vous  en 
faire  part  à  la  i"'  occasion  que  je  lecepvrai  pour  diminuer  tousjours 
davantage  la  peine  où  M' le  Vicaire  a  esté  aussy  bien  que  vous,  à  qui  je 
voudrois  rendre  de  meilleur  service  que  cela  ainsi  que  les  effeclz  le  luy 
tesmoigneront  quelque  jour  Dieu  aydant.  Cepandant  je  demeureray, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  .serviable  et  meilleur  amy, 
nt  Peiresc. 
À  Aix,  ce  6  aousl  i6-j4. 

On  nous  a  fait  manger  cette  sepmaine  passée  d'une  race  de  pommes 
qui  ne  tiennent  rien  de  la  pomme  que  la  figure  et  la  couleur  jaulne 
dorée  avec  un  peu  de  vermillon  par  dessus  en  quelque  endroict,  mais 
le  goust  est  le  vray  goust  des  coings,  seulement  un  peu  moins  aspre 
que  les  coings  et  fort  aggreable  à  manger  crud  avec  du  sucre,  et  ce 
qui  me  les  faict  estimer  principalement  est  la  présente  saison  en  la- 
quelle elles  sont  desjà  bonnes  à  manger  deux  ou  trois  mois  auparavant 
la  saison  ordinaire  des  pommes,  ce  qui  m'a  faict  désirer  de  sçavoir 
d'oiî  elles  estoient  venues,  pour  en  pouvoir  demander  des  greffes. 

Les  cuirs  destines  à  quelque  reliure,  ou  peut-être  à  quelque  tenture. 


|162A]  À  D.  GUILLEMIN.  27 

mais  autant  vaudroit  qu'elles  fussent  tombées  du  ciel;  ceux  qui  les 
vendoient  ne  sçavoieut  nullement  d'où  elles  estoienl  veniies;  enquerez 
vous  un  peu  là  hault  s'il  ne  s'en  Irouveroit  point  quelques  arbres  afin 
de  pouvoir  prendre  des  greffes  en  la  saison  '. 


XXIII 
À  MONSIEUR,  MONSIRLR   GUILLEMIN, 

PRIEUR   DK   ROUMOULLES, 
À  ROUAIOULLES'. 

Monsieur  ie  Prieur, 

Vostre  lettre  du  21"  m'a  esté  rendue  ce  matin  en  allant  au  Palais, 
mais  je  ne  l'ay  peu  lire  plus  tost  que  maintenant  qu'il  est  plus  de 
trois  heures  de  l'aprez-midy.  Je  vous  remercie  du  soing  que  vous  avez 
eue  [sic)  des  pommes  et  de  l'inscription  antique.  Je  n'ay  point  escript  à 
M' le  Cardinal  de  ce  qu'on  vous  a  dict  et  ne  suis  pas  prest  de  le  faire. 
On  ne  m'en  a  poinct  prié  et  si  on  m'en  prie  je  teinporiseray  d'en  avoir 
vostre  advis.  Le  père  d'Ainbrucq  s'en  retourne  avec  la  charge  de  grand 
inquisiteur  dans  Avignon  que  N.  S.  P.^  luy  a  donnée,  à  quoy  les  tes- 
moignages  que  j'avois  rendus  de  son  mérite  n'ont  pas  nuict,  mais  ce 
n'est  pas  de  luy  que  je  l'ay  appris.  Je  suis  trop  pressé  à  celte  heure 
pour  vous  entretenir  davantage  et  demeure, 

Monsieur, 

vostre  trez  alfectionné  à  vous  servir, 
DE  Peiresc. 


\  Aix,  ce  96'""  aoust  i6a/i  ' 


Tournez  '. 


'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  '  Urbain  VIII,  ('lu  pape  en  iCa 3  et  dëjà 

nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  55.  Ori-  inenlionnd  ])Iusienrs  l'ois  dans  nos  quatre 

[jinal  avec  simple  sifjnilurc.  loiues  precédeats. 

^  Adresse  ainsi  modifii'e  dans  la  copi«  de  *  Hibliotlièque  nationale,  fonds  français, 

la  Mi'janes  :  A  Monsieur  le  Prieur  de  fto-  nouvelles  ac(juisilions,   6170,  fol.  56.  La 

moulles  à  Romoule  proche  fiiei.  première  partie  de  la  lettre  est  originale  et 

U. 


28 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1624] 


Je  viens  de  voir  un  livre  '  où  sont  transcriptes  des  inscriptions  an- 
tiques, entre  aultres  une  à  Riez  soubs  le  maistre  autel  des  Cordeliers 
hors  la  ville,  que  je  vouldrois  bien  voir  au  vray,  s'il  n'y  a  pas 


VEIOVI 
EX  VOTO 


Il  y  en  a  une  aultre  qui  estoit  à  Roumonles  à  la  chapelle  S'  Sé- 
bastien 

lULIAE  TESALLYDI 

UXORI CARISSIMAE 

M.ANNIUS  SnVIIRVSMARITVS 

E  E 


la  partie  où  sont  réunies  les  inscriptions  est 
autographe.  —  Bibliothèque  Méjanes  d'Aix  , 
collection  Peiresc,  registre  V,  fol.  S^S,  co- 
pie. Cette  lettre,  présentée  par  M.  Héron  de 
Villefosse,  membre  de  l'Institut,  ë  la  Société 
nationale  (les  Antiquaires  de  France  (s<-ance 
du  10  juillet  1889)  a  piiru  dans  le  Builetin 
de  cette  société,  3'  trimestre  de  1889, 
p.  9  1 4.  Une  faute  d'impression  a,  dans  ce 
recueil,  substitué  l'année  16a 9  h  l'année 
1694.  —  '  Le  mot  Tournez  est  écrit  île  la 
pi'opre  main  de  Peiresc. 

'  Probablement  un  recueil  manuscrit, 
car  on  ne  connaît  aucun  ouvrage  imprimé 
iiù  aient  été  reprwluiles,  au  xvii*  siècle, 
les  inscriptions  dont  Peiresc  s'occupe  et  se 
préoccupe  tant. 

Au  bas  de  la  page,  Peiresc  a  ainsi  cher- 
ché h  reconstituer  l'inscription  :  MEIOVIO 
EX  VOTO  QVNRIL.  M.  Héron  de  Ville- 


fosse  m'a  fait  l'hoinienr  de  m'ëcrire  que, 
dans  le  tome  XH  du  Corpiu  (Berlin,  1888), 
M.  Otto  Hirschfeld  a  donné  cette  inscrip- 
tion et  la  suivante  (n*  h-j^a  et  n*  5706) 
d'après  le  manuscrit  de  Bailli.  BuHe,  dont 
les  copies  sont  absolument  inférieures  ii 
celles  de  Peiresc.  I/î  docte  académicien 
ajoute:  irl^a  première  inscri|>lion  est  diflî- 
cile  à  transcrire  avec  certitude.  La  preraièn» 
ligne  contient  sans  doute  la  formule  :  Jovi 
o\ptimo],  puis  ex  volo  Quarli.  La  liK-turr 
de  la  seconde  est  tout  i  fiait  sûre,  grâce  h 
la  copie  de  Peiresc  : 

Juliae  Tesallydi 

luori  earissimne 

M{arrn<]  Annius  SeTvras  marilus 

e[r.f)?  f[ecU]^ 

ff  Je  pense  qu'il  faut  corrigier  E  E  en  K  F 
h  la  ligne  4.'^  (Reproduction  de  la  note  (1 
de  la  page  9 1  '1  du  lUilklin  phis  haut 
cité.) 


[162^]  À  D.  GUILLEMIN.  29 

H  y  en  a  une  aultre  à  Riez  soubs  un  autel  de  la  Grande  Eglise. 


MATRI  DEVM  etc. 

mm  VIR  AVG 

G  .  I.  A  .  A  .  1 


XXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROUMOULLES, 
À  ROUMOULLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Ms""  le  cardinal  de  Benlivoglio  a  fort  recommandé  au  s''  Augier  un 
pacquet  de  lettres  addressé  à  M''  son  grand  Vicaire.  Et  d'aultant  qu'on 
est  encor  en  incertitude  de  Testât  de  sa  santé,  et  qu'il  faut  esviter  que 
le  pacquet  ne  coure  fortune  d'estre  esgaré  pendant  l'indisposition  de 
ce  bon  homme,  j'ay  creu  qu'en  le  vous  adressant  à  vous,  il  ne  pourroit 
pas  courir  de  fortune,  parce  que  vous  monterez  incontinent  à  cheval 
pour  l'aller  porter  vous  mesmes  et  rendre  en  main  propre  audicl 
s''  vicaire  au  lieu  oi^i  il  est;  et  de  plus  que  si  vous  le  trouvez  en  estât 
de  l'ouvrir,  et  de  rendre  responce,  vous  luy  aiderez  en  cela,  pour  faire 
plaisir  à  mon  dict  seigneur  le  Cardinal,  ce  qui  sera  de  son  intention, 
et  si  au  contraire,  sa  maladie  ne  lui  permettoit  pas  d'y  vacquer,  vous 
aurez  le  soing  de  retirer  le  pacquet  et  de  le  renvoyer  icy  au  dict  s""  Au- 
gier afin  d'attendre  qu'on  le  puisse  rendre,  pour  que  Monseigneur  le 
Cardinal  donne  nouvel  ordre.  Faites  donc  cela,  je  vous  prie,  inconti- 
nant  et  sans  dellay  et  s'il  est  possible,  moyennez  que  nous  en  ayons 
la  responce  icy  dans  jeudy  au  soir  ou  vendredy  matin  parceque  c'est  le 

'  M.  Héron  de  Villefossea  bien  voulu  me  doimé  une  copie  très  correcte  (n°  358).  Je 

l'ournirce  nouveau  renseignement.  «11  n'y  a  l'ai  vue  moi-même  et  copie'e  à  Riez,  il  y  a 

rien  ù  dire  de  la  dernière  inscription,  qui  quelques  années,  s  (Reproduclion  de  la  note  i 

fxisle  encore  et  dont  M.  Otio  Hirsrlifeld  a  de  la  page  ai  5  du  susdit  Bulletin.) 


30  LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 

temps  du  passage  de  l'ordinaire  de  Rome,  qui  ne  se  représente  aprez 
d'un  nioys  entier.  Je  m'asseure  que  vous  n'y  manquerez  poinct  et  je 
demeureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
DE  Peibesc. 

D'Aix,  co  i"  septembre  169^1  '. 


XXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  (««>)  GUILLEMI.N, 

PBiEUR   DE   nOMOULES, 
À  ROMOUliES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Jo  receus  hier  au  soir  vostre  despesche  tout  à  temps  pour  le  pas- 
sage de  l'ordinaire  d'Avignon  qui  n'a  pas  manqué  de  passer  aujour- 
d'Iiuy,  et  par  luy  j'ay  envoyé  la  lettre  de  M' le  Grand  Vicaire  et  la  vostre 
hieii  (jue  j'aye  esté  assez  comhatlu  de  ne  le  faire  pas,  (piand  j'ay  leu 
le  duplicata  que  m'aviez  envoyé  longlenq)s  y  a,  et  que  je  navois  j)oinl 
pris  garde  estre  descachetté,  car  dez  lors  je  vous  eusse  envoyé  les  cor- 
rections que  vous  y  trouverez,  lesquelles  je  viens  de  faire  maintenant 
pour  servir  une  aultre  foys,  et  vous  faire  comprendre  que  la  naïveté 
ordinaire  vaut  trente  foys  mieux  que  le  langage  affecté*.  Vous  asseu- 
ranl  sans  mentir  que  je  n'entends  poinct  cez  locutions  tirées  par  les 
cheveux,  et  que  Malerho,  feu  M'  le  cardinal  du  Perron,  feu  M?'  du 
Vair  et  les  plus  habiles  hommes  que  j'aye  veu  à  la  Cour,  parlants  de 
ce  langage,  disent  qu'il  doit  plaire  tout  de  mesme  conmie  fairoit  un 
homme  qui  pour  aller  à  l'Elglise  à  la  messe  et  par  la  ville,  iroil  r-n 

'   Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  \igcv,  à  son  lit  de  mort,  (^moigna  un  pro- 

notivelles  acquisitions,  .5170.  fol.  58.  fond  nK^piis  pour  le  style  alTectë  ((Mition 

'  Je  nie  souviens  d'avoir  lu  dans  le  Die-  de  17/40,  in-fol.,  t.  III.  p.  708). 
tionnaire  critique  de  Bayle  qu?  Joseph  Sca- 


[1624]  À  D.  GUILLEMIN.  31 

dançant  une  sarebande,  au  lieu  de  cheminer  à  son  pas  comme  font  les 
aultres  hommes.  Je  n'y  ay  point  changé  voz  conceptions,  mais  seule- 
ment le  stile  pour  le  réduire  du  phebus  au  commun  et  empescher 
qu'on  ne  die  de  vous  comme  on  faict'de  Nei'veze  '  et  aultres  ses  imita- 
teurs, qu'ils  n'aprehendent  rien  tant,  que  d'escrire  en  sorte  qu'on  en- 
tende ce  qu'ils  veullent  dire,  taschants  tousjours  de  trouver  des  termes 
qui  signifient  toute  aullre  chose  que  ce  qu'ils  vouldroient  signifier.  J'ay 
prins  cette  liberté  avec  vous  sçaichant  que  vous  ne  la  prendrez  pas  en 
mauvaise  part  de  moy.  Au  reste  il  ne  faull  pas  ployer  les  lettres  en  si 
petite  forme;  il  la  fault  réduire  au  cart  de  la  haulteur  de  la  feuille 
pour  le  moings  comme  je  feray  ployer  celle  cy.  Et  comme  il  ne  faut 
pas  à  ceux  gens  là,  leur  dire  Toy,  il  n'est  pas  aussy  de  besoing  de  nuil- 
tiplier  leur  Seigneurie,  comme  vous  faictes,  et  M'  Vostre  Archediacre. 
.l'ay  aujourd'huy  veu  une  lettre  d'un  prélat  que  vous  cognoissez 
toute  de  phebus  et  de  galimatiaz,  laquelle  avoit  sans  double  doiuié  la 
torture  à  son  autheur,  et  pour  recompence  a  servi  die  jouet,  et  desfrayé 
une  fort  bonne  compagnie,  laquelle  en  a  ry  tout  son  soûl.  QuiKez  moy, 
je  vous  prie,  ce  languagc  qui  n'est  poinct  intelligible  aux  naturels  fran- 
çois,  comme  vous  croiriez  devoir  quitter  ou  la  friseure  des  cheveux 
(faisant  la  profession  que  vous  faictes)  ou  quelque  habillement  inde- 

M.  i'abbé  L.  Bertrand,  qui  a  publia!  ensemble  les  amours  d'Hermine,  de  Clorinde 

d'après  ma  copie  la  présente  lettre  dans  sa  et  de  Tancrkle,  à  rimkation  du  S.  Torijmlo 

notice  déjà  citi^e  sur  Peiresc  abbé  de  Guitrcs  Tasso,  par  A.  de  Nei-vèze;  dernière  édition , 

(p.  83-8i),  a  consacré  à  Nervèse  une  noie  revue,  con-igée  et  debeauconp  augmentée  par 

que  par  un  cordial  échange  je  lui  em])runte  l'auteur.  Lyon ,  par  Thibaiid  Ancelin ,  i  Go."5 , 

à  mon  tour:  (t  Antoine  Nervèzc,  né  vers  in-i  a  de  96  pages  sans  les  liminaires.  i  Cf. 

1670,  probablement  en  Poitou,   était  un  Y  urûdc  da  Manuel  du  libraire  {t.  l\,  \>.  lu - 

littérateur  fort  médiocre,  dont  les  vers,  de  fiû).  M.  l'abbé  Bertrand  fait  précéder  In  ceii- 

son  propre  aveu,  ne  pouvaient  laisser  que  de  sure  de  Peiresc  de  ces  judicieuses  observa- 

maùvaises  impressions,  tant  pour  la  vanité  du  tions:  trGuiilemin,  paraît-il,  avait  cru  devoir 

sujet  (fie  pour  l'ignorance  du  style  {[tvékcc  monter  son  style   h  k  hauteur  du   sujet, 

des  Essais  poétiques).  La  Biographie  univer-  c'est-à-dire  de  l'honneur  ambitionn(;  par  lui , 

selle,  qui  donne  une  assez  longue  liste  de  et  il  avait  donné  en  plein  dans  le  phebus. 

ses  poèmes  et  de  ses  romans,  ne  cite  pour-  Peiresc  le  conigea  par  cette  lettre,  où  il  se 

tant  pas  celui-ci  :  Ilterusalem  assiégée,  où  est  montre  en  même  temps  homme  de  bon  sens 

descrite  la  délivrance  de  Sophomie  et  d'Olinde,  et  homme  de  bon  goût,  n 


32  LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 

cent,  car  l'un  scandalise  le  monde  quasi  aultant  que  l'aullie.  Tant  y  a 

que  pour  ne  perdre  lemps,  j'ay  hazardé  vostre  lettre,  m'imayinant  que 

vostre  compétiteur  en  auroit  peult  estre  bien  faict  aultant,  et  l'ay 

remercié  de  rechef  des  faveurs  que  vous  receviez  de  luy.  Mais  sur 

cela  j'ay  à  vous  dire  quelque  chose  la  première  foys  que  je  vous  vcrray, 

qui  vous  iuqiorle  un  petit.  Je  vous  renvoyé  la  sienne  et  demeure, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  6  septembre  t6a4,  aprez  disner'. 


XXVI 
À  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE   ROMOULKS, 
À  ROMOULES. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  lettre  ensemble  le  Portraict  de  la  pierre  antique 
dont  je  vous  remercie  et  trouve  que  celuy  qui  l'a  desseigné  est  plus 
habile  homme  qu'on  ne  me  l'avoit  figun''.  Une  seule  chose  j'eusse  dé- 
siré, sçavoir  est  qu'il  se  feust  contenté  de  peindre  séparément  et  à  part 
chacune  des  faces  de  la  dicte  pierre  oii  il  y  avoit  quelque  chose  à 
peindre,  car  les  voulant  mettre  ensemble  en  perspectives,  il  les  a  un 
peu  confondues,  et  qui  pix  est  il  a  mis  tout  d'un  seul  costé  cez  deux 
testes  de  Taureau  et  de  Bellier  avec  la  pomme  de  Pin,  et  peult  eslre 
sont  elles  gravées  l'une  d'un  costé  de  la  dicte  pierre,  et  l'auitre  de 
l'aullre  costé  ;  tant  y  a  que  je  vous  en  ay  bien  de  l'obligation  et  à  luy 
aussi.  La  pierre  que  vous  avez  trouvée  aux  Gordeliers  est  fort  à  mon 
gré,  et  je  vouldrois  bien  sçavoir  les  mesures  de  sa  haulteur  et  grosseur. 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  8170,  fol.  6a.  Le  prieur 
a  mis  sur  le  dos  de  la  leUre  :  Pour  la  façon  d'escrire  des  Lettres.  —  Copie  à  la  Méjanes,  col- 
lection Peiresc,  t.  V,  fol.  58o. 


[162i]  À  D.  GUILLEMIN.  '  33 

car  si  elle  se  pouvoit  faire  porter  sur  un  mulet,  j'en  fairois  volontiers 
la  despence. 

Quant  au  surplus  de  vostre  lettre,  je  vous  sçay  fort  bon  gvé  de  ce 
que  vous  avez  pris  en  bonne  part  les  advertissenients  que  je  vous  ay 
donnez  \  Ce  sont  les  eiïets  de  vostre  bon  naturel  qui  m'est  assez  cogneu 
de  longue  main.  Il  suffit  de  persister  dans  cette  bonne  résolution  de 
quitter  désormais  ce  stile  cérémonieux  pour  venir  au  point  par  le  droict 
chemin  sans  touts  cez  destours.  Je  ne  suis  pas  pourtant  d'advis  que  vous 
desuiordiez  du  dessein  de  vostre  doputation,  y  ayant  si  bonne  part 
comme  vous  avez  eiie  jusques  à  cesle  heure,  et  ce  que  j'ay  à  vous  dire 
là  dessus  n'est  pas  pour  vous  en  faire  départir,  ains  pour  vous  ouvrir 
des  moyens  de  vous  y  maintenir  non  obstant  les  traverses  qu'on  vous 
donne  et  le  mal  est  que  je  ne  le  sçaurois  dire  que  de  bouche  et  de  vive 
voix.  Cepandant,  attendant  de  vous  voir,  je  demeureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  ami, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  cfe  1/4  septembre  16a  4'. 


XXVU 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE   ROUMOULLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Depuis  vous  avoir  escript,  l'homme  qui  devoit  prendre  mon  pacquet 
a  tant  demeuré  de  venir  que  quand  il  est  venu  aujourd'huy,  j'ay  esté 
bien  aise  d'y  faire  cette  appendice  pour  vous  advertir  que  le  R.  P.  d'Am- 
bruc  arriva  hier  en  bonne  santé,  avec  son  compagnon,  et  son  pouvoir 
en  deiie  forme  d'inquisiteur  en  Avignon,  où  il  s'acheminera  dans  un 

'  Au  sujet  (lu  style  niélapliorique  dans        nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  63.  Ori- 
leqiipl  Guillemin  a\u\l  vorsi'.  ginal  avec  simple  signature.  Copie  à  la  Mé- 

'  Hil)liotiièque  nationale,  fonds  français,        jaues,  collection  Peiresc,  t.  V,  fol.  58-î. 


IVI'RIHCniE    .^^TlOIALr. 


34  LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 

jour  ou  deux.  Ils  sont  tous  deux  en  la  meilleure  santé  du  monde  et 
grandement  contents,  et  disent  que  leur  voyage  leur  est  reuscy  tout 
à  souhaict,  et  qu'ils  ont  esté  fort  bien  receus,  comme  il  y  avoit  appa- 
rance.  Et  m'ont  apporté  une  fort  lionuesle  responre  du  seigneur  ne- 
veu ',  et  de  mes  aultres  amys  auxquelz  je  les  avois  recommandez.  Dont 
je  crois  que  vous  ne  serez  pas  moings  aise  que  moy  cl  sur  ce  je  de- 
nieureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

voslre  plus  serviable  et  m»Mlleur  amy, 
DE  Pkiresc. 

D'Aix,  ce  17  septembre  i6a4  '. 


xxvm 

\  MONSIEUR,  MONSIELR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE   nOl'MOL'LES, 
À  ROLMOLLES. 

Monsieur  le  Prieur, 
Vostre  lettre  du  29""''  du  passé  ne  m'a  esté  reiidiit^  qu  «  «i:  -uir,  à 
mon  trez  grand  regret,  mais  aussylosl  j'ay  pourveu  à  vous  envoyer  du 
secours,  et  d'amys,  et  d'argent  et  de  médecin.  \il  parceque  j'ay  compté 
les  jours  de  vostre  mal  selon  vostre  supputation  de  jeudy  passé,  trou- 
vant que  c'est  demain  vostre  9""%  j'ay  voillu  qu'on  lit  demain  la  jour- 
née, pour  vous  pouvoir  faire  quelque  remède  sammedy  qui  sera  vostre 
dixiesme  auquel  jour  la  nature  a  plus  de  repos,  et  plus  de  disposition 
à  la  réception  des  remèdes.  M""  Astier  a  voulu  prendre  hiy  mesme  la 
peine  de  vous  aller  voir,  jwur  l'amour  do  voslre  mérite,  et  pour 
l'amour  de  l'affection  que  nous  vous  portons  en  cette  maison.  Nous  ne 
sçauriez  pas  suyvre  de  meilleur  conseil  que  le  sien,  car  il  ne  vous 
sçauroit  pas  rien  conseiller  qui  ne  vous  soit  trez  utile  et  honorable. 

'  I.e  cardinal  Bai  berini ,  neveu  du  pape  Urbain  VIII.  —  '  Bibliolhèque  iMili<>ii;il<>.  fonds 
français,  nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  61.  Autograpbe. 


[1G2/4]  À  D.  GUILLEMIN.  -  35 

11  vous  dira  de  bouclie  ce  que  je  u'avois  peu  vous  escrire  par  mes  pré- 
cédantes touchant  l'allaiie  de  vostre  deputation '.  Songez  seulement 
à  guérir  tout  à  vostre  ayse  et  Dieu  ne  laisra  pas  de  vous  ayder.  Au 
reste,  s'il  luy  plaist,  ne  faictes  pas  de  difïiculté  de  prendre  de  luy,  de 
l'argent,  tout  ce  que  vous  jugerez  vous  pouvoir  faire  de  besoing,  et  nie 
remettant  à  luy  de  tout  le  surplus,  je  demeureray, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  afTectionné  à  vous  servir, 
DE  Peiresc. 

J'ay  veu  à  ce  matin  M"'  l'Eves(]ue  de  Sisteron  qui  commance  à  se 
resouldre,  et  prendre  raison  en  payement,  bien  que  non  sans  grande 
peine.  Je  n'ay  pas  voulu  attendre  d'aultre  advis  de  vostre  part  sans 
envoyer  vers  vous  puisque  je  n'en  voyois  poinct  de  plus  récent  que  de 
dimanche,  craignant  que  quelques  envieux  au  cas  du  besoing  n'eussent 
peu  intercepter  voz  lettres  en  chemin. 

D'Aix,  ce  jeudy  au  soir  3  octobre  ifiai  '. 


XXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROUMOULES, 
À  ROUMOULES. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  esté  infiniment  ayse  d'entendre  par  la  vostre  du  5  de  ce  moys, 

'  La  deputation  à  l'Assemblëe  gdnërale  M.  l'abhé  L.]iertraiid  {Peiresc,  abbé  de  Gui- 
du  clergé.  Guilleinin  y  représenta  le  second  très,  p.  85)  cite  la  Collection  (les  procès- 
ordre  de  la  province  ecclésiastique  d'Aix,  verbaux  des  Assemblées  générales  du  clergé 
en  compagnie  de  son  métropolitain,  Hu-  de  France,  Paris,  1768,  t.  II,  p.  890. 
rault  de  l'Hospital,  et  de  Toussaint  de  Glan-  ^  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
dèves,  évoque  de  Sisteron.  Sur  cette  as-  nouvelles  acquisitions,  0170,  fol.  64.  Auto- 
semblée  (28  mai  162 5 -29  février  1626)  graphe. 


â6  LETTRES  DE  PEIllESC  [1624] 

et  par  le  récit  que  m'en  ont  faict  M'  Astier  et  M'  Ferand,  le  bon  estât 
de  vostre  convalescence,  et  ne  puis  que  vous  exhorter  à  vous  bien  con- 
server pour  esviter  les  recheuttcs  qui  sont  fori  fréquentes  celle  année 
à  ceux  qui  ne  se  sçavent  pas  bien  conserver  aprez  avoir  eslé  malades. 
Sur  tout  esvilez  le  soleil  et  le  serein  jusques  à  ce  que  vous  soyez  bien 
fortifié.  Et  quand  l'appétit  vous  sera  revenu,  contenez  vous  dans  la 
sobriété  et  gardez-vous  bien  de  loute  sorte  de  fruicts.  Pol  s'en  va  voir 
son  père,  qu'on  hiy  a  escript  estre  fort  malade,  et  bien  qu'il  ne  luy 
puisse  pas  apporter  grand  secours,  si  est  ce  qu'il  cstoit  raisonabie  de 
luy  laisser  exercer  cet  office  de  piété  filiale.  Mais  le  plus  lost  (jue  vous 
nio  le  pourrez  faire  renvoyer  sera  le  meilleur,  car  il  a  prins  enfin  une 
humeur  à  Vernier  de  vouloir  changer  de  vacation,  et  je  me  trouveray 
icy  destitué  de  vallel  qui  soit  habitué  à  me  servir.  Quant  aux  inscrip- 
tions antiques,  il  n'y  a  rien  qui  presse  et  si  celle  de»  Cordeliers  est  troj) 
pesante,  il  la  fault  laisser,  si  ce  n'est  qu'elle  se  puysse  syer,  auquel 
cas  il  fauldroit  retenir  seulement  la  face  du  devant  d«  l'espoisseur  de 
(juattre  bons  doigts.  Et  lors  elle  se  porteroit  aiseement  et  le  restant 
serviroit  tousjours  au  mesme  usage  qu'il  faict  dans  l'Eglise.  J'ay  pousté 
de  voz  pommes  de  pâtissier  et  d'orme,  et  ne  les  trouve  pas  mauvaises. 
Mais  s'il  s'en  pouvoit  avoir  quelqu'une  de  celles  de  coing  que  vous 
disiez  estre  dans  le  jai-din  d'un  gentilhomme  voisin,  (juand  il  n'y  en 
auroit  qu'une  ce  seroit  assez  pour  s'asseurer  que  la  race  soit  là,  et  qu'il 
y  ayt  moyen  d'en  avoir  des  greffes.  C'est  tout  ce  que  je  vous  puis  dire 
et  que  je  suis  tousjoure. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilh-iir  amy, 

DE   PEinESC. 

D'Aix,  ce  VII  oclol)ie  i6aii  aprez  disner'. 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français ,  nouvelles  acijuisilions.  0170.  loi.  Oi. 


[1624]  À  D.  GUILLEMIN.  37 


XXX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUJLLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROCMOULES, 
À  RIEZ. 

Monsieur  le  Prieur,  ■ 
J'ay  veu  vostre  lettre  du  29  du  passé  et  celle  de  M^''  le  Cardinal' 
que  vous  y  aviez  joincte,  laquelle  je  vous  r'envoye,  et  ay  esté  bien  aise 
de  voir  l'honorable  traictenient  que  vous  faict  ce  grand  prélat,  ce  qui 
vous  oblige  à  un  grand  soing  de  le  bien  et  fidèlement  servir.  Ne  nian- 
([uez  pas  de  l'en  remercier  sans  garimatias  (sic).  Nous  avons  veu 
icy  M'Chadlan,  prieur  de  Gheneuilles,  que  je  trouve  assez  mettable, 
et  veux  croire  qu'avec  le  temps  il  se  fera  encores  mieux  et  se  reiidra 
beaucoup  plus  propre  à  la  vacation;  il  s'en  veult  retourner  chez  l.uy 
pour  mettre  ordre  à  ses  affaires  avant  que  se  réduire  icy.  Si  vous  eus- 
siez faict  responce  à  M.s'  le  GaixJinal  avant  vostre  voyage,  je  l'eusse 
envoyée  par  l'ordinaire  qui  est  passé  à  ce  matin.  Ne  faillez  pas  d'y  satis- 
faire pour  l'ordinaire  prochain,  et  cependant  je  demeureray. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  à  vous  servir, 
DE  Peiresc. 
J)'Ai\,  ce  8  novembre  16a  4  ^ 


'  L*  cnrdiiial  Bentivoglio.  sonne  de  M'  Clieillan  pour  demeurer  auprès 

"  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  de  M'  Le  Baron.»  J'ai  nt^gligé  une  petite 

nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  67.  Auto-  lettre  (fol.  66)  non  autograplie,  dat'^e  du 

graphe.  On  lit  dans  le  sommaire  mis  au  96  octobre  16a 4,  et  qui  m'a  paru  forl  in- 

dos  de  la  lettre  pai'  Guillouiin  :  i? Avis  pour  signifiante. 

escrire  à  M^'  le  Cardinal.  L'arresl  de  la  per- 


38 


LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 


XXXI 
A  MONSIEUR,  MONSIELR  GUILLEMIN, 

PRIEUn   DE  ROt'MOlJLES, 
A  RIEZ. 

CHF.Z  si'  L'ABCHIDIACRE  GRAND  VICAIRE  DE  ■''  L'EVES<J0E  DE  RIU. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  suis  bien  aise  de  l'heureux  succez  de  vostre  voyage  et  de  vostre 
négociation,  et  le  seray  encores  plus  si  vous  pouvez  aussy  heureuse- 
ment venir  à  bout  de  ce  qui  vous  touche.  (Iroyant  comme  vous  que 
si  vostre  compétiteur  employé  M'  le  p'  présidant,  il  ne  Toseroit  avoir 
reffusé.  C'est  pourquoy  vous  devez  bien  prendre  voz  mesures,  et  ne 
rien  obmettre.  Pour  le  faict  de  la  pierre  antique  le  cœur  me  disoit 
bien  que  si  vous  y  faisiez  travailler  en  vostre  absence  tout  se  gasteroit. 
J'eusse  mieux  aymé  despendre  '  un  peu  plus  pour  la  faire  syer  que  de 
la  bazarder  au  marteau,  mais  cela  est  faict;  il  n'y  a  rien  qui  presse 
de  la  faire  apporter,  et  crains  que  les  3  quintaux  ne  soient  encores 
trop  pesants  pour  un  mulot,  et  qu'il  n'en  faille  diminuer  un  peu 
davan[ta]ge,  mais  si  cela  est,  il  faull  que  vous  y  fassiez  travailler  en 
vostre  présence,  et  non  aultrement,  car  les  ouvriers  sont  trop  non- 
chalants, quand  leurs  journées  sont  payées  aussy  bien  d'une  façon  que 
d'aultre.  Le  portraict  de  l'aultre  n'a  non  plus  de  haste  que  le  trans- 
port de  celle  là.  Tout  viendra  assez  à  temps,  pourveu  que  ce  soit  avant 
vosU'e  voyage. 

J'ay  veu  vostre  lettre  à  Mp'  le  cardinal  Bentivoglio,  et  l'envoyeray 
par  l'ordinaire  du  moys  prochain,  l'ayant  trouvée  certainement  un  peu 
du  hault  style-,  mais  patiance,  pour  le  moings  n'y  a  il  rien  de  si  extra- 
vagant qui  ne  se  puisse  bien  souffrir. 

'  Dépenseï'.  rique.  Peu  h  peu  les  bons  conseils  de  Peiresc 

'  Guillemin  ne  renonçait  pas  facilement ,        le  ramenèrent  dans  la  bonne  voie,  comme 

on  le  voit,  au  culte  des  figures  de  rbéto-        le  montrent  les  lettres  d'une  grande  simpli- 


[162i]  À  D.  GUILLEMIN.  39 

Mons'  Henry  ne  m'a  pas  parlé  si  catégoriquement  que  vous. 

Vous  me  ferez  plaisir  de  fouiller  soigneusement  soubs  les  autels  en 
vostre  visite  pour  chercher  des  inscriptions  antiques  et  crois  asseure- 
ment  que  vous  en  Ireuverez,  de  quoy  attendant  voz  nouvelles  je  de- 
meure 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  i5  novembre  1624'. 


XXXII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  ROMOLLES, 
À  SENEZ. 

Monsieur  le  Prieur, 
Vostre  lettre  escrite  d'Aups  m'a  esté  rendue  despuis  deux  jours,  et 
au  commancement  de  ce  mois  j'en  avois  receu  une  aultre  escripte  de 
Moustiers  avec  ung  pannier  de  pommes  aigres  toutes  d'une  sorte,  et  assez 
bonnes,  mais  je  n'ay  jamais  receu  l'aultre  précédante  que  vous  dictes 
m'avoir  escripte  d'Entrevenes,  ni  le  pannier  de  pommes  qui  la  debvoient 
accompagner,  lesquelles  je  plainz  plus  que  tout  le  reste  à  cause  du  bon 
lieu  d'où  elles  venoyent  et  du  grand  renom  du  jardin  d'Espiiiouse  oîi 
vous  les  aviez  priuses,  ra'imaginant  qu'il  y  en  de  voit  avoir  de  plusieurs 
diverses  sortes,  où  nous  eussions  trouvé  de  quoy  choisir  avec  espérance 
d'en  avoir  des  grelles.  Si  je  sçavois  le  nom  de  ceux  qui  m'ont  joué  ce 
mauvais  tour,  je  leur  en  ferois  fere.  des  reproches.  Si  vous  vous  en 
souvenez  et  que  vous  les  rencontriez,  il  n'y  aura  poinct  de  danger  de 
vous  en([uerir  qu'est  ce  que  cela  est  devenu,  principallemeni  si  tant 

cilé  de  Ion  que  le  disciple  adressa,  plus  tard ,  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

à  son  maître,  efqui  forineront  un  des  pro-  nouvelles  acquisitions,  8170,  fol.  66.  Antn- 

cliains  fascicules  de  la  série  des  Cmrespon-  graphe. 
ddids  df  Peiresc. 


/,0  LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 

estoit  que  dans  voz  lettres  il  y  eust  chose  qui  meritast  de  ne  m  eslre 
point  supprimée. 

Au  surplus,  j'ay  veu  ce  que  vous  in'escripvez  des  bruictz  (jui  oui 
coureu  là  haut  lesquels  peuvent  bien  avoir  esté  amplifiez  de  (juelque 
chose  de  plus  que  de  la  vérité.  Mais  tousjours  vous  puis  je  bien  asseurer 
que  je  ne  me  suis  poinct  meslé  de  tout  cella  et  que  tant  que  j'ay  esté 
employé  on  s'est  tenu  dans  les  termes  ordinaires  telz  que  peut  avoir 
entendeuz  ccluy  qui  vous  en  a  parlé  que  j'honnore  grandement  et  que 
j'eusse  fort  volontiers  servy.  11  sçait  bien  qu'il  n'a  pas  tenu  à  moy  et 
je  crois  certainement  qu'il  a  ung  peu  négligé  cesle  affaire  et  que  s'il  y 
eust  hazardé  la  despanse  du  voyage  d'ung  homme  pour  aller  traicter 
avec  ceux  qui  luy  pouvoyent  mettre  on  main  la  pièce  qu'on  luy  denian- 
doit,  il  en  seroit  venu  à  bout.  Asteure  je  me  double  qu'il  ne  soit  ung 
peu  trop  tard  pour  s'en  adviser.  Toutesfois  s'il  n'y  plaignoit  poinct 
ung  peu  de  despance ,  au  hazard ,  possible  y  trou veroit  il  encores  quelque 
entrée,  mais  on  ne  peult  pas  aisément  traicter  de  cez  choses  là  de  ^i 
loing  par  simples  lettres  sans  entremise  d'hommes  qui  puissent  j)arler. 
C'est  tout  ce  que  je  vous  en  puis  dire  et  que  j'ay  bien  de  la  peine  à 
croire  qu'il  ne  se  trouve  aulcune  pierre  escripte  en  toutes  les  Eglises 
où  vous  avez  esté;  mais  c'est  que  vous  l'aviez  oblié,  ou  que  la  foulle 
du  peuple  que  vous  y  avez  trouvé  dedans,  les  vous  couvroit,  ou  bien 
qu'il  ne  vous  estoit  pas  permis  de  vous  destourner  de  quelque  quart 
de  lieue  sur  les  chemins,  pour  en  aller  chercher  dans  les  Esglises  de 
campagne  ruynees,  où  je  n'ay  jamais  manqué  d'en  trouver  aidtant  de 
fois  que  j'en  suis  allé  chercher.  Mais  puisque  cette  commission  là  vous 
est  si  difficile,  il  fault  que  je  vous  en  donne  une  aultre,  où  vous  ne  trou- 
verez pas  tant  d'excuses,  qui  est  de  me  recouvrer  une  coppie  du  Poul- 
lier  de  cliascung  diocèse  ou  vous  ferés  désormais  un  jieu  de  séjour,  c'est 
à  dire  ung  roolle  de  toutes  les  parroisses  dont  les  curez  sont  appeliez 
aux  synodes  diocésains  en  langue  latine  et  en  langue  vulgaire.  Puisque 
vous  vous  arreslez  à  cez  festes  à  Senez,  vous  pourrez  apporter  celuy 
de  l'Evesché  de  Senez;  et  quand  vous  serez  de  retour  à  Riez,  vous  ferez 
le  semblable  de  celluy  de  Riez,  et  puis  quand  vous  serez  en  quelque 


[1625]  A  D.  GUILLEMIN.  41 

aiiltre  Evcsché,  vous  en  ferés  de  mesme.  Envoyés  moy  des  dimissoires 

pour  Pol  Fremieres  afin  que  je  luy  puisse  faire  bailler  sa  clericature  à 

la  première  occasion.  Sur  ce  je  demeure, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  XVII  décembre  ifia/i'. 


XXXIil 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  GUILLERMIN  {sic)\ 

PIUEUR  DE  ROUMOULLES,   DEPUTE  DE  PROVENCE  EN  L'ASSEMRLEE   GENERALLE 

DU    CLERGÉ  DE  FRANCE, 

À  PARIS. 

Monsieur  le  Prieur, 

Ne  pensant  plus  que  mes  lettres  puissent  trouver  mon  frère  à  Paris, 
je  vous  faicts  ce  mot  pour  vous  accuser  la  veniie  du  S""  de  S'  Aubin  qui 
m'a  rendu  voz  lettres  et  clefs  des  cadenats  de  sa  hotte  laquelle  arriva 
trois  jours  aprez  luy,  mais  si  mouillée  que  je  crains  bien  que  les  plantes 
n'ayent  fort  paty.  Des  cardinales  l'une  est  en  fort  belle  apparance; 
l'aultre  au  contraire  semble  n'estre  vive  qu'au  centre  du  bourgeon. 
Les  deux  Hiacynthes  sont  fort  descolorez  et  fannis  '  nonobstant  la  mouil 
leure;  nous  ferons  ce  que  nous  pourrons  pour  les  saulver.  La  caisse  et 
la  boitte  sont  encor  en  Avignon  à  faulte  de  mulets,  à  cause  des  ven- 
danges, mais  à  cette  heure  elles  viendront. 

Nous  sommes  en  grande  incertitude  pour  la  venue  de  M^'  le  Légat*, 
car  en  Avignon  on  l'attendoit  dez  hyer,  et  toutefoys  d'aultres  asseurent 

'  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français ,  graphe.    L'adresse   seuie  n'est    pas   de   la 

nouvelles  acquisitions,  6170,  fol.  71.  Ori-  main  de  Peiresc,  lequel  n'aurait  pas  écrit 

{jinal  avec  simple  signature  de  Peiresc.  —  Giiillermin  le  nom  de  son  ami. 
Copie  à  la  iVIejanes,  collection  Peiresc,  t.  V,  '  Fands.  Voir  le  recueil  Peiresc -Dupuy, 

fol.  586.  t.  II,  p.  617. 

'  Bibliothètjue  nationale ,  fonds  français ,  *  Le  légat  Fr.  Barberini ,  qui  allait  être 

nouvelles  aajuisitions ,  5 1 70  ,  fol.  2 1 1 .  Auto-  pendant  quelques  heures  l'hôte  de  Peiresc. 

T.  6 

IMI-|ll*4ElllB     :<ATlii«llK. 


42  LETTRES  DE  PEIRESC  [1625] 

qu'il. a  esté  rappelé  et  retaidé.  J'en  attends  i'asseuraiice  pour  aller  en 
Avignon  le  salliier  et  sçaVoir  s'il  vouldra  passer  par  cette  ville,  ou  non. 
durant  lequel  voyage  il  me  fauldra  interrompre  ma  cure  au  grand 
regret  de  mon  operateur,  mais  cela  n'estoit  pas  esvitable,  en  telle  oc- 
casion qui  n'est  que  pour  Une  foys  en  nostre  vie. 

Je  n'oublieray  pas  vostre  protonotariat.  Si  mon  frère  arrive  à  temps 
il  me  viendra  bien  à  propos,  au  cas  que  le  passage  soit  par  cette  ville, 
auquel  cas  j'ay  grande  peur  qu'il  ne  veuille  venir  loger  céans.  Vous 
pouvez  penser  en  quelle  peine  je  serois,  car  mon  cousin  de  Meaulx  me 
manque  à  cause  du  decez  de  M'  son  père,  qui  nous  a  tous  innnimcnt 
affligez.  C'est  tout  ce  que  je  vous  puis  dire  pour  cette  heure  aprez  vous 
avoir  remercié  de  la  part  que  vous  m'avez  faicle  des  nouvelles  de  par 
delà  que  je  vous  prie  continuer  tant  que  vous  y  sesjournerez,  prin- 
cipalement à  cette  heure  que  mon  frère  ne  le  pourra  plus  faire,  car 
mon  père  qui  est  au  lict,  prend  |)laisir  d'avoir  cet  entretien  et  sur  ce 
je  demeure, 

Monsieur  le  Prieur,  • 

vostre  plus  serviable  et  meilleur  amy, 
DK  Peiresc. 

D'Aix  en  hasle  et  à  la  dcsrobee  des  médecins  qui  ine  IraictenI  ce  «o  ortol>re  lôaS. 
Ce  18  orlol)re  162S. 

Mon  homme  oublia  de  clorre  et  d'envoyer  celte  lettre  lors  de  ma 
dernière  despesche.  Je  n'y  adjousteray  si  ce  n'est  que  les  aultres  plantes 
de  la  caisse  et  de  la  boitte  sont  arrivées  a.ssex  bien  conditionnées,  mais 
j'ay  grand'  peur  que  nous  ne  les  sçaichions  pas  bien  gouverner;  nous 
y  ferons  ce  que  nous  pourrons  et  je  les  feray  planter  la  pluspart  en 
nostre  jardin  do  cette  ville,  dont  le  sii-e  Melcliion  {sic)  Roux  veult 
prendre  le  soing  et  le  visiter  tous  les  jours.  La  boitte  du  gros  Narcisse 
est  aussy  arrivée  fort  bien  conditionnée,  je  l'envoyerav  à  Beaugentier. 

Si  par  hazard  mon  frère  estoit  encores  là,  vous  luy  en  direz  des  nou- 
velles et  que  le  luca  estoit  beau,  mais  je  n'y  ay  pas  trouvé  joinct  le 


[1628]  À  D.  GUILLEMIN.  AS 

Jeranium,  et  je  ne  l'ay  plus  sceu  distinguer  ailleurs.  Il  sortira  s'il  peult 
comme  les  aultres. 

Vous  luy  pourrez  dire  aussy  que  M' le  présidant  Seguirau  '  fut  receu 
jeudy  aprez  sa  loy,  mais  si  honorablement  purement  et  simplement 
qu'il  y  a  de  quoy  en  louer  Dieu.  11  offrit  aprez  et  pria  la  compagnie  de 
trouver  bon  qu'il  cedast  pour  six  moys  la  première  place  à  M'  de  Reau- 
ville  pour  se  rendre  plus  digne  d'exercer  aprez  la  première,  mais  la 
Cour  luy  fit  dire  qu'elle  n'estimoit  aulcune  place  digne  de  luy  que  la 
première.  Ce  furent  les  plus  belles  harangues  de  part  et  d'aultre  qu'on 
'eust  ouy  en  ce  païs  icy.  Tout  le  monde  en  est  fort  satisfaict. 


XXXIV 
À   MONSIEUR,  MONSIEUR  DE  GUILLEMIN, 

PRIEUR  DE  BOUMOULES,  PR0THEN0T.\1RE   DU  SAINT-SIEGE   APOSTOLIQUE. 

À  BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  vous  escrivis  assez  amplement  par  le  dernier  ordinaire.  Ce  mot 
sera  pour  accompagner  les  lettres  que  j'ay  depuis  receiies  pour  vous,  et 
vous  en  adresser  une  de  l'hoste  de  la  Pomme,  qui  m'a  apporté  cinq  pis- 
toles  d'Espagne  pour  les  faire  tenir  à  un  sien  irere  de  par  de  là,  selon 
l'adresse  contenue  en  ladicte  lettre.  Mais  je  ne  les  ay  pas  osé  bazarder 
dans  le  pacquet  estant  si  petit  comme  il  est.  Il  fauldra  moyenner  de  les 
prendre  sur  quelqu'un  de  noz  fermiers,  ou  de  ceux  qui  doivent  des  rentes 
à  mon  frère,  et  les  bailler  à  ce  garçon,  je  vous  en  prie,  et  ne  vous  diray 
autre  chose  pour  le  présent  si  ce  n'est  que  je  suis  et  seray  à  jamais, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ag  juillet  1698. 

'  Sur  Henri  de  Sëguiran,  premier  président  de  la  Cour  des  comptes  de  Provence,  beau- 
frère  de  Peiresc,  voir  (passtm)  les  lettres  aux  frères  Dupuy. 


M  LETTRES  DE  PEIRESG  [1628] 

J'ay  receu  une  lettre  de  M'  nostre  Archevesque  '  en  datte  du  i  5  de 
la  Cour  contenant  une  desduction  fort  particulière  en  trois  pages  de 
tout  Testât  de  l'année  du  Roy  et  des  assiégez  qui  m'a  faicl  admirer  une 
si  longue  patiance  de  ce  prélat  qui  estoit  bien  fraischement  arrivé  ]k\ 
et  vraysembiablement  bien  occupé.  C"csloit  par  Grand  Pré,  et  je  luy 
respondis  par  Orfueil,  et  Iny  manday  la  vérification  faicte  lundy  en  la 
grand  cbambre  seule  de  la  Ducbé  do  Villars',  avec  clause  de  rever- 
sion à  la  couronne  en  deffaull  de  masles,  M-^  de  Guise  présent  et  opi- 
nant*. Mais  il  n'y  a  poinct  de  pairrie. 


'  Alphonse-Louis  du  Plessis  de  Richelieu. 
Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  passim. 

'  C'est-à-dire  a  la  Rochelle. 

'  Sur  le  duché  de  Villars,  en  Provence, 
voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  I,  p.  671, 
684. 

'  Charles  de  Lorraine,  quatrième  duc  de 
Guise,  gouverneur  de  Provence.  Voii"  le  re- 
cueil Peiresc-Dupuy,  passim.  A  la  suite  de 
cette  lettre,  on  en  trouve  trois  :  l'une  du 
7  septembre  1698  (fol.  44a),  l'autre  du 
9  0  janvier  1699  (fol.  453),  la  troisième 
sans  date  (fol.  455),  entièrement  relatifs 
aux  affaires  de  l'abbaye  de  Gultres.  J'en 
ai  re{wroduit  les  principaux  passages  dans 
un  recueil  qui  vient  de  paraître  sons 
ce  titre  :  Peirese,  abbé  de  Guttres.  Supplé- 
meitt  à  la  notice  d'Anl.  de  LaïUenay  (Bor- 
deaux, 1898).  Voici  les  premières  lignes 
de  la  lettre  du  7  septembre  1698  :  irj'ay 
receu  en  ce  lieu  de  Beaugencier  vostre  de- 
pesche  du  94  aoust,  tout  présentement, 
et  suis  oonslrainct  de  vous  respondre  sur 
le  champ,  pour  ne  perdre  la  commodité 
de  l'ordinaire,  s'il  est  possible,  cj-aignant 
fort  que  dezhoi-smais  nostre  dict  ordinaire 
ne  cesse,  si  la  maladie  de  Lyon  faict  pro- 
grez ,  à  cause  de  laquelle  on  ne  luy  a  pas 
voulu  donner  entrée  à  Aix,  l'ayant  faict  en- 
fei-mer  en  une  basiide  aux  champs,  mais 


aprez  longue  délibération  enfin  M'  de  Guise 
voulant  son  pacquet,  la  Cour  débitera  que 
l'on  feroit  perfunier  les  lettres  h  la  mode  de 
Marseille,  ce  qui  fut  faict,  et  toutes  les 
fisselles  des  pacqueLs  couppées  et  les  pre- 
mières enveloppes  ouvertes  en  présence  de 
pci-sones  de  probité,  et  «prez  tout  a  esté 
rendu  fidèlement.  Mon  cousin  de  Meaux  qui 
estoit  il  Aix ,  receut  le  mien ,  et  suyvanl  la 
charge  que  je  luy  avois  laissée  de  l'ouvrir 
et  de  rendre  les  lettres  d'aultruy  s'il  y  en 
«voit  h  leur  adresse,  a  eu  le  soing  en  me 
l'envoyant  icy  de  charger  le  jKjrleur  de 
rendre  en  passant  à  S'  Maxemin  celuy  que 
vous  adressiez  b  M' Htiry,  où  M'  vosire  neveu 
fut  bien  aise  de  trouver  des  nouvelles  de 
vostre  part  de  chez  luy  dont  il  n'en  avoil 
eu  de  plus  île  4  moys.  L'autre  [paquet] 
pour  le  curé  de  Roumoules  fut  retenu  |)ar 
mon  cousin  pour  le  luy  faire  tenir  par  la 
première  commodité,  J'escriray  maintenaiil 
ù  M'  Hury  de  ne  pas  faire  haster  M'  vostre 
neveu  de  partir  pour  le  grand  voyage,  prin- 
cipalement tandis  que  durent  cez  bruictz  de 
peste,  qui  nous  tiennent  en  gi-ande  appré- 
hension. J'ay  neanlmoins  une  lettre  de  Lyon 
(lu  3  (le  ce  moys,  par  laquelle  ou  m'as- 
seure  que  ce  ne  sont  que  fièvres  chauldes, 
et  non  la  peste,  et  que  le  grand  ordre  qu'on 
y  a  luis  à  causa  qu'elles  estoient  conta- 


[1632]  A  D.  GUILLEMIN.  /lo 

On  a  enfin  vérifié,  les  chambres  assemblées,  l'edict  des  Ihresoriers 
de  France,  pour  qualtre  offices  seulement,  sans  aulcune  nouvelle  attri- 
bution, de  sorte  (jue  M''  de  Guise  dict  vouloir  bientost  passer  le  des- 
troict  avec  ce  fonds  là.  On  a  refusé  la  dernière  jussion  des  offices  de 
conseillers  aux  sièges  de  seneschal.  Et  aprez  tout  cela  an  a  refusé  en- 
cores  des  lettres  de  revocation  de  la  séance  du  parlement  pendant  les 
vacations,  s'estant  trouvées  dattees  long  temps  devant  les  derniers 
mandements  du  Roy  adressez  à  la  Cour  séante,  et  a  t'on  trouvé  bien 
mauvais  qu'on  ave  ainsy  voulu  transporter  l'authorité  et  jurisdiction 
d'un  parlement'. 


XXXV 
À   MONSIEUR,  MONSIFAJR  LE  PRIEUR  DE  ROUMOULES, 

PROTHENOTAIRE   DU   SAINT  SIEGE   APOSTOLIQUE, 
À  LYOJi. 

Monsieur  le  Prieur, 
L'indiene  dont  vous  sçavez  que  j'estois  en  peine,  m'avoit  esté  en- 
voyée de  Marseille  dez  le  6*^  de  ce  mois,  mais  je  ne  l'ay  receue  que  ce 


gieuses,  a  aiiisin  scaiidalizû  le  monde,  mais 
que  depuis  3  jours  le  mal  avoil  perdu  toutes 
ses  forces.»  —  Dans  la  lellre  sans  date  du 
fol.  455,  Peiresc  se  plaint  de  n'avoir  pas 
reçu  une  lettre  de  Guillemin  tr contenant  une 
si  ample  responce  aux  miennes  du  mois  de 
septembre,  dont  je  suis  un  peu  en  peine. 
Mais  il  fault  faire  comme  on  peult  en  ce 
mauvais  temps,  et  le  malleur  ne  sera  pas 
fort  consideral)le  pour  nostre  regard  si  la 
maladie  ne  passe  poinct  plus  oultre  (}ue  ce 
qu'elle  a  l'aict  jusques  à  présent.  Car  Dieu 
mercy,  au  Coinlat,  de  neuf  villes  ou  villages 
qui  en  avoicnt  esté  attaintcs,  il  n'y  a  plus 
de  mal  qu'à  Garpentras  seulement,  estant 


cessd  partout  ailleurs.  Et  de  faict  plusieurs 
lieux  sont  desja  en  quarantaine  de  santé, 
et  si  le  froid  qui  règne  présentement  peult 
achever  d'estoulTer  la  seniance  du  mal  et 
que  la  veniie  du  Roy  de  par  deçà  ne  le  fasse 
regriller  au  ])on  temps,  nous  serons  (rop 
heureux,  -n 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  0171,  fol.  489. 
.4utographe.  Au  dos  de  la  lettre  Guillemin 
a  mis  ceci  :  Aix,  Monsieur  de  Peiresc,  du 
29  juillet  1C28,  où  il  me  recommande  de 
faire  payer  de  Bordeaux  au  fils  de  la  Pomme 
d'or  d'Aix  cinq  pistoles  d'Espagne. 


/,6  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

jourdliuy  à  l'issue  du  palais  non  sans  mortifTiration  puisque  c'estoit 
aprez  le  despart  de  voz  mulletz  de  sorte  que  je  me  suis  résolu  de  vous 
l'envoyer  par  l'ordinaire  à  Lyon,  afin  que  vous  l'y  puissiez  mettre  dans 
voz  coffres  et  l'avoir  à  vostre  arrivée  à  Paris,  afin  que  les  aultros  choses 
de  Mous'  d'Auberv  '  ne  marclieat  [loincl  sans  celle  la.  Vous  aurez  par 
niesme  moyen  des  lettres  de  mon  frère  et  de  moy  tant  pour  Mons'  le 
Cardinal  de  Lyon  -  que  pour  Mons''  Marchier  *  et  en  aurez  aussy  des 
miennes  pour  M'  de  Liergues,  lieutenant  criminel  de  Lyon,  <jui  est 
liomme  curieux,  lequel  a  un  fort  beau  cabinet*  que  vous  pourrez  voir 
en  V  allant  faire  des  complimenlz  de  ma  part,  si  vostre  compagnie  vous 
en  donne  le  loisir.  Vous  aurez  aussy  la  lettre  que  Mons'  do  Thou  * 
escript  à  Mons""  le  président  de  Pontac  "  à  laquelle  j'y  en  ay  adjousU' 
une  aultre  à  mesme  fin.  Jescriptz  aussy  à  Monsieur  de  Rossy  de  Lyon', 
mais  il  n'aura  pas  ma  lettre  de  vostre  main,  ains  de  la  main  de  l'or- 
dinaire, parce  que  je  luy  adresse  toute  vostre  despesche  et  la  boitte 
mesme  oi!i  j'ay  faict  mettre  l'indienne  pour  la  mieux  conserver.  Je  vous 


'  D'Auberv,  sieur  du  Mesiiil ,  avocat  au 
ronseil,  souvent  mentionne  dans  le  recueil 
Peiresc-Dupuy. 

'  L'ancien  archevêque  d'Aix,  Alphonse 
de  Hichelieii. 

^  L'abbé  Marchier  était  attaché  à  la 
maison  du  cardinal  qu'il  avait  suivi  d'Aix 
à  Lyon.  Nous  avons  souvent  trouvé  son 
nom  dans  la  correspondance  avec  les  frères 
Dupuy. 

*  Gaspard  de  Monconys,  sieur  de  Lier- 
gues, fils  de  PieiM-e  de  Monconys,  fut, 
comme  son  père,  conseiller  du  roi  cl  lieu- 
tenant criminel  au  siège  présidial  de  I^yon. 
M.  Ed.  ^onnaKé  {Dictionnaire  des  amateurs 
français  du  xvii'  siècle)  rappelle  que  c'ét.iit 
un  des  hommes  de  France  qui  se  connais- 
saient le  mieux  en  médailles,  monnaies, 
peintures,  etc.  Il  ajoute  que  le  cabinet  formé 
par  G.  de  Monconys  h  Lyon,  enrichi  par 


les  voyages  de  Balthazar,  son  frère,  est  cit<$ 
par  le  P.  I/)ui8  Jacob  comme  l'une  det  cu- 
rieuses pièces  de  l'Europe. 

'  François- Auguste  de  Thou,  nommé 
presqiii>  ù  toutes  les  pages  du  recueil  Pei- 
resc-Dupuy. 

*  Amandde  Ponlac,  président  k  mortier 
au  parlement  de  Bonleaux,  depuis  i63i, 
par  succession  de  son  père,  avait  épousé 
Gabrielle- Henriette -Louise  de  Thou,  la 
plus  jeune  des  filles  du  président  Jacques- 
Auguste,  le  grand  historien,  et,  par  con- 
séquent, sœur  de  François- Auguste.  Voir 
le  contrat  de  mariage  (ii  octobre  lôSa) 
dans  les  Archives  historiques  du  dèpartentfnt 
de  la  Gironde  (1.  Vlll,  p.  aSg). 

'  L'administrateur  des  postes  mentionné 
tant  de  fois  dans  le  recueil  des  lettres  aux 
frères  Dupuy  et  dans  toute  la  correspon- 
dance de  Peiresc. 


[163-2]  A  D.  GUILLEMIN.  47 

prie  <\c  l'aller  voir  de  ma  part  et  de  mon  frère  et  de  luy  faire  tous  les 
complimentz  que  vous  pourrez  et  luy  faire  portei'  les  deux  gros  chats 
(jue  je  vous  ay  dict,  à  sçavoir  le  masie  tout  gris  aiiltre  que  damasquin 
avec  la  femelle  qui  a  le  nieutou  blanc.  Que  s'il  aymoit  mieux  les  deux 
petilz  qui  sont  de  mesme  poil  à  peu  prez,  vous  luy  en  pourriez  donner 
le  choix.  Vous  recevrez  par  le  muletier  qui  porte  voz  caisses  une  petite 
boitte  que  je  luy  ay  envoyée  à  ce  matin  dans  laquelle  sont  les  trois 
petitz  escuellons  de  plomb  que  vous  aviez  oublié  de  prendre,  sur  quoy 
je  finis  priant  Dieu  qu'il  vous  veuille  bien  conduire  et  ramener  sain  et 
sauve,  demeurant, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  alfectioinié  serviteur  et  meilleur  amv, 

DE   PeIRESC. 
A  Aix,  ce  1 1  octobre  1682  '. 


XXXVi 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROU MOULES, 

PROTHENOTAIRE  DU  SAINT   SIEGE  APOSTOLIQUE, 
À  PARIS. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  esté  infiniment  ayse  d'apprendre  par  voz  lettres  de  Lyon  du 
16"  et  20"  l'heureux  progrez  de  vostre  voyage  jusques  là,  et  de  toutes 
vos  suittes  et  voittures,  dont  je  loue  Dieu  et  me  conjouis  avec  vous  de 
bon  cœur,  vous  remerciant  du  soin  que  vous  aviez  prins  de  tous  cez 
petitz  complimentz  dont  je  vous  avois  cliargé  envers  cez  Messieurs  et 
de  l'exacte  relation  que  vous  m'en  avez  faitte,  ayant  esté  bien  ayse  de 
voir  que  cez  deux  petites  boites  qui  avoient  esté  laissées  en  arrière  vous 
ayent  suivy  de  si  prez  et  assez  à  temps  pour  faire  que  vous  n'en  eus- 
siez pas  faulte  en  arrivant  à  Paris,  où  vous  pourrez  remettre  à  Mons''  du 

'  Biljliollièi|iie  nalioanle,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  /169.  Original. 


/,8  LETTRES  DE  PEIRESC  (1632] 

Puy  tous  les  livres  que  vous  avez  dont  il  disposera  h  son  bon  plaisir 
et  selon  la  destination  que  je  luy  en  avois  cy  devant  cottée  des  princi- 
pales pièces,  estant  bien  niarry  de  ne  luy  pouvoir  envoier  par  cest  ordi- 
naire le  roolle  que  j'en  avois  faict  lelenir  qui  s'est  esgaré  pai-  mcsgarde 
ejitre  mes  papiers,  et  il  est  niesliuy  bien  lard  pour  en  faire  de  plus 
exacte  recherche  de  sorte  qu'il  fauldra  attendre  au  prochain  ordinaire 
Dieu  aydant.  Du  reste  vous  sçavez  qu'il  fault  bailler  à  Mous'  Aubery 
non  seulement  ses  huit  pièces  de  toille  indienne  qu'il  avoil  deman- 
dées et  mises  en  deux  fagotz,  mais  aussy  i'aultre  indienne  plus  fine 
que  vous  avez  receue  dans  une  boitte  à  part,  ensemble  l'escriptoire  de 
Conslantinople  et  les  li  mouchoirs  ou  voiles  de  calice  qui  sont  dedans 
laictz  de  soye  peinte  à  l'indienne,  comme  aussy  une  grande  layelte  à 
doz  d'asne  dorée  à  la  damasquine,  avec  les  ciii(|  vases  de  terre  sigelée  ' 
dont  elle  est  remplie  et  encores  un  bassin  et  une  esguiere  de  cuir 
bouilly  à  la  Turquesque,  comme  aussy  une  douzaine  de  bouteilles  d'eaue 
naiïe-,  et  quelques  figuettes  d'essence  d'orange  et  finalement  le  petit 
chat  damasquin  distingué  par  le  collier  avec  sa  femelle  toute  grise  qui 
esloit  plaine,  ce  me  semble,  et  les  deux  aultres  chatz  riollez'  de  noir 
et  de  blanc,  reservant  les  aultres  deux  plus  petitz  de  poil  de  rat  pour 
les  employer  oii  vous  trouverez  bon  soit  chez  MM"  du  Puy,  si  cela  j)ou- 
voit  tomber  dans  leur  goust,  ou  chez  M'  de  Roissy  *  ou  ailleurs.  Et 
possible  que  le  bon  homme  de  la  Baroderie  dans  sa  maisoncelle  des 
Tuilleries  ^  en  feroit  plus  de  cas  que  tous  les  aultres,  en  l'aage  oft  il 


'  Sorte  de  lerre  employée  autrefois  en 
médecine,  et  sur  laquelle  on  imprimait  un 
cachet  {siffilhim),  d'où  le  nom  de  terre  si- 
gillée. 

'  Sur  l'eau  de  naffe  employée  par  Pei- 
resc  pour  encourager  ou  récompenser  les 
communications  diverses  par  lui  sollicitées 
un  peu  partout,  voir  Un  grand  amateur 
français  au  xrii'  siècle,  par  M.  L.  Dclisie, 
p.  16. 

'  Piayés,  zébrés. 

*  Jean-Jacques  de  Mesmes,  seigneur  de 


Roissy,  conseiller  au  Parlement,  j)uis  con- 
seiller d'Ktat,  mort  le  3o  octobre  j6'«9. 

'  Jacques  Boiceau ,  écuyer,  sienr  de  la 
Baroderie,  fut  le  véritable  créateur  des  jar- 
dins de  Versailles  que,  plus  tard,  Le  Nôtre 
ne  fit  qu'agrandir  en  respectant  le  plan  de 
son  devancier.  On  a  une  lettre  de  Peiresc. 
du  18  décembre  iC-iS,  wà  Monsieur  de  la 
Baroderie,  gentilhomme  ordinaire  de  la 
chambre  du  Roy,  et  intendant  des  jardins 
de  Sa  Majesté,  à  Paris,  aux  Tuilleriesi. 


[1632]  X  D.  GUILLEMIN.  49 

est  S  et  cela  l'obligeroit  de  donner  plus  d'accez  chez  luy  à  Anthoine, 

au  cas  qu'il  le  face  loger  là  dedans.  En  un  besoing  en  pourriez  vous 

donner  un  d'un  costé  et  l'aultre  de  l'aultre  sauf  à  les  faire  apparier  en 

temps  et  lieu.  Enfin  je  remetz  le  tout  à  vostre  bonne  conduite,  et  feray 

ce  que  je  pourray  pour  escripre  encore  à  ce  soir  à  M"'  de  Roissy  et  à 

M''  le  président  de  Mesmes,  son  filz^,  mais  si  je  ne  le  pouvois,  ce  sera 

Dieu  aydant  par  le  prochain  ordinaire  par  lequel  je  tascheray  de  faire 

que  vous  ayez   les  cachetz  que   vous  demandiez  tant  celluy  qui  est 

demeuré  entre  les  mains  de  Perrot  [sic)  que  celluy  dont  mon  frère 

n'avoit  pas  faict  solliciter  le  s'  Souchet'  comme  il  falloit,  sur  quoy 

attendu  l'heure  tarde,  je  suis  contrainct  de  finir  demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  25  octobre  1682. 


j'oubliois  de  vous  dire  que  mon  nepveu  fut  receu  vendredy  avec 
une  grande  satisfaction  de  toute  la  compagnie  et  que  le  mariage  de  ma 
niepce  d'Orves  '  avec  le  filz  de  Mad'=  de  la  Coste  ^  est  si  advancé  que  je 
ne  pense  pas  qu'il  demeure  plus  de  deux  ou  3  jours  de  s'achever,  dont 
cez  MM"  d'Ollivier,  qui  ont  esté  cause  de  tout  ce  vacarme,  sont  bien 
estonnez  et  bien  honteux  et  possible  bien  justement  puniz  de  leur  mau- 
vaise foy  et  desloyauté  envers  leurs  meilleurs  parentz  et  amis*^. 


'  \m  sieur  de  la  Baroderie  avait  servi 
dans  les  armées  du  roi  Henri  IV. 

'  Henri  de  Mesmes,  président  à  mortier 
du  Parlement  de  Paris,  mort  le  -39  décembre 
i65o. 

'  Sur  le  secrétaire  Parrot  et  sur  le  fon- 
deur Soucbet,  voir  le  Testament  de  Peiresc 
(1889),  p.  3i. 

'  Charlotte  Gambe,  (ille  et  héritière  de 
Madelon,  seigneur  d'Orves,  conseiller  aux 
Comptes,  et  de  Charlotte  de  Buisson,  était 
nièce  de  Peiresc  à  cause  du  mariage  du  père 


de  la  jeune  épouse,  Guillaume  Cambe,  avec 
Charlotte  Fabry,  sœur  de  Reynaud ,  seigneur 
de  Calas. 

*  Jean  de  Simiane  de  la  Goste,  fils  de 
l'eu  Henri  et  d'Angélique  de  Lacépède.  Le 
mariage  fut  célébré  le  28  octobre  1682. 

°  La  sévérité  de  cette  phrase  nie  faisait 
douter  qu'il  fût  là  question  des  Olivari,  si 
grands  amis  de  Peiresc,  mais  M.  le  marquis 
de  BoisgeHn,  que  j'ai  interrogé  sur  cette 
difficulté,  m'a  fait  l'honneur  de  me  répondre 
en  ces  termes  :  k  On  ne  peut  savoir  de  quoi 


:,0  LEÏTRES  DE  PEFRESC  [1632] 

[Post-scnptum  de  la  main  de  Peirexc:]  J'ay  receu  du  Levant  un  feuille! 
en  parchemin  d'nn  vieil  livre  Samaritain,  que  l'on  m'a  envoyé  avec  opi- 
nion que  ce  soit  l'un  de  ceux  qui  manquent  en  l'un  de  mes  volumes. 
Mais  sans  doubte  ils  se  sont  (équivoque/.  Vous  le  pourrez  neaiilmoin}îS 
bailler  à  Mons"^  du  Puy  avec  les  aultres  livres  entiers.  Possible  s'y 
trouvera-t-il  quelque  chosette  h  observer.  Car  il  ne  fault  rien  nef^lif^er 
en  matière  de  cez  fragments". 


XXXVIl 
À  MONSIEUR  r.UILLKMlN, 

PRIEUB   DE   BOLMOLXKS  EN  PROVENCE, 
'\  PARIS'. 

Monsieur  le  Prieur, 
Depuis  le  partemenl  du  dernier  ordinaire  j'escripvis  à  M'  de  Boissy 
et  paixeque  j'avois  receu  une  lettre  de  M'  Gassendy  où  il  me  faisoit  des 
recommandations  fort  obligeantes  de  la  j)art  de  Monsieur  le  président 
de  Mesmes,  son  filz  aisné,  je  ne  voulus  pas  vous  envoyer  ma  lellrt' 
pour  le  père,  sans  y  en  joindre  une  pour  le  (ilz.  que  j'ay  faici  mettre 
Roubz  des  enveloppes  volantes  afin  que  vous  puissiez  voir  l'une  et 
l'aultre  et  y  prendre  les  instructions  que  je  serois  «blig»^  dr  vous  réitérer 
sur  les  complimentz  que  vous  y  pouvez  adjonsler.  Je  ne  leur  mande 
rien  de  l'eau  nafîe,  de  crainte  que  quelque  cbeuttc  ou  caliotlage 
de  charroy  n'aye  faict  casser  plus  de  bouteilles  que  je  ne  voudrois, 
m'eslant  ressouvenu  qu'il  s'en  estoit  cassé  une  en  chargeant  la  caisse  h 

a  s'agissait  au  sujet  des  Ollivier  {alias  Oli-  en  i634,  elle  |>ouvait  briguer  la  niaiii  de 

vari).  Il  pnui'faitpourlant  y  avoir  là  quelque  sa  nièce  Ciiarlolle  Cambe.  tille  unique  el 

jalousie   de    famille    ei    quelque    rivalil'.  liérilière.»i 

Chartes  Carabe,   (rho  de  Madelon,   avait  '  Biblinlhèi|ue  ni»tionale,  fonds  français, 

épousé  Honorade  Ollivier,  el  celle-ci  avait  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  'if»5.  Ori- 

un  frère,  Pierre,  qui  se  maria,  le  12  110-  ginal. 

vembre  i6.33,  avec  Septille  des  Marlins  de  '  L'adress^  manque  dans  Iriiiginal. 

Puyloul>ier  el  pour  lequel,  par  conséquente 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  51 

Beaugentier,  laquelle  je  crois  bien  que  vous  oubliastes  de  faire  rem- 
placer avant  que  (le  partir  d'icy,  mais  je  crois  bien  aussy  que  si  la  charge 
a  esté  aulcuneuient  conservée  par  les  chemins,  vous  en  aurez  réservé 
une  demye  douzaine  de  bouteilles  pour  iVP  de  Royssi  et  une  couple 
pour  M''  le  président  de  Mesmes,  à  qui  vous  pourrez  demander  de  ma 
part  l'usage  des  deux  volumes  dont  je  luy  escriptz  desquelz  je  désire 
que  vous  me  fassiez  transcripre  le  bordereau  ou  catalogue  des  princi- 
palles  pièces  y  contenues,  s'il  y  en  a  esté  inséré  aulcun  en  chascun  vo- 
lume, et  si  Quentin  '  veut  entreprendre  de  les  transcripre  bout  à  bout  à 
prix  honneste,  puisqu'il  est  tant  de  loysir,  je  ne  seray  pas  marry  d'en 
faire  la  despence,  auquel  cas,  si  vous  ne  faictes  du  sesjour  de  par  de  là, 
il  ne  fault  que  remettre  lesdictz  volumes  entre  les  mains  de  M"^  du  Puy 
qui  fera  travailler  à  la  transcription  d'iceulx  par  ledict  Quentin  au 
prix  que  vous  aurez  convenu  lequel  il  luy  fera  payer  à  mesure  qu'il 
luy  rapportera  sa  besongne,  laquelle  il  fault  taxer  à  forfaict,  parceque  à 
en  compter  de  nouveaux  cahiers  escriptz  entre  deux  marges  si  larges 
comme  les  faict  Quentin  cela  cousteroit  le  double  de  ce  qu'il  peult  va- 
loir et  davantage.  Que  si  Mons"'  le  président  de  Mesmes  faisoit  diffi- 
culté de  laisser  sortir  de  chez  luy  lesdictz  volumes  (lesquelz  neant- 
moings  il  m'a  auttresfois  envoyez  chez  moy),  il  fauldroit  voir  si  Quentin 
y  pourroit  aller  travailler  chez  luy  principalement  si  vous  ne  pouviez 
vous  accorder  avec  luy,  pour  la  transcription  de  tout  l'ouvrage,  car  ne 
transcripvant  que  l'Indice,  il  n'y  aura  pas  de  la  besongne  pour  beau- 
coup de  temps  ne  qui  valusse  la  peine  de  faire  sortir  cez  livres  hors  de 
la  maison  de  leur  maistre.  Mais  s'ilz  en  sortent,  il  fault  voir  que  M'  du 
Puy  se  donne  le  soing  de  les  renvoyer  à  M"  de  Mesmes  par  personne 
bien  asseurée,  lorsque  Quentin  ou  aultre  copiste  qui  en  voulusse  faire 
meilleure  condition  en  auront  transcript  ce  qu'il  fault. 

Quant  à  M''  de  Roissy  vous  sçavez  ce  que  je  désire  apprendre  de  ses 
deux  petitz  escuellons  antiques  d'argent,  dont  je  vous  ay  baillé  les 
instructions  particulières  que  je  désire  que  vous  suyviez  selon  la  per- 

'  Le  copiste  dont  il  a  élé  si  souvent  question  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy. 

7- 


52  LETTRES  DR  PEIRËSC  [1632] 

mission  et  commodité  qui  vous  en  pourra  estre  donnée.  Mais  s'il  y 
avoit  moyen  de  les  faire  mouller,  vous  abbregeriez  bien  la  besongne, 
et  me  donneriez  bien  plus  d'advantage,  car  je  pourrois  faire  icy  l'essay 
et  l'examen  que  je  vous  ay  prié  de  faire  de  par  de  là,  mais  beaucoup 
plus  commodément,  parce  que  je  pourrois  comparer  la  contenance  du 
niodelle  que  vous  aurez  faict  faire,  avec  celle  de  mes  vases  et  mesures 
antiques  originelles,  et  avec  d'aultres  vases  et  mesures  anticjues  que 
m'apporte  de  Rome  M""  d'Arène'  do  la  part  non  seulement  du  cavalier 
del  Pozio^  et  aultres  de  mes  amis,  mais  encores  du  cardinal  Barberiu, 
qui  a  voulu  qu'on  ni'envoyast  tous  les  plus  curieux  vases  anciens  qu'il 
eusse,  entre  lesquelz  il  y  en  a  mesnies  de  Agathe  orientale  et  aultres 
pierres  précieuses,  afin  que  j'eusse  moyen  d'en  examiner  moy  mesnie 
plus  exactement  le  mezurage  que  j'en  veux  apprendre.  11  est  vray  que 
je  me  rendray  fort  soigneux  d'empesclier  quilz  ne  soient  rompuz,  mal 
traittez  ne  endommagez  en  façon  quelconque,  et  qu'ilz  luy  soient  rap- 
portez par  pei"8onnes  fidelles,  aussy  tost  que  j'en  auray  examiné  la 
contenance  et  deschiffré  les  figures  et  enrichissementz  qui  y  sont  des- 
sus, laissant  à  vostre  disposition  d'en  toucher  un  mot  à  M'  de  Hoissy 
selon  que  vous  pourriez  trouver  à  propos  ou  non,  car  je  ne  voudrois 
pas  qu'il  creust  que  j'eusse  affecté  de  me  vanter  de  cesle  faveur  que 
m'a  voulu  faire  ce  Prince,  aussy  bien  que  d'aultres  aujys  particuliers 
pour  l'induire  luy  à  me  presler  et  envoyer  de  si  loing  deux  pièces  que 
je  tiens  aussy  rares  comme  luy  les  tient  chères,  si  ce  n'est  que  vous  le 
recogneussiez  porté  de  si  bonne  volonté  en  mon  endroici,  et  si  bien 
disposé  à  me  prester  les  originaulx  qu'il  ne  fusse  pas  pour  prendre  en 
mauvaise  part,  ne  pour  l'interpréter  sinistrement  et  à  prendre  pour 
impudence  la  liberté  et  la  hardiesse  de  luy  demander  la  communica- 
tion de  ses  belles  curiositez.  Que  si  il  vous  permet  de  les  faire  mouller, 
vous  pourriez  y  employer  un  moulleur  qui  a  fort  souvent   travaillé 

'  Voir  sur  d'Arène  le  recueil  Peiresc-Du-  ^  Voir  sur  le    cavalier   del    Pozzo   les 

puy.  Nous  verrons  un  peu  plus  loin  que ,  dans  Lettres  de  Peirexc  aujt  frh-e*  Dupuy  el  aussi 

un  momeot  de  mauvaise  humeur,  Peiresc  lui  (passim)  notre  loine  IV  {Lettres  n  J.-J.  Bou- 

donne  un  certificat  d'indigence  d'espriU  chard). 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  53 

pour  moy  nommé  maistre  Sergent  ^  qui  se  tenoit  devant  la  Galère  en 
la  riie  d'Avignon  qui  est  une  petite  ruette  tout  au  commencement  de 
.  la  riie  S'  Denis,  pour  passer  à  S'  Jacques  de  la  Boucherie,  entre  le 
Chastelet  et  la  rue  de  la  Heaumerie;  si  par  hazard  il  ne  se  tenoit 
plus  là ,  les  orplievres  vous  donneront  des  addresses  pour  le  trouver  et  il 
les  vous  moullera  tous  deux  avec  son  sable  dans  une  matinée,  si  vous 
le  rencontrez  en  bonne  humeur,  principallement  si  vous  ne  les  faites 
jetter  qu'en  plomb.  Mais,  s'il  avoit  le  loisir  de  les  jetter  en  cuivre,  j'en 
estimerois  beaucoup  plus  les  empreintes,  pourveu  qu'il  aye  le  soing 
surtout  de  mouller  bien  nettement  le  creux  du  dedans  de  chascun 
dcsdictz  escuellons  afin  de  conserver  la  vraye  mesure  de  leur  con- 
tenance, de  laquelle  je  suis  plus  jaloux  que  de  la  netteté  des  figures  ou 
mascarons  de  relief  qui  y  sont  ciselez  par  le  dehors,  car  j'ay  esprouvé 
[que]  plusieurs  des  empreintes  que  j'avois  faict  faire  de  plomb  se  ré- 
duisent en  pouldre  par  succession  de  temps.  Si  ce  moulleur  vous  man- 
quoit  il  s'en  peut  trouver  assez  d'aultres  dans  Paris  que  les  orphevres 
vous  indiqueront,  desquelz  je  désire  que  vous  vous  informiez  et  que 
vous  dressiez  un  mémoire  le  plus  exacte  que  vous  pourrez  de  toutes 
les  diversitez  de  noms,  dont  ilz  distinguent  toute  sorte  de  vases  d'orphe- 
vrerie,  tant  de  ceux  qui  portent  des  couvercles  que  de  ceux  qui  n'en  ont 
poinct.  Et  mesmes  de  toute  aultre  sorte  de  vaisselle  tant  de  platz  et  des 
bassins  qui  ont  des  bordz  que  des  escuelles  à  oreille  et  de  toute  sorte 
de  couppes  et  godetz  à  boire  et  ne  fault  pas  oublier  de  faire  un  mé- 
moire à  part  le  plus  exacte  que  vous  pourrez  de  toutes  les  parties  et 
membres  d'un  vase  de  ceux  qui  sont  le  plus  façonnez  pour  sçavoir  bien 
distinguer  par  les  noms  propres  de  l'art  la  différence  qu'il  y  a  de 
l'ance  pleyante  d'un  seau  ou  d'une  buyre  d'avec  celle  d'une  esguiere  ou 
d'ung  ourgeol,  et  d'avec  le  manche  d'un  reschault  ou  d'une  bassinoire, 
comme  aussy  la  différence  qu'il  y  peut  avoir  du  fondz  ou  du  plus  hault 
ou  du  ventre  d'un  vase  et  de  son  goulet  d'avec  les  lèvres  de  son  ori- 
fice, mais  principalement  pour  les  piedz  la  différence  de  ceux  qui 

Sur  le  moii leur  Sergent  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  I,  p.  i5o. 


54  LETTRES  DE  PEERESC  (lG3iJ 

sont  portés  sur  des  pattes  séparées  comme  les  reschaultz  et  certaines 
sortes  de  sallières,  d'avec  ceux  qui  sont  portez  par  des  bords  tout 
roiidz  et  d'une  pièce  comme  sont  les  ayguieres,  ou  de  ceux  qui  sont 
plus  lonfjs  et  qui  ont  de  plus  grandz  ornenicnlz  comme  les  piedz  des 
calyces  et  des  couppes,  ou  de  ceux  qui  sont  faiclz  en  forme  de  base 
de  colonne  ou  de  pattin.  Et  particulièrement  enquerez  vous  de  ceux 
qu'ils  font  en  forme  d'un  petit  sachet  ou  d'une  bourse  avec  trois 
griffes  ou  boulettes  qui  luy  servent  de  piedz  et  un  goulel  fort  estroict 
et  fort  allongé,  qu'ilz  appellent  un  taste  vin  qui  est  ouvert  par  le  cul 
aussy  bien  que  par  le  plus  hault,  sans  oublier  les  noms  des  petitz 
tuyaux  que  nous  appelions  en  provençal  le  bourson  par  où  l'on  faict 
couller  le  vinaigre  d'un  vinaigrier  ou  l'eau  d'une  buyre.  Et  demandez 
aussy,  je  vous  prie,  s'il  n'y  a  poinct  de  vase  particulier  destiné  à  tenir 
de  l'huyle,  qui  se  fasse  d'argent  pour  l'usage  de  cez  grandes  maisons, 
qui  aye  quelque  nom  particulier  entre  les  orplievres  coma)e  chez  les 
potiers  d'estain;  marquez  aussi  s'il  y  a  des  noms  particuliers  des  petitz 
godetz  à  boire  qui  n'ont  poinct  d'ance  ny  de  manche  ny  de  piedz 
et  comment  ils  appellent  les  petitz  bordz  ou  mouslures  qu'ilz  y  font 
pour  une  espèce  de  représentation  de  pied.  11  ne  fault  pas  oublier  les 
bouteilles  tant  rondes  que  quarrées  avec  leurs  chaînes  ou  ances  pen- 
dantes et  la  distinction  des  bouteilles  à  raffraischir  qui  ont  le  ventre  si 
applaty  ou  renfoncé  d'avec  celles  dont  le  plat  est  suspendu  comme 
les  ordinaires  bouteilles  d'eau  naffe.  Et  si  l'on  n'a  perdu  tout  à  faict 
l'usage  des  cimîiizes,  qui  estoient  des  vases  dont  on  uzoit  du  temps  de 
noz  pères  pour  aller  offrir  du  vin  à  l'Eglise^  il  n'y  auroit  poinct  de 
danger  d'en  prendre  le  nom  françois  et  des  membres  ou  parties  des- 
dictz  vases.  Surtout  il  fault  tascher  de  faire  parler  calhegoriquement 
quelque  bon  vieil  orphevre,  et  prendre  mémoires  et  instructions  de 
luy,  de  la  proportion  qu'ilz  ont  accoustumé  d'observer  à  peu  prez,  pour 
la  mezure  et  contenance  de  la  pluspart  de  leurs  vases,  estant  bien  cer- 
tain que  quand  ils  font  par  exemple  un  vinaigrier,  ilz  ne  veullent  pas 
qu  il  contienne  moins  que  la  contenance  de  deux  ou  trois  coques  d'œuf, 
ne  davantage  que  la  contenance  de  la  moictié  du  demy  septier  ou  en- 


[1632]  À  I).  GUILLEMIN.  65 

viron,  ce  qii'ilz  vous  distingueront  par  quelque  sorte  de  mezure  ou 
d'aultres  termes  plus  propres  que  je  ne  vous  sçaurois  exprimer.  De 
mesmes  une  esguiere  ne  contient  pas  communément  guieres  plus  ne 
moins  qu'une  pinte,  ou  aultre  mesure  plus  congneiie  à  eulx  qu'à  nous, 
ne  une  buyre  moins  d'un  seau  ou  deux,  les  barrilletz  pour  l'eau  à  pro- 
portion, ainsy  des  grandz  et  des  petitz  platz  des  fruictiers  et  de  ceux 
mesmes  qui  sont  faictz  en  forme  de  corbillons  et  de  cuvettes  qui 
n'excèdent  pas  une  certaine  grandeur  à  peu  prez  qu'ilz  peuvent  com- 
parer ou  aux  mezures  du  vin  ou  à  celles  des  grains  ou  à  celles  des 
fruictz;  si  vous  aviez  la  patience  de  demander  encores  à  quelque  chau- 
dronnier les  noms  des  vases  qui  ne  sonl  pas  imitez  par  les  orfèvres, 
il  ne  seroit  pas  inutile  et  encore  plustost  aux  potiers  d'estain ,  pour  re- 
congnoistre  la  différence  non  seulement  des  noms  des  vases  destinez  à 
tenir  du  vin  d'avec  ceux  qui  sont  destinez  à  l'huyle,  mais  aussy  la  diffé- 
rence des  mezures ,  lesquelles  sont  communément  observées  assez  exacte- 
ment en  la  pluspart  des  vases  d'estain  que  l'on  achepte  pour  estre  de  la 
contenance  de  tant  d'huyie  ou  de  tant  de  vin,  et  de  ceux  là  je  vous  prie 
d'en  faire  marquer  les  noms  particuliers,  non  seulement  de  tout  le 
vaze  entiei",  mais  aussy  des  parties  d'icelluy,  car  je  voudrois  scavoir  au 
vray  les  plus  vrays  et  plus  propres  noms  de  tous  les  membres  d'un 
vase  à  tenir  du  vin  et  sçavoir  comment  on  pourroit  exprimer  la  diffé- 
rence de  son  ventre  qui  se  ramenuise  par  le  fondz  et  qui  se  restressit 
bien  par  le  goulet  et  comment  ilz  distinguent  le  fondz  plat  et  le  petit 
orlet  sur  lequel  est  posé  un  pot  à  vin  d'avec  les  aultres  vases  qui  ont 
le  fondz  arrondy,  et  qui  «ont  sur  un  anltre  sorte  de  pied,  comme  aussy 
la  différence  du  ply  des  lèvres  qui  sert  à  verser  le  vin  hors  dudict  vase 
d'avec  le  ply  d'une  esguiere,  principalement  quand  elle  a  un  couvercle 
qui  couvre  la  gueulle  de  l'esguiere  et  oblige  à  couvrir  en  forme  de 
tuyau  le  ply  par  oh  on  verse  l'eau.  Il  y  a  aussi  des  charnières  en  la 
pluspart  des  vazes  qui  ont  des  couvercles  attachez  dont  il  fault  ex- 
primer les  principales  parties  et  particulièrement  aux  potz  d'estain  on 
attache  au  couvercle  de  certaines  sortes  de  tenons  en  forme  de  glandz 
pour  servir  à  hausser  le  couvercle,  dont  je  voudrois  bien  sçavoir  le 


56  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

propre  nom.  Et  mesme  d'une  certaine  arreste  qui  règne  sur  ledict 
couvercle,  laquelle  abboutit  ausdictz  glandz,  ce  qui  me  faict  souvenir 
de  vous  demander  pour  les  cuilliers  d'argent  ce  que  vous  pourrez  ap- 
prendre des  orphevres  pour  les  noms  tant  de  la  coquille  que  d'une 
pareille  areste  qui  est  par  dessoubz  et  du  manche  ou  de  la  queue, 
comme  aussy  la  différence  des  manches  ou  des  queues  de  la  poésie  ou 
du  gril. 

Je  vous  donne  là  un  estrange  exercice,  mais  aprez  un  peu  de  peine 
et  d'importunité  le  plaisir  du  recueil'  en  sera  tant  plus  grand;  si 
mesmes  vous  avez  la  patience  de  demander  à  peu  prez  la  mesme  chose 
à  des  potiers  de  terre,  il  s'y  trouveroit,  je  m'asseure,  de  quoy  proffitler 
quasi  tout  aultant  pour  ma  curiosité,  et  mesmes  à  des  verriers  pour  la 
différence  des  vases  de  verre;  voire  si  estant  en  Guyenne  vous  y  re- 
cognoissiez  des  différences  de  noms  particuliers  je  n'en  estimerois 
guieres  moins  l'observation  en  cesle  langue  là  qu'en  la  Françoise  plus 
correcte,  parceque  j'y  recherche  des  vestiges  de  plus  vieilles  origines 
de  noms  Grecz  et  Latins.  Et  quand  vous  feriez  faire  des  griffonnemenli 
par  un  peintre  de  quelques  uns  des  vases  plus  notables,  principale- 
ment de  ceux  dont  vous  voudrez  marquer  la  différence  des  membres 
et  de  la  forme  du  ventre  soit  rond  ou  à  ovale  droicte  ou  renversée,  ou 
en  forme  de  figue  ou  de  fromage  ou  de  lentille  ou  aultre,  il  ne  seroit 
que  trez  bon  et  j'en  ferois  bien  volontiers  la  despence,  mais  je  regrette 
bien  vostre  peine  et  m'en  revencheray  Dieu  aydant  ou  je  ne  pourray 
comme  estant, 

Monsieur  le  Prieur,  • 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

i)E  Peiresc. 

A  Aix,  ce  ag'  d'octobre  i63a'. 

Le  mot  recueil  est  ici  employé  dans  le        nouvelles  acquisitions,  5171,  foi.  467.  Ori- 
sens  de  :  action  de  recueillir.  ginal.  —  Copie  à  la  Méjanes,  collection  Pei- 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,        resc,  t.  V,  fol.  590. 


[1632] 


A  D.  GUILLEMIN. 


57 


XXXVIII 
MÊME  ADRESSE. 

(Avec  une  boitte  marquëe  comme  cy-dessus  X.) 

Monsieur  le  Prieur, 
Ce  mot  n'est  que  pour  accompagner  la  boitte  cy  jointe  où  vous  trou- 
verez six  petites  figues  d'essence  de  fleurs  d'orange,  dont  l'une  est  plus 
grosse  que  les  aultres.  Et  si  l'on  me  tient  parolle  il  y  en  aura  encore 
une  7*,  si  elle  arrive  à  temps  auparavant  la  closture  du  pacquet,  et 
par  mesme  moyen  pour  vous  recommander  comme  je  faictz  trez  afïec- 
tueusement  Mons''  d'Admirat,  qui  en  a  voulu  estre  le  porteur,  filz  de 
Mons'  de  S'  Benoist  '  et  beau-frere  de  Mons"'  l'Evesque  de  Grasse  de 
mes  meilleurs  amys^.  Je  vous  prie  de  l'assister  et  introduire  cliez 
mes  amys  et  particulièrement  à  M'  Aubery  à  qui  j'en  eusse  volontiers 
escript  si  je  n'eusse  esté  trop  pressé,  sur  quoy  je  finis  demeurant. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peibesc. 

A  Aix,  ce  6'  novembre  i632  '. 


'  Fre'déric  Lombard,  seigneur  d'Admi-' 
l'ai  (actuellement  Amirat),  Thorenc,  etc., 
était  un  fils  cadet  d'Honoré  Lombard, 
seigneur  de  Saint-Benoît,  et  de  Catherine 
de  Jean ,  sa  seconde  femme. 

^  L'évêque  de  Grasse  était  alors  Scipion 
de  Villeneuve,  sacré  le  8  mai  i63a.  11  suc- 


cédait à  Jean  Guérin,  mort  le  7  avril  pré- 
cédent. Frédéric  Lombard  avait  épousé  en 
1698  Marguerite  de  Villeneuve,  sœur  du 
prélat. 

^  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  /170.  Ori- 
ginal. 


IHPRIKCIIIE    KATIOIIALX. 


58  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 


XXXIX 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  vous  félicite  de  bien  bon  cœur  vostre  heureuse  arrivée  dans  Paris 
et  ne  vous  sçaurois  assez  représenter  le  plaisir  que  j'ay  receu  d'ap- 
prendre que  vostre  faict  soit  arrivé  si  bien  conditionné  et  que  le  tout 
aye  esté  receu  en  si  bonne  part  tant  de  Mons'  Aiibery  que  de  Mess"  du 
Puy,  vous  remerciant  par  un  million  de  fois  du  grand  soinjj  qu<î  vous 
en  avez  prins  parmy  le  cahotajjc  du  coche  et  de  l'huylc  de  jossemin  <jue 
vous  y  avez  si  opportunément  adjousté  dont  l'honneur  et  l'advantage 
m'en  demeure  là  où  vous  n'avez  que  de  l'inlerest  et  de  la  peine  que  je 
recongnoistray  quelque  jour  Dieu  aydant  ou  je  ne  pourray.  Je  pense 
que  vous  n'aurez  pas  tardé  d'avoir  les  lettres  que  vous  attendiez  de 
moy  pour  M'  de  Roissy  et  pour  M'  de  Mesmes  et  me  tardera  bien  da- 
vantage à  moy  d'apprendre  le  succez  de  ce  que  vous  aurez  peu  negotier 
avec  eulx.  Vous  aurez  encore  auparavant  receu  la  lettre  pour  Dom  Collc- 
tet  qui  vous  aura  ouvert  le  moyen  pour  vostre  voyage  de  S'  Denis, 
dont  j'attends  bien  aussy  l'issue  en  bonn»;  dévotion.  J'escriptz  main- 
tenant aux  sieurs  GauU  etVivot'  sur  le  subject  que  vous  verrez  de 
Il  vases  antiques  dont  m'a  donné  advis  le  s'  Menestrier  et  dont  il  nie 
tardera  infiniment  de  pouvoir  apprendre  la  contenance,  si  vous  pouvez 
trouver  moyen  d'en  faire  la  preuve  hors  de  leur  présence  avec  voz  petilz 
escuellons.  Surtout  je  vous  recommande  l'examen  de  l'un  de  ceux  du 
sieur  Gault  qui  est  faict  en  forme  d'une  teste  à  deux  visaiges  et  si  par 
hazard  ces  gentz  estoient  assez  honnestes  pour  vous  perniettre  de  m'en- 
voyer  les  originaux,  je  vous  prie  de  les  faire-mettre  dans  quelque  pe- 
tite cassette  le  plus  proprement  qu'il  sera  possible  et  aprez  y  avoir  faict 
apposer  le  sceau  des  fermiers  de  la  douane  et  foreine,  envoyez  le  moy 

Sur  le  collectionneur  parisien  GauU,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  L'orftvre  Vivol, 
parisien  lui  aussi,  sera  souvent  mentionné  dans  les  lettres  suivantes. 


[1632J  À  D.  GUILLEMIN.  59 

le  plus  tost  que  vous  pourrez  avec  un  billet  desdictz  fermiers  soubz 
iaddresse  à  Lyon  de  MM''  François  et  Pierre  Le  Roy  à  Lyon  {sic),  ou 
bien  de  M''  de  Rossi. 

J'oubiiois  de  vous  remercier  comme  je  doibz  de  vostre  belle  calotte. 
Il  ne  se  faict  rien  de  semblable  de  par  deçà,  où  j'en  avois  faict  faire 
une  qui  me  couvre  la  teste  un  peu  plus  avant  que  la  vostre,  de  sorte 
que  je  n'oserois  maintenant  changer  avec  le  froid  qu'il  faict.  Ce  sera 
pour  le  beau  temps  Dieu  aydant.  Sur  quoy  j'attendray  la  relation  de  la 
teste  et  gobelet  de  verre  antiques  que  vous  me  promettez,  ayant  rendu 
vostre  paquet  au  prieur  de  la  Valette  ',  et  demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  all'ectionné  serviteur  et  meilleur  aniy, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  i5  nov[einbre]  i63a. 

Je  pensois  escripre  à  cez  libraires ,  mais  j'ay  eu  plus  .de  divertissements , 
celte  semaine,  que  je  n'avois  encores  eu  dans  ceste  ville  à  mon  grand 
regret  et  la  veniie  aujourd'huy  fle  M"^  le  Marescbal^  a  achevé  de  m'en 
oster  le  moyen.  Il  fauldra  voir  la  semaine  prochaine  avec  l'ayde  de  Dieu. 

Je  vous  envoyé  ce  petit  cachet  en  attendant  que  le  grand  soit  faict  ^. 


XL 

MÊME   ADRESSE. 

(Avec  un  pacquet  pour  le  R.  P.  Sirinond.) 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  depesche  du  1 2°  de  ce  mois  avec  celle  de  Mons'  du 
Puy  de  mesme  datte  et  par  conséquent  toutes  voz  lettres  que  j'ay  faict 

'  Joseph  Gaultier,  si  souvent  mentionne  peut  voir  {passitn)  le  recueil  Peiresc-Dupuy. 
dans  les  lettres  aux  frères  Dupuy  comme  '  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français, 

dans  les  lettres  h  Gassendi.  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  k'jh.  Ori- 

'  Le  maréchal  de  Vitry,  sur  lequel  on  ginal. 

8. 


60  LETTRES  DE  PEIRESC  [163-2] 

tenir  à  leur  addresse  et  le  livre  de  feu  Madame  d'Allemagne  que  j'ay 
prins  plaisir  de  voir,  et  qui  ne  fut  taxé  qu'un  quart  d'escu  de  port, 
chose  que  je  n'avois  pas  encores  esprouvée  de  cez  maistres  de  poste  (|ui 
ne  vouloient  rien  rabattre  de  la  taxe  comme  si  tout  estoil  port  de 
lettres.  Je  vous  remercie  bien  fort  du  soing  que  vous  avez  eu  tant  de 
cela  que  de  toutes  mes  aultres  petites  commissions,  et  de  la  relation 
que  vous  m'avez  faicte  tant  de  ce  godet  de  verre  violet  à  peu  prez 
semblable  à  l'un  des  miens  d'argent  qne  de  cet  aultre  petit  vase  de 
bronze  en  forme  de  teste  de  satyre,  lequel  je  n'estimerois  pas  moins 
s'il  est  véritablement  antique,  dont  je  seray  en  double  jusques  à  ce 
que  Mons'  Menestrier  l'aye  veu,  si  ce  n'est  que  ce  s'  de  Pontus  se 
puisse  laisser  persuader  de  me  faire  voir  l'un  et  l'aultre  originellement 
de  par  deçà,  pour  raison  de  quoy  je  me  suis  bazardé  d'en  cscripre 
tant  à  luy  qu'à  M'  de  Rossy  et  audicl  s'  Menestrier,  ayant  esté  bien 
marry  qu'avec  voz  escuellons  vous  n'en  ayez  peu  examiner  la  con- 
tenance, laquelle  seule  eust  esté  quasi  sullizantc  de  me  faire  juger 
de  l'antiquité  de  la  pièce  de  bronze,  car  pour  l'aultre  de  verre  je  ne 
doubte  nullement  qu'elle  ne  soit  anirque  sur  la  description  que  vous 
m'en  faictes,  et  ne  l'estimerois  guieres  njoins  que  les  mieimcs  d'ar- 
gent si  elle  estoit  à  moy.  Vous  avez  oublié  de  me  dire  s'il  n'y  avoil 
poinct  de  piedz  non  plus  qu'aux  miennes  d'argent  comme  je  me  l'ima- 
gme,  puisque  vous  ne  le  descripvez  poinct  et  que  vous  conq)arez  la 
pièce  aux  miennes;  cela  vous  servira  d'advis  pour  l'advenir,  de  ne 
point  aller  sans  cez  petitz  escuellons  tant  qu'ilz  ne  vous  seront  poinct 
trop  à  charge. 

Quant  à  l'eaue  naffe  qui  vous  reste,  estant  si  peu  de  chose,  j'aurois 
honte  qu'elle  fusse  présentée  à  ces  Mess"  du  Puy  de  nostre  part  et  ce 
que  vous  m'en  dictes  me  fera  chercher  l'occasion  de  leur  en  faire  tenir 
l'année  prochaine  Dieu  aydant  un  peu  meilleure  provision  tant  [lour 
M"'  de  Thou  que  pour  eux;  si  toulesfois  vous  leur  aviez  desja  présenté 
ce  que  vous  avez  à  la  réception  de  ma  lettre  il  n'y  aura  pas  si  grand 
danger  qu'il  n'y  aye  de  quoy  prendre  patiotlte,  mais  si  cela  n'cstoit  pas 
faict,  possible'  vous  en  prévaudriez  vous  beaucoup  mieux  en  les  dis- 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  61 

tribiiant  à  quelqu'un  des  entremetteurs  domestiques  de  chez  Madame 
la  Mareschalle  d'EfUal  '  pour  en  obtenir  plus  libre  communication  des 
.  vases  de  son  cabinet  mentionnez  en  voz  instructions  et  peut  eslre  que 
cela  pourroit  servir  envers  la  pei'sonne  du  sieur  Ganlt,  qui  a  un  si 
beau  cabinet  à  la  gallerie  des  Tuilleries  pour  vaincre  et  radoucir  un 
peu  la  rudesse  de  son  humeur  Arabe  et  pour  ayder  à  le  disposer  de 
me  laisser  prendre  la  communication  de  ses  trois  vases  de  bronze  an- 
tiques, sinon  jusques  icy,  au  moins  jusques  chez  vous,  afin  que  vous 
ayez  plus  de  commodité  de  les  faire  portraire  et  examiner  leur  con- 
tenance et  capacité  à  ma  mode,  et  en  un  besoing  quand  ce  ne  seroit  que 
pour  les  y  faire  mousler  en  piastre,  car  je  ne  laisrois  pas  de  me  servir 
de  l'empreinte  de  piastre,  principalement  si  vous  faisiez  faire  des  pe- 
tites boittes  ou  tuyaux  de  fer  blanc  qui  ne  continssent  pas  davantage 
d'eau  que  chascun  desdictz  vases  bien  au  juste  comme  il  est  bien  aysé 
de  le  faire,  car  le  fer  blanc  se  peut  couper  de  la  haulteur  qui  luy  est 
nécessaire  pour  contenir  toute  l'eau  qui  remplit  le  vase  antirjuc,  sans 
qu'il  y  aye  rien  de  trop  ou  de  trop  peu.  Auquel  cas  on  pourroit  escripre 
sur  les  boittes  de  fer  blanc  certains  nombres  et  certaines  lettres  qui 
eussent  leur  rapport  à  ces  empreintes  ou  modelles  de  piastre,  et  pour- 
roit on  uzer  de  la  mesme  diligence  pour  le  regard  du  vase  du  s"'  Vivot, 
orphevre,  qui  se  pourroit  mousler  en  piastre  comme  les  aultres  au 
deiïault  de  la  veiie  des  originaulx,  et  prendre  sa  contenance  dans  une 
boitte  ou  tuyeau  de  fer  blanc  bien  adjustée.  Auquel  cas  il  faudroit  re- 
tenir les  creux  de  piastre  qu'on  auroit  mouslez  sur  les  originaux  pour 
me  pouvoir  servir  de  par  deçà  à  y  jetter  de  la  cire,  et  possible  pour 
en  faire  mousler  en  cuivre  quelque  jour  si  la  fantaisie  m'en  prenoit  et 
que  la  chose  le  meritast,  comme  j'ay  desja  faict  de  la  teste  que  vous 
avez  veiie  en  Avignon  chez  le  s'  de  Zanobis-^,  laquelle  est  en  forme 
de  vase. 

La  femme  crAnloine  CoefTies,  marquis  ni  son  commentateur,  n'ont  ineulionnd  la 

d'Effiat,  mardchal  de  France,  suiinlendanl  maréchale. 

des  finances,  etc.,  niorl  le  ay  juillet  lôDa.  *  V^oir  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  Ajou- 

Ni  Tallemanl  des  Réaux  {Uistorielte  i.xxin),  Ions  que  M.  Ed.  Bonnaffë  a  fait  figurer  ce 


62  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Quant  à  M'  de  la  Baroderie,  bien  que  ce  fou  se  soit  desdit  de  ce  qu'il 
vous  avoit  tant  promis  de  par  deçà  dont  il  ne  sera  possible  pas  bon 
marchand,  je  pense  que  vous  pourriez  neanlmoins  rendre  audict  s'  de 
la  Baroderie  la  lettre  que  je  luy  escripvois,  en  luy  faisant  excuse  de  la 
sottise  de  ce  babouin,  car  il  pourroit  bien  procurer  le  mesnie  advan- 
tage  à  quelque  aultre  de  sa  cognoissance  et  de  son  pais,  où  le  vin  n'a 
pas  tant  d'empire  pour  le  disposer  h  nostre  usage;  voire  n'y  auroit  il 
point  de  danger  quand  vous  verriez  si  par  son  entremise  nous  pour- 
rions dez  à  présent  avoir  quelque  bon  jardinier  qui  fusse  à  l'espreuve 
du  vin,  sans  laquelle  tout  est  inutile,  car  ce  fou  de  Barthélémy  qui  a 
roullé  de  par  deçà  jusques  à  ceste  heure,  nous  aura  possible  soustraict 
celluy  que  nous  pensions  avoir  au  reffus  de  Madame  d'Oppede  '.  et  je 
crains  bien  qu'il  ne  l'aye  mis  à  la  desbauche  comme  luy,  soubz  prétexte 
de  le  mener  travailler  ça  et  là  en  divers  lieux.  On  me  vient  de  dire 
qu'il  est  enfin  party  ce  jourd'huy,  mais  je  ne  le  crois  guieres  bien. 

Quant  aux  petitz  cbatz''  je  laisse  à  vostre  arbitrage  de  les  employer 
oix  vous  voudrez  si  vous  ne  l'avez  desja  faict  envers  M'  de  Roissy.  Au 
deffault  de  quoy,  si  vous  ne  jugez  que  cela  vous  y  soit  bien' utile,  pos- 
sible ne  seroient  ilz  poinct  si  mal  employez  chez  ledict  sieur  Gault  j>onr 
capter  sa  benevolance  ou  bien  l'un  à  luy  et  l'aultre  à  Vivot.  Que  s'il 
ne  tenoit  qu'à  de  l'argent  pour  avoir  leurs  vases  en  propriété,  j'y  em- 
ployerois  volontiers  jusques  à  six  escus  pièce  l'un  portant  l'aultre,  et 
jusques  à  dix  escus  de  celluy  dudict  sieur  Gault  qui  est  à  deux  visaiges, 
auquel  cas  il  se  pourroit  prendre  sur  le  crédit  de  M'  Aubery  que  je 
feray  rembourser  soigneusement  par  M'  de  Gasiines*. 

Vous  aurez  eu  par  le  dernier  ordinaire  le  petit  cachet  que  vous  at- 

personnage  dans  le  Dictionnaire  des  aviateurs  rile  d'Oraison.  Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy, 

français,  mais  en  lui  assignant  une  place  t.  11,  p.  161. 

qui  désoriente  les  cherclieurs,  car  ce  n'est  '  Ce  passage  a  élé  cité  pai'  M.  Léo[)old 

pas  à  la  fui  du  volume  qu'il  faut  le  cher-  Delisle  dans   Un  grand  amateur  français, 

cher,  sous  la  lettre  Z,  c'est  à  la  page  79  P-  17- 
sous  la  lettre  D,  au  mot  Dcsanobis.  '  Sur  ce  négociant  de  Mai'seille  voir  le 

La  femme  du  premier  président  du  recueil  Peiresc-Dupuy,  passim. 
Parlement  de  Provence  s'appelait  Margue- 


[t632J  À  D.  GUILLEMIN.  63 

tendiez,  mais  quand  vous  vous  seriez  servy  d'un  chiffre  il  n'y  auroit 
pas  eu  grand  danger  non  plus  qu'envers  cez  Mess''  de  Bordeaux  où 
vous  avez  trouvé  bon  d'envoyer  de  mes  lettres  à  l'advance,  m'esfonnant 
que  pendant  le  grand  loisir  de  Beaugentier  vous  n'eussiez  l'aict  faire 
des  cachetz  volantz  pour  toutes  ces  lettres  à  mesure  que  vous  les  aviez 
leiies.  Nous  n'avons  peu  encores  venir  à  bout  du  grand  cachet  pour  la 
négligence  que  mon  frère  y  avoit  apportée  du  commancement  tandis 
que  le  pauvre  M'  Suchet  n'estoit  pas  si  occupé  comme  il  a  esté  depuis, 
mais  il  m'a  promis  d'en  sortir  et  aussytost  je  le  vous  euvoyeray. 

Au  reste  M'  d'Arène  est  enfin  revenu,  et  m'a  apporté  les  bulles, 
tant  sur  l'esmologation  du  concordat  des  Jésuites  qui  ont  esté  payées 
rique  à  rique  à  cent  et  tant  d'escus  que  pour  l'union  de  Porchères  où 
l'on  a  faict  gratis  de  la  Gomponenda,  mais  elles  n'ont  pas  laissé  de 
couster  aultant  que  les  aultres.  Je  ne  les  vous  envoyray  poinct  par  cest 
ordinaire  pour  avoir  loisir  d'en  retenir  un  extrait  de  chascune,  parceque 
le  pacquet  est  desja  bien  gros  sans  cela ,  à  cause  d'un  livre  de  Mess"  du 
Puy.  Ce  sera  Dieu  aydant  par  le  prochain  ordinaire  lequel  attendant  je 
liniray  priant  Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa  saincte  garde,  bien  marry 
qu'il  me  faille  encores  différer  ceste  sepmaine  la  depesche  concernant 
les  libraires.  Le  sesjour  de  M''  le  Mareschal  en  ceste  ville  et  de  cez 
MM"  les  Commissaires  m'ayant  osté  le  moyen  d'y  vacquer,  oultre  que 
je  ne  me  suis  guieres  bien  trouvé  hier  ne  aujourd'huy,  mais  grâces  à 
Dieu  ce  n'est  pas  de  mal  auquel  je  ne  sois  bien  accoustumé,  et  dont 
j'attendray  qu'il  plaise  à  Dieu  de  me  soulager  quand  ce  sera  son  bon 
plaisir  qui  sera  lousjours  assez  à  temps,  quand  il  sera  conforme  à  sa 
saincte  volonté.  Cependant  je  demeureray  tonsjours, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy. 

DE  Peireso* 
A  Aix,  cp  Qs  novembre  i63a. 

Plus  je  pense  à  la  negotiation  du  s''  Gault  pour  ces  vases^  plus  je  me 
confirme  à  l'opinion  que  si  vous  trouviez  moyen  de  luy  faire  voir  cez 


64  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

petitz  chatz  '  chez  vous  sur  l'occasion  de  vous  aller  remercier  de 
quelque  bouteille  d'eau  naffe  ou  bien  luy  mener  voir  ceux  de  M'  d'Au- 
bery,  il  est  si  curieux  qu'il  pourroit  bien  en  prendre  envie,  princi- 
palement d'avoir  comme  cela  masle  et  femelle,  qui  luv  pourroit  faire 
espérer  de  proHitlcr  de  la  race,  auquel  cas  vous  seriez  bientost  maislre 
de  ses  vases  pour  si  peu  d'argent  que  vous  voudriez,  mais  je  crains 
que  mon  advis  n'arrive  trop  tard,  au([uel  cas  vous  pourriez  vous  en- 
gager de  parolle  de  luy  en  faire  tenir  d'icy,  car  je  ne  me  defferay  point 
de  ceux  qui  me  restent  que  je  n'aye  vostre  responce  sur  cela,  et  puisque 
la  Cour  est  à  ceste  heure  en  cez  quartiers  là,  je  crois  bien  qu'il  ne 
nous  manquera  pas  des  commoditez  d'y  envoyer  de  cez  petites  bestes 
quand  ce  ne  sera  que  pour  un  ou  deux  dans  un  panier  et  particulière- 
ment pour  des  petilz.  Joubliois  de  vous  dire  que  le  prieur  de  Mous- 
tiers  est  party  cejourdluiy  pour  retourner  à  la  Cour  où  il  se  pro- 
met de  vous  trouver  encores,  ne  faisant  pas  dessein  de  s'arrester  à 
Lyon  plus  de  deux  ou  3  jours.  Il  m'a  faict  de  grandes  protestations 
pour  vous  et  s'est  chargé  d'un  petit  pacquet  de  livres  dont  j'escriptz  à 
M'  du  Puy. 

Si  pour  avoir  le  vase  de  Vivot  il  ne  falloit  (jue  luv  promettre  un  de 
ces  petitz  chatz,  faites  le  hardiment,  car  il  y  aura  bon  moyen  de  s'en 
aquitter,  sans  diminuer  pour  cela  le  payement  du  vase  pourveu  qu'il 
se  veuille  contenter  d'une  demy  douzaine  d'escus  ou  peu  davantage. 
Seulement  pour  faire  mieux  valloir  la  marchandise,  il  fauldroil  le  prier 
de  ne  se  point  vanter  de  ceste  promesse,  à  cause  des  aultres  person- 
nages des  plus  eminentes  conditions  qui  m'en  font  demander,  comme 
si  vous  vous  dispensiez  de  l'ordre  d'en  donner  ailleurs  pour  l'amour  de 
luy  et  dudict  s'  Gault. 

J'ay  depuis  escript  au  P.  Sirmond,  et  luy  demande  la  coppie  de 
deux  images,  que  vous  ferez  portraire  pour  l'amour  de  moy,  l'une 
d'une  cène  d'eulumineure  qui  se  void  dans  un  livre  de  la  bibliothèque 

Passage  reproduit  par  M.  L.  Ddisle  (p.  17)  qui  fait  précéder  sa  nouvelle  citation  de 
ces  mots  :  rrEn  relisant  sa  lettre,  Peiresc  trouve  que  la  combinaison  est  excellente.  Il  a  ajouté 
en  post-sciiptmn  :  n. 


[1632]  À  1).  GUILLEMIN.  65 

du  Roy  qu'il  vous  indiquera,  où  se  void  un  ombrelle  sur  la  teste  du 
Christ,  et  l'aultre  est  d'un  vieux  seau  de  l'Empereur  Charles  le  Gros, 
qu'il  a  tiré  d'une  charte  de  Langres,  dont  je  verray  bien  volontiers  le 
portraict,  et  encores  plus  volontiers  l'empreinte  s'il  l'avoit,  ensemble 
un  peu  de  mémoire  de  la  datte  de  la  cliarte  et  des  qualitez  du  prince, 
si  ce  n'est  qu'il  veuille  bailler  la  coppie  entière  de  toute  la  charte  que 
vous  pourriez  faire  transcrire  par  Quentin'.  Si  vous  estes  encores  là, 
M"'  du  Puy  vous  remettra  le  pacquet  pour  le  luy  rendre  de  vostre  main. 

Pour  mes  rabbats,  c'est  la  vérité  que  vous  me  ferez  plaisir  de  m'en 
faire  faire  de  par  de  là;  je  vous  en  faicts  envoyer  un  des  miens  pour 
y  prendre  le  tour  de  col,  mais  je  ne  suis  pas  d'advis  que  vous  en 
suyviez  entièrement  la  forme,  attendu  qu'elle  est  fort  incommode,  et  je 
n'en  ay  jamais  porté  qui  fussent  bien  seantz  à  mon  gré,  pour  la  difti- 
culté  de  les  adjuster  par  devant,  mais  à  cette  heure  qu'on  ne  met  pas 
les  attaches  tout  au  dernier  bord,  ains  à  un  demy  doigt  ou  un  peu 
Mioings  loing  dudict  bord,  il  couvre  plus  facilement  le  collet  du  poui-- 
poinct  ou  de  la  sottane.  Je  vous  laisse  faire  cela  selon  l'usaige  de  delà 
seulement  de  prendre  la  largeur  du  rabat  la  plus  médiocre  que  vous 
pourrez,  pour  n'estre  ne  trop  large  ne  trop  estroict^. 

Pour  les  testes  de  bronze,  je  suis  bien  plus  curieux  de  celles  qui 
monstrent  d'avoir  esté  espargnees  creuses,  pour  servir  de  vases  à  con- 
tenir quelque  liqueur,  que  des  autres.  Mais  je  ne  suis  pas  gueres  moings 
curieux  de  celles  qui  sont  faictes  pour  estre  portées  perdues,  encores 
qu'elles  n'ayent  peu  servir  à  des  vases.  Et  de  celles  mesmes  qui  sont 
solides  et  fort  pesantes,  qui  sont  remplies  de  plomb  comme  l'une  de 
celles  de  M'  Gault,  car  je  croys,  mais  il  ne  s'en  fault  pas  venter,  qu'elles 
ont  servy,  comme  les  pieds  forts,  pour  y  adjuster  dessus  les  poids 
de  l'usaige  commun,  et  qu'on  afl'ectoit  de  les  faire  eu  forme  de  leui-s 
Deitez  pour  les  rendre  plus  vénérables,  et  retenir  la  licence  de  ceux 
qui  les  pouvoient  frauder.  C'est  pourqnoy  quand  vous  en  rencontrerez 

'  I.e  copiste  dont  il  est  si  souvent  fait  «en/jftwn  sont  autographes,  ainsi  que  tout  ce 
mention  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  (pii  suit  et  qui  est  inscrit  sur  un  feuillet 

'  I>es  paragraphes  préciklents  du  post-        détach($  (fol.  ''477). 

'•  9 

IXpniUCItlC    XATIOtiLI. 


U  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632J 

de  cette  nature  à  peu  prez,  ne  les  neglijjeï  pas.  iNomplus  (jue  les  lani- 
i)erons  de  bronze  antiques,  lorsqu'ils  seront  bien  nets  par  le  dedans, 
car  vous  me  ferez  plaisir  d'en  mesurer  la  contenance,  et  de  peser 
anssy  sur  le  poids  de  mark,  les  susdictes  testes  suspendues  ou  rem- 
plies de  plomb. 

Quant  aux  graveures  des  brasseilets  de  M' le  M[arquis]  de  Sourdis', 
il  n'y  aura  pas  de  danger  d'en  prendre  quelques  empreintes  en  cire 
des  plus  bigearres  et  plus  chargées  descritture,  mais  ne  vous  y  amusez 
pas  beaucoup,  car  je  n'avoys  faict  instance  au  s'  Gault  des  siennes  que 
pour  rechercher  un  prétexte  de  hiy  escrire,  et  ne  pas  laisser  |)aroistre 
que  ce  fusse  exprez  pour  ses  vases,  qui  me  toucheroient  beaucoup 
plus  au  vif. 

Vous  ne  m'avez  pas  moins  tenté  que  vous  pouvez  avoir  eu  de  ten- 
tation vous  mesmes  par  l'offre  que  vous  me  laictes  de  m'envoyer  Tori- 
ginal  du  vase  qui  reste  à  M'  de  Roissy,  sauf  de  le  recouvrer  dans  trois 
sepmaines.  Et  si  vous  en  aviez  faict  la  preuve  que  je  m'en  promecli  tant 
sur  le  vase  du  sieur  Marquis  de  Sourdy  que  sur  ceux  de  S'  Denys,  je 
vous  aurois  fort  facilement  pris  au  mot  et  avec  beaucoup  plus  de  dis- 
position et  d'advantage,  car  j'estinjerois  au  centuple  l'examen  que  je 
ferois  icy  du  vase  de  M'  de  Roissy,  aprez  que  je  serois  asseuré  de  la 
proportion  d'icelluy  avec  ceux  de  S'  Donys  et  tous  les  aullres.  Mais  il 
fauldroit  en  ce  cas  là  trouver  quelque  excuse  à  M'  de  Roissy  sur  quelque 
'voyage  du  peintre  que  vous  attendriez  pour  le  desseigner,  afin  qu'il 
ne  vous  pressast  pas  durant  les  trois  sepmaines,  ou  bien  d'attendre  la 
commodité  du  gardien  de  celuy  de  Monsieur  ou  du  sieur  Marquis  mesmes 
de  Sourdy  et  de  ceux  de  S'  Denys,  comme  si  vous  aviez  oublié  d'en 
faire  quelque  espreuve  ou  examen  que  vous  n'aviez  pas  bien  entendu 
au  premier  couj)  sur  mes  ordres*. 

Charles d'Escoubleau,  marquis  deSour-  cile  sou  cabinet  (laiiiii  ceux  qui  conlieiiuent 

dis  et  d'Alluye,  fi-ère  des  deux  archevêques  des  rr  tableaux  très  exquis»', 
dn  Bordeaux  François  et  Henri ,  mort  en  '  Biljliolliè((ue  nalinnale,  fomls  rraurais, 

i6()0,   était  un   collectionneur  distingué.  nouvelles  actpiisitiniis,  «171,  ft)l.  47». 
I/abbé deMarolles  {Mémoires ,  t.  III ,  p.  a  1 5 ) 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  67 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  ie  Prieur, 
Vous  avez  barres  sur  moy  ce  coup  cy  et  m'avez  pris  au  dellault  de 
la  cuirasse,  vous  advouant  que  je  ne  fus  jamais  si  surpris  que  je  le  fus 
à  l'ouverture  de  vostre  boitte,  quand  c'est  que  pensant  y  voir  quelque 
empreinte  de  vase,  je  me  trouvay  à  la  main  l'original  de  l'un  de  ceux 
de  M"'  de  Roissy,  que  je  ne  pensois  pas  jamais  voir,  tant  s'en  fault  que 
je  me  fusse  jamais  imaginé  qu'il  peust  un  jour  estre  à  moy,  dont  je 
me  tiens  si  redevable  à  la  courtoisie  de  M''  de  Roissy  et  par  conséquent 
à  vostre  industrie  et  à  vostre  bonne  et  prudente  conduitte,  que  je  ne 
le  vous  sçaurois  assez  exprimer,  et  aprez  ceste  preuve  là  je  ne  pense 
poinct  qu'il  y  aye  rien  d'impossible  à  vous  de  tout  ce  qui  peut  tomber 
en  negotiation  humaine^;  toute  la  mortifiication  que  j'y  ay  eiie  gist  en 
ce  que  depuis  la  réception  de  ceste  belle  pièce,  j'ay  esté  si  accablé 
d'aultres  divertissementz  inesvitabies  qu'il  n'a  pas  esté  en  mon  pouvoir 
de  desrober  une  demye  beure  de  temps  pour  la  bien  considérer,  et 
pour  en  examiner  la  contenance  sur  les  mesures  de  ma  pille  antique, 
de  sorte  que  je  ne  vous  en  sçaurois  dire  pour  ceste  fois,  si  ce  n'est  que 
la  veiie  de  l'original  nous  y  a  faict  recongnoistre  une  inscription  dont 
je  ne  m'estois  pas  apperceu  les  aultres  fois  que  je  l'avois  tenue,  ce  qui 
ne  sera  pas,  je  m'asseure,  inutile,  mais  il  m'obligera  aussy  de  vous 
recommander  comme  je  faictz  trez  instamment  de  bien  examiner 
l'aullre  pièce  qui  est  demeurée  à  M'  de  Roissy,  pour  vous  asseurer  s'il 
n'y  a  poinct  de  pareille  inscription  par  le  dessoubz  du  fondz  comme  en 
celle  cy,  ne  faisant  pas  difficulté  d'y  employer  des  lunettes  et  des  louppes 
pour  mieux  secourir  la  perspicacité  de  vostre  veiie,  et  pour  en  prendre 

'  On  voit  combien  la  joie  imprévue  du  succès  donne  h  l'archéologue  une  aimable  verve. 
îNous  allons  un  peu  plus  loin  constater  que  la  reconnaissance  envers  M.  de  Roissy  l'inspire 
aussi  bien  heureusement. 

9- 


08  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

tous  les  traictz  que  vous  pourrez  discerner  que  je  vous  prie  d'imiter 
sur  du  papier  le  plus  exactement  que  vous  pourrez,  car  je  ne  pense 
pas  que  la  délicatesse  du  sable  du  mouleur  aye  peu  desrober  l'em- 
preinte de  ces  lettres  qui  ne  sont  point  enfoncées,  et  qui  ne  semblent 
esire  faictes  qu'avec  la  pointe  dun  cousteau,  avec  laquelle  on  a  seule- 
ment trassé  et  aulcunement  rompu  le  lustre  de  l'argent  pour  y  escripre 
le  mot  GIPIKI  ®  et  au  dessoubs  la  marque  V,  m'imaginanl  qu'il  y 
aura  quelque  chose  d'aj)proclianl  à  cela,  sinon  pour  tout  ce  mol  en- 
tier, au  moins  pour  quelque  marque  qui  puisse  servir  à  favoriser  [la 
détermination  de]  la  contenance  et  capacité  du  vase,car|)uisque  vousnie 
dictes  qu'il  est  plus  grand  que  cestuy  cy  il  fault  que  la  marque  en  soit 
difl'erente,  et  si  leur  forme  estoit  faicte,  en  sorte  qu'ilz  se  peussent  em- 
boitter  l'un  dans  l'aultre,  il  ne  scroit  pas  impossible  que  l'inscription  de 
celluy  cy  n'eusse  quelque  relation  à  la  contenance  de  l'aultre,  comme 
vous  avez  veu  en  mes  gobeletz  d'argent.  Ce  qu'il  faudra  examiner  Dieu 
aydant  sur  l'empreinte  que  vous  me  promettez  par  le  |)rocliain  ordinaire 
pourveu  que  le  moulleur  ayt  esté  bien  exacte  de  prendre  la  juste  con- 
tenance de  l'original,  ce  que  vous  pourriez  avoir  examiné  et  verifiîé  en 
comparant  la  contenance  de  l'empreinte  sur  celle  de  l'original  attendu 
([ue  pour  peu  qu'il  y  puisse  avoir  eu  de  négligence  du  mouleur  |)our 
co  regard  là,  soit  pour  avoir  trop  mouillé  son  sable  ou  pour  a\oir  trop 
chaude  son  métail,  il  y  aura  facilement  eu  de  quoy  rendre  la  capacité 
et  contenance  du  vase  plus  ou  moins  grande  que  son  original,  dont  la 
comparaison  de  1  ung  à  l'aultre  en  y  versant  de  l'eau  qui  les  remplisse 
justement  aultant  l'un  que  l'aultre  est  cappable  de  faire  cesser  tout 
doubte  et  toute  dilHculté,  mais  je  crains  bien  que  vous  n'ayez  mis  mu 
chemin  ceste  empreinte  sans  vous  estre  advisé  de  ceste  precaullion. 
Auquel  cas  il  fauldra  faire  comme  nous  pourrons. 

Cependant  je  tascheray  d'escriprc  un  mot  à  M'  de  Roiss\  |)our  coni- 
mancer  les  remerciemenlz  que  je  luy  doibs  d'une  si  insigne  faveur  pour 
tant  que  j'auray  de  vie,  dont  je  tascheray  de  m'en  revancher,  si  j'en 
puis  trouver  des  moyens,  et  rechercheray  quelque  curiosité  qui  puisse 
mériter  d'estre  mise  en  son  estude  ou  dans  sa  bibliothèque  qui  ne  soit 


[163-2]  À  D.  GUILLEMIN.  69 

point  ailleurs,  pour  faire  un  peu  de  remplacement  de  ce  qu'il  a  voulu 
ester  de  son  cabinet  pour  l'amour  de  moy  et  pour  l'amour  du  public 
et  de  la  postérité,  à  laquelle  je  lascberay  de  faire  cognoistre  l'obliga- 
tion et  le  bon  gré  qu'elle  doibt  avoir  à  la  maison  de  Mesmes  pour  la 
conservation  et  liberalle  communication  d'une  si  gentille  curiosité,  qui 
n'eusse  possible  pas  esté  facilement  descbiffrée  et  recongneùe  sans  ceste 
communication  si  opportunément  octroyée  et  sans  ceste  participation 
si  advantageuse  pour  moy.  Je  suis  aprez  de  mettre  ensemble  quelques 
|)etitz  raffraischissementz  pour  envoyer  de  par  de  là,  dont  la  meilleure 
part  sera  destinée  à  ceste  maison.  Et  si  je  puis  trouver  quelqu'un  qui 
s'en  veuille  cbarger,  j'y  feray  joindre  encores  deux  petitz  chatz  de 
poil  de  martlie  qui  ne  seront  pas  possible  moins  estimables  ny  moins 
rares  ([ue  ceux  du  poil  de  rat.  Enquerez  vous  si  M''  de  Roissy  a  des 
orangers  et  quelqu'un  qui  prenne  le  soing  de  les  entretenir  comme  il 
fault  et  de  les  mettre  dans  une  serre  l'hyver,  et  particulièrement  s'il  a 
de  ceux  de  la  Gbiue,  car  je  tascherois  de  luy  en  faire  tenir  quelques 
arbres  par  Dominique  Mayolle  '  à  son  premier  passage  comme  aussy 
des  lauriers  cerisiers,  s'il  n'en  a  poinct. 

Au  reste  je  vous  envoyé  les  bulles  et  la  signature  originalle  de  mon 
union  de  Porchères^,  ensemble  la  signature  originalle  de  l'emologation 
du  concordat  des  Jesuistes,  oiî  il  y  a  pour  plus  de  deux  cens  bons  escus 
de  marchandise  nonobstant  le  gratis  qui  m'a  esté  faict  de  la  compo- 
nenda  de  centz  ducatz  d'or  pour  ladicte  union  qui  m'en  eussent  en- 
cores cousté  presque  aultant  avec  les  changes.  Il  y  a  une  clause  dans 
ceste  union  un  peu  importune,  mais  il  fault  prendre  patience  et  l'im- 
j)uter  au  peu  d'esprit  de  M"'  d'Arène  à  qui  j'avois  nommément  escript 
de  ne  poinct  lever  ladicte  expédition  sur  ceste  clause  et  si  je  n'avois  le 
gratis  aussy  bien  du  concordat  que  de  cela,  et  toutesfois  il  a  esté  si 
niais  que  de  se  dispenser  de  mes  ordres  tant  pour  l'un  que  pour  l'aultrc 

'  Le /)o»ie)M(;oM«;o/o  mentionné,  à  propos  collation  de  l'abbé  de  Guîtres,  et  dans  le 

d'orungers,  dans  les  Pelils  mémoires  de  Pei-  voisinage  de  l'abbaye ,  mentionnés  au  Fouille 

resc (Anvers ,  i  88(j ,  grand  in-8",  p.  5 1 ,  53 ).  général  contenant  les  bénéfices  de  l'archevêché 

^  Porchères  élait  im  des  prieurés  à  la  f/e  Borc/ertiw^  (Paris,  i6'i8,  in-i°,  p.  19-31). 


70  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

chef,  aussy  bien  que  pour  tout  le  reste  du  principal  de  ses  instructions 
qui  ne  luy  ont  servy  de  rien  que  pour  me  pouvoir  fournir  des  occa- 
sions de  desplaisir  et  de  reproche  en  son  endroict,  puisque  la  faulle 
est  faicte  et  que  ce  qui  est  desbourcé  ne  peut  pas  ne  l'estre.  11  fault  se 
servir  de  toutes  cez  expéditions  au  moins  mal  que  l'on  pourra  el  les 
faire  valloir  selon  qu'il  pourra  estre  loisible  et  que  les  intereslz  de  mon 
Abbaye  le  pourront  comportera 

Je  vous  doibs  encore  des  remerciementz  bien  affectueux  tant  de  mon 
estuy  de  lunettes  et  des  gantz  à  escripre  que  des  chaussons  de  l'une  et 
l'aultre  sorte,  que  j'ay  trouvez  fort  propres  à  mon  usage,  et  quand  la 
commodité  se  présentera  d'envoyer  de  par  deç<»  deux  ou  trois  paires 
de  semblables  chaussons  tant  des  uns  que  des  aullres  vous  me  ferez 
un  singulier  plaisir.  Mon  homme  oublia  en  fermant  la  despesche  du 
dernier  ordinaire  d'y  enclorre  l'un  de  mes  rabatz  que  vous  recevrez 
maintenant  et  M"'  Suchet  a  enfin  moulé  mon  grand  cachet  que  je  pense 
vous  pouvoir  envoyer  avec  la  présente,  car  il  n'y  avoit  plus  rien  à  faire 
que  d'y  appliquer  une  petite  viroUe. 

Mon  frère  est  à  Marseille  depuis  hier  où  il  s'est  voulu  trouver  à 
l'entrée  de  M'  le  Mareschal-  en  qualité  de  gouverneur.  Il  me  dicl  en 
partant  que  s'il  pouvoit  il  vous  escriproit  de  là  comme  je  m'asseure 
qu'il  l'aura  faict.  Hz  s'en  vont  aux  Kstatz  de  Brignolle  mandez  au  q'  du 
mois  prochain.  M'  de  Paule  a  esté  receu  en  la  charge  du  président 
Carriolis'  en  baillant  caution  de  payer  ce  qui  sera  adjugé  aux  oppo- 
santz  et  a  assisté  aujourd'huy  à  l'audience  publique  en  manteau  rouge 
de  chevallerie  avec  son  mortier  à  la  main,  dont  l'habit  lui  estoil  fort 
bien  séant.  Sur  quoy  je  finiray  priant  Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa 
saincte  garde  et  qu'il  vous  fasse  réussir  aussv  à  souhaict  les  aultres 
négociations  que  je  vous  ay  commises  comme  celle  du  >ase  de  M'  de 

'  Le  piquant  passage  relatif  à  ia  mal-  '  Sur  ces  deux  personnages,  ainsi  (jue 

adresse  de  M.  d'Arène  a  été  reproduit  dans  sur  Corlieran,  qui  est  nommé  dans  le  post- 

mon  Peiresc  abbé  de  Guîtres,  p.  aS.  scripium,  voir  le  i-ectiei!  des  Lettret  de  Pei- 

Le  maréchal  de  Vitry,  gouverneur  de  me  aiuc frères  Dupuy. 
Provence. 


[1G32]  À  D.  GUILLEMIN.  71 

Hoissy,  duquel  il  se  parlera  et  avec  honneur  Dieu  aydant  ou  je  ne 
pourray,  demeurant, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peikesc. 

A  Aix,  ce  29  nov[einbre]  1682. 

Nous  n'avons  peu  retrouver  les  deux  ais  de  la  presse  de  Gorberan 
où  vous  aviez  emballé  le  messel  de  M"'  l'Archevesque.  Si  vous  vous 
souvenez  en  quel  lieu  ilz  ont  esté  fourrez  lorsqu'on  desballa  ce  mes- 
sel ,  vous  nous  espargneriez  le  soing  d'en  faire  faire  d'autres.  M''  l'Arche- 
vesque m'est  venu  voir  à  ce  soir  et  m'a  cuidé  achever  de  desrober  le 
temps  qu'il  mie  falloit  pour  escripre  à  M'"  de  Roissy.  Il  m'a  fort  soi- 
gneusement demandé  de  voz  nouvelles  et  m'a  faict  des  recommanda- 
tions de  M""  de  Bonne  à  qui  je  vous  supplie  de  faire  les  miennes  trez 
humblement  en  revanche  et  l'asseurer  de  mon  irez  humble  service'. 


XLII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  receuz  par  le  dernier  ordinaire  vostre  despesche  du  '«6"  du  passé 
dez  sabmedy  sur  le  tard  et  hier  au  malin  j'envoyay  à  Brignolle  vostre 
despesche  pour  M'"Mercadier  par  l'advocat  Jordany  mon  filleul,  dont  je 
feis  l'addresse  à  mon  frère  de  Valavez  qui  y  est  pour  la  teiiiie  des  Estatz 
avec  charge  de  le  rendre  luy  mesme  en  main  propre  et  d'y  joindre  luy 
mesmes  les  complimenlg  convenables  de  vive  voix,  tant  de  vosire  part 
et  de  la  mienne  que  de  son  propre  chef,  de  sorte  que  vous  pouvez 
estre  hors  de  tout  regret  de  ce  costé  la.  Je  pense  que  demain  ou  aprez 
demain  pour  le  plus  tard  vous  recepvrez  l'advis  et  une  mienne  lettre 

'   BihlioUuViiiR  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  B171,  fol.  478.  Original. 


72  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

pour  M""  de  Roissy  sur  la  réception  de  son  godet  d'argent  où  je  descouvre 
des  merveilles,  et  dont  j'ay  trouvé  que  la  contenance  respondoit  fort 
bien  à  la  marque  du  nombre  cinq,  laquelle  y  est  gravée  beaucoup  plus 
profond  que  les  aultres  lettres  du  nom  de  CIPIKIOS,  pour  la  détermi- 
nation ou  destination  duquel  je  ne  puis  rien  resouldre  que  je  n'aye 
veu  l'empreinte  de  l'aultre  vase  et  que  je  n'aye  examiné  sa  contenance 
ou  capacité,  car  s'ilz  ne  peuvent  emboitler  l'un  dans  l'aultre  et  que 
celluy  là  n'aye  poinct  d'inscription  ou  de  marque  particulière  j'estime 
qu'il  ne  debvroit  pas  estre  de  plus  grande  contenance  que  de  huicl  foys 
vostre  plus  grand  escuellon,  mais  s'ilz  n'ont  rien  de  commun  l'un  avec 
l'autre,  j'estime  que  celluy  que  j'ay  estoit  faict  exprez  pour  en  con- 
tenir un  autre  assez  estroit  pour  s'y  emboitter,  mais  assez  liault  pour 
contenir  les  8  mesures  de  vostre  escuellon  en  la  forme  que  se  voyent 
faictz  plusieurs  calices  dont  le  fondz  du  gobelet  est  embrassé  par  le 
dehors  de  rayons  ou  aultres  ornementz  qui  en  couvrent  la  partie  infé- 
rieure, comme  le  noyau  d'un  gland  est  embrassé  par  le  fondz  d'une 
petite  escorce  qui  ne  couvre  que  la  moictié  du  fruict.  Or  je  sçay 
d'ailleurs  que  c'estoit  une  pratique  fort  usitée  entre  les  anciens  que  les 
ouvrages  de  relief  dont  estoient  enrichies  par  le  dehors  les  couppes 
d'argent,  estoient  postices  et  se  pouvoient  facilement  adjouster  ou  sé- 
parer pour  les  joindre  à  d'aultres  gobeletz  tant  pour  la  conservation 
des  cizeleures  de  la  main  de  grandz  sculpteurs  que  pour  y  pouvoir 
changer  des  noyaux  en  godetz  de  différente  capacité  selon  qu'il  les  fal- 
loit  plus  ou  moins  grands  pour  satisfaire  aux  complimenta  qu'ilz  vou- 
loient  rendre  à  table  à  l'honneur  de  diverses  Deitez  princes  ou  mais- 
tresses  et  de  faict  le  dedans  de  ce  vase  que  j'ay,  n'est  pas  poly  ne 
luisant  de  beaucoup  prez  à  comparaison  de  la  polisseure  du  dehors, 
ce  qui  est  directement  contre  l'ancien  usage  et  c'est  ce  qui  me  confirme 
de  tant  plus  en  l'opinion  que  j'ay  conceue  d'abbord  qu'il  y  inanquoit 
un  aultre  godet  intérieur  de  la  susdicte  contenance,  qui  estoit  vraysem- 
blablement  moins  massif  et  plus  délié  que  son  noyau  ou  son  estuict,  ce 
qui  l'a  rendu  plus  foible  et  moins  durable  que  ce  noyau,  lequel  a 
neantmoins  eu  grande  peine  de  résister  à  l'injure  du  temps  jusques  à 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  73 

présent,  durant  tant  de  siècles,  puisque  vous  voyez  qu'il  est  fellé,  fra- 
cassé et  la  pièce  mesme  emportée  en  quelques  endroictz.  Il  faudra 
avoir  patience  jusques  au  prochain  ordinaire  puisque  vous  nous  pro- 
mettez alors  l'empreinte  de  l'aultre  vase,  afin  que  nous  en  puissions 
faire  le  jugement  qui  y  escherra. 

J'oubliay  en  escripvant  à  M""  de  Roissy  de  le  supplier  de  vous  dire 
s'il  sçauroit  poinct  en  quel  lieu  et  en  quel  temps  à  peu  prez  ces  deux 
vases  ont  esté  trouvez,  ou  de  quel  plus  ancien  recueil  de  cabinet  ilz 
peuvent  estre  partiz,  car  cela  serviroit  encores  beaucoup  pour  appuyer 
ou  pour  affoiblir  mes  conjectures  sur  ce  subject,  mais  il  n'y  aura  pas 
de  danger  que  vous  le  luy  demandiez  de  ma  part  si  le  trouvez  en  com- 
modité. Quant  à  l'aultre  troisiesme  godet  moins  façonné  que  ceux  là, 
il  ne  fauldi'oit  pas  négliger  de  le  faire  au  moins  desseigner  sur  du  pa- 
pier, et  d'en  prendre  la  mesure  et  contenance  le  plus  exactement  que 
vous  pourrez  et  de  me  l'envoyer  en  diligence,  si  vous  y  trouvez  de  l'ou- 
verture, car  certainement  je  suis  bien  d'advis  que  vous  alliez  avec  une 
grande  reserve,  envers  M"'  de  Roissy,  puisqu'il  nous  a  comblé  d'une 
si  surabondante  honnesteté,  et  que  vous  évitiez  en  toutes  les  façons  du 
monde  toute  sorte  de  recherches  qui  pourroient  estre  imputées  à  tant 
soit  peu  d'importunité.  Que  s'il  vous  vouloit  obliger  de  tant  que  de 
vous  faire  voir  son  cabinet  et  de  vous  tesmoigner  qu'il  n'eusse  pas 
désagréable  que  vous  feissiez  faire  une  empreinte  soit  de  .souffre,  de 
piastre  ou  d'aulcune  aultre  matière  plus  propre  d'une  petite  placque 
de  christal  quarree  de  la  largeur  d'environ  trois  doigtz  oiî  est  gravée 
la  figure  assise  d'un  Silène,  qui  joiie  de  deux  fleustes  assemblées, 
je  la  ferois  graver  en  taille  douce  pour  la  joindre  au  discours  de  cez 
vases,  sur  le  subject  de  la  (leuste  que  tient  en  main  la  figure  du  sa- 
tyre qui  y  est  représentée.  Si  mesmes  vous  trouviez  du  jour  et  de  la 
disposition  pour  faire  desseigner  une  petite  figure  de  bronze  d'un  Icare 
avec  des  aisles  postices  attachées  à  ses  bras,  j'en  pourrois  bien  faire 
mon  proffit  ensemble  d'un  fragment  de  lamperon  de  terre,  qui  semble 
estre  une  portion  d'une  couronne  de  lumières,  je  m'en  pourrois  bien 
dignement  servir  en  mes  recueilz,  mais  il  fauidroit  que  le  peintre 


IWPItlUCnilE     UtrtAKlM. 


74  LETTRES  DE  PEIRESC  [lôSî] 

t'eusse  bien  exacte  à  prendre  les  dimensions  et  particulièrement  la 
vraye  grandeur  du  cercle  ou  de  la  courbeure  de  ce  fragment,  pour 
pouvoir  colliger  le  vray  diamètre  et  la  vraye  circonférence  de  cesle 
couronne  et  juger  du  vray  nombre  de  lamperons  ou  lumières  qui  y 
avoient  peu  estre  assemblées.  A  quoy  l'exacte  plume  et  le  compas  de 
Mons'  Engobert,  l'un  des  peintres  que  le  Roy  entretient  à  Fontaine- 
bleau, seroit  bien  nécessaire,  dont  vous  aurez  eu  des  addresses  chez 
M'  Le  Jeune  son  compagnon  '  ou  chez  Mess"  du  Puy,  mais  surtout  je 
vous  recommande  la  discrétion  qui  vous  est  si  naturelle  pour  ne  rien 
presser  ou  ne  rien  faire  de  tout  cela,  à  la  moindre  diiliculté  que  vous 
y  pourriez  rencontrer,  car  j'aymerois  beaucoup  mieux  nie  sevrer  du 
plaisir  que  je  pourrois  prétendre  en  me  j)revalant  de  ces  desseins  ou 
empreintes,  que  si  cela  devoit  causer  tant  soit  peu  de  desgoust  à  un 
personnage  de  si  eminente  qualité  à  qui  je  porte  tant  de  vénération 
et  à  qui  je  suis  si  redevable. 

L'ouverture  des  Estatz  se  fit  samedy  matin  à  Brignolle  où  Mons'  de 
Léon  desploya  son  éloquence  avec  de  grandz  advantages  et  admira- 
tion de  tous  les  ordres,  mais  la  demande  qu'il  fit  de  douze  cens  cin- 
quante mille  escus  faillit  à  faire  pasmer  tout  le  monde.  La  première 
séance  des  gentz  desdiclz  estatz  à  part,  avoit  esté  remise  à  ce  jourdhuy, 
sur  quoy  je  finis  priant  Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa  sainte  garde  et 
demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  6  décembre  i639  *. 


'  Sur  ces  deux  personnages  voir  le  re-  est  mentionné  dans  la   Tahle  nlphabeiique. 
cueil  Peiresc-Dupuy.  Le  véritable  nom  d'£'«-  '  Bibliollièque  nationale,  fonds  français, 

gohert  était  Gobert,  et  c'est  sous  ce  dernier  nouvelles  acquisitions,  Siyi,  fol.  48o.  Ori- 

nom  (jue  le  valet  de  chambre  du  roi  Louis  XIII  ginal . 


[1632]  A  D.  GUILLEMIN.  75 


XLIII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Le  jour  mesmes  que  je  vous  avois  envoyé  mes  dernières  lettres  par 
l'ordinaire  M'  Menestrier  arriva  en  ceste  ville  et  m'apporta  quelques 
petites  curiositez,  ensemble  cette  couppe  de  verre  bleu  que  vous  aviez 
veûe  à  Lyon  laquelle  fut  trouvée  de  la  mesme  contenance  et  capacité 
que  vous  aviez  jugée.  Il  me  dist  que  M'"  Gault  l'avoit  asseuré  de  vouloir 
taire  un  voyage  de  par  deçà  à  ce  mois  de  janvier,  pour  chercher  des 
plantes  curieuses,  en  quoy  gist  maintenant  sa  principalle  et  prédomi- 
nante curiosité,  auquel  cas,  s'il  ne  passe  par  mes  mains,  il  ne  rem- 
portera pas  facilement  de  ce  païs  ce  qu'il  en  peut  espérer  de  plus  rare 
par  mon  moyen,  Mons''  le  cardinal  Barberin  ne  s'estant  pas  desdaigné 
de  tenir  de  moy  comme  vous  sçavez  le  jossemin  jaulne  des  Indes  odo- 
rant, le  myrthe  à  fleur  double  et  aultres  choses  qui  ne  sont  pas  si 
communes.  En  revanche  de  quoy  il  m'a  envoyé  le  rosier  de  la  Chine, 
le  laurier  canelle  des  Indes,  l'Acacia  et  quelques  aultres  cuiiositez  dont 
nous  avons  moyen  de  faire  part  à  noz  amis  ',  et  à  ceux  qui  ne  sont  pas 
si  difficiles  à  se  disposer  à  la  correspondance  practiquée  entre  les  ga- 
landz  hommes.  J'attendz  au  premier  jour  de  cez  figues  d'Adam  que 
nous  avions  laissé  mourir  ces  années  dernières,  et  tout  plain  d'aultres 
curiositez  qui  ne  sont  pas  communes,  outre  celles  que  vous  sçavez  que 
j'ay  de  longue  main  et  qui  ne  se  trouvent  pas  partout,  dont  le  citron- 
nier de  la  Chine  à  fleur  double  se  porte  encores  fort  bien  Dieu  mercy 
nonobstant  la  rigueur  du  froid  qui  s'est  desja  faict  sentir  assez  extra- 
ordinaire ceste  année.  11  pourroit  bien  facilement  s'il  vouloit  en  venant 
de  par  deçà  faire  apporter  avec  ses  bardes  quelques  curiositez  de  son  ca- 
binet, comme  je  crois  bien  qu'il  n'en  viendra  pas  tout  à  faict  despourveu 

Passage  important  pour  l'histoire  de  l'acclimatation  des  arbres  et  des  plantes  dans  notre 
pays. 


76  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632J 

et  entr'aultres  choses  qu'il  pourroit  bien  faire  venir  tous  ses  vases  de 
bronze  puisqu'il  n'y  en  a  ])as  plus  de  quatre,  si  mieux  il  n'ayraoit  de 
les  nous  envoyer  à  l'advance,  car  à  son  passage  il  les  pourroit  reprendre 
et  remporter  s'il  en  est  si  jaloux.  Et  cependant  nous  aurions  eu  le  loysir 
de  lés  y  voir  à  nostre  aise  et  d'y  passer  nostre  fantaisie,  voire  quand  il 
en  auroit  traicté  avec  nioy  pour  me  les  laisser  en  plaine  disposition  et 
propriété  s'il  pensoit  en  avoir  tant  d'affaire,  je  ne  ferois  pas  difficulté 
de  l'en  accommoder,  car  je  ne  suis  pas  si  difficile  ne  si  jaloux  de  ce  que 
j'ay  que  mes  amis  n'en  puissent  disposer  quasi  aussy  librement  comme 
moy.  J'aurois  particulièrement  fantaisie  de  voir  le  plus  petit  qui  est  en 
forme  de  teste  à  deux  visages,  et  possible  que  si  j'avois  ])rins  la  peine 
de  le  mezurer  et  examiner  je  n'y  trouverois  pas  à  observer  tout  ce  que 
l'on  se  pourroit  eslre  imaginé.  C'est  pourquoy  je  sçaurois  quasi  aultant 
de  bon  gré  de  la  simple  veùe  et  amiable  communication  que  de  l'acqui- 
sition de  toutes  cez  pièces,  à  la  première  veiie  desquelles  je  prendz 
quasi  tout  l'usage  principal  que  j'en  sçaurois  tirer,  aprez  quoy  je  ne 
serois  pas  marry  d'en  laisser  la  jouissance  à  ceux  qui  en  seroient  plu!? 
friandz  que  moy,  principalement  si  c'estoit  pour  un  personnage  de  telle 
qualité  pour  qui  on  a  dict  qu'on  les  reservoit  ',  combien  que  je  ne  voye 
pas  les  choses  disposées  au  point  qu'il  faudroit,  pour  faire  qu'on  s'en 
souciast  ainsy  qu'on  l'eusse  faict  aullreslois,  et  le  pis  est  que  les  ap- 
parences ne  sont  pas  Irop  grandes  que  les  difficultez  présentes  puissent 
cesser  d'assez  long  temps.  Enfin  vous  pourriez  sonder  le  gué,  et  si 
vous  n'y  trouvez  la  disposition  qu'il  faudroit  nous  nous  en  passerons,  et 
nous  en  consolerons  plus  facilement  que  ne  le  pourroient  croire  tous 
ceux  qui  y  pourroient  prétendre  intherest  au  contraire,  nous  en  estantz 
passez  si  paisiblement  jusques  à  ceste  heure,  comme  de  beaucoup 
d'aultres  choses  plus  dignes  et  plus  rares  que  cela,  qu'il  ne  nous  sera 
pas  estrange  de  nous  en  passer  encores  aussy  longtemps  comme  pourra 
durer  ceste  mauvaise  disposition  des  possesseurs,  lesquelz  auront  pos- 
sible un  jour  quelque  regret  ou  remords  de  conscience  davoir  laissé 

'  Le  célèbre  amateur  Gaston  d'Orléans,  frère  de  Louis  XIII. 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  77 

perdre  ceste  occasion  de  faire  plaisir  à  un  aiuy  qui  ne  faict  ceste  re- 
cherche que  pour  en  ayder  le  pubhc  iequel  ieur  en  pourroit  sçavoir 
bon  gré  à  euix  pour  y  avoir  contribué  quelques  pièces,  aussy  bien  qu'à 
celluy  qui  y  auroit  mis  son  labeur. 

Quant  au  s'  Vivot,  puisque  son  vase  ou  prétendue  lampe  n'est  qu'en 
forme  d'un  animal  dont  la  figure  n'est  pas  trop  naturelle,  selon  la 
description  qui  m'en  a  esté  faicte,  et  mesmes  qu'il  n'y  a  giiieres  d'as- 
seurance  que  ce  soit  ouvrage  bien  asseurement  antique,  s'il  en  faict 
tant  ie  renchery,  je  suis  d'advis  de  le  laisser  là  avec  sa  pièce  et  avec  son 
humeur  que  je  ne  suis  pas  résolu  de  combattre  ne  violenter  en  façon 
du  monde.  Au  contraire  s'il  se  presentoit  occasion  de  le  servir  ou  de 
contribuer  à  sa  curiosité  quelque  chose  de  son  goust  qui  despendist  de 
moy,  je  ne  m'y  espargnerois  pas,  ne  m'estant  jamais  repenty  de  faire 
plaisir  à  un  chascun,  encores  que  d'aulcunes  fois  ilz  ne  m'en  eussent 
pas  trop  donné  de  subject. 

Au  reste  j'ay  receu  par  les  mains  dudict  s''  Menestrier  une  lettre  de 
la  part  de  M'  dés  Nœudz  '  de  qui  je  n'avois  poinct  eu  de  nouvelles  il 
y  avoit  bien  neuf  ou  dix  ans,  de  sorte  que  je  luy  ay  de  tant  plus 
grande  obligation  d'avoir  daigné  si  longuement  conserver  la  mémoire 


'  L'abbé  de  Marolles  {Mémoires,  t.  III, 
p.  216)  cite  ce  colleclionneur  parisien ,  à 
côté  (le  Gaull  (pbis  baut  mentionné  et  qu'il 
appelle  Gaud) ,  parmi  ceux  cpii  possédaient 
les  plus  beaux  cabinets  de  et  médailles  d'or, 
d'argent  et  de  enivre ,  de  figures  en  bronze , 
de  camaïeux,  de  basses-tailles  et  de  car- 
nioles  antiques ,  avec  des  peintures  cx([uises  «. 
M.  Edmond  Bonnaffé  (  Dictiommire  des  ama- 
teurs français ,  etc.)  a  eu  tort  de  croire  que 
les  tfDesneux  ou  Des  Nœuds t)  [on  voit  par 
la  lettre  de  Peiresc,  comme  par  le  texte  de 
Marolles,  que  c'est  cette  dernière  forme 
qu'il  faut  adopter]  étaient  rrdeux  frères». 
Il  a  été  trompé  par  l'amjjbibologie  de  cette 
phrase  de  l'abbé  de  Villeloin  :  rt  tels  qu'étaient 
ceux  (les  siem-s  des  iNœuds,  Goilar,  secré- 


taire du  Roi,  etc.»  Sieurs  s'applique  évi- 
denmient,  dans  la  pensée  de  l'auteur  des 
Mémoires,  aux  divers  personnages énumérés 
après  Des  Nœuds  :  Goilar,  Gaud,  etc.  J'ai 
une  autre  observation  à  présenter  sur  la  no- 
tice de  M.  lionnaffé:  il  se  demande  s'il  faut 
identifier  des  Nœuds  et  de  la  Noue,  comme 
l'a  fait  Mariette.  Je  réponds  que  ce  sont 
doux  personnages  entièrement  différents,  ce 
([n'établit  très  bien  l'abbé  de  Marolles  qui 
(p.  216)  mentionne  la  collection  très  va- 
riée du  sieur  des  Nœuds  et  (p.  217)  la  col- 
lection spi'ciale  de  ft  tailles-douces  et  de  des- 
seins à  la  mainit  fonnée  par  le  irfeu  sieur 
de  la  Noue».  On  voit  qu'il  y  a  là  deux 
cabinets  et  deux  collectionneurs  parfaite- 
ment distincts. 


78  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

d'un  si  inutile  serviteur  que  moy  et  si  esloigné  des  moyens  de  mériter 
cet  honneur  envers  luy  par  mes  services  et  l'importance  est  qu'il  n'a 
pas  voulu  que  ce  fusse  une  simple  lettre  de  complimentz,  car  il  a  voulu 
l'accompagner  de  deux  médailles  d'or  fort  gentilcs  et  fort  de  mon  goust, 
aiusy  qu'il  l'a  trez  bien  recongneu ,  dont  je  suis  bien  résolu  de  me  re- 
vancher  ou  je  ne  pourray.  C'est  pourquoy  je  vous  prie  de  vous  en- 
quérir de  luy  ou  de  quelqu'un  des  siens,  si  nous  ne  pourrions  poinct 
contribuer  quelque  chose  à  ses  louables  recherches,  soit  en  matière  de 
plantes  ou  aultres  et  par  mesme  moyen  je  vous  prie  de  sçavoir  de  luy 
si  parmy  les  choses  qu'il  avoit  recueillies  d'un  vieux  tombeau,  dans 
lequel  furent  trouvées  quelques  médailles,  anneaux,  chaisnes  ou  chais- 
nettes  et  aultres  ustencilles  de  cuivre,  il  n'y  avoit  pas,  si  je  ne  me  trompe, 
quelques  escuellons  et  cuilliers  grandes  et  petites  de  cuivre.  Auquel 
cas  je  serois  bien  ayse  que  vous  m'en  fissiez  un  ])eu  de  relation  parti- 
culière de  leur  forme  et  de  leur  grandeur  et  capacité,  croyant  bien  que 
M' des  Nœudz  ne  fera  pas  de  difficulté  de  les  vous  prester  ou  commu- 
niquer si  mesmes  vous  recognoissiez  qu'il  y  eusse  quelque  chose  qui 
meritast  de  me  les  faire  voir  originellement.  Je  pense  bien  qu'il  ne 
seroit  pas  moins  courtois  que  M"  de  Roissy  pour  les  vous  confier  avec 
permission  de  me  les  faire  tenir  par  voye  asseurée.  auquel  cas  et  ce 
faisant  vous  le  pourrez  asseurer  que  je  luy  feray  fort  fidellemeni  rendre 
et  restituer  ses  originaulx  Dieu  aydant.  Je  luy  en  escriptz  un  mot  et 
vous  prie  d'adjouster  à  ma  lettre  tous  les  complimentz  de  vive  voix 
que  vous  jugerez  y  pouvoir  escheoir,  pour  luy  offrir  la  pleine  disposi- 
tion de  tout  ce  qui  est  en  mon  pouvoir,  sur  quoy  attendant  ce  que  nous 
apprendra  l'arrivée  du  prochain  ordinaire  je  finiray  demeurant. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectiomié  serviteur  et  meilleur  auiy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  10  décembre  i63a  '. 


Bibliothèque  nationale,  fonds  finançais,  nouvelles  acquisitions,  Styi,  fol  i8a.  Auto- 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  79 

Je  ne  sçays  pas  si  M' des  Nœudz  a  changé  de  charge.  C'est  pourquoy 
avant  que  rendre  la  lettre  que  je  luy  escriptz  vous  y  mettrez  le  dessus 
avec  ses  qualitez  et  nous  les  fairez  sçavoir. 


XLIV 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  ne  pense  point  qu'il  y  aye  des  charmes  plus  puissantz  ne  ca- 
pables de  faire  des  métamorphoses  plus  incroyables  que  celles  que  vous 
avez  faictes  avec  vostre  douceur  et  honnesté  (stc)  naturelle,  se  pou- 
vant dire  que  vous  avez  rendu  les  pierres  sensibles  et  les  bastons  les 
plus  durs  aussy  ployantz  que  des  courroyes,  et  qui  plus  est  que  vous 
avez  rendu  capable  de  raison  et  d'honnesteté  ceux  qu'on  en  croyoit 
les  plus  esloignez,  ce  qui  n'est  pas  un  petit  miracle,  principalement 
en  la  personne  de  M'  Vivot,  qui  estoit  certainement  inaccessible  à  tout 
aultre  qu'à  M'  Gault,  envers  qui  je  crois  bien  qu'il  ne  pouvoit  poinct 
trouver  de  bouche  à  parler.  C'est  pourquoy  je  ne  sçaurois  assez  louer 
vostre  pensée  et  voslre  prudente  conduitte  en  cela,  comme  en  tout 
le  demeurant  de  vostre  traicté  envers  ledict  s''  Gault,  à  qui  je  faicz 
la  responce  qu'il  pouvoit  attendre  de  moy,  laquelle  vous  verrez,  je 
m'asseure,  avant  que  la  luy  rendre,  l'ayant  pour  cet  elTect  laissée  à  ca- 
chet volant  aussy  bien  qu'un  mot  de  remerciement  que  j'ay  creu  debvoir 
faire  audict  s'  Vivot,  pour  le  tenir  mieux  en  haleine  en  cas  que  vous 
vous  feussiez  dispensé  de  m'envoyer  son  vase,  qui  sera  la  cause  que  je 
ne  vous  reitereray  point  ce  que  leur  escriptz,  attendant  en  bonne  dé- 
votion la  cassette  de  cez  vases  et  aultres  curiositez  que  vous  me  pro- 
mettez d'addresser  à  M"  de  Rossy  de  Lyon,  qui  est  assez  de  mes  amis, 
pour  ne  pas  avoir  de  regret  à  ceste  addresse,  oullre  ce  qu'il  vouldroit 
faire  pour  l'amour  de  vous. 

Quant  à  M'  de  Roissy  et  à  M' le  président  de  Mesmes,  je  ne  puis  assez 
admirer  leur  courtoisie,  à  laquelle  je  ne  manqueray  point  d'apporter 


80  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

toute  la  meilleure  correspondance  qui  sera  en  mon  pouvoir.  Mais  je 
ne  leur  sçaurois  escripre  à  ce  coup,  d'aultant  que  j'ay  icy  M' Menestrier 
sur  son  despart  pour  Rome  qui  m'engage  à  des  lettres  de  ce  costé  là, 
que  ne  sçaurois  difl'crer,  ot  à  luy  nionstrer  des  curiositez  pour  le  car- 
dinal son  niaislre\  à  quoy  je  ne  sçaurois  satisfaire  par  procureur;  aussy 
bien  seray-je  bien  ayse  de  pouvoir  auparavant  que  de  leur  escripre, 
examiner  la  mesure  de  l'emprainte  que  vous  m'avez  envoyée,  pour 
pouvoir  mieux  parler  de  la  différente  marque  que  j'y  ay  trouvée  par 
dessoubz  laquelle  respondra,  si  je  ne  me  trompe,  aussy  bien  que  celle 
de  l'aultre  vase,  à  la  mezure  qu'il  fault,  mais  l'empuainte  n'a  pas  peu 
desrober  les  aultres  lettres  qui  se  trouvent  escriptes  par  dessoubz  le 
mesnie  fondz,  aussy  bien  (ju'à  l'aultre  vase  dont  j'ay  recoiignu  quel- 
ques syllabes  tant  sur  la  principale  emprainte  que  sur  les  aultres,  qui 
m'ont  fourny  la  grosse  marque  beaucoup  plus  apparente  qu'elle  ne 
s'estoit  rencontrée  en  ladicle  principalle  emprainte,  mais  il  m'a  esté 
impossible  d'en  former  une  parolle  intelligible.  C'est  pourquoy  il  faudra 
que  je  supplie  cncores  M*^  de  Roissy  d'aggreer  qu'il  se  fasse  encores  une 
emprainte  de  son  vase,  mais  non  pas  en  sable  ne  en  cuivre  qui  patit 
trop  en  se  desséchant  et  recuisant,  pour  pouvoir  desrober  le  lustre  ou 
polisseure  extérieure  du  vase,  sans  quoy  les  lettres  que  je  demande  se- 
ront tousjours  imperceptibles,  et  pour  en  venir  à  bout  il  faudra  de  né- 
cessité en  faire  un  creux  de  souffre  ou  de  piastre  pour  courir  moins  de 
fortune  d'intéresser  l'original  à  celle  fin  qu'on  y  puisse  jetter  d'aultre 
matière  si  delicatte  qu'elle  soit  capable  d'emporter  la  vraye  figure  de 
toutes  cez  lettres  qui  sont  si  desliées  et  si  peu  enfoncées  dans  l'argent, 
qu'il  semble  qu'elles  ne  paroissent  que  par  la  seule  interruption  du 
lustre  ou  de  la  polisseure  du  vase.  Et  de  faict,  dans  l'emprainte  que 
vous  m'avez  envoyée  de  mon  vase,  il  n'y  est  resté  quasi  aulcuns  vestiges 
d'escripture ,  non  pas  mesmes  en  la  marque  plus  enfoncée,  tellement 
que  je  ne  sçaurois  rien  dire  de  bien  formel  sur  tout  l'usage  de  ce  beau 
vase,  que  je  n'aye  toutes  ces  lettres  bien  distinctement  prinses  soit 

'  Le  cardinal  Fr.  Barberini. 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  81 

d'une  façon  ou  d'aultre  et  possible  que  la  cire  d'Espagne  bien  mesnagée 
servira  fort  bien  à  cela,  et  tousjours  s'il  est  possible  un  creux  de  piastre 
nous  donnera  sans  double  les  figures  et  mascarons  beaucoup  plus  netz 
que  le  cuivre,  et  beaucoup  plus  propres  à  estre  desseignez,  vous  asseu- 
rant  qu'il  y  a  des  fleustes,  des  thyrses  et  une  infinité  d'aultres  choses 
Irez  curieuses  qui  sont  trez  apparentes  en  mon  original  et  qui  neant- 
nioins  me  fussent  demeurées  du  tout  incongniies  si  je  n'en  eusse  veu 
que  l'empreinte  de  cuivre  que  vous  en  avez  tirée.  Aussy  dans  l'em- 
preinte que  vous  m'avez  envoyée  du  vase  de  M"'  de  Roissy  il  y  a  tout 
plain  de  choses  qui  me  restent  grandement  doubteuses,  et  y  en  auroit 
beaucoup  d'aultres  sans  que  la  comparaison  de  mon  vase  me  sert  de 
secours  pour  les  deschiffrer  par  conjecture.  Et  s'il  y  avoit  de  moyen, 
quand  M'  d'Engobert  sera  de  retour,  de  luy  en  faire  faire  le  dessein, 
vous  me  ferez  un  singulier  plaisir  aussy  bien  que  luy,  car  je  désire  que 
le  dessein  qu'il  fera  de  ceste  pièce  là  me  serve  de  modèle  et  d'addresse 
au  peintre  qui  travaillera  au  dessein  de  mon  aultre  vase  de  deçà  pour 
suivre  sa  manière,  et  lascher  de  l'imiter  au  plus  prez  qu'il  pourra. 
J'en  escripray  comme  il  fault  à  M""  de  Roissy  pour  tascher  d'obtenir  en- 
cores  ceste  grâce  de  luy  aprez  tant  d'aultres,  estant  bien  marry  de 
ne  le  pouvoir  faire  par  cest  ordinaire.  Mais  je  suis  si  las  d'escripre  à 
Rome  que  je  n'en  puis  plus,  et  si  entre  le  prochain  ordinaire  je  pou- 
vois  avoir  la  responce  de  mes  précédentes  despesches  et  que  vous  m'en- 
voyassiez quelque  emprainte  de  cire  d'Espaigne  ou  de  souffre  qui  me 
peussent  donner  les  lettres  qu'il  me  fault,  je  parlerois  bien  plus  har- 
diment, ce  qu'attendant  et  un  peu  plus  de  moyen  de  respirer,  je  finiray 
priant  Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa  saincte  garde,  demeurant. 
Monsieur  le  Prieur, 

voslre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 

Si  vous  refaictes  quelque  cassette  à  m'envoyer,  advertissez  en  M"  du 
Puy,  lesquelz  y  pourront  fourrer  quelques  livres  que  je  leur  ay  de- 
mandez. 

T.  il 


82  LETTRES  DE   PEIRESC  |1632| 

Je  viens  d'apprendre  de  M'  Meneslrier  chose  que  je  vous  prie  de  ne 
pas  publier  qu'un  Président  de  Dijon  luy  avoit  dict  cez  jours  passez 
qu'il  s'estoit  trouvé  aux  environs  de  la  ville  d'Aulun,  depuis  peu,  deux 
ou  trois  belles  cuilliers  d'argent  antiques  enrichies  de  bon  nombre  de 
figures  et  aultres  choses  fort  curieuses  qui  avoient  esté  recueillies  par 
un  gentilhomme  résidant  en  la  ville  d'Autun,qui  a  un  beau  cabinet  de 
curiositez,  dont  il  avoit  oublié  le  non»  '.  Il  fauldroit  voir  si  par  l'entre- 
mise des  amys  de  M'  Aubery  ou  de  Mess"  du  Puy,  il  n'y  auroit  point 
de  moyen  d'obtenir  de  communication  de  cez  belles  pièces,  sinon  pour 
la  veue  des  originaulx,  ou  pour  des  empreintes  d'iceux,  au  moins  j)our 
des  desseins  le  plus  exactement  porlraictz  sur  les  originaux  que  faire 
ce  pourroil  et  selon  les  mesures  les  plus  approchantes  de  leurs  vrayes 
dimensions.  Auquel  cas  il  faudroit  avoir  un  peu  de  relation  de  Testât 
auquel  toutes  lesdictes  pièces  se  trouvent,  si  elles  sont  bien  conservées 
ou  non,  si  elles  sont  rompues  ou  fellées,  si  elles  sont  dorées  ou  non. 
et  s'il  y  a  auicune  petite  marque  d'or  en  quelque  endroict,  et  ne  fault 
pas  négliger  de  s'enquérir  en  quel  lieu  et  en  quel  temps  à  peu  prez 
elles  ont  esté  desterrées  et  quelles  aultres  choses  ont  esté  trouvées  au 
mesme  lieu,  s'il  y  avoit  des  médailles  et  de  quel  prince  ou  de  quel 
temps  elles  avoient  esté  battues,  mais  surtout  il  fauldroit  conduire  le 
tout  avec  discrétion  et  sans  bruict  pour  ne  pas  esventer  la  chasse,  de 
peur  que  nous  n'esmouvions  le  lièvre  pour  quelque  a'ultre. 

La  figuette  que  vous  envoyoit  M""  Lombard*  a  esté  retenue  pour  ne 
la  bazarder  par  la  poste,  afin  de  l'envoyer  par  la  première  commodité 


d'amy 


3 


Sur  le  collectionneur  Venot .  voir  le  re-  '  Jean  Lombard.  (Même  recueil, /*<*«««(«.  ) 

cueil  des  Lellres  de  Peiresc  aux  Jrh-es  Du-  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

imy,  passim.  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  485. 


/ 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  83 


XLV 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 

Ce  mot  ne  sera  que  pour  servir  d'adresse  à  une  petite  fioHe  d'es- 
sence que  M""  Lombard  m'a  donnée  pour  vous  envoyer  qui  est  la  mesrae 
que  vous  aviez  trouvée  si  bonne,  à  laquelle  j'en  ay  joinct  une  aultre 
petite  qui  m'a  esté  baillée  depuis;  on  m'en  fait  espérer  davantage  au 
premier  jour,  que  je  vous  feray  tenii'  incontinant.  J'ay  receu  à  ce  soir 
vostre  despesche  du  x%  mais  la  boitte  estoit  toute  fracassée,  sans  toutes- 
fois  qu'il  y  eusse  rien  de  gasté  du  contenu  en  icelle  non  plus  que  du 
contenu  aux  aultres  trois  précédentes  boittes  qui  estoient  toutes  pa- 
reillement enfoncées  à  leur  arrivée,  mais  non  pas  si  brisées  comme 
celle  cy,  et  de  bonne  fortune,  il  n'y  avoit  rien  en  celle  cy  qui  fusse 
dangereux  comme  aux  aultres;  la  pièce  de  bronze  que  vous  y  aviez 
nn'se  ne  me  semble  pas  antique,  mais  elle  est  neantmoins  si  bigearre 
que  je  vous  sçay  fort  bon  gré  de  me  l'avoir  envoyée.  Mons''  de  Roissy 
m'escript  qu'il  atlendoit  la  cassette  dont  vous  luy  aviez  donné  advis,  et 
me  faict  feste  de  certaines  testes  et  vases  antiques  qu'il  a  recouvrez  et 
qu'il  me  veult  apporter  luy  mesmes  avec  vostre  cassette.  Je  respondray 
à  voz  lettres  plus  amplement  par  le  prochain  ordinaire  Dieu  aydant  et 
tascheray  d'escripre  à  Mons'  de  Roissy  et  à  M''  le  président  de  Mesmes 
combien  que  j'eusse  esté  infiniment  ayse  pour  m'en  pouvoir  mieux 
acquitter  d'avoir  préalablement  veu  ce  que  vous  aurez  peu  descouvrir 
de  i'escripture  que  j'estime  estre  au  fondz  de  son  vase;  en  ayant  voulu 
mczurer  sur  emprainte  j'y  ay  trouvé  quelque  chose  à  dire  pour  l'esclair- 
cissemcnt  de  quoy  je  voudrois  bien  avoir  veu  celle  escripture  pour  luy 
en  pouvoir  donner  mon  advis  plus  certain,  ce  ({n'attendant  je  demeureray. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  affectioiuié  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  <;e  18  (lec[embre]  lùîi-x. 


84  LETTRES  DE  PEIIIESC  [16321 

[De  la  main  de  Peiresc  :]  Si  je  pouvois  avoir  la  mesure  du  vase 
d'Agathe  principal  de  S'  Denys,  elle  me  pourroil  bien  servir  à  la  dé- 
termination de  celle  des  vases  de  M'  de  Hoyssy.  C'est  pourquoy  je  vous 
supplie  de  tascher  de  me  l'envoyer  le  plus  tost  que  vous  pourrez.  Et 
s'il  est  possible,  avec  l'empreinte  ou  noyeau  de  piastre  de  tout  le  creux 
ou  contenance  dudict  vase,  pour  en  pouvoir  faire  icy  le  creux  pareil 
et  le  pouvoir  mezurer  moy  mesmes'. 


XL  VI 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  avec  vostre  despesche  du  1 7'  les  dernières  empreintes 
du  vase  de  M'  de  Roissy  lesquelles  m'ont  bien  mis  en  bredouille  avec 
la  confusion  que  j'ay  trouvée  en  la  multiplicité  des  escriptures  qui  y 
paroissent,  lesquelles  je  n'ay  sceu  deschiffrer,  et  le  pix  est  que  je  n'ay 
guiere  d'espérance  d'en  venir  à  bout,  ne  que  cela  me  puisse  fournir 
le  secours  que  je  m'en  promelfois.  Au  contraire  cela  est  fort  nuisible 
aux  conjectures  que  j'avois  fondées  sur  l'inscription  de  l'aullre,  qui  est 
la  cause  qu'en  escripvant  à  M'  de  Roissy  je  me  suis  abstenu  d'entrer 
dans  le  discours  de  ce  que  j'avois  envie  de  iuy,  pour  attendre  si  le 
temps  m'en  donneroit  plus  d'esclaircissement.  Je  vous  remercie  du 
dessein  et  de  la  charte  du  P.  Sirmond;  s'il  y  eust  moyen  d'avoir  em- 
preinte du  seau  original  qui  y  est  apposé,  j'y  eusse  pris  un  singulier 
plaisir.  Et  si  le  mesme  chanoine  qui  avoit  eu  le  crédit  de  faire  aller 
ledict  original  à  Paris  une  fois  le  vouloit  employer  pour  une  seconde, 
il  m'obligeroit  infiniment  et  faudra  tenir  de  prez  ledict  R.  P.  Sirmond, 
si  tant  est  qu'il  vous  fasse  voir  les  originaulx  et  les  aultrcs  qu'on  Iuy  a 
promis  afin  que  vous  en  puissiez  recouvrer  des  empreintes  de  souffre  en 
la  manière  que  vous  avez  pratiquée  autresfois.  Le  despari  de  M'  de  Léon 

Bibliotlièque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  0171,  fol.  Û87. 


[1632]  À  D.  GUILLEMIN.  85 

m'a  aujourd'huy  faict  perdre  toute  la  matinée  et  à  peyne  ay-jc  peu  à 
ce  soir  trouver  du  temps  pour  escripre  assez  à  la  haste  à  Mess"  de 
Royssy  et  de  Mesmes  ausquelz  vous  rendrez  mes  lettres  aprez  les  avoir 
cachettées.  Je  moyenneray  que  M''  de  Royssy  aye  des  orengers  de  la  Chine 
et  des  lauriers  cerisiers  puisque  c'est  de  son  goust.  Sitost  que  M' d'Avaulx 
son  second  filz  sera  de  retour  d'Italie  >,  ne  manquez  pas  de  le  salluer 
de  ma  part  et  de  luy  dire  que  vous  avez  charge  de  m'advertir  de  sa 
venue  afin  que  je  m'en  puisse  conjouïr  avec  luy.  M''  de  Rossy  de  Lyon 
m'a  donné  advis  de  la  réception  de  la  cassette  que  vous  luy  avez 
addressée,  laquelle  il  veult  apporter  luy  mesmes.  Mon  frère  vous  re- 
mercie de  sa  calotte  comme  je  faiclz  des  mitaines,  chaussons  et  des 
rabbatz,  mais  je  n'ay  encore  peu  rien  essayer  de  tout  cela.  Il  les  faudra 
remettre  à  la  prochaine  despesche  Dieu  aydant.  Cependant  je  vous  recom- 
mande les  lancettes  que  me  demande  nostre  chirurgien  de  Boysgeiicy; 
je  tascheray  de  faire  envoyer  un  peu  d'argent  pour  subvenir  à  tant  de 
faux  fraiz  dont  nous  vous  avons  surchargé  mon  frère  et  moy,  sur  quoy 
je  finis,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  auiy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  S17  dec[embre]  i639. 

H  me  fault  par  force  remettre  la  partie  au  prochain  ordinaire  pour 
respondre  à  M'  d'Aubery.  Ne  me  mettez  poinct  d'aullre  qualité  d'office 
que  de  conseiller  au  parlement. 

Monsieur  le  Prieur-,  quand  vous  feriez  voir  à  M'  de  Roissy  la  lettre 
que  je  vous  escriptz  il  n'y  auroit  point  grand  danger,  pourveu  que  vous 
le  fassiez  comme  à  la  desrobée  et  avec  protestation  et  prière  de  ne  pas 
faire  paroistre  qu'il  l'aye  veue,  afin  qu'il  puisse  recognoistre  que  ce 
n'est  pas  sans  subject  que  l'on  luy  a  faict  tant  d'instance  de  ma  part, 

'  Sur  Claude  de  Mesmes ,  comte  d'Avaux ,  .  '  Ce  post-scriptvm  ainsi  que  ceux  qui 

ambassadeur  de  la  cour  de  France  à  Ve-        suivent  se   trouvent  sur   des   bandes    de 
nise,  voirie  rocueil  Peiresc-Dupuy, /)a«s!'»j.        papier  isolées. 


86  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632J 

sur  les  empreintes  de  cez  vases,  dont  j'ay  peur  enfin  de  vous  trop 
rompre  la  teste  à  vous  mesmes  aussy  bien  qu'à  luy,  vous  remédiant 
bien  affectueusement  des  complinienz  que  vous  me  faictes  sur  ce  subject , 
ouUre  la  continuation  de  tant  d'effeclz  de  vostre  bonne  volonté. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  vostre  pacquet  du  a 4'  m'a  esté  envoyé  de 
Lyon  soubz  une  enveloppe  de  M'  de  Rossy  dont  je  n'ay  pas  esté  marry 
pour  ceste  fois  là,  mais  il  ne  seroit  pas  raisonnable  de  continuer  de 
leur  adresser  voz  lettres  pour  moy  pour  ce  que  cela  leur  causeroit  de 
la  despence  dont  j  aurois  peine  de  leur  faire  accepter  le  rembource- 
nient  et  cez  niaistres  des  postes  ne  laissent  pas  do  me  rançonner  icy 
pour  les  portz  de  Lyon  quasi  aussy  chèrement  que  pour  ceux  de  Paris. 

Des  vases  du  a'  Gault  celluy  qui  n'avoit  point  de  vernis  et  dont  le 
melail  semble  tout  descouverl,  mais  qui  est  le  plus  entier  et  le  plus 
façonné  ou  le  plus  enricby  d'ouvrage,  m'a  donné  de  l'entretien  beau- 
coup plus  agréable  que  tout  le  reste,  et  m'a  faict  descouvrir  de  trez 
beaux  secretz  de  l'architecture,  et  de  la  manière  que  les  anciens  y  ob- 
servoient  pour  affecter  que  tous  leurs  enrichissementz  eussent  (juelque 
notable  mystère;  j'y  ay  mesme  descouvert  les  marques  de  sa  juste 
mesure  en  lieu  oh  je  ne  les  eusse  pas  cherchées,  si  je  ne  les  eusse  ren- 
contrées par  hazard,  mais  il  ne  s'en  fault  pas  venter,  de  peur  d'enchérir 
la  marchandise  à  contre  temps  et  auparavant  que  nous  en  ajons  acquis 
la  pleine  disposition.  Geste  pièce  m'a  fourny  encores  de  trez  belles 
lumières  pour  mieux  recognoistre  et  deschiffrer  les  ornements  et  enri- 
chissementz de  mon  grand  lectisternium  de  marbre'  lequel  réciproque- 
ment m'en  a  aussy  fourny  pour  mieux  recongnoislre  et  deschiffrer 
ceux  de  ce  vase. 

J'ai  enfin  esprouvé  les  rabatz  que  vous  avez  pris  la  peine  de  me 
faire  faire,  qui  vont  beaucoup  mieux  que  les  vieux,  mais  ilz  sont  en- 
cores un  peu  trop  justes  du  tour  de  col  ou  un  peu  trop  cours  de  sorte 
qu'il  les  fauldroit  vuider  un  peu  davantage  par  derrière  pour  les  faire 
plus  advancer  sur  le  devant. 

Représenlalion  d'uu  repas  offert  aux  dieux  et  où  leurs  images  étaient  plac^  sur  des 
coussins  {lecti)  disposés  autoui-  d'une  taWe  cliargée  de  mets. 


[1633]  A  D.  GUILLEMIN.  87 

Envoyez  raoy  les  qualitez  de  M'  Gaiilt  pour  sçavoir  comme  je  luy 
dois  escripre;  car  il  avoit  ce  me  semble  quelque  office  chez  le  loy. 
A  vous  seul. 


XLVII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  esté  fort  ayse  d'apprendre  par  vostre  despesche  du  a/i"  que 
vous  eussiez  eu  permission  de  faire  tirer  des  empreintes  du  grand  Silène 
en  chrystal  et  de  llcare  de  bronze  de  M''  de  Roissy,  mais  je  ne  sçay  si 
le  s"'  Sergent^  se  pourra  assez  bien  acquitter  et  de  l'un  et  de  l'aultre, 
car  pour  le  crystal  j'estime  qu'il  faudroit  le  faire  en  souiïre  et  pour 
l'Icare  je  ne  pense  .pas  qu'il  soit  de  despouille  avec  ses  aisles  postices, 
toutesfois  tousjours  vaudi'a  il  mieux  de  l'avoir  ainsy  que  le  pourra  faire 
ledict  Sergent  que  de  n'avoir  qu'un  simple  dessein.  Je  m'estonne  bien 
que  vous  n'ayez  peu  trouver  ce  fragment  de  lamperon  qui  cstoit,  ce 
me  semble,  aux  estages  plus  liaultes  dans  le  cabinet  de  M''  de  Roissy. 
Ce  n'estoit  que  de  terre  cuitte  et  de  la  longueur  quasi  aultant  que  la 
main.  11  sembloit  un  morceau  de  cez  gasteaux  que  nous  appelions  en 
ce  pais  cy,  des  torques.  Il  fauldra  prendre  patience  s'il  ne  se  peut 
trouver.  Je  ne  faudray  point  de  remercier  M""  de  Roissy  par  le  procJiain 
ordinaire  Dieu  aydant  de  ceste  nouvelle  faveur.  Et  par  mesme  moyen 
tascheray  de  m'expliquer  mieux  que  je  n'avois  possible  faict  par  ma 
dernière  despesche  sur  le  subject  pour  lequel  j'avois  désiré  sçavoir  de 
quel  lieu  pouvoient  estre  sortiz  cez  vases  d'argent  antiques,  non  que 
j'eusse  aulcune  pensée  de  rien  diminuer  de  la  gloire  qui  en  est  dcube 
au  nom  de  Mesmes  que  je  tascheray  de  magnifier  en  toutes  les  meil- 
leures façons  qu'il  me  sera  possible  piustost  que  de  rien  faire  ou  re- 
chercher qui  y  peusse  desroger  tant  soit  peu,  mais  le  fruict  que  j'en 

'  Mouleur  nienlionnt'  djms  \e  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  I,  p.  i5o). 


88  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

pensois  tirer  n'est  point  à  négliger,  principalement  s'ilz  ont  esté  des- 
terrez en  France,  oii  ilz  pourroient  avoir  esté  apportez  en  ce  cas  des 
desponiiles  que  les  Gaullois  avoient  assez  souvent  emportées  de  la  Grèce 
connue  la  manière  de  l'ouvrage  semble  plutost  grecque  «jue  latine.  Que 
si  d  adventure  cela  a  esté  apporté  d'Italie  il  y  faudra  clierclier  d'aultres 
conjectures.  Et  pour  cet  effect  il  fault  que  vous  taschiez  d'apprendre  de 
M"^  de  Roissy  quelque  chose  de  la  vie  de  feu  M'  de  Roissy,  son  père. 
Et  particulièrement  s'il  n'avoit  point  faict  de  voyage  en  Italie,  et  s'il 
en  avoit  remporté  à  force  choses  antiques  ou  non,  ou  bien  s'il  ne  les 
auroit  point  acquises  à  Paris  des  desbris  de  cez  vieux  cabinetz  tant  de 
la  Reyne  mère  Catherine  de  Medicis  et  du  duc  d  Trbin,  son  père,  qui 
avoit  eu  des  plus  belles  pièces  du  cabinet  du  Pape  Léon  X%  que  du 
Roy  François  premier,  car  le  tout  aprez  leur  decedz  avoit  esté  la  plus 
part  distribué  entre  les  princes  et  domestiques  et  vendu  à  la  requestc 
des  créanciers,  tant  de  la  Reyne  mère  que  des  princes  ou  auitres  qui 
en  avoient  partagé  la  succession,  parmy  quoy  il  y  avoit  eu  de  trez 
beaux  livres  Mss.  qui  avoient  esté  tirez  de  la  Bibliothèque  Roialle  de 
ceste  princesse  '  et  de  celle  du  cardinal  Ridolfi  son  oncle  qui  avoit  esté 
des  plus  curieux  de  son  siècle  et  qui  avoit  tiré  de  trez  belles  despouilles 
de  la  Grèce  et  de  toute  l'Italie^.  Je  suis  bien  ayse  que  vous  avez  peu 
trouver  le  moyen  de  présenter  à  \P  de  Roissy  de  cez  prunes  de  Bri- 
gnoHe.  A  quoy  il  faudra  voir  de  joindre  quelque  chose  de  plus  digne 
de  luy  s'il  plaist  à  Dieu.  J'attendz  des  raisins  de  Damas  de  ceux  que 
l'on  y  reserve  pour  la  Sultane  qui  luy  seront  à  mon  advis  bien  agreabl«?s. 


'  Voir  Notice  sur  la  bibliothèque  de  Cathe- 
rine de  Médiciis ,  par  Lo  l5oux  de  F^incy,  dans 
le  Bulletin  du  bibliophile ,  \i\\'  «iniiôe,  p.  g-iG- 
94 1 .  Conférez  L.  Delisle ,  Le  Cabinet  des  ma- 
nuscrits, l.  1,  p.  907-^19  (Manuseril*  de 
Catherine  de  Médicis). 

Sur  les  colleclious  du  cardinal  Micolas 
Ridolfi  voir  Le  Cabinet  des  manmcrils , 
p.  2 1  o ,  où  l'auteur  cile  le  Mémoire  hislonque 
sur  la  bibliothèque  du  roi,  par  Boivin,  el  la 


Bibliotheca  bibliolhecarum  de  Doni  Bernard 
de  Monlfaucon.  Ajoutons  que  M.  Delisle,  qui 
n'oublie  jamais  rien,  cite  (ibid.)  un  liider 
librorum  [768  volumes]  hibliothecœ  reginte 
miitris  Catharinœ  de  Medicis,  grœeo,  latino 
et  italico  idiomate  conservé  dans  un  des  i-e- 
cueils  de  Peiresc,  à  ringuiuibertine,  et  men- 
tionné par  Lambert  [Catalogue  dei  manu- 
scrits de  la  bibliothèque  de  Carpentrat,  t.  Il, 
p.  8). 


[1633]  A  D.  GUILLEMIN.  89 

Je  suis  bien  ayse  que  vous  n'ayez  pas  faict  davantage  d'instance  pour 
un  aultre  modèle  de  son  vase  en  souffre,  de  crainte  de  ne  luy  estre  trop 
à  charge,  car  ce  que  vous  m'avez  envoyé  en  dernier  lieu  tant  en  souffre 
qu'en  plomb  me  doibt  suffire  pour  les  inscriptions  du  foudz,  qui  ont 
mis  des  barrières  à  ma  pauvre  curiosité,  et  l'ont  empeschée  de  pouvoir 
passer  par  dessus  et  d'en  franchir  et  esclaircir  les  difficultez  comme 
elle  avoit  accoustumé  de  faire  cy  devant,  car  pour  le  reste  du  vase  et 
des  façons  ou  enrichissementz  qui  y  sont  par  le  dehors,  je  me  suis 
bien  apperceu  dans  ce  dernier  fragment  d'emprainle  de  plomb  qu'il 
y  a  certaines  petites  façons  tant  de  petitz  herbages  que  de  profiles  ou 
membrures  d'animaux  et  de  branches  d'arbres  qui  ne  sont  marquez 
qu'avec  des  petitz  pointz,  sur  quoy  il  n'y  a  pas  moins  à  discourir  qu'au 
reste,  ce  qui  ne  se  peut  pas  discerner  sur  vostre  empreinte  de  bronze, 
et  ce  que  j'y  trouve  de  plus  notable  pour  ce  regard,  est  de  certains 
festons  ou  couronnement  des  autelz  qui  se  voyent  dans  ce  fragment 
d'empreinte  fort  distinctement  marquez  avec  des  pointz  qui  sont  neant- 
moins  invisibles  en  tous  vos  modèles  de  bronze,  et  je  n'ay  rien  trouvé 
de  semblable  sur  l'original  de  l'autre  pièce  que  j'ay.  C'est  pourquoy  si 
M""  Engobcrt  revient  à  Paris  comme  on  le  vous  a  faict  espérer,  il  faudra 
bien  voir  de  faire  un  autre  effort,  avec  toutes  les  precaultions  d'excuses 
neantmoins  que  faire  ce  pourra,  pour  faire  trouver  bon  que  ce  vase 
soit  desseigné  et  mezuré  sur  le  papier  de  sa  main,  à  toutes  les  diverses 
veiies  que  faire  ce  pourra  et  sans  rien  obmettre  de  tous  cez  petitz  or- 
nementz  et  pontilleures,  principalement  de  ce  qui  en  paroistra  à  l'en- 
tour  des  autelz  oii  il  y  peut  avoir  plus  de  mystère,  car  j'estime  que  ce 
pouvoient  estre  des  carcans  ou  couronnes  de  pierreries  aussy  bien  que 
des  festons  de  fruictz,  fleurs  et  feuillages.  Ayant  receu  de  Rome  un 
vase  d'Aibastre  anti([ue  des  plus  gentilz  qui  me  soient  tombez  en  mains, 
qui  est  couronné  ou  enrichy  d'un  double  carcan  de  marguerites  ou 
perles  rondes  et  d'Elenques  rondz  par  le  hault  et  pointuz  par  le  bas 
qui  estoit  une  autre  espèce  de  perles  en  forme  de  rayons  ou  de  boutons 
de  rose,  qui  ont  quelque  rapport  de  leur  figure  à  l'etymologie  du  nom 
dont  la  remarque  ne  sera  pas  inutile  à  l'esclaircissement  du  reste. 


90  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Je  n'ay  pas  receu  encores  les  vases  de  M'  Gault,  mais  j'ay  ad  vis  que 
vostre  cassette  fut  consignée  par  M'  de  Rossy  de  Lyon  à  un  mulletier 
de  ceste  ville  de  noz  bons  voysins  par  qui  je  luy  avois  envoyé  quelque 
temps  y  a  le  myrllie  double,  de  sorte  que  je  pense  la  recevoir  entre  cy 
et  le  prochain  ordinaire.  Cependant  je  suis  bien  ayse  que  M'  Gault 
aye  receu  ma  lettre  en  si  bonne  part  comme  vous  me  mandez,  espérant 
que  je  luy  feray  passer  l'envie  des  plantes  qu'il  désire  de  cez  quartiei-s 
de  deçà  et  de  quelque  chose  de  plus  digne  si  je  puis  que  tout  ce  dont 
il  s'estoit  advisé.  J'ay  veu  la  petite  enlumineure  de  la  Cène  de  nostre 
Seigneur  Jésus  Christ  in  slibadio  qui  est  la  inesme  dont  M'  d'Aubery 
m'avoit  cy  devant  envoie  une  coppie  accompagnée  de  plusieurs  autres 
tirées  d'un  nouveau  Testament  en  grec  de  la  Bibliothèque  du  Roy, 
dont  je  luy  avois  donné  les  addresses,  et  pensois  y  trouver  une  om- 
brelle ou  daiz  estendu  sur  la  leste  du  Christ,  selon  que  nie  l'avoit 
mandé  M'  Suarez*  de  Rome,  de  sorte  que  je  pensois  qu'il  y  eusse  eu 
de  l'équivoque  à  le  chercher  dans  un  livre  pour  un  autre,  n'eusl  esté  la 
lettre  que  j'ay  receue  du  R.  P.  Sirmond  sur  ce  subject  par  laquelle  il 
ne  demeure  pas  d'accord  qu'il  aye  aulcune  ombrelle  ou  pavillon  dans 
ce  vieux  dessein  de  sorte  qu'il  faut  que  le  peintre  aye  adjousié  du  sien 
témérairement  dans  le  dessein  qui  a  esté  envoyé  à  Rome  au  cardinal 
Barberin,  ou  bien  que  le  P.  Sirmond  aye  faict  luy  mesme  queUpie  peu 
d'équivoque  en  vous  monstrant  dans  la  Bibliothèque  du  Roy  l'original 
du  dessein  que  vous  avez  faict  coppier  par  vostre  enlumineur  sur  ce 
que  dans  le  mesme  livre  je  sçay  bien  que  la  Cène  de  la  Pasque  est  re- 
présentée en  quatre  divers  endroictz,  pour  ce  que  les  quatre  Evange- 
listes  y  sont  escriptz  l'un  aprez  l'autre.  C'est  pourquoy  je  vous  prie 
d'aller  revoir  le  livre  original  et  d'y  observer  si  en  quelqu'un  des 
quattre  differendz  fueilletz  où  ceste  Cène  a  esté  peinte,  il  n'y  en  au- 
roit  point  quelqu'un  où  l'enlumineur  eusse  représenté  quelque  om- 
brelle ou  pavillon  en  forme  de  tente  sur  la  teste  du  Christ,  et  en  ce 
cas  que  vous  n'y  trouviez  rien,  demandez  à  M"^  Rigault  de  ma  part 

Sur  Josepli-Marie  Suarès ,  ëvêque  de  Vaison ,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  et  aussi 
(un  peu  partout)  not»e  tome  IV. 


[1633]  •  À  D.  GUILLEMIN.  91 

s'il  n'y  a  point  quelque  autre  vieux  livre  où  ceste  Cène  soil  repré- 
sentée. Et  si  vous  en  rencontrez  quelqu'un  oià  vous  puissiez  cognoistre 
quelque  forme  d'ombrelle  je  seray  bien  ayse  que  vous  me  la  fassiez 
portraire  de  sa  propre  grandeur  et  le  plus  exactement  que  faire  ce 
pourra. 

Cependant  je  ne  laisray  pas  de  faire  responce  au  R.  P.  Sirmond  par 
le  prochain  ordinaire  Dieuaydant,  ayant  esté  trop  pressé  tous  cez  deux 
jours  icy  pour  les  disputes  publiques  où  il  m'a  fallu  assister  de  néces- 
sité, sur  la  vacance  d'une  Régence  que  nous  sommes  aprez  de  faire 
conférer  à  M'  Fabrot,  lequel  faict  des  merveilles  ^  Le  dict  R.  P.  Sir- 
mond m'escript  que  le  s'  Jacques  de  Bié^,  en  luy  rapportant  le  dessein 
de  l'Empereur  Charles  le  Gros,  luy  avoit  advoué  qu'il  n'avoit  esté  faict 
que  de  la  main  d'un  apprenty.  C'est  pourquoy  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'y 
fier  beaucoup  et  si  ce  chanoine  de  Langre  pouvoit  faire  revenir  l'ori- 
ginal à  Paris  une  seconde  fois,  la  chose  en  vaudroit  bien  la  peine 
affin  qu'il  ne  soit  pas  dict  qu'on  aye  mis  en  taille  doulce  un  portraict 
si  mal  pris. 

J'attendray  impatiemment  l'issue  de  vostre  voyage  de  S'  Denys,  qui 
ne  presse  point  tant  neantmoins  qu'il  faille  pour  cela  vous  exposer  à 
la  rigueur  du  temps  et  à  Tincommodilé  des  pluyes  tant  qu'elles  dure- 
ront, vostre  santé  et  voslre  conservation  m'estant  plus  chère  au  cen- 
tuple que  toute  la  satisfaction  que  je  sçaurois  espérer  de  ce  costé  là. 
Bien  est  il  véritable  que  je  feray  difficulté  de  prononcer  mon  advis  sur 
l'un  et  l'autre  des  vases  de  M""  de  Roissy  que  je  n'aye  eu  préalablement 
l'esclaircissement  que  j'attendz  par  l'examen  de  la  contenance  et  capa- 
cité des  principaulx  vases  de  S'  Denys,  tant  des  deux  de  cristal  que 
des  trois  d'Agathe  orientale,  et  surtout  de  celluy  qui  est  faict  en  forme 
de  Cantharus  de  Bacchus,  qui  a  le  plus  de  rapport  avec  ceux  de  M""  de 
Roissy,  tant  pour  la  contenance  que  pour  le  mystère  des  figures  et 
autres  enrichissementz,  sy  je  ne  me  trompe,  ce  qui  me  faict  désirer 

'  Sur  AnnihalFabrol,  le  célèbre  juriscon-  '  Le  libraire  Jacques  de  Rie  ou  de  Bie 

suite  et  professeur  h  l'Université  d'Aix,  voir  est  plusieurs  fois  nientionaé  dans  ie  recueil 
le  recueil  Peiresc-Dupuy  (tomes  I,  II  et  III).        Peiresc-Dupuy, 


92  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

fort  ardemment  d'avoir  un  modèle  de  la  concavité  dudict  vase,  soit  de 
piastre  ou  d'autre  matière,  sur  laquelle  je  puisse  moy  mesnie  faire 
l'examen  de  par  deçà,  et  si  par  hazard  il  y  avoit  moyen  de  prendre 
encore  un  modèle  du  creux  ou  de  la  contenance  du  pied  ou  soubz- 
bassement  dudict  vase  en  le  renversant  san  dessus  dessoubz,  je  ne  pense 
pas  qu'il  fusse  inutile,  mais  je  n'entends  parler  en  ce  faisant  que  du 
pied  qui  est  d'Agathe  tout  d'une  pièce  avec  le  reste  du  vase  comme 
je  crois,  car  il  y  a  un  autre  pied  d'or  ou  d'argent  doré  plus  allongé 
duquel  il  ne  se  fault  poinct  mettre  en  peine. 

Mons''  Le  Grand,  recepveur  des  deniers  du  Roy  à  Paris,  qui  se  tient 
en  la  riie  S'  Anthoine,  a  un  filz  religieux  à  S'  Denis,  dont  le  crédit  ne 
vous  manquera  pas,  je  m'asseure,  si  besoing  est,  si  celluy  de  M'Colle- 
tet  vous  manquoit  '  ;  vous  luy  pourriez  en  ce  cas  monstrer  ce  que  je  vous 
en  escripls  et  à  mon  petit  nepveu  de  Bouc*  qui  l'a  norry  chez  luy,  et 
qui  l'a  xîhery  si  tendrement.  J'avois  envoie  dez  hier  h  mon  frère  à  Rians 
la  lettre  de  M'  Robin  "  et  la  vostre  concernant  nostre  jardinier  et  suis 
bien  marry  de  n'en  avoir  eu  la  responce  à  ce  soir  à  temps  cl  qu'il  faille 
perdre  la  commodité  de  cet  oi^dinaire,  mais  il  n'y  aura  qu'une  sepmaine 
de  perdue.  Cependant  je  ne  puis  que  grandement  louer  et  remercier 
en  cela  tous  les  bons  offices  de  M'  Robin  et  le»  vostres.  Sur  quoy  il  est 
temps  que  je  finisse,  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  3  janvier  i63.3  *. 


'  Dom  Colletet ,  nomme  dans  tme  lettre  '  Le  botaniste  lionl  il  a   été   queslion 

précédente.  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy. 

Le  fils  du  président  de  la  Cour  des  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

comptes  de  Provence,  Henri  de  Seguiran,  nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  /199.  Ori- 


beau-frère  de  Peiresc.  ginal. 


[1633]  \  D.  GUILLEMIN.  93 

XLVIII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  receuz  sabmedy  par  l'ordinaire  vostre  despesche  du  3i*du  passé, 
el  le  mesme  jour,  la  cassette  de  M"'  de  Rossy  fort  bien  conditionnée 
avec  les  livres  que  vous  y  aviez  joinctz  et  d'autres  que  le  dict  s''  de  Rossy 
avoil  receuz  de  la  part  de  M'"  Lliuillier,  à  qui  je  pensois  esciipre  par 
cet  ordinaire  pour  l'en  remercier,  mais  il  est  desja  bien  tard  à  mon 
grand  regret  (mes  gentz  n'ayantz  peu  tenir  pied  autour  de  moy  de 
tout  le  jour  d'hier)  et  tout  ce  peu  que  j'en  ay  peu  desrober  aujourd'huy 
du  pallais  s'estant  consumé  aux  deux  lettres  que  j'ay  escriptes,  tant  à 
M""  du  Puy  qu'à  M""  Gaidt,  vous  addressant  celle  cy  toute  ouverte  pour 
vous  servir  d'instruction  de  ce  que  je  luy  escriptz,  tant  pour  raison  de 
ses  vases,  que  pour  les  autres  qui  peuvent  estre  passez  par  ses  mains, 
dont  je  serois  bien  ayse  d'avoir  quelques  mémoires,  si  vous  en  pou- 
vez apprendre  quelque  chose  de  luy  qui  vaille  la  peine  de  l'escripre. 
Lorsqu'on  vendoit  le  cabinet  et  les  meubles  de  feu  Madame  de  Riche- 
lieu qui  fust  tqst  aprez  la  mort  de  son  mary,  frère  aisné  de  Mons''  le 
Cardinal  ^  environ  l'an  619  [sic)  ou  20,  on  me  porta  dans  ma  chambre 
à  Paris  un  plat  de  couleur  d'Amethiste  plus  large  qu'une  grande 
assiette  que  j'eusse  peu  avoir  pour  soixante  ou  quatre  vingtz  escus, 
mais  je  negligeay  d'y  surdire  à  faulte  qu'il  n'y  avoit  point  d'escripture. 
Quelque  bon  procureur  du  Chastellet  Irouveroit  peut  estre  bien  au 
greffe  le  procès  verbal  de  l'inventaire,  où  c'est  qu'où  aura  faict  article 
sans  double  de  ce  vase.  Et  peut  estre  du  nom  de  celluy  à  qui  il  fut  dé- 
livré comme  dernier  enchérisseur.  Si  vous  le  pouviez  suyvre  à  la  pisie, 

'  Henry  du  Plessis  fut  tuë  en  duel ,  à  La  femme  du  frère  aîné  des  deux  cardinaux 

Angoulôme,  en  avril  1G19,  par  le  fds  du  s'appelait  Marguerite  Guyot  des  Charmeaux.' 

maréchal  de  Thémines,  Charles,  seigneur  Sur  la  femme  et  sur  le  mari  voir  Tallenianl 

de  Lauzières,  puis  mar([uis  de  Thémines.  desRt'aux,  Historiettes,  t.  II,  ]>.  1-2. 


94  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

je  voudrois  bien  que  vous  en  eussiez  faict  le  mczurage,  vous  asseurant 
que  j'ay  pris  grand  plaisir  à  la  veiie  et  examen  de  toutes  les  pièces  que 
vous  m'avez  envoyées  de  la  part  de  M'  Gault,  qui  me  fournirent  hier 
de  l'exercice  bien  agréable  avec  l'ayde  de  M'  Suchet  (de  qui  je  vous 
reconnnande  le  frère  si  vous  le  pouvez  trouver  en  ce  païs  la),  comme 
vous  pourrez  faire,  je  m'asseure,  si  vous  vous  en  enquerez  de  cez 
maistres  sculpteurs,  et  il  seroit  je  m'asseure  bien  ayse  d'estre  employé 
pour  moy  à  quelque  moulleure,  s'il  s'en  présente  d'occasion,  le  tenant 
assez  capable  pour  s'en  dignement  acquitter.  Nous  attendrons  en  bonne 
dévotion  la  venue  de  M' le  Sacristain  de  Valbelie,  pour  voir  l'empreinte 
de  l'Icare  de  M'  de  Roissy  et  le  vase  de  M'  Vivot  que  vous  dictes  estre 
en  forme  de  bœuf  marin  pour  voir  si  ceux  qui  l'ont  jugé  moderne 
avoient  tort  ou  raison.  Nous  attendrons  aussy  la  responce  de  M'  des 
Nœudz  et  celle  du  père  de  l'honmie  de  M'  d'Aubery.  L'empreinte  du 
Silène  de  M'  de  Roissy  est  assez  bien  faicte  pour  s'en  contenter.  Mais 
pour  la  voir  en  perfection  il  eust  fîdlu  le  faire  jelter  en  soufîre  à  vostre 
mode,  mais  si  vous  en  avez  rendu  l'original  avant  qu'en  avoir  eu  mon 
advis  je  n'estime  pas  qu'il  soit  à  propos  d'en  importuner  davantage 
M"^  de  Rossy  et  vaudra  mieux  nous  contenter  de  ce  que  nous  en  avons. 

Quant  au  s'  Engobert,  il  faudra  accepter  le  dessein  qu'il  vous  faict 
espérer  tel  que  vous  le  pourrez  avoir,  ne  vous  pouvant  exprimer  com- 
bien j'ay  esté  fasché  d'apprendre  le  decedz  de  son  frère.  Je  dissimuleray 
volontiers  puisque  cez  Messieurs  le  désirent  jusques  à  ce  que  j'aye  veu 
leur  essay,  et  diflfereray  de  respondre  à  M'  Le  Jeune  pour  luy  envoyer 
le  certifiicat  qu'il  me  demande.  Pour  S'  Denys  si  le  moyne  Colletet  ne 
vous  sert  de  bons  estœufs.  M""  Le  Grand,  recepveur,  qui  se  tient  à  la  riie 
S'  Anthoine,  vous  y  fournira  tout  le  crédit  que  vous  désirerez,  mais 
surtout  ne  vous  incommodez,  je  vous  supplie,  et  attendez  la  saison  la 
plus  propice  que  vous  pourrez  juger  pour  vostre  santé,  louant  fort  bien 
le  dessein  que  vous  avez  pour  M' le  marquis  de  Sourdis,  m'estonnant 
que  M'  d'Admirat  tarde  tant  d'arriver  de  par  delà. 

11  me  reste  à  vous  dire  que  j'ay  rendu  tant  à  mon  nepveu  de  Rians 
qu'à  Monsieur  Lombar  ce  que  vous  leur  adressiez  et  leur  ay  faict  voz 


[1033]  À  D.  GUILLEMIN.  95 

excuses.  Hz  m'ont  chargé  de  vous  faire  les  leurs,  avec  leurs  remercie- 
mentz  trez  [«imbles  de  cez  petites  gentilesses  que  vous  leur  avez  voulu 
envoier,  à  quoy  il  fault  que  je  joigne  les  miens,  avec  mes  excuses  de 
tant  d'embaras  dont  je  vous  surcharge  desja  meshuy  au  delà  des  termes 
de  la  discrétion,  mais  quelque  jour  Dieu  aydant  viendra  l'heure  de  nous 
en  revancher  à  souhaicl,  laquelle  attendant  je  finiray  en  rafTraischis- 
sant  les  asseurances  que  je  vous  ay  données  d'estre  à  jamais, 
Monsieur  le  Prieur, 

voslre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  aray, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  C3  10  janvier  i633. 

Sachez  soubz  main,  je  vous  prie,  si  M'  Gault  n'a  poinct  de  plante  du 
laurier  des  Indes  qui  faict  la  feuille  quasi  aussy  longue  que  la  main  et 
l'escorce  des  branches  rouges,  c'est  une  espèce  de  cannelle,  car  j'ay 
moyen  de  luy  en  envoyer  une  petite  plante,  mais  sçachez  si  d'autres 
que  luy  n'en  ont  poinct  à  Paris,  dont  M"^  Robin  vous  pourra  donner  plus 
de  nouvelles  que  tous  autres,  remettant  à  mon  frère  de  vous  respondre 
pour  la  veniie  du  jardinier  que  nous  attendrons  en  bonne  dévotion'. 


XLIX 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  esté  bien  fasché  d'apprendre  par  vostre  despesche  du  6"  de  ce 
mois  la  glissade  qui  vous  avoit  incommodé  en  la  main  droitte  ^  et  que 

'  Bibliothèque  nnlionalc ,  fonds  français ,  en  revenant  de  clitîs  M' tle  Thon  avec  M' le 

nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  ^89.  secrétaire  de  Vaubelle  par  le  moyen  d'une 

'  Le  prieur  raconte  ainsi  l'aventure  (lettre  glissade  qpe  je  fis  sur  les  degrés  du  Pont 

à  Peiresc,  du  6  janvier  iG33)  :  r;Je  me  Neuf  visa  vis  le  cheval  de  bronze  qu'à  peine 

trouve  si  incounnodé  de  la  main  droite  par  ay-je  pu  vous  achever  mes  memoyres  de 

un  accident  qui  m'arriva  hier  après  disner  Saint-Denys.  >> 


96  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

nonobstant  ceste  incommodité,  vous  vous  soyez  donné  la  pcyne  de 
in'escripre  de  vostre  main  trois  ou  quatre  grandes  feuilles  de  papier, 
en  f|uoy  soubz  correction  vous  avez  grand  tort,  car  vostre  santé  et 
commodité  me  sont  beaucoup  plus  chères  que  toutes  cez  petites  curio- 
sitez,  dont  je  vous  demeure  pourtant  beaucoup  plus  redevable  et  vous 
en  remercie  de  tout  mon  cœur,  comme  aussy  du  pénible  voyage  et  tra- 
vail tant  d'esprit  que  de  corps  que  vous  avez  faict  à  S'  Denis,  où  je  ne 
trouvfr  pas  estrange  que  vous  ayez  rencontré  de  la  didiculté  pariny 
cez  moynes,  qui  ne  seroient  pas  si  scrupuleux  s'ilz  estoienl  un  peu 
moins  ignorantz,  et  s'ilz  avoient  un  peu  plus  de  cognoissance  bien  cer- 
taine des  termes  jusques  ausquelz  les  choses  peuvent  estre  loisibles  ou 
illicites.  Car  bien  que  les  corporaux  soient  faictz  pour  y  reposer  le 
S' Sacrement,  cela  n'empesche  pas  qu'il  n'y  aye  moyen  de  les  faire  blan- 
chir quand  besoin  est  soubz  les  precaultions  accoustumées,  et  mesmes 
les  calices  ordinaires  ont  besoing  souvent  d'estre  mondiUiez  '  ou  escu- 
rez  -  plus  exactement  que  par  une  simple  ablution,  aultrement  il  s'y 
amoncelleroil  trop  de  crasse,  de  rouille  et  d'ordure.  Or  la  moulcure 
que  je  désire  prendre  de  ce  grand  vase  d'Agathe  doibt  passer  pour  une 
espèce  de  mondificalion,  desrouillement  ou  descrassemcnl  faicte  avec 
du  piastre  au  lieu  de  sable  et  du  linge  ',  sauf  d'y  faire  pluslost  pro- 
cedder  par  aprez  par  une  nouvelle  bénédiction  si  elle  y  peut  escheoir, 
de  quoy  je  doubte  grandement,  aussy  bien  que  de  lemploy  au  sacre 
des  Roynes,  pour  y  mettre  du  vin  consacré,  car  c'est  chose  bien  indu- 
bitable que  toutes  les  figures  et  autres  ornemenlz  gravez  sur  ledict 


'  Nettoyés,  du  latin  mundificai-e ,  puri- 
lier. 

'  Nous  avons  dans  la  langue  gasconne  le 
mol  escitra,  faire  briller,  l'ort  employé  par 
les  ménagères  qui  sont  si  jalouses  de  l'éclat 
du  cuivre  de  leurs  ustensiles  de  cuisine. 

'  Le  prieur  disait  (lettre  déjà  citée)  : 
tr  Mais  en  ce  qui  est  de  faire  mouler  le  creux 
du  grand  vase  d'Agathe ,  c'est  à  quoy  il  y 
a  bien   de  la  répugnance  du  costé  dudit 


s'  Colleté! ,  qui  allègue  |>our  ses  raisons  que 
ce  vase  luy  est  en  si  forte  considération  en 
ce  qu'il  le  tient  comme  consacré,  veu  qu'on 
y  fait  communier  dedans  sous  les  es[>eces 
du  vin  les  Reines  le  jour  de  leur  sacre,  el 
de  plus  il  craint  que  le  piastre  dont  on  se 
veut  servir  pour  mouler  le  ci-eux  de  ce  ca- 
lice ne  fasse  quelque  effort  en  se  desséchant 
qui  apportast  de  l'inconunodité  a  cesie 
Agathe. ..» 


[1633]  X  D.  GUILLEMIN.  97 

vase  apj)artien en  t  aux  mystères  des  Bachanaiïes  qui  sont  bien  mal 
compatibles  à  ceux  du  Christianisme.  Que  s'il  n'y  avoit  que  la  crainte 
de  la  force  du  piastre,  ii  est  fort  ays6  d'y  remédier  en  employant  du 
piastre  un  peu  plus  vieil  que  l'ordinaire  et  y  versant  un  peu  plus  d'eau 
que  la  proportion  commune,  dont  on  peut  faire  l'espreuve  dans  un 
verre  pour  voir  s'il  sera  capable  de  le  casser.  Si  vous  y  employez  M""  Le 
Grand',  il  surmontera  facilement  toutes  cez  difïicultez,  je  m'asseure, 
par  les  amis  et  habitudes  qu'il  y  a.  M'  Thibault,  Advocat  au  Conseil, 
de  nos  anciens  et  intimes  amis^,  y  avoit  un  frère  moyne  bien  puissant 
aullresiois,  lequel  il  feroit  agir  pour  l'amour  de  nous  si  vous  l'en  re- 
quérez. Il  se  tenoit  en  la  rue  Bertin  Poirée  chez  M"'  Du  Puy  prez  le 
Four  l'Evesque.  Possible  que  M'  L'Huillier  y  aura  encore  des  amis  qu'il 
n'espargnera  pas,  s'il  en  falloit  délibérer  en  plein  chapitre.  Auquel  cas 
il  faudroit  avoir  consulté  quelque  bon  docteur  de  Sorbonne,  pour 
guérir  tous  leurs  scrupules  sur  toutes  les  sortes  de  mondillications 
loysibles  des  vases  sacrez  et  sur  l'utilité  qui  se  retirera  de  l'examen  de 
ceste  empreinte,  pour  en  déterminer  bien  au  vray  le  rapport  des  aii- 
cieimes  mesures,  dont  est  faicte  mention  en  la  Saincte  Escripture, 
avec  celles  des  Grecs  et  des  Romains,  d'oiî  il  se  peut  tirer  d'excellentes 
conséquences,  car  de  s'amuser  à  y  employer  des  peintres  pour  en 
tirer  ce  que  vous  appeliez  improprement  des  empreintes  qui  ne  sont 
que  simples  desseins  ou  portraictz  il  n'est  point  de  besoing  de  vous  en 
mettre  en  peyne,  car  j'en  ay  de  fort  bien  faiclz  de  la  main  de  M'  Rabel  ^ 
et  d'autres,  mais  il  ne  s'y  peut  asseoir  aulcune  sorte  d'asseurance  pour 
les  mezures.  Et  si  vous  obtenez  la  permission  d'y  faire  travailler  il 
taudra  bien  prendre  garde  que  l'empreinte  puisse  représenter  tout  le 
creux  de  la  contenance  intérieure  du  vase,  jusques  au  plus  hault  de 
son  bord,  et  mesmes  faire  prendre  tout  ce  qui  se  pourra  prendre  de 
l'espoisseur  du  bord  ou  du  corps  du  vase  qui  sera  en  despouille,  afin 

'  Sur  le  maître  des  requêtes  f^  Grand  à  M.  Tibault,  du  ao  février  i63o  (re- 
voir le  recueil  Peiresc-Dupuy.  gistre  VI,  fol.  109). 

'  On  ne  trouve  dans  les  registres  de  nii-  '  Sur  le  peintre  et  graveur  Jean  Rabel , 

nutes  de  l'Inguiinbertine qu'une  seule  lettre  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  Il,  p.  33^. 

T.  )3 

iitrnn(t:itiB   ^Arto^ALK. 


98  LETTRES  DE  PEIRESC  ^033] 

que  je  sois  bien  asseuré  de  la  plus  Irlande  haulteur  de  la  mezure  du 
vase  quand  j'en  feray  l'examen  et  le  calcul  nécessaire  qui  fera  possible 
parler  un  jour  de  ce  vase  en  meilleurs  et  plus  honorables  termes  que 
l'on  n'eusse  peu  faire  sans  cela.  11  fauldra  que  j'en  escripve  à  cez  Mes- 
sieurs pour  faciliter  la  guerison  de  tous  cez  scrupules  surabondantz. 

J'ay  pris  plaisir  de  voir  l'empreinte  que  vous  m'avez  envoyée  de  ce 
j>etit  chiffre  que  vous  avez  pris  en  cire  d'Espagne  et  si  vous  y  retournez 
je  seray  bien  ayse  que  vous  en  preniez  cinq  ou  six  empreintes  en  cire 
d'Espagne,  tant  d'un  costé  que  d'autre,  a6n  que  je  sois  plus  asseuré 
de  sa  vraye  forme. 

Quant  au  moulage  que  j'avois  demandé  de  l'extérieur  du  vase,  c'est 
à  quoy  cez  Messieurs  debvroient  faire  moins  de  difficulté,  si  vous  trou- 
viez un  ouvrier  capable  de  le  faire,  parce  qu'il  n'y  a  non  plus  de  danger 
que  de  tremper  le  vase  dans  l'eau  toute  pure,  attendu  que  la  colle  s'en 
retire  aussy  molle  et  tremblante  comme  de  la  gelée  de  piedz  de  mou- 
ton, et  que  pour  nettoyer  le  vase  il  ne  fault  que  le  tremper  dans  l'eau 
tiède  et  le  frotter  avec  une  petite  brosse,  car  au  lieu  que  cela  le  puisse 
salir  ou  charger  de  crasse,  au  contraire  cela  est  capable  de  le  mon- 
diffier  grandement,  puisque  vous  avez  moyen  de  séparer  le  pied  d'or 
qui  ne  tient  qu'à  des  agraffes  qui  se  peuvent  remettre  et  ribler  aussy 
aysement  comme  on  les  dezassemble;  que  si  vous  prenez  le  creux  de 
piastre  du  vase  principal,  il  ne  faudra  pas  négliger  aussy  de  prendre 
à  part  celluy  du  pied  renversé  dont  vous  avez  oublié  de  me  marquer 
s'il  y  reste  aulcunes  marques  recognoissables  qu'il  ne  fusse  faict  que 
pour  prendre  assiette  sur  une  table  ou  bien  s'il  pouvoit  avoir  servy 
à  son  tour,  pour  contenir  quelque  portion  de  liqueur  en  renversant  le 
vase  sens  dessus  dessoubz,  ce  qui  se  recognoistra  par  lespesseur  du 
bord,  s'il  est  propre  à  appliquer  à  la  bouche  ou  non.  Et  tousjours 
quand  on  feroit  tant  de  dilhcullé  de  laisser  mousler  le  reste  pourroil 
on  bien  se  dispenser  de  laisser  mousler  cet  endroict  là,  pour  me  laisser 
mieux  recognoistre  toute  la  forme  et  tous  les  usages  de  ce  vase,  du- 
quel je  veux  faire  Dieu  aydant  un  traiclé  ex  professo,  qui  fera  possible 
parler  du  trésor  de  S'  Denys  en  autres  termes  que  l'on  ne  souloit  faire 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  99 

et  qui  pourra  rendre  tous  cez  beaux  vases  précieux  utiles  au  public  et 
propres  à  d'autres  usaiges  dont  on  ne  s'estoit  point  encore  advisé  de 
nostre  temps  (sans  rien  desroger  à  la  sainte  application  qui  s'en  estoit 
taicte  depuis  le  christianisme,  et  depuis  qu'ilz  sont  dans  le  trésor 
S'  Denis) ,  car  l'examen  que  j'en  faictz  faire  n'est  point  pour  les  profaner, 
ains  à  trez  bonnes  et  trez  innocentes  fins.  Et  pour  les  faire  valloir  beau- 
coup plus  qu'ilz  n'avoient  vallu  jusques  à  ceste  heure,  comme  j'ay  faict 
du  Camayeul  de  la  S"=  Chapelle,  qui  est  maintenant  si  célèbre  par 
toute  la  chreslienté,  et  qui  ne  passoit  que  pour  un  esmail  du  triomphe 
de  Joseph  lorsque  j'en  fis  la  première  descouverte  '.  C'est  pourquoy 
cez  Messieurs  auroient  grand  tort  si  par  leurs  difficultez  surabondantes 
et  un  peu  plus  scrupuleuses  qu'il  ne  seroit  requis  et  nécessaire,  ilz 
m'empeschoient  de  pouvoir  déterminer  ce  que  je  ne  sçaurois  demonstrer 
bien  afhrmatifvement  et  avec  la  certitude  nécessaire,  sans  avoir  les  em- 
preintes que  je  demande  de  la  concavité  ou  capacité  de  cez  vases.  Et 
pour  celluy  qui  est  à  godrons,  puisque  vous  dictes  que  son  bord  ou 
cercle  d'argent  postice  est  si  mal  attaché  et  si  aysé  à  dezassembler,  il 
fauit  que  j'aye  l'obligation  toute  entière  à  cez  Mess"  et  qu'ilz  aggreent 
que  vous  y  meniez  un  orphevre  qui  puisse  proprement  dezassemblei- 
ce  bord  ou  cercle  d'argent  postice  pour  vous  donner  moyen  de  prendre 
plus  commodément  l'empreinte  du  creux  ou  concavité  de  ce  vase,  qui 
par  vostre  rapport  se  trouve  de  la  mezure  de  celluy  de  M'"  de  Roissy 


'  Peiresc  entretint  de  sa  découverte  plu- 
sieurs de  ses  confrères  en  arche'olog'ie ,  no- 
tamment ses  correspondants  Aleandro ,  Lo- 
renzo  Pignoria,  Rubcns.  Voir  diverees  lettres 
au  premier  de  ces  érudits,  du  a  3  septembre, 
du  i8  novembre  et  du  i6  décembre  i6qo, 
dans  la  Correspondance  inédite  avec  Jérôme 
Aléandre,  publiée  par  Fauris  de  Saint-Vin- 
cens  (Paris,  1819,  p.  72  ,  98).  Voir,  à  la 
lin  du  volmne  (p.  99,  116),  des  Additions 
relatives  à  l'agate  de  la  S"-Chapclle  pai-  l'édi- 
teur des  Annales  encyclopédiques  (Millin). 
On  trouve  là  les  diverses  explications  don- 


nées, au  sujet  du  camée,  par  Tristan  de 
Saint-Amant,  par  Albert  Rubens,  par  le  ba- 
ron Jacques  Le  Roy,  par  Dom  B.  de  Mont- 
faucon  (on  sait  que  l'auteur  de  l'Antiquité 
expliquée  s'est  plu  à  mentionner  dans  cet 
ouvrage  les  recherches  de  Peiresc  siu-  di- 
vers points  d'archéologie).  Milhn  joint  h  cet 
exposé  des  opinions  des  autres ,  ses  propres 
observations  sur  le  camée  qu'il  appelle  (fie 
monument  incontestablement  le  plus  beau 
et  le  plus  précieux  de  ce  genre  qui  existe 
au  monde  1. 

j3. 


100  LKTTRES  DE  PEfRESC  [1633] 

dont  j'ay  esté  fort  ayse  comme  de  chose  qui  ne  sera  pas  inutile  tant 
pour  l'un  que  pour  l'autre  si  je  puis  avoir  le  moyen  de  la  Lien  verirtier 
par  les  empreintes  de  ce  vase  là,  aussy  bien  que  par  celles  de  ceux  de 
M'  de  Roissy.  Et  tousjours  de  celluy  la  puisqu'il  n'est  point  en  usage 
aux  sacres  comme  le  grand,  cez  Mess"  ne  debvroient  pas  faire  difïiculté 
de  vous  laisser  prendre  l'empreinte,  en  attendant  qu'ilz  se  soient  ré- 
solu? sur  ce  qui  peut  regarder  le  plus  grand,  s'ilz  y  veullent  procedder 
avec  plus  de  soleimité.  Quant  à  celluy  de  cristal,  je  desirerois  beau- 
coup plus  d'apprendre  la  contenance  du  cristal  tout  nud,  (|ue  celle 
de  la  fourrure  d'argent  qui  y  a  esté  adjoustée  postérieurement,  et  s'il 
y  avoit  moyen  qu'un  orplievre  la  peusse  desemboitter  proprement, 
comme  j'estime  qu'il  leur  doibve  estre  fort  facile,  cez  Mess"  m'oblige- 
roient  grandement  de  le  permettre,  afin  que  vous  peussiez  prendre 
bien  au  juste  la  mezure  de  la  contenance  du  crystal',  et  que  le  dedans 
ne  se  pouvant  nioaller,  vous  ayez  pour  le  moins  appresté  un  petit  vase 
ou  boitte  de  fer  blanc  qui  ne  tienne  ne  plus  ne  moins  que  la  liqueur 
capable  de  remplir  ce  vase  et  tousjours  en  faudra  il  faire  atiltant  des 
autres,  quand  bien  vous  aurez  faict  mouller  leur  creux  en  piastre,  pour 
me  fournir  plus  d'asseurance  de  la  verilllcation  de  leur  cappacité  par 
differentz  moyens,  et  en  faudra  faire  aultant  pour  avoir  un  modèle  de 
fer  blanc  de  la  juste  contenance  du  petit  larmoir  d'Agathe  que  vous  ap- 
pelez d'Onyce,  qui  n'est  qu'une  Agathe  un  peu  plus  fine  que  le  com- 
mun. Il  fauldra  faire  un  pareil  modèle  pour  la  contenance  du  vase  de 
porphyre  que  j'avois  oublié  de  mettre  dans  voz  mémoires,  mais  avant 
que  de  l'adjuster,  il  faudra  bien  vous  asseurer  qu'il  n'y  aye  dans  le 
fondz  aulcune  crasse  ou  aultre  matière  capable  de  vous  avoir  rien 
desrobé  de  sa  juste  contenance.  Car  les  dix-neuf  mezures  que  vous  me 
marquez  ne  s'accordent  pas  bien  aux  proportions  qu'il  nous  y  fau- 
droit  trouver.  Et  faudroit  qu'il  y  en  entrasl  encores  une  pour  faire  la 
vingtiesme,  ou  bien  qu'il  y  en  eusse  une  de  moins  que  vous  ne  dictes 
pour  n'en  contenir  que  18.  Et  pour  cet  effect  il  fault  bien  regarder 

Plus  haut  Peiresc  avait  écrit  deux  foi»  de  suite  cristal  sans  y.  Même  observation  peut 
être  faite  pour  le  mot  mesure  écrit  tantôt  avec  s,  tantôt  avec  *. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  101 

par  dedans  avec  une  bougie  s'il  y  paroistroil  aulcune  crasse  au  fondz, 
ou  bien  si  à  l'cntour  de  son  goulet  intérieur  il  n'y  paroistroit  point  de 
raye  qui  peusse  régler  la  mesure  de  sa  vraye  contenance  un  peu  plus 
basse  et  au  dessous  de  la  lèvre  plus  haulte  de  son  bord.  Que  s'il  y 
avoit  un  bord  d'argent  postice,  il  faudroit  tascher  de  le  faire  oster, 
quand  vous  adjusterez  la  mezure  de  vos  modèles  de  fer  blanc.  Et  par 
ce  que  je  n'ay  point  réservé  de  dessein  ou  de  portraict  de  ce  vase,  je 
vous  prie  de  me  le  faire  desseigner  par  un  peintre  et  le  charger  de  se 
bien  assubjcttir  aux  mezures  tant  qu'il  pourra,  de  tout  ce  qui  pourra 
paroistre  du  corps  du  vase  de  porpliyre,  séparément  et  à  part,  de  toutes 
cez  aisles,  griffes  et  teste  d'aigle  que  l'on  y  a  voulu  anter  par  aprez, 
dont  on  pourra  faire  à  part  un  petit  griffonnement  du  tout  assemblé, 
sans  s'assubjettir  aux  mesures  pour  ce  regard,  voire  je  serois  bien  ayse 
que  vous  peussiez  faire  mousler  l'embouscheure  de  ce  vase  de  porphyre, 
car  je  tiens  qu'il  y  avoit  anciennement  un  bouschon  de  la  mesme  pierre 
ou  d'autre  matière  taillée  en  forme  d'une  teste  de  saccre  (qui  est  une 
espèce  d'aigle)  qui  pouvoit  avoir  donné  subject  à  faire  conformer  tout 
ce  vase,  en  la  représentation  d'une  aigle  toute  entière,  de  cette  manière 
que  vous  avez  veuz  divers  bouschons  antiques  de  vases  en  mon  cabinet 
tantosL  en  forme  de  cmge,  tantost  en  forme  de  loup,  tantost  en  forme 
humaine  et  vous  en  avez  mesme  veu  une  aultre  en  forme  de  meufle 
de  lyon,  dont  le  corps  du  vase  n'estoit  pas  de  figure  guiere  différente 
de  celle  du  corps  de  ce  vase  de  porphyre  dont  est  question,  et  si  je 
vois  l'empreinte  de  l'embouscheure  de  ce  vase  de  porphire,  je  pourray 
beaucoup  mieux  juger  si  ma  conjecture  est  recepvable  ou  non  pour 
le  pais  où  la  mesure  de  ce  vase  pouvoit  estre  en  usage. 

Quant  à  ce  grand  bassin  que  vous  appeliez  tasse  de  Salomon,  j'es- 
time que  si  vous  le  mesuriez  avec  du  mil,  il  seroit  meilleur  qu'avec  du 
sable  d'Estampe  qui  n'est  pas  coulant  comme  celluy  de  rivière  et  em- 
brasse trop  d'air.  L'invention  d'y  appliquer  comme  vous  dictes  une 
tourte  d'argille  par  dessoubz  n'est  pas  à  rejetter  non  plus,  et  j'estime 
qu'avec  ceste  precaultion  vous  pourriez  bien  y  trouver  le  nombre  com- 
plet de  Uo  de  voz  mesures  au  lieu  de  87.  Si  ce  n'est  qu'il  doibve  estre 


102  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

reduict  à  36  ou  à  3o.  Pour  la  patène  vous  avez  oublié  de  me  mar- 
quer si  sur  la  pierre  mesme  toute  niie,  il  ne  paroist  point  de  petit 
bord,  qui  ne  soit  point  couvert  de  la  garniture  d'argent  pour  pouvoir 
régler  et  arrester  quelques  sortes  de  mesures  jusques  à  ce  poinct  là, 
ainsv  que  l'on  voit  aux  assiettes  de  nostre  usage  commun,  lesquelles 
ont  un  bord  assez  large  estendu  assez  loing  du  cercle  intei'ieur,  qui 
t'aict  la  principale  contenance  de  l'assiette ,  ce  qui  se  recongnoistra  en 
renversant  la  patène  sans  dessus  dessoubz  pour  voir  si  la  pierre  va 
plus  avant  et  plus  prez  du  bord  par  dessoubz  que  par  dessus,  car  s'il 
y  avoit  une  marque  ou  raie  sur  la  pierre  à  l'endroict  jusques  où  va 
toucher  le  bord  d'argent  et  jusques  où  vous  avez  faict  atteindre  l'eau, 
dont  vous  avez  marqué  la  mesure,  la  proportion  en  seroit  fort  réglée 
et  fort  bien  sortable  à  une  patène,  plustost  que  toute  autre  sorte  de 
mezure  ou  de  contenance,  mais  s'il  n'y  a  rien  qui  la  règle  que  le  seul 
bord  d'argent  qui  a  esté  mis  par  dessus,  cela  ne  suffiroit  pas  pour  y 
prendre  aulcun  fondement  de  mezure  réglée  en  cest  endroict  là  plustost 
qu'en  un  autre  endroict  plus  approché  du  bord. 

J'oubliois  de  vous  dire  qu'il  faudra  bien  prendre  garde  aussy  que 
dans  le  petit  larmoir  d'Onyce  il  n'y  aye  aulcune  ordure  capable  de  vous 
avoir  rien  soustraict  de  sa  juste  mezure  et  que  p'areillement  les  lèvres 
d'argent  qu'on  y  a  mises  sur  son  embouscbeure  ne  puissent  rien  avoir 
adjousté  à  la  juste  contenance  de  la  pierre  précieuse  de  laquelle  je 
seray  bien  ayse  que  vous  me  fassiez  faire  un  petit  portraict  de  la  juste 
grandeur  et  mezure  extérieure  la  plus  exacte  que  le  peintre  la  pourra 
prendre  avec  son  compas,  voire  s'il  la  pouvoit  enluminer  de  couleurs 
bien  approchantes  du  naturel  de  la  pierre  avec  les  plus  belles  vaines 
d'icelle  tant  d'un  costé  que  d'autre  il  ne  seroit  pas  inutile.  Et  quant 
on  pourroit  uzer  de  la  mesme  diligence  pour  le  dessein  du  second  vase, 
d'Agathe  faict  à  goderons,  despouillé  de  toutes  les  garnitures  d'argent 
tant  du  pied  et  des  lèvres  que  des  ances  (desquelles  garnitures  je  n'ay 
point  à  faire  comme  du  corps  du  vase),  j'en  serois  encore  bien  ayse, 
comme  aussy  pour  le  portraict  de  celluy  de  Porphyre  dont  la  couleur 
de  la  pierre  seroit  bonne  à  imiter,  mais  il  fault  bien  marquer  aussy  la 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  103 

vraye  forme  des  tenons  percez  faiclz  pour  le  suspendre.  Et  encore  plus 
celle  de  son  soubzbassement,  en  cas  que  y  ayt  quelque  sorte  de  base 
ou  de  cercle ,  ?t  s'il  v  avoit  du  creux  soubz  la  base  il  faudroit  mezurer 
ce  creux  à  part,  ce  qui  me  faict  ressouvenir  qu'un  dessein  pareille- 
ment faict  du  troisiesme  vase  ou  calyce  de  cristal  que  vous  appeliez  de 
S'  Denis  seroit  encore  bon  à  avoir  de  sa  juste  mezure  avec  les  damas- 
quineures  qui  y  sont  par  dessus,  ce  me  semble,  lesquelles  meriteroient 
prou  une  empreinte  par  dehors,  puisqu'il  ne  s'en  peut  pas  faire  par 
dedans,  s'il  estoit  loysible. 

En  somme  voyla  bien  de  la  besongne  importune,  en  laquelle  je  vous 
plains  bien  fort,  mais  l'obligation  aussy  que  je  vous  en  auray  en  sera 
tant  plus  grande.  Et  si  vous  trouviez  un  peintre  bien  exacte  qui  eust 
le  dessein  du  pinceau  bien  à  commandement,  tous  cez  vases  ensemble 
se  pourroient  peindre  à  huyle  dans  un  petit  tableau  avec  toutes  leurs 
vives  couleurs  à  sçavoir  les  pierres  despouillées  de  toute  sorte  de  gar- 
nitures et  séparément  les  mesines  pierres  accompagnées  de  leurs  enri- 
chissementz  d'or  et  d'argent,  dont  la  veue  ne  seroit  pas  iayde,  si  on 
les  rangeoit  avec  quelque  symétrie  sur  la  représentation  d'une  table 
comme  les  Flamandz  font  les  tableaux  de  fruictz  et  de  fleurs  dans  des 
potz,  estimant  que  ceux  qui  font  les  tableaux  de  fleurs  et  de  fruictz 
seroient  plus  propres  à  cet  employ  que  ceux  qui  font  les  figures  et  les 
grandz  tableaux.  Mais  il  fauldroit  tasclier  de  les  faire  bien  absujetlir 
aux  mezures  et  aux  reigles  de  prospective  s'il  estoit  possible,  et  de 
mettie  ordre  qu'il  n'en  retinsse  pas  de  coppie,  et  surtout  qu'il  ne  peusse 
pas  se  reserver  l'original  du  tableau.  En  un  besoing  M""  Robin  vous  in-  ■ 
diqueroit  quelque  peintre  assez  exacte  pour  cela. 

,11  me  souvient  d'avoir  veu  en  quelque  Eglise  de  cez  cartiers  là,  un 
certain  vase  de  crystal  antique  que  je  voudrois  bien  que  vous  eussiez 
peu  retrouver  et  mezurer.  Quelqu'un  de  cez  relligieux  vous  en  pour- 
roit  possible  donner  quelques  addresses,  si  vous  ne  le  trouvez  au  trésor 
de  Nostre-Dame  ou  à  celluy  de  S'  Germain  des  Prez.  Et  si  M""  Gault 
vouloit  il  vous  indiqueroit  sans  double  beaucoup  d'aultres  vases  de 
pierres  précieuses,  qu'il  peut  avoir  veuz  eu  divers  lieux  publiez  ou  par- 


104  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ticuiiers  qui  ne  meriteroient  peut  estre  pas  moins  la  jxjine  d'en  prendre 

quelque  relation.  Tant  est  que  j'ay  tousjours  pris  grand  plaisir  de  voir 

celle  de  Saint  Denys  que  vous  m'avez  envoyée  en  l'esRlt  qu'elle  esl, 

dont  je  vous  sçays  trez  bon  gré,  comme  d'un  plaisir  fort  sensible  à  ma 

curiosité,  dont  je  me  revancheray  asseurement  avec  l'ayde  de  Dieu, 

quand  j'en  rencontreray  les  moyens,  lesquelz  attendant  je  demeureray. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amv, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  16' janvier  i633. 

Lorsque  vous  aurez  faict  despouiller  le  vase  à  goderons  de  ses  lèvres 
d'argent,  je  désire  que  vous  le  faciez  remplir  d'eau  aultant  de  fois 
comme  il  sera  nécessaire  pour  en  remplir  le  grand  vase  ou  calyce 
d'Agathe  jusques  à  la  raye  qui  est  un  peu  au  dessoubz  de  son  bord,  et 
puis  marquer  à  part  ce  qui  entrera  par  dessus  la  dicte  raye.  Et  si  les- 
dictes  mesures  ne  s'y  rencontrent  bien  justes  tant  à  la  raye  qu'au  bord 
plus  hault,  il  faudra  faire  le  supplément  avec  voz  petitz  escuellons  de 
plomb.  Vous  pourrez  pareillenienl  faire  le  mesme  mezurage  avec  le 
calyce  de  cristal,  si  vous  le  pouvez  faire  despouiller  de  sa  fourure 
d'argent  et  si  vous  aviez  le  temps  et  commodité  de  faire  la  mesme 
comparaison  et  mesuraige  du  vase  de  Porphyre  il  ne  seroit  pas  inutile, 
voire  si  M"'  de  Roissy  vous  vouloit  represter  son  escuellon  d'argent 
pour  le  porter  jusques  là,  je  serois  d'advis  que  vous  feissiez  le  mesme 
raesurage  avec  icelluy  tant  dans  le  vase  de  Porphyre  que  dans  celluy 
d'Agathe,  dont  il  faudroit  escripre  soigneusement  les  relations  et  in- 
structions '. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  indispensable,  c'est  sûrement  en  cette  occa- 

nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  496.  Au-  sien  où  Peiresc,   comme  il  s'en  accusait, 

tographe.  Je  reproduis  les  notes  abrévia-  donna  tant  rde  besogne  importune»  à  son 

tives  mises  par  Guillemin  comme  autant  de  commissionnaire  : 

points  de  repère  aux  marges  de  cette  lettre  Réception  de  ma  despesche  du  6  janvier, 

de  si  considérable  étendue  et  si  bien  rem-  M'  Le  Grand ,  M'  Thibault  pour  employer 

plie.  Si  jamais  sommaire  récapitulatif  a  été  en  l'affaii-e  de  S'  Denys. 


[1633] 


A  D.  GUILLEMIN. 


105 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  respondu  à  voz  mémoires  et  rciations  de  S'  Denys  par  une 
lettre  à  part  que  vous  pourriez  en  un  besoing  faire  voir  à  cez  Mess"  les 
Helligieux  si  le  jugez  à  propos,  pour  leur  faire  voir  avec  plus  de  bonne 


M'  Lhuillier,  poiir  la  mesmc  affaire. 

Conséquences  à  remarquer  sur  la  diffc- 
i-ance  des  anciennes  mesures  des  Grecz  et 
des  Romains. 

Nota  pour  les  desseins  de  la  main  de 
M'  Rabel. 

Ce  qu'il  faut  observer  en  la  |)rise  de  l'ain- 
preiute  du  grand  vase  d'Agathe  de  S'  Denys. 

Cinq  ou  six  empreintes  à  tirer  du  chiffre 
du  grand  vase  d'Agathe  avec  cire  d'Es- 
pagne. 

Pour  le  molage  avec  de  la  colle. 

Kn  prenant  le  creux  de  piastre  du  vase 
principal  il  ne  faut  pas  oublier  de  prendre 
celuy  du  pied  renversé. 

Ce  que  j'ay  oublie  de  marquer  touchant 
le  pied  du  grand  vase  d'Agathe,  à  quoy  il 
faut  prendre  garde  s'il  est  propre  pour  ap- 
pliquer à  la  bouche  ou  seulement  faict  pour 
prendre  assiete  sur  une  table. 

Remarque  pour  le  vase  à  godrons. 

La  contenance  du  vase  à  godrons  sem- 
blable à  celle  du  vase  de  M'  de  Roissy. 

Vase  de  cristal. 

Mener  un  orpheuvre  à  S'  Denys  pour 
y  desemboitter  le  petit  calyce  de  cristal. 

Il  faut  faire  une  boitte  de  fer  blanc  poiu* 
la  contenance  du  vase  de  cristal. 

Ce  qu'il  faut  faire  pour  bien  prendre  au 
juste  la  contenance  de  la  mezure  du  vase  de 
cristal. 


Une  boitte  de  fer  blanc  de  la  juste  con- 
tenance de  tous  les  vases  grands  et  petitz , 
quoiqu'on  aye  des  empreintes  des  creux. 

Larmoir  d'Agathe. 

Vase  de  Porphyre. 

Remarque  sur  les  1 9  mesures  du  vase  de 
Porphyre. 

Faire  dessiner  le  vase  de  Porphyre ,  sépa- 
rément et  à  part  de  toutes  ses  ailes ,  griffes 
et  testes  d'aigle ,  puis  un  petit  griffonnement 
du  tout  ensemble. 

Remarque  sur  le  grand  bassin  ou  tasse 
appelée  de  Salomon. 

Tourte  d'argille. 

Ce  que  j'ay  oublié  touchant  la  patène, 
h  quoy  il  faut  prendre  garde. 

Observations  à  faire  sur  la  patène. 

Larmoir  d'Onyce. 

Faire  desseigner  ie  larmoir. 

Faire  desseigner  le  vase  à  godrons. 

Observer  qu'au  dessein  qu'on  fera  du 
vase  de  Porphyre  que  la  couleur  y  pa- 
roisse. 

Observer  la  vraye  forme  des  tenons. 

Prendre  garde  si  h  ces  vases  il  y  a  un 
soubzbassement. 

Faire  desseigner  ie  vase  de  cristal. 

Comme  il  faudroit  faire  peindre  ou  des- 
seigner tous  ces  vases  dans  un  petit  tableau 
avec  toutes  leui-s  vives  couleurs. 

Surtout  il  faut  en  ces  desseins  tascher  d'y 

li 

tHPmVtKH    RiTIOKALC. 


106  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

foy  les  principaux  motifz  pour  lesquelz  je  désire  les  empreintes  dont 
est  question,  mais  en  ce  cas  il  faudra  que  vous  rayez  au  préalable 
certains  niotz  qui  m'estoient  eschaj)pez  vers  le  comiffenceinent  sui- 
l'ignorance  qui  est  la  vraye  mère  de  toutes  cea  diCTicullez  surabon- 
dantes que  vous  ont  faict  cez  bons  moynesV,  ce  que  je  laisse  à  vostre 
bonne  disposition.  Je  vous  envoyé  quelques  lettres  qui  sont  arrivées 
à  ce  soir  tout  à  temps  pour  aller  par  l'ordinaire.  M""  de  Tborenc^  qui 
partit  en  poste  jeudy  porta  quelques  pacquetz  addressez  à  M'  du  Piiv, 
à  qui  j'envoyay  26  pistolles  qui  furent  mises  soubz  vostre  enveloppe 
par  ce  que  mon  frère  m'avoit  dict  qu'il  vouloit  vous  addresser  toute 
sa  despesche,  mais  depuis  il  changea  d'advis  pour  n'avoir  peu  designer 
vostre  logis  à  M""  de  Thorenc,  faulte  que  vous  ne  nous  en  avez  jamais 
donné  l'addresse.  J'avois  escript  à  M'  de  Thou  sur  le  subject  des  cuil- 
liers  ou  patènes  d'argent  d'Autun  pour  en  avoir  un  peu  de  relation  de 
sa  part,  mais  je  croys  qu'il  n'a  receu  mes  lettres  que  dans  Paris.  Il  sera 
bon  que  vous  luy  en  disiez  un  mot  pour  le  prier  de  n'en  pas  faire  de 
bruict  qui  puisse  esventer  la  cliasse  et  nous  en  faire  pei-drc  la  piste. 
Sabmedy  Benedetlo  Gnieco  de  Narvy'  près  de  Gènes  nous  vint  voir 
céans''  ayant  laissé  son  compagnon  Dominico  Mayollo  à  Marseille  pour 


bien  faire  observer  les  mesures  avec  le 
compas. 

Faire  recherche  d'un  vase  de  cristal  dans 
Paris,  à  quoy  M'  Gault  peut  servii'  à  S'  Ger- 
main des  Prez  ou  à  Nostre  Dame. 

Ce  qu'il  faut  observer  au  mesurage  du 
vase  à  godrons  avec  celuy  d'Agathe  jusques 
à  sa  raye  et  de  là  jusques  à  son  bord. 

Porter  le  vase  de  M' de  Roissy  à  S' Denys 
pour  mesurer  les  autres  vases  du  Tresoi'. 

Le  môme  mémento  est  inscrit  de  in  main 
de  Guillemin  au  dos  de  la  lettre,  à  la  suite 
de  celte  indication  :  Aix,  Monsieur  de  Pei- 
resc,  du  16  janvier  i633,  respondant  à  mu 
despesche  du  6  dudit  mois. 

'  Le  prieur  de  Roumoules,  le  6  janvier 
1 6.3.3,  avait  écrit  ceci  à  Peiresc  :  A\  est 


nialaysé  qu'ayant  a/Tairc  à  d«8  moines,  on 
n'y  trouve  tousjours  prou  de  Ijesogne.  Ce 
n'est  pas  que  le  sieur  Colletet  ne  m'ait,  à 
vostre  considération,  fort  bien  veu  et  obligé 
en  cette  rencontre,  mais  comme  il  n'a  pas 
l'esprit  si  porté  h  la  curiosité  des  bonnes 
choses,  comme  le  sieur  du  Jardin,  son 
confrère,  j"ay  trouvé  du  refus  cliés  luy 
en  quelque  chose  et  de  l'impatience  en 
d'autres.  " 

*  L«  sieur  de  Thorenc  a  été  plusieurs 
fois  mentionné  dons  le  recueil  Peiresc-Du- 
puy. 

'  Aujourd'hui  Nervi,  petite  ville  entoiu-ée 
(l'une  forêt  d'orangers. 

*  Sur  Renedetlo  Gnieco,  voir  les  Pelits 
Mémoires  de  Peiresc  (Anvers,  1889,  p.  5i). 


[1633|  A  D.  (JUILLEMiN.  107 

conduire  leurs  charges  de  trois  milie  orangers  ou  autres  plantes  qu'ilz 
font  estât  d'aller  débiter  à  Paris,  hors  de  quelques  unes  qu'ilz  pourront 
laisser  à  Lyon^et  d'aultres  qui  passeront  jusques  en  Flandres;  ilz  vont 
loger  en  la  rue  Berlin  Poirée  prez  le  Four  l'Evesque  à  l'image  S'  Fran- 
çois chez  M""  Mirande  mon  hoste,  lequel  vous  pourrez  faire  advertir  de 
ma  part  qu'il  vous  donne  advis  de  leur  arrivée  afin  que  vous  en  pnis- 
siez  aller  prendre  quelques  piedz  qu'il  m'a  promis  de  vous  livrer  à 
vostre  choix  jusques  au  nombre  de  aB  ou  3o  si  besoing  est,  que  je 
luy  payeray  icy  à  son  retour,  lesquelz  vous  pourrez  donner  de  ma  part 
partie  à  M''  de  Roissy,  et  partie  à  M'  d'Aubery,  si  vous  jugiez  que  ce 
fusse  chose  de  son  goust,  dont  il  faudra  neantmoins  que  vous  voyiez 
d'arrester  le  prix  avec  un  peu  plus  d'advantage  que  le  commun  du  cours 
du  marché,  dont  M''  Mirande  mon  bosle  vous  pourra  fidèlement  ad- 
vertir. Je  les  ay  chargez  d'une  lettre  pour  vous  sur  ce  subject  tant  pour 
vous  donner  moyen  de  Iraicter  avec  eulx  de  cela,  que  pour  les  faire 
voir  à  M'  Gault,  car  s'il  trouvoit  parmy  leurs  arbres  quelque  chose  qui 
fust  de  son  goust  vous  en  pourriez  arrester  le  marché  et  je  le  leur 
ferois  payer  de  par  deçà  à  leur  retour,  mais  s'il  n'y  trouve  chose  qu'il 
soit  de  la  qualité  qu'il  désire  cez  gentz  m'ont  promis  d'estre  icy  de 
retour  dans  deux  mois  au  plus  tard,  et  qu'en  mesme  temps  ilz  iroient 
prendre  chez  eulx  d'autres  arbres  plus  gros  et  plus  vigoureux  et  plus 
convenables  à  la  qualité  que  ledict  s"'  Gault  désire  par  son  mémoire, 
dont  vous  pourrez  conférer  avec  luy  à  l'advance  pour  ne  les  pas  laisser 
recongnoistre  à  leur  arrivée,  ou  pour  attendre  qu'ilz  ayent  faict  un 
peu  de  débit  et  que  la  première  cherté  soit  passée,  selon  que  vous  et 
luy  le  trouverez  le  mieux,  mais  de  ce  qui  se  prendra  à  eux  à  ceste 
heure  icy  il  se  faudra  bien  garder  d'en  rien  faire  planter  en  pleine 
tei're  que  le  froid  ne  soit  passé,  ains  les  faudra  tenir  dans  des  serres 
à  la  façon  qu'ils  diront  ou  bien  les  planter  dans  des  vases  ou  dans  des 
caisses  qui  ne  bougent  de  la  serre  que  le  temps  ne  soit  bien  addoucy. 
J'ay  ce  soir  receu  une  lettre  de  M'  l'Archevesque  de  Thoulouze' 

'  C'était  Charles  de  Monlchal  (jue  nous  avons  déjà  si  souvent  rencontré  dans  le  recueil 
Peiresc-Du|niy. 

i4. 


108  LETTRES  DE  PEIRESC  [I633J 

avec  celle  que  vous  m'aviez  escripte  sur  le  mesme  subject  et  ne  tiendra 
poinct  à  moy  que  je  ne  le  serve  et  ses  amys  tout  le  mieux  que  je 
pourray,  si  je  m'y  trouve.  Ce  que  cez  Messieurs  n'avoienf  pas  tesmoigné 
désirer,  à  quoy  j'estois  tout  résolu  de  leur  faire  bonne  place  pour  leur 
oster  tout  ombrage  et  tout  regret.  Je  ne  manqueray  pas  en  son  temps 
de  respoudre  à  M''  l'Arclievesque ,  vous  priant  de  l'asseurer  cependant 
de  ma  dévotion  à  son  service,  sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  cfi  16' janvier  1 633'. 


LI 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  1  ti"  avec  la  cuillier  ancienne  de 
pierre  de  couleur  gris  brun,  parsemé  de  petites  taches  ou  macules 
noires,  dont  je  vous  remercie  trez  affectueusement  comme  de  chose 
que  j'estime  ainsy  que  le  mérite  la  matière  assez  précieuse,  aussy  bien 
que  la  forme  et  la  personne  de  la  main  de  qui  elle  vient.  Il  y  est  ar- 
rivé un  peu  d'inconvénient,  car  le  manche  s'est  rompu  par  les  che- 
mins et  s'est  séparé  du  corps  de  la  concavité  de  la  cuillier,  mais 
Mons''  Suchet  l'a  fort  bien  et  proprement  rappiecé  en  sorte  qu'il  n'y 
paroist  presque  point.  Je  pensois  vous  avoir  adverty  qu'il  ne  falloit 
point  envoyer  par  la  poste  des  boittes  sans  en  joindre  deux  l'une  dans 
l'autre.  Encore  faut-il  les  mettre  en  sorte  que  le  couvercle  de  l'une 
responde  au  fondz  de  l'autre,  aultrement  il  est  impossible  qu'elles  ne 
se  fracassent  par  les  chemins,  et  pour  le  moins  qu'elles  ne  se  crèvent 
par  le  fondz,  n'ei^  estant  point  arrivé  d'entière  des  vostres,  que  les  pe- 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  5i-i,  fol.  igf).  Original. 
—  Copie  à  la  Méjanes,  collection  Peiresc,  Aix,  registre  V,  fol.  619. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  lOï) 

tites  que  vous  aviez  renfermées  dans  d'autres  plus  grandes,  ce  qui 
vous  pourra  servir  d'advis  à  l'advenir  au  cas  que  vous  ayez  d'autres 
choses  à  m'env'oyer  qui  puissent  periller. 

Je  ne  puis  qu'approuver  les  complimentz  que  vous  avez  rendnz  tant 
à  Mess"  de  Hoissy  et  de  Mesnies  qu'à  M'  le  marquis  de  Sourdis,  lequel 
nous  attendrons  en  bonne  dévotion  aussy  bien  que  M''  le  sacristain  de 
Valbelle  qui  pourroit  bien  apporter  plus  soigneusement  que  la  poste 
ce  que  vous  retirerez  de  M''  des  Nœudz.  Si  le  P.  Sirmond  faict  revenir 
la  Ghartre  de  Langres  de  Charles  le  Chauve,  et  les  autres  dont  il  vous 
a  parlé,  il  faudra  les  faire  mousler  avec  de  l'argille  et  du  souffre  comme 
vous  le  sçaviez  si  bien  faire  aullresfois,  car  je  ne  me  fie  guieres  des  des- 
seins de  telles  choses  si  je  ne  suis  présent  quand  le  peintre  y  travaille, 
pour  voir  s'il  a  bien  dcsrobé  la  ressemblance  des  portraictz  ou  non.  Je 
ne  sçaurois  encores  de  ceste  fois  escripre  à  ce  bon  Père,  espérant  que 
ce  sera  Dieu  aydant  par  le  prochain. 

Cependant  vous  pourriez  bien  m'avoir  respondu  sur  le  subject  de 
l'umbrelle  ou  parassol  qui  se  debvoit  trouver  au  dessein  de  ceste  Cène 
selon  les  instructions  qu'on  nous  en  avoit  données  de  Rome.  Si  j'ay  un 
peu  de  loisir  demain  au  malin,  je  vous  feray  peut  estre  encore  un  peu 
de  supplément  sur  d'autres  particularitez  dont  je  ne  vous  sçaurois 
entretenir  pour  le  présent. 

J'ay  recouvré  un  Alcoran  de  sorte  qu'il  ne  sera  point  de  besoing 
que  vous  m'envoyiez  celluy  de  M""  Aubery  à  qui  vous  en  pouvez  faire 
les  trez  humbles  remerciementz  de  ma  part  tous  telz  que  si  j'avois 
accepté  le  sien,  car  je  ne  luy  en  ay  pas  moins  d'obligation  voyant  avec 
quelle  franchise  il  s'en  privoit  pour  l'amour  de  moy,  mais  je  ne  luy  en 
oze  escripre  pour  ceste  fois,  de  peur  que  ma  lettre  le  surprenant  en  sa 
reconvalescence,  il  ne  voulusse  se  donner  la  peine  de  m'escripre  ou 
de  me  faire  escripre  en  response,  vous  asseurant  que  la  nouvelle  de  sa 
maladie  ne  m'a  pas  moins  affligé  que  si  j'en  eusse  esté  touché  moy 
mesme  ou  si  c'eust  esté  mon  frère  ou  tout  autre  qui  me  puisse  estre 
aultant  ou  plus  cher,  mais  j'espère  avec  Tayde  de  Dieu  que  tout  cela 
ne  sera  rien  et  que  la  température  de  l'air  et  la  saison  dont   la  ri- 


110  LETTHES  DE  l'EIRESG  [1633J 

{]uour  s'est  fort  addoucie  l'ayderont  {jrandemeiit  à  sortir  de  ceste  in- 
commodité comme  j'en  prie  Dieu  de  tout  mon  cœur,  et  de  vous  tenir 
en  sa  saincte  garde, 
Monsieur  le  Prieur, 

comme  vostre  trez  alFectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  ai  janvier  i633  '. 


LU 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesclie  avec  la  lettre  de  M"",  de  Roissy  dont  il 
me  fault  de  nécessité  différer  la  response  au  prochain  ordinaire  à  mon 
trez  grand  regret.  Cependant  j'ay  esté  infiniment  ayse  de  voir  que 
vous  ayez  trouvé  en  si  bonne  disposition  M' le  marquis  de  Sourdis,  et 
que  vous  ayez  receu  mon  advis  assez  à  temps  |>our  retenir  de  par  delà 
l'Alcoran  de  M""  Aubery  puis  que  j'en  ay  recouvré  un  autre.  Nous  alten-. 
drons  en  bonne  dévotion  le  sacristain  Valbelle  pour  voir  le  vase  de 
M'"  Vivot  avec  les  livres  et  carlhes  que  vous  y  avez  joint,  comme  aussy 
celle-  du  jardinier  avec  les  graines  et  greffes  que  j'avois  faict  demander 
par  mon  frère.  Je  vous  envoie  la  despesclie  que  j'ay  faicle  pour  M'  Ri- 
gault  que  j'ay  laissée  ouverte,  à  celle  fin  que  vous  la  puissiez  faire  voii- 
soubz  main  à  M"  du  Puy  en  leur  rendant  à  part  et  à  la  desrobée  une 
lettre  que  je  leur  escriptz  sur  le  subjecl  d'un  livre  que  je  voudrois  bien 
faire  transcripre,  sy  c'est  ce  que  je  me  suis  imaginé,  auquel  cas  je  vous 
])rie  de  vous  offrir  pour  faire  travailler  le  coppiste  chez  vous  si  besoing 
est  ou  chez  M""  Aubery  et  de  fournir  ce  qui  sera  nécessaire  pour  ses 
salaires,  et  de  suivre  le  conseil  de  cez  Messieurs  du  Puy,  tant  en  cela 

Bihl.  nal.,  fonds  français,  nonv.  acq.,  'Celle,    c'est-à-dire    l'arrivée,   faisant 

.T 1 7 1 ,  loi.  001.  Original.  —  Copie  h  la  Mi^-        suite  à  Tarrivée  sous-entendue  du  sacristain 
janes,  collection  Peiresc,  reg.  V,  fol.  Gai.        Valbelle. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  Ht 

qu'en  ce  qui  est  de  ce  (pe  j'escriptz  à  M""  Rigault  et  à  M""  de  Val- 
loys  ',  dont  vous  recachetterez  les  lettres  aprez  que  cez  Mess"  les  auront 
veues,  et  prendrez  la  peine  de  les  aller  rendre  de  ma  part  à  M"^  Rigault 
pour  sçavoir  de  liiy  ce  (|u'il  vouldia  faire  des  livres  que  je  luy  demande, 
et  luy  offrir  pareillement  de  fournir  aux  fraiz  du  copiste,  et  aprez  je 
seray  bien  ayse  que  vous  preniez  l'occasion  d'aller  visiter  de  ma  part 
M'  de  Valloys  pour  adjouster  quelques  compliments  de  bouche  à  ceux 
de  ma  lettre,  que  M'  Rigault  luy  voudra  possible  rendre  de  sa  main, 
ne  vous  en  disant  autre  chose  que  ce  que  vous  en  pouvez  apprendre 
dans  les  lettres  que  je  leur  escriptz  à  tous  deux. 

Au  reste  on  m'a  dict  que  M"^'  les  Agentz  ont  fait  reimprimer  les 
recueils  de  feu  M''  Perissac^  pour  les  pièces  du  clergé,  et  qu'ilz  v  ont 
adjousté  ung  quatriesme  volume.  Si  cela  est,  M'  le  Prieur  de  Mous- 
tiers  ■''  me  pourroit  bien  faire  part  de  ce  ^""^  volume  ,et  s'ilz  sont  en 
vente,  j'en  ferois  volontiers  achepter  deux  exemplaires  pour  en  assor- 
tir les  3  premiers  volumes  in-8°  que  j'ay  de  l'édition  de  l'an  1625  et 
ceux  d'un  autre  de  mes  amys  qui  m'en  a  donné  l'advis,  sur  quoy  je 
liniray  pour  ce  que  estant  un  peu  las  d'escripre  et  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peuiesc. 
A  Aix,  ce  dernier  janvier  i633. 

Nous  avons  eu  le  bien  de  gouverner  icy  M''  de  Rossy  de  Lyon  qui  est 


'  Nicolas  Rigawlt  et  Henri  de  Valois  ont 
élé  déjà  et  seront  encore  bien  souvent  men- 
tionnés en  la  correspondance  de  Peiresc. 

'  Sur  l'abbé  Perissac,  natif  du  Limou- 
sin, vicaire  général  du  cardinal  de  Sourdis, 
et  soiis-doyen  en  l'église  Saint-André  de  Bor- 
deaux, voir  les  Mélanges  de  hingraplùe  et 
d'histoire  par  Anl.  de  Lanteiiay  (Bordeaux, 
t885,  in-8°,  passîm  de  la  page  34  à  la 
page  .538).  Perissac  fut  un  des  correspon- 
dants de  Peiresc.  Le  même  jour  (1 3  juin 
1625)  Peiresc  écrivit  au  cardinal  de  Sourdis 


et  h  MM.  Miard  et  Perissac,  ses  vicaires 
(Petits  Mémoires  de  Peiresc,  p.  46). 

'  Le  prieur  de  Moustiers  a  élé  déjà  men- 
tionné dans  le  recueil  Peiresc-Dupny  (t.  11, 
p.  878).  Je  demandais  dans  une  note  à  ce 
sujet  s'il  s'agissait  Ih  de  Moustiers ,  chef-lieu 
de  canton  des  Basses-Alpes.  Je  réponds  aflir- 
mati\enven(  en  citant  sur  l'ancien  Moste- 
rium  (par  contraction  de  Moimsterium)  une 
notice  de  l'abbé  Feraud  dans  la  3'  édition 
de  V Histoire  et  géographie  des  Basses- Alpes 
(Digne,  1890,  gr.  in-8°,  p.  i58). 


il2  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

maintenant  à  Marseille,  lequel  m'apporta  une  pleine  cassette  de  vases, 
lamperons,  figures  et  autres  curiositez  de  bronze  antiques  en  nombre 
de  plus  de  3o  pièces  dont  la  lampe  de  M' de  Pontus  n'est  que  la  moindre, 
laquelle  j'ay  trouvée  certainement  beaucoup  moins  mal  conditionnée 
que  celle  de  M'  Gault,  en  sorte  que  hors  du  couvercle  tout  le  corps  de 
la  teste  semble  pouvoir  venir  de  l'antique,  ce  que  je  n'estime  pas  se 
])ouvoir  dire  du  couvercle  qui  est  plus  indubitablement  moderne.  H  m'a 
apporté  3  volumes  niss.  des  Antiquitez  du  Milanois  '. 


LUI 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  aS'  et  avec  icelle  une  lettre  de 
M' Gault  dont  vous  luy  pouvez  rendre  la  responce  que  je  lui  faictz  aprez 
l'avoir  veue  et  cachetlée  où  vous  verrez  qu'il  m'avoit  escript  de  vous  avoir 
offert  un  autre  vase  de  bronze  et  une  certaine  cassette  ou  escriptoire 
pour  me  les  faire  tenir,  ce  que  vous  n'aviez  pas  trouvé  à  propos,  ce  dict 
il,  à  cause  que  vous  m'en  aviez  veu  de  pareils,  ce  qui  me  faict  présumer 
que  vous  n'avez  pas  jugé  que  ladicte  cassette  fusse  antique,  comme  pos- 
sible est-il  vray,  et  peut  estre  aussy  que  le  vase  ne  vous  a  pas  semblé 
d'assez  belle  forme  et  symétrie,  en  quoy  je  loue  vostre  bonne  discrétion 
et  proceddure  à  l'eudroict  de  ce  personnage  pour  ne  le  rendre  aussy 
trop  jaloux  de  toute  sa  marchandise,  mais  je  pense  pourtant  (ju'il  n"y 
aura  poinct  de  danger  que  je  voye  encore  cez  pièces  là,  s'il  est  possible, 
pour  en  faire  la  comparaison  sur  les  miennes;  car  si  bien  j'en  puis  avoir 
de  semblables,  c'est  l'un  des  plus  grandz  fruictz  que  j'y  puisse  prendre 
quand  je  trouve  que  les  mesures  en  sont  bien  esgales  et  bien  propor- 
tionnées, ce  qui  n'arrive  pas  tousjours,  d'aultant  que  les  anciens  sou- 

Bibiiolhèqiie  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  6171,  foi.  5o3.  Original. 
—  Copie  à  la  Méjanes,  collection  Peiresc,  registre  V,  fol.  69G. 


[1633]  X  D.  GUILLEMIN.  113 

loient  y  mettre  du  plomb  dans  le  fondz  affin  de  mieux  proportionner  le 
poidz  du  corps  du  vase  et  d'en  mieux  asseurer  l'assiette  pour  le  laire 
mieux  tenir  debout;  or  ce  plomb  s'est  reduict  en  pouldre  en  la  pluspart 
desdictz  vases,  ce  qui  en  augmente  la  contenance  ou  mesure  de  la  ca- 
pacité. C'est  pourquoy  on  n'en  peut  pas  assez  voir  et  comparer  par 
ensemble,  quand  il  est  question  de  se  bien  asseurer  de  leur  mesure, 
oultre  que  les  mesures  estoient  quelqueslois  différentes  de  lieu  h  aultre 
quoyqu'assez  rarement,  et  c'est  pourquoy  je  suis  si  curieux  d'apprendre 
les  lieux  où  ont  esté  trouvez  cez  anciens  vases  pour  en  tirer  les  argu- 
mentz  ou  conjectures  qui  peuvent  sauver  telles  différences.  Il  m'a  faict 
feste  d'un  larmoir  du  cabinet  de  Mons"  frère  du  Roy  qui  n'est  que  d'es- 
mail  bleu,  mais  enrichy  de  figures  blanches  en  forme  de  camayeul, 
dont  il  se  promet  de  vous  faire  avoir  non  seulement  la  veue,  mais  aussy 
une  empreinte,  dont  je  serois  merveilleusement  fier,  si  vous  en  pouviez 
venir  à  bout,  ou  à  tout  le  moins  en  avoir  le  dessein  et  examen  du  me- 
surage,  en  quoy  il  faudra  que  vous  employiez  toute  vostre  rlietorique 
envers  ce  M''  de  S'  Jullian  qui  en  a  la  garde,  à  qui  je  tascheray  d'en 
escripre  un  mot  à  tout  hazard  '  pour  tascher  d'en  capter  et  acquérir  la 
benevolence  pour  ce  qui  nous  peut  estre  nécessaire  en  la  présente  occur- 
rence ,  et  fauldra  que  j'escripve  aussy  à  M' Ferrier,  puisqu'il  est  devenu  le 
maistre  de  ces  trésors  que  M''  de  Fontenay  avoit  assemblez  avec  tant 
de  pénible  travail.  Il  faudra  que  j'escripve  aussy  à  M""  d'Avaulx  puisque 
l'on  a  advis  de  son  passage  à  Lyon,  trouvant  fort  bon  le  proceddé 
que  vous  avez  tenu  envers  M'"  de  Roissy,  comme  envers  le  marquis  de 
Sourdis  dont  nous  attendrons  la  suitte  de  vostre  negoliation  au  temps 
que  vous  en  pourrez  rencontrer  les  opportunitez. 

Au  reste  j'ay  esté  grandement  ayse  d'apprendre  le  bon  marché  que 
M""  Gault  vous  a  faict  chez  le  bonhomme  M"^  Savot'^  de  cez  vieux  tron- 
çons d'espée,  où  vous  avez  rencontré  mon  goust  au  degré  superlatif 
tout  tel  que  vous  le  vous  estes  imaginé,  et  si  j'en  eusse  eu  l'advis 

'  On  ne  trouve  aucune  lettre  h  M.  de  '  Sur    le  collectionneur  et   numismate 

Sainl-JuUian  dans  les  deux  collections  Pei-  Louis  Savot,  voir  le  recueil  des  Lettres  de 
rescde  l'Inguimbertine  el  de  la  Méjanes.  Peiresc  aux  frères  Dupuy. 

1-  i5 


tWPItlMEIllK     KAtlO^tir. 


lU  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633J 

seulement  un  jour  plus  tost,  je  m'en  serois  bien  prévalu  contre  celluv 
d'Avignon  que  vous  avez  veu  si  jalloux  de  ce  quil  en  avoit,  car  il  est 
venu  en  ceste  ville  cez  jours  passez ,  et  n'en  est  party  que  vendredy 
aprez  avoir  disné  céans,  où  if  me  laissa  neantmoins  et  son  espee  et 
son  vase  en  forme  de  teste  plus  courtoisement  que  je  ne  me  l'estois 
attendu.  11  me  tardera  de  voir  arriver  M"'  le  sacristain  de  Valbelle  qui 
debvra  estre  à  mon  advis  dans  8  ou  i  o  joui-s,  puisqu'il  y  en  a  aultant 
qu'il  est  party  de  Paris ,  pour  voir  toutes  cez  belles  curiositez ,  et  particu- 
lièrement ce  petit  vase  ou  escuellon  d'un  os  de  mort  dont  vous  me  faictes 
feste,  lequel  picqueroit  bien  mon  goust  s'il  estoit  un  peu  plus  grand 
que  vous  ne  dictes,  et  s'il  est  faict  en  sorte  qu'il  puisse  estre  propre  à 
boire,  et  qu'il  y  demeure  des  vestiges  de  la  forme  naturelle  de  l'os, 
et  si  vous  pouviez  apprendre  de  celluy  qui  vous  l'a  vendu  en  quel  lieu 
il  peut  avoir  esté  trouvé  à  peu  prez,  j'en  serois  merveilleusement  ayse. 
Cependant  je  vous  en  rendz  les  remerciementz  que  je  doibz  les  plus 
affectueux  que  je  puis,  comme  aussy  de  vos  calottes  et  cire  d'Espagne, 
tandis  que  je  feray  venir  de  Marseille  pour  le  prochain  ordinaire  Dieu 
aydant  des  lettres  de  change  pour  vostre  secours,  estant  bien  marrv 
que  le  s""  Bioulez  soit  party  sans  que  vous  l'ayez  veu,  car  en  un  besoing 
il  eust  apporté  volontiers  ce  nouveau  vase  et  escriptoire  de  W  Gault 
avec  d'autres  livres  que  M"  du  Puy  m'ont  appresté  à  ce  qu'ilz  me 
mandent,  sur  quoy  je  finiray,  priant  Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa  sainte 
garde  et  demeurant. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  ailectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

i)E  Peiresc. 
A  Aix,  ce  6  febvrier  i633. 

Mons'  du  Puy  me  demande  un  petit  chat  pour  M"^  de  Thou,  comme 
le  sien,  que  je  seray  bien  ayse  de  luy  faire  préparer,  mais  il  me  parle 
comme  s'il  n'en  avoit  qu'un,  ce  qui  me  faict  appréhender  qu'il  n'ayt 
laissé  mourir  ou  perdre  l'autre,  dont  je  serois  bien  ayse  d' estre  esclaircy 
par  vous. 


|1633]  :      À  D.  (;UILLEM1\.  115 

La  lettre  que  je  viens  d'escripre  à  M""  de  Hoi«sy  eu  respoiise  de  ses 
dernières  eusse  bien  mérité  d'estre  transcripte  à  cause  du  desordre  des 
apostilles  que  j'y  ay  adjoustécs  e:i  la  voulant  relisre,  mais  la  presse  du 
courrier  et  la  foiblesse  de  ma  main  ne  me  donne  pas  le  ten)ps  de  le 
taire  comme  je  debvrois  et  il  ne  la  prendroit  peut  estre  pas  en  si  bonne 
part  de  la  main  de  mon  lion^me  comme  de  la  mienne ,  dont  je  vous 
prie  de  luy  foire  excuse  de  ma  part,  et  possible  (jue  M"' du  Puy  ne 
seroit  pas  marry  de  jetter  un  coup  d'œil  sur  ceste  lettre  là,  avant  qm' 
vous  la  cachettiez,  ce  que  je  laisse  à  vostre  disposition  de  la  luy  faire 
voir  ou  non,  et  à  M' Rigault  niesraes,  si  vous  l'avez  trouvé  en  bonne 
disposition  de  me  faire  accommoder  de  cez  mss.  que  je  désire  de  la 
bibliotbeque  sur  la  mesme  matière  des  mesures  antiques  que  j'ay 
touchée  en  ceste  lettre. 

J'escriptz  à  M'  Ferrier,  à  M''  Savot  et  à  cet  autre  (pie  M'  Gault  vous 
debvoit  faire  voir;  vous  leur  ferez  mes  complimentz  et  adjousterez 
leurs  qualitez  sur  leuveloppe  avant  que  les  cachetter,  et  ne  négligez 
pas  d'aller  revoir  le  bon  homme  M'  Savot  qui  vous  fera  des  caresses 
sans  doubte  pour  l'amour  de  moy,  et  sera  bien  ayse  de  m'escripre  ce 
que  je  luy  demande  et  de  vous  servir  s'il  s'en  presentoit  l'occasion. 

[De  la  main  de  PetVesc.  ]  Si  mon  homme  a  le  courage  d'entre- 
prendre une  coppie  de  ma  lettre  à  M''  de  Roissy,  je  la  luy  feray  faire 
et  en  un  besoing  la  présenterez  à  M"'  de  Roissy,  en  luy  faisant  mon 
excuse  et  luy  monsirant  l'original  mesmes  pour  justification  du  desordre 
et  pour  le  luy  laisser  s'd  l'ayme  mieux  que  la  copie  au  net  à  laquelle 
j'ay  neantmoins  corrigé  et  adjousté  quelque  chose  de  plus.  C'est  pour- 
quoy  il  vauldra  mieux  bailler  la  coppie  et  retenir  mon  autographe  qui 
est  trop  brouillé  pour  un  autre  que  moy.  Et  suis  bien  d'advis  aussy 
pour  l'amour  de  cela  que  ne  monstriez  que  la  coppie  à  M''  du  Puy  et  à 
M''  Rigault  s'ils  la  veulent  voir,  et  quand  M""  de  Thou  la  vouldroit  il  ne 
fauldroit  pas  faire  de  difliculté  de  la  luy  bailler,  et  faire  transcrire  s'il 
vouloit  avec  prière  neantmoings  de  ne  la  pas  communiquer,  car  je 
feray  bien  ce  discours  tout  aullre  en  traictant  cette  matière  Dieu  aydant 
moings  à  la  liaste.  Cependant  cela  pourroit  servir  pour  luy  faire  com- 

i5. 


116  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

prendre  ce  qui  se  pourroit  profliter  en  cez  paieras  d'Autun  dont  je  luy 
avois  escript  à  Dijon. 

H  seroit  Irez  bon  de  mesurer  ce  larnioir  du  marquis  de  Sourdy  avec 
J'escuelion  de  M'  de  Roissy,  et  sçavoir  combien  de  foys  ledict  larmoir 
plein  d'eau  entreroit  dans  ledict  escuellon  de  M"^  de  Roissy,  et  fauidra 
faire  le  mesme  examen  du  larmoir  d'onyce  de  S'  Denys  et  du  cabinet 
de  Monsieur,  s'il  vous  est  loisible,  car  sur  cette  règle,  il  ne  sera  pas  si 
aisé  de  s'equivoquer,  au  cas  qu'il  s'y  trouve  du  rapport  bien  propor- 
tionné, que  sur  voz  petits  escuellons  de  plomb. 

Tandis  que  mon  homme  transcripvoit  ma  lettre  à  M'  de  Roissy,  et 
qu'on  m'avoit  faict  à  croire  que  le  courrier  n'estoit  pas  encores  venu 
de  Marseille  pour  passer  oultre,  il  se  trouva  que  c'estoit  un  frippon 
des  commis  de  la  poste  qui  amusoit  mes  gents  pour  proffiter  quelque 
teston,  et  que  le  courrier  estoit  passé,  de  sorte  que  ma  pauvre  des- 
pesche  est  demeurée,  mais  je  suis  devenu  si  pesant  que  je  n'ay  pas  eu 
le  courage  d'entreprendre  de  r'escrire  cette  lettre  de  ma  main.  Vous 
ne  direz  poinct  que  je  l'aye  leniie  icy  durant  tout  ce  temps.  C'est  pour- 
quoy  il  lauldra  de  nécessité  rendre  à  M""  de  Roissy  la  coppie  de  mon 
homme  proprement  cachettée  dans  son  enveloppe.  Mais  vous  luy  pour- 
rez bien  monstrer  après  incontinent  l'original  de  ma  main  sans  estre 
cachette,  pour  luy  faire  voir  que  je  m'estois  mis  en  debvoir  de 
m'acquitter  de  ce  que  je  luy  doibs,  et  que  c'est  par  infirmité  que  j'ay 
esté  constrainct  de  m'en  dispencer.  Mais  avant  que  la  rendre  à  M""  de 
Roissy,  je  serois  bien  d'advis  que  vous  la  fissiez  voir  non  seulement  à 
M'  Aubery,  qui  peult  estre  n'en  sera  pas  marry,  mais  encores  à  M""  le 
marquis  de  Sourdy,  s'il  se  veult  rendre  curieux  de  voir  ce  que  je  tire 
de  la  communication  de  telles  pièces.  Et  en  toute  façon  suis  bien 
d'advis  que  luy  monstriez  l'escuellon  de  M''  de  Roissy  pour  luy  fere  {sic) 
voir  la  confiance  que  fon  prend  en  vostre  persone,  comme  en  la 
mienne,  pour  tascher  de  le  disposer  à  vous  laisser  faire  (sic)  faire  (sic) 
une  empreinte  de  son  larmoir  qui  sera  sans  doubte  plus  aisée  que 
vous  ne  croyez.  Si  vous  aviez  parlé  au  bon  homme  M'  Le  Bay  qui  sou- 
loit  demeurer  prez  les  jésuites,  sur  la  porte  du  fauxbourg  S"  Jacques, 


[1633]  A  D.  GUILLEMIN.  117 

il  vous  y  trouveroit  tout  aultanl  de  facilité,  comme  il  en  trouva  de  moul- 
1er  le  grand  camayeul  de  la  S"^Chappelle,  dont  la  plusparl  des  figures 
estoient  hors  de  despouille,  mais  avec  de  l'argille  bien  délicate  et  bien 
molle,  il  remplit  les  creux  et  le  mit  en  despouille  telle  que  vous  avez 
veu.  Si  le  marquis  vous  prestoit  son  vase  faictes  le  voir  à  M''  de  Roissy 
et  à  MM"  du  Puy  et  Aubery.  Si  je  le  puis  voir  j'y  trouveray  des  mer- 
veilles. 

Demandez  à  M'  Gault  le  nom  de  ce  marchand  traffîquant  à  Venize 
et  le  temps  qu'il  luy  bailla  le  grand  vase  d'argent  à  X  ou  XV  figures 
antiques  dont  il  m'a  escript  et  soubz  quelles  adresses  on  le  pourroit 
trouver  soit  à  Venize  ou  ailleurs  '. 


LIV 
MÊME  ÂDRESSE- 

Monsieur  le  Prieur, 
Vous  aurez  icy  une  lettre  de  M'  Suchet  pour  son  frère,  que  je  vous 
prie  lui  faire  rendre  seurement  et  en  main  propre  et  tascher  de  l'as- 
sister de  ce  que  vous  pourrez.  Il  a  escript  à  son  frère  qu'il  vouloit  aller 
à  Roiian.  S'il  persiste  en  ce  dessein,  faictes  luy  donner  des  lettres  de 
recommandation  de  quelqu'un  de  noz  amys  ou  des  vostres,  et  de  les 
faire  addresser  particulièrement  à  M''  Bigot  conseiller  de  la  Cour  des 
Aydes  qui  est  de  mes  anciens  amys  et  homme  fort  curieux  de  médailles '^ 


'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  Siyi ,  fol.  5oi.  Ori- 
ginal. Copie  à  la  Mt^janes,  collection  Pei- 
resc,  registre  V,  foi.  6-i8. 

'  Jean  Bigot,  sieur  de  Soinmcnil  et  de 
Cleuville,  a  mérit»^  une  [)lacc  dans  le  Dic- 
tionnaire des  nm'itettrs  français  du  xyii'  siècle. 
M.  Ed.  Bonnaffé  rappelle  qu'il  possédait  une 
bibliothèque  de  plus  de  6,ooo  volumes  et 
de  5 00  manuscrits,  ainsi  qu'une  riche  col- 


lection de  médailles,  et  que  Peiresc  en  fjyt 
honorable  mention  dans  ses  notes  de  voyage. 
Jean  Bigot  eut  un  fils,  Emery,  un  des  plus 
doctes  hellénistes  de  son  temps,  qui  fut  l'hé- 
ritier de  ses  goûts  et  de  ses  colieclions  :  il 
augmenta  considérablement  la  bibliothèque 
paternelle ,  laquelle  devint  une  des  plus  cé- 
lèbres de  France;  elle  fut  vendue  en  1706; 
le  catalogue,  contenant  8,744  numéros,  en 
fut  alors  imprimé  et  a  été  réimprimé,  de  no» 


118  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

lequel  iuy  en  pourroit  faire  mousler  quelqu'une  de  relies  qu'il  sçait 
estie  de  mon  goust  pour  m'en  envoyer  les  empreintes;  en  un  besoing  il 
vous  pourroit  bravement  servir  pour  mousler  quelque  vase ,  si  vous  en 
faictes  mousler  en  piastre,  soit  de  S'  Denis  ou  du  Cabinet  de  Monsieur. 
Je  receuz  hier  une  caisse  de  Levant  où  est  la  figue  d'Adam  que  les 
anciens  appelloient  Musa,  laquelle  a  receu  iin  peu  d'atteinte  des  ratz 
qui  ont  rongé  le  bourgeon  dans  l'estive  du  navire,  mais  j'espère  pour- 
tant qu'elle  n'en  vauldra  pas  pix  et  que  nous  ne  laisrons  pas  d'en  rem- 
placer celle  que  Barthélémy  le  jardinier  nous  avoit  laissé  perdre,  à 
laquelle  vous  aviez  veu  porter  de  si  grandes  et  immenses  feuilles. 
J'escripray  pourtant  pour  en  faire  revenir  d'autres  pour  l'année  qui 
vient  à  tout  hazard,  et  si  M'  Gault  faict  préparer  un  lieu  propre  pour 
tenir  de  telle  nature  de  plante,  je  moyenneray  de  Iuy  en  faire  avoir,  je 
dis  préparer  un  lieu  ,  parce  que  je  ne  pense  pas  que  dans  un  simple  vase 
ou  caisse  une  telle  plante  peusse  réussir  à  rien  qui  vaille,  il  fault  un 
lieu  où  elle  se  puisse  mettre  en  pleine  terre,  et  qui  se  couvre  durant 
l'hyver  comme  une  serre  et  se  puisse  descouvrir  au  bon  temps,  aultre- 
ment  il  ne  fault  pas  esperei'de  la  saulver  durant  le  froid  de  l'hyver.  Vous 
en  pourrez  conférer  avec  Iuy;  puisqu'il  a  un  si  beau  lieu  hors  la  ville  il 
ne  Iuy  sera  pas  malaysé  d'en  retrancher  un  petit  coing  en  lieu  commode 
pour  pouvoir  estre  couvert  durant  l'hyver  et  secouru  d'un  poésie  durant 
la  grosse  rigueur  du  froid,  ainsy  que  le  praticquoit  le  prince  Palatin  à 
Heidelberg,  par  le  moyen  duquel  soing  il  conservoit  des  orangers  plan- 
tez en  pleine  terre  qui  avoient  le  tronc  gros  comme  la  cuisse,  et  qui 
estoienl  chargez  de  fleurs  et  de  fruictz  tout  l'Iiyver,  car  il  pourroit  par 
ce  moyen  conserver  des  citronniers  de  toutes  sortes  qui  pourroient 
porter  quelque  fruict.  Aultrement  il  ne  fault  pas  qu'il  s'y  attende.  Il 
pourroit  par  ce  moyen  sauver  aussy  le  laurier  canelle  Américain  et  le 
rosier  de  la  Chine  à  couleur  changeante,  et  tout  plein  d'aultres  choses 

jours,  en  ce  qui  conrerne  les  manuscrits,  iinguimbertine  renferme   (fol.    869-371) 

pour  la  Société  des  bibliophiles   de  Nor-  quatre  lettres  adressées  par  Peiresc  à  Jean 

mandie,  par  les  soins  de  M.  Léopold  De-  Bigot  (soit  à  Paris,  soit  à  Rouen)  en  i6i3, 

liste  (  1 877).  Le  registre  II  des  Minutes  de  1 6 1 7  et  1 6 1 8. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  119 

qu'il  ne  sçauroil  empescher  de  périr  à  l'air  de  Paris,  sans  ceste  pre- 
caullion.  Je  suis  résolu  d'en  préparer  moy  mesmes  un  de  ceste  sorte 
à  Boysgency,  afin  d'y  conserver  cez  plantes  là  en  leur  beauté  durant  la 
rigueur  de  nostre  petit  hyvcr  et  afin  de  les  pouvoir  mesmes  couvrir 
])lus  commodément  avec  des  tentes,  quand  elles  sont  en  fleur  au  prin- 
temps, pour  en  defl'endre  les  fleurs  des  rosées  froides  et  en  conserver 
|)lus  asseurement  le  Iruicl  qui  est  subject  à  couller  ou  s'avorter,  quand 
les  fleurs  demeurent  à  la  merci  des  rosées  ou  pluyes  tVoides,  lesquelles 
font  avorter  communément  toutes  les  fleurs  jaulnes  qui  sont  plus  déli- 
cates que  celles  des  autres  couleurs,  comme  vous  me  l'avez  veu  pratti- 
quer  au  jassemin  jaulne  des  Indes  et  au  rosier  jaulne.  Si  le  roy  devient 
si  curieux  de  plantes  comme  l'on  dict,  cette  curiosité  acquerra  bientost 
de  la  réputation  plus  grande  que  jamais,  et  me  fournira  bien  de  quoy 
me  revencher  envers  M'  Gault  des  honesletez  dont  il  m'a  prévenu. 
Je  suis,  Monsieur, 

vostre  trez  afl'eclionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Pëiresc. 
A  Aix,  ce  6  febvrier  i633  '. 


LV 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Vostre  depesche  du  k^  de  ce  mois  a  bien  chatouillé  ma  curiosité 
au  plus  liaull  poincl  qu'elle  le  pouvoit  estre  par  l'advis  et  ponctuelle 
description  d'un  si  précieux  vase  que  celluy  que  vous  avez  rencontré 
chez  M'  le  marquis  de  Sourdy,  ne  doubtant  pas  que  vous  ne  demeu- 
riez en  grande  impatience  aussy  bien  que  moy,  jusques  à  ce  que  vous 
m'en  puissiez  envoyer  non  seulement  le  dessein  de  M"^  Rabel  et  le  juste 
modèle  de  sa  contenance,  mais  aussy   l'empreinte  de  tant  de  belles 

'  BMolhèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  6171 ,  fol.  5o5. 


120  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

figures  où  je  me  prometz  d'apprendre  de  si  belles  choses.  Vous  verrez 
en  quelz  termes  je  luy  en  escriptz  avant  que  luy  rendre  ma  lettre,  espé- 
rant qu'il  condescendra  enfin,  s'il  ne  l'a  desja  faict,  à  laisser  mouller 
ceste  pièce,  et  possible  à  la  vous  confier  à  vous  mesmes  pour  en  faci- 
liter et  accellerer  l'expédition,  ce  que  je  desirerois  bien,  désirant  que 
vous  y  employiez  M'  Flesche,  puisqu'il  a  praticquc';  la  façon  de  mouller 
de  M'  Rubens  qui  est  si  advantageuse,  mais  je  vous  prie  d'y  faire  inter- 
venir le  frère  de  M'  Suchet  pour  seconder  et  servir  le  dict  M'  Flesche, 
et  pour  tascher  d'apprendre  quelque  chose  de  sa  façon  et  de  son  mes- 
tier  en  cela,  dont  nous  pourrions  un  jour  nous  prevalloir  de  par  deçà 
au  retour  de  ce  bon  homme,  et  si  M' Le  Bay  que  j'ay  aultresfois  employé 
à  mousler  le  camahieul  de  la  S'"  Chapelle  estoit  en  estât  et  en  volonté 
d'y  travailler  je  croy  qu'il  en  viendroit  aussy  facilement  à  bout  que  de 
l'autre,  avec  le  secours  de  l'argille  qui  luy  servoit  à  remplir  les  creux 
de  tout  ce  qui  estoit  hors  de  despouille,  mais  comme  il  estoit  desja 
bien  vieil  alors,  je  crains  fort  qu'il  ne  soit  deceddé  ou  trop  envieilly 
pour  y  pouvoir  travailler.  En  tout  cas  vous  vous  serviriez  de  l'advis 
que  je  vous  en  donne  et  ferez  la  guerre  à  l'œil  pour  vous  contenter 
de  ce  que  vous  pourrez  obtenir,  sauf  de  mieux  faire  en  autre  temps 
plus  opportun. 

J'ay  enfin  receu  la  responce  du  cappilaine  Bastien  Pinchenat  sur  ce 
que  M'  Gault  m'avoit  escript  de  son  myrthe  à  qui  vous  pourrez  bailler 
la  lettre  pour  ma  descharge,  et  luy  faire  mes  remerciements  à  ladvance 
du  soing  qu'il  prist  de  vous  accompagner  chez  M'  de  Sourdy  en  atten- 
dant la  première  foys  que  je  pourray  luy  escripre,  qui  ne  sera  pas  sans 
luy  en  rendre  les  complimenlz  qui  y  peuvent  escheoir,  me  recognois- 
sant  tousjours  plus  redebvable  à  son  honnesteté. 

Au  reste  l'honnesteté  de  M'  de  Roissy  est  si  grande  qu'il  ne  se  peut 
rien  dire  de  plus,  vous  ayant  si  courtoisement  remis  en  main  tant  de 
fois  son  petit  vase  antique,  et  je  voussçays  infiniment  bon  gré  du  soing 
que  vous  preniez  de  vous  en  servir  originellement  pour  v  examiner 
dessus  le  petit  larmoir  d'agathe  du  marquis  de  Sourdy,  car  s'il  se  fusse 
rencontré  que  ledict  larmoir  eust  peu  remplir  ce  vase  d'argent  par 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  121 

exemple  en  deux  fois  ou  en  trois,  j'en  eusse  esté  infiniment  ayse,  et  en 
eusse  jugé  d'icy  quasi  aussy  asseui-ement  que  si  l'examen  en  eusl  esté 
faict  devant  moy.  Il  fauldra  bien  que  vous  uziez  de  la  mesme  prattique 
à  S'  Denys,  pour  voir  si  le  petit  larmoir  d'onyce  qui  y  est  remplira 
ledict  vase  d'argent  en  plus  de  deux  fois  et  ainsy  des  autres  de  plus 
grande  contenance  pour  sçavoir  combien  de  fois  ilz  tiendront  la  mezure 
dudict  vase  d'argent,  et  si  vous  n'eussiez  eu  la  disposition  de  celluy  de 
M''  de  Royssy  pour  cet  effet,  je  vous  eusse  possible  envoyé  celluy  que 
j'ay  receu  de  sa  part  combien  que  je  ne  l'eusse  pas  peu  faire  sans  quelque 
regret  à  cause  qu'il  est  desjà  bien  fellé  et  endon^magé  et  que  je  ne  pense 
pas  qu'il  soit  bien  à  l'espreuve  du  tracas  de  la  poste  au  prix  de  l'autre, 
dont  la  forme  semble  plus  capable  de  résister  à  la  violence  de  telz 
mouvementz. 

Que  si  par  hasard  M""  de  Roissy  se  disposoit  à  permettre  que  son 
vase  fisse  le  voyage  de  Provence,  il  fauldroit  que  ce  fust  dans  une 
boitte  si  forte  qu'elle  feusse  à  preuve  de  toute  sorte  d'effort  et  qu'il 
l'eusse  si  bien  garny  de  fin  cotton  principalement  par  le  dehors  qu'il 
ne  s'y  peusse  faire  aulcun  mouvement  dans  la  boitte,  car  il  est  vray 
que  celluy  que  vous  m'avez  envoyé  s'est  intéressé  quelque  peu  en 
certains  endroictz  ausquelz  aulcuns  de  cez  visaiges  de  la  graveure  du 
vase  touschoient  et  frottoient  à  un  ou  deux  costez  de  la  boitte,  la- 
quelle fut  crevée  et  ce  fut  grande  merveille  que  tout  ne  se  gasta,  mais 
l'inconvénient  n'en  est  pas  grand  Dieu  jncrcy  d'aultant  que  l'argent 
s'est  un  peu  blanciiy  seulement  en  l'endroict  oii  il  touchoit  la  boitte, 
la  rouille  noire  du  reste  du  vase  faisant  paroistre  la  blancheur  des  lieux 
qui  ont  esté  comme  cela  descouvertz. 

Je  receuz  hier  au  soir  par  la  poste  de  Rome  un  petit  vase  d'argent 
de  la  forme  de  cez  grosses  urnes  antiques  de  terre  pointu  par  le  fondz, 
avec  deux  ances,  qui  s'est  grandement  bien  conservé  et  n'a  receu  inte- 
rest  quelconque  de  tout  le  tracas  du  voyage  parce  qu'il  estoit  garny 
de  cotton  fort  pressé  de  tous  les  costés  et  qu'il  estoit  logé  dans  une 
petite  boitte  carrée  grandement  forte.  C'est  le  cavalier  del  Pozzo  qui 
me  l'a  envoyé  et  qui  m'a  faict  en  cela  bien  du  plaisir.  Je  n'ay  point 

V.  16 


laPlllIKIIIS    RlTIOSAll. 


122  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

encore  receu  la  responce  de  M"'  de  Gaslines  et  crains  hien  qu'elle  ne 
vienne  pas  à  temps  pour  cet  ordinaire  dont  je  serois  marry. 

M'  du  Puy  m'a  envoyé  un  dessein  du  Roy  Hugue  Capet  tiré  d'un 
seau  qui  nieriteroit  bien  d'estre  moullé,  s'il  estoit  possible,  car  sur  le 
griffonnement  que  j'en  ay  veu ,  je  n'ay  pas  sceu  prendre  de  resolution 
bien  formelle,  sçavoir  s'il  est  antique  ou  non.  Je  luy  en  escriptz  et  vous 
prie  de  vous  informer  de  luy  du  lieu  où  il  peut  estre  encores,  car  s'il 
n'estoit  pas  loing  de  Paris  il  meriteroit  bien  d'y  faire  un  voyage  exprez, 
n'estimant-pas  que  le  seau  soif  de  la  forme  ne  de  la  grandeur  du  des- 
sein que  j'en  ay  reccu  ne  possible  de  la  niesme  manière  dont  il  fauldra 
juger  par  l'empreinte  s'il  est  possible  de  l'avoir. 

Je  suis  bien  ayse  que  le  petit  griffonnement  de  ce  fragment  de  lam- 
peron  ^  aye  remis  M""  de  Roissy  en  mémoire  de  ce  que  je  demandois,  et 
crois  bien  que  la  veiie  de  la  lettre  que  je  luy  escripviz  par  le  dernier 
ordinaire  pourra  faciliter  et  possible  augmenter  aulcunement  la  bonne 
disposition  où  il  estoit  d'obliger  le  public  quant  et  moy  en  me  com- 
muniquant les  pièces  dont  je  l'ay  requis,  et  si  vous  pouvez  avoir  ex- 
traict  du  diaiie  du  feu  M'  de  Roissy  son  père  je  le  prixseray  plus  que 
tout,  et  lascberay  par  tous  moyens  de  m'en  prévaloir  envers  le  public 
et  de  le  faire  valloir  le  plus  qu'il  me  sera  possible.  Je  suis  bien  avse 
que  vous  ayez  eu  le  bien  de  voir  chez  lui  Madame  de  Roissy,  et  seray 
bien  ayse  que  vous  l'alliez  salliier  de  ma  part  quelque  jour  et  la  féli- 
citer de  l'honorable  ambassade  et  lieureux  retour  de  M'  d'Avaux,  son 
filz.  Je  seray  bien  ayse  que  vous  employiez  M""  Rabel  au  dessein  de  ce 
vase  de  M''  de  Roissy,  ne  doubtaiit  pas  qu'il  ne  s'en  acquitte  Irez  digne- 
ment, voire  mieux  (pie  n'eusse  peu  faire  feu  M'  Engobert  pour  les 
figures,  car  pour  le  corps  du  vase  c'est  la  vérité  que  je  croy  que  ])er- 
sonne  ne  l'eusse  peu  si  bien  faire  que  ledict  Engobert. 

Je  désire  bien  que  vous  preniez  de  bonnes  habitudes  avec  M' Flesche 
et  que  vous  preniez  occasion  de  luy  faire  mouller  quelque  chose  d'ex- 

Au  folio  5o6  esl  annexé  un  petit  il  a  c'crit  ces  mots  :  Forme  à  peu  prez  de 
carré  de  papier  sur  lequel  Peiresc  a  tracé  ce  fragment  de  lamperon  de  terre  cuite  an- 
le  dessin  en   question   au-dessus   duquel        tique. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  123 

quis  à  la  mode  de  M'  lîubens,  et  ne  manquez  pas  de  vous  y  faire  ser- 
vir et  assister  par  le  jeune  Suchet.  Si  j'estois  sur  les  lieux  avec  ce 
M""  Fiesche ,  je  me  f'erois  fort  de  luy  faire  mouller  le  grand  vase  de 
S'  Denis  plus  facilement  qu'il  ne  croit,  en  ayant  autresfois  faict  moul- 
ler diverses  pièces  que  j'ay  de  tout  plain  de  choses  des  plus  considé- 
rables qui  fussent  dessus,  et  ne  faudroit  ([ue  le  secours  de  l'argile 
fraische  pour  mettre  derrière  les  figures  de  ronde  bosse  qui  sont  tro]) 
esloignées  du  champ  du  corps  du  vase.  Si  sa  curiosité  le  portoit  d'aller 
en  Italie,  disposez  le  à  se  laisser  voir  icy  en  passant,  car  je  seray  bien 
aysc  d'avoir  l'honneur  de  sa  cognoissance  et  de  luy  donner  de  bonnes 
addresses  aux  amis  que  j'ay  non  seulement  à  Rome,  mais  encores 
!\  Naples  et  autres  des  meilleures  villes  d'Italie  et  au  Pape  mesmes 
si  besoing  est. 

Sur  quoy  je  finiray  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  aU'ectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE   PeHUîSC. 
A  Aix,  ce  l'i  febvrier  i63.3. 

Je  viens  d'apprendre  l'arrivée  de  M'  le  sacristain  Valbelle  à  Mar- 
seille de  sorte  que  nous  le  verrons  3  ou  U  jours  plus  lard  que  nous 
ne  pensions  puisqu'il  est  allé  droict  chez  luy  sans  passer  par  icy 
où  il  fault  neantmoins  ((u'il  vienne  bieiitost  pour  des  verifTicalions, 
à  ce  qu'on  m'a  dict.  M'  de  Roissy  est  repassé  depuis  a  ou  3  jours 
])Our  Lyon  ne  s'eslant  arreslé  céans  qu'un  jour  et  demy  comme 
l'autre  fois'. 

'  Ribliollièque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  5 06.  Original. 
Copie  à  la  Méjanes,  collection  Peiresc,  registre  V,  fol,  634. 


16. 


t24  LETTRES  DE  PEIRESC  [1C33] 


Lvr 

MÊME  ADRESSE- 

Monsieur  le  Prieur, 

J'av  receu  vostre  despeche  du  xi"  de  ce  mois  par  l'ordinaire  et  avois 
receu  par  M""  le  sacristain  Valbelle  aprez  l'expédition  du  précédant  or- 
dinaire toutes  les  boittes  dont  vous  l'aviez  chargé  fort  bien  condition- 
nées où  je  trouvay  tant  de  belles  curiositez  que  le  seul  dénombrement 
seroit  capable  d'emporter  toute  une  fueille  de  papier.  C'est  pourquoy 
il  me  suffira  pour  asture  à  cause  de  la  presse  où  je  me  trouve  de  vous 
dire  que  j'y  ay  trouvé  tout  le  contenu  de  voz  bordereaux  fort  bien  con- 
servé et  que  je  vous  en  remercie  irez  affectueusement  comme  aussy  du 
soing  que  vous  avez  eu  de  la  distribution  de  ses  (»tc)  orangers  où  vous 
avez  observé  une  proportion  fort  convenable  à  mon  gré,  mais  je  re- 
grette bien  que  M'  Daubry  et  M'  Gault  n'en  ave  poinct  voulu. 

Le  jardinier  est  pareillement  arrivé  despuis  et  m'a  apporté  une 
lettre  du  s""  Galiley  de  Lyon  de  qui  il  avoit  prins  quatre  escus  en  pas- 
sant; il  estoit  si  las  et  si  recreu  bien  ({u'il  eusse  (Mi  bon  loysir  de  se  re- 
poser sur  le  Rosne  et  qu'il  eusse  mis  douze  ou  treize  jours  de  Paris  à 
Lyon  qu'il  estoit  tout  hors  d'allene,  ce  qui  me  faict  un  peu  craindre 
qu'il  ne  soit  bien  pesant  à  la  main  et  de  bien  grande  vie,  mais  il  le 
faudra  choyer  comme  nous  pourrons,  puisqu'il  est  si  difficile  d'en  ren- 
contrer de  telz  qu'il  faudroil.  H  est  à  Boisgency  depuis  vendredy.  Je 
pensois  l'envoyer  chercher  ce  qu'il  falloit  à  M""  Gault,  mais  je  vis  bien 
(ju'il  y  falloit  employer  quelque  autre  et  tascheray  d'y  embarquer 
mon  frère  en  personne  la  lune  prochaine.  Cependant  Dominico  MayoUo 
pourroit  eslre  de  retour.  Je  suis  bien  ayse  qu'ayez  eu  ce  fragment  de 
lamperon  de  M""  de  Roissy  et  ceste  plaque  de  cuivre  encores,  laquelle 
je  n'avois  pas  mise  en  oubly  ;  au  contraire  j'en  avois  tousjours  faict  grand 
cas  à  cause  de  ceux  de  Langres  dont  il  y  est  faicte  mention,  si  je  ne  me 
trompe  (car  je  n'en  ay  pas  à  la  main  le  mémoire  que  j'en  avois  prins), 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  125 

mais  je  ne  voulois  pas  mettre  tant  de  choses  ensemble  sur  ie  tapis  et 
avois  de  quoy  me  tenir  assez  obligé  à  la  courtoisie  de  M'  de  Roissy, 
sans  luy  ouvrir  d'autres  moyens  de  me  combler  de  ses  bienfaicts,  au- 
paravant que  j'eusse  eu  moyen  d'uzer  d'aucune  revanclie.  Maintenant 
j'auray  moins  de  regret  puisque  vous  avez  recogneu  que  ces  petitz  arbres 
ont  aucunement  rencontré  son  goust  auquel  je  suis  résolu  de  contribuer 
([uelque  chose  qui  soit  un  peu  plus  digne  de  luy  et  de  sa  Bibliothèque. 
Je  loue  Dieu  de  la  reconvalessance  de  M""  des  Neuds  et  suis  bien  ayse 
de  l'avoir  sceu  aussytost  que  son  infirmité,  car  elle  m'auroit  tenu  en 
grande  peine  et  anxiété  •.  Je  suis  bien  ayse  aussy  que  M""  GoUetet  et  vous 
ayez  descouvert  sa  passion  pour  les  plantes,  car  il  y  aura  bon  moyen 
de  pratiquer  de  ce  costé  là  une  bien  douce  force  pour  le  faire  con- 
descendre à  la  faveur  que  je  me  suis  tousjours  promis  de  luy,  et  vous 
sçay  fort  bon  gré  de  la  participation  que  vous  avez  trouvé  moyen 
d'avoir  aux  essences  de  M"  le  Prieur  de  Moustier  dont  j'avois  tant  de 
besoing  en  ceste  occurence.  Si  vous  jugez  qu'il  soit  à  propos  que  je 
l'en  remercie,  je  le  feray  et  seray  encore  plus  ayse  de  le  servir  en  re- 
vanche si  je  le  puis.  J'ay  bien  du  desplaisir  et  compatis  grandement 
aux  travaux  que  souffre  le  bon  M""  Rabel  de  sa  pierre  dont  je  voudrois 
bien  le  pouvoir  soulager  et  attendray  en  bonne  dévotion  la  venue  de 
M""  Meyne  et  le  succez  de  vostre  visite  vers  le  s' de  Vallois.  N'ayant  en- 
(;ores  essayé  voz  rabas,  mais  je  ne  laisse  pas  cependant  de  vous  en  re- 
mercier bien  fort  aussy  bien  que  de  la  calotte  et  de  la  cire  d'P]spagne. 
J'ay  trouvé  grandement  beaux  tous  ces  fragmentz  d'espées  et  fers  de 
lances  qui  servent  d'un  bien  grand  ornement  aux  autres  que  j'avois 
desja  comme  ils  en  reçoivent  leur  bonne  part,  je  ne  pense  pas  que 
cela  ayc  esté  trouvé  tout  seul,  il  faut  vous  en  enquérir  du  bon  homme 
Mt  Savot  et  particulièrement  si  avec  cela  il  n'a  poinct  esté  trouvé  de 
médailles  antiques  desquelles  je  voudrois  bien  en  voir  quelques  unes 
pour  chetives  (pi'elles  puissent  eslre  pour  recognoistrc  si  elles  sont  de 
la  Republique  ou  de  l'Empire  ou  estrangeres. 

f^  secrëloire  de  Peii-esc  a  «^crlt  en  sieltè. 


126  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Quand  au  vase  du  s"^  Vivaut,  M'  Menestrier  avoit  grande  raison  de 
douter  s'il  estoil  antique,  car  je  trouve  beaucoup  plus  de  motifs  pour 
la  négative  que  pour  l'affirmative  et  n'ay  pas  trouvé  que  l'animal  qui 
y  est  représenté  aye  les  yeux  d'argent  comme  l'on  vous  avoit  dict  ne 
qu'il  les  puisse  avoir  eu  aultresfois.  Car  ce  qu'il  y  a  de  creux  au  mitan 
de  la  prunelle  n'a  jamais  esté  remply  d'argent,  d'aultant  que  la  blan- 
cheur de  l'argent  souloit  estre  employée  pour  imiter  la  blancheur  du 
corps  de  la  prunelle  au  mitan  de  laquelle  on  faisoit  un  petit  trou  pour 
imiter  ce  qu'il  y  a  de  noir  au  mitan  de  l'œil.  Il  est  vray  que  je  suis  en 
quelque  doute  qu'il  puisse  avoir  esté  moulé  sur  l'antique  et  neaniraoins 
restauré  auparavant  par  quelque  ouvrier  qui  s'est  dispensé  d'y  faire 
des  choses  qui  ne  sont  pas  à  l'uzage  des  anliens  et  d'effect  j'ay  reco- 
gneu  par  dessoubz  le  fond  d'une  sorte  de  rouis  verd  qui  est  asseure- 
ment  artificiel,  que  l'on  a  alleclé  de  noircir  au  reste  du  corps  du  vaze, 
pour  ce  qu'il  estoit  trop  apparament  moderne,  mais  je  n'ay  pas  laissé 
de  prendre  assez  de  plaisir  d'en  voir  l'invention  pour  ne  pas  regretter 
la  despence  du  voyage  tant  de  Paris  icy  que  du  retour  d'icy  à  Paris  et 
pour  en  demeurer  tousjours  bien  redevable  de  la  courtoise  communi- 
cation tant  audict  s'  Vivaut  qu'à  M-"  Gault  qui  me  l'a  procurée.  Cez' 
deux  petits  vases  d'ox  et  de  cornes  que  vous  avez  adjouslez  dans  ces 
boites  ne  peuvent  pas  estre  antiques,  mais  j'ay  pourtant  veu  bien  vo- 
lontiers celuy  que  vous  appeliez  d'ox  que  j'estime  estre  véritablement 
d'ox  de  poisson  en  ayant  un  autre  de  mesme  matière  qui  peut  tenir 
dix  ou  douze  fois  autant  que  celuy  là  que  mon  frerc  m'apporta  de 
Holande.  Dez  petites  lampes  de  terre  j'en  ay  rencontré  une  assez  gen- 
tille et  capable  de  valloir  la  peine  que  vous  avez  prinse  de  me  les  en- 
voyer toutes;  elles  ne  cousteront  pas  tant  à  renvoyer  comme  le  vase  du 
s--  Vivaut  qui  est  véritablement  plus  massif  et  plus  pesant  que  ne  com- 
portoit  l'usage  des  antiens.  J'ay  trouvé  la  mouHeure  du  s'  Sergent  bien 
agréable  sur  la  petite  figure  d'Icare;  aussy  bien  j'avoisfaict  auparavant 
celle  de  la  graveure  de  Silène  en  christail  qu'ilz  sont  deux  pièces  bien 
notables  et  dont  je  n'estime  pas  moins  l'original  de  l'une  que  de  l'autre. 
Mais  j'estime  bien  davantage  l'escuellon  d'argent  qui  est  demeuré  dans 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  127 

le  mesme  cabinet,  et  si  j'ose  le  vous  dire,  je  ne  suis  pas  sans  re^ji-el  ne 
sans  quelque  scrupule  de  conscience  d'en  avoir  laissé  séparer  cclluy 
que  M''  de  Roissy  m'a  voullu  desparlir,  car  en  voulant  travailler  à 
descliilTrer  les  figures  qui  sont  dessus  l'un  et  l'autre,  j'y  trouve  tousjours 
plus  de  rapport  et  de  despendance  de  l'un  à  l'autre,  en  sorte  que  entre 
tous  deux  ils  font  l'accomplissement  de  tout  plein  de  misleres  qui  ne 
sont  pas  bien  scparables  sans  qu'il  y  demeure  de  l'imperfection  d'im- 
portance; ils  forment  tous  deux  ensemble  un  certain  poids  et  une  cer- 
taine mesure  fort  notable  de  la  Respublique  d'Athènes  et  ont  mesme 
du  rapport  conjointement  à  d'autres  choses  bien  curieuses.  Mais  il  y 
faudra  encore  un  peu  mieux  penser  pour  ne  pas  prendre  d'impression 
trop  légèrement  et  sans  y  avoir  bien  meurement  délibéré.  Cependant 
je  finiray  pour  ce  coup  la  présente  par  la  continuation  de  mon  bon 
gré  de  tant  de  soings  et  obligentes  ])eines  que  vous  prenez  pour  l'amour 
de  celuy  qui  est  et  sera  à  jamais. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresg. 
A  Aix\  ce  21  febvrier  i633s 

M^  du  Puy  m'a  envoyé  coppie  de  la  charte  èe  Hugue  (lapet  où  j'ay 
appris  qu'elle  est  dans  les  archives  de  l'Abbaye  de  S'  Maur  des  Fossez. 
Il  vous  pourra  dire  si  l'original  en  a  esté  remis  dans  lesdictes  archives 
ou  bien  si  M''  Galand  '  en  est  cncorcs  saisy  et  quel  moyen  vous  pourrez 
avoir  de  faire  tirer  ane  empreinte  du  seau  de  ce  prince  qui  y  est  ap- 
posé; en  un  besoin  M'  de  Lomenie  n'y  reffusera  pas  son  crédit,  et  si 
M'  du  Puy  ne  vous  en  pouvoit  donner  d«s  asseurances  je  m'asseure  que 
M""  du  Chesne  en  sçaura  donner  des  nouvelles  plus  certaines  à  qui  je 
n'ay  encores  sceu  escriprc  à  mon  Irez  grand  regret,  mais  j'espcre  que 
je  ne  tarderay  pas  longtemps  de  m'aquitler  de  ce  d«bvoir. 

'  Sur  le  conseiller  (TÈtat  Auguste  Gai-  H.-A.  deLom(5nie,  Innocent  de  Ciron,  Ma- 
land,  comme  sur  les  j)cr9oiina,o;e9  bien  ran,  voir  le  i-ecueil  des  Liltros  de  Pciresc 
connus  qui  vont  suivre,  Andrd  Duchcsne,        an v  frères  Dupuy. 


128  LETTRES  DE  PEIHESC  [1633J 

Vous  aurez  sceu  comme  je  pense  i'arrest  que  M'  de  Cyron  a  obtenu 
jeudy  dernier  en  pleine  audience  par  lequel  il  a  esté  diffinitifvement 
maintenu  au  bénéfice  contentieux  entre  luy  et  M'  Maran  qui  eusse  bien 
eu  meilleure  part  à  ceste  pièce  s'il  se  fust advisé  den  faire  la  réquisition 
en  qualité  de  gradué  nommé.  Ledict  s''  Cyron  est  allé  faire  un  pèle- 
rinage par  la  province  à  la  S'*^  Baulme,  Nostre  Dame  de  Grâce  et  ail- 
leurs, avant  que  retourner  en  son  pais'. 


LVII 
MÊME  ADRESSE. 

[.4  vom«scm/.] 

Monsieur  le  Prieur,. 

Je  vous  ay  faict  responce  à  vostre  depesche  du  xi*"  en  termes  que 
vous  puissiez  en  faire  voir  ce  que  vous  voudrez  soit  à  M"^  Gault  ou  à 
M''  Vivant  de  ce  qui  les  peut  concerner,  soit  à  quelqu'un  des  domestiques 
de  M'  de  Roissy,  car  pour  luy  mesme  s'il  ne  venoit  de  luy  de  vous 
demander  de  le  voir  il  ne  seroit  pas  trop  à  propos  de  s'iiigerer  de  luv. 
monstrer,  mais  à  vous  dire  la  vérité  depuis  mesmes  la  despesclie  que 
je  luy  fis,  le  temps  m'a  faict  descouvrir  d'aultres  secretz  aultant  et  plus 
notables  que  tout  ce  que  je  luy  avois  mandé,  non  seulement  pour  les 
figures  et  enrichissementz  de  l'autre  vase,  mais  pour  la  mesure  mesme 
dont  les  deux  ensemble  i-eprescnlent  un  certain  poidz  et  une  certaine 
mesure  d'Athènes  grandement  célèbre,  et  les  figures  ont  un  si  grand 
rapport  d'un  vase  à  l'autre  et  principalement  pour  la  posture  et  situa- 
tion réciproque  des  termes  qui  sont  en  l'un  et  en  l'autre  vase,  que 
l'un  sans  l'autre  sont  tout  à  faict  imperfeclz,  ce  qui  augmente  grande- 
ment le  désir  que  j'avois  eu  de  voir  les  originaux  de  tous  les  deux 
ensemble,  si  le  temps  en  peut  faire  naistre  la  possibilité. 

Pour  le  vase  aussy  du  s"  Vivot.  je  ne  doubte  point  qu'il  ne  soit 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  5171.  fol.  5o8.  Copie  à 
la  Méjanes,  collection  Peiresc,  registre  V,  fol.  636. 


[1633]  A  D.  GUILLEMIN.  129 

moderne,  mais  pai-ce  qu'il  pourroit  estre  mouUé  sur  l'antique  je  ne 
laisse  pas  d'en  faire  cas.  Je  me  suis  apperceu  qu'on  y  a  imprimé  un  petit 
cachet  de  cire  d'Espa{i^ne  par  dessoubz  l'autre  qui  représente  une  petite 
teste,  ce  qui  peut  estre  advenu  vraysemblablement  par  la  naturelle 
dediance  du  bon  homme  Vivot  qui  a  peu  appréhender  que  je  le  fisse 
mouUer  pour  luy  supposer  une  empreinte,  mais  il  le  recouvrera  tout 
puceau  Dieu  aydant,  si  ce  n'est  qu'il  y  voulust  mettre  un  prix  propor- 
tionné à  la  valeur  d'une  pièce  moderne  telle  que  je  la  tiens.  Auquel 
cas  je  ne  negligerois  pas  de  l'achepter,  quand  ce  ne  seroit  que  pour 
esviter  le  soing  et  la  despence  de  son  renvoy  à  Paris,  mais  je  croys  bien 
qu'il  n'est  pas  homme  à  relascher  aux  termes  de' la  raison  et  discrétion 
pour  ce  regard  non  plus  que  pour  beaucoup  d'autres. 

L'on  m'a  envoyé  de  Bourgongne  une  petite  salliere  de  bronze  antique 
posée  sur  trois  piedz  ou  pattes  de  lyon  en  forme  d'un  Trépied,  laquelle 
m'a  fourny  de  quoy  augmenter  bien  notablement  les  observations  que 
j'avois  cy  devant  faictes  sur  mon  Trépied  S  ce  qui  m'a  bien  faict  regret- 
ter le  peu  de  compte  que  j'avois  faict  aultresfois  de  choses  semblables 
que  j'avois  négligées  faulte  de  les  cognoistre.  Etd'aultant  que  vous  estes 
si  heureux  depuis  quelque  temps,  et  que  vous  en  pourriez  aussy  trou- 
ver quelques  fragmentz  soit  dans  les  cabinetz  de  Monsieur  ou  deM""  le 
marquis  de  Sourdys  ou  dans  ceux  de  M'  des  Nœudz,  de  M""  Gault,  de 
M' Savot ,  médecin ,  ou  autres ,  j'ay  creu  vous  debvoir  advertir  d'y  prendre 
garde  soit  dans  Paris,  soit  durant  la  continuation  devostre  voyage  pour 
n'en  rien  laisser  eschapper  de  ce  que  vous  rencontrerez  à  vostre  dispo- 
sition, et  pour  cet  effect  je  vous  en  envoyé  un  peu  de  grilTonnement 
pour  vous  faire  mieux  comprendre  ce  que  c'est,  et  pour  vous  en  faire 
recognoistre  les  fragmentz  quand  vous  en  trouveriez  lesquelz  je  ne  vou- 
drois  pas  guieres  moins  négliger  que  les  pièces  entières,  tout  cela  ayant 
bien  du  rapport  à  mes  recherches  des  vases  antiens. 

Le  pauvre  M'  Maran  est  party  pour  s'en  retourner  à  Thoulouse  bien 
désolé  de  la  perte  de  son  procez  où  l'on  avoil  faict  de  petites  faultes  qui 

'   Le  trépied  trouvé  à  Frëjus  qui  a  ëtë  l'objet  d'une  longue  note  dans  le  recueil  Peiresc- 
Dupuy,  t.  Il,  p.  207. 

V.  17 

tlIPRlVCmC    XATIOSALt. 


130  LETTRES  DE  PE.IRESC  11633] 

lijv  ont  cousté  bien  cher  et  sans  lesquelles  il  eust  emporté  ceste  pièce 
avec  la  mesme  facilité  qu'il  l'a  perdue,  au  grand  regret  de  ses  amys  et 
particulièrement  du  sacristain  Valbelle  qui  feit  rapporter  les  bulles  de 
son  maistre  par  son  parent,  pensant  que  cela  luy  servist  pour  en  cap- 
ter la  benevolence,  mais  ce  fut  inutilement,  dont  il  estoil  au  desespoir. 
11  m'apporta  par  aprez  son  vicariat  que  je  luy  offris  de  bailler  à  son 
parent,  mais  il  iie  le  voulut  pas'. 


LVIII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  depesche  du  1 8"^,  oi!l  j'ay  appris  avec  un  merveil- 
leux contentement  les  grandes  joyes  et  tendresses  de  M''  de  Roissy,  au 
retour  de  Mons"^  d'Avaulx  son  cher  filz,  et  combien  à  propos  vous  leur 
avez  rendu  les  complimentz  de  ma  part  sur  le  mesme  subjet,  ensemble 
à  Madame  de  Roissy  et  à  Mons'  le  président  de  Mesmes,  estant  bien 
marry  de  l'inconveniant  arrivé  pour  le  retardement  de  mes  despesches 
à  ce  destinées,  mais  je  pense  que  vous  n'aurez  pas  tardé  de  les  recep- 
voir  la  sepmaine  suy vante,  et  qu'elles  n'auront  pas  laissé  d'estre  bien 
receues.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  l'arrivée  du  s'  Mayne,  et 
de  ce  dont  vous  l'avez  chargé,  n'attendant  pas  moins  impatiemment 
les  livres  que  vous  a  remis  M'  du  Puy  que  les  aultres  choses,  parce  qu'il 
lault  que  je  les  envoyé  plus  loîng,  où  ilz  sont  aftenduz  avec  impatience. 
Je  suis  grandement  ayse  que  vous  ayez  visité  de  ma  part  le  s"^  Valloys 
et  désire  bien  que  vous  vous  employez  à  le  caresser  comme  vous  pour- 
rez si  l'occasion  s'en  présente,  et  à  le  faire  un  ])eu  caresser  par  M'  Au- 
bery,  affin  que  sans  l'en  prier,  il  vienne  de  luy  de  vouloir  travailler 
pour  l'amour  de  moy  à  la  transcription  de  quelques  uns  de  cez  petitz 
opuscules  grecz  que  j'ay  demandez  à  M""  Rigault  qui  se  trouveront 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  Siyi,  fol.5io.  Original. 
—  Copie  a  la  Méjanes,  collection  Peiresc,  reg^islre  V,  fol.  (i/j-j. 


|1633]  X  D.  GUILLEMIN,  131 

de  plus  difficile  lecture,  et  les  plus  importantz  et  nécessaires  à  mon 
dessein. 

Je  suis  bien  ayse  que  le  frère  de  M"'  de  Gastiues  soit  en  de  si 
bonnes  mains  que  celles  de  Mons""  de  Thou ,  et  ne  manqueray  pas  de  luy 
cscripre  de  son  affaire  puisqu'il  le  désire;  vous  remerciant  de  la  peine 
que  vous  y  avez  prinse  et  finiray  la  ])resente  à  cause  de  la  presse  où  je 
suis  pour  pouvoir  l'aire  cette  lettre,  demeurant, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  dernier  febvrier  i()33. 

[Z)e  la  main  de  Peiresc]  Doni  Polycarpe^  me  demande  une  louppe 
pour  l'ayder  .à  deschiffrer  les  mots  plus  effacez  du  Ms.  D'aullres  m'en 
demandent  aussy  à  l'envie  de  la  mienne;  il  fault  voir  de  m'en  envoyer 
une  demi-douzaine. 

[^Mire  posl-Hcriplum  autographe  au  dos  de  la  leltre.\  J'escripvis  l'aultre 
jour  à  M""  le  Nonce  soubs  l'enveloppe  du  s''  Sesty  de  Lyon  qui  in'avoit 
envoyé  une  sienne  lettre.  M''  Galifet'-^  vient  de  m'en  envoyer  une  qu'il 
luy  escript,  laquelle  j'eusse  bien  voulu  accompagner  d'une  des  miennes, 
mais  il  est  impossible,  l'ordinaire  estant  desja  à  cheval  pour  partir  d'icy. 
Vous  la  luy  pourrez  porter  et  lui  en  faire  mes  excuses'. 


'  Dom  Polycarpe  de  la  Rivière,  visiteur  des  Lettres  de    Peiresc   aux  frères    Dupiii 

des  Charlreux  en  Provence,  a  été  mentionné  (t.  I ,  p.  6a a  ). 

dans  le  recueil  des  Lettres  de  Peiresc  aux  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français , 

frères  Dupmj  (  t.  H ,  |>.  i  7  a  ).  nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  iS  1 1 .  Ori- 

'  Sur  Alexandre  de  Galliffet,  président  ginal.  —  Copie  à  la  Méjanes,  collection  Pei- 

au  parlement  de  Provence,  voir  le  recueil  resc,  registre  V,  fol.  64i. 


132  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

LIX 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 

Nous  n'avons  point  encores  veu  coniparoisfre  le  s''  Mayne  qui  sera 
sans  double  venu  en  poste  sur  des  bœufz',  mais  pourveu  que  ce  dont 
il  s'est  chargé  puisse  arriver  bien  conditionné  il  n'y  aura  pas  grande  perte 
à  regretter  pour  un  peu  de  temps.  Je  suis  bien  ayse  qu'ayez  rendu  les 
lettres  à  Mons''  de  Royssy  et  d'Avaulx  et  qu'ilz  se  soient  contentez  de  la 
coppie,  mais  vous  avez  oublié  de  me  dire  si  vous  l'avez  point  mons- 
trée  à  Mess"  du  Puy,  avant  que  la  rendre  à  son  adresse ,  car  il  y  avoit 
un  peu  trop  de  confusion  dans  l'original,  pour  le  faire  passer  entre  les 
mains  de  telles  genlz.  Je  suis  bien  ayse  que  vous  ayez  recouvré  le  vase 
et  l'escriptoire"^  de  M"^  Gault,  et  le  seray  bien  davantage,  si  nos  gentz 
de  Cuistres  se  mettent  à  la  raison  en  vostre  endroict,  ce  que  je  ne  croi- 
ray  pas  que  je  ne  le  voye. 

Quant  au  billet  de  M""  d'Agut',  c'est  la  vérité  qu'ayant  appris  que 
Rayolle  son  respondant  parloit  de  revenir  en  Provence,  je  le  feis  prier 
de  se  charger  qu'il  prinsse  de  vous  ce  qui  se  trouveroit  avoir  pour  nioy  ; 
mais  parceque  c'est  par  les  rouilliers,  cela  sera  bien  longtenq)s  en  che- 
min, c'est  pourquoi  cela  ne  peut  estre  bon,  que  pour  quelque  livre  de 
trop  gros  volume,  auquel  cas  il  ne  faudroit  pas  faire  dilliculté  de  le 
remettre  à  Rayolle  pour  me  l'envoyer,  soubz  l'adresse  de  M'  d'Agut; 
mais  pour  cez  petitz  volumes  des  Hepub[liques]*  et  quelques  aultres 
pièces  que  j'avois  le  plus  recommandées,  je  serois  bien  ayse  de  les  voir 
un  peu  plus  tost  s'il  est  possible  par  quelque  amy,  ou  bien  soubz  l'ad- 

'  Peiresc  se  console  par  une  bonne  plai-  ami  de  Peiresc,  voir  les  Lettres  aux  frères 

santerie  du  retard  impose  à  sa  curiosité  par  Dupuy  (jmsstm),  les  Petit*  Mémoires  de  noire 

la  lenteur  du  commissionnaire.  auteur  (p.  1 1),  etc. 

'  L'écritoire  orientale  dont  il  a  été  qiies-  '  La  fameuse  collection  elzëvirienne  sou- 
tien déjà.  vent  mentionnée  dans  le  i-ecueil  Peire^c- 

'  Sur   Honoré  d'Agut,  ce  confrère   et  Dupuy. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIiX.  133 

dresse  de  M""  de  Roissy  de  Lyon.  M''du  Puy  m'a  escript  qu'il  avoit  donné 
à  une  sienne  parente  l'un  des  chatz  qu'il  avoit  eu  de  vous,  dont  je  ne 
vous  eusse  pas  moins  creu  que  luy,  si  vous  eussiez  pris  la  peine  de  me 
le  mander.  J'estois  desja  en  soucy  de  luy  en  envoyer  un  aultre,  pour  le 
subroger  à  la  place  de  celluy  que  je  pensois  mort  ou  perdu.  11  me  plaist 
bien  que  le  soupçon  n'aye  pas  esté  véritable,  et  me  plairoit  bien  davan- 
tage d'avoir  aultant  de  moyen  de  faire  pour  vous  comme  je  suis  de 
bon  cœur, 
Monsieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  6"  mars  i633  '. 

[De  la  main  de  Peiresc]  Le  8°*'^  au  malin  le  s'  Mayne  n'estoit  pas 
encor  arrivé.  Et  possible  est-il  encor  à  Paris. 


LX 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  pensoys  vous  cscrire  bien  à  mon  aise  à  ce  soir,  mais  on  m'est 
venu  assassiner  tout  le  jour,  et  jusques  à  dix  lieures  du  soir,  sans  me 
laisser  soupper,  de  sorte  qu'il  fault  que  je  remette  à  un  prochain  ordi- 
naire ce  que  je  vous  pensois  escrire  et  principalement  les  lettres  que 
je  pensois  faire  pour  M^''  le  Garde  des  seaux  d'Autry  -,  et  pour  M"'  de 
Bonne  son  secrétaire,  vostre  bon  amy'.  Cependant  vous  aurez  les  lettres 

'  Bibliothèque  nationale ,  fonds  fiançais ,  correspondants  de  Peiresc.  Je  publierai ,  dans 

nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  59  2.  Ori-  la  3'  si'rie  de  ce  recueil  {Lellres  à  divers, 

ginal.  I.  Vil  )  deux  lettres  adressiies  par  Peiresc  h  ce 

*  Pierre  Séguier  était  seigneur  d'Autry  personnage,  le  28  mars  1 633  et  le  3  octobre 

et  fut  longtemps  désigné  sous  ce  nom  de  tC3/l,  pour  lui  recommander  et  le  prier  de 

terre.  recommander  à  son  maître  l'érudit  nîmois 

'  M.  de  Bonne  ou  de  Beaune  fut  un  des  Samuel  Pelil. 


134  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

que  j'avois  faictes  hier  et  ce  matin  pour  Mess"  Savot,  de  Valloys  et 
Tristan,  à  qui  je  vous  supplie  de  les  aller  rendre  vous  mesmes,  si 
vous  pouvez,  après  les  avoir  leiies  et  refermées,  afin  qu'elles  vous 
servent  d'instruction  de  ce  que  vous  pourrez  leur  dire  de  ma  part,  et 
l'emarquer  en  leur  responcc  à  peu  prez. 

Les'Mayne  m'a  l'aict  rendre  lout  ce  dont  vous  l'aviez  chargé  fort  bien 
conditionné,  et  j'ay  trouvé  la  placque  de  cuyvre  escripte  de  M' de  Roissy, 
plus  belle  que  l'imagination  ne  m'en  esloit  demeurée;  je  l'en  remer- 
ciray  comme  je  doibs  à  la  première  commodité.  Mais  pour  le  fragment 
du  lamperon,  il  ne  me  souvient  pas  bien  si  vous  ne  me  l'avez  mandé 
que  pour  le  voir  et  le  renvoyer  ou  bien  si  c'est  en  don  et  sans  retour 
qu'on  me  l'envoyé,  n'ayant  peu  retrouver  la  lettre  d'advis  que  vous  m'en 
aviez  faict.  La  main  moullée  est  fort  nette  et  je  ne  doubte  point  que  le 
s'  Flesche  qui  l'a  faiclc  et  le  s'  Bay,  puisqu'il  est  encore  vivant,  ne 
puissent  mouller  le  vase  d'agathe  de  M'  de  Sourdy  si  délicatement  qu'il 
ne  courra  fortune  quelconque,  encores  qu'il  soit  feslé,  ou  rompu.  Car 
la  pierre  est  fort  dure  de  son  naturel,  et  ce  qui  est  recollé  se  peult  re- 
coller avec  la  mesme  facilité,  quand  il  se  seroit  descollé.  Puisque  vous 
l'avez  en  main  il  en  fault  prendre  une  empreinte  en  toute  façon.  IN'y 
ayant  poinct  de  dessein  qui  soit  cappable  de  faire  voir  ce  qu'il  y  fault 
chercher  pour  ma  curiosité,  et  pour  en  pouvoir  dire  ce  qu'il  faull. 

J'ay  trouvé  les  desseins  que  M'  Rabel  a  faictz  de  l'escuellon  d'ar- 
gent fort  beaux.  Mais  il  y  a  bien  des  choses  à  dire  pourtant,  que  je 
n'auroys  pas  sceu  comprendre,  et  dont  je  ne  me  seroys  pas  prévalu, 
comme  je  puis  faire  avec  le  secours  des  empreintes  sur  lesquelles  M""  Fre- 
deau  m'a  faict  un  dessein  fort  rare,  lequel  neantmoings  estoit  imparfaict 
de  cez  greneteures  que  M"^  Rabel  a  cottées,  lesquelles  je  feray  adjoustcr 
à  celuy  de  M"  Fredeau.  Je  ne  laisray  pas  d'escrire  à  M'  Rabel  pour  l'en 
remercier;  si  ce  ne  peult  estre  à  ce  coup,  ce  sera  par  le  prochain  Dieu 
aydant  et  pour  le  disposer  à  se  laisser  payer. 

11  m'avoit  aultres  foys  coppié  tout  un  fort  gros  livre  in  fol.  de  des- 
seins d'antiquailles  pour  une  cinquantaine  d'escus.  Et  ne  se  faisoit  pas 
payer  avec  rançonnement  comme  d'aultres.  11  m'a  coppié  un  aullre  libvre 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  135 

d'armoiries  d'Allemagne  fort  anciennes  et  une  grande  partie  des  figures 
d'une  vieille  Bible  à  prix  fort  raisonable. 

En  ce  dessein  des  Thermes  Automnes  je  n'ay  pas  bien  sceu  reco- 
gnoistro  où  se  rapporloit  le  demy  rond  qui  est  en  demy  feuille  séparée. 
11  le  fauldra  apprendre  sur  l'original  du  livre.  Si  M"'  Savot  ne  tenoit  pas 
trop  clicres  cez  pièces  de  mineraulx  dont  il  me  faict  leste,  je  les  achep- 
teroys  volontiers,  principalement  ce  morceau  d'argent  en  forme  d'arbre 
et  ce  morceau  d'or  de  paiilole,  mais  .s'il  en  faict  le  renchery  il  se  faul- 
dra contenter  de  la  veixe  s'il  y  consent  ou  s'en  passer  tout  à  faict.  Si 
M''  Tristan,  qui  souloit  avoir  un  beau  cabinet',  avoit  encores  quelque 
chose,  il  vous  communiqueroit  volontiers,  je  m'asseure,  tout  ce  que 
vous  y  recoguoistriez  de  mon  goust,  sur  quoy  je  finis  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  irez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
Ce  i4  mars  j633,  fort  tard. 

J'ay  depuis  escript  à  M'"  le  G[arde]  des  seaux  et  à  M""  de  Bonne. 
Vous  cachetterez  mes  lettres  si  je  ne  le  puis  faire  ^. 


LXI 
MÊME   ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  xi''  avec  l'empreinte  du  vase  de  M""  le 
marquis  de  Sourdys,  que  j'ay  trouvée  fort  bien  faicte,  aussy  bien 

'  Voir  sur  le  cabinet  de  Jean  Tristan  de  monnaies  grecques  et  des  pierres  qu'il  a 

Saint-Amant   le   Dictionnaire   des  amateurs  remar([uées  dans  ce  musée.  i 
français  du  rvii'  siècle  où  M.  Ed.  Bonnaffé  ''  liibliothèciue  nationale,  fonds  français, 

ileclare ,  avec  l'abbd  de  Marolles  (  Mémoires ,  nouvelles  accjuisilions ,  5 1  7 1 ,  fol.  5  1 3.  Aulo- 

t.  III,  p.  a  16),  que   «t'était  un  des  plus  graphe.  —  Copie  à  la  Méjanes,  collection 

riches  que  l'ou  ait  vus  jusqu'alors»  et  où  il  Peiresc,  registre  V,  fol.  654. 
rappelle  que  Peiresc   «  donne  la  liste  des 


136  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

que  les  desseins  de  M'  Rabel,  dont  je  suis  demeuré  fort  bien  satisfaict, 
mais  je  regrette  fort  la  perte  du  morceau  de  cet  endroict  que  l'on  a 
remplacé  avec  de  l'or  esmaillé  de  vert;  j'ay  prins  grand  plaisir  de  voir 
le  résultat  du  mesurage  que  vous  en  avez  faicl  que  j'ay  trouvé  fort 
exacte  et  digne  de  vostre  humeur  punctuelle  aussy  bien  que  la  mienne, 
et  sy  le  vase  ne  contient  pas  davantage  que  ce  que  vous  dictes,  et  que 
j'ay  trouvé  dans  vostre  modèle  de  fer  blanc,  je  m'en  sçauray  bien  pré- 
valoir, car  cela  respond  à  une  mezure  que  les  anciens  nommoient 
Goncha  Veneris,  dont  le  seul  nom  vous  fera  bien  juger  la  relation  qu'il 
a  avec  les  principallesfigures  gravées  sur  ledict  vase,  dont  je  ne  désire 
pas  pourtant  que  vous  vous  laissiez  entendre  à  personne,  car  il  me 
reste  encores  un  grandissime  scrupule  de  la  vraye  contenance  que  peut 
avoir  eu  anciennement  ce  beau  vase,  car  je  le  trouve  merveilleusement 
gros  et  massif  pour  une  si  petite  contenance  et  ne  me  puis  quasi  per- 
suader qu'il  n'y  aye  quelque  équivoque  proveniie  vraysemblablement 
de  la  nécessité  qu'aura  eu  l'orpbevre  qui  en  a  rassemblé  les  fragmenlz 
d'y  mettre  par  dedans  quelque  plaque ,  et  possible  du  ciment  ou  autre 
matière  propre  à  tenir  en  debvoir  et  en  assemblage  immobile  les  mor- 
ceaux despecez  et  capables  neantmoins  d'occupper  une  partie  du  vuide 
de  sa  contenance,  qui  pourroit  bien  avoir  diminué  la  vraye  et  légitime 
mesure  primitive;  c'est  pourquoy  j'eusse  bien  souhaitté  que  vous  eussiez 
peu  faire  desmonter  l'or,  pour  m'en  pouvoir  donner  un  esclaircisse- 
ment  certain,  et  vouldrois  bien  avoir  esté  esclaircy  par  niesme  moyen 
sy  le  vase  n'a  jamais  esté  percé  par  le  fondz  aussy  bien  que  par  le  des- 
sus, ce  qui  se  pourroit  recongnoistre  en  desmontant  le  pied,  ou  bien  en 
mettant  par  son  orifice  quelque  bien  meniie  bougie,  qui  fusse  capable 
de  faire  discerner  si  le  fin  fondz  du  vase  est  de  la  pierre  mesmes,  ou 
bien  de  quelque  métail,  car  je  crains  fort  que  ceste  pièce  n'ayt  esté 
faicte  pour  aultre  chose  que  pour  un  vase,  auquel  cas  elle  auroit  deub 
estre  percée  par  dessoubz  aussy  bien  que  par  dessus,  et  je  ne  l'en  esti- 
raerois  pas  guieres  moins  principalement  si  le  Irou  du  fondz  estoit  aussy 
grand  que  celluy  du  dessus,  et  en  ce  cas  tout  ce  creux  seroit  possible 
laict  en  forme  de  tuyau  ou  plustost  du  ventre  d'un  vase  dont  vous  pour- 


[1633]  À  D.  GUILLEMFN.  -         137 

rez  vous  esclaircir  avec  quelque  petite  bougie  laide  expiez  ou  bien  avec 
quelque  morceau  de  ce  bois  pourry  ({ui  esciaire  comme  des  vers  luy- 
santz,  que  l'on  pouiToit  mettre  dedans  ])lus  impunément  qu'une  bougie 
allumée.  M"'  du  Moustier'  en  aura  vraysemblablement  quelque  mor- 
ceau propre  à  cet  usaige,  et  à  laulte  d'aultre  chose  on  y  pourroit 
pendre  avec  un  fillet  quelque  morceau  de  poisson  qui  ne  fusse  point 
trop  fraiz  et  principalement  de  la  chair  d'escrevisse  de  mer  s'il  s'en 
trouve,  lesquelz  l'ont  (juasi  le  mesme  eiïect  que  les  vers  luysantz, 
mais  s'il  estoit  permis  de  desmonter  l'or  du  pied  de  ce  vase,  on  en 
pourroit  bien  parler  plus  asseurement  et  par  consequant  plus  perti- 
nemment. Et  si  la  pièce  estoit  à  ma  disposition  je  la  lerois  incontinent 
desmonter  tout  à  l'aict  pour  la  faire  remonter  à  l'antique  selon  les  pro- 
portions et  façons  qu'ils  y  [soujloient  observer  et  qui  seroient  plus 
propres  et  plus  convenables  à  la  forme  de  ce  vase;  voire  si  M"'  le 
marquis  de  Sourdis  faisoit  son  voyage  de  Provence  et  qu'il  le  voulusse 
apporter  dans  ses  coffres  et  me  laisser  faire,  je  le  luy  ferois  remonter 
comme  il  fault,  et  trouverois  possible  le  moyen  de  faire  reparer  la 
plaque  d'or  (([ui  occuppe  une  place  dont  le  morceau  est  perdu)  en  sorte 
que  je  ferois  continuer  non  seulement  les  pieds  des  figures  mutilées 
et  stropiées,  mais  le  reste  des  vases  et  aultres  choses  que  le  premier 
graveur  y  pouvoit  avoir  représentées,  et  qui  pouvoient  escheoir  au 
subject  et  estre  des  appartenances  de  l'histoire  ou  de  la  fable  qu'on 
y  avoit  voulu  graver,  et  si  ce  vase  estoit  en  main  d'aultre  personne, 
sur  laquelle  j'eusse  assez  de  credict  pour  cela,  je  la  ferois  prier  de  me 
l'envoyer  et  me  le  conher  pour  quelque  temps,  afin  de  me  pouvoir 
exercer  à  le  faire  reparer  comme  il  mérite,  et  selon  qu'il  me  seroit  pos- 
sible. Que  si  vous  pouvez  le  tenir  encores  une  foys,  je  ne  pense  nulle- 
ment qu'il  y  eusse  du  danger  quand  vous  en  feriez  prendre  un  creux 
de  piastre  qui  se  despouille  fort  facilement,  quand  on  a  remply  avec 
de  l'argille  ce  qui  pouvoit  estre  creusé  soubz  esquierre,  principalement 
quand  on  a  l'intention  de  oindre  le  corps  du  vase,  ou  aultre  ligure  que 

Le  peintre  Daniel  du  Moustier  est  plusieurs  fois  mentionné  dans  chacun  des  trois  vo- 
lumes du  recueil  Peiresc-Dupuy. 

'•  18 

IMPKiatMB    lAXIORALE. 


\HS  LKTTRES  DK  PfilHESC  [\bn\ 

l'on  veiiit  itiouller,  non  pas  avec  de  l'hiiyle  toute  simple,  comme  l'on 
l'aicL  communément,  mais  avec  du  savon  destrem])é  dans  de  l'eau  ([iii 
rend  l'emprainle  de  piastre  de  si  facile  despouille  et  si  nette  qu'elle 
desrobe  le  lustre  mesnie  de  l'original  quasi  aussy  bien  que  le  souffre. 
Voslre  M''  Flesche  pourroit  fort  bien  faire  cela,  s'il  vouloit,  car  je  pense 
avoir  recongneu  au  lustre  de  la  main  moullée  que  vous  m'avez  envoyée, 
qu'il  y  a  employé  le  mesme  du  savon.  Toulesfois  si  vous  jugiez  qu'il  y 
eusse  trop  de  façon  à  entreprendre  une  empreinte  entière,  je  me  con- 
lentinois  d'en  avoir  de  particulières  des  principales  ligures  qui  seroient 
fort  faciles  à  prendre  à  pai-t.  Par  exemple  je  serois  bien  ayse  d'avoir 
ce  satyre  bien  nettement  représenté  soit  en  piastre  ou  en  souffre  pour 
mieux  recognoistre  la  forme  de  ce  qu'il  embrasse  si  c'est  un  sac  de 
cuir  de  bouc(|  ou  aullre  chose,  car  je  ne  l'ay  pas  sceu  bienrecongnoislre 
dans  les  desseins  et  modèles  que  vous  m'avez  envoyez. 

Je  voudrois  hien  aussy  une  empreinte  exacte  de  ceste  figure  assize 
qui  est  en  verre  du  Centaure  pour  voir  ce  (pi'elle  tient  en  ses  mains  un 
peu  plus  distinctement  que  je  ne  l'ay  peu  recongnoistre  dans  voz  des- 
seins et  modèles,  non  plus  que  l'habillement  de  l'anltre  ligure  (|ui  lu\ 
met  des  grappes  de  raisins  aux  piedz.  Je  nay  pas  aussy  bien  peu  re- 
congnoistre ce  que  tient  aux  mains  la  ligure  de  femme  qui  tourne  le 
dos  au  satyre,  mais  j'appréhende  hien  que  cez  Messine  prennent  h  trop 
d'importunité  mes  demandes  trop  curieuses,  dont  je  vous  supplie  de 
leur  faire  mes  excuses,  ayant  esté  bien  ayse  de  voir  de  l'ouvraige  du 
hère  de  M''  Suchet,  et  d'entendre  qu'il  soit  demeuré  si  satisfaict  de  cet 
employ  dont  je  me  tiens  son  obligé.  En  revanche  de  quoy  vous  luy 
pourez  dire  puisqu'il  monstre  le  désirer  que  la  pouidre  blanche  du 
s'  Sergent  ne  nous  est  poinct  incongneiie,  et  qu'il  la  sçaura  quand  il 
vouldra,  n'estant  que  de  l'alabastre  calànéet  incorporé  avec  du  sel  tout  simple  ', 
et  d'aultres  choses  encores  meilleures.  Le  pacquet  de  vostre  boitte  estoit 
un  peu  pezant,  mais  une  pistolle  en  a  faict  la  raison,  et  je  serois  bien 
marry  de  ne  l'avoir  employée  à  cet  usaige  là,  puisqu'elle  m'a  donné  le 

Les  mois  soulignas  ont  été  ajoutés  de  la  iriaiii  dp  feii-esc  ù  ta  marge  (fol.  aïO). 


|I(;;î3|  ;>-\  D.  (MJILLEMIN.  139 

moyen  de  vous  »mi  l'aire  plustosl  la  réplique  par  la  présente  lettre  de 
crainte  que  M'  le  Marquis'  ne  s'esloijjne  de  Paris.  Vous  avez  Tort  bien 
faict  de  vous  resouldr*?  à  m'envoyer  les  livres  dont  j'estois  en  peine  et 
je  seray  infiniment  ayse  d'avoir  par  niesme  moyen  ce  qui  se  trouvera 
de  transcript  des  Mss.  grecz  de  la  bibliothèque  du  Roy.  J'oubliois  de 
vous  dire  qu'à  la  bonne  heure  vous  vous  advisastes  de  mettre  deux 
boittes  l'une  dans  l'aultre,  car  elles  n'ont  pas  laissé  d'arriver  fracassées, 
mais  vous  les  aviez  si  bien  {jarrottées,  que  les  pièces  de  l'une  n'ont  pas 
laissé  de  tenir  en  debvoir  les  pièces  de  l'aultre,  en  sorte  que  quand  je 
les  receus,  il  sembloit  que  le  tout  lust  grandement  entier  et  conservé, 
mais  quand  j'euz  coup])é  les  fisselles,  elles  tombèrent  toutes  en  pièces, 
et  n'y  eut  aultre  inconvénient  si  ce  n'est  que  le  petit  modèle  de  fer 
blanc  fut  un  peu  escaché',  mais  il  a  esté  bienlost  redressé  Dieu  mercy, 
et  sur  ce  je  fmiray  demeurant , 
Monsieur  le  Prieur, 

voslre  trez  all'ectionné  serviteur  et  meilleur  aniy, 

DE    PeIRESC. 
A  Aix,  co  i!i  mars  i63.3. 

Je  voudrois  bien  qu'avant  que  rendre  ce  beau  vase  d'agatbe  vous  l'eus- 
siez faict  voir  non  seulement  à  Mons''  de  Hoissy,  mais  aussy  à  Mons""  Hi- 
gault  et  à  Mess"  du  Puy,  pour  leur  faire  mieux  comprendre  ce  que  je 
pourrois  leur  en  escripre  quelque  jour. 

Je  viens  d'apprendre  l'assassinat  déplorable  arrivé  au  Bourg  la  Reyne 
arrivé  (stV)  en  la  personne  du  pauvre  M'' Armand  de  Marseille'  pour  qui 
j'cscriplz  à  Mons""  Autin  conseiller  au  Chastelet,  beau-frere  de  M''  Ri- 
gault,  à  (|ui  je  vous  prie  d'aller  faire  porter  ma  lettre  par  le  jeune 
frère  dudict  s""  Armand  du([uel  vous  apj)rendrèz  des  nouvelles  chez  le 
s'  Juste,  à  qui  addresse  sa  lettre;  son  frère  aisné.  Je  vous  supplie  d'em- 
ployer voz  amys  et  les  miens,  pour  ayder  co  jeune  garçon  à  tirer  i-ai- 

'   Ln  iiiai-([uis  tin  Soiii'ilis  iléjà  (jlusioiirs  '  \  oir  au  sujet  île  celle  aiTaire  li>  recueil 

lois  iioiiHné.  (les  Lettres    de    Peiresc  nu.c  frères   Dupwj 

■'  D('|)iiiiit'',  aplati.  (I.  Il,  p.  h-jk). 

18. 


1/jO  LKTTRES  DK  PEIRESG  [IG33] 

son  d'un  si  mauvais  tour  que  l'on  a  faict  à  son  pauvre  Irere.  Je  pense 
que  M'  Lhuillier  soit  parent  du  Lieutenant  criminel'  et  qu'il  s'eni- 
ployera  volontiers  auprez  de  luy  pour  l'amour  de  moy  si  vous  l'en  priez 
de  ma  part^. 


lAll 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Vous  verrez  par  les  lettres  que  j'escripts  non  seulement  i\  V^de  Sour- 
dys,  mais  aussi  à  Madame  la  Marquize  et  encores  à  Madame  la  Ma- 
reschalle  de  Roquelaure^  sur  le  subject  du  nouveau  vase  d'agallie  dont 
on  vous  a  faict  espérer  la  communication  comment  vous  m'avez  prinz 
par  le  nez  ainsin  que  la  honiie  moustarde*,  car  si  cez  deux  vases  se 
irouvoient  pareils  ou  relatifs  de  l'un  à  l'aultre,  comme  il  ne  seroit  pas 
impossible,  et  comme  il  m'est  advenu  en  aultres  choses  de  telle  nature 
à  peu  prez,  je  n'auray  poinct  à  marcher  à  tastons  pour  les  deschiffrer 
l'un  et  l'aultre  et  l'un  par  l'aultre.  Mais  si  vous  n'en  pouviez  avoi^ 
d'empreinte  je  seroys  bien  mortifié.  Car  sans  l'empreinte  que  j'ay  eu  de 
celuy  de  M'  de  Sourdys,  je  n'en  auroys  sçeu  dire  rien  qui  vaille,  sur 
les  simples  desseins  qui  sont  assez  nettement  faiclz  par  le  bon  homme 
M'Rabel,  mais  soit  que  la  veue  ne  luy  serve  plus,  ou  que  le  chagrin 
de  ses  maulx  divertisse  son  attention  et  l'obeyssance  de  sa  main  à  ce 


'  Fr.  Luillier  était ,  comme  nous  l'avons 
déjà  vu  (tome  IV,  Lettres  de  Gassendi),  le 
beau-frère  du  lieutenant  civil , .  Michel  Mo- 
reau,  lequel  avait  épousé  Isabelle  Luillier. 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions ,  .5 1 7 1 ,  fol.  5 1 .5.  Auto- 
graphe. —  Copie  à  la  Méjanes,  collection 
Peiresc,  registre  V,  fol.  658. 

La  seconde  femme  du  mai-échal  était 
Suzanne  de  Bassapat,  fille  du  baron  de  Por- 


deac,  gouverneur  de  Verdun.  Hoquelaurc 
l'épousa  en  1611  étant  veuf  de  Catherine 
d'Ornezan,  épousée  en  i58i,  alors  veuve 
du  baron  de  Hoquebrun. 

'  Sur  cette  expression ,  que  Peiresc  aimait 
à  employer,  voir  à  la  Hn  du  tome  III  du 
recueil  de  ses  Lettres  aux  frères  Diipiiy,  la 
Table  alphabétique  de»  mots  et  locutions  dignes 
de  remarque,  ]>.  762. 


[1633]  À  1).  GUILLEMIW  141 

qu'il  vouldroit  l'aire,  il  a  faict  des  choses  qui  ne  sont  nullemeul  compa- 
tibles à  ce  que  l'empreinte  nous  a  faict  paroistre,  particulièrement  et» 
la  figure  de  l'x'Vdonis  prétendu,  où  il  a  faict  un  chien  à  un  lieu  où 
l'espaule  et  le  consde  sont  irez  nettement  appai-ants,  avec  un  peu  de 
drapperie  au  bout  de  l'espaulle  derrière  laquelle  il  se  void  je  ne  sçay 
quoy  qui  tient  aiilcunement  de  la  teste  d'un  animal ,  mais  si  c'en  est  un, 
c'est  d'une  panthère  pluslost  que  d'un  chien,  car  il  n'a  pas  d'oreilles  et 
a  la  gueulle  fort  large.  Et  le  vase  qui  est  par  dessoubz  cette  (igure 
monstre  bien  que  la  panthère  y  seroil  plus  convenable  qu'un  cliieu. 
Le  pix  est  qu'il  a  faict  la  figure  de  ce  prétendu  Adonis  d'une  posture 
quasi  toute  droicte  au  lieu  qu'elle  est  quasi  toute  gisante,  et  d'un  [sic] 
excellante  manière  comme  la  Venus,  laquelle  neantmoings  il  a  dessei- 
gnée  en  posteure  fort  constraincte  et  incompatible  aux  elVetz  de  nature 
et  de  laportraicture,  aussy  bien  qu'au  relief  de  l'agathe.  L'aullre  figure 
gisante  qu'il  a  faicte  comme  un  Bacchus  enfant  n'y  est  j)as  bien  com- 
patible, et  sur  l'empreinte  paroit  un  homme  faict  et  bien  aliong»;  et 
allaisé,  quoy  qu'en  perspective.  Tellement  que  je  suis  apprez  d'en 
faire  faire  un  dessein  bien  correct  de  la  main  de  M'  Fredeau  sur  l'em- 
preinte, à  quoy  neantmoings  le  dessein  de  M''  Rabel  ne  laisra  pas  de 
nous  servir  beaucoup  tant  pour  les  couleurs  de  la  pierre,  que  |)our  des 
endroicis  où  l'empreinte  n'a  pas  peu  venir  assez  nette.  M''  Fredeau  y 
donne  encores  un  relief  nompareil  non  seulement  pour  chascune  figure 
cl  part,  mais  aussy  pour  le  corps  du  vase  et  assemblage  de  toutes  réci- 
proquement et  ensemblement.  En  somme  il  fault  que  vous  desployiez 
toute  vostre  rhétorique  pour  obtenir  de  cez  dames  que  j'aye  ce  qu'il 
me  fault  de  cet  aultre  vase,  avec  quoy  j'auray  des  assortimentz  nom- 
pareils,  et  si  vous  pouviez  avoir  l'empreinte  de  ce  larnioir  du  s'  de 
Saint  Julian  je  vous  laisroys  aller  bien  en  paix  à  Bordeaux,  car  pour 
Saint  Denys  je  croys  que  vous  en  pourrez  sortir  plus  facilement  que 
vous  ne  pensiez,  si  vous  y  employez  M"'  Flesche  ou  M'' Le  Bay,  n'y  ayant 
pas  de  grand  travail  à  faire  pour  M'  Babel,  puisque  la  plus  part  des 
vases  sont  sans  figures,  et  touts  simples,  ou  avec  des  goderons,  car 
pour  le  gros  vase  d'agathe  M''  Babel  me  l'a  aullres  foys  desseigné  pos- 


U2  '  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

sible  mieux  qu'il  ne  sçauroit  l'aire  à  cette  heure.  La  question  irest  prin- 
cipalement que  de  prendre  un  peu  de  dessein  de  la  forme  des  vases, 
avec  les  couleurs  de  la  pierre  au  mieux  que  vous  pourrez.  Voyant  bien 
que  de  vous  charf^er  meshuy  d'un  tableau  à  liuille  comme  je  l'avoys 
pensé,  cela  vous  retiendroit  Irop  et  n'en  vauldroit  peult  eslre  pas  la 
peine.  Mais  en  toute  façon  il  fault  avoir  une  en)preinte  exacte  du  creux 
de  cep'randvase  d'ajjalliesur  laquelle  j'en  veux  faire  mouHer  un  modellc 
soit  de  piastre  ou  de  melail,  qui  soit  réglé,  s'il  est  possible,  pour  sa  juste 
contenance  avec  l'original  d'agatlie  de  Saint  Denys,  par  le  dehors  du- 
quel modelle  je  feray  peindre  les  arbres  et  ligures  qui  sont  en  riîlief 
sur  l'original  et  les  feray  portraire  sur  le  dessein  que  j'en  ay. 

Pour  M' des  Nœuds  je  n'en  faictz  ])lus  gueres  de  capital  sur  la  descrip- 
tion que  vous  me  faictes  de  sa  boitte  de  cuivre  avec  toutz  ces  fillels  d'or 
et  d'argent;  toutesfoys  si  le  cuy\re  n  est  pas  descouvert,  ains  s'il  a  du 
vernix  antique,  je  ne  laisray  j)as  d'en  faire  grand  cas,  principalement 
si  la  contenance  respondoit  au  double  du  vase  de  M""  de  Roissy  bien 
juste,  ou  i\  deux  de  voz  escuellons  plus  gros,  par  dessus  la  mesure, 
aussy  bien  justement,  car  j'ay  veu  de  l'ouvraige  bien  antique  fillette 
d'or  et  d'argent  quasi  comme  vous  dictes,  pourveu  qu'il  n'y  paroisse 
des  lettres  arabesques  parmy  il  y  auroit  encores  moyen  de  se  consoler. 
Mais  s'il  y  avoit  moyen  de  voir  les  vases  du  s'  Ferrier  avant  qu'attendre 
qu'il  ayt  rangé  son  cabinet',  je  le  vouidroys  bien,  car  cez  rangemenfz 
vont  à  des  eternitez  à  des  persones  allairées,  comme  luy  et  connue  moy. 
11  fauldra  plustost  parler  de  vostre  parlement,  mais  il  fault  pourtant 
attendre  l'issue  de  l'affaire  de  Mad'^  de  Roquelaure  de  peur  que  cette 
appréhension  ne  donnast  subject  de  diminuer  la  confiance  qu'elle  pour- 
roit  prendre  en  vous,  en  vous  laissant  son  vase  avec  moings  de  regret 
que  si  elle  entendoit  que  vous  minutassiez  un  despart,  tlt  cerlaineriient 

lis'agritlà  du  cabinet  de  Jér^mie  Fer-  aux  niaius  de  son  (ils,  ollicier  d'arlilleiie. 
rier,  le  ministre  protestant  meulionné  dans  qui  le  laissa  à  sa  sœur,  fenune  du  lieutenant 
le  recueil  Peiiesc-Duj)uy  (t.  1,  p.  73).  A  la  criminel  Tardieu.  Voir  le  Dictionnaire  tles 
mort  de  Jéréniie  (a6  septembre  i(J-iG),  son  amateum  françak  du  xiii' siècle  |)ar  M.  Bon- 
cabinet,  riche  surtout  en  médailles,  passa  nass»!,  p.  io5-io6. 


[1633]  A  D.  GUILLEMIN.  1/43 

si  vous  pouviez  vous  destrapper  de  cez  deux  ou  troys  commissions,  ies 
affaires  de  Bordeaux  requerroient  fort  vostre  présence  à  ce  que  mon 
Irere  me  vient  de  dire.  Surtout  ne  laissez  pas  eschapper  la  chasse  de 
ce  dernier  vase  d'agathe  s'il  est  possible,  et  d'y  observer  curieusement 
le  dedans,  et  s'il  a  esté  percé  on  non  par  dessous  pour  ne  nous  trou- 
ver en  la  peine  d'y  retoucher  une  seconde  foys  comme  en  celuy  de 
M''  de  Sourdys. 

Si  feu  M''  le  niareschal  de  Roquelaiire  vivoit',  il  auroit  esté  bien 
aise  de  m'obliger  en  cette  occasion  de  tout  ce  que  j'eusse  désiré  de  luy. 
Je  suis  bien  aise  du  voyage  de  M'  de  Thon  en  Bourgoigne  et  me  pro- 
melz  quelque  chose  de  bon  de  ce  costé  là,  si  les  pièces  sont  en  estât. 
Dieu  aydant,  mais  je  suis  niarry  que  ne  vous  soyez  servy  de  la  coppie 
au  net  de  ma  lettre  à  M''  de  Roissy  plus  tost  que  de  l'original ,  qui 
estoit  trop  deffectueux  pour  des  gents  de  si  bon  nez'^  Vous  ne  prinstes 
pas  bien  garde  à  ce  que  je  vous  en  escripvois.  llfalloit  plustost  envoyer 
quérir  Quentin  et  la  luy  faire  transcrire.  En  un  besoing  vous  le  pour- 
riez encores  faire,  car  M''  de  Roissy  ne  feroit  pas  difficulté  de  la  vous 
prester  soubs  pi-etexte  de  la  monstrer  au  marquis  de  Sourdys  sur  le 
subject  de  son  vase  et  de  son  Europe.  Et  aprez  vous  pourrez  laisser 
cette  coppie  à  M'  du  Puy  s'il  la  veult,  et  retirer  celle  qu'il  pourroit 
avoir  faict  faire  sur  l'original.  Toutefoys  si  vous  y  trouviez  de  la  dilfi- 
culté ,  on  se  pourra  passer  de  cette  diligence.  Nous  attendrons  en  bonne 
dévotion  les  livres  et  le  bréviaire  où  je  serviray  l'amy  comme  il  fault. 
Et  demeure. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  et  allectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 

\  Aix,  ci^  a8  mars  i633. 

J'escrij)ls  à  M''  Samuel  Petit  de  Nismes  et  luy  envoyé  des  lettres 
pour  M'  Rigault,  pour  M'  de  Valloys  et  pour  M'  Le  Grand.  Mais  s'il 

'  Antoine,  liai'oti  do  RiK|iielaiuv,  étail  mort  l«>  9  juin  iCaS,  plus  qu'octogénaire. — 
'  (."est  la  traduction  de  \  ctnuiirtœ  nnrin  d'Horace. 


U4  LETTRES  DE  PEIUESC  [1633] 

n'estoit  là,  vous  pourriez  cependant  rendre  celle  de  M-^  Rigault  qui 
presse  d'ailleurs  plus  que  les  aultres.  J'escripts  aussy  à  M'  Galand  pour 
l'empreinte  de  ce  seau  de  Hugues  Capet.  M'  du  Puy  vous  présentera  à 
luy  quelque  jour  soit  chez  lui  ou  au  palais. 

Si  ne  pouviez  facilement  trouver  le  s'  Petit,  il  le  fauldroit  envoyer 
demander  à  Charenton',  un  jour  de  dimanche,  ou  chez  M"^  du  Gandal, 
intendant  des  affaires  et  deniers  de  ceux  de  la  religion,  chez  qui  il  aura 
sans  doubte  à  traicter  quelque  chose. 

Je  vous  prie  de  faire  cachetter  avec  de  la  soye  plalte  de  couleur  telle 
que  vous  trouverez  bon  les  trois  petites  lettres  tant  de  M'  et  de  M°"  de 
Sourdys  et  de  M"™,  la  mareschale  de  Roquelaure.  Si  vous  pouviez  ap- 
prendre les  couleurs  qui  leur  sont  plus  agréables,  il  n'y  auroit  pas  de 
danger  de  les  employer  par  preferance,  principalement  pour  cez 
dames;  sinon  prenez  de  l'aniaranlhe. 

J'escripts  aussy  au  frère  de  M'  de  Gastines  en  responce  d'une  sienne 
lettre;  s'il  n'estoit  là,  son  procureur  vous  donnera  les  adresses  pour  luy 
faire  tenir  ma  lettre  sur  laquelle  vous  adjousterez  les  qualitez  que  je 
ne  sçavoys  pas. 

Si  vous  pouviez  servir  M'  Petit  envei-s  M' Le  Grand  et  M'  Lhuillier- 
et  aultres  de  mes  amys,  vous  m'obligerez  fort  de  le  faire,  et  quand 
vous  diriez  à  l'oreille  à  M"^  Le  Grand  ce  que  vous  sçavez  de  la  bonne 
disposition^,  il  n'y  auroit  pas  de  danger,  et  encores  plus  à  M'  de  Bonne 
pour  le  dire  à  M^""  le  Garde  des  seaux  afin  de  le  faire  protéger,  car  il 
fauldroit  par  quelque  bonne  voye  faire  toucher  à  ce  pauvre  homme 
l'argent  qui  lui  est  deub  ou  l'équivalent  pour  accélérer  sa  retraicte  et 
favoriser  ses  louables  estudes.  Je  me  suis  dispencé  de  leur  en  escrire, 
n'ayant  encor  osé  le  faire  à  Mk'  le  Garde  des  seaux  que  je  ne  voye 
commant  il  aura  receu  les  complimentz  que  je  vous  ay  charjTé  de  luy 
porter  de  ma  part.  Mais  s'il  tesmoigne  d'agréer  la  recommandation  que 

'  GhaientonSaint-Mauriee,  près  de  Paris,  '   Allusion    à    l'inlention    que   semblait 

où  Henri  IV  avait  nutoristi  les  protestants  avoir   Samuel  Petit  de  passer  du  protes- 

(i"avril  1606)  à  transférer  leurs  assemblées  lantisme  au  catholicisme, 
religieuses  quisetenaientauparavantiiAblon. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  U5 

luy  pourra  faire  M'  de  Bonne,  je  ne  laisray  pas  de  i'en  remercier  le 
mieux  qu'ii  me  sera  possible. 

Vous  mettrez,  s'il  vous  plaict,  des  cachets  à  toutes  cez  lettres,  me 
trouvant  trop  pressé  maintenant  pour  le  fere  fere.  Aussy  bien  faut-il 
qu'il  les  voye  au  préalable.  En  un  besoing  M'"  le  Nonce  s'cmployeroit 
volontiers  pour  luy,  car  je  sçay  que  le  cardinal  Bagni  le  luy  a  recom- 
mandé et  au  prevost  d'Orange  qui  est  prez  de  luy,  mais  il  n'en  fauil 
pas  parler  sans  nécessité  et  sans  son  adveu'. 


LXIII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Vous  ne  m'avez  pas  moings  faict  de  plaisir  en  m'envoyant  toutes  cez 
pièces  du  clergé,  qu'aux  aultres  besoignes  que  vous  m'avez  faict  faire, 
car  cela  meritoit  bien  d'estre  sceu  punctuellcment  comme  vous  le  nous 
avez  faict  sçavoir  par  ce  moyen ,  dont  je  vous  remercie  de  bien  bon 
cœur,  mais  j'ay  eu  un  sensible  desplaisir  à  l'advis  de  cet  eslognement 
du  pauvre  M''  le  pr[esident]  de  M[esmes]^  que  je  plains  infiniment  et 
encores  plus  le  bon  homme  M"'  de  R[oissy]  qui  aura  peine  en  cet  aage 
de  résister  à  une  telle  douleur^.  Je  prie  à  Dieu  qu'il  le  veuille  bien 
adsister  et  fortifier  en  l'ancienne  et  naturelle  constance  et  générosité 
de  sa  maison,  attendant  un  temps  plus  propice  et  où  ses  mérites  et 
services  puissent  estre  mieux  recogneus.  Il  fault  que  je  luy  en  escrive 
et  me  trouve  bien  empesché  par  où  me  prendre,  car  j'en  suis  grande- 
ment touché  aussy  bien  que  luy.  Il  fauldra  neantmoins  s'en  acquitter  et 
le  remercier  par  mesme  moyen  de  son  lamperon  et  de  son  inscription  en 
bronze  puis  qu'il  a  voulu  que  je  les  tienne  de  sa  main.  Je  seray  trez  aysc 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  ïallemant  des  Réanx  n'a  pas  menlionnti  ce! 

noiivellesac([uisitions,5i7i,  fol.Siy.  Aulo-  incident  dans  son  liisloriclte ,  M.  d'Avaiia;  et 

graphe.  —  Copie  à  la  Méjanes,  collection  son/rère  le  prcsideiit  de  Mesme  {LlV ,[).  fiiS). 

Peiresc,  registre  V,  fol.  662.  '  JeanJacques  de  Mesmes,  seigneur  de 

'  Henri  de  Mesmes  fut  monienlanétnent  Roissy,  était  alors  Agé  de  79  ans;  il  ne  devait 

exilé  de  Paris  à  cause  de  son  indépendance.  .  mourir  que  dix  ans  plus  tard  (3o  oct.  iGia). 

V.  1() 

i^pniMLr.ie    ^■\Tîo^u^. 


146  LETTRES  DE  PEJRESG  [1633J 

de  revoir  M""  de  la  Forest  et  M'  le  prevost  Aguilleiiqui.  Et  encores 
plus  s'ils  se  peuvent  charger  de  ce  que  M'  des  Nœuds  veult  envoyer  à 
qui  il  n'y  auroit  pas  de  danger  de  dire  que  les  aullres  moindres  pièces 
pourront  s'envoyer  plus  facilement  par  toutes  voyes  que  cette  boitte, 
qu'il  seroit  bon  de  confier  à  des  persones  de  qualili'!  et  bonne  discrétion 
[plus  test]  qu'à  d'aultres.  Mais  je  ne  pense  pas  que  celte  lettre  y  puisse 
arriver  à  temps  avant  le  parlement  de  M' de  la  Forest  et  de  noz  députez. 

Je  suis  bien  marry  du  retardement  des  lettres,  mais  il  vault  mieux 
en  passer  par  là  que  de  se  laisser  rançoimer  comme  on  faict  de  deçà, 
que  tous  les  ordinaires  nous  en  avons  pour  un  escu  ou  deux.  Il  fault 
souffrir  quelque  inconveniant  et  choisir  le  moindre.  Il  ne  sera  pas  de 
besoing  de  me  r'envoyer  mes  lettres,  tandis  que  vous  croirez  qu'elles 
vous  servent  ou  puissent  donner  du  soulagement  à  vostre  mémoire  et 
à  vos  soings,  soit  à  Paris  ou  à  Bordeaux,  il  suffira  de  soigner  qu'elles 
ne  se  perdent,  au  moings  celles  qui  contiennent  des  meniniic^  (pii 
peuvent  servir  une  aultre  foys. 

Quant  au  voyage  de  Bordeaux,  il  ne  tiendra  pas  à  moy  que  vous 
ne  le  fassiez  quand  vous  vouldrez,  car  je  me  despartiray  facilement 
du  reste.  C'est  la  vérité  que  si  vous  pouviez  auparavant  sortir  de  cette 
affaire  de  Saint  Denys  et  de  celle  de  M"*  de  Koquelaure,  j'en  seroys 
grandement  aise.  Car  pour  celle  du  s'  Buon  ',  vous  la  pourriez  remettre 
à  vostre  retour  que  vous  aurez  des  fonds  en  main. 

Vostre  curé  vous  escript;  il  avoit  eu  quelque  appréhension  du  voisi- 
nage de  Puymisson,  mais  on  y  a  mis  fort  bon  ordre  Dieu  mercy  et  croid 
on  que  ce  ne  sera  rien  de  dangereux.  Sur  quoy  je  finis  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  h  avril  i633'. 

'  Quelque  afl'aire  de  comptes  de  iibi-airle.  '  Bibliollièqiie  nationale,  fonds  français, 

Voii'  dans  le  reciioil  Peiiesc-Dupuy  de  nom-  nouvelles  acquisitions ,  6171,  fol.  5 1 9.  Auto- 

breuses  mentions  du  nom  de  Nicolas  Buon  graphe.  —  Copie  à  la  MfÇjanes,   collection 

et  de  celui  de  sa  veuve.  Peiresc.  registre  V,  fol.  666. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  U7 

LXIV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  recen  vostrc  despesche  du  premier  de  ce  mois  avec  les  lettres 
de  Mess"  Marchier,  des  Nœudz,  Tristan  et  Valloys,  à  pas  un  desquelz 
je  ne  sçauroys  escripre  pour  le  présent  à  mon  grand  regret  à  cause 
d'un  peu  de  rhume  qui  me  tombe  sur  les  yeux,  et  qui  me  contrainct 
de  remettre  la  partye  à  la  sepmaine  prochaine  Dieu  aydant.  Cependant 
j'ay  esté  infiniment  ayse  d'apprendre  le  bon  accueil  et  la  favorable  au- 
dience que  vous  eustes  chez  M^'  le  Garde  des  seaux  par  le  moyen  de 
M''deBaulnequi  m'a  escript  une  fort  honneste  lettre  veniie  soubz  l'en- 
veloppe de  Me'  l'Archevesque'.  Je  luy  faictz  rcsponce  et  vous  prie  d'y 
suppléer  en  la  luy  baillant  tout  ce  que  vous  trouverez  à  propos.  Je  vous 
envoyé  une  depesche  que  j'avois  faicte  hier  avant  mon  mal  des  yeux 
pour  Mous'  Servient^  et  pour  M' Imbert,  son  i"  commis,  ayant  esté 
contrainct  d'y  en  joindre  une  aultre  aujourdhuy  non  sans  une  grande 
violence  à  mes  yeux  tant  pour  Monsieur  Servient  que  pour  Monsieur  de 
l'Avrilliere  ^  et  pour  Mons'  Orcel  son  commis  sur  le  subject  que  vous 
pourrez  voir  avant  qu'achever  de  les  clone.  Et  puis  je  seray  bien  ayse 
que  vous  les  rendiez  toutes  en  main  propre  s'il  est  possible.  Que  si  par 
hazard  vous  ne  le  pouviez  pour  le  ti'op  pressé  despart  du  Roy  et  de 
la  Cour  pour  le  voyage  de  Metz,  il  fauldroit  vous  en  descharger  sur 
quelque  amy  comme  pourroit  estre  M'  de  la  Forest  s'il  suyvoit  ou 
quelque  aultre  de  vostre  cognoissance  ou  de  la  nostre  tel  que  pourroit 
estre  Mous''  le  Pelletier*,  s'il  faisoit  le  voyage.  En  unbesoingM""  Aubery 
prendroit  bien  la  peine  d'addresser  à  son  bon  amy  M''  Orcel  tant  la 
lettre  que  j'escriptz  audict  s''  Orcel  que  celle  que  j'escriptz  à  Mous'  de 
l'Avrillierc  son  maistre,  et  pour  celle  de  M"'  Servient  il  suiïiroit  en  un 
besoing  de  l'addresser  à  luy  mesmes,  ensemble  la  lettre  de  M'' Imbert, 

'  Louis  de  Bretel,  sur  lequel  on  peut  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  —  '"  Sur  les  divers 
personnages  nommés  en  cette  page  voir  le  même  recueil. 

'9- 


iàS  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

car  pour  celle  de  Fagoiie  s'il  n'estoil  à  Paris  il  faudroit  addresser  la 
lettre  audict  s'  Imbert  qui  la  luy  fera  tenir  quelque  part  qu'il  soit. 
Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  la  balle  du  s""  Moreau  '  puisque 
vous  y  avez  faict  enfermer  le  vase  ou  boitte  de  Mons'  des  Nœudz  et  se 
fauldra  armer  de  bonne  patience.  Je  ne  suis  pas  marry  que  M'  Peru- 
clieau  ayt  part  à  l'achept  du  cabinet  de  M'  d'Effiat^  avec  le  s'  Ferrier, 
car  jepourrois  peut  estre  bien  entrer  en  traitté  avec  luy  plutost  qu'avec 
l'aultre  si  les  vases  venoient  à  sa  part. 

Je  plains  le  pauvre  bon  homme  Savot,  s'il  est  dans  la  nécessité  qu'il 
vous  dit'.  La  lettre  du  P.  du  Chesne  luy  a  esté  envoyée  à  Marseille 
fort  seurement,  mais  vous  m'avez  infiniement  resjouy  par  la  bonne 
espérance  de  vie  que  vous  me  donnez  pour  le  pauvre  M""  Armand,  à 
qui  j'en  souhaitte  aultant  qu'à  moy  et  au  double  et  avec  cette  bonne 
bouche  je  finis,  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

voslre  trez  alfectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DB  Peikesc. 
A  Aix,  ce  11  avril  i633*. 


LXV 
MÊME.  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  eu  vostre  depesche  du  8*  de  ce  moys  avec  les  beaux  desseins 
des  fleurs  de  M'  Robin,  que  je  n'ay  pas  trouvé  moins  belles  que  mon 
frère.  J'aurois  bien  eu  à  vous  entretenir  ceste  foys  cy,  mais  je  ne  le 

"  Sur  ces  deux  pereonnages ,  voir  le  re-  collectionneur  gêné  par  de  trop  nombreux 

cueil  Peiresc-Dupuy.  achats  :  ^11  a  plus  de  médailles  que  de  mon- 

'  Le  docteur  Louis  Savot  n'était  alors  âgé  naie.-n 
que  de  89  ans.  C'était  presque  l'âge  de  Pei-  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

resc,  né  seulement  un  an  plus  lard  que  le  nouvelles  acquisitions ,  5171,  fol.  5  20.  Ori- 

nuraisraate.  On  pouvait  sans  doute  apphquer  ginal.  —  Copie  à  la  Méjanes,  collection  Pei- 

à  Savot  le  mot  qui  a  été  dit  plus  tard  d'un  resc,  registre  V,  fol.  668. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  149 

sçaurois  faire  pour  les  divertissemenlz  inesvitables  que  j 'ay  euz  par  la 
veniie  inopinée  de  M""  l'Evesque  de  Marseille  \  qui  n'avoit  encore  peu 
trouver  de  relasclie  parmy  ses  continuelles  gouttes  pour  venir  salluer 
Monsieur  le  Mareschal  ^  de  sorte  qu'il  me  faudra  remettre  au  prochain 
ordinaire  tout  ce  que  j'avois  à  faire  par  celluy  cy,  et  particulièrement 
la  despesche  que  m'a  demandé  M"'  de  la  Noue,  pour  laquelle  j'eusse  de 
fort  bon  cœur  quitté  toute  aultre  sorte  d'occupation,  et  m'attendois  d'y 
pouvoir  vacquer  à  ce  soir,  mais  j'avois  compté  sans  l'hostc,  et  me  suis 
trouvé  si  las  et  si  recreu  que  je  ne  pouvois  quasi  pas  haulser  les  bras 
non  plus  que  les  jambes.  Je  pensois  aussy  escripre  à  Mons'  Marchier 
touchant  la  belle  bague  du  chef  Saint  Pierre  et  le  remercier  par  mesme 
moyen  de  sa  favorable  intercession  envers  M""  du  Tillet,  à  qui  il  me 
falloit  pareillement  escripi'e,  sur  les  honnestes  compUmentz  qu'il  vous 
avoit  faictz  pour  m'obliger,  mais  je  ne  le  sçaurois  faire  de  ce  coup  à 
montrez  grand  regret,  non  plus  que  d'escripre  à  M'  Savot  que  vous 
pourrez  neantmoins  remercier  de  ma  part  s'il  est  encores  là,  estant 
marry  qu'il  se  soit  deffaict  de  sa  petite  pièce  d'argent  minerai,  laquelle 
j'eusse  prisée  davantage  que  celle  d'or.  Je  suis  bien  ayse  que  vous  ayez 
faict  voir  à  M'  Petit  toutes  les  lettres  que  j'avois  escriptes  pour  luy  avant 
que  les  clorre,  et  s'il  y  avoit  moyen  que  le  poussiez  servir  vous  m'obli- 
geriez bien  davantage.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  la  veniie 
des  balles  du  s""  Moreau  et  des  bardes  de  M''  Aguillenquy*  aussy  bien 
que  de  la  balle  que  vous  aviez  desja  addressée  à  Lyon,  et  demeure, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  aflectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  18  avril  i633*. 

'  François  de  Lomdnic ,  dont  il  est  si  sou-  '  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français , 

vent  question  dans  le  recueil  Peiresc-Duj)uy.  nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  Sa  9 .  Ori- 

'  Le  maréchal  de  Vilry.  ginal.  —  Copie  à  la  Méjanes ,  collection  Pei- 

^  Le  protonotaire  Ag;uillciiquy,    prëvôt  resc,  registre  V,  fol.  670. 
de  Barjols.  Voir  le  recueil  Peiresc-Du])uy. 


150  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


LXVI 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 

J'ay  pris  un  grand  plaisir  à  vcoir  la  description  que  vous  m'avez 
faicte  de  ce  larmoir  antique  d'csmail,  enrichy  de  si  belles  figures,  qui 
sera  bien  plus  grand.  Dieu  aydant,  lorsque  nous  aurons  moyen  d'en 
voir  le  dessein  et  le  mesurage  et  le  seroit  encore  au  double  s'il  s'en 
pouvoit  avoir  un  peu  d'empreinte  de  quelque  façon  que  ce  peusse  estre, 
afin  d'y  pouvoir  recongnoistre  l'excellence  de  la  manière  et  le  temps  à 
peu  prez  que  l'ouvraige  en  pouvoit  avoir  esté  faict.  Ce  qui  ne  se  peut 
pas  imiter  sur  un  sinq)le  dessein.  Vous  verrez  ce  que  je  luv  en  escripz 
sans  le  presser  formellement  de  l'empreinte  dudict  vase,  de  peur  de  luy 
estre  par  trop  importun.  Mais  il  pourra  bien  neantmoins  recongnoistre 
que  ce  n'estoit  pas  sans  juste  cause  que  vous  luy  en  aviez  faict  instance 
de  ma  part  et  que  quand  il  m'en  eust  faict  la  faveur  il  n'avoit  point  à 
appréhender  d'en  avoir  du  reproche  de  la  part  de  son  maistre,  non  plus 
que  d'aulcun  aultre,  estant  jaloux  et  ponctuel  comme  je  suis,  à  ne  me 
point  dispenser  de  rien  des  ordres  de  mes  amis,  et  à  ne  me  point  van- 
ter des  faveurs  que  j'en  reçois,  qui  j)ourroient  estre  tirées  à  mauvaise 
conséquence  par  d'aultres,  ce  que  j'ay  tasclié  de  luy  inculquer  sur  le 
propos  des  camayeulx  et  aultres  pièces  sans  parler  du  vase,  et  par 
mesme  moyen  luy  ay  parlé  de  les  mettre  en  despouille  quand  ils  n'y 
sont  pas. 

Quant  au  vase  de  Madame  de  Roquelaure,  de  quelque  costé  que 
nous  en  vienne  la  communication  il  nous  importe  fort  peu,  pourveu 
que  nous  l'ayons  plustost  que  plustard,  à  cette  fin  que  vous  ayez  moyen 
de  faire  vostre  voyage  de  Guyenne  avec  moins  de  regret,  et  ne  seray 
poinct  marry  que  vous  y  employez  le  crédit  de  M"^  le  Cardinal  de  Lyon, 
ny  que  vous  luy  monstriez  ce  que  vous  avez  extraict  de  ma  lettre  à 
Mons»^  de  Roissy,  puisque  vous  avez  creu  que  cela  vous  y  servit,  encores 
que  j'aye  bien  de  la  peine  à  nie  persuader  que  ce  bon  prélat  se  puisse 


[1633]  X  D.  GUILLEMIN.  151 

donner  la  patience  d'en  voir  trois  lignes;  je  n'ay  encores  peu  fouiller 
dans  mes  livres,  pour  y  chercher  une  chose  qu'il  me  semble  y  avoir 
veûe  aultresfois  concernant  les  rayons  des  armoiries  qui  se  voyent  sur 
sa  bague  lesquelz  ne  peuvent  pas  quadrer  aux  armoiries  du  pape  qui 
vivoit  lors  de  la  datte  qui  y  est  gravée,  mais  bien  à  celles  d'un  certain 
evesché  d'Allemagne  pour  l'usage  de  laquelle  ceste  bague  pourroitbien 
avoir  esté  fabriquée,  principalement  si  on  pouvoit  veriffier  que  le  filtre 
de  l'Eglise  cathedralle  fusse  soubz  la  fondation  de  saint  Pierre,  dont  il 
se  faudra  esclaircir  avec  le  secours  des  libvres  et  possible  en  faire 
escripre  sur  les  lieux.  Cependant  je  tascheray  d'escripre  à  Monseigneur 
le  Cardinal  ^  un  mot  de  remerciement  trez  humble  de  ses  débonnaires 
et  charitables  offices  en  mon  endroict,  ensemble  à  M""  Marchier  et  à 
M' le  Prieur  de  Moustiers  sur  ce  que  vous  me  dictes. 

M' le  prevost  Aguillenquy  arriva  hier  au  soir,  et  m'envoya  inconti- 
nent'ce  large  fagot  dont  vous  l'aviez  chargé,  qui  est  venu  fort  bien  con- 
ditionné Dieu  mercy.  Mons''  de  Rossy  de  Lyon  in'escript  qu'il  a  roceu 
le  ballot  que  vous  luy  aviez  addressé,  et  qu'un  mulletier  de  ceste  ville 
le  debvoit  venir  prendre  le  mesme  jour  ou  le  landemain.  La  question 
sera  de  voir  arriver  celluy  de  Mons"'  d'Agut  dont  je  seray  un  peu 
plus  en  peine  parceque  vous  ne  m'avez  pas  mandé  en  quel  temps  le 
s""  Rayole  pensoit  le  faire  partir,  car  pour  celluy  des  s'^Moreaux  je  crois 
bien  qu'il  ne  le  fauldra  pas  attendre  d'une  bonne  quinzaine  de  jours. 

Les  lettres  de  recommandation  pour  M''  de  la  Noue  que  je  pensois 
envoyer  par  le  dernier  ordinaire  n'arrivèrent  pas  à  temps  à  mon  grand 
regret.  Il  les  aura  par  celluy  cy,  dont  je  vous  prie  de  luy  faire  mes 
excuses  trez  humbles  et  à  M""  Armand,  vous  asseurant  que  je  fus 
grandement  consolé  à  la  réception  de  la  lettre  qu'il  luy  avoit  pieu 
m'escripre,  sur  quoy  je  finiray  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  aS  avril  i6.33. 

'  f.e  cardinal  di'  Lyon,  Alidionse  de  Riclielieu. 


152  LETTRES  DE  PEiKESC  [1633J 

[De  la  main  de  Peiresc]  Je  vous  prie  d'envoyer  Quentin  chez  M"^  du 
Cliesne  pour  transcrire  un  petit  livre  intitulé  :  Gesta  poiuifwtiin  Tliolosa- 
norum  •  et  l'envoyer  à  M""  de  Gyron  à  Thoulouse  par  M"^  l'Advocat  gêne- 
rai son  frère  qui  est  là.  Et  faictes  payer  Quentin  de  sa  peine^. 


LXVII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  prins  un  merveilleux  plaisir  d'apprendre  par  vostre  despesclie 
du  2  2''  du  passé  l'honnesteté  avec  quoy  Mons""  le  Cardinal  de  Lyon  vous 
avoit  procuré  et  confié  ce  précieux  vase  de  Madame  la  Marcsclialle  de 
Roquelaure ,  dont  je  suis  grandement  fier  et  dont  je  n'ay  pas  voulu  man- 
quer de  luy  rendre  mes  remerciemeniz  trez  humbles,  ensemble  d'une 
fort  honneste  depesche  qu'il  m'a  faicte  de  mesme  datte  que  la  vostre, 
sur  les  mesraes  propositions  qu'il  vous  avoit  faictes  de  mon  voyage  en 
Cour,  sur  quoi  je  luy  faiclz  la  responce  que  j'ay  estimé  luy  pouvoir 
faire.  Je  ne  sçay  ce  que  mon  frère  lui  en  dira  de  Marseille  où  je  luy' 
ay  envoyé  ma  lettre  aussy  bien  que  celle  qui  estoit  escripte  à  luy.  Il  me 
tardera  bien  de  voir  les  desseins  que  vous  faictes  faire  de  ceste  pièce 
et  encore  plus  le  modèle  de  l'empreinte  sans  laquelle  il  seroit  peut 
estre  impossible  de  congnoistre  et  deschiffrer  les  ligures  que  vous  me 
descripvez.  C'est  pourquoy  je  vous  conseille  en  toute  façon  de  le  faire 
mouUer  et  de  n'y  rien  appréhender,  car  la  dextérité  du  s""  Sergent  vous 
servira  de  bon  garend,  et  quand  aulcunes  des  petites  pièces  qui  y  sont 
enchâssées  se  descnchasseroienl,  il  ne  vous  manquera  pas  d'assez  bons 
orfèvres  pour  les  renchasser  aussy  proprement  que  devant. 

Gomme  on  le  voit   un  peu  j)lus  loin  -  Bibliothèque  nationale,  fonds  fiançais , 

(lettre  LXX),  il  s'agissait  là  d'un  manu-  nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  697.  Ori- 

scrit  de  Bernard  Gui ,  le  fëcond  écrivain  au  ginal.  —  Copie  à  la  Méjanes ,  collection  Pei- 

sujet  duquel  il  suffit  de  citer  la  mémorable  resc,  registre  V,  fol.  679. 
dissertation  de  M.  Léopold  Delisle. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  153 

J'ay  prins  aussy  bien  grand  plaisir  de  voii-  la  description  que  vous 
me  faictes  de  cet  escuellon  de  bronze  antique  de  Monsieur,  mais  s'il 
n'y  a  moyen  d'en  avoir  l'empreinte  nous  serons  bien  mortiffiez  et  l'aul- 
.  dra  nous  resouidre  à  la  patience  et  nous  y  préparer  à  l'advance,  car  je 
crains  bien  que  vous  ne  puissiez  pas  vaincre  le  scrupule  pour  ne  dire 
la  dureté  de  l'humeur  de  M"'  de  Saint  Jullian  à  qui  je  pense  que  vous 
feriez  bien  si  vous  aviez  monstre  ce  vase  de  Madame  la  mareschalle  de 
Hoquelaure  ou  celluy  du  marquis  de  Sourdys  si  vous  le  recouvrez  une 
seconde  foys  pour  luy  faire  voir  la  confiance  que  l'on  prent  en  vous  de 
chose  pour  le  moins  aultant  et  plus  précieuse  que  celles  dont  il  est  si 
jalloux.  Je  ne  pense  pas  que  son  larmoir  de  verre  blanc  et  bleu  soit 
venu  du  cabinet  du  cardinal  del  Monte,  quoyque  l'on  vous  aye  dict,  car 
c'esloit  un  vase  plus  gros  que  ma  teste,  lequel  j'ay  veu  dans  Rome  chez 
ledict  cardinal.  Et  en  ay  l'empreinte  que  vous  avez  veûe  sur  laquelle 
M'  Fredeau  m'a  faict  la  grizaille  que  j'avois  à  Boysgency,  et  il  est  bien 
véritable  que  le  cardinal  del  Monte  en  avoit  faict  légat  dans  son  testa- 
ment en  laveur  de  Monsieur,  mais  comme  sa  maladie  fut  longue,  ses  pa- 
rentz  luy  feirent  faire  ung  testament  postérieur  en  temps  qu'il  ii'avoit 
plus  de  souvenance  de  la  bonne  volonté  qu'il  avoit  eiie  pour  Monsieur, 
de  sorte  que  le  légat  estant  demeuré  pour  non  faict  le  vase  demeura  h 
ses  héritiers  qui  le  vendirent  six  centz  escus  au  cardinal  Barberin  lequel 
en  est  encores  saisy,  de  sorte  qu'il  ne  fault  pas  s'attendre  d'avoir  du 
costé  de  Rome  l'empreinte  de  ce  larmoir,  si  l'on  n'a  de  meilleurs  et  plus 
certaines  addresses  du  lieu  d'où  il  est  sorty,  estimant  que  si  le  cavallier 
del  Pozzo  l'avoit  faict  mouller,  il  m'en  eust  sans  doubte  envoyé  l'em- 
preinte comme  il  a  faict  de  l'aultre  plus  grand  vase,  qui  ne  fut  mouHé 
qu'avec  de  la  simple  argile  ou  terre  grasse  laquelle  fut  incontinent  esten- 
due  sur  un  aix  de  toute  sa  longueur  et  puis  on  y  jetta  par  dessus  du 
piastre  tout  fraiz,  sur  lequel  j'ay  faict  reddresser  une  empreinte  en 
plomb  de  la  vraye  forme  du  vase.  De  celle  mesme  forme  on  pourroit 
bien  impunément  mousler  ce  larmoir  et  le  vase  du  marquis  de  Sourdys 
en  leur  pi-esence  mesmes,  sans  appréhension  de  rien  gasler.  Si  M'  Gal- 
land  tient  sa  ])romesse  il  me  fera  une  grande  faveur  et  vous  aussy. 


MO 

IHPfllHKRIX    IIATIOXAI.K, 


154  LETTRES  DE  PEIHESC  [1633J 

Mon  frère  lut  liier  receu  à  Marseille  avec  un  tel  applaudissement 
que  de  nieuioire  d'homme  il  ne  s'en  estoit  pas  veu  de  semblable  en  cas 
pareil'.  J'estime  qu'il  vous  en  aura  escripl  de  là.  Ce  que  je  vous  avois 
dict  de  la  boitte  de  M''  des  Nœudz  n'estoit  pas  pour  avoir  trouvé  mau- 
vais que  vous  l'ayez  mise  dans  les  balles  de  M'  Moreau,  mais  seulement 
de  ce  que  vous  n'aviez  peu  prendre  la  commodité  de  la  malle  du  cou- 
sin Aguillenquy  ou  de  M""  de  Thorenc  ou  du  s""  du  Fuy  qui  venoienl 
un  peu  moins  lentement  que  les  balles  de  marchandise,  ayant  receu  par 
M''  Aguillenquy  le  cahier  des  vases  de  M""  Aubery  et  par  M''  du  l'uy  les 
chartes  de  M''Tavermer^  le  tout  fort  bien  conditionné.  M""  deHossy  m'a 
escript  de  Lyon  qu'il  avoit  receu  vostre  ballot  et  qu'il  faisoit  estât  de 
me  l'envoyer  par  le  retour  de  Fillastre  que  je  luy  escrivois  luy  avoir 
addressé. 

M'  d'Agut  n'a  point  encore  de  nouvelles  de  sa  balle,  mais  je  crois 
bien  que  si  elle  est  partye  en  mesme  temps  que  la  mienne,  elle  ne  tar- 
dera pas  de  la  suyvre,  sur  quoy  je  tiniray  demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  nieiiieui-  amv, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a  inay  i633. 

[De  la  rmin  de  Peiresc.'\  Je  vous  envoyé  un  petit  extraict  d'une 
légende  de  l'église  de  Digne  pour  saint  Chrisostome,  afin  que  quand 
vous  irez  en  Guienne  si  vous  passiez  à  Saint  Jean  d'Angely  ou  en  autre 
lieu  où  vous  trouvez  des  religieux  qui  y  ont  leur  correspondance, 
vous  vous  puissiez  enquérir  s'ils  y  ont  rien  qui  aye  du  rapport  à  ce  que 
l'on  a  mis  par  escript  en  cette  légende.  Cependant  vous  pourrez  à  Paris 

Installation  rrdans  la  charge  de  viguier  janes  en  regard  de  la  phrase  où  Peiresc 

ou  gouverneur  de  la  \ille  qui  n'est  qu'an-  annonce  le  Irioniplie  de  Valavez.) 

uuelle,  et  d'un  gentilhomme  des  plus  qua-  '  Charles  pour  caries  de  géographie.  Sui- 

Ufiez  de  la  province  fait  par  esiection  de  le  marchand  dcstanipes  MelchiorTa\ernier. 

la  ville.  Cette  charge  a  esté  abolie  en  1660.»  voir  le  recueil  Peireso-Dupuy  (l.  l,p.  18)  et 

(Note  mise  à  la  marge  de  la  copie  de  la  Mé-  passim. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  155 

en  communiquer  avec  M''  du  Cliesne,  et  le  H.  I'.  Dom  Jean  tie  Saint- 
Paul  Vassan  des  Feuillans',  et  aux  moynes  qui  y  pourroient  eslre  de 
cez  quartiers  de  Saint  Jean  d'Anjjely,  pour  voir  si  en  pourriez  ap- 
prendre aulcune  trace,  ou  bien  du  costé  d'Angers,  ou  d'autre  lieu  qui 
approche  du  nom  de  Anigeris-. 


I.XVIII 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  par  l'ordinaire  vostre  despesche  du  29,  pour  supplément 
bien  convenable  à  celle  du  jour  précédant  que  le  Viguier  de  Biigiiole 
m'avoit  rendue  trois  jours  devant  avec  les  desseins,  empreinte  et  mo- 
deile  de  ce  vase  d'Onyce  qui  est  inestimable  à  mon  sentiment,  et  sur 
quoy  j'avoys  bien  deviné  ce  que  vous  me  dictes  par  vostre  dernière 
desj)eschc  de  la  deuxiesme  ance  dont  j'avoys  descouvert  les  fondements 
sur  l'empreinte  soubs  l'encliasseure  du  diamant  et  dont  j'avoys  délibéré 
de  vous  escrire,  pour  y  prendre  garde  de  plus  prez,  de  sorte  que 
vous  avez  fort  opportunément  prévenu  mes  demandes  pour  ce  regard 
et  m'avez  bien  contenté  en  cette  recherche,  la  mesure  de  cette  pièce 
s'estant  trouvée  si  juste  pour  le  Gyathe  de  xn  drachmes,  et  si  conve- 
nable au  temps  de  la  sculpture  des  Camayeuls  qui  y  sont  gravez  ainsin 
que  l'empreinte  le  faict  recognoistre,  qu'il  n'y  reste  rien  à  désirer,  si 
ce  n'est  que  si  pour  ne  pas  mespriseï"  les  offres  du  marquis  de  Sourdis 
vous  acceptez  de  reprendre  cette  pièce,  il  fault  voir  de  faire  mouUer 
à  part  en  plomb,  ou  aultremenl,  en  piastre  ou  en  argille  l'endroit  qui 
respond  à  l'image  de  l'arbre,  à  cause  que  le  metail  a  soufflé  en  cet  eii- 

'   Sur  Jean  de  Vassan ,  voir  une  longue  ^  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français  , 

noie  dans  le  recueil  Peiresc-Uupuy  (t.  1,  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  Sgç).  Ori- 

p.  90).  Lie  nom  du  moine  feuillatit  est  encore  {jinal.  —  Copie  à  la  Méjanes,  collection  Pei- 

plusieiu's    fois   mentionne    dans   le   même  resc,  registre  V,  fol.  678. 
recueil. 


156  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

droict  là,  et  m'a  envié  la  veiie  bien  nette  tant  de  l'Amour  qui  est  en 
l'air  que  de  l'autre  qui  a  attaché  et  garrotté  les  bras  de  la  pauvre  Psy- 
ché sur  ses  reins,  où  est  le  plus  notable  mystère  de  toute  la  pièce  que 
je  pense  pouvoir  interpréter  fort  exactement,  s'il  plaict  à  Dieu.  Je  vous 
prie  de  voir  aussy,  sur  l'original,  s'il  n'y  a  aulcuns  vestiges  de  rouages 
soubs  le  siège  de  cet  autre  Amour  qui  semble  se  vouloir  faire  traisner 
par  deux  papillons,  pour  faire  (|u'il  soit  sur  un  charriof,  car  je  n'en  ay 
rien  peu  recognoistre  sur  remj)reinte  ne  sur  les  desseins,  lesquels  en 
aucuns  des  6  façades  n'ont  poinct  bien  représenté  assez  nettement  la 
forme  de  la  biche  qui  est  auprez  de  la  Diane,  joignant  son  frère  Apol- 
lon, lesquelz  en  cet  endroict  là  ont  quelque  rapport  au  jour  et  à  la 
nuict. 

Mais  il  y  a  une  autre  chose  à  bien  considérer  et  faire  examiner  par 
des  orfèvres  bien  expers,  pour  bien  vérifier  si  le  pied  est  tout  d'une 
pièce,  et  d'une  mesme  nature  de  pierre  avec  le  corps  du  vase,  car 
oultre  ce  que  vous  me  dictes  qu'il  n'a  rien  de  creux  par  dessoubs.  ce 
que  les  anciens  ne  faisoient  jamais,  comme  vous  et  moy  avons  deviné 
que  la  forme  de  l'une  des  ances  du  vase  requeroit  qu'il  y  en  eusse  une 
autre  semblable  de  l'autre  costé  je  pense  que  par  la  mesme  consé- 
quence nous  pouvons  conclurre  que  ce  vase  estoit  de  ceux  qui  u'avoient 
poinct  de  pied,  et  qui  debvoient  estre  p'oinctus  par  embas  [sic)  pour 
se  pouvoir  ficher  sur  des  machines  percées  de  la  proportion  requise 
pour  les  tenir  debout.  Les  orfèvres  ou  lapidaires  jugeront  cela  facile- 
ment sur  la  couleur  ou  transparance  ou  opacité  de  la  pierre  du  pied, 
ou  de  la  patte  ou  patturon,  plus  ou  moings  brune,  ou  espoisse,  en  l'un 
qu'en  l'aultre.  Mais  j'ay  certainement  bien  du  regret  que  ne  l'ayez  peu 
ffùre  voir  entre  voz  mains  au  s'  de  S'  Jul[lian]  et  à  M"^  de  Roissy,  à  qui 
je  pensoys  rescrire,  mais  la  venue  de  M'  de  Grequy*  et  de  tout  plein 
de  suitte,  qui  m'ont  tenu  tout  le  jour,  m'en  ont  osté  le  moyen.  11  faul- 

G'élait  UQ  conseiller  au  parlement  de  vingHetlresî'crilesparce  magisliaUleiëaô 

Bordeaux,  qui  fut  un  des  correspondants  et  à  1687.  A   ces  vingt  lettres  sont  jointes 

amis  de  Peiresc.  Voii'  dans  les  minutes  de  deux  lettres  de  Peiresc  au  commandeur  de 

i'inguimberline,  registre  IV,  fol.  761-770,  Forbin,  parent  de  M'  de  Monts.) 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  157 

dra  que  ce  soit  par  le  prochain,  Dieu  aydant,  que  j'escriray  aussi  à 
M'  des  Nœuds,  dont  vous  avez  fort  bien  jugé  sa  boitte  moderne,  le  de- 
dans estant  encores  tout  vermeil  neuf,  mais  je  ne  laisray  pas  de  le 
remercier  cora'il  fault,  ayant  trouvé  beau  le  vase  avec  l'inscription 
AVETE.  L'autre  noir  en  forme  de  canthare  que  j'eusse  bien  estimé 
s'est  tout  fraquassé,  parce  que  la  boitte  n'estoit  pas  assez  haulte  pour 
le  contenir  à  son  aise.  Dans  l'autre  boitte  le  vase  de  M""  Gault  est  fort 
bien  venu,  et  s'est  bien  trouvé  de  mon  «joust,  avec  sa  belle  ance,  en- 
cores que  le  mctail  en  soit  si  aigre  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  moyen  de  le 
redresser,  et  fa«'e  renfler  ces  bosselleures,  à  quoy  j'employois  à  ce  soir 
les  plus  expers  ouvriers  du  sire  Ante  Escavard,  mais  la  pièce  eusse 
saulté;  de  sorte  qu'il  a  fallu  tout  quitter  et  laisser  la  mesure  imparfecte 
à  mon  grand  regret.  J'escriray  aussy  par  le  premier  Dieu  aydant  à 
M""  Gault  et  à  M"  Vivot  encores  pour  les  remercier,  vous  ayant  renvoyé 
le  vase  dudict  Vivot  dez  ce  matin  par  le  filz  du  procureur  Gaillard, 
qui  s'en  chargea  hier  au  soir  lequel  est  party  aujourd'huy  avec  le  fdz 
de  Saurai  et  un  autre.  Et  si  j'eusse  plustost  sceu  que  ledict  Vivot  l'eusse 
redemandé,  il  l'auroit  receu  long  temps  y  a,  car  je  n'en  ay  rien  apprins 
que  par  vostre  dernière  despcsche  du  29  qui  arriva  sammedy  et  le 
lendemain  je  le  consignay  à  Gaillard  pour  m'en  deschai'ger.  Tenant 
indubitablement  cette  pièce  pour  moullée,  et  qui  pix  est  je  me  doubte 
fort  qu'elle  soit  moullée  sur  le  moderne  plustost  que  sur  l'anlique. 
Toutefoys  si  la  pièce  estoit  à  vendre  pour  ce  qu'elle  est,  c'est-à-dire 
pour  moullée,  je  ne  ferois  pas  difficulté  d'en  payer  une  bonne  demy 
douzaine  d'escus.  Mois  j'estimeroys  bien  perdu  tout  ce  qui  s'y  em- 
ployeroit  par  dessus  c^la. 

La  caisse  est  aujourdhuy  veniie  de  Lyon  où  tous  les  livres  estoient 
fort  bien  conditionnez,  mcsmesles  petites  republiques,  et  le  libvrein-6° 
qui  estoit  dans  la  mesme  boitte  quarrée,  dont  jay  bien  de  l'obligation 
à  celuy  qui  m'en  a  voulu  faire  la  charité,  mais  dans  la  boitte  de  M' Vi- 
vot cez  plais  de  terre  blanche  ont  esté  tous  fraquassez,  et  la  boitte 
estoit  toute  en  pièces.  Son  escrittoire  de  bronze  avec  ses  chérubins  ne 
sçauroit  estre  antique  en  façon  du  monde  ce  que  vous  aviez  bien  jugé. 


158  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Mais  son  vase  est  bien  tant  plus  asseurement  bon  et  antique  et  seroit 
meilleur  s'il  se  pouvoit  redresser.  Il  fauldra  escrire  à  tout  ce  monde, 
et  à  Ms'  le  Cardinal  de  Lyon  encores  Dieu  aydant  par  le  prochain.  J'ay 
faict  rendre  à  Blanc  le  paquet  de  M'  de  Monts  et  retiré  de  luy  ma  lettre; 
il  voulut  envoyer  celle  de  M' le  command[eur]  de  Fourbin  '.  J'escrirav 
par  le  prochain  ne  se  pouvant  à  cette  heure.  Jay  receu  les  semances 
de  M'  Robin  bien  conditionnées;  si  elles  fussent  veniies  un  peu  plus 
tost,  la  saison  eust  esté  bien  meilleure  de  les  planter.  Mais  nous  en 
bazarderons  quelques-unes  pourtant.  Je  vous  remercie  de  la  lettre  de 
Me'  le  G[arde]  d[es]  s[ceaux]  et  en  remercieray  M'  de  Baulne  Dieu  ay- 
dant. Sur  quoy  je  vous  donne  le  bonsoir,  demeurant. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy. 


\  Aix,  ce  9  inay  iC.'JS'. 


DK  PeIRESC. 


LXIX 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 
Eu  vous  accusant  la  réception  et  remerciant  de  vostre  despesche  du 
6  de  ce  moys  je  ne  vous  diray  rien  de  plus  que  ce  que  vous  pourrez 
voir  aux  lettres  que  je  vous  adresse  tant  pour  les  sieurs  Gault  et  Vivot, 
que  pour  M"  de  Baulne  et  Marchier  sur  l'expédition  des  pauvres  bons 
pères  ïrinilaires  deschaussez  que  je  leur  recommande,  et  pour  laquelle 
je  vous  prie  d'employer  M'  le  Pr[ieur]  de  Moustiers,  pour  obtenir  les 
lettres  qu'ils  désirent  en  forme  commune,  comme  d'un  simple  pareatis 
afin  que  Ms''  l'Eminentissime  Cardinal  de  Lyon  puisse  exécuter  leur 
brief  apostolique,  adressé  à  S.  Eminence.  Me'  le  cardinal  de  la  Val- 

Voir  le  recueil  des  Lettres  de  Peiresc        sitions,  5171, foi. 6oi.  Autographe.— Copie 
aux  frères  Dupuy,  passim.  h  la  Méjanes,  (■ollection  Peiresc,  registre  V, 

Bibliothèque  nationale,  nouvelles acqui-        fol.  .68a. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  159 

lelte,  leur  protecteur',  en  avoit  cy  devant  tiré  parole  et  adveii  du  Roy 
et  de  Ms'  1  Em[inentissi]me  cardinal  duc  de  Richelieu,  ensemble  de 
M""  de  ChasleauneuC-,  mais  celuy-cy  y  apporta  tant  de  longueurs  que 
cez  pauvrez  genz,  par  nécessité,  furent  contraincls  d'abandonner  le  tout. 
On  fit  mesme  former  une  certaine  opposition  par  un  certain  religieux 
non  reformé  qui  ne  l'a  jamais  poursuyvie,  et  qui  eust  deub  se  former 
s'il  avoit  rien  à  dire  par  devant  Ms'  le  Cardinal  de  Lyon,  exécuteur  du 
brief  de  Sa  Sainteté.  Si  on  vouloil  reveiller  cette  poursuitte,  je  vous 
prie  de  faire  comprendre  que  plustost  il  fauldroit  mettre  la  clause  sans 
préjudice  de  poursuyvre  l'opposition  devant  ledict  seigneur  Cardinal 
ou  bien  devant  les  parlements  de  Renés  et  de  Provence  où  sont  les 
monastères.  Et  faictes  y  je  vous  supplie  tout  ce  que  vous  pourrez,  sur 
quoy  s'il  falloit  payer  le  seau,  je  le  rembourceray  trez  volontiers,  et  se- 
ray  à  jamais, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peihesc. 
A  Aix,  ce  1  (i  iiiay  1 633. 

J'ay  recouvré  d'excellentes  essances  de  fleur  d'orange  dont  je  vous 
feray  une  boitte  par  le  premier  amy  pour  voir  si  cela  pourroit  vaincre 
ce  M""  de  Saint  Julian^. 


'  Sur  Louis  de  Noguret,  caidiiial  de  la  trois  tomes  du  recueil  Peiresc-Dupuy,pa««'«j. 
Valette,  voir  le  tome  1  du  recueil  Peiresc-  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

Dupuy,  passitn.  nouvelles  acquisitions ,  5171,  fol.6o3.  Auto- 

'  Sur  le  secrétaire  d'État  Charles  «le  l'A u-  graphe.  — Copie  à  la  M(?janes,  collection 

bespine,  marquis  de  Châteauneuf,  voir  les  Peiresc,  registre  V,  fol.  686. 


160  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


LXX 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur  le  Prieur, 

J'av  veu  avec  grand  plaisir  envostre  despesche  du  i3°^le  mesurage 
que  vous  avez  faict  de  ce  larmoir,  qui  approclie  fort  de  celuy  d'Ala- 
bastre  que  vous  nj'avez  veu  deschiffrer,  ce  qui  me  fera  attendre  en  bonne 
dévotion  les  desseins  de  cette  pièce.  Vous  avez  merveilleusement  bien 
prins  vos  mesures  pour  rendre  noz  lestres  à  M^  le  Cardinal  de  Lyon 
et  à  M""  Marchier  et  autres,  et  pour  trouver  du  sagrin  verd  de  mer  de 
Perse,  dont  je  n'ay  pas  manqué  de  remercier  M"  du  Puy,  attendant  de 
le  leur  remplacer  comme  je  l'espère,  de  deux  pour  une,  par  la  pre- 
mière commodité  d'amy,  mais  pour  le  papier  de  Turquie  je  ne  sçay  si 
je  le  pourray  au  moings  sitost. 

Vous  avez  pareillement  trez  bien  faict  de  remettre  à  M'  de  Cyron 
l'exlraict  que  vous  aviez  faict  faire  des  Evesques  de  Toulouse  de  Bernar- 
dus  Guidonis',  car  nous  n'avons  pas  icy  des  commoditez  j)our  ce  pais  là' 
que  trez  rares.  Je  vous  remercie  de  ce  soing  et  de  tant  d'autres  que 
vous  y  joingnez  incessamment,  mesmesdes  recherches  que  vous  faictes 
de  cez  mémoires  de  Digne  auprez  de  toutz  cez  Messieurs  qui  en  peuvent 
avoir  notice  et  de  ce  qu'avez  faict  pour  M""  Petit  que  nous  attendrons 
en  bonne  dévotion.  Mais  ce  sera  bien  en  meilleure  et  plus  grande  au 
centuple  que  nous  attendrons  M' le  marquis  d'Alluye  avec  son  vase,  dont 
je  vouidroys  bien  avoir  la  veiie  plustost  que  plus  tard,  et  encores  plus 
de  celuy  de  M""  la  mareschalle  de  Roquelaure. 

Nous  attendrons  patiemment  aussy  la  venue  de  M""  Fagon  et  de  la 
balle  du  s""  Moreau,  ayant  receu  les  œuvres  de  Golzius^  avec  le  Mercure* 

L'extrait  du  manuscrit  Geste  ponii/îcttm  du  recueil  Peiresc-Diipuy,  p.  435  et  sui- 

Tholosanorum  dont  il  a  été  question  plus  vantes. 
haut  (lettre  LXVI).  '  Le  Mercure  français  déjà  souvent  cité 

Siu-  Hubert  Goltzius ,  voir  le  tome  II  dans  les  précédents  volumes. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  161 

et  autres  choses  dont  l'aviez  chargé  et  tost  aprez  le  livre  du  père  Sir- 
mond^  et  autres  pièces  du  clergé  par  le  s'  Rayole,  et  en  mesme  temps 
le  gros  bréviaire  d'Auteman  fort  bien  conditionné  ayant  esté  certaine- 
ment bien  honteux  de  le  voir  si  pesant,  dont  il  ne  s'est  pas  voulu 
laisser  rembourcer.  Cez  Maureaux^  ne  me  font  payer  que  cinq  sols 
la  libvre  rendue  ïcy,  que  je  ne  trouve  pas  plus  cher  que  quand  les 
adresses  viennent  directement  à  moy  par  les  rouUiers,  voire  j'y  trouve 
bien  à  profTiler. 

Je  n'avois  pas  creu  que  cez  gentz  qui  estoient  noz  parents  si  proches 
eussent  courage  d'estre  si  mal  courtoys,  et  de  refuser  ce  que  ne  refusent 
pas  ceux  qui  ne  nous  sont  rien.  Quand  il  s'en  trouvera  de  bonne  voille, 
il  n'y  aura  pas  de  mal  de  s'en  prevalloir,  mais  quand  ils  feront  les 
rencheriz  il  les  fault  laisser.  Je  trouve  la  commodité  de  cez  Mess"  les 
Moreaux  fort  bonne  et  plus  prompte  que  le  commun  des  roulliers  à 
cause  du  soing  de  leurs  respondants. 

M"'  Noël  désire  de  faire  légitimer  sa  petite  bastarde,  il  vous  en  cscript 
et  à  M"  d'Aubray,  maistre  des  requestes^.  Il  fault  voir  deluy  faire  faire 
cette  expédition  aux  moindres  fraiz  que  faire  se  pourra,  et  le  prendre 
sur  la  lettre  de  crédit  de  M"' de  Gaslines,  payable  par  moy  ou  par  ledict 
s""  Noël  comme  employé  à  ses  affaires.  En  un  besoing  M'  de  Baulne  ne 
s'y  employera  pas  mal  volontiers.  Et  je  tascheray  de  luy  en  escrire  un 
mot  par  cet  ordinaire  ou  par  le  prochain.  Cependant  si  le  Conseil  n'est 
party,  possible  que  vous  aurez  veu  M'  d'Aubray  qui  s'en  vouldra  char- 
ger à  mon  advis,  au  moings  du  soing  de  la  faire  passer  au  seau,  en 
cas  qu'il  y  eust  de  la  difficulté,  ce  que  je  ne  croys  pas  trop  facilement 
n'y  ayant  rien  en  son  faict  qui  ne  soit  en  termes  fort  communs. 

M""  Mencstrier  de  Rome  m'a  faict  grande  instance  de  luy  faire  achep- 
ter  deux  cents  chastaignes  des  Indes,  qui  se  vendent  à  Paris  passé  le 
pont  neuf  à  main  droicte  vers  la  vallalerie*  (je  crois  qu'il  veuille  dire 

'  Antirrfielicus.DeCa)ioneAratisicano,elc.  Moreau  déjà  souvent  mentionnds  dans  ce 

Voir   le    recueil    Peiresc-Dupuy,     t.    II,  volume  et  dans  les  précédents, 
p.  509.  '  Voir  le  recueil  Peiresc-Du|)uy. 

'  Les    libraires  ordinairement    appelés  '  Peircsc  a  souligné  le  mol  d'une  rangée 

V.  ai 

IM  fit)  U  ERIC     ^ATiniULn. 


162  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

la  vallée  de  misère)  chez  un  vendeur  d'oyseaux ,  qui  les  baille  à  dix  frans 
le  cent.  D'autres  les  appellent  chastaignes  de  mer,  dont  on  se  sert  à 
porter  du  tabac  en  pouldre.  Je  vous  prie  de  m'en  envoyer  et  d'y  en 
adjouster  quelque  douzaine  de  plus  du  compte  de  deux  cent  et  me  les 
faire  tenir  par  la  plus  prompte  commodité  que  vous  pourrez. 

J'ay  receu  les  deux  pacquets  adressez  à  Dom  du  Puy'  à  Home  et  suis 
bien  marry  qu'ils  ne  soient  venus  à  temps  avant  le  partement  des  galères. 
11  fauldra  attendre  quelque  autre  commodité  et  le  mal  est  qu'elles  ne 
sont  pas  fréquentes  en  cette  saison,  que  l'on  esvite  d'aller  à  Home 
contre  le  gros  du  chauld.  Mais  j'en  hazarderay  au  moings  l'un  soubs 
l'enveloppe  du  Cardinal^  par  le  premier  courrier  qui  sera  d'assez  bonne 
volonté  pour  cela. 

Sur  quoy  je  finis  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  et  obligé  serviteur  et  meilleur  aiiis. 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  93  inay  i633  '. 

Envoyez  nous  un  peu  de  bonnes  plumes  pour  escrire  ne  s'en  trou- 
vant poinct  icy  qui  vaillent  et  qui  ne  soient  neantmoins  furieusement 
chères. 

J'avois  tousjours  oublié  d'escrire  à  M'  Henriquez  Alvarez  qui  est  un 
riche  marchand  joyellier  portugais*,  si  je  ne  me  trompe,  lequel  est 
curieux  et  de  belles  médailles  et  de  beaux  tableaux  et  encores  plus 
despierresprecieuses;  jevouspriede  luy  rendre  vous  mesme  ma  lettre 


de  points  (vaHajene),  comme  pour  avertir  graphe.  —  Copie  a  la  Méjanes,  coHection 

qu'il  avait  des  doutes  sur  l'exactitude  de  la  Peiresc,  registre  V,  fol.  688. 

dénomination.  *  La  ljibliolh.kiue  d'Aix  en  Provence  pos- 

Dom  Christophe  du  Puy,  le  chartreux.  sède  (collection  Peiresc,  registre  I),  à  IMtat 

'Voir  le  recueil  des  Lettres  de  Peiresc  aux  de  copie ,  trois  lettres  de  notre  archéologue  ii 

frères  Dupmj,  passim.  tM'  Alvarès ,  jouallier  portugais ,  à  Paris -r . 

Le  cardinal  Fr.  Barberini.  qui  seront  reproduites  dans  le  premier  vo- 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  lurae  delà  série  des  Lettres  à  divers,  c'est-à- 

nouveUes  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  6o4.  Auto-  dire  dans  le  tome  VU  de  la  correspondance. 


[1633]  À  D.  GUILLEMIN.  163 

aprez  l'avoir  leiie  et  cachettée,  et  luy  faire  voir  ma  relation  des  Indes, 
cy  joincte,  qu'il  verra  trez  volontiers  s'il  ne  l'a  veue  auparavant.  Et  la 
fauldra  faire  transcrire  à  Quentin,  chez  vous,  pour  en  bailler  aultant  à 
M'  du  Puy.  Mais  je  seray  bien  aise  qu'elle  ne  coure  pas,  et  pour  cause, 
et  que  cez  Mess"  se  contentent  de  l'avoir  chez  eux  sans  la  publier. 

S'il  avoit  quelque  vase  antique  il  m'en  accommoderoit,  je  m'asseure, 
bien  volontiers,  et  encores  plus  des  empreintes  des  camayeuls  ou 
autres  belles  pièces,  s'il  en  avoit  chez  luy  ou  chez  ses  amys,  m'ayant 
aultresfoys  faict  des  offres  bien  obligeantes  et  de  ses  médailles  et  de 
ses  tableaux  par  des  lettres,  car  je  ne  l'ay  jamais  veu  que  je  sçache. 
[Déchirure  du  papier  devant  ces  mois  :  employeroit  volontiers.]  Si  le 
m[arquis]  de  Sourdy  vous  confioit  son  vase  de  rechef,  je  serois  d'advis 
que  le  luy  monstrassiez,  et  celuy  de  M'  de  Roissy,  pour  luy  faire  voir 
ma  curiosité  et  la  confiance  que  l'on  prend  en  vous,  car  il  luy  pour- 
roit  bien  tomber  en  main  quelque  chose  de  semblable,  et  luy  pourroit 
bien  estre  l'un  de  ceux  qui  ont  achepté  les  camayeulx  et  joyaulx  de  la 
maison  de  Montmorency'  dont  me  parle  M''  Gaull.  Tesmoignez  luy  du 
désir  de  voir  pour  ma  curiosité  des  relations  des  Indes,  et  particu- 
lièrement du  païs  de  Dacan  ou  du  Dealcan  soit  de  la  part  du  sieur  Au- 
gustin Houriard  ou  d'autre,  encores  qu'elles  soient  plus  vieilles  que 
la  mienne  mesme  s'il  avoit  celle  qu'il  dict  avoir  escripte  avant  la  datte 
de  la  mienne  sur  le  subject  de  l'empoisonnement  et  mort  de  tant  de 
princes  de  la  race  du  roy  Janquir.  Voyez  s'il  vouldroit  vous  permettre 
de  me  la  faire  transcrire,  auquel  cas  Quentin  la  pourroit  aller  trans- 
crire chez  luy,  et  les  autres  lettres  ou  papiers  et  instructions  de  ce 
païs  la,  qu'il  me  vouldra  communiquer-. 

'  Après  la  mort  tragique  du  révolté  Henri  de  Monlinoreucy.  —  '  Bibliothèque  nationale , 
nouvelles  acquisitions  françaises ,  vol.  6171,  fol.  6oi. 


164  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

LXXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  LE  PRIEUR  DE  ROUMOULES, 

PROTHONOTAIRE  DU  SAINT-SlÈGE  APOSTOLIQUE, 
À  BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  vous  escrivis  par  l'homme  de  Mons'' d'Andrault  il  y  a  huict  jours. 
Vous  aurez  la  présente  par  Dom  Louys  Chaberl'  qui  s'en  retourne 
enfin  en  son  monastaire  ayant  esté  assez  longtemps  parmy  les  bons 
pères  de  l'Oratoire,  pour  y  apprendre  les  exercices  de  pieté,  et  d'un 
bon  religieux,  comme  je  veux  espérer  qu'il  s'en  acquittera  de  mieux 
en  mieux  Dieu  aydant. 

J'ay  aujourd'huy  receu  par  les  Moreaux  les  trois  estuys  d'empreintes, 
le  porte  feuille  des  desseins  de  S'  Dcnys,  et  le  petit  fagot  de  livres  fort 
bien  conditionné  le  tout,  et  dont  je  suis  demeuré  fort  satisfaict.  Mais 
je  n  y  ay  poinct  trouvé  de  modèles  de  fer  blanc  pour  la  contenance 
des  vases,  pour  raison  de  quoy  je  pensoys  que  Vous  eussiez  mené 
l'ouvrier  que  vous  m'aviez  nommé,  et  qualifié  de  ce  meslier,  vovant 
bien  que  vous  avez  jugé  qu'il  me  debvoit  suffire  d'avoir  vostre  relation 
sur  le  mesurage  de  toutes  cez  pièces,  dont  il  fauldra  se  contenter 
puisqu'ainsin  est.  Mais  le  restant  cust  esté  fort  à  propos,  et  n'eust 
pas  esté  inutile  nomplus  que  des  vases  du  m[arquis]  de  Sourdys  et  de 
la  m[arecha]le  de  Roquelaure. 

J'ay  trouvé  les  desseins  fort  jolis  et  M'  Rabel  bien  honneste  par  con- 
sequant.  Je  pense  que  le  pacquet  adressé  à  Dom  du  Puy  à  Rome  sera 
venu  à  temps  pour  passer  les  monts,  avec  M' l'abbé  du  Thil,  parent  ou 
allié  de  M"^  de  Thou,  qui  attend  passage.  Il  est  vray  que  je  le  dissuade 
de  s'y  resouldre  que  les  challeurs  ne  soient  plus  advancées,  pour 
n'arriver  à  Rome  pendant  la  pire  saison. 

'  Sur  ce  religiewx ,  voir  ia  notice  sur  Peiresc,  abbé  de  Guîlres  par  Anl.  de  Lanteuay  (Bor- 
deaux, 1888)  et  le  Supplément  à  cette  notice  par  le  présent  annotateur  (Bordeaux,  1898). 


[1G33]  À  D.  GUILLEMIN,  1G5 

Au  reste  Monsieur  nostre  premier  présidant  i'Aisné  ^  a  eu  permission 
du  roy  d'aller  pendant  noz  vacations  du  Parlement  faire  un  tour  à  la 
Cour,  et  s'en  va  prendre  son  chemin  par  Thoulouse,  Bordeaux  et  An- 
goulesme,  où.  il  a  sa  maison  de  la  Marguerie,  à  k  lieues  d'Angoulesme. 
Si  vous  en  estes  adverty,  je  seray  bien  aise  que  vous  l'alliez  salliier  de 
ma  part  soit  à  Bordeaux,  ou  sur  son  chemin  d'Angoulesme  par  lequel 
il  ne  passera  je  m'asseure  guieresloing  de  Cuistres,  auquel  cas  je  se- 
roys  bien  aise  qu'on  luy  peussc  faire  présenter  au  nom  de  mes  officiers, 
quelques  r'affraichissements  soit  de  poisson,  ou  de  gibier,  et  de  fruicls, 
s'il  y  avoit  rien  qui  vaille. 

Je  n'escriray  pas  pour  ce  coup  à  Mess"  d'Andrault^  et  de  Monts,  ne 
ù  autre,  ayant  assez  escript  par  vous,  ains  seulement  aux  religieux  de 
njon  Abbayie  à  ce  qu'ilz  fassent  une  réception  favorable  à  Dom  Louys, 
et  cependant  je  demeure, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  alfectioimé  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  PfilRESC. 
A  Aix,  ce  XI  juiUet  i633. 

Monsieur  le  Premier  Présidant  nous  a  depuis  dict  qu'il  ne  seroit  icy 
de  retour  de  son  voyage  que  le  moys  de  novembre.  Vous  en  sçaurez 
des  nouvelles  plus  fraischesdepar  de  là  si  vous  le  voyez  ou  Mess^d'An- 
drault  et  de  Monts  qui  ont  interest  de  le  voir  à  son  passage. 

[^Post-scriplum  à  côté  de  rudresse.^  J'entends  que  Dom  Louys  Chabert 
soit  payé  des  arrérages  de  sa  pension  monachale  en  deue  forme,  et 
que  cez  gentz  n'y  fassent  pas  de  la  difficulté*. 

'  Voir  sur  ce  personnage  le  recueil  Pei-  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français. 

resc-Diipuy  {passim).  nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  608.  Aulo- 

'  Ce  conseiller  au  parlement  de  Bordeaux  graphe.  —  Copie  à  la  Méjanes ,  collection 

est  mentionne  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy  Peiresc,  registre  V,  fol.  70a. 
(t.  I,  p.  33()). 


166  LETTRES  DE  PEIRESC  [163/4] 


LXXII 


MÊME  ADRESSE. 


BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Vous  m'avez  faict  un  singulier  pluisir  de  ni'envoyer  les  pièces  que 
j'ay  receiies  avec  voslre  despesche  du  2 1 .  Et  vous  supplie  de  conti- 
nuer de  m'en  faire  voir  les  suittes  qui  ne  peuvent  estre  que  bien 
notables.  Louant  bien  fort  vostre  prévoyance,  à  vous  excuser  de  ce 
voyage. 

i\ous  avons  icy  maintenant  à  noz  ieulx  un  autre  exemple  qui  ne 
fera  gueres  moings  d'esclat  tost  ou  tard,  mais  je  suis  trop  pressé  à  celte 
heure  pour  vous  en  faire  le  discours.  M""  Talion  '  avoit  conunancé  de 
travailler  à  sa  connnission  et  de  changer  le  prix  et  les  mesures  du  sel, 
à  Berre^,  sans  avoir  veu  Mess"  des  contes  {sic)  non  plus  que  du  parle- 
ment. Mess"  des  Comptes  [sic)  ont  envoyé  des  commissaires  sur  les 
lieux  pour  restablir  les  anciennes  mesures  et  l'ancien  prix.  11  avoit 
surcis  par  une  ordonnance  l'exécution  de  quelques  arrestz  du  parle- 
ment, dont  M' le  Procureur  gênerai  a  interjecté  appel,  sur  lequel  les 
parties  sont  renvoyées  à  vendredy.  Vous  pouvez  bien  penser  où  tout 
cela  peult  aboultir,  et  je  demeure, 

Monsieur  le  Prieur, 

voslre  plus  serviable  et  meilleui'  amy, 

DE  PeIBESC. 
A  Aix,  ce  X  octobre  i634. 

Faictes  rendre  au  p.  du  VaP  la  lettre  cy  joincte  de  son  neveu  que  je 

Sur  le  conseiller  d'État  Jacques  Talon,  '  Sur  le  prieur  Du  Val,  qui  fut  le  digne 

voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  r.  III ,  p.  18a  leprësentant  de  Peiresc  h  (huîtres,  voir  la 

et  passttn.  notice  déjà  citée  d'A.  de  Lantenay  et  le  Sup- 

Voir  siu-  cette  localité  des  liouches-du-  plémcnt  de  son  humble  continuateur. 
RhAne  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  passim. 


[1635]  À  D.  GUILLEMIN.  167 

ne  peux  accompagner  d'une  mienne  comme  j'eusse  faicl  volontiers  à 
cause  de  l'heure  tarde. 

Le  procureur  Bonardy  a  eu  sa  lettre  et  fera  son  debvoir,  mais  je  ne 
l'ay  pas  veu  encores,  mais  il  dict  avoir  porté  son  pacquet  à  la  poste 
ordinaire'. 


LXXIK 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  enGn  vostre  despesclie  du  4""'  que  j'ay  esté  bien  aise  de 
voir  avant  que  faire  ma  responce  et  mes  excuses  à  M"'  Le  Camus ^^5  parce 
que  à  ne  vous  rien  des(;uiser,  il  me  sembloil  qu'il  me  faisoit  un  peu 
de  tort,  de  me  faiic  une  si  incivile  proposition,  et  de  me  dire  qu'il 
vouloit  oublier  ce  qu'il  a  voit  apprins  sur  les  lieux,  comme  s'il  me  vou- 
loit  obliger  à  des  appréhensions  d'estre  convaincu  de  mensonge,  au  cas 
que  je  n'eusse  voulu  dire  bien  au  vray  ce  que  je  pouvoys  retirer  de 
net  dont  j'estoys  un  peu  picqué.  Mais  ce  que  vous  m'avez  mandé  des 
propositions  de  l'abbé  de  Coursan^  m'a  retenu  et  empesché  d'en  faire 
paroistre  aulcun  sentiment  et  de  luy  respondre  aux  termes  qu'il  avoit 
méritez  car  les  ouvertures  dudict  abbé  de  Coursan  pourroient  bien 
avoir  esté  accrochées  par  le  traicté  auquel  s'estoit  depuis  ingéré  M""  Le 
Camus.  C'est  pourquoy  je  luy  ay  faict  ma  responce  la  plus  bonneste 
que  j'ay  peu,  afin  que  s'il  est  en  estât  ou  en  obligation  de  la  faire  voir, 
l'on  aye  quelque  petit  subject  de  m'en  sçavoir  bon  gré,  et  de  me  traicter 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  63G.  Voir  encore  Peiresc,  abbé  de  Guttres 

iiouvellcsacquisitions, 5171, fol.  591.  Auto-  d'A.  de  Lantcnay  et  le  Supplémctit  à  celle 

graphe.  notice. 

'  Au  sujet  de  Nicolas  Le  Camus,  procu-  '  Sur  l'abbé  de  Coursan,  agent  du  car- 

reur  général  de  la  Cour  des  aides  de  Paris,  dinal  de  Richelieu,  voir  le  Recueil  Avenel,  à 

voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  II ,  p.  C35 ,  la  Tabk. 


168  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

mieux  s'ils  veullent  avoir  quelque  chose  de  moy  comme  je  me  double 
bien  que  tost  ou  tard  il  fauldra  qu'on  y  revienne.  Et  vouldroys  bien 
que  l'envie  leur  eust  bien  prins  de  cette  proposition  de  l'abbé  de 
Coursan,  et  qu'on  y  eust  faict  l'evidante  utilité  de  l'Eglise,  Auquel  cas 
il  fauldra  un  pou  faire  valloir  la  gratification  et  la  mesnager,  car  il  y 
auroit  possible  bien  du  moyen  d'y  trouver  d'aultres  advantages,  qui 
ne  leur  cousteroient  rien,  et  que  j'estymeroys  au  centuple  de  tout  ce 
qu'ils  me  pourroient  bailler  de  recompance.  Mais  il  fault  que  cela  aye 
son  temps  et  voir  ce  qu'ils  auront  à  dire.  Et  possible  que  cette  mienne 
responce  fera  accellerer  ou  reprendre  la  négociation  qui  avoit  esté 
interrompue.  Tant  est  que  Dieu  mercy  vous  voila  quitte  de  la  presse 
du  voyage  jusques  au  bon  temps,  et  vous  aurez  tout  loisir  de  pourvoir 
à  l'aise  aux  affaires  plus  pressantes. 

Au  reste  l'on  fit  hier  trois  assemblées  des  troys  ordres,  du  Clergé, 
Noblesse  et  Tiers  Estât,  où  presidoient  les  présidants  Galifet',  et  La 
Roque  ^,  et  le  conseiller  de  Boyer'  dans  lesquelles  on  délibéra  de  faire 
procuration  aux  députez  du  pais  d'adhérer  aux  poui-suittes  du  parle- 
ment contre  M' le  mareschal  de  Victry,  et  de  repeter  les  sommes  d'argent 
qui  luy  ont  esté  expédiées.  Et  par  mesme  moyen  requérir  le  Roy  de. 
leur  bailler  un  aultre  gouverneur,  et  spécialement  M^"^  le  Cardinal  de 
Lyon,  s'il  plaict  à  S.  M.,  de  façon  qu'il  y  a  de  l'apparance  qu'une  ré- 
quisition si  générale  pourroit  estre  bien  receiie  de  S.  M.  comme  fut 
celle  du  païs  de  Brelaigne  quand  ils  firent  la  postulation  et  réquisition 
de  Ms'  le  Cardinal  Duc  pour  leur  gouverneur.  L'on  a  député  pour  aller 


'  Nous  avons  trouvé  plus  liaut  inenlion 
du  président  A.  de  Gatliflet. 

*  Jean-Daptiste  de  Forbin,  sieur  de  la 
Roque,  de  Gontard  et  de  Saint-André,  fut 
conseiller  au  parlement  d'Aix  en  1691,  et 
devint  présiden  t  à  mortier  le  a  8  février  1 C  2  i  ; 
il  mourut  en  i65o.  Son  flis,  Melchior  de 
Forbin,  lui  succéda  dans  sa  charge  de  pré- 
sident et  obtint,  en  1 653 ,  l'érection  en  mar- 
quisat de  sa  terre  de  la  Roque  (aujourd'hui 


commune  de  la  Roque  d'Antberon,  arron- 
dissement d'Aix).  Cette  seigneurieétaitenlrée 
dans  la  maison  de  Forbin,  en  i5o4,  par 
alliance  avec  les  de  la  Terre.  C'est  à  la  Roque 
que  naquit,  en  1777,  le  comte  de  Forbin, 
directeur  des  musées  royaux  et  membre  de 
l'Institut,  mort  en  18&1. 

'  Sur  le  conseiller  de  Royer  voir  le  recueil 
Peiresc-Dupiiy. 


[1635]  X  D.  GUILLEMIN.  169 

vers  Ms'  le  Cardinal  de  Lyon  pour  le  supplier  d'agréer  les  instances  de 
tous  les  ordres  de  la  province  '  dont  nous  nous  promettons  qu'il  sçaura 
bon  gré.  Et  desja  sur  l'advis  de  sa  veniie  comme  Ambassadeur  du  Roy 
en  cour  de  Rome,  le  parlement  avoit  faict  deputation  pour  aller  au  de- 
vant de  luy  avec  les  mesmes  honneurs  qu'on  rendoit  aux  gouverneurs. 

J'ay  eu  une  lettre  de  M""  Marchier^  du  i  7^  mais  il  ne  sçavoit  encores 
rien  du  jour  du  despart  de  S.  Em™^  pour  le  voyage  d'Italie.  Touz  ceux 
qui  le  doivent  accompagner  estoient  desja  arrivez,  mesmes  M""  d'xMby 
cy  devant  evesque  d'Agen',  qui  parloit  de  le  venir  attendre  en  ce 
pais  icy. 

Voila  bien  des  nouvelles.  Songez  à  votre  santé  sur  toutes  choses  et 
me  tenez  tousjours, 

Monsieur  le  Prieur, 

pour  vostre  trez  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE   Peibesc. 
A  Aix,  ce  2  3  janvier  i635'. 


LXXIV 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur, 
J'ay  reçeu  par  l'ordinaire  et  laict  tenir  seurement  comme  je  feray 
tousjours,  toutes  les  lettres  que  m'avez  adressées  de  la  part  de  ce  gentil- 
homme à  qui  vous  sçavez  que  je  suis  si  desvoiié  serviteur,  et  son  homme 

'  Sur  les  fli'lilx'i'ations  de  l'assemblée  voir         '    '  Alphonse  île  Richelieu,    le    cardinal- 
divers  di'tails  dans  l'Histoire  de  la  ville  d'Aùv        ai-ch('vô(|ue  de  Lyon. 


par  de  Haitze  (t.  IV,  p.  i!63-a64)  et  dans  '  Gaspard  de  Daillon,  évêque  d'Agen  de 

YHisloirc   de   Provence   de   Papon    (t.    IV,  i63i  à  i63/i,  archevêque  d'AIbi  de  i63.') 

p.  '176).  à  167G. 

'  Sur  l'abbé  Marchier,  prévôt  du  chnpiti'e  '  Bibliolhèque  nationale,  fonds  français, 

de  Saint-  Sauveur  d'Aix ,  voir  le  recueil  Pei-  nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  869.  Auto- 

resc-Dupuy,  pnssim.  grapho. 


93 


17*  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

m'a  dict  qu'il  luy  respondoit.  Espérant  de  le  servir  Dieu  aydant  à  sou- 
liaict.  J'escripts  selon  vostre  bonadvis  à  M''  de  Vertamoii'  que  je  n'avoys 
pas  sçcu  estre  en  cez  quartiers  là^,  pour  le  remercier  des  bons  offices 
qu'il  luy  a  pieu  me  rendre,  lorsque  je  m'y  atlendoys  le  moinjjs,  et  que 
je  ne  pensoys  pas  qu'il  eust  daigné  conserver  seulen)enl  la  mémoire  de 
mon  nom.  Mais  il  est  ainsin  lionneste  et  obligeant  sans  que  je  luy  aye 
rendu  de  service  qui  vaille;  le  voyage  qu'il  lit  à  Rome  quelques  années 
y  a,  me  fit  acquérir  l'honneur  de  sa  cognoissance. 

J'escrips  aussy  à  M'  le  président  Conte  ^,  et  parceque  javoys  faict 
retenir  un  duplicata  de  la  despesche  que  vous  luy  porlasles  en  partant 
d'icy,  où  je  luy  faisois  r  amenlevoir  de  tout  plein  de  particularitcz  qui 
vous  peuvent  servir  d'instruction  de  ce  qui  se  passa  de  cette  alTaire  à 
mon  voyage  de  par  de  là  j'ay  faict  remettre  au  net  le  duplicata  de 
toute  cette  despesche  tant  à  luy  et  à  M'  le  tliresorier  de  Gourgues*  qu'à 
Madame  la  Présidante*,  pour  vous  en  servir,  et  si  besoing  estoil  les 
présenter  derechef,  comm'  un  duplicata  que  vous  eussiez  retenu  dez  lorz 
par  devers  vous  en  cas  de  perte  des  originaulx,  et  pour  leur  r'affraischir 
la  mémoire  de  cette  négociation  qu'ils  peuvent  avoir  perdue  depuis 
si  longtemps.  N'ayant  pas  jugé  à  propos  de  leur  escrire  de  rechef  de- 
cette  affaire,  puisqu'ils  ne  m'ont  faict  aulcune  responce,  que  je  ne 
voye  d'aultres  effects  de  leur  honnesteté.  Sçaichant  comme  cez  gents  là 
prennent  advantage  de  toutes  choses,  quand  ils  peuvent,  comme  vous 
voyez  que  vouloit  faire  à  cette  heure  M'  de  Gourgues  de  sa  commis- 


'  C'était  François  de  Vertamoii ,  marquis 
de  Manœuvre,  baron  du  Breau,  tour  à  tour 
conseiller  au  parlement  de  Paris,  niaitre 
des  requêtes,  intendant  d'année,  conseiller 
d'État,  mort  en  1666.  Voir  Lettres  de  Je/in 
Chapelain,  t.  II,  p.  igli. 

^  Verlamon  était  en  ces  quartiers -là 
parce  qu'il  fut  intendant  de  l'année  de 
Guyeimede  i63o  à  i638. 

'  Conte  est  là  pour  Le  Comte.  Il  s'agit 
de  Jacques  Le  Comte,  captai  de  la  Tresne 
et  baron  de  Cenac,  qui  fut  président  en  la 


seconde  clianibre  des  enquêtes  du  parlement 
de  BonleaiK  et  qui  avait  épousé  Callierino 
de  Gourgue,  sœur  du  premier  président. 

'  Un  frère  de  feu  Marc-Aptoine  de 
Gourgiie,  premier  président  :  c'était  Pierre 
de  Gourgui:,  trésorier  générjl  de  France 
en  Guyenne. 

'  Le  premier  président  s'était  marié  en 
secondes  noces  (G  juillet  1617)  avec  Olive 
de  Lestounac,  fdle..de  Jean  de  Lestonnac. 
écuyer,  seigneur  de  Puypelat.  et  déjà  deux 
fois  veuve  elle-même. 


[1635]  À  D.  GUILLKMIN.  171 

sioii,  poiii'  obliger  lez  pauvres  gentz  à  le  servir  au  préjudice  de  ma 
pauvre  église. 

Au  reste  vous  aviez  mieux  cogneu  que  moy  l'humeur  de  M""  Le  Camus, 
et  aviez  deviné  ce  que  vous  aurez  depuis  apprins  par  mes  dernières  et 
penultiesmes  despesches,  vous  asseurant  que  j'ay  esté  bien  ayse  d'en 
eslre  despestré  honorablement^  et  que  cez  Mess"  n'ayent  à  me  repro- 
cher aulcun  manquement  de  defferance  et  de  courtoisie  de  ma  part. 

Il  ne  fauit  point  d'excuse  de  i'obmission  de  l'adresse  de  Mess"  de 
Rossi  de  Lyon  puisque  vous  avez  trouvé  meilleure  commodité  d'ailleurs. 

Vous  aurez  sceu  la  délibération  de  nostrc  assemblée  des  troys  ordres 
pour  prier  le  Roy  de  nous  donner  pour  gouverneur  Me"'  le  Cardinal  de 
I^yon,  qui  ne  tesmoigna  pas  d'abbord  d'agréer  cette  nouvelle,  et  des- 
pescha  aussytost  un  courrier  à  M' de  Saint  Chaumont  pour  s'en  plaindre 
et  faire  arracher  du  registre  cet  article  des  délibérations  de  la  dicte 
assemblée  où  il  ne  vouloit  pas  estre  nommé  ne  compris.  Toutefoys  il  n'a 
j)as  laissé  de  recevoir  bien  favorablement  M'  de  Saint  Ivers-  et  M'  de 
BendoP,  députez  de  la  noblesse,  qui  luy  portèrent  la  délibération  de 
leur  chambre  et  de  leur  bailler  des  lettres  de  recommandation  à  l'Lmi- 
nentissime  Cardinal  Duc  son  frère. 

Nous  sommes  attendantz  la  réception  qu'il  aura  depuis  faicte  à 
M""  l'Evesque  de  Sisteron*  et  à  M' de  Mimata,  députez  du  clergé,  qui  ne 
peuvent  pas  se  mettre  si  tost  en  chemin ,  et  de  M"' du  Muy,  consul  d'Aix^, 
et  M""  Abeille,  consul  de  Tarascon^,  députez  du  tiers  ordre,  qui  par- 


'  Voir  Peiresc ,  abbé  de  Guilres  el  le  Sup- 
plément a  la  notice  d'Ant.  de  l.aiitenay, 
passim. 

'  François  de  Gastellane,  seigneur  de 
Sainl-Yvers,  qui  acheta  plus  tard  la  terre  et 
le  marqiii.sat  de  Griinaud. 

^  Le  nom  patronymique  de  M'  de  Ban- 
(lol  était  Boyer.  Dans  la  première  moitié  du 
xvii'  siècle  on  coimait  deux  Boyer,  Antoine, 
le  père,  et  Jules,  le  fils. 

*  Toussaint  de  Glandevès  de  Cujes ,  déjà 
plusieurs  fois  meulionné. 


'  François  Rascas ,  seiffneur  de  Muy , 
Bagarris ,  le  Bourguet,  etc. ,  était  frère  puîné 
de  Pierre  Antoine,  le  numismate.  11  fut  élu 
premier  consul  d'Aix  en  i634  el  i6/i6  et 
viguierde  Marseille  en  i645.  Il  avait  épousé 
en  i6aG  Marguerite  de  Pontevès-Sainte- 
Calherine,  veuve  de  Henri  liascas,  seigneur 
du  Muy,  dont  le  père ,  Jean-Baptiste  Kascas, 
aussi  seigneur  du  Muy,  fut  massacré  dans 
son  château  en  i588.  (Communication  de 
M.  le  marquis  de  Boisgelin.) 

"  Victorin  Abeille .  seigneur  de  Peyroiles, 


172  LETTRES  DE  PEIRESC  [163dJ 

tirent  encores  plus  tard  à  cause  de  ce  qui  estoit  resté  à  resouldre  entre 
les  communaultez  de  la  province.  Le  s'  du  Plessis  Bezançon,  eslargy  de 
la  Bastille,  passa  cez  jours  passez  pour  aller  mettre  ordre  à  quelques 
fortifications  sur  la  coste',  et  dict  que  Ms'  le  Cardinal  de  Lyon  luy 
avoit  dict  qu'il  se  vouloit  embarquer  le  iB"^  et  qu'il  partiroit  dez  hier 
de  Lyon,  mais  il  avoit  envoyé  en  poste  à  la  Cour  M''  l'Advocat,  (jui 
ne  pouvoit  estre  de  retour  plus  tost  que  le  8"^  ou  io°"=  de  sorte  que 
difficilement  partira  \\  avant  lundy  prochain.  M'  de  l'Estoille^est  cepen- 
dant party  avec  toutes  ses  bardes  par  le  Rosne  pour  aller  jusqu'en 
Arles,  et  de  là  à  Toullon  où  les  galères  l'attendent.  Et  je  demeure, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE    PeIRKSC. 
A  Aix,  ce  6  febvrier  j635  '. 


ne  en  i6o6,  à  Tarascon,  au  sujet  duquel 
on  peut  voir  les  Esquisses  généalogiques  sur 
les  familles  de  Provence  par  M.  le  marquis 
de  Boisgelin  (t.  I,  in-4',  p.  5). 

'  Sur  l'ingënieur  Bernard  de  Besançon , 
seigneur  du  Plessis,  voir  le  recueil  Peiresc- 
Dupuy,  t.  Il,  p.  ig.  Depuis  l'apparition  de 
ce  tome,  ont  été  publiés  pour  la  Société 
de  l'Histoire  <le  France  les  Mémoires  de  du 
Plessis  Besançon ,  accompagnés  de  correspon- 
dances et  documents  inédits  (1892).  L'édi- 
teur du  volume,  le  comte  Hoirie  de  Beau- 
caire,  rappelle  que  du  Plessis  Besançon  fut 
amené  h  la  Bastille  le  a  3  juillet  i63i.  Voici 
comment  du  Plessis  raconte  et  explique  son 
emprisonnement  (p.  1 1)  :  rrSans  autre  sujet 
que  la  politique  délicate  et  sévère  du  temps, 
je  fus  mis  en  arrêt  à  la  Bastille ,  oîi  je  demeu- 
rai trois  ans  et  demi  (1 63 1-1 634),  parce 
que  mon  frère  avoit  passé  en  Flandres  avec 
la  reine-mère .  ..r,  Besançon  ajoute  ( p.  1 9 )  : 
trLa  justice  et  la  bonté  du  Roi  me  tirèrent 
enfin  de  cette  fâcheuse  condition ,  en  janvier 


i635.  On  me  fit  partir  peu  de  jours  après 
pour  la  Provence  avec  la  direction  générale 
de  tout  ce  qu'il  y  auroil  à  faire  pour  la  sûreté 
des  ports  et  places  de  la  côte  contre  les  des- 
seins des  ennemis ...  1 

'  Voir  sur  Claude  de  l'Estoille,  lils  du 
chroniqueur ,  et  secrétaire  du  cardinal 
Alphonse  de  Richelieu ,  le  recueil  Pciresc- 
Dupuy,  t.  I,  p.  a83  et  027. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français , 
nouvelles  acquisititions ,  5 1 7 1 ,  fol.  .571.  Auto- 
graphe. Voir  dans  Peiresc ,  abbé  de  Guitres. 
Supplément  à  la  notice  de  A.  de  Lanteimy ,  de 
considérables  extraits  d'une  longue  et  impor- 
tante lettre  à  Guillemin,  du  6  mars  i63.5. 
roulant  en  entier  sur  les  affaires  de  l'abbaye 
et  sur  son  histoire.  Voir  encore  dans  le  même 
recueil  une  autre  lettre  h  Guillemin,  du 
19  mars  de  la  même  année,  lettre  dont  je 
donne  ici  la  fin  où  il  n'est  plus  question  du 
monastère  dont  Peiresc  avait  la  dii-ection  : 

ff  Au  reste  vous  aurez  sceu  le  passage  de 
W'  le  Cardinal  de  Lyon  qui  s'embarqua  à 


[1635] 


A  D.  GUILLEMIN. 


173 


LXXV 
MÊME  ADRESSE. 

BORDKAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

J'ay  esté  tout  le  jour  si  assassiné  que  je  n'ay  peu  vous  escrire  comme 

je  desiroys  des  desordres  de  l'assemblée  du  clergé,  où  il  s'est  joué 

des  rollets  incroyables  de  perfidie  qui  seroient  de  trop  longs  discours 

comme  les  pouilles  de  lavandières  de  cez  evesques  les  uns  contre  les 


ïoullon  la  nuict  du  mardy  au  mercredy  der- 
nier par  un  temps  qui  u'estoit  pas  trop  favo- 
rable, mais  il  a  esté  suyvy  depuis  deux, 
jours  ou  troys  d'un  mistral  qui  l'aura  peu 
rendre  h  Gènes  fort  à  souhaict,  et  h  Civita- 
Veccliia  dans  un  jour  ou  deux.  U  a  mené 
M'  Raphaelis  le  théologal.  Il  fut  à  Boysgency 
avec  M'  de  Saint  Cliaumont  un  jour  ou  deux 
en  alhint  et  y  vouloit  revenir  aprez  s'estre 
deschargé  h  Toulon  de  la  foulle  s'il  n'y  eust 
trouvé  ses  hardes,  (jui  y  arrivèrent  la  mati- 
née suyvant*  de  son  arrivée.  Je  m'estoys 
excusé  de  l'accompagner  pour  ne  pas  aban- 
donner icy  la  cause  de  M'  de  M[aran]  qne 
nous  avions  faict  appointer  au  registre. 
Mais  j'ay  eu  une  mortification  nompareilie 
de  n'avoir  peu  esviter  le  coup  qui  s'en  est 
ensuivy  depuis  fort  precipitament  dez  ven- 
dredy  dernier  qu'on  y  travailla  matin  et  soir, 
où  nous  fusmes  si  maleureux  que  nous  la 
perdismes  d'une  voix,  qui  nous  manqua  au 
besoing,  dont  j'ay  esté  affligé  à  l'extrémité. 
Mais  si  celuy  qui  a  levé  une  requeste  civile 
h  Tlioulouse  se  veull  mettre  en  jeu ,  il  fera 
sans  double  restablir  toutes  choses  en  estât. 
Les  affaires  de  telle  importance  ne  doivent 
pas  estre  négligées,  et  méritent  qu'on  s'y 
trouve  en  persone,  car  la  présence  peult 


acquérir  de  grands  advantages,  et  remédier 
à  de  grands  coups;  vous  ne  sçauriez  croire 
combien  ce  malheur  m'a  touché  et  de  com- 
bien je  l'auroys  racheplé  si  j'eusse  peu.  Je 
ne  sçay  si  vous  aurez  sceu  que  Barreme  a 
esté  bastoniié  furieusement  dans  son  lict  à 
Paris  chez  M' l'Archevesque  par  deux  de  ses 
neveux,  pour  avoir  impudemment  porté  des 
paroles  dezhonnestes  à  une  nièce  dudict 
s'  Archevesque,  lequel  est  party  depuis  le 
6""  pour  venir  tenir  l'assemblée,  dont  il 
s'csloit  saisy  du  pacquet  des  ageantz  poui- 
la  conunission.  On  s'alloit  dispencer  delà 
tenir  sans  luy  et  sans  ledict  pacquet  s'il  ne 
fusse  party.  Et  je  demeure, 
rrMonsieur  le  Prieur, 

(T  vostre  trez  humble  et  trez  affectionné 
itserviteur  et  meilleur  amy. 
RDE  Peirgsc. 

bA  Ail,  ce  19  mars  i635. 

ffj'oublioys  de  vous  dire  qu'enfin  vosire 
Angloys  a  jtayé ,  mais  il  a  fallu  attendre  non 
seuil  inent  la  dernière  heure,  mais  troys  ou 
quattre  jours  aprez.  .«Vultrement  il  vouloit 
lousjours  gaigner  dix  ou  douze  francs,  t 

(Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  546.  .4iilo- 
graphe.  ) 


174  LETTRES  DE   PEIHESC  [1635] 

aullres^  et  jusques  aux  demantys  formels  de  l'Evesque  d'Apt-  à  l'Ar- 
chevesque'.  Enfin  ils  se  sont  partagez  et  ont  séparément  faict  escrire 
leurs  délibérations,  à  sçavoir  l'Archevesque  avec  M""  de  Frejus*  et  de 
Gap^  et  les  députez  de  Frejus  et  de  Gap  seulement  une  deputation  et 
procuration  pour  M'  l'Archevesque  et  pour  M""  rEv[esque]  de  Frejus 
ou  son  coadjuteur  pour  le  premier  ordre,  et  les  s"  Marchier  et  député 
de  Gap  pour  le  second  ordre.  De  laultre  costé  les  Evesques  de  Siste- 
ron^.  Riez',  d'Apt  et  un  pour  Sisteron  qui  n'est  pas  bénéficié  du  dio- 
cèse ont  député  les  Evesques  de  Sisteron  et  Hiez  pour  le  premier  ordre, 
et  les  s"  de  Mimata  et  prieur  de  Moiitquez  député  d'Apt.  Ils  avoient 
mis  pour  tiers  le  s''  de  Monmeyan*,  mais  ils  l'ont  révoqué  aprcz  avoir 
veu  une  lettre  du  roy  qui  deffcndoit  d'en  députer  plus  de  deux  de 
chasque  ordre  et  qui  cominandoit  d'observer  le  tour.  Ils  ont  verbalisé 
des  gros  registres  entiei^s  et  prétend  on  que  la  voix  de  Mimata  soit 
nulle  faulte  de  deputation  du  diocèse  comme  celle  du  diocèse  de  Sisteron 
faulte  de  bénéfice  et  que  les  Evesques  de  Sisteron  et  de  Riez  y  avants 
esté  aux  dernières  assemblées,  n'y  peuvent  estre  au  préjudice  de  règle- 
ment pour  le  tour.  M""  d'Aix  ayant  recommancé  au  refus  de  M'  de  Gap. 
Vous  eu  sçaurez  et  admirerez  un  jour  le  destail  et  je  seray  tousjours. 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DK  Peiresc. 
A  Aix,  ce  3  avril  1 635*. 


'  Peiresc,  que  les  inconvenances  indi- 
gnaient, emploie  une  image  h  la  fois  bien 
cruelle  et  bien  pittoresque  en  comparant  les 
poutlles  des  j)rëlats  à  des  querelles  de  lavoir. 

'  Modeste  de  Villeneuve  des  Arcs  (  1 63o- 
1670). 

L'archevêque  d'Aix,  comme  nous 
l'avons  déjà  souvent  vu,  était  alors  Louis 
de  Bretel. 

*  Barthélémy  de  Gamelin  (  i5f)6-i637). 
Charles -Salomon     Duserre     (1698- 
,637). 


"  Nous  venons  de  vi»ir  que  c'était  Tous- 
saint de  Giandevès  do  (iujes. 

'  Louis  Doni  d'AUicliy  (!69&-i 659). 

'  lyC  sieur  de  Monlmoyan  devait  être  un 
Castellane,  probablement  Pierre,  qui  avait 
été  enseigne  des  gendarmes  du  duc  de 
Guise,  et  lit  son  testament  en  i646;  mais 
peut-être  aussi  un  de  ses  tils.  parmi  lesquels 
Henri  Gaspard  devint  grand  prieur  de  Tou- 
louse. (Communication  de  M.  le  marquis  de 
Boisgelin.) 

'  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français. 


[t635J  À  D.  GUILLEMIN.  175 


LXXVI 
Ml>ME  ADRESSE. 

BOHDKAUX. 

Motisieur  lo  Prieur, 

Ce  mot  n'est  (jue  pour  accompagner  une  lettre  de  M'"  de  Riez  qui 
\ous  recommande  un  pacquet  pour  M''  de  Verlamon  son  parent.  Vous 
aurez  eu  un  duplicata  d'une  mienne  despesche  à  M""  du  Plessis  sur  le 
subject  de  l'hommage  prétendu  par  M"'""  le  cardinal  duc  de  Fronsac', 
n'ayant  pas  lors  eu  loisir  de  vous  escrire  aultre  chose  sur  cela.  M'asseu- 
rant  que  M''duMesnil  Aubery  y  aura  suppléé  tout  ce  qu'il  aura  peu  et 
creu  eslre  nécessaire  pour  voslre  instruction,  dont  je  seray  attendant  le 
siiccez,  cl  des  premiers  ad  vis  que  je  vous  avoys  donnez  sur  ce  subject. 

L'on  me  faict  grande  instance  d'Italie  d'y  envoyer  une  coppie  du 
portraict  de  Nicolaus  IJoerius  présidant  au  parlement  de  Bordeaux 
qui  vivoit  environ  cent  ans  y  a,  et  qui  a  faict  imprimer  tout  plein  de 
bons  livres  de  droict^  En(|uerez  vous  je  vous  prie  s'il  a  laissé  des  héri- 
tiers, et  si  son  tombeau  n'est  pas  à  Bordeaux,  auquel  cas  si  son  por- 
traict se  trouve  je  vous  prie  d'en  l'aire  tirer  le  visage  de  la  grandeur 
du  naturel  et  me  l'envoyer,  quand  en  aurez  la  commodité. 

M"'  de  Saint  Chaumont  est  party  puis  sammedy,  et  M""  le  Mareschal 
s'en  revient,  et  de  voit  estre  à  Lyon  anjourd'liuy.  La  Cour  par  com- 
mandement du  Roy  de  luy  rendre  les  deflerances  acoustumees  a  député 
ce  matin  quelques  uns  de  la  compagnie  pour  aller  au  devant  de  luy, 
sur  des  grandes  asseurances  qu'il  a  faict  bailler  de  voir  [sic  pottr  vou- 
loir] vivre  dezhormais  en  bonne  intelligence  avec  nous.  Les  galères 
sont  de  retour  d'Italie  où  M'  le  Cardinal  de  Lyon  a  esté  receu  partout 

nouvrllosacquisilions,  5i7i,fol.  .55fl.  Auto-  curieuse . dans  Pelresc,  abhc  de  Giiilres.  Sup- 

graplie.  Voici  le  sommaire  écrit  jiai-  Guillc-  pUment  à  la  notice d' A.  de  Lantenay. 

min  :   Sur  la  défmtation  à   l'Assemblée  du  '  Sur  le  président  Nicolas  Bohier,  Boyer 

clergé.  ou  mieux  Bouyer,  mort  en  l'année  1 53() ,  voir 

'   Voir  celte  dépêche,  Ivh  étendtie  et  très  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  lll,  p.  «74-175. 


176  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

avec  des  honneurs  nouveHement  introduiclz  pour  sa  persone,  et  non 
encore  pratti(|uez  en  aulcun  aultre.  Il  arriva  à  Rome  incogneu  la  veille 
des  rameaux  et  vid  le  Pape  qui  l'embrassa  par  troys  foys  bien  tendre- 
ment'. Sa  cavalcade^  estoit  remise  aprez  festes,  et  je  demeure, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur  et  meilleur  a  m  y, 

DE  Peibesc. 
A  Al\,  ce  17  avril  i635  '. 


LXXVII 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX'. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  1 0"  du  passé  et  faict  rendre  toutes 
lettres  que  vous  y  aviez  joincles  pour  M'  Lombard  et  aultres,  vous 
remerciant  de  la  contiimation  de  voz  soings  à  mes  afl'aires  et  de  mon 
Abbaye^.  Mais  j'ay  trouvé  bien  estrange  que  vous  n'ayez  pas  receu  le 
dupplicata  de  ma  lettre  à  M'  du  Plessis  concernant  la  recongnoissance 
dont  vous  m'aviez  parlé,  et  croys  asseurement  que  cette  despesche 
vous  aura  esté  retenue,  car  M'  du  Mesnil  m'a  escript  qu'il  la  vous  avoit 
envoyée.  Et  de  faict  il  n'y  avoit  pas  de  subject  de  retardement,  car  en 
envoyant  d'icy  mon  original  autographe  j'y  fis  joindre  un  dupplicata  de 
la  main  de  mon  homme,  pour  vous  estre  envoyé  avec  ce  qu'il  trouve- 
roit  bon  d'y  adjouster.  Et  puisqu'on  vous  a  desja  soubstraict  d'aultres 
despesches  et  de  l'argent  mesmes,  ils  n'auront  pas  esté  de  meilleure  foy 

'  Savait-on  que  le  pape  Urbaia  VIII  eût  nouvelles   acquisitions,    0171,    fol.    554. 

aussi  souvent  et  aussi  tendrement  embrassé  Autographe, 
l'archevêque  de  Lyon  ?  '  Sommaire   de   la  maia  du  prieur  de 

G'est-à-dire   son   entrée   solennelle   à  Roumoules  :  Sur  la  descente  des  Espagnols 

cheval.  p„  Provence. 

BibUothèque  nationale,  fonds  français,  '  G'est-à-dire  :  et  à  celles  de  mon  abbaye. 


[1635]  À  D.  (iUILLEMIN,  177 

au  surplus,  dont  je  suis  bien  en  peine  et  vouldroysbien  pouvoir  prendre 
quelque  aultre  adresse  de  persone,  qui  ne  fusse  pas  si  cogneue  à  celuy 
qui  s'est  ainsin  affriandé  à  vous  soubstraire  des  lettres.  Mais  je  ne  sçay 
q[uel]  choix  faire,  si  vous  ne  m'en  donnez  quelque'advis  à  l'advance, 
principalement  à  cette  heure  qu'on  nous  a  donné  de  bien  mauvaises 
nouvelles  des  desordres  qu'il  y  a  eus  en  ce  pais  là  depuis  le  1 4*"^  qui 
me  tiendront  en  grande  appréhension  de  voslre  persone  jusques  à  ce 
que  je  sçaiche  que  tout  soit  bien  calmé,  ou  que  vous  soyiez  à  Cuistres, 
hors  de  la  veiie  [de]  cez  objects  de  violence  qui  peuvent  troubler  la 
tranquilité  et  la  doulceur  de  vostre  esprit  et  de  vostre  humeur  bien- 
faisante à  tout  le  monde  \  Et  me  tardera  bien  d'avoir  de  voz  nouvelles 
par  le  prochain  ordinaire  pour  estre  hors  de  cette  peine  là,  qui  me 
pèse  tant. 

Cependant  je  faicts  refaire  un  dupplicata  de  la  lettre  esgarée,  pour 
le  vous  envoyer  par  le  prochain  selon  les  adresses  que  vous  aurez  peu 
donner  à  M''  du  Mesnil  afin  que  vous  y  trouviez  toutes  les  instructions 
nécessaires  à  cette  affaire  pour  la  terminer  le  plus  honorablement  et 
oequitablement  que  faire  se  pourra  si  tant  est  que  ion  inciste  aux  pour- 
suittes  ja  commancées,  dont  je  commance  à  doubter  bien  fort.  Je  vous 
remercie  bien  fort  de  la  recherche  des  mémoires  et  portraict  du  bon 
homme  feu  M''  Boerius  et  seray  bien  aise  d'en  avoir  un  jour  le  por- 
traict à  vostre  commodité,  soit  de  l'ancienne  vittre  de  sa  chapelle  ou 
d'ailleurs. 

Nous  sommes  icy  en  de  bien  différentes  aliarmes,  d'une  descente 
des  Espagnols  en  cette  province  qui  ont  tenu  8  gallions  en  veiie  des 
Isles  d'Ieres  et  de  TouUon  huict  jours  entiers,  sans  arraisonner  avec 
persone,  en  terre  ne  en  mer,  et  sans  faire  aussy  aulcun  acte  d'hosti- 
lité, jusques  à  ce  que  les  vents  du  mistral  s'estanis  tournez  aux  ma- 
rins, ils  se  sont  advancez  plus  oultre  dans  la  pleine  mer  pour  n'eschoiier 
sur  noz  rochers,  leur  armée  des  galères  en  nombre  de  34  ayant  esté 
fort  délabrée  sur  le  cap  corse  d'une  furieuse  tempeste,  qui  englouttist 

'  Sur  les  troubles  de  Bordeaux  en  juin  1 635,  voir  une  note  du  tome  III  du  recueil  PeirescV 
Dupuy,  p.  340. 

ï.  a3 


178  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635J 

deux  galères  de  Sicile  et  conslraignit  les  aultres  de  faire  ject  en  mer, 
de  tout  le  vin,  et  aultres  choses  plus  propres  à  jelter,  pour  sauver 
leur  vie.  De  sorte  que  de  xi  gallions  qui  s'y  estoient  rendus  quasi  en 
mesme  temps  quBux  le  marquis  de  S'^  Croix  '  fut  constrainct  d'en 
renvoyer  troys  à  Naples  pour  aller  requérir  ce  qui  leur  manquoit, 
tandis  qu'il  envoya  eu  noz  cosles  les  8  restante,  pour  nous  donner  de 
la  jalousie  et  nous  tenir  en  escliec. 

L'on  nous  menasse  encore  de  a  o  gallions  angloys  qu'on  dicl  estre  à 
Evizzo  prez  de  Maillorque^.  Si  tout  cela  venoit  fondre  sur  nous,  nous 
serions  bien  mal  appoinctez.  Mais  il  y  a  pourtant,  oultre  les  3  reginientz 
anciens,  U  nouveaux  qui  se  lèvent,  et  deux  qui  viennent  du  Languedoc 
et  troys  compagnies  de  cavallerie ,  qui  leur  donneront  bien  de  l'exercice, 
les  fortifications  de  Toullon  estantz  achevées  en  perfection,  et  celles 
des  Isles  en  estât  de  l'estre  dans  six  jours.  Dieu  aydant,  mais  Dieu  qui 
a  si  bien  commancé  par  cette  tempeste  et  par  la  dellaicte  du  prince 
Thomas^,  achèvera  s'il  luy  plaict  le  bénéfice,  et  nous  en  dellivrera 
com'  il  fault  espérer  et  je  demeureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy. 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  5  juin  i635'. 

'  Sur  Don  Alvaro  Baçan,  marquis  de  les  Espagnols   commandés  par  le   prince 

Sainte-Croix,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  Thomas  de  Savoie,  qui  voulait  empêcher  la 

t.  m,  p.  356.  jonction   de  nos    troupes   avec  celles   des 

'  Près  de  l'ile  de  Majoiqne  {Mallorea,  Ktats-G^néraux.  {Art  de  vérifier  len  dates, 

en  espagnol),  la  plus  grande  des  Iles  Ba-  édition  ir>-8%  t.  VI,  i8i8,  p.  aâo.) 
lëares.  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français. 

Le  ao  mai,  avait  été  livrée,  dans  le  nouvellesactjuisitions,  6171,  fol.558.Auto- 

Luxembourg,  la  bataille  d'Avein,  où  les  graphe, 
maréchaux  de  Châtillon  et  de  Breré  délirent 


[1635]  À  D.  (.UILLEMIN.  179 


LXXVIIl 
MÊME   ADHKSSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  receus  vendrcdy  au  soir  par  l'ordinaire  vostre  despesche  du  g""*" 
de  ce  mois,  et  hier  au  matin  Fr.  Ghabert  m'apporta  le  rouileau  du 
portraict  de  Nicol.  Boerius^  et  le  petit  fagot  de  libvres  Basques  fort  bien 
conditionnez,  dont  je  vous  remercie  Irez  humblement,  ayant  bien  prins 
du  plaisir  de  voir  cez  livres  et  encores  plus  le  portraict  de  ce  vénérable 
magistrat  dout  les  œuvres  sont  en  si  grande  vénération  par  toute  l'Eu- 
rope, n'y  regrettant  si  ce  n'est  que  vous  n'y  avez  peu  joindre  ses  armoi- 
ries, car  j'eusse  creu  que  vous  les  eussiez  deub  trouver  dans  sa  chap'*- 
pelle,  ou  dans  l'hostel  Dieu  où  c'est  qu'il  a  faict  de  si  beaux  lez  pies, 
à  ce  que  vous  m'en  aviez  aultresfoys  mandé,  n'ayant  peu  retrouver 
vostre  lettre,  oii  je  suis  en  doubte  si  vous  ne  m'aviez  poinct  descript 
sesdictes  armes. 

J'ay  appris  les  surprinses  qu'on  vous  avoit  voulu  faire  pour  ce  pré- 
tendu oblat^  et  ay  bien  tonsjours  creu  qu'il  y  avoit  du  mystère  en  son 
faict,  comme  en  toutes  cez  aultres  affaires  qu'on  m'avoit  voulu  jetter 
sur  les  bras,  ne  doublant  nullement  que  tous  cez  Messieurs  qui  trouve- 
roient  mon  abbayie  de  leur  bienséance  ne  voulussent  m'en  avoir  des- 
gousté.par  toutes  cez  tricheries.  Mais  puisque  Dieu  nous  a  faict  la 
grâce  de  résister  jusques  à  présent,  nous  nous  en  deffendrons  bien  Dieu 
avdant  à  l'advenir,  avec  vostre  bon  secours,  que  vous  avez  si  bien  em- 
ployé jusques  à  présent.  Vous  remerciant  du  soing  qu'aviez  eu  de  faire 
tenir  mes  lettres  à  Cuistres  tant  pour  le  P.  du  Val  que  pour  ledict 
Fr[ere]  Ghabert,  qui  esloit  desja  party  à  ce  qu'il  m'a  dict.  Car  elles 
l'auroient  possible  arresté  là,  par  les  sentiments  mesraes  du  s'  Guidy. 

'  Les  auteurs  de  la  Bibliothèque  historique  '  Tout  ce  qui  suit  a  él6  reproduit  dans  le 

de  la  France  n'ont  mentionné  aucun  pm-        Supplément  m  Peiresc,  abbé  de  Guitres,  à' knU 
trait  du  magistrat  jurisconsulte.  de  Lantenay  (p.  5o-5'j). 

a3. 


180  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635) 

J'avoys  esté  adverty  par  une  persone  qualifiée  venue  de  Cuistres  de 
toutes  cez  niches  que  ledict  frère  Chabert,  soubs  le  nom  emprunté 
de  frère  Boumard,  avoit  faictes  à  ce  pauvre  P,  du  Vai  depuis  un  an, 
et  en  avoys  faict  les  reproches  que  je  debvoys  à  son  frère  et  audict 
s"'  Guidy,  qui  ne  l'avoient  pas  trouvé  bon.  H  m'a  apporté  des  lettres 
du  juge  Boumard  et  de  M""  Gaufreteau  '  son  gênerai,  qui  portoient 
créance;  je  la  lui  ay  voulu  faire  exposer,  et  ay  trouvé  que  ce  n'cstoient 
tout  que  traiclz  d'inquiétude  et  tradimenl  de  la  Frattaria  et  lui  ay  bien 
lavé  la  teste,  je  vous  en  respons,  lavant  reduict  aux  larmes,  sur  ce 
qu'il  ne  pouvoit  dissimuler  les  promesses  qu'il  m'avoit  faictes  de  bien 
vivre  avec  son  supérieur  et  de  s'attacher  plustost  à  luy,  pour  satisfaire 
à  son  debvoir  et  à  mes  commandements,  qu'à  un  aultre,  qu'il  n'iguo- 
roit  pas  eslre  plus  mal  compatible  à  mon  humeur  au  centuple  que 
celuy  là.  Il  debvoit  aller  voir  son  frère  à  Toulon  de  qui  je  m'asseure 
qu'il  ne  sera  pas  mieulx  receu  que  de  moy.  Cez  gents  ne  seroient  jamais 
contents,  et  vouldroient  tousjours  voir  du  changement  en  leur  estât 
et  de  touts  ceux  à  qui  ils  ont  affaire.  C'est  la  vérité  qu'il  m'a  bien 
desobligé,  en  vivant  de  la  sorte,  et  en  voulant  contre  ma  deiïance  butler 
un  homme  que  Dieu  luy  avoit  donné  comme  supérieur  aussy  bien  que 
moy.  Et  chercher  à  redire  en  ses  pouvoirs  qui  estoient  touts  passez  par 
mes  mains,  et  oiî  il  ne  s'estoit  rien  faict  que  par  mon  entremise  et  avec 
toutes  les  meilleures  précautions  qui  s'y  pouvoient  désirer,  où  le  deffunct 
général  de  l'Ordre  l'avoit  admis  avec  toute  sorte  de  formalilez  requises 
et  nécessaires.  Et  vous  prie  de  dire  à  ce  juge  Boumard,  qu'il  impose 
silence  à  frère  Boumard  son  frère,  s'ils  ne  veuUenl  encourir  touts 
deux  mon  indignation,  car  je  suis  si  saoul  de  toutes  leurs  procédures 
que  je  ne  les  sçauroys  plus  souffrir,  et  leur  déclarez  qu'ils  ne  sçauroient 
plus  attaquer  ce  pauvre  homme  là,  qu'ils  ne  me  trouvent  joinct  de 
son  costé  en  tous  ses  interests  principalement  en  ce  qui  est  de  la  fonc- 
tion de  la  charge  que  je  lui  ay  conférée.  Et  qu'ils  n'auront  jamais  de  paix 
avec  moy,  ne  de  part  en  mes  bonnes  grâces,  s'ils  ne  songent  à  laisser 

.   Sur  Dom  Gaufreteau,  abhé  de  la  Sauve  et  générât  des  liênédiclimt  en  France,  voir  la 
Noùc^  (l'A.  (le  Lantenay  sur  Peireac,  abbé  de  Gultres,  p.  1 15  et  suivantes. 


[1635]  À  D.  GUILLEMIN.  iSl 

toutes  cez  rancunes  contre  luy  et  à  luy  defferer  tout  ce  qui  appartient 
aux  fonctions  de  sa  charge.  Estant  marry  de  vous  donner  ce  fascheux 
entretien,  mais  tousjours  falloit  il  tost  ou  tard  que  cela  parvins!  à  voz 
oreilles  aussy  bien  qu'aux  miennes,  puisque  cez  brouillons  avoient  tant 
faict  esclatter  la  chose.  Et  maintenant  que  frère  Chabert  est  absent, 
ils  ne  peuvent  pas  avoir  de  prétexte  de  ce  costé  la,  car  il  a  bien  com- 
mancé  de  recognoistre  sa  faulte,  et  m'a  fort  juré  de  n'y  plus  retomber, 
et  de  ne  plus  croire  cez  conseils  là.  Aultrement  il  ne  sçauroit  esviter 
mon  indignation,  désirant  vivre  en  repos  d'esprit  de  ce  costé  là,  quoy 
qu'il  en  arrive»  ou  les  butter  jusques  au  dernier  bout  s'ils  me  pensent 
faire  la  loy  sur  cela.  Et  leur  mettray  possible  eji  teste  des  gents  aux- 
quels ils  ne  s'attendent  pas,  et  où  ils  se  trouveront  bien  loing  de  leur 
compte.  Sur  quoy  je  prieray  Dieu  qu'il  vous  tienne  en  sa  sain'cte  garde 
et  demeurcray  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE    PEinESC. 
A  Aix,  cfi  a8  «oui  i635'. 


'  l!ibliolhù(juc  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  6171,  loi.  56o.  Aulo- 
{frophe.  —  Je  donne  en  note  un  document 
([ui  était  sans  doute  le  posl-scriptum  d'une 
lettre  que  nous  n'avons  [ins  : 

t(A  M'  le  Prieur  de  Rouraoules,  protlie- 
nolaire  du  S'  Siejje  a|)ostolique,  à  Bour- 
deaux.  —  C'estoient  des  cajipitaiucs  du 
régiment  de  Cornusson,  le  s'  d'Uzes  et  le 
s' de  Marignac  qui  se  trouvèrent  l'un  dans 
S' Honoré  et  l'aullre  dans  S"  Marguerite  d'où 
ils  sortirent  sans  avoir  enduré  un  seul  coup 
de  canon  en  batterie ,  ains  seulement  quelque 
volée  des  galères,  dont  ils  ont  esté  fort  hlas- 
mez  d'un  chascun.  Noz  Provençaulxauroient 
un  peu  mieux  mesnagé  leur  honneur  et  celui 
du  Roy,  et  eussent  bien  employé  l'occasion 
de  sacrifier  leurs  vies,  car  [ninr  peu  qu'eusse 


tenu  Marignac,  il  estoit  secouru  dans  une 
heure.  C'est  la  plus  grande  lascheté  qui  fut 
jamais.  Et  l'autre  cappitaine  qui  y  debvoil 
eslre  avec  Marignac,  estoit  je  ne  sçay  où 
en  garroùage  (voir  le  Tableau  des  locutions 
dignes  de  remarque  à  la  fin  du  tome  III  du 
recued  Peiresc-Dupuy),  deux  compagnies 
logées  à  S"  Marguerite  s'estant  trouvées 
reduictes  à  iio  hommes  cheltifs.  Aussy  n'y 
futil  pas  tiré  quasi  une  mousquelade.  Et  pour 
le  s' d'Uzes  il  estoit  à  Canes  quand  l'ennemy 
aborda  aux  Isles  et  se  fit  pbrter  par  force  à 
S'  Honoré,  croyoit  on  pour  y  bien  vendre 
sa  vie,  mais  ce  n'estoit  que  pour  saulver 
1,000  pistoles  qu'il  y  avoit  laissées,  car  il 
n'attendit  pas  nom  plus  que  l'aullre  un  seul 
coup  de  canon  ,  et  se  rendit  ;i  discrétion  s'es- 
tant mis  il  genouix  poiu-  avoir  son  espée, 


182  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 


LXXIX 
MÊME  ADRESSE'. 

Monsieur  le  Prieur, 

Enfin  W  Ghabert  de  Tliollon*  m'a  ramené  frère  Chabert  son  frère, 
bien  honteux  et  descontenancé  de  touts  ses  mauvais  desportements, 
lequel  j'ay  chappittré  com'il  meritoit,  sur  toutes  ces  petites  vétilles, 
où  il  alloit  chercher  des  occasions  de  querelles  d'Allemand.  Sur  des 
aultres  plus  griefves  plaintes  qu'on  faict  de  luy,  et  dont  il  ne  sçauroit 
se  laver,  il  proteste  de  vouloir  mieulx  vivre  à  l'advenir,  et  se  resoult  de 
s'en  retourner,  n'ayant  pas  trouvé  par  de  ça  de  party  sortable  com'il 
eusse  deèiré.  Mais  son  frère  m'a  demandé  permission  pour  luy  de 
s'arrester  en  Avignon  un  moys  avec  le  filz  de  M'  Guidy  pour  voir  quel 
train  il  y  prendra  avec  un  aultre  qui  s'en  doibt  charger. 

Cependant  il  m'a  rendu  la  clef  de  sa  chambre  (ju'il  avoit  emportée 
sur  luy,  laquelle  j'envoye  au  P.  du  Val  dans  le  pacquet  cy  joinct,  que 
que  j'ay  faict  cachelter  soubs  son  enveloppe,  afin  qu'il  ne  s'imagine  pas 
que  vous  en  fussiez  saisy.  Vous  le  luy  ferez  s'il  vous  plaict  tenir  afin 
qu'il  puisse  faire  restablir  les  deux  chambres,  qu'on  avoit  joinctes,  en 
leur  premier  estât. 

Je  faicts  responce  à  M'  de  Gauffreleau,  gênerai  des  Bénédictins,  sur 
les  honnestes  offres  qu'il  m'avoit  faictes,  cl  vous  prie  de  la  luy  faire 
tenir  par  voye  asseurée.  Et  si  vous  pouviez  le  voir  en  persone,  il  faul- 
droit  traicter  avec  luy  s'il  ne  vouldroit  poinct  loger  pour  quelque  temps 

quand  les  soldais  sortirent  avec  un  haston  ce  sommaire  :  La  reddition  des  isles  au.r 

blanc.  Aussy  l'Espagnol  qui  la  luy  rendit  ne  EspapmoU  Inche. 

manqua  pas  de  dire  qu'il  estoit  bien  indigne  '  Le  prieur  a  ëcrit  à  côtd  de  l'adresse  : 

d'en  porter  jamais.  Voila  comme  cez  mes-  Du  ^ù  octobre  t635,  avec  la  clef  et  nouvelles 

sieurslesGasconsnousontaccommodez.mais  de  Provence. 

n'en  faictes  pas  de  bruicl."  (Le  document  '  Voir  sur  ce  personnage  une  note  de 

n'a  pas  été  daté  par  Peiresc ,  mais  le  prieur  de  mon  Supplément  au  Peiretc ,  abbé  de  Guttres , 

Roumouies  a  mis  sur  l'enveloppe  :  Du  8  oc-  J'A.  de  Lanlenay,  p.  5i. 

tobre  i635.  Une  autre  main  a  inscrit  (t'ii'rf.) 


[1635]  À  D.  GUILLEMIN.  18?, 

ledict  frère  Ghabert  en  quelque  aultre  monastère  de  sa  dépendance  et 
en  bailler  un  aultre  au  P,  du  Val  qui  peust  estre  de  son  goust,  afin 
d'essayer  si  le  temps  ne  pourroit  pas  guarir  une  partie  de  la  maladie 
d'esprit  de  cez  gents  si  mal  compatibles  partout  où  ils  se  trouvent  et 
leur  faire  esprouverquc  le  changement  de  lieu  n'est  pas  cappable  de 
les  contenter  au  bout  du  compte  et  que  partout  ils  trouvent  quelque 
sorte  d'incommodité  à  faulte  de  se  sçavoir  contenter  de  ce  qui  leur 
peult  suQîre',  et  de  considérer  ceulx  qui  en  ont  moings  de  subject 
qu'eulx,  qui  s'estimeroient  trop  heureux  d'estre  en  leur  place,  et  nen 
seroient  pas  si  mescognoissants. 

Je  m'imagine  que  vous  trouverez  toutes  choses  disposées  à  cela,  si 
je  ne  me  trompe,  et  que  possible  le  succez  pourroit  reuscir  en  quelque 
façon.  Et  seroit  bon  que  cela  fust  conclu  avant  l'arrivée  dudict  frère 
Ghabert,  afin  qu'il  n'y  cherche  des  obstacles  et  des  traverses.  Et  qu'on 
l'y  prenne  au  mot  en  un  besoing  com'il  ne  seroit  peust  estre  pas  bien 
dillicile,  de  le  mettre  dans  le  train  de  le  requérir  luy  mesmes,  pour 
luy  clorre  la  bouche  à  l'advenir,  et  prévenir  les  plaintes  qu'il  en  pour- 
roit faire  un  jour.  Vous  sçaurez  bien  diriger  et  conduire  toute  cette 
affaire,  je  m'asseure,  encores  niieulx  que  je  ne  sçauroys  le  vous  dire. 

Que  si  vous  n'y  trouviez  la  disposition  requise,  ne  faictes  pas  de  dilli- 
culté  de  dire  aux  uns  et  aux  aultres  et  surtout  à  frère  Ghabert  que 
s'il  ne  vit  dans  le  respect  et  submission  entière  qu'il  doibt  à  son  supé- 
rieur, quelque  prétexte  qu'il  puisse  prendre,  je  le  traicteray  d'une 
façon  qu'il  n'y  trouvera  pas  son  compte  ne  touts  ceulx  qui  travaillent 
à  le  desbaucher  de  son  debvoir. 

Sur  quoy  je  finiray  demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  et  meilleur  a  m  y. 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a  a  octobre  i635. 

'  Peiresc  aurait  pu  citer  sur  ce  point  un  passagfe  bien  connu  de  YlmiUition  de  Jémm 
Christ ,  mais  nous  avons  déjà  constaté  qu'il  n'aime  pas  les  citations  tlont  abusaient  plusi«»af!« 
de  ses  contemporains. 


184  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

Depuis  mes  dernières  les  ennemys  n'ont  faict  que  haster  leurs  re- 
tranchementz  dans  les  isles  de  Lerins,  xn  de  leurs  galères  estants 
allées  en  Italie  descharger  3,ooo  hommes  pour  le  secours  du  Milanovs 
et  puis  revenues  chargées  de  brique  pour  les  bastiments  des  forts.  Ils 
n'ont  rien  entreprins  depuis  sur  le  reste  de  la  coste.  Et  si  Dieu  veult 
un  peu  favoriser  les  armes  du  roy  dans  le  Milanoys  et  faire  sauller 
Valance  tout  de  bon,  il  fauldra  bien  qu'ils  songent  à  se  deffendre  de 
ce  costé  là,  plustost  que  de  nous  attaquer,  et  n'y  a  pas  d'apparance 
que  les  galères  puissent  durer  l'hyver  oh  elles  sont,  auquel  cas  il  y 
aura  moyen  de  se  mettre  en  mer  pour  les  aller  attaquer.  L'on  doibt 
travailler  à  cez  heures  au  procez  de  cez  cappitaines  qui  se  sont  si  mal 
comportez  dans  cez  isles  '  pour  les  juger  par  les  loix  des  armes,  dont 
l'issiie  est  attendue  avec  une  merveilleuse  impatiance  d'un  chascun-^. 


LXXX 
MÊME  ADRESSE. 

nonDEADX. 

Monsieur, 
Je  receus  jeudy  dernier  vostre  boitte  de  vieux  poids  de  bronze  de  la 
main  de  ce  bon  homme  à  qui  vous  l'aviez  consignée ,  avec  un  pacquet 
adressé  à  Perrot^  qui  fit  tenir  incontinant  à  Marseille  ce  que  vous  luy 
recommandiez.  Sammedy  je  receuz  la  vostre  du  6""^  de  ce  moys  par  la 
voye  de  la  poste  de  Paris,  oii  je  fus  bien  aise  d'apprendre  le  bon  estât 
de  vostre  santé  et  la  continuation  de  voz  soings,  non  seulement  pour 
les  advantages  de  ma  pauvre  église  désolée ,  mais  de  moy  mesmes  et 
de  mes  petites  maladies  d'esprit  ou  curiositez  que  je  suis  marry  de 

'Les    deux    gentilshommes   gascons,  nouvelles  acquisitions,  5 171,  fol.  ôao.Aulo- 

MM.  d'Uzès  et  de  Marignac,  cloués  au  pi-  graphe. 

lori  dans  le  billet  qui  fait  partie  de  la  der-  '  Un  des   secrétaires  de  Peiresc ,  men- 

nière  note  de  la  lettre  précédente.  tionné  dans  son   Testament,  comme  nous 


Bibliothèque  nationale,  fonds  Irançais,        l'avons  déjà  rap(>elé. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  185 

n'avoir  assez  bien  méritez  et  recogneus,  mais  il  ne  tiendra  pas  à  moy 
que  je  ne  m'en  acquitte  mieux,  si  je  le  puis  quelque  jour  Dieu  aydant. 
Car  je  vous  advoiie  qu'à  l'ouverture  de  vostre  boitte  je  fus  ravy  de  voir 
comme  quoy  vous  aviez  rencontr('!  un  si  joly  assortiment  de  poids 
de  3  ou  4  cents  ans.  En  ayant  desja  par  devers  moy  quasi  aultant  de 
ceulx  de  Tlioulouse  de  la  mesme  datte  de  l'un  des  vostres,  et  un  de 
Bordeaux  de  la  mesme  datte  des  vostres  de  l'an  m.ccc.xvi  qui  est 
de  demy  quart  de  livre  si  je  ne  me  trompe,  ne  l'ayant  pas  à  cette  beure 
trouvé  à  la  main  pour  le  comparer  aux  vostres,  ce  qui  me  faict  juger 
que  cette  année  m  ccc  xvi  pour  Bordeaux  et  m  ce  xxxix  pour  Tboulouse 
il  se  deubt  faire  quelque  règlement  solennel  en  cez  lieux  là  pour  raison 
des  poids  et  des  mesures  qui  furent  suyvis  longuement  aprez  et  qui 
retindrent  lousjours  la  mesme  datte.  Et  si  dans  les  archives  de  la 
seneschauscée  ou  de  la  connestablie  de  Guienne  ou  de  Bordeaux,  ou 
bien  dans  celles  de  l'hostel  de  Ville,  il  s'en  trouvoit  quelque  vieille 
cbarte  ou  aultre  mémoire  vous  me  feriez  un  singulier  plaisir  de  m'en 
procurer  un  extraict;  le  garde  des  chartes  de  l'hostel  de  Ville  en  trou- 
veroit  sans  doubte  facilement  quelque  chose  sur  les  inventaires  des 
chartes,  et  soubs  ladicte  datte  de  1 3 1 6  '  comme  j'escriray  à  Tboulouse 
d'v  chercher  celle  de  laSg. 

Vous  me  dictes  que  la  livre  pesé  1 3  onces.  Je  vouldrois  sçavoir  au 
vray  si  la  livre  courante  aujourd'huy  à  Bordeaux  est  pareille  à  celle  là, 
ou  plus  ou  moings  forte,  ou  foible,  et  si  elle  est  divisée  communément 
en  i3  onces,  car  cela  seroit  fort  extraordinaire  et  j'eusse  creu  qu'elle 
eust  deub  estre  de  seize  onces,  ou  du  double  marq,  comme  par  tout 
le  reste  de  la  France,  ou  bien  de  douze  onces  tant  seulement,  comme 
chez  les  apoticaires,  lesquels  vous  en  donneront  possible  plus  de  lu- 
mière que  tout  aultre.  Informez  vous  en,  je  vous  prie,  et  des  orfèvres 
pour  voir  si  la  dilTerance  est  grande  du  poids  de  mark  à  celuy  qui  est 
en  usage  dans  Bordeaux  et  par  la  campagne  ou  villes  voisines.  Et  si 
leur  mark  n'est  poinct  dill'erant  de  celuy  de  Lyon,  ou  de  celuy  de 

'   Aucun  document  de  ce  genre  n'est  conservé  ni  aux  archives  municipales  de  Bordeaux , 
ni  aux  archives  départementales. 

T.  ■  aA 


l«»>IVHtl    «ITIOTiLr. 


186  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

Paris,  mesme  chez  le  raaistre  de  la  inonnoye  s'il  y  a  fabrique  dans  Bor- 
deaux présentement  ou  ailleurs  à  l'entour.  Et  je  serois  bien  aise  d'avoir 
un  jour  un  poids  de  la  livre  commune  de  Bordeaux  courante  à  pré- 
sent bien  adjustée  et  de  l'once,  à  part,  et  de  toutes  les  subdivisions 
de  l'once  pour  menues  qu'elles  soient  avec  leurs  noms  et  leur  poids 
exacte,  et  un  examen  de  ce  qu'ilz  auront  pesé  cbascun  sur  le  poids  de 
mark  de  la  monoye  et  des  orfèvres  et  sur  les  poids  des  apolicaires. 
Mais  cela  n'a  pas  de  hasle,  et  se  pourra  faire  tout  à  vostre  loisir,  en 
chemin  faisant.  J'ay  une  vieille  livre  de  Gondom  '  de  ce  mesme  siècle 
qui  n'est  pas  moings  forte  que  celle  de  Bordeaux  à  mon  advis,  et  si 
rencontrez  des  gents  de  ce  pais  là,  enquerez  vous  si  leur  poids  est  diffé- 
rent ou  non  de  celuy  de  Bordeaux  ou  de  celuy  de  Thoulouse,  et  s'ilz 
en  auroient  rien  conservé  dans  leurs  archives  de  l'iiostel  de  Ville.  Et 
semble  que  la  datte  soit  pareille  à  celle  de  Bordeaux  de  l'an  m  ccc  xvi 
ou  bien  prez,  ne  le  pouvant  à  cette  heure  chercher  dans  mon  ca- 
binet. 

Quant  à  cette  aultre  placque  de  bronze  oti  y  a  iin  oyson  bridé,  il 
me  souvient  de  le  avoir  veu  gravé  en  marbre  dans  Padoiie,  à  l'honneur 
d'un  Roy  Edouard  d'Angleterre  pour  sa  devise,  comme  la  salamandre 


'  Gondom ,  chef-lieu  d'arrondissement  du 
département  du  Gers.  M.  Joseph  Gardère, 
archiviste  de  la  ville  de  Gondom  et  membre 
de  la  Société  des  archives  historiques  de  la 
Gascogne,  par  moi  consulté,  me  répond  en 
ces  termes  :  trSi  le  savant  et  regretlé  E.  Barry 
était  encore  de  ce  monde,  assurément  lui, 
qui  avait  fait  une  collection  de  tous  les  poids 
et  divisions  de  poids  du  Sud-Ouest,  aurait 
tranché  la  question.  J'ai  pesé  une  vieille  livre 
de  Gondom  en  cuivre  aux  armes  de  la  ville 
datéede i368porlantd'uncôté: VNA  LIVRA 
DE  GONDOM  enlettres  gothiques ,  de  l'autre  : 
ANNO  DOMINI  M.  GCG.  LXVIII;  elle  a 
donné  484  grammes  environ.  G'est  le  poids 
approximatif  commun  de  l'ancienne  livre. 
Le  diamèti-e  du  poids,  qui  est  plat  et  rond, 


est  de  63  millimètres;  son  épaisseur  est  de 
i5  millimètres.  J'ai  pesé  aussi  un  petit 
poids  de  Gondom  du  xiv'  siècle  également , 
qui  s'est  trouvé  être  de  65  grammes  envi- 
ron. Il  semble  qu'on  peut  y  lire  GARTARO 
et  ce  pourrait  être  le  demi-quart,  carteron, 
ce  petit  poids  ayant  subi  quelque  altération , 
quelque  diminution.  D'un  autre  côté  j'ai  vu 
un  quart  de  livre  de  Toulouse  du  xiv'  siècle 
ne  pesant  que  96  grammes,  ce  qui  donne- 
rait 384  grammes  à  la  livre  toulousaine, 
laquelle  paraît  moindre  d'un  quart  environ 
que  celle  de  Gondom,  qui  parait  se  raj> 
procher  beaucoup  de  celle  de  Bordeaux.  Je 
ne  sais  rien  sur  la  valeur  en  onces  de  chacun 
de  ces  poids.  » 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  137 

du  Roy  François  I''  et  le  porc  espic  du  Roy  Louis  Xil.  J'y  escriray  pour 
en  faire  retirer  la  mémoire  et  l'inscription  de  la  datte,  et  pense  que 
cela  (si  ce  peult  estre  un  poids)  aye  son  rapport  au  temps  que  ce  Roy 
estant  maistre  de  la  Guienne  pouvoit  avoir  faict  mettre  sa  devise  aux 
œuvres  publiques.  Je  doubte  pourtant  que  ce  soit  un  vray  poids  pu- 
bliquement approuvé  puisqu'il  n'y  a  vestige  quelquonque  de  la  marque 
de  sa  valleur,  nom  plus  que  de  la  ville  oCi  il  eust  deub  se  voir.  Mais 
je  n'ay  pas  laissé  de  le  voir  fort  volontiers.  Gomme  aussy  cez  aultres 
médailles  tant  d'argent  que  la  petite  d'oi-,  qui  s'est  trouvée  fort  à  mon 
goust.  Et  vous  en  remercie  trez  affectueusement  en  estant  bien  rede- 
vable non  seulement  à  voslre  courtoisie,  mais  aussy  à  celle  du  s'  Tri- 
chet^  de  les  vous  avoir  si  libéralement  desparties.  Et  si  je  le  pouvois 
servir  je  le  feroys  de  trez  bon  cœur. 

Au  reste,  comme  vous  ne  me  dictes  plus  rien  de  la  rente  de  Fronsac 
que  vous  disiez  me  vouloir  faire  tenir  depuis  Noël,  je  m'imagine  que 
c'est  la  difficulté  de  trouver  marchand  solvable  qui  veuille  faire  la  re- 
mise des  deniers  à  Marseille.  Et  je  croys  que  l'attente  nous  sera  bien 
préjudiciable  si  vous  ne  vous  estes  saisy  des  deniers,  avant  la  publica- 
tion de  cet  edict  des  monnoyes,  oh  il  y  a  à  perdre  2 5  pour  cent,  mais 
il  fauldra  prendre  patiance,  en  tout  ce  qu'il  plairra  à  Dieu. 

J'affirme  que  persoue  ne  sçauroit  plus  commodément  vous  ayder  à 
cette  remise  que  les  marchands  Angloys  qui  ont  leur  correspondance 
à  Marseille,  parce  qu'ils  sont  bien  aises  d'avoir  là  de  l'argent  pour  leur 
emploitte  des  vins.  Jay  escript  à  Marseille  pour  voir  si  quelqu'un  de 
ceux  qui  y  sont  s'en  vouldroit  charger  et  me  donner  adresse  à  Bordeaux 
pour  retirer  les  deniers  de  voz  mains  ou  de  mes  rentiers,  s'ils  les  ont 
encores,  mais  je  n'en  attends  pas  la  responce  assez  à  temps  pour  cet 
ordinaire.  Nous  sommes  tousjours  pix  avec  mon  ingrat  neveu,  qui  se 
descrie  tousjours  davantage,  et  nous  constraindra  enfin  de  le  ruiiier, 

'  Sur  Pierre  Trichet ,  de  Bordeaux ,  el  sur  amateurs  du  svu'  siècle  où  M.  Edin.  Bonnallë 

son  fils,  Raphaël  ïricliet  du  Fresne,  deux  cite  une  notice  de  M.  R.  Dezeimeris  irpleine 

fervents  antiquaires,  grands  collectionneurs  de  faits  curieuX". 
surtout  de  médailles ,  voir  le  Dictionnaire  des 

a4. 


188  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

com'  il  vouldroit  faire  de  nous  s'il  pouvoit.  C'est  un  trop  fasclieux  dis- 
cours pour  vous  en  entretenir,  et  je  demeure  tousjours, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE   Peiresc. 
A  Aix,  ce  9  4  mars  i636. 

Vous  aurez  une  lettre  de  ce  bon  homme  de  Libourne  à  un  advocat 
de  Bordeaux,  et  des  coppies  de  lettres  de  nostre  compagnie  à  M^  le 
ChancelHer  que  m'aviez  aultres  foys  demandées.  Si  j'eusse  peu  chercher 
mes  papiers,  j'en  eusse  trouvé  afTorce  aultres,  mais  je  ne  l'ay  peu  dans 
noz  desordres  domestiques'. 


LXXXI 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  3o  du  passé  avec  les  lettres  de  Paris  du 
9""'  du  présent,  sammedy  dernier.  Ce  ne  fut  pas  sans  un  peu  de  mor- 
tification de  voir  que  j'eusse  prévenu  le  dessein  que  vous  aviez  de  faire 
acquitter  icy  la  partie  de  Fronsac  sans  passer  par  les  mains  des  mar- 
chands, à  quoy  je  me  serois  trez  volontiers  conformé  pour  l'amour  de 
vous,  au  moindre  mot  que  m'en  eussiez  mandé,  voire  je  ne  me  serois 
jamais  porté  à  prendre  cette  voye,  sans  ce  que  vous  m'aviez  escript  dez 
le  commencement  de  janvier  que  vous  cherchiez  commodité  de  me 
faire  remettre  ladicte  partie,  de  sorte  que  je  creus  vous  dellivrer  de  ce 
soing  et  de  cette  recherche,  et  que  j'espargneroys  le  droict  de  remise 

'  Les  désordres  causes  par  la  rébellion  .^171,  fol.  Gay.  Autographe.  —  Copie  à  la 
du  neveu  de  Peiresc.  —  Bibliotlièque  natio-  Méjanes ,  coileclion  Peirpsc ,  registre  \  , 
nale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,        foi.  716. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  189 

que  nous  en  avoient  aullres  foys  faict  payer  le  s""  de  Gastines  et  aultres 
de  Lyon  ou  de  Paris,  c'est  (sîc)  advis  m'ayant  esté  donné  par  un  mar- 
chand flamand  qu'il  falloit  chercher  à  Marseille  cette  commodité  de  le 
faire  remettre  au  pair  par  les  Anyloys,  lesquels  seuls  y  pouvoient  trou- 
ver leur  compte  et  que  les  aultres  marchands  ne  le  pouvoient  faire 
sans  droict  de  remise.  Tellement  que  si  vous  voulez  de  par  delà  voslre 
partie  de  Rouinoules,  j'escriray  à  Marseille  pour  faire  chercher  de 
quelque  aultre  nation  qui  peussent  trouver  leur  compte  à  la  vous  faire 
remettre  et  vous  y  laisser  prendre  le  droict  qu'on  souloit  tirer  de  moy. 
Cependant  voz  fermiers  verront  de  mettre  en  estât  leur  partie,  car 
je  me  doubte  bien  qu'elle  ne  soit  gueres  preste  quoyque  les  fermes 
soient  escheues,  à  ce  que  m'en  dict  l'aultre  jour  M'  Mercadier  de  Bri- 
gnole  que  je  rencontray  icy  par  hazard  et  depuis  un  autre  de  Rou- 
moulle  qui  estoit  icy  à  la  poursuitte  de  quelque  procez,  lequel  me  fit 
des  recommandations  de  vostre  curé,  et  eust  bien  voulu  que  j'eusse 
escript  à  voz  rantiers  d'aulmosaer  quelque  chose  de  voz  revenus  dans 
la  nécessité  présente,  qui  est  certainement  bien  grande  et  universelle 
par  la  province.  Mais  je  luy  dictz  que  je  n'avoys  pas  droict  de  m»; 
dispencer  de  cela,  et  que  c'estoit  à  vous  qu'ils  se  debvoient  adresser 
pour  adviser  à  ce  que  vous  y  pourriez  faire  dans  les  despences  extraordi- 
naires où  vous  vous  estiez  trouvé  engagé  et  dans  la  foulle  de  cez  nou- 
velles taxes  de  l'assemblée  du  clergé.  Toutefoys  que  je  vous  en  escrirois 
un  mot,  mais  que  je  ne  voyoys  pas  que  la  chose  pressast  tant,  que- 
je  vous  attendoys  en  bref,  et  qu'il  vaudroit  mieux  qu'ils  vous  en  eussent 
l'obligation  de  présence  toute  entière.  C'est  la  vérité  que  la  nécessité 
est  grande  partout,  mais  vostre  lieu  n'est  pas  si  malade  que  d'aultres 
de  beaucoup,  ne  dans  de  si  grandes  incommoditez. 

Vous  m'accusiez  le  renvoy  d'une  lettre  de  vostre  curé  que  je  n'ay 
pas  trouvée  dans  le  pacquet,  et  sera  vraysemblablement  demeurée  en 
arrière  sur  le  tapis  de  vostre  chambre  ou  de  mon  frère  de  Vallavez,  ipii 
me  la  renvoyera  vraysemblablement  la  procliaine  semaine  aprez  vous 
avoir  respondu  possible  pour  luy  et  pour  moy.  Vous  suppliant  d'excu- 
ser les  remises  dont  j'ay  souvent  usé  envers  vous  durant  les  mauvaises 


190  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

affaires  que  nostre  ingrat'  nous  va  jetlant  sur  les  bras  journellement, 
puisqu'il  plaictà  Dieu,  dont  le  récit  vous  aflligeroit  aultant  que  nous 
mesnies.  C'est  Dieu  qui  sçaict  mieux  que  nous  pourquoy  tout  cela  nous 
advient,  et  ce  qu'il  nous  faull ,  et  me  suis  habitué  à  tenir  toutes  choses 
de  sa  divine  main,  attendant  si  ce  cœur  endurcy  ne  fleschira  poinct. 
Et  c'est  bien  cola  aussy  qui  me  constrainct  de  chercher  du  secours  où 
je  peux,  pour  remplacer  ce  que  ce  frippon  a  fripponné  de  par  de  ça 
de  ce  que  nous  pouvions  avoir  de  plus  liquide,  jusques  à  huict  ou  dix 
mille  francs  dans  raoings  d'un  an,  et  il  est  plus  altéré  et  plus  acharné 
h  la  curée  qu'il  ne  fut  jamais,  nonobstant  tout  cela,  sans  qu'il  sçaiche 
tenir  compte  d'aulcune  honneste  proposition  qui  luy  soit  faicte  par  les 
gents  d'honneur  et  de  raison,  de  quelque  qualité  et  condition  qu'ils 
puissent  estre. 

Au  reste  je  ne  puis  assez  admirer  vostre  dextérité  non  seulement  à 
desterrer  et  vendiquer  des  papiers  si  importants,  comme  sont  ceux 
que  vous  avez  si  inesperen)ent  trouvez  des  dixmons  de  Fronsac,  mais 
aussv  à  vous  conserver  le  credict  de  vostre  cher  hoste  avec  tant  d'ad- 
vantage  pour  moy  et  pour  vous,  et  de  patiancc  pour  luy,  qui  me 
rend  tout  honteux  et  confus  et  suis  bien  d'advis  quoyqui  puisse  arriver 
que  vous  y  trouviez  vostre  iudamnité,  n'estant  raisonable  que  vous  y 
mettiez  vostre  bource  avec  vostre  temps  et  quasi  vostre  aage,  ce  qui 
nip  faict  quasi  frémir  quand  j'y  pense,  et  suis  tout  résolu  d'y  pourvoir 
en  façon  que  vous  ayez  toute  la  satisfaction  qui  pourra  dépendre  de 
nous,  tost  ou  tard. 

Je  suis  si  accablé  présentement  d'affaires  que  je  ne  sçauroys  vous 
entretenir  à  loisir  comme  je  vouldrois,  ne  quasi  bien  considérer  ce  que 
vous  m'escrivez  de  cez  papiers  des  dixmons  que  l'on  mavoit  tenus  si 
cachez,  tant  j'avoys  esté  mal  servy  de  par  delà,  veu  que  principale- 
ment les  derniers  ne  me  deb voient  pas  avoir  esté  incogneus,  ou  à  ceux 
qui  avoient  charge  de  mes  affaires,  comme  chose  si  récente,  et  qui 
ne  pouvoit  estre  que  notoire  sur  les  lieux;  si  j'y  eusse  peu  faire  un  peu 

Le  neveu  de  Peiresc,  doat  ce  dernier  se  plaignait  à  lous  ses  correspondants,  comme 
on  l'a  déjà  vu  en  ce  qui  regarde  les  frères  Dupuy  et  Gassendi. 


|1636]  À  D.  GUILLEMIN.  191 

plus  de  sesjoiir,  nous  en  serions  venus  plus  facilement  à  bout,  mais 
l'on  ni'avoit  trop  pressé  de  venir  icy  et  de  passer  oultre.  Dieu  le  par- 
doint  à  ceux  qui  en  feurent  la  cause. 

J'ose  pourtant  espérer  que  vous  en  viendrez  enfin  à  bout,  et  que 
cela  vous  y  aydera  bien  fort.  L'homme  du  s''  président  Conte  me  vint 
dernièrement  demander  de  l'aqjent  à  prester,  dont  je  m'excusay,  sur 
ce  qu'il  ne  m'avoit  poinct  apporté  de  lettre  de  son  niaistre,  comme 
estant  trop  subject  à  dezadveu.  Il  ne  s'est  pas  conduict  avec  la  pru- 
dence requise,  et  a  présenté  des  requestes  si  oultrageuses,  qu'on  a  esté 
constrainct  de  les  retenir,  et  de  luy  refuser  des  choses  qu'il  eust  ob- 
tenues par  lesvoyes  de  l'honnesteté.  Je  le  vous  dictz  afin  que  si  l'on 
vous  en  vouloit  faire  des  repi'oches,  que  vous  en  puissiez  parler  com'  il 
fault. 

L'on  m'a  envoyé  de  Thoulouse,  non  pas  des  chartes  concernant  le 
règlement  des  poids  et  mesures  qui  y  avoit  esté  faict  l'an  m.  ce.  xxxix 
(parce  que  les  tiltros  et  documents  de  l'Hostel  de  ville  furent  pillez 
aux  premiers  troubles  de  la  religion),  mais  une  boitte  comme  la  vostre, 
de  l'assortiment  de  huict  pièces  consequutives,  de  diverses  proportions 
de  poids  touts  daltez  de  la  mesme  année,  excepté  le  plus  gros  qui  est 
de  un  libvres,  lequel  est  de  l'an  m  ce  xn^  Or  cez  assortimentz  me  font 

'  On  connaît  une  dizaine  d'émissions  de  mentionnée  par  Peiresc,  pour  le  poids  de 

poids  de  Toulouse,  entre  autres  celles  de  nu  livres,  serait  une  révélation ,  s'il  ne  s'est 

1289,  i45o,  i4i)'i,  ligS,  iSo'!,  i5i6,  pas  trompé. 

i53o,  i543.  On  n'a  pas  retrouvé  de  poids  de  villes 

Ces  poids,  surtout  ceux  de  laSg  (à  cause  situe'es  nu  nord  de  Bordeaux.;  tous  ceux  qui 

de  la  durée  de  cette  émission  :  plus  de  deux  sont  connus  appartiennent  au  sud-ouest  de 

cents  ans),  sont  très  coninuins.  la  France. 

La  série  se  compose  de  huit  poids  :  un  liv. ,  Quatre  livres  :  +  ini  livras  de  Tolosa. 

Il  liv.,  I  livre,  1/2  1.,  i/4,  1/8,  1/16  (once)  Porte  de  ville  flancjuée  de  deux  tours  cré- 

et  i/3q  (1/9  once).  —  C'était  ce  que  con-  nelées;  une  tour  ci'énelée  au  milieu, 

tenait  la  ffboëtte»  reçue  par  Peiresc.  ^.+  IncarnationeDomim  M  CC  XlL(«ie). 

Les  poids  de  Toulouse  de    1289  sont  Le  clocher  de  Saiut-Sernin,  dans   un 

considérés  non  seulement  comme  les  plus  {rrènetis,  surmonté  d'une  croix  et  accost»"' de 

anciens  de  celle  ville,  mais  aussi  comme  deux  petits  clochers  surmontés  de  croix, 

étant  les  premiers  poids  inscrits  émis  dans  Deux  livres  :  +  11  livras  de  Tolosa,  même 

le  midi  de  la  France.  —  La  date  de  1212,  type. 


192 


LETTRES   DE  PEIRESC 


[1636] 


désirer  tant  plus  ardamment  quelque  vieille  charte  de  ce  temps  là  à 
peu  prez,  oii  soient  mentionnez  les  reglemenlz  de  cette  sorte  de  matière 
de  police,  croyant  qu'ilz  ne  seront  {juicres  dilTerantz  les  uns  des 
aultres  hors  de  la  datte,  et  puisque  nous  ne  pouvons  avoir  ceux  de 
Thoulouse,  je  vouldroys  bien  avoir  ceux  de  Bordeaux  ou  de  Gondom, 
si  faire  se  pouvoit.  11  fauldroit  un  peu  caresser  le  garde  des  chartes 
ou  des  cartulaires  et  registres  de  l'hostel  de  Ville,  ou  du  seneschal,  ou 
de  ceux  qui  jugent  encor  aujourdhuy  cet  article  de  police  des  poids 
et  mesures  et  s'en  enquérir  des  ouvriers  mesmes  qui  les  forgent  et  les 
adjustent,  s'il  y  en  a  des  vieulx,  car  par  traditive  ils  en  ont  quelque- 
foys  ouy  parler  et  en  peuvent  donner  les  adresses. 


IV.  +  Amo  Domm  M  CC  XXXVIIII, 
même  lype. 

Une  livre  :  H-  i  livra  de  Tolosa  ,  môme 
type. 

R".  +  An.  Dojiwi  M  GG  XXXVIIH ,  même 
type. 

Demi -livre  :  +  Meia  i.ivba  w  Tolosa, 
même  type. 

IV.  Pareil  au  précédent. 

Quart  de  livre  :  +  Cartaro  he  livra, 
même  type. 

R.  Pareil  aux  précédents. 

Quarteron  ou  demi-quart  :  +  Meig  car- 
tard,  même  type. 

IV-  Pareil,  mais  type  siraplifii^. 

Once  :  +  Onsa  ,  même  type. 

IV-  -t-  DE  livra.  Pareil.  Tour  simple. 

Demi-once  :  +  Meia  onsa  ,  même  type. 

IV-  PareU  au  précédent. 

Ces  descriptions  sont  prises  dans  un  excel- 
lent travail  de  M.  Emile  Taillebois,  secré- 
taire général  de  la  Société  de  Borda  à  Dax , 
intitulé  :  Recherches  sur  la  numismatique  de 
la  Novempopulanie. 

Il  décrit  aussi  un  quart  donce  : 

Cartaro,  même  type, 

R--  u-  OSSA,  mémo  type,  qui  appartient 


au  Musée  du  grand  séminaire  d'Auch.  — 
Cela  porte  à  neuf  la  série  de  i  s  Sg. 

Malgré  les  ordonnances  de  Chariemagne 
et  les  tentatives  de  plusieurs  de  ses  succes- 
seurs, notamment  Philippe  V,  l'unité  des 
poids  et  mesures  n'avait  pu  être  établie  en 
France.  La  livre  poids  n'était  pas  la  même 
partout.  A  Paris  (poids  de  marc),  elle  était 
de  i6  onces,  ce  qui  fait  à  peu  près  Ago  gr. 
Agen,  Bayonne,  Bordeaux  avaient  adopté 
la  livre  de  Paris. 

A  Lyon,  le  poids  de  ville  n'était  que  de 
1 4  onces  à  la  li>Te  (  43o  grammes  environ  )  ; 
mais  le  poids  de  soie  était  de  i5  onces 
(46o  grammes). 

A  Marseille,  i3  onces  (898  grammes). 

A  Rouen ,  au  contraire ,  le  poids  de  vicomte 
était  d'un  peu  plus  de  16  1/9  et  pesait  en- 
viron 5 1  o  grammes. 

,4  Toulouse,  le  poids  de  table  était  de 
i3  onces  et  demie  (environ  4i5  grammes). 
—  100  livres  de  Toulouse  représentaient 
84  i.  1  i  onces  de  Paris;  100  livres  de  Paris 
équivalaient  à  1 18  livres  de  Toulouse.  (Com- 
munication de  M.  Emile  Lalanne ,  directeur 
du  poids  public  à  Bordeaux,  membre  de  la 
Société  des  archives  historiques ,  etc.  ) 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  193 

Excusez  moy  de  cette  peine.  Cez  divertissementz  me  sont  des  remèdes 

à  mes  inquiétudes  domestiques,  et  faictes  estât  de  moy  comme, 

Monsieur  le  Prieur, 

de  vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  30  mav  i636'. 


LXXXII 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  i  o™^  par  nostre  dernier  ordinaire  de 
Paris,  et  ay  faict  la  ratification  de  la  transaction  des  s"  Bichons '\  que 
je  vous  renvoyé  pour  cet  eiïect,  avec  l'acte  au  pied,  au  cas  qu'ils  le 
désirent  ainsin,  ensemble  un  extraict  u  part  de  mon  acte  de  rattifica- 
tion,  n'ayant  pas  eu  de  loisir  de  retenir  coppie  de  la  dicte  transaction, 
dont  on  a  plus  à  faire  de  par  de  là  qu'icy,  n'estimant  pas  que  la  mé- 
moire s'en  puisse  facilement  perdre  puisqu'il  fauldra  la  mettre  sur 
i'estat  de  mes  fermiers,  ou  de  ceux  qui  payeront  cez  messieurs  de 
Gourgues.  Desquels  il  me  tardera  que  vous  puissiez  vous  redimer 
d'une  façon  ou  d'aultre,  pour  le  regret  que  j'ay  du  temps  qu'ils  vous 
font  perdre  de  par  de  là.  N'y  ayant  pas  lieu  d'espérer  d'eulx  aulcune 
sorte  de  courtoisie. 


'  Bibl.  nat. ,  fonds  français,  nouv.  acq. , 
6171,  fol.  639.  Autographe.  —  A  la  Mé- 
janes  on  possède  seulement  la  copie  de  la 
dernière  partie  de  cette  lettre,  à  partir  des 
mots:  a  L'on  m'a  envoyé  de  Thoulouse.  n 
(Collection  Peiresc,  registre  V,  fol.  790.) 
Cette  copie  est  suivie  de  quatre  lignes  de 
post-scriplum  qui  sont,  en  réalité,  les  pre- 
mières lignes  d'une  lettre  ([ue  l'on  trouvera 
plus  loin  sous  la  date  du  1 1  novembre  1 G36. 


'  Voir  parmi  les  pièces  justificatives  de 
VHistoire  de  la  ville  et  du  canton  de  Gitllres, 
par  MM.  A.  Godin  et  J.  Hovyn  de  Tranchère 
(Libourne,  1889,  gr.  in-8°,  p.  la,  n°  vu), 
une  Généalogie  de  la  famille  de  Bichon.  Un 
des  sievr.i  Richon  dont  parle  Peiresc  était 
Etienne  de  Richon,  chevalier,  seigneur  de 
Monifavier,  trésorier  général  de  France  en 
la  généralilc'  de  Guienne. 


3  0 


19/1  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

Pour  le  concordat,  s'il  fault  qu'il  passe  à  Rome,  je  ne  pense  pas 
qu'il  en  faille  attendre  le  gratis.  Vous  sçavez  coni'ils  m'ont  faict  naquet- 
ter  celuy  de  Sercou  '  et  celuy  des  PP.  Jesuistes,  dont  il  fallut  payer  rie 
à  rie  l'un  pour  avoir  l'aultre  gratis.  Toutefoys  il  n'y  aura  pas  de  dan- 
ger de  faire  escrire  le  banquier  de  voz  cartiers  à  son  respondant  qu'il 
en  confère  avec  M"^  Marcliand  et  M' de  Bonnaire  *  auxquels  j'en  escriray 
un  mot,  pour  voir  s'ils  en  pourroient  espargner  une  partie  s'ils  n'ont 
le  tout  qui  ne  sera  pas  de  moings  de  cent  escus  d'or  si  je  ne  me 
trompe.  J'en  pourray  encore  toucher  quelque  chose  au  P.  Venot^  qui 
m'a  escript  depuis  peu  avec  de  grands  tesmoignages  d'honnesteté  à 
cause  qu'un  sien  neveu  d'Autun*  a  contracté  grande  amitié  avec  moy. 

J'ay  faict  bailler  vostre  procuration  à  M'  Lombard  qui  attend  voz 
lettres  et  sera  fort  propre  à  prendre  le  soing  de  vostre  affaire,  car  le 
s""  Mercadier  de  sa  grâce  ne  m'a  faict  aulcune  respouce,  et  le  s'  prieur 
de  Moustiers  ne  s'est  non  plus  souvenu  de  m'escrire  et  de  m'envoyer 
quelques  pièces  secrètes  de  l'assemblée  qu'il  m'avoit  offert  de  son 
propre  mouvenlent.  Il  est  vray  qu'il  aura  eu  de  l'exercice  à  son  arrivée, 
soit  ù  visiter  divers  prélats,  ou  ses  fermiers  et  domestiques. 

Si  vous  n'avez  de  plus  opportune  commodité  en  obligeant  quelqu'un 
de  la  suittfi  de  M'  le  Premier  Président*,  je  pense  que  de  Marseille  ii 
y  aura  moyen  de  faire  tenir  voz  deniers  au  pair  dans  Bordeaux,  par 
la  mesme  voye  des  Angioys,  quand  vous  vouldrez,  mais  l'aultre  sera 
plus  advantageuse  et  de  plus  d'acquest  quand  ce  ne  seroit  que  pour 
l'honneur.  Cependant  M'  Lombard  agira  pour  se  saisir  des  deniers  à 
l'advance,  avant  leur  arrivée. 

'  Parmi  les  cures  auxquelles  nommait  '  Sur  le  P.  Charles  Venol ,  voir  le  recueil 

ouprésenlaitrabbëdeGuiti-es,oncomptait,  Peiresc-Dupuy  (t.  I,  p.  la),  et  Peircuc, 

dans  le  diocèse  de  Saintes,  celle  de  Saint-  abbé  de  Gtûtres,  par  A.  de  Lantenay,  p.  3g. 

Nazaii-e  et  son  annexe  Saint-Germain  de  '  Sur  l'antiquaire  d'Autun,  voir  lo  re- 

Gercou.  rueil  Peiresc-Dupuy,  jxissim- 

Le  sieur  de  Bonnaire,  le  beau-frère  de  ''  Joseph  du  Bernet,  le  nouveau  premier 

Barclay,  est  plusieurs  fois  mentionné  dans  président  du  parlement  d'Aix.  Voir  le  re- 

chacun  des  trois  volumes  du  recueil  Peiresc-  cueil  Peiresc-Dupuy,  passim. 
Dupuy. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  1Ô5 

J'ay  desja  escript  à  vostre  bon  curé  de  se  donner  patiance  pour  cette 
année  procliaine;  il  ne  m'a  pas  respondu ,  mais  je  ne  pense  pas  qu'il  eust 
le  courage  de  vous  en  esconduire  vous  ne  moy.  Il  attend  de  voz  letti'es 
à  ce  que  me  dict  un  de  ses  amys  qui  passa  par  icy  cez  jours  passez. 

Au  reste  je  me  suis  fout  resjouy  de  la  bonne  nouvelle  que  vous 
m'avez  donnée  du  retour  de  M''  le  premier  président  du  Bernet  des 
Bains  en  bonne  santé,  et  espère  que  puisqu'il  semble  l'avoir  anticipé 
de  quelque  semaine,  et  avoir  abrégé  le  sesjour  qu'il  y  vouloit  faire, 
qu'il  en  anticipera  d'aultant  son  voyage  de  Provence  où  il  est  attendu 
en  trez  bonne  dévotion,  je  vous  en  asseure.  Il  nous  tardera  d'avoir  voz 
prochaines  lettres  de  l'ordinaire  prochain,  nous  promettant  que  vous 
nous  en  direz  possible  quelque  chosette. 

Vous  ne  m'accusez  pas  de  mes  lettres  plus  fraisches  que  du  2  6"*  du 
passé.  Le  suyvant  ordinaire  du  1"'  de  ce  moys  vous  aura  donné  la  nou- 
velle de  mon  restablissement,  et  celle  cy  vous  en  adjousteia  une  aultrc, 
que  mon  neveu  estant  arrivé  à  Paris  le  lendemain  du  despart  de  son 
père  s'en  alla  voir  M^"  le  Chancelier  qui  luy  apprint  son  debvoir,  et 
aprez  s'en  alla  voir  M'  d'Aubray  et  Mess"  du  Puy  protester  sa  repen- 
tance  et  demander  des  lettres  d'intercession  envers  son  père  e1  moy. 
détestant  les  mauvais  conseils  qu'on  luy  avoit  donnez  icy  et  voulant  se 
soubmettre  à  son  debvoir,  à  quoy  il  n'a  pas  trouvé  de  la  répugnance  de 
ma  part,  et  s'il  eust  sceu  me  prendre  par  ce  bout  là,  il  auroit  bien 
aultrement  disposé  de  moy  qu'il  n'a  faict. 

J'attends  sur  cela  la  responce  de  mon  frère  qui  est  à  Cuers  à  l'as- 
semblée des  communauttez  oii  il  est  arrivé  tout  à  temps  pour  bien 
contribuer  à  raccommoder  le  malentendu  qu'on  avoit  voulu  semer 
entre  M^'^  le  Mareschal  et  M""  le  conte  de  Garces,  qui  y  fut  traicté  et 
caressé  inesperement  avec  le  marquis  de  Janson  et  les  s"  de  Vins  et  de 
la  Verdiere  ses  parents  K  Et  aprez  s'en  est  allé  à  Canes  faire  sa  charge 
de  mareschal  de  camp  en  absence  de  M""  le  Mareschal.  C'est  M""  de 
Nantes^  qui  a  faict  cette  négociation. 

Tous  ces  noms  figurciil  déjh  dans  les  quatic  premiors  tomes  de  celte  correspondanco.  — 
Sur  Gabriel  Beauvaii  de  Rivarennc,  voir  le  tome  111  du  recueil  Peiresc-Dupuy,  passim. 

•    95. 


196  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

M""  le  General  des  galères  avoit  desseigné  d'allaquer  les  galères 
d'Espagne,  mais  elles  passèrent  la  nuict  du  jour  qu'il  faisoit  ses  prépa- 
ratifs pour  sortir  du  port  de  Marseille.  11  avoit  xn  galères  trez  bien 
munies  et  a  bregantins  avec  xn  tartanes  fort  lestes.  Les  Espagnols 
n'estoient  que  xv  galères  assez  mal  armées  pour  estie  obligées  de  cé- 
der, si  les  nostres  y  fussent  allées  à  temps.  Il  a  depuis  cassé  M''  de 
la  Marte  et  Spinassi  pour  n'avoir  bien  punctuellcment  muny  leurs  ga- 
lères selon  son  ordre.  Le  pauvre  M' le  Ballif  s'estoit  faict  embarquer 
avec  un  grand  flux  de  ventre  et  fiebvre,  mais  il  le  fallut  desbarquer 
pour  la  violance  de  son  mal  qui  s'est  neantmoings  arresté  depuis  et  je 
demeure. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Pkibesc. 
A  Aix,  ce  39  juillet  i636  '. 

Je  vous  envoyé  une  lettre  de  M'  Thomassin  le  Vieil  à  M' le  premier 
président  du  Bernet,  à  qui  je  n'ose  escrire  pour  ne  luy  estre  pas 
trop  à  charge.  Vous  luy  en  ferez  mes  excuses,  s'il  vous  plaict. 

M""  Mercadier  m'a  depuis  envoyé  une  vieille  lettre  à  ce  soir  en 
responce  des  miennes,  laquelle  vous  verrez  avec  la  responce  de 
M'  Lombard. 


LXXXIII 
MÊME  ADRESSE. 

BOnOEAUX. 

Monsieur  le  Pi-ieur, 
Vous  aurez  icy  comme  je  pense  la  responce  de  M'  Moreau  à  celle 
de  M'  le  Premier  Présidant^  et  une  coppie  de  celle  que  m'a  escript 

Le  bailli  de  Forbin  est  souvent  men-        nouvelles  acquisitions, 617 i.foL  53 1.  Atlto 
lionne  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  graphe. 

-  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  '  Joseph  du  Bernet. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  "  197 

M'  de  Bordeaux  1  des  Isles  de  Mailhorque  du  29°^  du  passé  encores 
que  son  secrétaire  se  soit  equivocqué,  parlant  des  isles  d'Ieres,  car  elle 
est  veniie  soubs  une  mesme  enveloppe,  avec  une  pour  M'i'Archevesque 
d'Aix^  de  mesme  datte  par  un  navire  despesché  des  isles  de  Mailhorque. 
Vous  verrez  connnent  il  se  souvient  de  vous,  de  quoy  je  n'ay  manqué 
de  le  remercier  tant  de  vostre  part  que  de  la  mienne ,  mais  cette  des- 
pesché estant  venue  icy  pendant  que  M''  i'Archevesque  d'Aix  estoit  à 
l'assemblée,  et  n'ayant  esté  ouverte  que  depuis  son  retour,  je  ne  l'ay 
pas  eue  que  bien  tard,  et  n'ay  encores  peu  recevoir  sa  responce  de 
celle  que  je  luy  ay  escripte  par  le  jeune  Gailhard  à  faulte  de  vous  ou 
de  quelqu'un  de  noz  parentz,  dont  j'estois  trop  despourveu  en  cette 
conjoncture. 

M''  Lombard  avoit  escript  à  voz  gentz  de  Roumoules  par  l'adresse 
du  s'  Gassend,  gendre  du  parisien  vostre  voisin.  Mais  vostre  bon  curé 
n'ayant  d'aultre  commodité  de  respondre  avoit  envoyé  un  garçon  qui 
n'est  arrivé  qu'à  ce  matin  deux  heures  aprez.lc  despart  dudict  s' Lom- 
bard qui  a  voulu  aller  voir  cette  grande  armée  navalle  qui  remplit 
tout  le  grand  port  de  Toullon  à  la  distance  qu'ils  ont  ancré  les  uns 
aussy  prez  des  autres  qu'ils  ont  peu.  J'ay  ouvert  la  lettre  que  luy  escript 
vostre  curé,  car  il  ne  m'escript  pas  à  moy,  pour  voir  s'il  y  avoit  rien 
à  faire  pour  vous  ou  pour  luy.  Et  de  faict  j'ay  faict  expédier  cejourd'huy 
des  lettres  de  debitis  qui  sont  au  seau  et  qui  luy  donneront  assez 
d'exercice  et  de  matière  de  ne  vous  pas  laisser  à  RoumouUes  la  présente 
année,  quelque  raine  qu'il  tinst.  J'envoyeray  sa  lettre  à  M"'  Lombard, 
afin  qu'il  pourvoye  à  la  fin  de  ce  moys,  à  ce  que  voz  fermiers  vous  pro- 
mettent. 

J'ay  bien  du  regret  de  cette  maladie  qui  se  glisse  dans  Bordeaux, 
et  si  vous  y  trouvez  du  danger,  je  ne  vous  conseille  pas  de  vous  y  tenir, 
ains  de  vous  tenir  au  loing,  et  plustost  vous  en  venir,  s'il  y  a  moyen, 
m'asseurant  que  vous  trouverez  là  assez  de  crédit  pour  cela,  si  besoing 
estoit.  Je  feray  soigneusement  et  punctuellement  payer  et  rembourser 

'  L'archevêque  Henri  de  Sourdis*  chef  du  conseil  du  roi  en  l'armée  navale.  -^  '  Louis 
de  Breteli 


198  LETTRES  DE  PEIRESC  fl^SÔ] 

icy  aux  gents  de  M'  le  premier  présidant  du  Bernet  tout  ce  qu'ils 
trouveront  bon  de  vous  bailler  de  par  delà  ou  que  vous  vouldrez 
prendre  de  leur  main.  Vous  pouvez  liardimenl  faire  lettre  de  change 
sur  mov  ou  bien  sur  les  s"  Ruts  et  Martin  marchands  Flamands  de 
Marseille  qui  me  firent  trouver  la  remise  des  xi  cents  libvres  dernières, 
lesquels  acquitteront  sans  faulte  tout  ce  que  vous  ordonnerez,  et  sur 
ce  je  finiray  en  haste,  demeurant, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  19  aoust  i636. 

Je  viens  d'apprendre,  par  lettre  de  Toullon  du  jour  d'hier  au  soir, 
que  M""  de  Bordeaux  y  estoit  de  retour  de  Marseille  puis  samedy,  que 
M' le  conte  de  Flarcourt  y  languit  bien  en  l'attente  de  l'armement  de 
M"'  de  Nantes,  et  qu'il  avoit  dict  ce  jour  là  qu'il  sortiroil  ce  jour  d'huy 
du  grand  port  pour  aller  aux  isles.  Ils  ont  faict  aygade  dans  Icdict  port 
pour  trois  mo\s.  Ils  avoient  eu  advis  par  une  tartane  du  Martigues. 
venue  de  INarbonne,  laquelle  avoit  prins  langue  d'un  corsaire  du  Mar- 
tigues, qui  a  couru  la  coste  d'Espagne,  qu'il  avoit  veu  six  galères  au 
cap  de  Quiers,  lesquelles  en  attendoient  dix  autres  pour  passer  en 
Italie;  qu'il  estoit  hier  arrivé  à  Toullon  65  mille  libvres  pour  les  galères, 
qui  dévoient  aujourd'huy  faire  montre,  que  M' le  Baillif  y  estoit  arrivé 
malade  dez  sammedy  au  soir,  et  que  son  embarquement  n'estoit  pas 
certain  avec  son  mal;  que  M""  du  Luc  et  M*"  de  Forcalqueiret  s'embar- 
quoient  sur  l' Admirai. 

Et  dececy  vous  n'en  dire?  rien  qu'à  M' le  premier  présidant  du  Ber- 
net :  qu'il  y  avoit  eu  tout  plein  d'allées  et  venues  pour  concerter  l'entre- 
veue  de  M^'  le  conte  de  Harcourt  avec  M^  le  Mareschal,  qui  est  au 
lictde  la  goutte  puis  trois  jours,  sur  la  difTicullé  des  gardes,  tant  de 
l'un  que  de  l'autre,  M''  le  Conte  les  voulant  mener  en  terre  ferme,  et 
l'autre  ayant  de  la  peine  à  le  souffrir.  A  quoy  mon  frère  se  trouve  bien 
empesché. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  199 

[Posl-scriptum  à  côté  de  l'adresse.]  Nous  n'avons  pas  trouvé  de  datte 
aux  minutes  des  lettres  nom  ])ius  qu'au  registre'. 


[19  aousl  i636.] 

Il  y  a  eu  de  grandes  contentions  pour  les  rangs  et  la  prelerance 
ou  partage  du  commandement  entre  les  cappitaines  des  galères  et 
ceux  du  régiment  de  la  marine,  Vinceguerre  et  le  s''  d'Aquicilly  ayants 
rompu  la  glace  et  déclaré  ne  le  pouvoir  souffrir  et  ayants  mieux  aymé 
quitter  les  galères  dont  ils  estoient  propriétaires  à  l'exemple  desquels 
la  pluspart  des  aultres  en  avoient  voulu  faire  aultant  et  se  resolvoient 
de  s'embarquer  sur  l'Admirai  pour  servir  le  Roy  en  aultre  condi- 
tion moings  honteuse.  L'on  travailloit  à  les  accommoder.  Je  ne  sçay 
s'ils  auront  peu  en  venir  à  bout,  car  les  lettres  de  Toullon  ne  sont 
pas  encor  arrivées.  Le  pauvre  M""  le  Baillif  y  a  esté  meslé  bien  avant, 
et  avoit  prins  son  congé,  mais  l'occasion  du  voyage  l'oblige  de  servir 
durant  iceluy.  C'est  une  trop  longue  histoire  pour  une  lettre. 


LKXXIV 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  voz  deux  despesches  assemblées 
du  21  et  28  aoust  accompagnées  de  celle  de  Monsieur  le  premier  pré- 
sident du  Bernet  de  mesme  datte  du  a 8""=  tant  pour  mon  frère  que 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  d'une  autre  lettre  écrite  le  19  noùt  i636, 

nouvelles  acquisitions,  5 1 7 1 ,  fol.  533.  Auto-  comme  nous  l'apprenons  d'une  annotation 

graphe.  mise  par  Guillemiii  nu  dos  de  ce  feuillet ,  ii 

'  La  lettre  du  1-2  août  iG36  est  suivie  côté  di-  l'adresse, 
dans  le  ms.,  fol.  535,  du  dernier  feuillet 


200  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

pour  moy,  et  un  pacquet  lequel  je  fiz  tenir  sur  le  champ  à  Marseille 
à  M"'  de  Valbelle'  qui  me  donna  advis  que  c'estoit  pour  M'  de  Bor- 
deaux- à  qui  il  l'envoya  à  l'armée  navale  du  costé  de  Mourgues' 
où  elle  est  encores  comme  l'on  croid.  Et  comme  le  pacquet  sembloit 
quoyque  petit  de  plus  d'une  livre,  je  me  suis  imaginé,  parceque  je  le 
désire  ainsin,  qu'il  y  en  pouvoit  bien  avoir  encor  une  à  M' le  maréchal 
de  Victry,  pour  luy  estre  baillée  ou  envoyée  de  la  part  de  M'  de  Bor- 
deaux. A  celle  fin  qu'à  l'arrivée  de  M'  le  Premier  Président  il  trouve 
toutes  choses  aussy  bien  disposées  de  ce  costé  là  que  du  Parlement  et 
d'ailleurs  pour  une  réception  bien  à  souhaict  et  pour  les  fondements 
d'une  correspondance  *  toute  entière  et  telle  que  la  peut  requérir  le  bien 
du  service  du  roy  et  du  public,  pour  ne  retomber  aux  inconveniants 
passez,  qui  n'eurent  leur  source  qu'en  une  chettive  punctualité  de  moings 
quasi  que  d'une  bonnetade  ^.  Dont  se  sont  ensuivys  des  inconveniants 
et  desordres  qui  ont  bien  chèrement  cousté  au  pauvre  païs  et  ont  enfin 
degousté  M' l'Aisne ''  de  cette  province  laquelle  y  a  perdu  jusques  à  des 
millions,  ce  qui  est  incroyable  sans  le  voir  et  loucher  au  doigt  comme 
il  est  bien  aisé.  Quand  ce  ne  seroit  que  pour  l'alFaire  des  communautez 
impuissantes  et  pour  celle  des  Francsfiefs  dont  l'abbus  n'a  prins  de- 
progrès  que  par  cette  mezintclligence  et  l'absance  ou  retraictc  dudict 
s'  premier  président  l'Aisne.  C'est  pourquoy  si  vous  pouviez  pressentir 
que  M""  le  premier  président  du  Bernet  n'eusse  pas  encor  escript  à 
M"'  le  Mareschal,  voyez  pour  l'honneur  de  Dieu  de  mesnager  cela  avec 
luy  selon  vostre  bonne  prudance  et  dextérité,  pour  le  disposer  à  le 
faire  avant  d'entrer  dans  la  province  s'il  est  possible,  plustost  par 
quelqu'un  des  siens  s'il  en  despesche  à  l'advance  comme  il  y  a  de  l'ap- 
parance  qu'il  le  pourra  faire. 

Auquel  cas  un  petit  mot  encores  à  la  Compagnie  et  à  M""  le  presi- 

Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  p(M«'/«.  '  Accord,  harmonie. 

Henri  d'Escoubleau  de  Sounlis.  >  Coup  de  bonnet.  Voir  Table  des  moUi  et 

Nom  que  portait  autrefois  la  capitale  de  locutions  dignes  de  remarque,  à  la  fin  du 

la  principauté  de  Monaco,    comme   nous  tome  111  du  recueil  Peircsc-Dupuy,  p.  786. 

l'avons   déjà  vu   dans   le   recueil    Peiresc-  ♦  L'ancien  premier  président  du  parle- 

"P"y-  ment  d'Aix ,  Liaisné  de  la  Marguerie. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  201 

dent  Du  Ghaisne^  seroient  receus  à  singulière  faveur  et  obligation  de 
la  part  d'un  tel  personage  et  ne  luy  seront  pas  inutiles  à  l'advenir  Dieu 
aydant.  Quant  à  son  logement  ce  nous  seroit  un  très  grand  honneur 
et  advantage  qu'il  daignast  accepter  la  maison  de  son  serviteur,  en 
attendant  que  la  sienne  soit  meublée  et  accommodée  ainsin  que  Ma- 
dame la  Première  Présidente  le  pourroit  désirer  pour  sa  particulière 
satisfaction.  Je  l'en  supplie  de  rechef  et  vous  prie  de  l'en  conjurer  aul- 
tant  qu'il  vous  sera  possible.  Et  pour  cet  effet  si  je  puis  apprendre  le 
temps  de  sa  veniie,  je  ne  manqueray  de  l'aller  recevoir  au  plus  loing 
qu'il  me  sera  possible.  Que  s'il  ayme  mieux  aller  droict  chez  lui,  j'ay 
apprins  du  s""  Moreau  qu'il  avoit  encore  tout  i'emeublement  de 
M'  du  Couldray^  dans  la  maison  mesmes  de  M""  le  Premier  Président 
où  il  ne  fault  que  le  faire  tendre,  y  ayant,  ce  dict-il,  de  quoy  meubler 
les  deux  chambres  que  Madame  désire  avec  les  appartenances  qui  y 
peuvent  escheoir  des  garderobbes,  et  m'a  dict  de  plus  que  le  sous- 
lieutenant  Bonfilz  ;\  qui  est  la  maison^,  achepta  à  fort  bon  marché 
toute  la  batterie  de  cuisine  de  M'I'Aysné  en  intention  d'en  accommoder 
son  successeur  s'il  l'a  agréable  avec  toutes  les  pièces  que  Mad""*  la  pre- 
mière présidente  l'Aine  avoit  acheptées  en  passant  par  Lyon  qui  sont 
d'autre  calibre  que  tout  ce  qu'on  a  en  ce  païs.  Que  si  Madame  trouve 
plus  à  propos  que  nous  fassions  meubler  chez  elle  mesmes  les  chambres 
qu'elle  y  désire  trouver  prestes,  nous  le  ferons  trez  volontiers,  au 
moindre  clein  d'œuil  et  tascherons  de  mettre  ordre  que  d'une  façon 
ou  d'autre  elle  trouve  un  mauvais  giste  appresté  tout  le  moings  mal 
qu'il  se  pourra  faire  à  la  provençale ,  mais  avec  le  plus  cordial  accueil 
que  faire  se  pourra,  vous  les  en  pouvez  asseurer  l'un  et  l'autre,  et  qu'il 
ne  tiendra  pas  à  nous  que  selon  la  foiblesse  de  noz  forces  nous  ne  luy 
fassions  paroistre  nostre  dévotion  toute  entière  à  son  service. 

'  Un  fils  de  cet  illustre  président  I^uis  sier,  voir  le  recueil  Peirsec-Dupuy,  l.  III . 

du  Ghaisne,  le  grand  ami  du  premier  pré-  passim. 

sident  Guillaume  du  Vair  qui  fit  son  éloge  '  Sur  la  famille  Bonfds  et  sa  maison,  voir 

funèbre  (avril  i6i3).  ï{ou\  Wpherm,  Les  rues  d'Aix ,  t.  II,  p.  83- 

'  Sur  le  mai-quis  du  Goudray-Montpen-  84  et  gS. 

V.  a6 


202  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

Au  reste,  je  vous  remercie  trez  affectueusement  de  voz  charitables 
reserves  et  jalousies,  pour  les  appréhensions  que  vous  aviez  prinses 
de  vostre  fréquentation  en  lieu  que  vous  aviez  doublé  suspect,  sinon 
de  la  maladie,  au  moings  de  la  hantize  de  quelque  personne  qui  en 
avoit  peu  approcher.  Nous  ne  sommes  pas  Dieu  mercy  si  apprehensifs 
que  cela  et  n'eussions  pas  moings  librement  et  volontiers  receu  de  voz 
lettres  pour  tout  cela,  et  quand  mesmes  voz  appréhensions  eussent  eu 
plus  de  fondement,  voz  lettres  n'eussent  pas  esté  moings  bien  venues. 
Les  allarmes  de  l'an  1629  nous  ont  bien  r'asseurez  généralement  en 
ce  pais,  au  prix  de  ce  qu'on  estoit  auparavant,  et  si  Dieu  nous  vouloit 
tant  affliger  que  de  nous  visiter  de  reclief  de  ce  fléau  je  ne  pense  pas 
que  la  teiTeur  en  fusse  si  grande  qu'aultresfoys  ne  qu'on  s'absentast 
de  la  mesme  sorte.  Et  hore  du  mal  actuel  asseurez  vous  que  le  reste 
ne  seroit  pas  considéré  principalement  pour  le  commerce  des  lettres. 
Et  vous  supplie  de  nous  advertir  souvent  de  Testât  de  vostre  santé, 
sans  toutes  cez  considérations,  quoy  qui  arrivast,  ce  que  Dieu  ne  veuille, 
que  le  mal  de  ce  pais  là  ne  voulust  pas  cesser  du  tout.  Combien  que 
en  ce  cas  je  ne  vous  conseille  nullement  d'y  arrester  ains  de  prendre 
la  routte  de  Paris,  sans  vous  amuser  aux  affaires  de  mon  abbayie,  qui 
dépendent  de  gcnts  de  si  difficile  convention  et  résolution  à  ce  qui  les 
interesse  tant  soit  peu  et  qui  sont  si  aises  d'avoir  des  prétextes  d'allonger 
la  conclusion  de  quelque  affaire  que  ce  soit. 

Cependant  je  suis  bien  aise  que  vous  ayiez  terminé  la  contention 
de  ce  tableau  dont  on  se  mettoit  en  si  grande  peine  dans  mon  Eglise. 
Et  sçay  bon  gré  au  P.  du  Val  de  vouloir  faire  paroistre  sa  pieté  aux 
ornementz  d'iceluy.  Il  ne  m'en  a  rien  mandé  par  ses  lettres,  auxquelles 
je  faicts  responce.  J'ay  eu  mon  frère  icy  un  demy  jour  en  passant  et 
s'en  est  allé  à  Marseille,  pour  ayder  et  faciliter  l'expédition  de  quelques 
tartanes  de  renfort  à  l'armée  navale.  Ce  qui  l'a  empesché  de  pouvoir 
respondre  à  M'  le  Pr[emier]  Pr[esident].  Aussy  bien  a-t-il  opinion  que 
noz  lettres  ne  le  sçauroient  plus  trouver  à  Bordeaux.  Mais  puisqu'il  n'a 
pas  trouvé  bon  d'arriver  icy  avant  la  S'  Remy,  je  ne  pense  pas  qu'il 
se  puisse  desvelopper  si  à  poinct  nommé  des  affaires  qu'il  peult  avoir 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  203 

en  voz  cartiers  et  en  Agennois  ^  qu'il  soit  icy  précisément  au  i  o  ou  i  a 
d'octobre,  ce  qui  me  faict  juger  qu'il  pourroit  bien  encor  estre  là  à 
l'arrivée  de  cette  despesche.  C'est  pourquoy  je  n'ay  pas  deub  manquer 
de  luy  escrire  à  tout  liazard.  11  est  vray  que  j'adresseray  un  dupplicata 
si  je  puis  du  costé  de  Thoulouse. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  je  m'estonne  que  puisque  du  21"^  vous 
m'accusiez  la  réception  de  mes  lettres  du  3'"'=  vous  n'en  ayiez  pas  faict 
de  mesmes  par  les  vostres  du  28  des  miennes  du  12""®  où  estoit  la 
responce  du  s'  Maurcl.  Possible  que  les  pluyes  avoient  retardé  les  cour- 
riers par  les  cbemins,  dont  le  prochain  ordinaire  nous  pourra  esclaircir 
Dieu  aydant,  et  je  demeureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  16  sepl[embre]  i636  '. 


LXXXV 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
Ce  mot  en  courant,  car  je  parts  demain  pour  aller  au  devant  de 
M'  le  premier  président  du  Bernet,  sera  pour  vous  dire  que  sa 
despesche  du  12  arriva  icy  le  3o.  Son  secrétaire  alla  le  lendemain 
porter  à  M^  le  Mareschal  et  à  M'  de  Bordeaux  celles  qui  leur  estoient 
adressées  et  n'en  est  pas  encore  de  retour  à  mon  grand  regret  à  ce 
matin.  Celle  du  Parlement  a  esté  leûe  en  plaines  chambres  et  pour 

'  Le  premier  président  Du  Bernet  avait  et  divers  considérables  domaines  en  Age- 

des  alTaires  en  Agenais  parce  que  sa  femme,  nais. 

Mnrgucrile  doSevin,  d(5jà  plus  haut  men-  '  Bibliothèque  nul ionale,  fonds  français, 

lionnée,  appartenait  à  une   riche  famille  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  536.  Aulo- 

agenaise  et  possédait  une  maison  à  Agen  graphe. 

a6. 


204  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

tesmoifjner  le  désir  que  la  compagnie  a  de  bien  vivre  avec  luy  et  d'an- 
ticiper les  honneurs  deubs  à  sa  vertu,  elle  a  délibéré  de  luy  rendre  non 
seulement  tout  aultant  qu'à  tous  ses  devanciers,  mais  de  députer  un 
conseiller  de  chasque  chambre  pour  aller  au  devant  de  luy  jusques 
à  une  demy  lieue  d'icy  le  jour  de  sou  arrivée  et  l'aller  accueillir  et 
salliier  de  la  part  de  la  Cour  et  le  reconduire  à  cheval  en  sa  maison  sans 
attendre  la  présentation  et  vérification  de  ses  provisions,  et  que  toute 
la  compagnie  l'iroit  sallûer  chez  luy  à  son  arrivée,  excepté  le  seul 
présidant  plus  ancien  qui  attendra  sa  visite  pour  conserver  en  la  per- 
sonne de  celuy  la  ce  qui  s'esloit  practiqué  en  celle  de  touts  les  pre- 
sidantz  et  de  toute  la  gr[and]  chambre  et  qu'il  en  seroit  faict  registre 
pour  en  conserver  la  mémoire  à  la  postérité,  ce  qui  n'avoit  jamais 
esté  faict. 

J'avois  esté  le  député  de  la  grand  chambre,  mais  parceque  je  désir  ; 
aller  jusque'  Arles  selon  ses  ordres,  je  l'ay  remise  à  l'un  de  ceux  qui 
me  suyvent  en  rang.  Il  pourra  bien  voir  par  ceste  réception  si  nous 
desirons  de  le  conserver  parmy  nous. 

Il  «  faict  grande  diligence  de  Bordeaux  à  Thoulouse  où  il  estoit  ar- 
rivé et  en  partit  dez  le  ai"""  du  passé,  mais  les  pluyes  l'auront  arrest<' 
en  ce  bas  Languedoc,  car  il  nous  eust  surprins  icy  sans  verd,  et  seroil 
ja  arrivé  depuis  le  temps. 

M'  Lombard  vous  envoyé  vostre  lettre  de  change,  et  je  finis  poui 
escrire  à  Rome  par  l'ordinaire  qui  passe  demain,  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  ailectionné  serviteur  et  meilleur  amv, 

DE  PeIRESC. 
A  Aix,  ce  4  novembre  i636'. 

[Posi-scriptum  autographe.]  Pethonier  dict  qu'il  n'escheoit  aulcune 
responce  aux  dernières  lettres  que  je  luy  ay  faict  rendre ,  et  qu'il  a  pré- 
venu pour  ses  dernières. 

Bibliothèque  nnlionale,  fonds  français,  nouvelles acquisilions,  6171 ,  fol.  589.  Original. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  205 

Pethonier  a  eu  les  lettres  de  M'  d'Andrault,  mais  ne  m'a  pas  envoyé 
la  responce. 

Les  troys  lettres  missives  que  M""  le  Premier  Président  a  escrittes 
à  la  Cour  avec  des  compliments  bien  honnestes  ont  frappé  ce  coup,  et 
ont  esté  prinses  pour  supplément  des  visites  personelles,  qui  estoient 
requises  avant  sa  réception. 

J'ay  envoyé  vers  luy  ce  malin  un  de  mes  cousins  pour  aller  en  dili- 
gence jusques  à  Nismes  s'il  peult  luy  faire  mes  excuses  de  mon  retarde- 
ment causé  d'une  pierre  dont  je  me  suis  délivré  grâces  à  Dieu  assez  à 
temps  pour  y  accourir  encores  à  mon  tour,  et  ay  escript  par  mesme 
moyen  à  Madame  la  Première  Présidente  soubs  l'adveu  de  M'  d'An- 
drault. 


LXXXVI 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur, 

Ce  mot  n'est  que  pour  accompagner  le  petit  oranger  que  vous  m'aviez 
demandé  avec  le  myrtlie  et  3o  marcottes  dont  il  y  en  a  demy  douzaine 
desja  enracinées,  ensemble  une  boitte  du  reste  que  me  demandiez  dont 
.  vous  pourrez  faire  la  distribution  selon  que  vous  l'aviez  projectée.  J'ay 
receu  le  fagot  des  rosiers,  avec  la  boitte  des  médailles,  entre  lesquelles 
s'en  est  trouvée  une  des  moyennes,  que  j'estime  20  pistoles  pour  ma 
curiosité,  dont  je  vous  remercie  bien  fort,  et  de  ce  gros  poids  qui  me 
semble  trez  beau,  et  plus  considérable  que  l'aultre  pareil,  parce  qu'il 
n'est  pas  rappelasse  \ 

Vous  sçaurez  la  réception  solennelle  que  nous  avons  faicte  à  M' le 
premier  président  du  Bernet  avec  tant  d'applaudissement  et  de  nou- 
velle satisfaction  que  je  ne  pense  pas  qu'il  se  soit  jamais  rien  faict  de 

'  C'esl-à-dire  rajusté  i)ai-  raiijonclioli  tic  morceaux  de  m»'l»l ,  pour  rem[>lacer  ce  qu'il  avait 
pprila  par  l'usage. 


206  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

pareil,  ne  d'approchant  de  bien  ioing  \  Je  vous  prie  d'en  faire  part  à 
M'  le  premier  présidant  d'Aguesseau^  à  M'  d'Andrault,  et  à  M'  de 
Mons  et  aultres  de  ses  ainys  et  des  nostres ,  qui  participeront  je  ni'as- 
seure  comme  vous  et  moy  à  la  joye  publique  et  je  demeureray, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  XI  novembre  i636'. 

J'ay  rcceu  par  l'ordinaire  vostre  despesche  du  28  octobre,  mais  je 
suis  trop  pressé  d'ailleurs  pour  y  pouvoir  respondre  à  présent.  J'ay 
faict  rendre  en  main  propre  la  lettre  du  procureur  Gailhard. 


LXXXVII 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
Vostre  despesche  du  3o  octobre  nous  a  bien  mis  en  peine  de  vous 
voir  en  l'appréhension  oii  vous  en  estes,  pour  l'entrée  de  l'Espagnol 
dans  la  Gascogne,  sans  qu'on  aye  peu  leur  en  empescher  les  passages, 
mais  il  fault  bien  espérer  de  la  justice  de  la  cause  du  Roy  et  que  les  pro- 
grez  n'en  seront  pas  conformes  aux  appréhensions  quoyque  trez  justes 
Dieu  aydant.  Je  ne  suis  en  peine  que  de  l'isle  Socoa\  car  pour  la  terre 


'  Voir  sur  cette  réception  les  détails  don- 
nés par  P.-J.  de  Haitze  dans  son  Histoire 
de  la  ville  d'Aix  en  cours  de  publication  dans 
la  Revue  Sextienne. 

Antoine  d'Aguesseau,  d'abord  conseil- 
ler d'Etat,  fut  nomme  premier  président  du 
parlement  de  Bordeaux  le  6  janvier  i63i. 
Il  devait  être  remplacé  dans  cette  charge, 
le  18  août  1643,  par  Joseph  du  Remet. 


'  Ribliothèque  nationale,  fonds  (rançab , 
nouvelles  acquisitions ,  5 1 7 1 ,  fol.  5  4 1 .  Auto- 
graphe. 

*  Socoa  est  une  petite  place  de  guerre 
des  Basses -Pyrénées  (commune  de  Ci- 
bouse,  canton  de  Saint-Jean  de  Luz,  à 
1  kilomètre  de  cette  ville).  Voir  une  lettre 
de  Jean  Chapelain,  d'avril  1637  (t  I, 
p.  i46). 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  207 

ferme  ils  en  seront  tost  desnichez,  mais  dans  la  mer  H  y  a  bien  de  la 
peine  à  leur  faire  lascher  prinse  tesmoing  noz  isles  de  Lerins  où  l'on  a 
résolu  de  faire  l'attaque  et  n'attendoit  on  que  le  temps  propice  de  faire 
agir  lez  navires  lequel  s'est  mis  sus  d'aujourd'liuy  fort  opportun. 

M""  le  premier  présidant  du  Bernel  avoit  hier  prins  congé  de  la 
Cour  pour  s'y  acheminer,  et  aller  rendre  ses  compliments  à  Mk''  le  ma- 
reschal  de  Victry  et  à  M""  de  Bordeaux,  et  faisoit  estât  de  partir  ce  jour- 
d'huy,  mais  la  pluye  qui  a  duré  quasi  toute  la  nuict  assez  grosse  luy 
avoit  faict  appréhender  les  torrens  trop  enflez,  et  luy  a  faict  différer 
son  partement  à  demain,  de  sorte  qu'il  se  pourroit  bien  trouver  tes- 
moing occulaire  de  ce  qui  s'y  fera. 

Vous  aurez  eu  par  le  retour  de  son  postillon  un  oranger  de  la  Chine, 
avec  des  marcottes  de  la  vigne  de  Canada  en  nombre  de  6  enracinées 
et  ah  sans  racine,  ensemble  le  Myrthe  double  et  une  boitte  de  senteurs 
dans  laquelle  sont  toutes  mes  lettres  tant  pour  M''  le  Premier  Prési- 
dent et  Mess"  d'Andrault  et  de  Mons  que  pour  vous  avec  une  rela- 
tion de  ce  qui  s'estoit  passé  à  la  réception  de  M""  du  Bernet.  Vous  aurez 
la  suitte  de  la  solennelle  procession  extraordiuairement  faicte  depuis 
en  Robbcs  Rouges,  où  il  mena  la  compagnie,  et  fut  bien  veii  de  tout  le 
peuple,  non  sans  les  bénédictions  accoustumées  au  païs. 

Je  vous  prie  de  vous  enquérir  de  ce  qui  s'observe  de  par  de  là  lors 
des  processions  générales  où  la  Cour  se  trouve  en  corps,  principale- 
ment quand  c'est  en  robbes  rouges,  et  sur  la  semonce  des  Archevesques 
ou  de  leur  clergé.  Et  s'il  y  en  a  rien  sur  les  registres,  envoyez  m'en  la 
coppie,  quoyque  non  signée  s'il  y  a  trop  de  façon  à  l'obtenir  du  com- 
mis du  greffe. 

Au  reste  j'ay  bien  du  regret  que  noz  vins  n'ayent  esté  vendus  avant 
cette  descente  estrangere,  mais  je  ne  pense  pas  qu'ils  osent  courir  sur 
les  Angloys,  qui  sont  ceux  qui  les  viennent  enlever  plus  communément. 
Il  est  vray  qu'il  se  traicte  en  Angleterre  quelque  nouvelle  alliance  avec 
la  France  qui  sera  pour  produire  quelque  bien  meilleur  effect  Dieu 
aydant  contre  cez  ennemys  de  la  liberté  chrestienne.  Et  en  toute  fason 
il  fauldra  faire  ce  qui  se  pourra,  et  laisser  le  reste  à  la  disposition  di- 


208  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

vine.  Je  vous  envoyé  les  responses  de  Pethonier,  et  demeure,  ne  vous 
pouvant  escrire  plus  à  loisir, 
Monsieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  18  nov[em]brc  lôSfi. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  j'ay  envoyé  à  M""  de  Bordeaux  vostre 
lettre  et  les  deux  paquetz  qu'elle  accompagnoit,  et  luy  ay  escript  par 
mesme  moyen.  La  relation  qui  devoit  estre  cy  joincte  ira  soubs  l'enve- 
loppe de  M"'  de  S^  Saulveur  pour  sa  curiosité,  ne  l'ayant  peu  faire 
transcrire  deux  foys,  mais  il  la  vous  envoyera  tost  aprez  s'il  ne  la  joinct 
à  vostre  lettre  présente'. 


LXXXVHI 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  rendu  à  Madame  la  première  présidente  du  Bernet  le  pac- 
quet  que  vous  luy  adressiez  laquelle  se  loue  fort  de  voz  honnesletez, 
et  rendit  à  M'  le  Premier  Présidant  les  lettres  qu'il  y  avoit  pour  luy, 
dont  il  nous  fit  sçavoir  les  nouvelles  du  costé  de  la  frontière  qui  nous 
tient  un  peu  en  peine,  mais  si  les  nouveaux  mescontentementz  ne  se 
vont  joindre  de  ce  costé  là  tout  ne  sera  rien  Dieu  aydant.  Je  pensoys 
recevoir  de  voz  lettres  un  peu  plus  fraisches  que  du  20  du  passé,  par 
le  dernier  ordinaire  et  que  vous  auriez  consequamment  apprins  l'ar- 
rivée icy  de  M' le  Premier  Présidant  soit  du  costé  de  mon  frère,  ou 
de  celuy  de  Thoulouse,  mais  vous  n'aurez  pas  je  m'asseure  tardé  aprez 
l'expédition  de  vostre  ordinaire.  Car  mon  frère  trouva  une  commodité 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  542.  Auto- 
graphe. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  209 

de  courrier  par  lequel  il  vous  en  envoya  les  nouvelles,  qu'il  avoil  re- 
çeues  dans  U  jours.  J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  les  qualitez  du  s' de 
la  Motte;  M"  Lombard  vous  escript.  J'oublioys  de  vous  dire  que  M' le 
Premier  Présidant  n'arriva  icy  de  retour  de  l'armée  navale  que  me- 
credy  dernier,  Madame  la  Première  Présidante  estant  allée  au  devant 
de  luy  jusques  à  un  quart  de  lieiie  d'icy,  et  je  l'avoys  prévenue  d'un 
autre  quart  de  lieiie  par  de  là,  dont  elle  me  fit  bien  des  reproches,  et 
de  faict  si  j'eusse  creu  qu'elle  y  voulust  aller,  je  luy  auroys  demandé 
une  place  dans  son  carrosse,  mais  elle  avoit  tesmoigné  désirer  d'esvi- 
ter  qu'aulcun  se  donnast  de  la  peine  pour  cela,  et  avoit  dict  qu'il 
n'arriveroit  que  le  soir,  bien  qu'elle  sceust  qu'il  devoit  estre  icy  à  dis- 
ner'.  Il  a  ce  jourd'huy  tenu  l'audiance,  aprez  avoir  aux  chambres 
assemblées  faict  procéder  à  la  vérification  des  lettres  de  reserve  d'exer- 
cice pour  cinq  ans  à  M''  du  Perier  Doyen  ^,  à  la  charge  que  la  récep- 
tion de  son  filz  seroit  sans  pouvoir  faire  aulcune  fonction  de  l'office 
ne  avoir  voix  deliberatifve.  Et  quand  il  a  esté  question  de  voir  l'in- 
formation de  vie  et  mœurs  du  filz,  ne  trouvant  pas  le  baptistère,  ne 
que  l'information  parlast  de  l'aage,  il  a  déclaré  qu'il  ne  laisroit  pas 
mettre  en  délibération  de  passer  par  dessus  cette  formalité,  quelque 
abbus  qui  eust  esté  receu  au  contraire,  dont  la  compagnie  ne  l'a  pas 
voulu  desdire,  et  a  esté  ordonné  qu'il  seroit  informé  de  l'aage,  ce  qui 
diffère  la  réception  à  l'autre  semaine.  11  n'a  rien  esté  faict  pour  encore» 
du  costé  des  Isles.  Et  je  demeure , 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  IX  décembre  i636'. 

'  C'est-à-dire  h  midi,  heure  sacraraen-  çais,  nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  6iâ. 

telle  alors  à  Paris  comme  en  province  et  qui  Autographe.  —  Le  prieur  de  Roumoules 

se  maintient  encore  de  nos  jours  dans  les  a  mis  sur  l'enveloppe  ce  sommaire  :  i^Re- 

petites  villes  et  surtout  à  la  campagne.  pondant  à  ma  lettre  du  xx  du  passe.  Retour 

'  Voir,  sur  le  conseiller  du  Périer,  le  de  M'  le  premier  président  de  Canes.  Sur 

recueil  Peiresc-Dupuy.  la  réception  de  M'  Duperier  qui  n'avoit  pas 

'  Bibliothèque    nationale,    fonds    fran-  l'aage.» 

T.  Jfj 

IHMUMSBIK    PATIO^IIJ, 


210  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

LXXXIX 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Vostre  despesche  du  4°"=  est  arrivée  depuis  hier  par  l'ordinaire  de 
Paris;  j'envoyay  en  mesnie  temps  à  Marseille  au  s'  Luguet  où  M'  l'Ar- 
cbevesque  de  Bordeaux  a  ses  adresses,  le  paquet  venu  pour  luv  soubz 
vostre  enveloppe,  ne  doublant  pas  qu'il  ne  luv  soit  fidèlement  rendu 
quelque  part  qu'il  puisse  eslrt;  à  prcsant  en  nostre  coste,  car  il  avoit 
une  foys  résolu  de  quitter  le  Goargean  ou  le  Teolle,  pour  venir  mouiller 
aux  isles  d'Ieres.  Je  vous  envoyay  par  le  dernier  ordinaire  deux  siennes 
lettres  pour  M"'  d'Andrault  et  poujr  M'  Constans. 

Monsieur  le  Premier  Présidant  m'a  daigné  faire  pai't  de  ce  q»e 
M"^  d'Andrault  luy  a  faict  sçavoir,  et  à  quoy  il  me  remelloit  par  celle 
qu'il  luy  a  pieu  de  ni'escrire  dont  je  luy  suis  bien  redevable,  ayant 
prins  grand  plaisi»  d'apprendre  le  destail  de  tant  de  curieuses  obser- 
vations, et  ne  manqueray  de  l'en  remercier  comme  il  me  sieroit  bien, 
mal  de  m'en  dispencer  quelque  licence  qu'il  luy  plaise  m'en  donner 
diS  sa  grâce.  J'a,y  faict  tenir  seurement  aussy  les  pacquetz  adressez'  à 
M'  de  la  Motte  dont  Madame  a  voulu  que  j'eusse  quelque  participation 
aussy,  où  nous  avons  bien  trouvé  de  l'aliment  i  nostre  curiosité  quoy 
qu'insatiable.  Je  luy  allay  rendre  les  conqiliments  nécessaires  sur  la 
lettre  qu'elle  a  daigné  vous  escrire,  au  subject  de  mes  petites  re- 
devances, dont  je  m'estoys  si  mal  acquitté  en  son  endroict,  mais  elle 
renchérit  tousjours  au  centuple,  et  prend  incessamment  des  advan- 
tages  à  touts  moments  pour  combler  ses  serviteurs  dans  des  obligations 
immenses.  Elle  a  un  procéder  si  généreux,  et  ses  actions  sont  tellement 
admirées  d'un  chascun  queje  ne  le  vous  sçaurois  représenter.  EH'  ex- 
cuse tant  qu'elle  peult  ces  dteflfectuositez  et)  de  nostre  chetif  païs,  et 
de  nostre  nation;  mais  je  crains  bien  qu'elle  n'y  trouve  bientost  de 
quoy   desmentir  la  bonne  opinion  qu'on   luy   en   a\oit  voiidu   faire 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  SU 

prendre  à  l'advance.  Car  desja  les  pluyes  quasi  continuelles  et  le  froid 
assez  rigoureux  et  extraordinaire  luy  l'ont  bien  r' abattre  de  la  doulceur 
de  l'air  à  quoy  elle  s'attendoit.  Et  pourveu  que  l'humeur  des  persones 
ne  fasse  bientost  paroistrc  sa  rudesse,  nous  serons  bien  heureux.  Elle 
faict  si  bon  accueil  à  tout  le  inonde,  que  les  uns  et  les  autres  en  sont 
ravys,  et  quoique  aversion  qu'ils  ayent  entr'eux  tout  fleschit  devant 
elle,  aussy  bien  que  dans  nostre  compagnie  devant  M'  le  Premier 
Présidant,  Je  regrette  bien  le  vol  que  vous  a  faict  ce  postillon  joufflu, 
dont  certainement  je  n'avois  gueres  bonne  opinion,  mais  nous  n'avions 
pas  à  choixsir,  il  fauldra  voir  s'il  y  aura  moyen  de  vous  envoyer  un 
autre  pied  de  myrtlie  double  avec  l'oranger  de  Monsieur  le  présidant 
d'Aflis\  à  qui  je  vouldroys  bien  pouvoir  rendre  de  plus  digne  service. 
La  question  sera  d'en  rencontrer  quelque  commodité  opportune  et  en 
saison  supportable.  Et  aussy  bonne  qu'avoit  esté  celle  du  retour  de  ce 
mauvais  garçon,  qui  vous  eust  peu  rendre  le  fagot  des  marcottes  et 
du  niyrllie  aussy  bien  conditionné  que  celuy  de  l'oranger  s'il  eut  voulu, 
ainsin  comme  le  tout  estoit  proprement  ageancé.  Mais  en  le  desve- 
loppant  indiscrettement  l'air  a  deub  gaster  le  tout  inesvitablement, 
;\  fauite  de  le  sçavoir  remettre  aussy  bien  qu'il  estoit.  Encores  luy 
fault  il  sçavoir  bon  gré  de  ce  peu  qu'il  vous  a  rendu  tant  de  la  boitte 
que  des  marcottes  enracinées.  Et  ne  plains  pas  tant  l'argent  que  vous 
et  nioy  luy  avons  donné,  quoy  qu'il  s'en  soit  rendu  bien  indigne,  et  la 
barde  et  essarges  que  j'avois  faict  achetter  pour  luy  oster  tout  pré- 
texte d'incister  aux  difficultez  et  refus  qu'il  faisoit  à  Madame  la  Première 
Présidante  mesmes  de  se  charger  d'aulcune  chose  qui  l'engageast  à 
aulcun  soing. 

Mon  frère  m'a  envoyé  par  un  courrier  extraordinaire  la  boitte  de 
vostre  Rosier  impérial'^  que  je  n'ay  peu  encor  ouvrir,  mais  je  le  feray 

'  Jean  Daffis,  fils  du  premier  prdsident  l'eiresc  à  la  Mdjanes  (fol.  722),  la  copie 
Guillaume  Daffis,  fut  second  président  du  ne  conunence  qu'à  ce  paragraphe,  avec 
parlement  de  Bordeaux;  il  mourut  en  cette  celte  modification  de  la  première  phrase  : 
ville  le  24  décenihre  iGSy.  fJ'ay  receu  la  hoëtte  de  vostre  Rosier  im- 

'  Dans  le  i-egistre  V   de   la   collection        perial. .  .  " 

47. 


212  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

Dieu  aydant,  avant  que  le  laisser  partir  pour  Boysgency,  ce  qui  sera  de- 
main Dieu  aydant.  Les  ai  pièces  de  nionoyes  ou  médailles  enfermées 
dans  vostre  dernier  pacqiiet  sont  arrivées  fort  bien  conditionnées,  et 
vous  avez  fort  bien  deviné  que  l'une  des  medaillettes  de  cuivre  seroit 
bien  de  mon  goust.  J'en  avoys  eu  une  autre  pareille,  mais  l'inscription 
n'en  estoit  pas  si  conservée  que  de  la  vostre,  et  je  l'estime  quasi 
aultant  que  celle  de  PECTHV.  L'autre  de  cuyvre  n'est  pas  un  poids. 
Eli'  est  grecque  du  siècle  d'Alexandre  le  Grand  et  a  d'un  costé  un  bou- 
clier enrichy  de  cez  croissantz,  et  de  l'autre  non  un  vase  et  un  serpent 
com' il  semble  en  la  tournant  c'en  [sic)  dessus  dessoubs,  mais  un  casque 
ou  beaulme  avec  des  longues  crestes  ou  pannaches  qui  vous  resseru- 
bloient  un  serpent,  y  ayant  de  plus  un  espy  de  bled  et  une  lettre  K 
pour  le  nom  de  Kassander,  Roy  de  Macédoine  '  ou  de  quelque  ville 
de  celles  qu'Alexandre  avoit  soubsmises  en  son  obéissance  dans  la  Grèce, 
ou  dans  les  isles,  ou  dans  l'Asie. 

J'en  avoys  bon  nombre  de  pareil  symbole,  mais  non  pas  avec  cette 
lettre  capitale  K,  de  sorte  qu'elle  ne  me  sera  pas  inutile  Dieu  aydant 
«t  en  aydera  l'intelligence  de  quelque  autre.  Je  vous  en  remercie  donc 
trez  affectueusement  et  de  toutes  les  autres,  y  ayant  quattre  monoyes- 
grandement  curieuses  d'un  vieil ^  CEINT VLLVS  COMES,  d'un  vieil 
ANRICVS  REX,  d'un  RIGARDVS  R.  AGLIE,  FRANCIE,  DNS.  AQT., 
d'un  ËDOARD  Roy  d'Angleterre  duc  de  Guienne,  battu  durant  son 
absence  de  Guienne,  lesquelles  sont  bien  d'autre  considération  que 
celle  dont  on  vous  faict  feste,  à  l'inscription  DVX  PICTAVIE,  qui 
ne  seroit  pas  mauvaise  si  elle  est  bien  précisément  ainsin,  mais 
vous  y  trouverez  A  ou  Alphonsus  COMES  PICTAVIE  et  THOLOSE, 
ou  quelque  chose  de  semblable  d'une  part,  et  de  l'autre  DVX  JNAR- 
BONE. 

Nous  attendrons  voz  deux  libvreset  voz  deux  coutteaux  anglois,  dont 
je  vous  i-emercie  à  l'advance,  et  des  soings  que  vous  prenez  eneores 

'  Cassandre,   fils   d'Antipater,  succéda,  ^  A  la  marge  on  lit  avec  un  renvoi  ces 

en  3i 9  avant  i'ère  chrétienne,  à  son  père,  mots  e'crits  d'une  autre  main  (celle  de 
et  mourut  en  998.  Guillemin)  :  Fulco  cornes  cenomamis. 


[1636]  À  D.  GUILLEMIN.  213 

de  cette  navigation  de  Garcia  de  Geppede',  que  je  n'ay  garde  d'at- 
tendre si  facilement  par  cette  voye  là.  Mais  vous  m'avez  bien  mis  l'eau 
en  bouche  des  mémoires  et  autographes  Mss.  d'Elias  Yinetus,  qui  estoit 
l'un  des  plus  doctes  hommes  du  siècle"^  dont  je  priserois  bien  un  dis- 
cours des  poids,  et  un  des  monoyes  dont  on  vous  faict  feste^,  et  quoyque 
vous  trouviez  de  luy  par  escript,  vous  ne  sçauriez  faire  de  mauvais 
acquest. 

Il  y  avoit  aussi  eu  de  par  delà  un  Balforeus  qui  estoit  grand  Grec 
et  dont  les  ouvrages  ont  esté  bien  estimez'.  Je  seroys  bien  aise  de  voir 
le  roolle  de  ce  que  vous  trouverez  là  d'imprimé  des  œuvres  tant  de 
l'un  que  de  l'autre^,  et  cependant  que  vous  m'envoyiez  s'il  vous  plaict 


'  Voir  sur  Andrès  Garcia  de  Ccspedcs, 
cosmographe  et  chroniqueur  en  chef  des 
Indes,  une  excellente  petite  notice  par 
M.  E.  Beauvois  dans  la  Grande  Encyclopédie 
(t.  X,  p.  lia).  L'ouvrage  mentionne  par  Pei- 
resc  parut  h  Madrid ,  en  1606,  sous  ce  titre  : 
Hegimiento  de  navegacton;  Hidrografia,  etc. 
M.  lirauvois  nous  apprend  que  cet  ifrudit 
laissa  en  manuscrit  ses  ouvrages  les  plus 
importants,  qui  sont  encore  précieux  pour 
l'histoire  de  la  géographie  et  que  l'on  con- 
serve à  la  Bibliothèque  royale  de  Madrid. 

'  Klie  Vinet,  né  dans  l'Angoumois  (en 
i5o(j,  disent  les  uns,  en  iSig,  disent  les 
autres),  mourut  h  Bordeaux  le  1 4  mai  1 587. 
De  l'éloge  que  lui  donne  ici  Peiresc  on  peut 
rapprocher  celui  que  lui  donne  le  président 
de  Thou  [HisU,  à  l'année  iSSy), 

'  Vinet  laissa  de  nombreux  manuscrits 
qui  malheureusement  ne  nous  ont  pas  lous 
ëte  conservés.  Voir  ce  qui  eu  est  dit  dans  la 
Chronique  bourdcloise,  continuée  par  Jean 
Darnal  (p.  97).  Nous  verrons  un  peu  plus 
loin  que  Guillerain  trouva  le  moyen  de  pro- 
curer à  Peiresc  les  discours  tant  désirés. 
Gomme  me  le  rappelle  mon  savant  ami 
M.  Beinliold  Dezeinieris,  ou  signale,  dans 


une  notice  latine  qui  est  en  tête  des  pièces 
encomiastiques  recueillies  à  la  fin  de  la  se- 
conde édition  de  ïAusone  de  Vinet  (iSgo, 
in-/(°),  et  qui  contient  un  relevé  de  ses  ou- 
vrages imprimés  ou  inédits,  le  recueil  sui- 
vant :  Priscianus,  Fannius,  Beda,  Melianm, 
de  Hummis,  ponderibus,  mensuris ,  et  vetere 
computandi  ratione,  ememlali  cl  annotationibim 
cxplicati. 

"  C'était  Robert  Balfour,  hcossais  d'ori- 
gine, naturalisé  en  avril  i6o3,  sur  lequel 
M.  Gaullieur  a  donné  beaucoup  de  ren- 
seignements, ainsi  que  sur  Vinet,  dans  sou 
Histoire  du  collège  de  Guyenne,  établissement 
oti  les  deux  érudils  professèrent  avec  éclat. 
FI.  de  Raymond  a  beaucoiq)  loué  Balfour, 
«personnage  d'une  singuhère  et  rare  érudi- 
tion 1.  Voir  mon  Essai  sur  FI.  de  Raymond, 
conseiller  au  parlement  (i?  liordeniur  (1867. 
p.  98).  J'ai  cité  eu  note  deux  pages  sur  Bal- 
four de  feu  FraMcistjue  Michel  (  Les  Ecossais 
en  France). 

*  Toutes  les  notices  sur  Vinet  contienuent 
la  lisle  plus  ou  moins  étendue  de  ses  nom- 
breuses publications.  (Voir  surtout  la  Bio- 
graphie universelle.)  Mais  les  publications 
de  Balfour  sont  heaucoiq)  moins  connues. 


21â 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1636] 


la  logique  de  ce  Baiforeus'  et  ce  qu'il  y  aura  de  plus  de  luy  en  philo- 
sophie, quand  vous  en  aurez  la  commodité,  sans  rien  laisser  eschapper 
de  ce  que  vous  pourriez  rencontrer  MS.  tant  de  l'un  que  de  l'autre, 
si  le  prix  en  est  tollerable.  Sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur  le  Prieur, 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  22  décembre  i636'. 


XC 

MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX  '. 

Monsieur  le  Prieur, 
Ce  mot  n'est  que  pour  accuser  la  réception  de  vostre  pacquet*  et 
vous  dire  que  j'ay  faicl  rendre  à  leur  adresse  les  lettres  qui  y  estoient 
jointes  tant  à  M"'  Beneton  qu'à  M''  JuUian.  Je  suis  si  pressé  dans  l'em- 
barras de  la  commission  qui  nous  a  amenez  en  ceste  ville  de  Marseille- 
avec  M''  le  Premier  Président  qu'à  peine  ai-jo  desrobé  ce  peu  de  temps 
pour  vous  faire  cez  lignes,  la  veniie  de  M'  le  Premier  Président  ayant 
calmé  toutes  choses,  c'est  à  dire  de  l'esmotion  qui  se  fit  icy  dimanche 
par  les  soldatz  revenuz  de  l'armée  navalle  à  faulte  de  payement  de 
leur  solde,  et  appuyée  par  le  menu  peuple  mal  content  de  la  mauvaise 


'  Ni  la  Logique  de  Balfour,  ni  aucun 
autre  de  ses  ouvrages  ne  sont  mentionnes 
dans  le  Manuel  du  libraire.  Sa  Logique  n'est 
autre  chose  que  le  livre  d'Aristote  commente 
(Bordeaux,  S.  Miilanges,  1616,  in-4°). Bal- 
four  publia  {ibid.,  1690)  la  Morale  du 
même  pliilosophe.  Voir  Ik-dessus  et  aussi  sur 
l'édition  que  donna  Balfour  de  la  Météoro- 
logie de  Cléoraède,  le  Martin  Despois  de 
M.  R.  Dezeimeris,  dans  les  Publications  de 


la  Société  des  bibliophiles  de  Guyenne  (p.  1  ay 
et  iZti). 

'  Bibl.  nat.,  fonds  français,  nouv.  acq., 
5171,  fol.  61 5.  Autographe.  Sommaire  de 
Guillemin  :  Sur  les  monoyes  et  autres  curiositei. 

'  Mais  avec  ces  indications  plus  précises, 
plus  complètes  :  ffà  Bordeaux ,  chez  M'Comu , 
bourgeois  à  la  parroisse  S'  Pierre.  » 

'  Guillemin  a  mis  à  la  marge  :  Du  xi'  dé- 
cembre. 


[1686]  À  D.  GUILLEMIN.  215 

monnoye  de  cuyvre  dont  il  estoit  chargé,  le  tout  estant  maintenant 
en  ternies  de  ne  rien  appréhender  à  i'ad venir  Dieu  aydant,  et  je  de- 
meure, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  serviteur  et  meilleur  aniy, 

DE  Peibesc. 

À  Marseille,  ce  3o  décembre  i63G. 

^ Posl-scriplum  de  la  main  de  Peiresc]  Excusez  la  rethorique  [sic)  de 
mon  homme.  Nous  nous  en  allons  présentement  en  l'hostel  de  ville  où  a 
esté  convocquée  une  assemblée  solennelle,  en  laquelle  présidera  M' du 
Bernel  et  remonstrera  la  nécessité  du  descry  et  diminution  du  cours 
d'une  si  mauvaise  monnoye  qui  ruinoit  tout  le  commerce.  Tout  est 
grandement  paisible  Dieu  mercy,  et  cez  peuples  se  recognoissent  et 
advouent  infniiment  obligez  aux  charitables  offices  de  M' le  Premier 
Présidant,  qui  s'est  professé  bourgeoys  de  Marseille,  et  ne  tiendra  pas 
à  eux  qu'ils  ne  luy  fassent  aciiepler  la  Floride  mise  en  vente  depuis 
peu'  dont  il  n'a  pas  de  l'aversion,  mais  il  fault  que  Madame  parle  et 
crache  au  bassin  *. 

'  La  bastide  à  laquelle  le  séjour  de  Giiil-  bassin.  —  BiLliatlièque  nationale, fonds  frau- 

laume  du  Vair  avait  donné  grande  célt;-  çais,  nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  617, 

britë.  mi-ori(jinal,  nii- autographe,  la  première 

'  La    présidente  du   Bernet    avait   une  partie  de  la  lettre  ayant  été  seulement  signée 

grande  fortune  et  c'était  à  elle  qu'il  a()par-  par  Peiresc,  la  seconde  partie  ayant  été 

tenait  de  fournir  le  prix  d'achat  de  la  Flo-  écrite   par  lui.   Sommaire  de  la   main  d 


e 


ride  et,  selon  la  vieille  et  pittoresque  locu-        Guillemin  :  Sur  l'emolion  dit  peuple  à  cause 
tion  employée  par  Peii'esc,  de  cracher  au        d'une  ino)ioye  de  enivre. 


216  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

XCI 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
L'ordinaire  dernier  m'a  apporté  vostre  despeche  '  et  les  lettres  qui 
y  estoient  joinctes  toutes  lesquelles  j'ay  faict  rendre  aussytost  à  leurs 
addresses  et  vous  envoyé  les  responses  du  s""  Pethonnier.  Au  reste  le 
voyage  de  M""  le  premier  président  du  Bernet  à  Marseille  n'a  pas  esté 
inutile  toutes  choses  y  ayant  esté  calmées  tant  il  y  porta  de  courage, 
d'éloquence  et  de  doulceur,  en  ne  flattant  pas  ceux  qui  se  dispensoient 
du  debvoir,  et  faisant  valloir  les  bons  offices  des  autres  pour  le  bien 
et  tranquillité  du  public.  Mais  la  nouvelle  d'un  nouveau  mal  entendu 
entre  Me'  le  comte  de  Harcourt  et  M^'  le  mareschal  de  Vittry  vint  trou- 
bler noslre  quiétude  d'esprit^,  de  l'appréhension  des  mauvaises  suittes 
qu'elle  pouvoit  traisner  dont  neantmoins  il  a  pieu  à  Dieu  d'arresler  le 
progrez,  mais  il  y  faudra  bien  quelque  entremise  plus  forte  que  le 
pays  n'en  peult  fournir,  pour  y  mettre  les  remèdes  capables  de  les 
empescher  de  reprendre  les  derniers  errements.  11  y  a  une  galère  de 
Malte  à  Toullon  qui  porte  en  Espagne  le  grand  prieur  de  Navarre  am- 
bassadeur du  grand  maistre  pour  avoir  le  traicté  des  bleds  de  Sicile. 
Et  je  demeure  tousjours, 


Monsieur  le  Prieur, 


vostre  plus  serviable  et  meilleur  aniy, 
DE  Peiresc. 


A  Aix,  ce  6  janvier  1687. 
Je  vous  souhaicte  la  bonne  année  ^. 


A  la  marge,  de  la  main  du  prieur  de  Papon  qui,  venu  un  des  derniers,  a  pu  pro- 

Roumoules  :  du  a6  décembre  1 636.  fiter  des  travaux  antérieurs. 

Sur  le  différend  entre  le  comte  d'Har-  '  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français , 

court  et  le  maréchal  de  Vitry,  voir  tous  les  nouvelles  acquisitions.  Siyi,  fol.  619.  Ori- 


historiens  de  Provence,  et  particulièrement        ginal. 


[1637]  À  D.  GUILLEMIN.  217 


XCII 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  n'ai  poinct  eu  de  lettre  vostre  par  ce  dernier  ordinaire  ouy  bien 
un  pacquet  soubs  une  enveloppe  vostre  où  il  y  avoit  des  lettres  de 
M''  d'Andrault  à  M' le  Premier  Présidant  à  qui  il  escript  que  Madame 
la  première  présidante  d'Aguesseau  vous  a  faict  son  compère,  dont 
elle  aura  des  petits  reproches  de  la  part  de  Mad"^  du  Bernet  au  pre- 
mier jour.  Il  y  avoit  aussy  des  lettres  de  M'  de  Mons  pour  l'un  et 
l'autre,  et  pour  M""  leBaillif  de  Fourbin  que  nous  attendions  à  ce  soir 
icy,  mais  il  n'est  pas  encor  arrivé  que  je  sçaiche  pour  passer  oultre  à 
la  Cour.  M' le  Premier  Présidant  a  ce  jourd'huy  de  relevée  faict  l'ou- 
verture au  palais  de  la  nouvelle  chambre  des  communaultez  impuis- 
santes, où  M'  le  présidant  de  Lauzon'  a  enfin  cédé  la  préséance  à 
M''  Sequiran^  bien  qu'il  eust  prétendu  le  contraire,  ayant  pour  cet 
effect  esvité  d'estre  nommé  dans  la  commission,  en  mesme  ligne  avec 
luy,  ains  par  clause  séparée  pour  ne  desroger  à  l'antériorité  de  son 
brevet  de  Conseiller  d'Estat.  J'eusse  bien  voulu  pouvoir  r'escrire  à  touts 
cez  Messieurs  de  delà,  et  surtout  à  M'  le  premier  président  d'Agues- 
seau, mais  je  n'ay  peu  de  tout  le  jour  m'excuser  du  palais.  Et  l'heure 
est  si  tarde  meshuy,  que  je  crains  que  mon  pacquet  n'arrive  trop  tard 
à  la  poste.  N'y  ayant  rien  de  nouveau,  que  les  préparatifs  des  navires 
pour  l'embarquement  de  4,0  0  0  hommes  qui  passent  en  Italie  au  se- 
cours de  M' le  Duc  de  Parme  qui  sont  desja  tout  presls.  Et  je  demeure, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

i>E  Peiresc. 

A  Aix,  ce  i3  janvier  lôSy. 

'  Su»  le  président  de  Lauzon  voir  le  recueil  Peirese-Dupuy. —  *  Le  beau-frère  de  Peiresq. 
Le  nom  écrit  ici  Sequiran  (le  q  est  bien  forme)  s'est  toujours  écrit  Seguiran. 

T.  28 


ni»iiHi*ti   KkTtaiiiE 


218  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

Mad""  de  Montesquieu'  trouve  icy  tant  de  froid,  et  d'incommoditez, 
qu'elle  se  plainct  incessamment  des  faulces  promesses  du  prieur  de 
Roumoules,  et  de  ce  qu'il  ne  donne  point  de  nouvelles  de  la  santé  de 
M'  son  frère  -. 


XGIII 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

j'ay  receu  vostre  lettre  du  i5  du  passé  et  la  relation  de  ce  qui 
s'est  passé  du  costé  de  Bearn,  que  j'ay  pris  plaisir  de  voir  aussy  bien 
que  Mons"'  et  Mad'  la  Première  Présidente,  qui  vous  en  sçavent  bon 
gré  quant  et  moy.  Nous  n'avons  icy  autres  nouvelles  dont  vous  puissiez 
estre  faict  participant  que  les  préparatifs  que  l'on  laict  en  bonne  dili- 
gence pour  l'embarquement  destrouppes  que  le  Roy  envoyé  au  secours 
du  duc  de  Parme,  que  l'on  dict  avoir  conclud  son  traicté  avec  l'Es- 
pagnol s'il  n'est  secouru  dans  peu  de  temps,  de  façon  qu'elles  n'y  seau-, 
roient  arriver  trop  à  bonne  heure.  Si  Dieu  nous  voulloit  donner  une 
bonne  paix,  ce  nous  seroit  une  grande  faveur.  Cependant  je  demeu- 
rera y. 

Monsieur  le  Pr[ieur], 

vostre  bien  humble  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peibesc. 
À  Ai X,  ce  3  febvrier  1687. 

'  Une  6Ue  du  premier  mariage  de  Mar-  Bibliolhè<jue  nationale,  fonds  français,  nou- 

guerite  de  Sevin ,  avec  un  Secondât  de  Mon-  velles  acquisitions,  5171,  fol.  621.  Auto- 

lesquieu.  graplie.    Sommaire   de   Guiliemiii  :     irOù 

*  Sur  ce  frère  de  M"'  de  Montesquieu,  il  est  parlé  de  l'armée  de  4, 000  hommes 

le  baron  J.-B.-G.  de  Secondai,  président  à  pour  Parme,  de  i'ou»erture  de  la  chambre 

mortier  au  parlement  de  Bordeaux  et  grand-  de  comniunauUez  impuissantes.  Que  M'  de 

père  de  l'auteur  de  l'Esprit  des  Lois ,  voir  le  Seguiran  a  eu  le  pas  sur   un  censeiller 

recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  Ht,  p.  G74).  —  dEsta(.i 


[1637]  À  D.  OUILLEMIN.  219 

H  y  a  quelques  jours  que  quattre  Albanois  des  isles  S'  Honnoré  se 
mirent  à  la  nage  pour  venir  chercher  du  pain  et  dirent  qu'ils  y  estoienl 
dans  des  grandes  souffrances  et  fort  diminuez  de  leur  nombre  et  pré- 
cédante vigueur'. 


XCIV 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Ce  mot  n'est  que  pour  vous  faire  participant  de  ce  peu  de  nouvelles 
que  j'ay  appris  de  l'embarquement  des  trouppes  destinées  à  Parme 
achevé  depuis  samedy  en  nombre  de  6,000  hommes  effectifs,  et 
qu'avant  hier  au  matin  Mons""  le  comte  de  Harcourt  s'embarqua  et  l'ar- 
mée de  26  navires  fit  voille  dez  hier  au  matin  avec  un  temps  favo- 
rable quoyque  un  peu  doulx.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  qu'ils 
puissent  faire  leur  passage  et  descente  bien  à  souhaict  dans  Testât  du 
duc  de  Parme  et  le  secourir  puissamment.  Mons'  nostre  Archevesque '^ 
attendoit  icy  chez  luy  Mons''  l'Archevesque  de  Bordeaux  *  et  luy  avoil 
faict  appareiller  sept  ou  huict  licts  d'extraordinaire,  mais  sa  venue  est 
différée,  ce  dict  on,  à  jeudy.  Cependant  il  est  allé  à  sa  maison  des 
champs  à  Joucques"  pour  proffiter  les  beaux  jours  qui  régnent  depuis 
toute  cette  lune.  Et  je  demeure. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  10  febvrier  1687  '. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  archevêques  d'Aix,  voir  le  recueil  Peiresc- 

nouveiles  acquisitions,  6171,  fol.  6a 3.  Ori-  Dupuy. 

ginal.  *  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

'  Louis  de  Bretel.  nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  6a5.  Ori- 

'  Henri  d'Escoubleau  de  Sourdis.  ginal. 

*  Sur   cette  maison  de  campagne   des 

98. 


220  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637J 

XCV 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 

Je  n'ay  poinct  à  ce  coup  receu  de  depesche  vostre,  ce  mot  n'estant 
(}ue  pour  accompagner  le  petit  pacquet  y  joinct  pour  Mons'  Faulchier 
et  vous  dire  que  Mad""=  NicoUe  s'est  trouvée  atteinte  depuis  7  ou  8  jours 
d'une  fiebvre  double  tierce  continue  qui  avoit  donné  un  peu  dallarnie 
à  Mans'  et  à  Madame  la  Présidente,  mais  Dieu  mercy  il  semble  qu'il  y 
aye  quelque  amandement  et  qu'on  en  sera  quitte  pour  la  peur. 

Au  reste  Mons'  le  duc  de  Parme  ayant  reffusé  le  secours  à  luy  des- 
tiné sur  le  point  mesmes  qu'il  estoit  acbevé  d'embarquer,  les  chefs  de 
l'armée  du  Roy  ont  trouvé  bon  de  l'employer  pour  ne  laisser  dissipper 
les  trouppes  qui  estoient  sur  pied  et  ont  i'aict  embarquer  /i,ooo  hommes 
effectifz  en  97  navires  qui  desmarerent  du  port  de  Tollon  vendredy 
dernier  pour  se  rendre  aux  isles  d'YcM'es  011  deux  barques  charfjées  de- 
l'attirail  des  appartenances  de  larlillerie  y  survindrent  et  partirent  en- 
semblemeut  le  sabmedy  matin  tirant  à  ce  qu'on  croit  du  costé  de  la 
Sardai{;ne  où  ilz  pourroient  bien  aultant  surprendre  le  monde  que 
nous  l'avions  esté  à  la  descente  des  isles  ou  du  Socua.  Les  1 ,000  hommes 
de  Mk'  le  Mareschal  s'estantz  embarquez  à  Cannes  pour  suyvre  l'armée 
à  la  piste,  et  laict  on  grande  dilligence  à  Tollon  pour  l'armement  de 
dix  autres  navires  qui  doibvent  suyvre  dans  huit  ou  dix  jours  avec 
quantité  de  provisions  et  raffraischissementz  et  quilz  seront  encores 
suyviz  de  quelques  autres  à  la  file  qu'ilz  pourront  se  mettre  en  bon 
estât.  Nous  attendrons  en  grande  impatience  le  succez  de  ceste  entre- 
prinse  où  M?"'  l'Archevesque  de  Bordeaux  s'est  embarqué  avec  M""  le 
comte  d'Arcour.  L'on  a  prins  deux  lanches  des  ennemys  qui  avoient 
esté  laschées  des  isles  de  S'  Honoré  pour  aller  mettre  le  feu  à  quelques 
navires  de  l'armée  navalle  toutes  remplies  de  feux  d'artifice,  mais  il 


[1&37]  À  D.  GUILLEMIN.  221 

y  avoit  encores  une  petite  frégate  aussy  chargée  de  pareilz  artifices  et 

autres  machines  oi!i  le  feu  se  prit  et  feit  périr  la  pluspart  des  hommes 

qui  estoient  dessus,  où  l'on  dict  que  sont  demeurez  prisonniers  ûo  ou 

5o  Espagnolz.  Nous  n'avons  pas  d'autres  nouvelles  présentement,  ce 

qui  me  fera  finir  la  présente,  demeurant , 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  AiXjCe  17  febvrier  1687', 


xcvr 

MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
j'ay  esté  bien  fasché  d'apprendre  par  vostre  despesche  du  5"""  veniie 
fort  bien  conditionnée  avec  tout  ce  qui  l'accompagnoit  que  vous  aviez 
tant  perdu  de  sang,  et  vous  souhaiterois  icy  pour  vous  prévaloir  du 
bénéfice  de  l'usaige  de  l'eau  de  noz  bains,  qui  m'a  si  insensiblement 
guary  de  semblables  maux^.  M''  le  Premier  Présidant  s'y  est  mis  enfin, 
aprez  avoir  lutté  quelques  moys  avec  noz  eaux  qui  n'estoient  pas  bien 
compatibles  à  son  estomac.  Mad'*^  de  Montesquieu  est  hors  de  fiebvre 
long  temps  y  a,  mais  le  grand  desvoyement  qu'elle  avoit,  l'a  laissée  si 
débile  qu'elle  a  faict  son  caresme  prenant  '  dans  le  lict.  11  fault  louer 
Dieu  quand  on  peult  sortir  de  maladie,  et  se  conserver  surtout  dans  le 
contentement  de  nostre  présente  condition''.  C'est  ce  qui  m'a  deffendu 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  .  '  Son  mardi  gras,  son  carnaval. 

nouvelles  acquisitions,  6171,  fol.  697.  Ori-  *  Toujours  peu  demauder,  c'est  le  secret 

ginal.  de  la  sagesse.  Pascal  n'a-l-il  pas  dit  eque  le 

'  Encore  une  bonne  note  pour  les  salu-  malheur  des  hommes   vient   d'une  seule 

taires- eaux  thermales  d'Aix  en  Provence!  chose,  qui  est  de  ne  savoir  pas  demeurer  en 

On  sait  que  Peiresc  souffrait  souvent  des  pepos»? 
hiSmorroïdes. 


222  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

de  ce  chagrin  qui  altère  tant  d'autres  et  qui  me  faict  donner  et  trouver 
le  vin  bon  malgré  l'envie. 

Madame  la  Première  Présidante  estoit  en  peine  de  ne  voir  de  voz 
lettres,  vous  ayant  escript  ce  dict  elle  et  faict  la  guerre  à  bon  essiant, 
et  ne  croyant  pas  que  vous  luy  ayiez  voidu  laisser  l'advantage  tout  en- 
tier de  vous  avoir  donné  barres.  Elle  alla  visiter  hier  M^'le  Mareschal  ' 
une  heure  aprez  son  arrivée,  et  fut  receue  avec  tant  d'honneur  qu'il 
ne  s'en  pouvoit  pas  davantage.  Aujourd'huy  il  est  venu  rendre  la  visite 
premièrement  à  M"'  le  Premier  Présidant,  durant  une  grande  demye 
heure,  et  puis  à  elle  durant  une  bone  heure.  Il  y  avoit  pourtant  un 
peu  de  mal  entendu  entre  luy  et  nostre  compagnie  qui  n'est  pas  en- 
cores  bien  r'adjusté,  à  quoy  l'on  ti-availle  fort  et  ferme  pour  establir 
quelque  bonne  correspondance  et  pleine  confiance  entre  cez  Mess"  si 
faire  se  peult. 

Cependant  nous  sommes  en  grande  appréhension  de  nostre  armée 
navale  qui  a  esté  dict  on  2  ou  3  jours  à  la  coste  de  S.  Reme^  et  puis 
prins  la  routte  de  la  Sardaigne,  mais  il  a  depuis  régné  des  ventz  syrocs' 
qui  nous  ont  bien  apporté  de  la  nege  de  Corseque*  dont  on  fut  bien 
embarrassé  hier  allant  au  devant  de  Me""  le  Mareschal,  ce  qui  n'a  pas 
facilité  la  descente  et  logement  qu'il  y  avoit  à  faire  en  terre.  Dieu  con- 
duise le  tout  plus  à  souhaict  que  les  apparances  ne  le  peuvent  promettre  ! 

Au  reste  j'ay  receu  voz  monnoyes  antiques  et  une  vieille  placque 
venue  de  la  part  du  bon  P.  du  Val  qui  seroit  bien  quelque  chose  de 
bon,  si  ce  qui  semble  y  avoir  esté  escript  d'un  costé  estoit  bien  lisible. 
Je  feray  voir  l'inscription  de  Medoc  aux  curieux  et  principalement  aux 
Angloys  et  Basques  pour  voir  si  l'on  y  pourroit  mordre. 

Cet  assortiment  de  livres  de  M'  Vinet  et  de  M'  Balfour  est  bien 
gentil,  et  le  discours  des  poids  et  mesures  de  M'  de  Cleyrac*  a  bien 

'  Vitry,  gouverneur  de  la  Provence.  *  Corseque ,  Corse. 

San  Remo,  sur  ie  golfe  de  Gènes.  '  Les  ouvrages  de  cet  érudit  bordelais, 

Nous  avons  vu,  dans  le  tome  III  du  contemporain  de  Peiresc,  ne  sont  pas  cites 

recueil  Peiresc-Dupuy,  p.  826 ,  le  mot  syroc  dans  le  Manuel  du  Libraire.  On  en  trouvera 

employé  poui-  ie  mot  siroco.  la  liste  dans  le  volume  de  la  Statistique  du 


[1637]  À  D.  GUILLEMIN.  223 

bonne  apparence  de  mériter  l'estime  que  vous  en  faictes,  mais  je  ne 

l'ay  encores  peu  lisre  à  mon  grand  regret,  tout  le  temps  que  je  pensois 

avoir  à  ce  caresme  prenant  m'ayant  esté  desrobé  en  cez  divertissements 

importuns  des  contentions  susdictes  sans  les  avoir  encores  bien  peu 

terminer.  Et  n'ay  pas  mesmes  peu  lisre  cez  autres  papiers  joincts  à 

vostre  despesche.  Si  vous  voyez  le  P.  du  Val,  faictes  luy  mes  excuses  et 

sur  ce,  priant  Dieu  pour  vostre  santé,  je  finis  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  et  meilleui-  amy, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  a4  febvrier  1687  '. 


XGVII 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  1 9"  du  passé  fort  bien  conditionnée, 
avec  les  papiers  d'Elias  Vinetus  et  autres,  et  les  troys  monoycs  que  j'ay 
trouvées  bien  gentiles  et  vous  en  suis  bien  obligé.  Il  s'est  rencontré  que 
M''  le  Premier  Président  et  Madame  la  Première  Présidente  n'avoient 
eu  aulcunes  nouvelles  de  Bordeaux  par  le  mesme  ordinaire  et  qu'ils 
estoient  en  grande  peine  de  M""  de  Montesquieu,  de  sorte  que  ce  que 
vous  m'en  aviez  escript  vint  bien  à  propos;  je  leur  en  dicts  une 
partie  de  vive  voix  et  fallut  que  je  leur  envoyasse  aprez  l'original  de 
vostre  lettre  que  je  n'avoys  pas  lors  que  j'eus  le  bien  de  les  voir. 
Madame  fut  un  peu  mortifiée  d'apprendre  que  cez  Messieurs  les  filz  de 
nostre  [doyen]  luy  deussent  gaigner  le  devant  quoyque  leurs  lettres 

déparlement  de  la  Gifwide  consacré  à' la  bio-  '  Bihliotliècjue  nalioiiale,  fonds  français, 

graphie  et  à  la  bibliographie  des  écrivains        nouvelles  acquisitions,  5171,  fol.  Gag.  Auto-, 
de  la  région.  graphe. 


224  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

fussent  présentées  aprez  les  siennes  ^  M"'  le  Premier  Président  luy 
dict  que  c'esfoit  chose  inesvitable  et  je  m'ayday  à  la  consoler  en  luy 
disant  qu'il  n'avoit  pas  à  vieillir  dans  cette  charge  et  qu'aprez  quelque 
temps  d'exercice  il  fauldroit  qu'il  vint  prendre  icy  la  succession  de 
celle  de  M'  le  Premier  Présidant.  J'ay  eu  un  peu  de  mortification 
aussy  qu'ils  ayent  veu  ou  peu  voir  dans  vostre  lettre  ce  que  je  n'avois 
pas  encores  eu  loisir  de  voir  concernant  vostre  traicté  avec  ce  Trichet 
qui  nous  a  rançonnez  si  impiteusemenl-,  sans  vouloir  dire  d'où  venoit 
l'autographe  dudict  Vinet,  mais  puisque  cela  est  faict  je  seray  bien 
marry  qu'il  fust  à  faire  et  vous  en  suis  tousjours  bien  redebvable. 

Je  suis  infiniment  aise  que  vous  ayez  esté  si  heureux  à  l'accomode- 
ment  de  MM"  les  grands  vicaires,  et  veux  croire  qu'enfin  vous  vien- 
drez à  bout  de  ces  Mess"  de  Gourgues;  ne  regrettant  que  la  peine  et  ie 
travail  d'esprit  que  vous  donne  leur  humeur  glissante^. 

J'attends  icy  à  ce  soir  ma  nièce  de  Rians\  et  de  crainte  qu'elle  ne 
me  surprenne  je  finis  demeurant, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  10  mare  1687. 

[Posl-scriptum,  d'une  autre  main.]  Vous  apprendrez  par  ce  peu  de 
lignes  la  descente  de  noslre  petite  armée  navalle  à  Orislan  en  Sar- 
daigne  où  ilz  trouvèrent  le  bourg  abbandonné,  ce  dict  on,  et  y  pillèrent 
assez  paisiblement  ce  qui  y  estoit  demeuré  en  proye,  voire  s'escar- 
terent  ez  environs  en  quelques  villages  où  ilz  mirent  le  feu,  mais  la 
milice  du  pais  s'estant  rassemblée  ilz  se  retirèrent  avec  quelque  butin, 

Voir  sur  cette  affaire ,  dans  ie  recueil  '  L humeur  glissante  est  un  mot  heureux. 

Peiresc-Dupuy,  la  lettre  du  9  mai  1687  Cela  fait  image, 
(t.  III,  p.  678-676).  *  La  femme  de  Claude  de   Fabri  dëjà 

Savait-on    que   le   Bordelais   Trichet  souvent   mentionnée  en    cette   conespon- 

(plus  haut  nommé)  avait  si  fort  abusé  de  la  dance. 
confiance  de  Peiresc  ? 


[1637] 


X  D.  GUILLEMIN. 


^35 


et  firent  partir  l'un  de  leurs  navires  à  l'advance  pour  en  porter  la  nou- 
velle par  un  courrier  despesché  exprez  de  la  part  de  M'  le  comte  de 
Harcourt  et  de  M''  de  Bordeaux  et  M' le  convte  de  Vaillac  ^  qui  y  estoit 
a  prins  en  mesme  temps  la  poste  pour  la  Cour,  ne  nous  laissant  icy 
que  des  bruictz  peu  certains  de  tout  le  destail  dont  la  principale  ren- 
contre fut  que  d'un  coup  de  canon  tiré  de  noz  navires  fut  heureusement 
tué  le  seul  canonnier  qui  estoil  en  ce  lieu  là  de  sorte  que  personne 
ne  pouvant  faire  l'odice  ilz  s'enfuirent  tous.  Et  disoit  on  que  lors  de 
l'arrivée  du  navire  à  Tollon  il  avoit  veu  paroistre  nostre  armée  derrière 
luy  quoyque  bien  loing  dans  la  mer  et  qu'elle  pourroit  avoir  prins  la 
routte  du  goulf  Jean^  prez  des  isles  de  Lerins,  mais  il  n'est  venu  aul- 
cunes  nouvelles  qu'elle  y  soit  et  il  a  régné  des  ventz  du  Nord  si  impé- 
tueux qui  les  pourroîent  bien  avoir  faict  courir  plus  loing  en  arrière. 
Cependant  le  chevalier  de  Guron'  est  passé  et  repassé,  ce  dict  on, 
pour  donner  les  commandementz  nouveaux  de  donner  aux  isles  à 
M' le  comte  d'Arcour.  Et  M""  le  comte  de  Carces*  est  aujourd'huy  party 
d'icy  pour  aller  conférer  avec  M?''  le  mareschal  de  Vitry  à  la  Tour 
d'Aiguez^  et  s'il  ne  pourra  point  estre  de  la  partie,  ce  qui  nous  tiendra 
bien  en  impatience  tant  que  nous  puissions  voir  à  quoy  pourra  abbou- 
tir  le  tout^. 


'  Jean -Paul  Gourdon  de  Genouiiiac, 
comte  de  Vaillac. 

'  Le  golfe  Juan  (Alpes-Maritimes). 

'  Jean  de  Rechignevoisin ,  si  souvent 
mentionné  dans  les  Lettres  et  papiers  d'Etat 
du  cardinal  de  Richelieu. 

'  Sur  ce  personnage ,  voir  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy,  t.  III,  p.  iag  et  suiv. 

'  La  Tour  d'Aiguës  (Vaucluse). 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  oi-i,  fol.  671.  La 
lettre  est  autographe ,  mais  non  \(^  post-scrip- 
lum.  —  A  la  suite  de  la  lettre  du  10  mars 
1637,  le  ms.  5171  (fol.  678)  contient  une 
lettre  adressée  le  3i  mars  1687  au  prieur 
de  Roumoules.  Bien  qu'elle  ail  été  écrite  et 


signée  par  Perrot,  elle  doit  être  comprise 
dans  la  correspondance  de  Peiresc,  dont 
elle  porte  d'ailleurs  le  cachet.  Nous  la  pu- 
blions d'autant  plus  volontiers  qu'elle  four- 
nit des  renseignements  précieux  sur  la  re- 
prise de  l'île  Sainte-Marguerite. 

(fMonsieur, 
(fCe  mot  ne  sera  que  pour  me  donner 
l'honneur  de  vous  faire  part  de  la  bonne 
nouvelle  de  la  descente  en  l'isle  de  Sainte 
Marguerite  par  nostre  armée  navalle  faicte 
assez  heureusement,  le  samedy  a 8',  sur  les 
quatre  heures  du  soir,  avec  la  prinsr  non 
seulement  du  premier  fortin  de  la  pointe  du 
levant  et  des  trois  redouttes,  avec  les  re- 


39 


tMPKiMimit    TfiTiosjiir. 


226 


LETTRES  DE   PEIRESC 


[1637] 


XCVIII 
MÊMp  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
J'ay  receu  vostre  despesche  du  1 2  du  passé  avec  les  lettres  qui  y 
estoient  jointes  tant  de  Madame  la  première  présidente  du  Bernet  à 
qui  je  la  fis  porter  incontinant  que  de  M"'  de  Riez^  dont  M""  Gassend 
s'est  chargé  qui  partit  avant  hier  pour  ce  cartier  là.  Jepensois  avoir  à  ce 
coup  cy  assez  de  loysir  pour  vous  respondre  plus  amplement.  Tant  s'en 


tranchements  d'alentour,  mais  du  fort  de 
Monterey,  de  quatre  bastions  revestus  de 
pierre  de  taille  conslrnict  aux  propres  des- 
pens  d'un  cavallier  neapolitain. 

tfLa  bannière  de  France  a  esté  arborée 
en  mesme  temps  sur  tous  ces  fortz  et  re- 
doubles, et  tous  leurs  canons  braquez 
contre  l'ennemy,  qni  est  si  foiblc  que ,  si  le 
secours  ne  nous  surprend  trop  tost,  nous 
les  aurons  bientost  enlevez  trez  touz ,  Dieu 
aydant.  M'  ie  comte  d'Harcourt  ne  tarda 
guières  de  mettre  pied  à  terre  et  de  donner 
les  ordres.  M'  l'Archevesque  de  Bordeaux 
l'y  suyvit  de  bien  prez,  et  y  fut  enfin  blesse 
à  une  cuisse,  mais  c'est  un  coup  favorable. 
Le  premier  des  cappitaines  ennemys, 
nommé  dom  Juan  de  Fente,  y  mouinit  à  la 
première  attainte,  avec  tout  plein  des  leurs, 
et  y  en  demeura  aussy  bien  des  nostres  en 
la  seconde ,  entr'autres  les  deux  Fraissinetz 
et  Mirane,  cappitaines  de  Vaillac,  Lyons, 
premier  cappitaine  du  régiment  de  Victry, 
M' de  Roiimoules,  vieillard  tout  chenu,  avec 
son  gendre ,  et  le  jeune  frère  de  M'  de  Sc- 
guiran,  premier  président  en  la  Cour  des 
comptes ,  qui  est  généralement  regretté  de 
tout  le  monde.  Des  blessez ,  il  y  a  le  comte 


de  Vaillac,  au  bras  et  depuis  à  la  hanche, 
mais  sans  danger,  Busca,  le  baron  de  For- 
calqueiret  et  quebpies  autres.  Nous  en  at- 
tendons le  menu  par  le  premier. 

T  Monseigneur  le  Mareschal  est  inconti- 
nant party  pour  aller  donner  les  ordres  des 
lieux  plus  prochains.  Le»  trouppes,  muni- 
tions et  fourrages  y  abbordent  de  toutes 
partz. 

ffEt  je  finis,  demeurant, 
irMonsieur, 

iTVOstre  très  humble  et  très 
irobéissant  serviteur. 
tPerbot. 
«À  Ail,  ce  3i  mars  1637. 

«Vous  pourriez  bien  Toir  de  par  delà 
une  relation  fort  exacte  de  tout  ce  qui  s'est 
passé,  au  moins  de  ce  qui  peult  estre  venu 
à  congnoissanceet  dont  vous  reeongnoistriez 
bien,  je  m'asseure,  le  stile. 

«•Je  viens  de  recevoir  tout  présentement 
du  cosié  de  Six  Fours  le  gi-and  seau  de 
plomb  de  Saint  Emilian,  en  quoy  vous 
m'avez  bien  obligé,  ayant  prins  un  grand 
plaisir  .à  le  voir.  1 

'  Louis  Doni  d'Attichy,  déjà  nommé. 


[1637]  X  D.  GUILLEMIN.  227 

fault  que  je  me  trouve  plus  surchargé  que  de  coustume.  Seuiement 
vous  diray  je  en  gros  que  nous  tenons  la  moictié  de  l'isle  S'°  Marguerite 
ensemble  les  deux  fortz  y  contenuz  tant  de  Monterey  que  de  l'Iere  et 
les  redoubles  et  retranchementz  de  S' Mai-lin,  de  S'  Florens  et  autres 
qui  avoient  esté  faictz  pour  incommoder  la  descente.  Il  reste  encore 
ledict  fort  de  Ragon  '  et  la  Tour  de  Batignier  afin  d'oster  l'eau  et  la 
communication  de  S^  Honoré  à  ceux  du  fort  de  S'"'  Marguerite  où  com- 
mande un  gentilhomme  sarde,  nommé  Dom  Stephano  de  Dordogna^ 
grandement  rogue  et  impérieux,  qui  a  eu  de  grandes  piques  avec  celluy 
qui  commande  dans  ledict  fort  de  Ragon,  dont  la  division  pourroit 
bien  servir  à  nos  affaires. 

Le  mauvois  temps  n'avoit  pas  laissé  bien  libre  la  descente  de  nostre 
canon  à  terre  qui  pourra  estre  descendu  à  ce  jourd'huy,  je  m'asseure. 
M""  le  General  des  galleres  y  est  accouru  avec  3  galleres  attendant  que 
7  autres  le  puissent  suyvre,  et  y  porte  afl'orce  munitions  de  guerre  qui 
manquoient  à  nostre  armée  et  pourra  en  temps  calme  remorquer  les 
navires  pour  l'attaque  du  fort  de  Ragon  et  Batignier  dont  la  prise 
ostera  l'eau  au  fort  de  S"'  Marguerite.  Je  pensois  vous  envoyer  une  re- 
lation fort  exacte  de  tout  ce  qui  s'y  est  passé,  mais  ce  ne  pourra  estre 
que  par  le  prochain  ordinaire,  demeurant. 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  Irez  aiïeclionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  7  avril  1687. 

\^Post-scnj)tum  de  la  main  de  Peiresc.J  J'ay  dict  à  Madame  que  l'on  se 
plaignoit  de  n'avoir  pas  de  responce  des  lettres  passées  par  ses  mains 
pour  M'  le  Premier  Président.  Elle  m'a  dict  vous  avoir  cy  devant 
escript,  et  qu'elle  soigneroit  les  responses  dont  est  question.  La  petite 
raonoye  venue  en  dernier  lieu  est  de  Pavie  prez  de  Milan  soubz  l'empe- 
reur Otton  III.  Il  s'en  trouve  bon  nombre,  mais  je  ne  vous  suis  pas 
moings  redevable  de  tant  de  soings,  bien  mortifié  de  n'avoir  encores 

'  Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (  t.  III ,  passim  ).  —  '  Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (  ibid. , 
p.  669). 


228  LETTRES  DE  PEIRËSC  [1637] 

peu  lire  les  discours  de  Vinel  et  de  M'  de  Clerac  pour  luy  respondre. 
Voz  adviz  de  Bayonne  nous  font  grand  plaisir. 

Si  vous  me  redimez  de  la  vexation  de  rien  poursuivre  à  Rome  pour 
Fronsac,  ce  me  sera  une  grande  descharge,  car  je  ne  sçay  de  combien 
je  me  racbetteroys  envers  ce  monde  là  quand  il  fault  mandier  des 
choses  qu'ils  me  debvroient  offrir  eux  mesmes. 

Madame  attend  impatiamnient  la  réception  de  M'  Montesquieu. 
Escrivez  en  en  son  temps,  je  vous  prie,  et  à  elle  mesmes'. 


XGIX 
MÊME  ADRESSE. 

BORDEAUX. 

Monsieur  le  Prieur, 
Je  n'ay  point  receu  de  voz  lettres  par  cet  ordinaire  et  me  suis  trouvé 
si  pressé  que  mes  gentz  n'ont  pas  eu  loisir  de  vous  faire  une  coppie 
des  articles  de  la  trefve  et  capitulation  du  fort  Real  de  S**"  Marguerite 
signez  dez  le  6  de  ce  mois  dont  l'exécution  pourtant  fut  différée  à  ce 
jourd'huy  à  cinq  heures  du  soir  d'où  le  gouverneur  des  deux  isles  qui 
s'y  estoit  trouvé  enfermé  en  doibt  sortir  avec  8oo  hommes  de  la  gar- 
nison qu'il  y  avoit  encores  sur  les  armes.  Ceux  de  S'  Honorât  où  il  n'y 
a  qu'un  sergent  pour  commander  ont  rendu  le  s"^  de  Roumoules  qu'ils 
avoient  faict  prisonnier  à  la  descente  soubz  la  parole  de  leur  rendre 
en  échange  Gio.-Batt.  Pissuto,  cappitaine  calabrois,  quand  il  sera  guery 
de  8o  blesseures  qu'il  a  sur  sa  personne  d'entrée  ou  d'issue.  Ils  y  ont 
encores  6oo  hommes  elfectifz  au  dire  mesmes  du  s'  de  Roumoules, 
mais  l'on  se  promet  qu'ilz  n'attendront  que  nostre  descente  dans  l'isle 
pour  leur  descharge  et  qu'ilz  traitteront  comme  les  autres  manquantz 
de  vivres  et  de  munitions  et  ne  pouvantz  pas  durer  contre  noz  forces 
ne  espérer  de  secours  assez  puissant  ne  assez  prorapt. 

Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nouvelles  acquisitions,  Ô171,  fol.  675.  Original. 


[1G37]  À  D.  GUILLEMIN.  229 

M'  le  duc  (l'HaHuin  '  arriva  hier  icy  avec  quelque  noblesse  de  sou 
gouvernement^  et  en  est  party  ce  jourdhuy  pour  s'en  aller  aux  isles  se 
promettant  d'y  arriver  à  temps  pour  ceste  descente  et  pour  bien  agir 
soubz  M' le  comte  d'Harconrt  s'ilz  ne  se  rendent  bienlost.  Vous  aurez 
(ics  lettres  cy  joinctes  de  Madame  la  Première  Présidente  que  je  vous 
recommande.  Elle  est  maintenant  sur  pied  et  M'  le  Premier  Président 
commance  de  se  lever,  n'ayant  plus  de  fiebvre  Dieu  mercy.  Et  je  dé- 
nie ureray, 

Monsieur  le  Prieur, 

vostre  trez  humble  serviteur  et  plus  all'ectionné, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  XII  inay  1687  '. 


'  Charles  de  Schoiiiberg- ,  duc  d'Halluiii , 
pair  et  maréchal  de  France,  t'tait  né,  le 
16  ffîvrier  1601  ;  il  raourul  le  6  juin  160G. 
Ce  personnage  est  souvent  mentionnt!  dans 
le  recueil  Peiresc-Dupuy. 

'  liC  gouvernement  de  Languedoc .  dans 


lequel   Charles  avait  succédé  à  son  |>ère, 
Henri,  comte  de  Nanteuil. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 
nouvelles  acquisitions,  0171,  fol.  677.  Ori- 
ginal. 


APPENDICE. 


MEMOIRE  À  M'  LE  PRIEUR  DE  ROMOLLES 


ESTANT  À  ANGIERS^ 


I.  De  rechercher  tous  les  tombeaux  qui  s'y  trouveront  de  nos  comtes  ou 
comtesses  de  Provence,  ducs  d'Anjou,  et  d'en  faire  une  petite  description  par 
escrit  ie  mieux  qu'il  pourra  avec  les  inscriptions  vieilles. 

II.  De  faire  faire  en  coulem*  ou  en  crayon  sur  du  papier  de  mesme  gran- 
deur que  ceste  feuille,  les  figures  desdictz  comtes  ou  comtesses,  excepté  le  Roy 
René,  qui  nous  est  commun.  Et  que  les  figures  soient  toutes  de  leur  long, 
avec  la  vraye  façon  de  leurs  habillements,  ainsin  qu'on  les  trouvera. 

III.  De  tascher  de  m'apporter  principallement  les  portraits  en  crayon  : 
De  Louys  premier,  duc  d'Anjou,  Roy  de  Sicile  et  comte  de  Provence; 
De  Marie  de  Bretaigne ,  sa  femme  ; 

De  Louys  second,  son  fdz; 

De  Yoland  d'Aragon ,  femme  dudict  Louys  second  ; 

De  Louys  troisiesme ,  frère  dudict  Louys  II  et  duc  d'Anjou  aussy  ; 

De  Isabeau  de  Lorraine ,  première  femme  du  Roy  René. 

IV.  Si  tous  cez  princes  et  princesses  ne  se  trouvent  à  Angers,  de  s'enquérir 
s'ils  ne  pourroicnt  pas  estre  en  quelque  monastère  voisin,  ou  en  tombeau,  ou 
en  peincture ,  sur  quelque  autel. 

V.  De  marquer  bien  les  lieux  où  il  en  trouvera. 

VI.  Tascher  de  se  faire  faire  un  roole  des  plus  illustres  familles  nobles  de 
l'Anjou  et  du  Maine,  comme  aussy  de  la  Bretaigne. 

'  Ce  mémoifo  ol  tes  mémoires  suivants  no  lie  de  ces  curieuses  inslrnctions  a  été  publiée 

•oui  pas  complètements  inédits,  comme  M.  Léo-  d'après  uu  autre  manuscrit  [celui  de  la  Méjanes  ) 

pold  Delisie  l'a  rappelé  en  ces  terme»  dans  le  dans  les  Cot-respondanls  de  Peiresc.  X.  Guillaume 

Catalogue  des  manuscrils  des  fonds  Lil>ri  et  Bar-  d'Abbatia,  i885,  in-8°,  p.  39-88.- 
roi»  (Paris,  t888,  p.  i5i,nole  1):  s  Une  p»r- 


232  APPENDICE.  [t609j 

VII.  De  s'informer  en  cez  quartiers  là  de  la  famille  des  Marquis  de  Monfer- 
ran  de  Bretaigne,  sçavoir  en  quelle  estime  elle  est  tenue,  s'il  y  en  a  diverses 
branches,  quelles  armoiries  elle  porte,  et  quelles  couleurs.  El  d'oii  elle  tire 
son  origine,  s'il  s'en  peult  rien  apprendre,:  si  c'est  d'Angleterre  ou  d'ailleurs  et 
s'il  y  en  a  eu  aulcun  bastard  de  la  maison  qui  aye  esté  célèbre. 

À  S.UNT  AUBIN. 

I.  Employer  toute  la  faveur  qu'il  pourra  avoir  à  Angers  envers  les  religieux 
de  l'Abbayie  S'  Aubin,  pour  se  faire  monstrer  les  chartres  originelles  des 
privilèges  concédez  par  le  Roy  Charles  magne. 

II.  Remarquer  les  seaulx  de  cire  qui  seront  affichez  sur  le  parchemin  des- 
dictez Chartres,  et  tascher  de  recognoistre  les  lettres  escrittes  à  l'entour  dudirt 
seau,  et  voir  si  l'image  est  barbue  ou  sans  barbe,  et  si  la  couronne  est  fleu- 
ronnée  ou  non. 

III.  Prendre  garde  bien  exactement,  si  parmy  la  cire  desdictz  seaux  il  y  pa- 
roist  aulcun  cheveul  de  teste  ou  de  barbe,  comme  escrit  Jan  de  Bourdigné  en 
ses  annales  d'Anjou,  chappiltre  IX.  Et  voir  s'il  se  peult,  s'il  est  faicte  aulcune 
mention  dans  la  teneur  dudict  privilège,  qu'il  eust  esté  mis  des  poils  de  barbe 
dans  ladicte  cire  ou  non.  Et  avoir,  s'il  se  peult  commodément,  un  exlraict 
dudict  privilège  tout  au  long. 

IV.  Tascher  d'obtenir  du  garde  des  Chartres  qu'il  luy  permette  de  tirer 
une  empreincte  dudict  seau,  comme  j'en  ay  eu  de  S'  Benoict  sur  Loire,  de 
S"  Croix  et  S'  Evertre  d'Orléans,  de  S'  Denis  en  France,  et  de  toutes  les 
vieilles  abbayes  où  j'ay  esté  pour  bien  justifier  les  portraicts  de  cez  princes  que 
je  faicts  maintenant  imprimer  en  taille  doulce. 

V.  Voir  s'il  y  auroit  d'autres  vieux  privilèges  d'aultres  princes  de  la  mesme 
race  de  Charles  magne  et  s'il  y  auroit  moyen  d'en  avoir  des  empreintes  aussy 
sans  s'arrester  aux  chartres  des  Roys  de  la  dernière  race  d'Hugues  Cappet,  car 
nous  les  avons  tous,  depuis  Robert  en  ça,  et  ne  nous  manque  que  ledict 
Hugues  Capet  tout  seul. 

VI.  Marquer  les  noms  dudict  garde  des  Chartres,  ou  du  supérieur  de  ladicte 
Abbaye,  afin  que  s'ils  me  favorisent  en  ceste  occasion  que  j'aye  moyen  de  leur 
en  rendre  l'honneur  qui  leur  en  sera  deub  et  de  m'en  revencher  en  quelque 
aultre  chose,  si  je  puis,  en  leur  endroict. 

VII.  S'il  va  voir  quelque  aultre  vieille  abbaye  en  Bretagne  ou  le  long  de 


[1609]  APPENDICE.  233 

son  voyage,  de  faire  la  mesine  recherche  des  vieilles  Chartres  et  des  vieux 
seaulx  et  en  apporter  des  empreintes  quand  il  pourra. 

VIII.  Se  souvenir  que  lesdictes  empreintes  se  font  en  jettant  du  soulfre 
fondu  sur  de  l'argille  huiilée,  qu'on  aye  pressé  sur  le  seau  dont  est  question. 

ET  PARTOUT. 

Rechercher  soigneusement  les  orphevres  et  voir  d'en  ramasser  des  vieilles 
monoyes,  telles  que  je  luy  fis  voir  en  mon  estude  à  peu  prez,  ayants  des  grosses 
lettres  carrées,  des  chiffres,  des  testes  quelquefois,  etc. 

Et  principallement  des  petites  médailles  d'or,  fort  desliées,  et  des  plus  goffes. 

Des  petites  médailles  aussy  qui  semblent  Romaines,  qui  sont  chargées  de 
sangliers,  chevaulx,  chevalliers,  et  autres  telles  choses,  et  des  plus  goffes,  et 
en  tous  meltaux. 

Des  graveures,  s'il  en  rencontre  quelqu'une  qui  aye  des  lettres. 

Et  marquer  ce  qu'il  despendra  pour  moy,  afin  que  je  l'en  rembource,  et 
que  je  sçaiche  leur  prix. 

Et  s'asseurer  que  je  luy  tesmoigneray  en  toute  occasion  que  je  suis  son 
meilleur  amy  et  plus  affectionné  à  jamais, 

Peiress. 

A  Aix  en  Provence,  ce  i  juin  1609  '. 

X  BORDEAUX^. 

Aller  droict  chez  le  s'  Rrunet  procureur  en  Guienne  rue  du  parlement, 
pour  apprendre  le  logis  du  s'  Brianson ,  et  aussy  tost  l'envoyer  quérir.  Et  en- 
voyer un  homme  à  Cuistres  pour  faire  venir  à  Bordeaux  le  R.  P.  du  Val  s'il  ne 
se  trouve  lors  à  Bordeaux. 

Puis  il  faull  voir  M'  de  Monts,  pour  voir  s'il  auroit  agréable  de  mener  et 
présenter  à  M' le  Premier  Présidant  le  s"^  prieur  de  Roumoules. 

Et  aprez  chez  M^'  le  cardinal  de  Sourdys,  si  mieux  il  n'ayme  commancer 
par  luy  ^. 

'    Bibliolhèque    nationale,    fonds    français,  deaux  ne  fijjure  pas  dans  ¥  Appendice  du  fasci- 

nouvelies  acquisitions,    5171,   fol.  708.  Auto-  cu\e  \  des  Coi-retpondant»  de  l'eire$c. 
graphe.  ''  Ces  instructions   sont  donc  antérieures  an 

'  La  partie  des  tntlriictimis  relative  à   Bor-  8  février  1628,  date  de  la  mort  du  cardinal. 

V.  3o 


mpmivcnic    i4TlniiAi.c. 


234  APPENDICE.  [1609] 

H  fauldra  puis  voir  les  autres  plus  à  loisir  et  aprez  avoir  veu  le  P.  du  Val 
et  luy  avoir  faict  voir  toutes  les  instructions  en  attendant  que  par  la  poste  je 
puisse  envoyer  des  lettres  pour  tous  cez  mess"  de  nosire  cognoissance,  mesmes 
pour  les  rapporteurs  de  mes  affaires  de  Vaires,  Fronsac,  Libourne  et  autres. 

Cependant  on  pourra  voir  M' le  thresorier  Pichon  et  luy  rendre  ma  lettre, 
et  salluer  Madame  sa  femme  de  ma  part  comme  aussy  M'  de  Belle  Isle,  à  qui 
il  fauldra  pareillement  rendre  la  sienne,  et  faire  aussy  toute  sorte  de  compli- 
ments à  l'endroict  de  Madame  sa  femme. 

Mes  lettres  seront  adressées  par  Paris  chez  M'  de  Monts  et  possible  arrive- 
ront-elles à  Bordeaux  aussy tost  que  ledicl  s'  Prieur  de  Roumoules,  ou  bientost 
aprea.  En  un  besoing  si  on  va  faire  un  tour  à  Guistres  mes  lettres  y  survien- 
dront possible  assez  tost  à  leur  retour  à  Bordeaux. 

Cependant  on  pourra  voir  le  supérieur  des  Reformez  de  S"  Croix  de  Bor- 
deaux pour  sçavoir  s'il  vouldra  recevoir  frère  Joseph  Granier,  en  luy  payant  sa 
pension  sauf  de  le  nous  rendre  à  nostre  abbayie  de  Guistres,  quand  il  y  voul- 
dra venir.  Et  s'il  luy  pourroit  donner  moyen  de  continuer  ses  estudes  avec  les 
autres  religieux  qui  estudieront.  Si  cela  manque,  on  pourroit  renouer  avec 
le  s'  gênerai  Gaufreteau  le  traictë  de  mettre  à  Guistres  le  noviciat  de  leur 
congrégation  soubs  la  direction  du  bon  P.  du  Val  avec  quelque  forme  d'eslude. 

Et  en  ce  cas  on  luy  pourra  donner  de  ma  part  toutes  les  asseurances  de  luy 
faire  defferer  en  mon  abbayie  tout  ce  qui  se  pourra. 

Un  jour  de  loisir  de  M' le  Premier  Présidant',  il  luy  fauldra  porter  les  trois 
cahiers  de  mémoires,  tant  des  règlements  du  mont  de  Piétà  de  Padoùe,  que 
de  ceux  qu'on  avoit  proposé  de  faire  en  ce  Royaulmc,  ensemble  les  reglementz 
de  la  congrégation  de  la  Miséricorde  de  la  ville  d'Aix  qu'il  avoit  autresfoys 
tesmoigné  au  s'  de  Peiresc  désirer  de  voir.  Mais  cela  s'estoit  esgaré  parmy 
d'autres  papiers,  et  y  a  eu  grande  peine  et  grand  heur  de  les  retrouver.  Quand 
mes  lettres  seront  arrivées  on  pourra  voir  touts  cez  mess"  et  les  accompagner 
des  complimentz  convenables.  Et  puis  si  l'affaire  de  Vaires  est  jugée,  comman- 
cer  le  traicté  de  permutation  avec  M' le  Premier  Présidant^,  et  ensuitte  celuy 
des  RR.  PP.  Jesuistes,  auxquels  on  pourra  lors  rendre  ma  lettre. 

Mais  au  préalable  il  fauldra  s'eslre  esclaircy  de  la  valleur  des  bénéfices 
de  Vaires  et  du  Bouchet,  d'une  part,  et  de  Lugon  et  Porcher  d'autre,  pour 
y  procéder  selon  mes  instructions  à  peu  prez. 


'-»  H  s 


l'agit  du  premier  président  Marc-ADtoine  de  Gourgue. 


[1609]  APPENDICE.  235 

Et  avoir  sceu  par  M'  de  Belle  Isle  quelle  sera  la  disposition  du  moyne  Bou- 
mard  et  de  son  frère  l'advocat. 

Il  fauldra  raoyenner  que  le  P.  du  Val  praigne  Goo  livres  sur  les  premiers 
et  plus  clairs  deniers  des  revenus  de  mon  abbaye  ou  de  ceux  qu'on  exigera  de 
la  succession  de  Logan  en  remplacement  de  pareille  somme  destinée  et  appli- 
cable comme  je  luy  ay  mandé. 

Il  me  fauldra  chercher  une  demy  douzaine  d'exemplaires  d'un  grand  journal 
du  siège  de  l'isle  de  Rhé  imprimé  à  Bordeaux  depuis  peu',  et  m'en  envoyer 
une  couple  en  une  foys  ou  deux  par  la  voye  de  Paris  soubs  l'enveloppe  de 
Mons'  de  Lomenie. 

Il  fauldra  aussy  me  chercher  en  quelque  endroict  un  exemplaire  de  la  plus 
vieille  édition  des  décrets  du  synode  provincial  de  Bordeaux ,  faicte  il  y  a  envi- 
ron lio  ans,  et  un  de  la  première  édition  faicte  du  commancement  du  ponti- 
ficat de  M^le  cardinal  de  Sourdis  et  me  les  envoyer  par  la  première  commodité. 

Il  fauldra  revoir  les  mémoires  et  instructions  que  le  s'  Briançon  avoit  em- 
porté en  Guienne  pour  tascher  de  satisfaire  à  ce  qui  sera  demeuré  en  arrière, 
particulièrement  pour  ce  qui  est  de  la  recherche  dans  les  registres  des  insinua- 
tions, pour  voir  les  titulaires  et  possesseurs  des  bénéfices  dépendants  de 
l'abbayic  de  Cuistres,  tant  en  suittc  de  la  charthe  du  pape  Alexandre  III  que 
du  poullier  mesmes  de  l'Archevesché  où  il  y  en  a  fort  bon  nombre  dont  on  a 
inséré  extraict  dans  les  papiers  cy  joincts. 

X  AGEN. 

Il  fault  voir  M'  d'Andrault,  conseiller  du  parlement  de  Bordeaux,  et  le  sal- 
ifier de  ma  part,  et  prendre  de  ses  lettres  pour  Bordeaux  aprez  l'avoir  entre- 
tenu plainement  de  Testât  des  affaires  de  Madame  de  Crequy  et  des  conten- 
tions du  Parlement  et  de  M'  l'Arch[evesque]. 

X  LA  REOLLE. 

11  fault  demander  Dom  Teissiere,  le  sallûer  de  ma  part,  et  sçavoir  au  cas 
que  j'eusse  besoing  de  l'employer  en  mon  abbayie  s'il  l'accepteroit. 

'  Levray  journal  de  lotit  i-e  qtii  t'est  passé  dan»  date,  à  Toulouse,  cliez  R.  Colomiei,  en  i6a8. 
l'isle  de  Ré  {du  90  juillet  1627.111  a8  novembre  Y  eut-il  aussi  une  édition  bordelaise?  Ou  Poi- 

suivant),   parut  sans   indication   de  lieu  et  de         resc  veul-il  parler  d'nn  ouvrage  différent  î 

3o. 


236  APPENDICE.  [1609] 


À  LA  SAULVE,  si  011  y  passoit. 

Voir  M'  de  Gaufreteau  visiteur  gênerai  de  la  congrégation  des  Bénédictins, 
l'asseurer  de  mon  service  et  que  j'avois  faict  tout  ce  qu'il  avoit  désiré  pour  le 
P.  Vaisiere  de  la  Reolie,  mais  que  le  bon  P.  du  Val  s'estant  radvisé,  j'ay  réservé 
cela  à  une  autre  occasion  et  que  je  luy  recommande  lousjours  mon  abbayie  et 
le  prie  de  disposer  de  moy  en  ce  qu'il  me  cognoistra  propre. 

(^Pour  voir  en  arrivant  à  Thouhuze.) 

À   THOULOUSE. 

Il  fault  d'abbord  aller  à  l'église  S'  Louys  où  est  le  noviciat  des  RR.  PP.  Béné- 
dictins reformez  de  la  congrégation  de  S'  Maur  et  fauldra  voir  le  R.  P.  Dom 
Pol  d'Hilairc,  supérieur  dudict  noviciat,  et  sçavoir  de  luy  s'il  aura  receu  mes 
lettres  par  deux  divers  messagers  ensemble  le  pacquet  adressé  au  R.  P.  du  Val 
de  Cuistres,  et  si  ledict  P.  du  Val  n'estoit  encores  party  pour  retourner  à 
Cuistres,  il  luy  fauldra  donner  courage  de  s'y  acheminer  en  si  bonne  com- 
pagnie. 

Si  le  P.  du  Val  est  party,  il  fauldra  sçavoir  dudict  Dom  d'Hilaire  quelle 
despence  a  faicte  ledict  P.  du  Val  dans  leur  maison,  pour  l'en  rembourcer 
exactement,  tant  pour  sa  pension  que  pour  les  fraiz  et  fournitures  de  sa 
maladie. 

Et  fauldra  sçavoir  dudict  Dom  d'Hilaire  s'il  vouldroit  agréer  que  quelqu'un 
autre  des  religieux  de  mon  Abbayie  peusse  venir  passer  quelques  moys  dans 
leur  noviciat,  en  payant  la  pension  telle  que  les  autres  pour  s'instruire  un  peu 
dans  la  bonne  discipline  régulière,  ou  bien  s'il  croid  que  le  supérieur  des 
PP.  reformez  de  la  mesme  congrégation  de  S'  Maur  nouvellement  establis  à 
S"  Croix  de  Bordeaux,  me  voulussent  faire  la  mesme  gratification  en  payant 
comme  dict  est  la  pension  ordinaire  et  toute  autre  despence  qu'ilz  jugeroient 
requise  et  nécessaire  mesmespourla  réception  d'un  novice  et  pour  la  tradition 
de  l'habit  monachal.  Et  s'ils  permettroient  que  aulcuns  de  mes  religieux  de- 
meurassent parmy  leurs  reformez  pour  la  continuation  de  leurs  esludes. 

Je  vouidrois  aussy  une  altestatoire  du  P.  Dom  d'Hilaire,  de  ce  que  ledict 
P.  Dom  du  Val  s'estoit  mis  en  debvoir  de  prendre  leur  plus  cstroicle  refforme 
et  que  c  est  l'indisposition  et  foiblesse  extraordinaire  de  ce  pauvre  homme  qui 


[1609]  APPENDICE.  237 

l'a  constrainct  de  s'en  retirer  à  son  corps  et  cœur  deffendans  afin  que  je  l'en- 
voyé à  Rome  et  que  je  tasche  d'avoir  quelque  déclaration  pour  guérir  son 
scrupule. 

En  toute  façon  il  fauldra  faire  toute  sorte  de  compliments  et  remerciments 
possibles  audict  P.  Dom  d'IIilaire,  des  bons  traicteraentz  et  charitables  secours 
par  luy  rendus  audict  P.  du  Val  tant  durant  son  indisposition  que  autre- 
ment. 

Il  fauldra  puis  voir  M'  d'Abbatia  l'advocat  et  luy  rendre  mes  lettres  avec 
mes  recommandations  et  compliments. 

Aprez,  M' l'Evesque  de  Pamics,  de  Sponde. 

M' le  présidant  de  Cambolas. 

M'  le  conseiller  Maran. 

M'  Mary,  qui  fournira  les  5o  escus  si  besoing  est. 

Et  à  tous  faire  mes  compliments  en  leur  rendant  mes  lettres.  Et  parler  selon 
mon  instruction  séparée  touchant  le  livre  de  Pline  de  feu  M'  Catel  et  touchant 
celuy  de  Dionys.  Byzantins  de  M'  l'Evesque  de  Rhodez. 

En  voyant  M'  Maran ,  il  luy  fault  demander  par  grâce  de  voir  sa  biblio- 
thèque et  son  cabinet  où  il  a  un  grand  vase  égyptien  dont  le  couvercle  est  en 
forme  de  teste  humaine,  et  s'il  n'avoit  pas  dezagreable,  il  le  fauldroit  prier  de 
ma  part  de  trouver  bon  que  l'on  en  fict  promlement  faire  un  desseing  en  pa- 
pier de  la  mesmc  grandeur  de  l'original,  à  diverses  veûes,  tant  du  devant  que 
du  derrière  et  des  costez  avec  la  représentation  de  toutes  les  figures  hiérogly- 
phiques qui  s'y  trouveront  peintes  ou  gravées.  Et  si  cela  sepouvoit  rouUerbien 
à  son  aise  sur  un  baston  et  couvrir  de  carton  et  de  toille  cirée,  on  le  pourroit 
renvoyer  par  le  retour  des  mullctz  ou  des  chevaulx.  On  luy  pourra  dire  que 
c'est  pour  l'envoyer  à  M'  Lorenzo  Pignoria  qui  a  faict  des  commentaires  sur 
les  caractères  Hiéroglyphiques  de  la  Table  de  Bembo  lequel  est  aprez  de  les 
reimprimer,  et  y  en  pourra  faire  mention  honorable  pour  cez  Messieurs. 

Il  fauldra  aprez  voir  le  libraire  Colmiers  '  et  sçavoir  de  luy  s'il  n'a  pas  receu 
de  M''  Buon  de  Paris  un  exemplaire  des  œuvres  de  M'  du  Vair  en  grand  pa- 
pier et  s'il  l'a  rendu  à  M'  de  Maussac  à  qui  il  estoit  adressé  ou  à  aulcun  autre 
de  l'ordre  et  mandement  dudict  s'  de  Maussac  et  de  moy  et  depuis  quand. 

Et  puis  il  me  fauldra  achepter  un  exemplaire  du  livre  des  décrets  du  synode 
provincial  de  Thoulouse,  tant  de  ceux  de  feu  M'  le  card[in]al  de  Joyeuse  (juc 

'  C  ost  Colomiez. 


238  APPENDICE.  [1609] 

de  ses  devanciers,  et  s'il  s'en  trouve  diverses  éditions,  je  seray  bien  aise  d'en 
recouvrer  un  exemplaire  de  chasque  sorte.  Et  s'il  se  trouve  quelque  chose  de 
pareil  des  synodes  provinciaulx  de  l'Archcvesch(î  d'Aucli  et  de  celle  de 
Bourges,  ce  me  sera  grand  plaisir  d'en  avoir  de  tous,  comme  j'en  ay  desja  de 
ceux  de  Narbonne,  et  de  ceux  de  Bordeaux  et  autres  Métropoles. 

Si  les  paratitles  de  feu  M'  Maran  sont  achevez  d'imprimer,  je  seray  bien 
aise  que  l'on  m'en  achepto  une  coupple  d'exemplaires,  et  quand  il  n'y  manque- 
roit  que  quelques  feuilles,  je  ne  l'achepteray  pas  moings  volontiers,  à  la 
charge  qu'on  me  fournit  aprez  les  feuilles  restantes  quand  elles  seront 
achevées. 

Et  seroit  bon  de  proffîtter  pour  cet  effect  le  retour  des  mulletz  et  des  che- 
vaulx  parce  qu'il  y  a  grande  peine  de  trouver  commodité  de  voiture  de  Thou- 
louze  en  Provence. 

Si  on  pouvoit  avoir  aussy  ce  qu'il  y  avoit  d'imprimé  avant  ia  mort  de  feu 
M'  Catel,  ou  aprez,  de  son  histoire  du  Languedoc,  encores  que  cela  ne  soit 
parfaict,  je  n'en  achepteroys  pas  moings  volontiers  une  coupple  d'exemplaires 
des  feuilles  ja  imprimées. 

Et  sçavoir  de  l'imprimeur  ou  des  héritiers  dudict  s'  Catel  quand  on  peult 
espérer  que  s'achève  d'imprimer  iadicte  histoire  du  Languedoc. 

(Tlioulouie  pour  k  Pline  de  feu  M'  Catel.) 
À  THOCLODSE. 

Il  fauldra  voir  M'  Maran,  conseiller  aux  requestes,  et  Mess"  ses  frères  le 
chanoine  et  le  régent  et  les  sallûer  Irez  toulz  bien  humblement  de  ma  part. 

Et  fauldra  s'enquérir  du  conseiller  s'il  s'est  resouvenu  de  ce  que  je  luy  avois 
communiqué  touchant  le  Pline  de  feu  M'  Catel  dont  il  m'avoit  faict  espérer 
qu'il  parleroit  à  celuy  qui  avoit  recueilly  la  succession,  et  particulièrement  les 
livres  dudict  feu  s'  Catel,  son  proche  parent. 

S'il  en  a  esté  parlé,  il  fauldra  me  mander  les  responses  qui  en  auront  esté 
faicles ,  et  ce  qui  s'en  peult  ou  doibt  espérer. 

Si  cela  estoit  encor  à  faire,  il  le  fault  prier  de  le  vouloir  faire  ou  de  dire 
s'il  auroit  agréable  qu'on  y  employé  quelque  autre,  ce  qu'on  n'a  pas  voulu 
tenter. 

Et  en  ce  cas  sçavoir  son  advis  de  quelle  persone  il  pense  qu'on  se  peust  ser- 
vir pour  s'entremettre  de  cette  négociation. 


[1609]  APPENDICE.  239 

Et  à  fauite  d'en  nommer,  s'il  trouveroit  bon  qu'on  y  employast  M' le  prési- 
dent de  Gambolas  pour  n'y  rien  faire  que  par  son  advis  afin  de  luy  en  reserver 
tousjours  la  principale  obligation  que  luy  en  pourra  avoir  le  public ,  et  moy 
par  mesmc  moyen. 

Aprez  ilfauldra  en  toucher  un  mot  de  ma  part  audict  s""  présidant  de  Gam- 
bolas, à  qui  j'en  ay  touché  un  mot  en  gênerai  sans  rien  exprimer. 

L'affaire  est  qu'on  va  mettre  soubs  la  presse  une  nouvelle  édition  de  Pline  à 
Paris  soubs  la  direction  de  Nicolaus  Rigaltius,  bibliothécaire  du  roy,  à  qui  les 
RR.  PP.  Jésuites  ont  communiqué  pour  cet  effect  tout  ce  qui  souloit  estre  dans 
la  Bibliothèque  du  feu  cardinal  de  Joyeuse,  des  observations  et  corrections  du 
feu  s'  Pelissier,  evesque  de  Mompelier,  sur  le  Pline  dont  ils  ont  huict  livres 
entiers  et  plusieurs  autres  bons  fragments  sur  les  autres  que  l'on  faict  estât  de 
mettre  soubs  le  nom  dudict  s'  Pelissier,  et  de  feu  M'  Catel  qui  y  avoit  bien 
contribué  de  son  travail,  pour  une  partie. 

Et  d'aultant  que  feu  M'  le  conseiller  Catel  avoit  une  coppie  de  la  pluspart 
de  ce  qu'on  a  à  Paris  plus  nette,  et  quelque  chose  de  plus,  ensemble  un  grand 
volume  du  PUne  imprimé  avec  des  petites  diverses  leçons  et  notes  marginales 
dudict  s"  Pelissier,  qui  pourroient  grandement  ayder  cette  édition  nouvelle  qui 
sera  trez  belle  et  bonne ,  et  qui  contiendra  tout  ce  que  les  plus  doctes  du 
siècle  ont  annoté  sur  cet  autheur,  mesmes  de  trez  rares  observations  du  s'  de 
Saulmaise,  il  seroit  à  désirer  qu'on  y  peust  insérer  tout  ce  qui  est  du  labeur 
dudict  feu  Pelissier,  entre  les  mains  des  héritiers  dudict  feu  s'  Catel,  et  sur- 
tout ledict  texte  de  Pline  avec  ses  notes  marginales.  Si  j'eusse  eu  cet  advis 
avant  le  decez  dudict  feu  s'  Catel ,  conseiller,  je  m'ose  quasi  promettre  que  je 
n'auroispas  esté  esconduict  de  cette  grâce,  mais  on  y  a  pensé  trop  lard. 

Il  fauldra  voir  maintenant  d'y  faire  ce  qui  se  pourra,  et  s'il  ne  tenoit  qu'à 
faire  agir  des  puissantes  intercessions,  on  y  fairoit  intervenir  les  plus" fortes  de 
la  cour  de  Leurs  Majestez  pour  y  procéder  avec  le  plus  d'honneur  et  de  répu- 
tation que  faire  se  pourra. 

Au  reste  on  pourra  estre  asseuré  de  la  restitution  fort  fidèle  de  tout  ce  qui 
sera  communiqué  par  ce  regard,  et  qu'on  rendra  tesmoignage  publiq  de  l'obli- 
gation qu'on  en  doibt  avoir  à  cez  messieurs  qui  en  auront  faict  la  charité  et  à 
ceux  qui  l'auront  procurée,  parmy  quoy  il  se  pourroit  tousjours  mesnager 
quelque  autre  sorte  d'advantage  ou  gratification. 

En  un  besoing  on  en  pourra  communiquer  encores  à  M""  l'Evesque  de  Pas- 
mies,  à  M'  d'Abbatia  et  tels  autres  que  cez  mess"  adviseront. 


240  APPENDICE.  [1609] 

(  ThoulouM  et  Rhodez  pour  le  Dionysius  Byzantins  '.) 
THOULOUSE  ET  RHODEZ. 

11  fauldra  voir  M' le  présidant  de  Cambolas  et  M' l'Evesquc  de  Pasmies  et 
M'd'Abbatia,  et  aprez  leur  avoir  rendu  mes  lettres,  sçavoir  d'eux  de  quelle 
façon  ils  trouveront  à  propos  que  l'on  se  conduise  pour  faire  tenir  à  M' l'Evesque 
de  Rhodez  les  lettres  qui  luy  seront  escriptes,  pour  accompagner  les  miennes, 
afin  de  tascher  d'obtenir  de  luy  la  communication  du  livret  de  Dvonisius  Bv- 
zantius,  de  Bosphoro  Thracio.  Et  suyvre  ce  qui  sera  leurs  sentiments  sur  ce 
subject.  M'  l'abbé  de  Foix  m'a  promis  une  lettre  de  recommandation  audict 
s'  Evesque  de  Rhodez  à  mesmes  fins,  laquelle  il  fauldra  retirer  de  luy  au  premier 
loisir  et  la  joindre  à  la  mienne. 

Et  fauldra  laisser  charge  à  M'  d'Abbatia  de  retirer  toutes  les  responces  qui 
seront  faictes  sur  ce  subject  et  de  me  les  faire  tenir  en  Provence  par  les  voves 
les  plus  asseurées  qu'il  pourra  trouver,  dont  celles  de  Mess"  Mary,  Douaille  et 
Fraisse  ne  sont  pas  des  moings  bonnes.  Si  le  livre  se  trouve,  je  m'asseure  que 
lesdictz  s"  Mary  etc.  fourniront  volontiers  ce  qui  sera  nécessaire  pour  les  fraiz 
du  coppiste,  et  si  besoing  estoit  pour  le  voyage  de  quelque  jeune  homme  un 
peu  sçavant  en  grec  qui  allast  sur  les  lieux  exprez  pour  le  transcrire  et  pour 
faire  roUe  des  autheurs  grecs  contenus  aux  aultres  volumes  manuscriptz  dudict 
s'  Evesque  de  Rhodez,  s'il  ne  le  trouvoit  pas  mauvais. 

Que  si  M"^  de  Rhodez  estoit  si  honeste  qu'il  voulust  confier  le  livre  original, 
sa  faveur  seroit  plus  grande  au  centuple ,  parce  qu'on  y  pourroit  faire  des  fon- 
dements beaucoup  plus  certains,  et  il  pourroit  bien  estre  asseuré  que  la  resti- 
tution luy  en  seroit  faicte  fort  fidèlement. 

Mais  il' ne  luy  en  fault  pas  parler,  ains  le  laisser  à  son  propre  mouvement. 
Et  s'il  le  faisoit  ainsin ,  il  ne  fauldroit  pas  le  bazarder  légèrement  en  chemin 
pendant  ce  temps  de  trouble,  ains  vauldroit  mieux  le  faire  transcrire  à  Thou- 
louze,  et  en  envoyer  cependant  la  coppie,  attendant  que  nous  peussions  voir 
l'original. 

Si  M'  de  Rhodez  ou  les  héritiers  du  feu  Archediacre  de  Conques  en  l'église 
de  Rhodez  (qui  avoit  esté  aulmosnier  du  feu  cardinal  d'Armagnac  et  avoit  eu 
la  despouilie  de  la  pluspart  de  ses  livres)  n'avoient  ledict  livre  de  Dionysius 

'  Celte  partie  des  Imtructiom,  jusqu'à  la  fin  du  paragraphe,  n'a  pas  été  reproduite  dans  l'Appen- 
dice du  fascicule  X  des  Correspondants  de  Peiresc. 


[1609J  APPENDICE.  2A1 

Byzantius,  et  qu'il  ne  s'en  trouve  aulcun  exemplaire  clans  les  autres  biblio- 
thèques de  Cahors,  du  collège  de  Foix  et  de  cez  mess"  les  plus  curieux  de 
Thoulouze,  mesmes  de  M' l'Evesque  d'Alby  qui  en  a  de  trez  rares,  ii  fault  s'en- 
quérir s'il  se  pourroit  avoir  aulcunes  nouvelles  des  livres  de  feu  Pierre  Bellori 
du  Mans  qui  a  escript  les  observations  et  singularitez  des  païs  eslrangers, 
lequel  avoit  suyvy  Petrus  Gillius  en  ses  voyages,  et  avoit  eu  quelques-uns  de 
ses  livres,  entre  lesquels  il  pourroit  bien  avoir  eu  quelque  coppie  dudict  livre 
de  Dionysius  Byzantius. 

À  BEZIEBS. 

Voir  M'  de  Maussac  le  fiiz,  conseiller  du  parlement  de  Thoulouze,  qui  est 
de  la  Chambre  de  l'Edict,  et  le  sallûer  de  ma  part,  luy  demander  s'il  a  receu 
les  deux  exemplaires  des  œuvres  de  feu  M*'  du  Vair  en  grand  papier,  et  s'il  en 
a  faict  rendre  l'un  à  M"^  Maran  suyvant  la  prière  que  je  luy  en  avois  faicte. 

Luy  dire  que  j'ay  recouvré  un  manuscript  grec  fort  ancien ,  où  il  y  a  de 
grandes  pièces  du  Polybe  non  imprimées,  de  la  fin  de  Dionysius  Halicarnas- 
seus  et  du  commancement  d'Appian  et  de  Dion  Cassius.  Ensemble  des  chro- 
niques catholiques  deNicolaus  Damascenus  et  autres  où  est  rapportée  l'histoire 
de  l'Aurum  Tholosanum  un  peu  plus  particularisée  que  ce  qu'on  en  a  commu- 
nément, dont  je  luy  ay  escri[)t  plusieurs  foys  sans  aulcune  responce. 

Je  luy  ay  depuis  escript;  il  luy  fault  rendre  ma  lettre  et  s'il  n'est  à  Mom- 
pelier,  le  demander  à  Besiers  et  à  Thoulouze,  et  s'il  ne  se  trouve  nulle  part 
il  fault  laisser  ma  lettre  à  Thoulouse  à  M'  de  Maussac  le  conseiller  de  la 
Grande  Chambre,  son  père,  pour  la  luy  bailler  quand  ii  reviendra. 

\  NABBONNE. 

Faire  faire  des  reproches  par  M' l'abbé  de  Foix  à  M'  de  Narbonne'  et  à  son 
coadjuteur  de  ce  qu'on  laisse  despesser  tant  de  belles  inscriptions  antiques, 
qui  avoient  esté  desterrées  depuis  peu,  lesquelles  on  se  debvroit  contenter  de 
mettre  en  œuvre  en  sorte  que  l'inscription  parust  en  dehors  des  murs  sans  les 
gaster,  ou  ensevelir  de  rechef  comme  l'on  faict  ^. 

'  L'archevêque  de  Narbonne  était  alors  Louis  '  Tous  les  épigraphisles  et,  en  général,  tous 

de  Vervins,  qui  mourut  le  8  février  ifiaS,  après  les  amis  de  l'antiquité  applaudiront  à  ces  géné- 

avoir  occupé  le  siège  depuis  l'année  i  600.  Son  relises  protestations  et  recommandations, 
coadjuteur  et  successeur  fut  Claude  de  Rebé. 

T.  3i 

UPRIKKUp    lATIOIIALI. 


242  APPENDICE.  [1609] 

Il  fauidroil  voir  un  gentilhomme  qui  est  curieux  lequel  a  un  beau  cabinet, 
pour  luy  faire  les  mesmes  reproches  et  le  conjurer  à  tout  le  moings  de  transcrire 
les  inscriptions,  avant  qu'on  les  gaste  et  de  nous  en  envoyer  coppie.  C'est 
M'  Galland,  qui  a  donné  les  nouvelles  de  ce  desordre'. 

À  MOMPELLIER. 

11  fauldra  voir  M'  Ranchin,  chancellier  de  l'université  de  Médecine,  et  luy 
rendre  ma  lettre,  et  tascher  de  voir  son  cabinet,  mesmes  de  jetter  les  ieulx  s'il 
se  peult  sur  ses  médailles  d'or,  sur  ses  bagues  et  graveures  antiques,  et  sur  ses 
inslrumentz  de  bronze  antique,  mesmes  sur  ses  livres  mss. 

Voir  s'il  a  une  médaille  d'or  d'Arzinoe  grecque  de  9  ou  lo  escus  d'or  de  poids. 

S'il  a  une  sardoine  antique  quarrée  en  anneau  oiî  est  le  ravissement  des 
Sabines. 

S'il  a  l'ospée  de  bronze  antique  de  feu  M' le  gênerai  Grille. 

S'il  a  comme  on  dict  une  grande  bible  enluminée  Iraduicte  en  provençal. 

L'advertir  de  la  commodité  du  retour  des  muUetz  et  chevaulx  de  M' l'abbé 
de  Foix  et  de  ceux  de  son  train,  pour  me  faire  tenir,  s'il  veult,  deux  livres 
mss.  qu'il  m'a  escript  de  me  vouloir  prester  pour  un  de  noz  amys. 

Et  pour  cet  effect  il  fauldra  charger  le  voicturier  qui  y  ramènera  lesdictz  . 
raullctz  et  chevaulx  de  l'aller  voii"  en  revenant  par  Mompelier,  pour  recevoir  ce 
qu'il  luy  vouldra  confier. 

Il  fauldra  voir  aussy  un  morceau  de  placque  de  marbre  où  est  gravé  le  nom 
d'OMHPOS  sur  quelques  figures.  Et  s'il  n'en  estoit  pas  si  jaloux  les  muUets 
me  le  pourroient  apporter  et  peult  estre  quelque  aulre  anticaille  des  moings 
jalouzes.  S'il  donne  aulcune  parolle  considérable  touchant  le  prix  de  son  cabi- 
net, il  le  fauldroit  escrire  soit  de  Mompelier  ou  de  Thoulouze. 

Sçavoir  aussy  quel  nombre  il  a  de  médailles  grecques  tant  d'or  et  d'argent 
que  de  cuyvre  séparément  des  autres. 

11  fault  voir  aussy  M""  de  Glausel,  fille  de  M'  Pacius,  laquelle  s'estoit  meslée 
du  marché  et  vente  dudict  cabinet,  pour  sçavoir  d'elle  ce  qu'elle  en  a  apprins 
soit  dudict  s"^  Ranchin  ou  de  sa  femme, 

'  Ici  (fol.  79a)  est  intercalée  une  note  du  certain  Renoiiard.  Voir  la  note  en  question,  à 

ai  juin   1689,   signée    par    Peiresc,  intitulée  ce  nom,  dans  le  dernier  lome  des  Lettret  à  di- 

Narbonne,  Razez.,  qui  ne  concerne  en  rien  le  vers,  lettres  qui  formeront,  comme  on  sait,  la 

prieur  de  Roumoules,  car  elle  est  adressée  à  un  troisième  série  de  notre  recueil. 


[1609]  APPENDICE.  2^3 

Et  pour  sçavoir  aussy  qu'est  devenu  un  porlraict  de  ladicte  susdicte  epée  de 
bronze  antique  lequel  j'avois  envoyé  à  M'  i'advocat  Pacius  son  frère,  qui 
tomba  ez  mains  du  s'  de  la  Favergne  son  hoste.  De  qui  je  vouldrois  bien  le 
rf^couvrer  par  le  retour  desdictz  muiletz  ou  chevaulx.  Et  pour  cet  effect  il  faul- 
dra  parler  audict  s'  de  la  Favergne  et  moyenner  qu'il  le  remette  à  la  dicte  da- 
moiselle  de  Clausel,  chez  laquelle  ledict  muUetier  Tira  prendre  en  revenant. 

S'il  y  a  du  temps  il  pourra  voir  aussy  M'  le  gênerai  Ranchin ,  neveu  dudict 
s'  cbancellier,  pour  luy  rendre  ma  lettre  et  le  sallûer  de  ma  part,  et  l'advertir 
de  la  commodité  du  retour  dcsditz  muUetz  afin  qu'il  peust  faire  tenir  prests 
lesdicts  livres  de  son  oncle,  ou  autre  chose  qui  pourroit  estre  envoyée  on  Pro- 
vence. 

S'il  y  a  temps  aussy,  il  fauldroit  voir  le  s'  Catalan,  Apoticaire,  et  son  cabi- 
net de  choses  naturelles',  et  luy  faire  de  mes  recommandations,  et  remarquer 
ce  qu'il  luy  pourra  dire  touchant  le  cabinet  dudict  s'  Ranchin  et  les  discours 
qu'il  luy  aura  tenuz  de  moy. 

Si  M'  de  Maussac  le  filz,  conseiller  du  parlement  de  Thoulouze,  estoit  à 
Mompelier,  on  le  pourroit  sallûer  de  ma  part  et  luy  bailler  ma  lettre  et  luy 
offrir  de  me  faire  tenir  sa  responce^. 


'  Sur  Laurent  Catalan  on  Calelan  et  sur  son 
cabinet ,  voir  dans  le  fascicule  X  des  Coirespon- 
dants  de  Peiresc  (p.  36),  une  note  communi- 
quée on  grande  partie  par  feu  A.  Germain  (de 
rtnslitut).  Voir  ce  même  fascicule  au  sujet  de 


la  plupart  des  personnages  mentionnés  dans  les 
Instructions. 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  nou- 
velles acquisitions,  .5171,  fol.  710  à  'jab.  Auto- 
graphe. 


.•îi. 


LETTRES  DE  PEIRESC 

À  HOLSTENIUS. 


-&«3»<»— 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  HOLSTENIUS, 

GENTILHOMME  ALEMAND,  EN  LA  COUR   DE  L'ILLUSTRISSIME  CARDINAL  BARBËRIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Nous  vous  avions  longuement  attendu  en  ce  pais  icy,  pensants  avoir 
le  bien  de  vous  y  voir  à  v[ost]re  passage,  et  de  vous  y  gouverner  un 
peu  ^  Mais  nous  n'avons  pas  esté  assez  heureux  p[ou]r  mériter  cet  hon- 
neur. Nous  attendions  depuis  avec  grande  impatience  des  nouvelles  de 
vostre  arrivée  à  Rome,  et  ne  doubtions  pas  que  vous  n'y  receussiez 
toute  sorte  de  favorable  réception,  de  la  part  de  Monseig'  le  card^' 
Bal•berin^  que  nous  voyions  avoir  conceu  une  si  bonne  opinion  de 
vostre  vertu  et  de  vostre  mérite.  Mais  à  présent  que  nous  en  avons 
esté  asseurez  par  lettres  de  Mess"  du  Puy  ',  qui  nous  ont  faict  la  faveur 


'  Au  moment  où  s'ouvrait  avec  la  pré- 
sente lettre  la  correspondance  de  Peiresc  et 
de  Holslenius ,  le  premier  avait  67  ans  et  le 
second  3i  ans. 

'  Francesco  Barberini  fut  le  protecteur 
de  Hoistenius ,  comme  il  fut  le  protecteur  de 
J.-J.  Bouchard,  de  J.-M.  Suarez,  etc.  Voir 
les  éloges  que  lui  donne  Hoistenius,  dès  son 
arrivée  h  Borne,  dans  une  lettre  à  Pierre  Du- 
puy  (recueil  Boissoiiade,  p.  3i)  :  trBlandus 
cardinalis  noslri  vultus,  et  vcrba  suavissiniai 
benevolenliae  sesamo  et  papavere  sparsa. .  .  1 


'  Gassendi  {De  vita  Peireskii,  liv.  IV, 
p.  3o5)  raconte  ainsi  (sous  l'année  i6a6) 
le  commencement  des  relations  de  son  héros 
avec  Holslenius  :  (tNec  reticendus  Lucas 
Hoistenius  Hamburgensis,  eruditorum  ocel- 
lus ,  qui  est  eliam  non  longe  post  in  eandem 
adscri[)tns  famiiiam  [la  famille  formée  par 
les  amis  de  Peiresc],  cum  illius  virtus  Pu- 
teanis  commcndantibus  innotuisset  Peires- 
kîo. ..1  Voir,  de  plus,  le  recueil  Peiresc- 
Dupuy, /MsjsiMi,  mais  surtout  t.  I,  p.  Sg, 
6a,  263  (regret  de  n'avoir  pu   caresser 


U6 


LETTRES  DE  PEIRESG 


[1627] 


de  nous  mander  ce  qu'ils  en  avoient  apprins  par  vos  lettres  et  par 

celles  de  Monsieur  de  Thou  ',  je  n'ay  pas  voulu  différer  davantage  de 

m'en  conjouyr  avec  vous,  comme  je  faicts  trez  affectueusement,  priant 

Dieu  que  ce  vous  soit  un  pont  et  un  escliellon  pour  passer  dans  un  em- 

ploy  aussy  digne  que  le  requiert  vostre  érudition  singulière,  et  tant 

d'autres  grandes  parties  qui  sont  en  vous^.  L'estroicte  amitié  qui  est 

entre  vous  et  cez  Mess"  et  l'honneur  qu'ils  me  font  de  m'admettre  au 

nombre  de  leurs  serviteurs,  me  donne  la  liberté  d'en  user  si  privement 

en  vostre  endroict,  et  m'obligeoit  de  vous  offrir  de  plus  longue  main 

mon  service  trez  humble  comme  je  le  faict  à  cette  heure  de  tout  mon 

cœur.  A  quoy  dez  lors  je  n'eusse  pas  manqué  sans  l'espérance  q[ue] 

j'avois  de  le  pouvoir  faire  icy  de  vive  voix  à  vostre  passage.  Vous 

agréerez,  s'il  vous  plaict,  ma  bonne  volonté  et  inclination  toute  portée 

à  vostre  service,  et  quand  vous  m'honorerez  de  voz  commandements, 

vous  me  trouverez  si  disposé  à  vous  servir  et  complaire  en  tout  ce  qui 

pourra  dépendre  de  moy  que  vous  aurez  subjet  d'en  faire  estât  comme, 

Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 

DE  Peibesc. 
D'Aix,  ce  a  sept.  1697,  en  haste\ 


Hoistenius  à  son  passage  en  Provence),  970 
(démarches  auprès  du  cardinal  F.  Barberini 
en  faveur  du  nouvel  arrivant),  359  (nou- 
velles démarches),  etc. 

'  François-Auguste  de  Thou  voyageait 
alors  en  Italie  et  se  trouvait  h  Rome.  Hoi- 
stenius, dans  la  lettre  plus  haut  citée,  parie 
ainsi  à  Dupuy  (p.  3o)  du  bon  accueil  que 
lui  fit  le  fils  du  grand  historien  :  ffRoiuam 
ut  veni,  refecit  me  mirifice  conspectus  et 
humanitas  amplissimi  doraini  Thuani. . .  n 

'  Les  expressions  du  pont  et  de  l'échelon 
ne  furent  que  de  vaines  figures  de  rhétorique. 


Hoistenius  obtint,  il  est  vrai,  plusieurs  bé- 
néfices, mais  il  ne  put  en  jouir.  Voir  sm-  les 
circonstances  qui  l'empêchèrent  de  profiter 
de  la  bonne  volonté  de  son  protecteur,  une 
note  de  M.  Léon  G.  Pélissier  {Les  amis 
d'Hoktenius,  fascicule  II,  Rome,  1887, 
p.  64).  Hoistenius,  dut  se  résigner  à  at- 
tendre pendant  plusieurs  années  un  cano- 
nical  à  Rome,  la  direction  de  la  bibliothèque 
Barberini,  puis  celle  de  la  bibliothèque  du 
Vatican. 

'  Bibliothèque  Barberini,  à  Rome,  vol.  79 , 
pièce  n°  9. 


[16-27]  À  HOLSTENIIS.  m 


II 
MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 

A  mesure  que  je  faisois  fermer  ma  depesche  de  Rome  on  m'a  ap- 
porté présentement  d'Avignon  la  lettre  dont  vous  m'avez  daigné  hon- 
norer  du  i.  de  ce  moys',  aux  honnestetez  de  laquelle  je  ue  sçaurois 
correspondre  par  les  effects  du  trez  humble  service  que  je  vouldrois 
bien  vous  rendre,  non  plus  que  par  des  remerciments  condignes. 
Oullre  que  la  presse  du  passage  de  l'ordinaire  ne  me  donne  pas  le 
loisir  de  lisre  attentivement  tant  de  beaux  compliments  dont  vous  usez 
en  mon  endroict.  Il  est  vray  que  je  n'ay  pas  laissé  d'adjoustev  un  mot 
de  remerciment  pour  le  regard,  au  bas  de  la  lettre  que  je  venois  d'es- 
crire  à  Ms''  le  card"'  Barberin,  puisque  vous  ne  trouvez  pas  mauvais 
que  je  praigne  part  à  voz  obligations  envers  luy  qui  m'a  souvent  mandé 
l'estime  qu'il  faict  de  vostre  incomparable  vertu  dont  je  me  conjouys 
avec  vous,  priant  Dieu  que  les  effects  de  son  affection  vous  soient  aussy 
utiles  que  les  vous  souhaictent  voz  medleurs  amys,  espérant  que  si 
bien  l'advis  du  cannonicat  n'a  pas  reussy  à  ce  coup,  vous  ne  laisrez 
pas  d'avoir  bien  tost  quelque  chose  de  meilleur  possible  que  cette 
pièce  là.  Et  qu'avant  la  réception  de  cette  lettre,  vous  aurez  eu  loisir 
de  recouvrer  plainement  vostre  première  santé,  je  le  vous  souhaicte, 
et  à  moy  des  moyens  de  vous  tesmoigner  que  je  suis  de  cœur  et  d'affec- 
tion sincère, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  serviteur, 
DE  Peiresc. 

Quand  vous  me  vouldrez  faire  l'iionneur  de  m'escrire,  envoyez  les- 

'  Nous  ne  possédons  pas  la  lettre  à  laquelle  répond  ici  Peiresc.  —  '  C'est-à-dire  let  lellres. 
Peiresc  a  oubliti  qu'il  n'avait  pas  U-acë  ces  deux  mots. 


248  LETTRES  DE  PEIRESC  [i627J 

droict  à  la  poste  de  Gènes,  car  le  maistre  de  ladicte  poste  me  les  fera 
tenir  plus  promtement,  ou  bien  les  envoyez  à  M'  Aleandro  '. 

D'Aix,  ce  39  oct.  lôay^ 


III 

MÊME  ADRESSE- 

Monsieur, 
Ce  mot  sera  pour  me  conjouyr  avec  vous  de  toute  mon  affection, 
tant  du  nouveau  canonicat  que  N.  S.  P.  '  vous  a  voulu  conférer  à  Co- 
logne et  de  la  façon  obligeante  dont  il  a  usé  en  le  faisant  que  j'estime 
bien  plus  que  le  don  mesmes*,  que  de  la  beauté  et  excellence  de  vos 
beaux  vers  concernant  les  nopces  de  Dom  Taddei  ^,  dont  M?'  le  Car- 
dinal m'a  faict  la  faveur  de  m'envoyer  vostre  autographe,  lequel  j'ay  leu 
et  releu  beaucoup  de  foys  avec  Mons'  nostre  arcbevesque  de  cette  ville*. 


'  Voir  sur  cet  humaniste ,  outre  ia  publi- 
cation de  Fauris  de  Saiot-Vinccns ,  ddjà  citée , 
]e  recueil  Peiresc-Dupuy  (passim)  et  aussi 
les  Lettres  à  J.-J.  Bouchard,  dans  notre 
tome  IV.  Voir  encore  une  mention  d'Aleandro 
(avec  note  de  Boissonade)  dans  ia  lettre  de 
Holstenius  à  Dupuy  déjà  citée,  p.  3a.  Voir 
surtout  le  fascicule  des  Correspondants  d'Hol- 
stenius,  par  M.  Léon-G.  Pélissier  :  Aleandro 
le  jeune.  Lettres  inédites  publiées  avec  une 
introduction  et  des  notes  (Rome,  1888). 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 
n°  3. 

'  Le  pape  Urbain  VIII ,  qui  n'avait  rien  à 
refuser  au  protégé  du  cardinal  neveu  F.  Bai^ 
berini. 

*  A  rapprocher  de  ce  vers  si  souvent  cité 
du  grand  Corneille  : 
La  façon  de  donner  vaut  mieux  que  ce  qu'on  donne. 


'  bpithalamium  Thadœi  Barberini  et  Annœ . 
Columnœ.  Voir  sur  ce  poème  la  note  a  de 
la  page  ^78  du  tome  l  du  recueil  Peiresc- 
Dupuy  (lettre  du  8  janvier  1628).  Cf.  la 
lettre  de  Holstenius  du  XI  des  calendes 
d'octobre  1637.  Dans  une  des  notes  de  cette 
lettre  (p.  33),  Boissonade  rappelle  que  l'épi- 
thalame  composé  par  le  docte  humaniste 
{Hendecasyllabi  in  nuptias  T.  Barberini  et 
A.  Columnœ)  parut  à  Rome  en  1697.  On 
voit  que  le  poète  ne  tarda  pas  à  payer  aux 
Barberini  sa  dette  de  reconnaissance.  11  est 
probable  que  le  canonicat  au  sujet  duquel 
Peiresc  félicite  son  correspondant  fut  la  ré- 
compense de  l'épithalame. 

°  Alphonse-Louis  du  Plessis  de  Riche- 
lieu ,  si  souvent  mentionné  dans  les  quatre 
premiers  tomes  de  la  corresjwndance  de 
Peiresc. 


[1627]  À  HOLSTENIUS,  W.) 

M"'  l'abbé  de  Foix  qui  l'est  venu  voir  de  la  cour  '  et  tout  ce  que  nous 
avons  de  plus  curieux  dans  noslre  compagnie  et  dans  la  ville,  où  vous 
avez  esté  admiré  d'un  chascun  et  prins  pour  un  autre  Barclay^  en 
la  doulceur  et  élégance  de  vostre  style  poétique,  de  quoy  je  suis  gran- 
dement plorieux  et  crois  bien  que  Mess"  du  Puy  ne  le  seront  pas  moings, 
auxquels  j'en  ay  fait  part  incontiiiant,  priant  Dieu  qu'il  vous  comble 
tousjours  de  plus  en  plus  de  ses  saincles  bénédictions  et  de  toute  sorte 
de  prosperitez  et  commoditez  nécessaires  tant  pour  vos  belles  estudes 
que  pour  le  reste  de  la  vie  humaine.  Je  ne  doubte  point  que  vous  n'en 
ayez  beaucoup  avec  le  temps  Dieu  aydant,  mais  vous  n'en  aurez  jamais 
aultant  comme  je  vous  en  souhaite  et  comme  je  crois  que  vous  en  mé- 
ritez. Au  reste  vous  aurez  bientost  une  prière  de  la  part  de  Mess"  du 
Puy  aux  fins  qu'il  vous  plaise  donner  quelque  heure  de  vostre  loisir 
à  conférer  un  ms.  de  l'Histoire  de  Procope  du  Vatican  avec  l'édition 
d'Hœschelius,  pour  en  faire  imprimer  les  suppléments  à  Paris  de  l'ad- 
veu  de  M^'  le  Gard[ina]l  par  forme  de  supplément  ou  appendice  de 
ladite  édition  de  Hœsciielius'.  Si  mieux' vous  n'aymez  en  faire  l'édi- 
tion dans  Rome,  afin  que  d'une  façon  ou  d'autre  le  public  ne  soit  pas 
frustré  d'une  pièce  de  telle  importance  pour  l'Histoire  de  cez  siècles  là. 
Je  m'asseure  que  vous  vous  y  disposerez  et  j'ay  esté  bien  aise  de  vous 
en  donner  l'advis  à  l'advance  à  celle  fin  que  vous  ayez  plus  de  loisir 
d'y  songer  et  de  nous  advertir  de  ce  que  vous  désirerez  que  nous  fas- 
sions pour  ce  regard.  Cependant  je  vous  faicts  une  autre  prière  tant 
de  mon  chef  que  de  celuy  desd.  s"  du  Puy  de  vouloir  regarder  un  vieil 
exemplaire  ms.  du  Concile  de  Chalcedoine*  qui  vous  sera  mis  en  main 
par  celuy  à  qui  est  adressée  la  lectre  cy  joincte,  pour  nous  sçavoir 
dire,  s'il  vous  plaist,  s'il  y  auroit  rien  de  plus  qu'en  l'édition  qui  eu  a 
esté  faicte  à  Rome  depuis  quelques  années,  et  spécialement  pour  nous 

'  Sur  N.  de  Lafoii ,  abbé  de  Foix ,  voir  le  des  Histoires  de  Procope.  voir  le  recueil 

recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  !,  passim).  Peiresc-Dupuy  (t.  1,  p.  àùo). 

'  Sur  Jean  Barclay,  voir  le  même  recueil  *  Voir  dans  le  tome  I  du  recueil  Peiresc- 

(I.  \, passim).  Dupuy  divers  ]>assages  relatifs  à  ce  sujet  (de 

'  Sur  David  Hœschel  el  sur  son  (édition  la  page  181  à  la  page  377'!. 

V.  Su 


250  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

donner  vostre  advis  du  temps  que  cet  exemplaire  peult  avoir  esté 
esci'ipt.  Si  vous  y  trouvée  chose  qui  meritast  la  collation  entière  poui* 
en  prendre  les  suppléments  ou  diverses  leçons,  je  laisse  à  vostre  disjK)- 
sition  d'y  faire  travaiUei-  chez  vous  par  quelque  jeune  homme  de 
lectres  à  qui  je  feray  donner  quelque  recogrioissance  de  la  main  d* 
M''  d'Aubery  ',  car  je  ne  vouldrois  pas  vous  avoir  donné  cette  peine  à 
vous  mesme,  combien  qu'elle  vous  pourra  servir  à  autre  chose  puis  que 
j'entends  que  Ms'^  le  Cai'd'  Barberin  faict  faire  grande  recherche  en 
divers  lieux  de  touts  mss.  de  conciles  grecs  et  latins,  à  quoy  je  tascheray 
de  le  servir  de  mou  |>ouvoir  et  crédit  dont  j'attends  responce  de  divers 
endroicts  où  j'en  ay  escript  à  mes  amys.  Excusez  moy  de  tant  de  peine 
et  me  commandez  en  revanche  comme  à  celuy  qui  est  et  sera  à  jamais, 
Monsieui', 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 

DE  Pe1R£SC. 
D'Aix,  ce  35  nov.  1627  '. 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
J'ay  eu  cez  jours  passez  le  bonheur  de  rencontrer  un  ancien  MS. 
grec,  assez  curieux  pour  mériter  de  n'estre  pas  supprimé,  dont  j'ay 
creu  vous  debvoir  donner  advis.  Il  €sl  fort  gros  en  très  beau  vellin  et 
d'assez  bonne  marque,  ayant  afforce  majuscules  et  tout  plein  de  lettres 
d'or,  monstrant  d'estre  de  six  à  sept  ceiits  ans.  Et  la  relieure  est  bien 
de  200  ans,  en  i'estat  qu'elle  est,  avec  quelques  transpositions  de 
cahiers  un  peu  importunes^.  Ce  sont  des  Eclogues  ou  extraicts  tirez 

'  Sur  Louis  Aubery,in9crif>leur  des  bulles  "  Bibliollièque  Barberini ,  vol.  79,  pièce 

apostoliques,  voir  les  tiois  (oiufls  du  même  n°  U. 

recueil ,    passùn.    Cf.    Uolstenii    epàtahe,  '  Peiresc  a  décrit  plusieurs  lois  daus  sa 

p.  "J  7 .  correspondance  avec  un  joyeux  enthousiasme 


[Î627]  À  HOLSTENIUS.  251 

de  quattorze  différants  historiens  grecs,  sur  le  subject  des  actions  ver- 
tueuses ou  vicieuses  plus  célèbres  dans  l'antiquité,  à  sçavoir  de  Josephe, 
Georgius  Monachus,  Joannes  Malela,  Joannes  Antiochenus,  Diodorus 
Siculus,  Nicolaus  Damascenus,  Hérodote,  Thucidide,  Xenophon,  Ar- 
rianus,  Dioiiysius  Halicaniasseus,  Polybe,  Appian  et  Dion',  dont  il  v 
a  beaucoup  de  fragments  non  imprimez  jusques  à  présent,  ou  dcsquelz 
se  pourra  je  m'asseure  tirer  de  très  boinies  corrections  et  restaurations 
des  lieux  plus  dépravez  dans  les  éditions  que  nous  en  avons,  connue 
je  l'ay  desjà  vérifié  en  plusieurs  endroicts.  Ce  que  j'y  trouve  de  meilleur 
est  du  Polybe  d'où  sont  tirées  de  très  bonnes  pièces,  dans  les  livres 
(jue  nous  n'avons  plus.  J'estime  bien  aussy  ce  qui  y  est  de  la  fin  de 
l'histoire  romaine  de  Dionys[ius]  Halycar[nasseus]  des  guerres  de  Pyr- 
rus,  jusques  où  Photius  tesmoigne  qu'il  avoit  continué  d'oscrire  bien 
que  nous  n'en  ayons  rien  d'imprimé  au  dessoubs  du  temps  des  loix 
des  XII.  Tables.  Nous  y  avons  le  commencement  de  celle  d'Appian  et 
de  son  premier  livre  que  ledict  Photius  dict  estre  de  l'Histoire  des  Roys 
de  Rome,  d'où  il  tire  conjecture  du  surnom  de  Basilique,  lequel  se 
trouve  attribué  à  ladicte  histoire  dans  ce  MS. ,  voire  continiié  jusques 
à  la  guerre  illyrienne,  qui  est  bien  prez  des  derniers  ouvrages  dudicl 
Appian  que  nous  avons  conservez  jusques  à  présent,  car  des  derniers 
il  n'y  en  a  rien  en  ce  volume.  Et  tousjours  avons  nous  icy  le  texte 
grec  de  quelques  passages  de  cette  guerre  illyrienne  dont  nous  n'avions 
que  la  version  latine.  Ce  que  nous  y  avons  aussy  du  commencement  du 
Dion  Cassius,  n'est  pas  à  négliger,  puis  qu'il  estoit  totalement  perdu 
jusques  à  cette  heure,  et  au  lieu  que  de  la  fin  il  ne  s'estoit  imprimé  que 
l'épilorae  de  Xiphilen-,  nous  pomTons  par  ce  MS.  icy  en   restituer 

\e  maniiFcrit  de  Constantin  Poiphyrogénète  '  Jean  Xipliilin ,  neveu  du  patriarche  de 

(voir    surtout    le    recueil   Peiresc-Dupuy  Constantinopie  portant  le  même  nom  et  le 

t.  I,  II  et  111,/MwsiJrt),  mais  nulle  part  il  ne  même  prénom  (xi*  siècle),  a  laissé  un  A brégë 

l'a  de'crit  d'une  fnçon  aussi  détaillée.  de  YHistoire  romaine  de  Dion  Cassius  que 

'  Tous  ces  auteurs  sont  indiqués  dans  la  Ion  a  joint  h  toutes  les  éditions  de  ce  der- 

Tabk  alphabkique  des  noms  de  lieiu;  et  de  mcv  liislorien.   VOir  le  Manuel  du  lihravc, 

personnes  mise  J»  la  lin  du  tome  111  du  re-  aux  articles  Wo  Cns.si'us  et  Ai/>Ai7iVu«.s(Jo«u.). 

cueil  Peiresc-Dupuy.  On  a  dit  par  erreur  que  VAIn^éàe^  Xipliilin 

.Ha. 


252  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

plusieurs  bons  fragments  du  texte  mesrne  de  l'autheur.  Il  y  a  par  aprez 
quelques  cahiers  tirez  de  l'histoire  de  ce  Nie.  Damascenus  dont  Au- 
guste et  Herode  faisoient  tant  de  cas,  et  dont  nous  avions  bien  peu  de 
chose  allégué  dans  quelques  aulheurs  postérieurs.  Et  y  a  encores  une 
bonne  pièce  de  ce  qu'il  avoil  faict  à  part  de  la  vie  de  Gesar.  11  y  manque 
quelques  feuillets,  entre  lesquels  est  la  fin  de  Diodorus  Siculus  que  je 
plains  bien  et  le  commencement  dudict  Nie.  Damascenus,  où  je  ne 
double  pas  qu'il  ne  se  fust  trouvé  de  bonnes  choses  que  nous  n'avons 
plus  depuis  de  longues  années.  Il  y  manque  aussy  le  commancement  et 
fin  des  Extraits  d'Arrianus  et  le  commancement  de  ceux  de  Dionysius 
Halicarnasseus,  mais  je  ne  les  plains  guieres  puis  qu'on  en  a  vraysem- 
blablement  d'ailleurs  ce  qui  en  pouvoit  avoir  esté  extraict  littéralement. 
Il  commence  par  les  histoires  sacrées,  et  puis  prend  celles  qu'il  appelle 
catholiques  desdicts  Diodore  et  Nicolaus,  et  en  suitte  l'histoire  grecque 
d'Hérodote,  Thucidide,  Xenophon  et  Arrian,  finissant  par  lesdicts 
quattre  écrivains  grecs  de  l'histoire  romaine.  Des  quattre  premiers 
nous  avons  le  Josephe  assez  commun,  mais  des  autres  trois,  bien  que 
assez  modernes,  je  ne  sçay  pas  qu'il  y  en  ait  i-ien  d'imprimé.  Le  Geor- 
gius  Monachus  commance  à  Abel  et  finit  à  Theoj)hile  emp[ereur].  Le. 
Joannes  Malela  m'estoil  tout  à  iaicl  incogneu,  et  prenant  depuis  les 
géants  vient  jusques  à  l'empereur  Anastase.  Le  Joannes  Antiochenus 
est  allégué  par  vostre  P.  Gillius',  et  commance  par  Hercule,  conti- 
nuant seulement  jusques  à  l'empereur  Phocas.  En  somme  j'espère  qu'il 
s'en  tirera  quelque  chose  de  bon  Dieu  aydant,  et  vouldrois  bien  que 
nous  eussions  le  second  volume  compilé  en  mesme  temps  sur  la  mesme 
matière,  d'autres  aulheurs  difl'erents  comme  il  est  vraysemblable.  Ge- 
luy  cy  est  cotté  comme  estant  le  premier  en  teste  de  la  préface,  au 


a  été  traduit  en  latin  par  le  cardinal  d'Ar-  '  Sur  Pierre  Gilles,  qui  lui  aussi  fut  atta- 

magnac   (Paris,    Robert    Estienne,   i55i,  ché  à  la  maison  du  cardinal  d'Armagnac, 

in-4°);  le  titre  même  indique  que  l'auteur  voir  pnssim  les  trois  tomes  du  recueil  Pei- 

de  la  traduction  est  Guillaume  Blanc,  un  resc-Dupuy,  mais  surtout  le  tome  I,  p.  187. 

des  secrétaires  du  cardinal  :  cum  lalina  in-  Cf.  deux  notes  de  Boissonade  dans  son  Hol- 

terpretatione  Guil.  Blnnci.  stenius  (p.  64  et  p.  72). 


[1627]  À  HOLSTENIUS.  253 

bout  de  laquelle  on  renvoyé  le  lecteur  à  un  second  volume.  Mais  il 
seroit  bien  plus  à  désirer  de  recouvrer  touts  les  autres  volumes  com- 
pilez en  niesme  temps,  sur  les  aultres  matières,  soubs  lesquelles  l'em- 
pereur Constantin  Porphyrogencte  avoit  voulu  rcstraindre  quasi  toute 
sorte  de  livres  principalement  d'histoire.  Dont  le  volume  des  Eclogues 
des  Légations  en  faisoit  une  partie.  Car  ils  sont  si  asseurement  faicts 
en  mesme  temps  l'un  et  l'autre  que  la  mesme  préface  que  D.  Hœsche- 
lius  a  imprimée  en  teste  desdictes  Eclogues  des  Légations  est  insérée 
de  mot  à  mot  en  teste  de  ce  volume  icy,  sans  différence  quelconque  si 
ce  n'est  en  ce  qu'au  lieu  du  tiltre  qui  est  énoncé  en  celle  là  [IIEPi 
nPESBEIÎÎN  etc.]  icy  est  subrogé  le  titre  de  cette  compilation  icy 
[nEPi  ÀPETHS  KAÎ  KAKÎA^;],  et  au  lieu  qu'en  celle  là  est  cotté  que 
le  tiltre  IlEPi  IlPESBEIilN  est  le  x-wn"""^  entre  les  cinquante  trois,  soubs 
lesquels  le  prince  avoit  voulu  distinguer  toutes  ses  matières,  en  celle  ci 
est  faicte  mention  que  le  tiltre  OEPl  ÀPEÏHS  KAI  KAKIA2  estoit  le 
cinquantiesnie;  pour  tout  le  reste  ce  sont  les  mesmcs  mots  et  les 
mesmes  syllabes,  si  ce  n'est  pour  le  rooUe  des  autheurs  qui  est  mis 
en  suitte  de  ladicte  préface,  qui  est  relatif  respectivement  aux  autheurs 
d'ofi  sont  tirées  tant  les  unes  que  les  autres  desdictz  Eclogues  ou  Col- 
lections. Je  dressay  à  la  pi-emiere  veue  de  ce  MS.  un  petit  mémoire 
que  j'ay  envoyé  à  M""  du  Puy,  des  noms  des  autheurs  et  des  œuvres 
cottées  en  divers  endroicts  du  volume,  pour  pouvoir  prendre  un  peu  de 
jugement  du  contenu.  J'en  fis  retenir  une  coppie  par  mon  homme 
avant  qu'envoyer  ma  minute,  telle  qu'il  la  sçeut  transcrire  à  la  haste; 
je  vous  l'envoyé  et  vous  excuserez  l'escrivain.  Mais  je  vous  envoyé  aussy 
quelques  articles  de  chascun  desdicts  autheurs  à  part,  sur  lesquels 
vous  pourrez  prendre  de  meilleurs  fondements  et  recognoistre  que  le 
compilateur  ou  le  copiste  n'a  pas  esté  soigneux  de  cotter  lousjours  les 
livres  d'où  sont  tirez  ces  extraicts.  Et  de  faict  il  paroit  bien  que  plu- 
sieurs desdites  cottes  ont  esté  adjoutées  postérieurement,  aprez  la  tran- 
scription du  texte,  possible  en  intention  de  les  faire  en  rubrique  ou 
lettre  d'or,  ce  qui  a  depuis  esté  suppléé  comme  on  a  peu  par  succes- 
sion de  temps,  et  à  bastons  rompus  comme  il  est  advenu  en  plusieurs 


254  LETTRES  DE  PEIRESC  [t(J27} 

anciens  MSS.  et  comme  on  pracliquoit  eucores  aux  premiers  cssays 
d'imprimerie,  où  l'on  laissoit  du  blanc  aux  lettres  capitales  des  libvres 
et  cliapitres,  pour  les  remplir  de  cadeaux  et  eidunnneures.  Or  entre 
les  d[ites]  cottes  j'y  en  ay  trouvé  une  douzaine  qui  renvoyent  à  d'autres 
matiei-es  comprinses  en  autres  volumes  que  j'estime  eslre  de  celles 
dont  a  esté  composé  le  susdit  nombre  de  LUI.  différentes  sections, 
de  cez  grandes  compilations  ordonnées  par  ledict  Constantin  empe- 
reur et  vraysemblableraent  achevées  puisque  l'on  estoit  desjà  parvenu 
à  la  cinquantiesme  en  travaillant  à  celle  cy.  Hœschelius  dict  qu'il  en 
estoit  pareillement  cotté  quelques  unes  au  marge  de  son  MS.  des  Léga- 
tions, de  sorte  qu'entre  les  unes  et  les  autres  il  s'en  peult  bien  suppléer 
une  vingtaine.  Je  crois  qu'il  ne  seroit  pas  inutile  de  les  sçavoir  toutes 
LUI.  parce  que  nous  avons  possible  en  divere  lieux  plusieui*s  volumes 
soubs  lesdicts  tiltres  qui  en  dépendent,  et  qui  ne  sont  pas  tant  prisez 
de  nous,  à  faulte  que  les  noms  des  autlieurs  d'oi!l  sont  tirées  les  pièces 
particulières  n'y  sont  pas  tousjours  cottez.  J'eusse  désiré  d'apprendre 
le  nom  de  ce  compilateur  ou  autheur  de  préface  que  ledict  Hœsche- 
lius nomme  Theodose,  et  Fulvius  Orsinus'  Joannes  Constantinopoli- 
tanus,  sans  toutesfoys  loser  soubstenir  trop  affirmativement.  Mais  il  • 
semble  qu'il  ayt  affecté  de  cacher  et  supprimer  son  nom,  pour  n'y 
laisser  paroistre  que  le  nom  de  ce  prince,  pour  l'en  faire  demeurer 
l'autheur,  ou  authoriseur,  comme  Theodose  et  Justinian  de  leurs  Codes. 
Et  comme  aulcuns  ont  estimé  qu'eust  voulu  faire  l'ayeul  de  ce  prince 
icy  des  Basiliques,  bien  que  Léon  son  successeur  les  eust  achevées 
et  publiées,  et  que  ce  Constantin  les  eust  remises  en  meilleure  forme, 
tant  est  que  cette  compilation  que  nous  avons  des  autheurs  geopo- 
niques,  qui  court  soubs  le  nom  de  ce  mesme  prince,  monstre  bien  la 
vanité  qu'il  se  donnoit  de  pareilles  entreprinses.  Et  s'il  se  peult  par 
les  termes  de  la  préface  y  contenue  (pareillement  sans  expression  du 
nom  de  l'autheur),  on  peult  conjecturer  que  la  première  pensée  de  ce 
prince  fut  de  restaurer  la  philosophie,  et  la  Rethorique,  d'où  viennent 

'  Sur  Fulvio  Oi-sitii  voir  passiin  les  deux  premiers  tomes  du  recueil  des  Lettres  de  Peiresc 
mur  frères  Dupin/. 


[16-27]  À  HOLSTENIUS.  255 

possible  lesdictz  assemblages  d'anciens  orateurs  et  scholiastes  d'Aris- 
tote,  qui  sont  parvenus  jusques  à  ces  derniers  siècles.  Et  qu'ayant  prins 
goust  à  cez  occupations  (comme  il  estoit  en  grand  loisir  et  oysiveté, 
pendant  l'administra  lion  de  Homanus  Lecapcnus,  qui  ne  laissoit  quasi 
que  le  nom  d'empereur  durant  longues  années)  et  s'entretenant  parmy 
ces  livres  et  les  gens  d'estude,  il  voulut  restaurer  aussy  la  politique, 
ainsin  que  raconte  l'autheur  de  ladicte  préface,  et  la  diviser  en  trois 
classes,  de  la  milice,  du  sacerdoce,  et  de  l'agriculture,  ce  qui  coraprent 
les  trois  ordres,  dont  il  donne  la  préférence  à  la  milice  possible  à  cause 
que  la  royaulté  et  souveraineté  faict  portion  d'icelle.  Or  cette  pièce  de 
l'agriculture  est  composée  de  paroles  de  divers  autheurs  qui  y  sont  bien 
souvent  alléguez,  et  souvent  obmis,  possible,  par  deffault  des  co])pistes. 
et  possible  aussy,  pour  n'estre  réitérez  quand  ils  dependoient  de  l'au- 
theur mentionné  au  precedant  chappitre,  sans  que  le  compilateur  y 
ayt  adjousté  possible  que  les  seuls  tiltres.  Et  Janus  Cornarius'  qui  en 
a  faict  la  traduction  dict  que  son  MS.  grec  n'avoit  aulcun  nom  d'au- 
tlieur  ni  aulcun  tiltre  gênerai,  et  que  c'est  luy  qui  l'a  donné  à  l'emp. 
Constantin  (bien  qu'il  prenne  l'un  pour  l'autre)  pour  s'accommoder  à 
l'intention  de  l'autheur  de  ladicte  préface.  Cez  trois  pièces  qui  ont  esté 
imprimées  soubs  le  nom  de  ce  prince  par  Meursius,  Vulcanius  et  Mo- 
rel  '\  concernant  l'administration  de  l'empire  et  le  desparleinent  des  pro- 
vinces tant  de  l'Oriant  que  de  l'Occidant,  pourroient  bien  estre  plus 
vraysemblablement  de  la  façon  d'un  empereur,  attendu  que  le  prince 
y  parle  directement  en  propre  persone  en  la  préface  et  au  commen- 
cement du  texte,  s'adressant  à  son  lilz  pour  ledict  livre  de  l'administra- 
tion de  l'empire.  Mais  j'y  ay  trouvé  des  endroicts,  où  l'autheur  semble 
parler  dudict  empereur  en  tierce  persone,  desduisant  ses  alliances  et  de 
son  filz.  Ce  qui  me  faict  craindre  que  l'autheur,  pour  flatter  ce  prince, 
ait  depuis  adjousté  en  teste  cez  paroles  d'adresse  au  filz  au  nom  du 
père,  pour  donner  plus  de  crédit  à  l'ouvrage,  sans  se  ressouvenir  de 

'  Sur  le  mëdecin  alleinaïul  J.  Cornarius,  '   Sur    les    trois    (*rudits  P.    Meui-sius, 

traducteur  des  Géoponiques  (Bâle,  t538),  B.  Vulcauius  et  F.  Morel,  voir  le  recueil  Pei- 
voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  I,  p.  iig).        resc-Dupuy  (t.  I,  p.  Miç)). 


256  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

corriger  les  autres  endroicts  du  livre  oiî  il  en  parloit  en  autres  termes. 
Quant  aux  autres  deux  livres  de  Thematibus,  il  n'y  a  poinct  d'adresse 
particulière,  comme  au  précédant,  cequisembloit  exclurre  aussy  facile- 
ment ce  prince  de  cette  prétention  d'en  estre  l'autheur,  comme  des 
autres  compilations,  mais  j'y  ay  neantmoings  trouvé  quelque  endroict, 
où  il  parle  des  actions  de  son  père,  qui  pourroit  bien  me  faire  con- 
descendre à  luy  laisser  cette  gloire  qu'il  a  tant  affectée,  bien  que  ces 
petits  mots  puissent  facilement  avoir  esté  accommodez  à  sa  personne, 
depuis  qu'il  en  peult  avoir  faict  l'adveu.  Et  quoyque  ce  puisse  estre,  ce 
sont  toujours  des  appartenances  de  la  Milice  qu'il  avoit  voulu  renou- 
veller  et  restaurer,  aussy  bien  que  l'agriculture.  Voire  oserois  je  soubs- 
tenir  que  ces  assemblages  dautheurs  Tactiques,  qui  se  trouvent  en 
diverses  bibliotbèques,  et  dont  aulcuns  ont  esté  imprimez  peu  à  peu, 
viennent  de  luy,  et  ce  qui  m'y  confirme  davantage,  est  l'affectation  qui 
y  paroit  d'y  avoir  inséré  ce  qui  est  soubs  le  nom  de  son  père  Léon  et 
soubs  le  sien  propre.  Et  le  tiltre  des  stratagèmes  de  guerre,  soubs  lequel 
s'estoit  pareillement  faict  des  recueils  tirez  dez  bistoriens  comme  il  se 
collige  des  renvoys'  mis  aux  marges  des  Eclogues  [tant  des  Légations 
que  de  la  Vertu  et  du  Vice]  n'a  rien  d'incompatible  à  tout  cela,  ains . 
en  ayde  bien  la  conjecture  jointe  à  ce  que  dict  l'autbeur  de  la  préface 
des  Geoponiques,  qu'il  avoit  voulu  restaurer  et  renouveller  non  seule- 
ment la  philosophie  et  la  rethorique,  mais  aussy  toutes  les  autres 
Sciences  et  arts  liberaulx.  Et  de  faict  on  void  par  une  autre  compila- 
lion  ou  epitome  des  Aliments,  dont  le  MS.  grec  est  conservé  en  la 
Bibliothèque  de  S'  Sauveur  de  Bologne,  qu'il  est  pareillement  attribué 
au  mesme  Constantin.  Ce  qui  monstre  que  sa  curiosité  estoit  passée 
jusques  à  la  médecine,  et  possible  aussy  que  les  assemblages  d'anciens 
autheurs  grecs  de  la  médecine  ont  esté  pareillement  faicls  de  son  au- 
thorité,  et  par  mesme  moyen  les  autres  semblables  recueils  des  autheurs 
de  la  musique,  et  autres  sciences  ou  arts  liberaulx,  dont  j'ay  autreffois 
veu  divers  volumes  en  la  bibliothèque  du  s'  Gio.  Vincenzo  Pinello  ',  et 

Sur  le  grand  tiibliopliile  Jean-Vincent  Pinelli ,  voir  tes  trois  tomes  du  même  recueil , 
passim. 


[1627]  À  HOLSTENIUS.  257 

autres.  Que  si  je  les  revoyois  à  présent,  possibley  descouvrirois  je  d'autres 
vestiges,  ou  adminicules  cappables  de  confirmer  davantage  cette  mienne 
conjecture,  aussytost  que  de  la  destruire.  Car  je  ne  songois  pas  lors  à 
prendre  garde  à  cela.  C'est  pourquoy  je  vous  prie  d'y  songer  dez  hors 
mais  quand  vous  en  rencontrerez  soit  dans  le  Vatican,  ou  chez  le  car- 
d[in]'''  Colonne',  ou  à  Florence  et  Venize  quand  vous  y  pourrez  aller. 
Et  qui  plus  est,  je  pense  qu'il  seroit  fort  à  propos  de  bien  examiner  dans 
lesdictes  bibliothèques  touts  les  recueils  de  diverses  pièces  de  mesme 
matière,  et  de  lieux  communs,  principalement  s'il  y  en  a  soubs  les 
tiltres  jà  descouverts  dudit  nombre  de  LUI.  ou  autres  qui  y  peuvent 
cadrer.  Car  si  tels  recueils  se  trouvent  composez  comme  ceux  des  Lé- 
gations, et  de  la  Vertu,  des  seules  paroles  des  anciens  autheurs,  leur 
crédit  en  seroit  bien  plus  grand ,  et  l'utilité  qui  s'en  pourroit  retirer, 
par  la  restauration  des  œuvres  de  tant  de  grands  personnages,  dont  il 
vault  encores  mieux  avoir  des  simples  fragments  et  parcelles  que  do 
n'en  avoir  rien.  Je  n'ay  poinct  encores  veu  avec  ce  dessein  les  Eclogues 
qui  se  trouvent  de  S.  Maximus-,  soubs  divers  tiltres,  fort  approchants 
de  ceux  qu'avoit  choisy  cet  empereur,  et  mesme  il  y  en  a  soubs  le  mesme 
tdtre  de  Virtute  et  Vitio,  dont  vous  pourriez  bien  vous  esclaircir  aux 
MSS.  qui  en  sont  conservez  dans  le  Vatican,  comme  j'ay  autreffoys  veu 
sur  un  vieil  roolle  de  cette  Bibliothèque  faict  du  temps  de  pp.  Clé- 
ment VII  (nura"  627  de  la  II"""  planche  et  1682  de  la  V""^  planche). 
Non  que  je  ne  croye  bien  que  ce  Maximus  est  plus  ancien  que  cet  em- 
pereur, mais  ses  ouvrages  pouvoient  bien  avoir  servy  de  modèle,  et 
estre  depuis  employez,  parmy  les  autres  compilations  faictes  de  l'autho- 
rité  de  ce  prince.  On  pourroit  par  mesme  moyen  voyr  si  c'est  la  mesme 
chose  qu'aulcuns  attribuent  à  Maximus  Planudes,  ou  si  ce  sont  choses 
différentes,  et  si  les  recueils  de  Planudes  pourroient  estre  tirez  de  ceux 
de  ce  Constantin.  Et  puis  que  vous  y  serez,  je  suis  bien  d'advis  que  vous 
voyez  aussy  une  apologie  soubs  le  nom  de  ce  mesme  Porphyrogenete, 

'  Sur  le  cardinal  Jérôme  Colonna,  voirie        Planudes  Maximus,   selon  une  conjecture 
recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  1,  p.  616.  de  Peiresc  que  l'on  va  trouver  quelques 

'  Peut-être  le  moine  grec  du  xiv"  siècle ,        lignes  plus  loin. 

T.  .SS 


258  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

consenrée  au  Vatican  en  la  seconde  planche  num"  677.  selon  le  susdict 
catalogue,  pour  voir  s'il  y  auroit  rien  qui  toucliast  ses  œuvres,  ou  ce 
qu'il  auroit  ordonné  en  matière  de  livres. 

Il  est  meshuy  temps  que  je  finisse  mes  importunitez,  et  que  je  vous 
prie  d'excuser  cette  mienne  proiixté  (sic),  avec  prière  de  vouloir  faire 
part  à  Dom  du  Puy,  à  M'  Aleandro  et  à  M'  Suarez  ■  de  ce  que  je  vous 
envoyé,  tiré  de  ce  MS.  afin  d'en  avoir  leur  sentiment,  et  si  vous  jugez 
(|ue  Monseig'  le  Gard"'  n'eust  pas  désagréable  d'en  ouyr  parler  je  laisse 
à  vostre  discrétion  de  l'en  entretenir  selon  la  commodité  que  vous  en 
trouverez,  et  que  vous  le  conseilleront  lesd.  s"  Aleandre  (sic)  et  Sua- 
rez. Sur  quoy  je  demeureray, 

Monsieur, 

Tostre  trez  humble  et  affectionné  serviteur, 
DE  Peibesc. 

D'Aix,  ce  3o  dec.  1697,  avanl  veille  de  l'an  nouveau  que  je  vous  souhaicte  plu» 
heureux  que  touls  les  précédants  '. 

J'oubliois  de  vwis  dire  que  ce  volume  MS.  est  si  gros  et  si  espois, 
qu'il  s'en  peult  tirer  conjecture  qu'il  n'y  manque  pas  grand  nombre  de 
feuillets,  attendu  que  la  grosseur  eust  esté  quasi  incompatible.  Il  faull 
que  je  pragne  le  loisir  de  le  faire  descoudre  par  mon  relieur  en  ma 
présence,  pour  tascher  de  remestre  en  leur  place  les  cahiers  transpo- 
sez et  lors  nous  jugerons  mieux  de  la  perte  qui  se  peult  estre  faicte. 
Je  vous  souhaicterois  bien  prez  de  moy  durant  cette  besoigne,  comme 
plus  versé  à  recognoistre  la  diversité  du  style  de  tous  cez  autheurs,  car 
il  n'y  a  point  de  reclame. 

'  Dom  Ghrislqjhe  Dupuy  et  Josepb-Ma-  sur  le  premier  (p.  3o)  el  sur  le  second 

rie  Suarez  sont  plus  de  cent  fois  eite's  dans  (p.  126). 

nos  quatre  premiers  volumes.  Je  n'ajoute  "  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

ici  que  In  mention  des  notes  de  Boissouade  n°  5. 


[1627] 


À  HOLSTENIUS. 


259 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
J'av  receu  la  vostre  du  26  du  passé  ensemble  un  exemplaire  de  voz 
beaux  vers  S  qui  m'ont  fourni  un  nouveau  subject  de  Irez  grand  con- 
tentement, à  relire  une  si  excellente  pièce,  laquelle  avoit  acquis  une 
nouvelle  grâce,  par  l'advantage  que  les  caractères  d'imprimerie  ont  sur 
les  copies  MSS'"  et  par  le  supplément  de  vœux  que  vous  y  aviez  ad- 
jousté  avec  tant  de  bienséance.  Ils  ont  esté  fort  estimez  et  admirez  de 
tout  ce  que  nous  avons  de  genlz  doctes  en  ce  pais  icy,  comm'  en  elTect 
il  ne  se  peult  rien  voir  de  plus  noble  ne  de  plus  gentil  en  cette  sorte 
d'ouvrages.  Et  ne  fault  poinct  que  vous  ayez  aulcun  regret  que  j'aye 
veu  vostre  premier  autographe,  quelque  altération  que  vous  y  ayez 
depuis  voulu  taire  par  modestie  ou  pour  autres  respects  quelquonques, 
car  je  repute  à  bonne  fortune  moy  d'avoir  eu  ce  bien  et  en  ay  estimé 
de  tant  plus  un  si  digne  fruict  de  vostre  vertu  et  de  vostre  génie ,  dans 
son  originaire  vigueur  et  dans  sa  grâce  primitive.  C'est  pourquoy  je 
vous  en  rends  mes  trez  humbles  remerciments  redoublez  oultre  ceux 
que  j'en  fis  dernièrement  à  Monseigneur  le  Gard"'  à  qui  j'en  ay  eu  la 
première  obligation.  Nous  avons  icy  un  jeune  homme  nommé  Remy^ 
dont  le  P.  Vassan  Dom  Jean  de  S'  Pol*  m'avoit  autrefoys  faict  grand 
cas,  lequel  a  faict  un  petit  poème  sur  le  mesme  subject,  en  tesmoi- 
gnage  de  la  vénération  qu'il  porte  au  nom  de  Barberin\  Mais  l'impri- 


'  Hendecasyllabi  in  nuptias  Th.  Barberini 
et  An.  Columnœ. 

'  Voir  sur  Abraham  Ravaud,  dit  Rémi 
ou  Reiny,  qui  ëtail  alors  chai^d  h  Aix  de 
réducation  des  enfants  du  premier  prési- 
dent d'Oppède,  le  recueil  Peiresc-Dupuy, 
t.  I  et  II,  pnssim.  Le  futur  professeur  nu 
collège  royal  e'tuit  Lien  un  jeune  homme,  car, 
ni^  au  mois  de  mars  1600,  il  n'avait  alors 


que  vingt-six  ans.  Cf.  une  note  de  Bois- 
sonade  (p.  hj). 

'  Voir  sur  le  P.  Jean  de  Vassan  irnssim 
les  trois  tomes  du  recueil  Peiresc-Dupuy. 
Cf.  une  note  de  Boissonade  (p.  io4). 

'  EpiOwlamimn  Thadœi  Barbei-iniet  Aimœ 
Columnœ.  Voir  sur  ce  poème  la  note  a  de  lu 
page  li']8  du  tome  I  du  recueil  Peiresc-Du- 
puy (lettre  du  8  janvier  1698).  Cf.  la  lettre 

;}3. 


260  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

ineur  ne  luy  ayant  pas  tenu  parole,  je  ne  crois  pas  qu'il  puisse  estre 
achevé  de  tirer  de  la  presse  à  temps,  pour  en  envoyer  par  cet  ordi- 
naire. Il  fauldra  attendre  le  prochain.  11  admire  infiniment  vostre  gé- 
nie et  vostre  félicité  en  voz  vers,  et  en  l'expression  accomplie  de  si 
nobles  conceptions  et  pensées  comme  sont  les  vostres,  et  trouve  bien 
des  gens  de  son  advis.  Au  surplus  je  ne  puis  que  louer  vostre  soing  à 
restaurer  le  Porphyre,  mais  je  ne  pense  pas- que  vous  puissiez  persua- 
der ces  Mess"  du  S'  Office  de  par  de  là  d'en  souffrir  l'édition  de  là  les 
monts  \  si  ce  n'estoit  à  Venize;  encores  y  auroit  il  bien  de  la  difficulté 
à  mon  advis,  ce  qui  me  faict  plaindre  un  peu. la  peine  et  le  temps  que 
vous  y  employez  présentement,  de  crainte  qu'il  ne  retarde  de  tant  plus 
l'edilion  de  voz  Homélies \  laquelle  ne  peult  estre  que  très  bien  receiie 
généralement  partout.  Et  encores  celle  de  voz  géographes  que  j'eslime- 
rois  beaucoup  plus  que  tout  le  reste,  principalement  si  vous  la  pouvez 
orner  des  carthes  nécessaires,  sans  les(|uelles  il  manqueroit  à  cet  ou- 
vrage ce  qui  y  peult  estre  de  plus  agréable  et  de  plus  utile,  pour  con- 
server la  mémoire  locale  de  ce  qui  se  trouvera  de  plus  digne  en  chasque 
autheur.  J'avois  autres  foys  voulu  disposer  le  bon  homme  Bertius' 
d'entreprendre  quelques  carthes  de  l'antiquité,  différentes  selon  la  di-. 
versité  des  sentiments  de  ceux  qui  ont  descript  le  monde  ou  (juelque 
porcion  d'iceluy.  Entr'autres  une  ou  plusieurs  selon  la  doctrine  et  les 
suppositions  de  Pline,  et  ainsin  des  autres  anciens  aulheurs,  soit  pour 
Strabon,   Solin,  Mêla,  Pausanias,   Stephanus,   Arrianus  (principale- 

(le  Holslenius  à  Peiresc  du  à  février  i6a8,  sum  in  Porphyrio  adornando,  si  per  scru- 

où  (p.  47)  il  juge  ainsi  son  concurrent:  pulosam  leligionera  eorum  quibus  libroruin 

tDu.  Renimii  elegautissinuim  ingenium  sa-  examen  hic  commissum  est,  in  lucem  pro- 

lis  mirari  etexosculari  neque»;  plaçait  mihi  ferre  liceal.fl 

inprimis  facilitas   carminis   et  nativa  eie-  '  Holslenius  (p.  34)  avait  entretenu  Pei- 

gantia.i    Voir    (p.   tij-li8)    nne   note   de  resc  de  cent  homélies  des  pères  grecs  tquas 

Boissouade  sur  Je  poète  Hemi  oîi  sont  cites  ingenti  labore   ex   bibliothecarum  latebris 

Adrien   Baillet,    Ménage,  l'abbé   de   Ma-  erui». 

roUes,  l'abbé  Goujet,  Fauris  de  Saint-Vin-  '  Sur  le  géograplic  Pinre  Berlius,  voit- 
cens,  etc.  diverses  mentions  dans  les  deux  premiers 
Holstenins  avait  dit  (lettre  du  xr  des  tomes  du  recueil  Peiresc-Dupuy.  Cf.  Bois- 
calendes  d'octobre,  p.   33)  :   rrJam  totus  sonode  (noie -2,  p.  aSi  ). 


[1627]  À  HOLSTENIUS.  -261 

ment  pour  sa  mer  rouge  et  son  expédition  d'Alexandre),  soit  pour  cez 
autres  petits  géographes  grecs  qui  estoient  dans  la  bibliothèque  du 
roy,  en  conservant  iousjours  tant  que  faire  se  pourroit  la  vraye  figure 
des  terres,  et  rivières,  et  y  acconiinodant  seulement  les  noms  anciens. 
11  avoit  desjà  commancé  par  la  carthe  de  ce  géographe  Arabe  nubien, 
qui  luy  estoit  fort  bien  réussie,  et  s'amusa  depuis  à  la  traduction  des 
œuvres  du  card*'  Du  Perron  qui  interrompit  ce  bon  dessein,  auquel  il 
n'a  jamais  eu  moyen  depuis  de  se  remettre,  à  mon  grand  regret'.  Mais 
si  vous  vous  y  pouviez  resouldre  vous  niesmes,  ce  seroit  bien  autre 
chose  que  tout  ce  qui  peult  venir  de  sa  main.  L'une  des  choses  qui  luy 
fiicilitoient  son  entreprinse,  estoit  qu'il  a  fort  à  commandement  le 
crayon,  ou  le  dessein  de  porlraicteure  tel  qui  peult  estre  i-equis  pour 
la  géographie.  Je  ne  sçay  si  vous  n'y  avez  poiuct  prins  quelque  habi- 
tude aussy,  qui  seroit  un  grand  advancenient,  mais  quand  cela  ne  se- 
roit pas,  tousjours  y  pouvez  vous  mieux  réussir  que  tout  autre  quand 
vous  ne  feriez  qu'ordonner  à  un  peindre.  Si  vous  me  faictes  la  faveur 
de  m'envoyer  le  roolle  des  autheurs  que  vous  entendez  comprendre  en 
vostre  compilation,  vous  m'obligerez  sans  doubte  beaucoup  plus  que 
s'il  nous  fault  attendre  l'édition  qui  peult  Irainer  si  long  Iraict.  Mais  je 
ne  vouldrois  pas  que  vous  y  trouvassiez  de  rincommodité.  Quant  au 
Dionysius  Byzantins-,  je  ne  m'cstonne  poinct  que  vous  en  laciez  si 
grand  cas  comme  vous  faictes,  estant  tel  qu'on  le  peult  juger  par  les 
parcelles  dont  s'est  servi  P.  Gillius  *.  Ce  seroit  grand  dommage  s'il 
estoit  perdu.  Je  feray  de  bon  cœur  tout  ce  qui  me  sera  possible,  pour 
taschcr  de  le  vous  faire  avoir  s'il  est  en  main  de  persone  tant  soit  peu 
traictable.  J'en  ay  desjà  escript  en  beaucoup  de  divere  endroicts,  et 
je  n'en  ay  rien  peu  apprendre  sur  quoy  il  se  puisse  prendre  aulcun 

'  Les  œuvres  du  cardinal  Jac(|ues  Dovy  dance  diplomatique  (/es /Iwiff'i.We.s)  du  re- 

DupciToii,    morl  le    5   8e])tembre   i6i8,  présentant  du  roi  Henri  IV  à  Rome, 
lurent  puhliéos  en   ifiaa    pur   sou   neveu  ''  Sur  legi'ojfrapl.eDenysde  Byz.mce,  voir 

Jacques   Duperron,  (Hèipic  d'Angoulênie,  le  recueil  Poiresc-Dupuy  (l.  I,  Il  el  111. 

(|ui  l'ut  >iii  correspondant  d,?  Peii'esc.  Los  /wssj'hi.).  Cf.  Boissonadc,  |).  3(),  46,  71,  elc 
trois  volumes  in-l'ol.  coniproniienl  des  trait('s  ^  Hol&tenius  (p.  35)  l'appelle   wvir  iu 

(le  Ihi'ologie,  des  poésies  et  la  correspon-  ounii  dôctrinas  geneiV' versiitissimus'!. 


262  LETTRES  DE  PKIRESC  [1627] 

fondement  certain.  Seulement  ay  je  sceu  que  le  s'  Bernardin  de  Cor- 
neiilan ,  à  présent  evesque  de  Rhodez  ',  neveu  de  feu  François  de  Corneil- 
lan  son  prédécesseur  immédiat-  et  de  feu  Jacques  de  Gorneillan^  (à 
qui  le  card"'  d'Armagnac  avoit  remis  ladicle  evesclic  de  Rhodez  dez 
l'an  i56oS  peu  avant  que  ledict  card"'  obtint  l'archevesché  de  Thou- 
louse),  est  homme  aulcunement  curieux,  et  qui  a  de  bons  livres, 
mesmes  des  Grecs  MSS.  et  imprimez,  et  qu'il  conserve  la  mémoire 
dudict  card"'  d'Armagnac  comme  du  bienfacteur  et  restaurateur  de  sa 
maison,  et  tient  on  que  les  mess"  de  Gorneillan  estoient  les  plus 
j)roches  parents,  et  successeui-s  légitimes  dudit  seigneur  card*',  et  que 
leurs  livres  en  soient  venus.  Si  cela  est,  nous  serons  bientost  esclaircis 
du  livre  que  vous  desirez  si  ardemment,  vous  pouvant  asseurer  que  je 
n'y  espargneray  rien  de  tout  le  credict  de  mes  amys  et  du  mien,  et 
que  je  ne  laisray  pas  d'ailleurs  d'en  faire  faire  exacte  recherche  par- 
tout où  je  pourray  m'imaginer  qu'il  y  ait  rien  de  pareil.  Vous  remer- 
ciant par  un  million  de  foys  de  l'advis  qu'il  vous  a  pieu  me  donner 
concernant  ce  Pisan  qui  a  descript  les  ports  de  mer  de  la  coste  de  l'Eu- 
rope si  exactement  comme  vous  dictes  depuis  U  ou  5oo  ans^,  le  quel 
je  verray  trez  volontiers  s'il  est  possible,  et  essayeray  s'il  y  aura  moyen 
de  luy  faire  passer  la  mer,  comme  je  fis  autres  foys,  de  la  Genèse  MSS. 
du  s'  Robert  Gotton  ^  en  faveur  du  P.  Fronton  \  Mais  cette  nouvelle 


'  Ce  prélat  sidgea  de  161 4  à  i636.  Voir 
.sur  Bernardin  de  Gorneillian  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy,  t.  II,  p.  497,  et  t.  III,  p.  aSy, 
608. 

*  François  de  Gorneillian  occupa  le  siège 
de  Rodez  de  i.58a  à  161 4.  Voir  le  recueil 
Peiresc-Dupuy  (t.  II,  p.  4a 7). 

^  Jacques  de  Gorneillian  fut  évêtjue  de 
Hodez  jusqu'au  3o  août  i58a. 

'  Voir  sur  rilluslre  cardinal  Georges 
d'Armagnac  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  II, 
p.  4a 7,  et  t.  lll,]iassiin.).  Gf.  le  recueil  de 
Boissonade  où  est  citée  (p.  35)  une  note  de 
Fanris  de  Saial-Viiiceus  ainsi  très  poliment 


désigné  :  Vir  ampliss.  Faurisius.  On  sait  que 
G.  d'Armagnac  avait  été  nommé  évêque  de 
Rodez  en  iSag,  à  l'âge  de  vingt-huit  ans. 

'  Voir  sur  ce  Pisan  la  page  36  du  recueil 
de  Boissonade ,  tant  pour  le  texte  que  pour 
la  note. 

''  Sur  l'antiquaire  Robert  Gotton,  voir  le 
recueil  Peiresc-Dupuy.  Gf.  la  page  qui  vient 
d'être  citée  du  recueil  de  Boissonade. 

'  Sur  le  savant  jésuite  boiiielais  Du  Duc 
(Fronton)  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy. 
Gf.  une  noie  de  Boissonade  (p.  37)  qui  cite 
sur  l'hellénisle  la  Vie  de  Peiresc  par  Gas- 
sendi et  les  Mémoires  (le  l'abbé  de  Marolles. 


|1G27]  A  HOLSTENIUS.  263 

rupture  de  guerre  m'oste  l'espérance  d'en  pouvoir  venir  à  bout  aussy 
tost  comme  je  desirerois,  et  sera  cause  de  la  prière  que  je  vous  faicls 
maintenant,  de  me  vouloir  envoyer  quelque  chose  de  ce  que  vous  en 
avez  extraict,  pour  le  moins  la  préface  pour  juger  du  nom  et  qualité 
de  l'autheur,  et  ce  peu  qui  peult  concerner  nostre  carte  de  France,  et 
tout  ce  qui  passoit  autres  foys  soubs  le  nom  de  Mare  Piioccium  (sic)  ' 
à  cause  des  Marseillois,  depuis  les  bords  de  l'Italie  jusques  à  ceux 
d'Hespagne.  Je  regrette  l'importunité  que  ce  vous  sera,  mais  si  vous 
l'avez  agréable.  M''  Aubery  vous  fournira  de  coppiste  et  je  vous  en  de- 
meureray  à  jamais  redevable,  avec  la  qualité, 
Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 
DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  3a  dec(emhi'&]  1637'. 

J'ay  autres  foys  communiqué  à  Mess"  du  Puy  et  Rigault  une  epislre 
que  j'ay  de  Petrus  Gilïius  escritte  d'Alep  IIll.  non.  Apvril.  16^9.  à  un 
de  ses  amys  du  conseil  privé  du  Roy,  qui  estoit,  à  mon  ad  vis,  Mathieu 
de  Longue-Joue  evesque  de  Soissons  lequel  eust  deux  foys  la  charge 
de  garde  des  seaux  de  France'  et  [estoit]  amy  particulier  du  card''  d'Ar- 
magnac. Je  n'ay  poinct  sceu  si  cette  lettre  a  jamais  esté  imprimée  *  ne 


'  Est-ce  par  inadvertanoe  qae  Peiresc  a 
ainïi  nommé  la  mer  phocdenne? 

'  Bibliothèque  Barbeiini ,  vol.  79,  pièceô. 
On  remarquera  sans  doute  que  la  date  de 
cette  lettre  est  la  même  que  celle  de  la  pré- 
cédente. Peiresc  aurait-il  écrit  deux  aussi 
longues  lettres  le  môme  jour?  M'y  aurait-il 
pas  une  modification  à  introduire  dans  le 
chiffre  de  la  date  de  la  présente  lettre  ?  La 
conjecture  serait  d'autant  plus  acceptable 
que  le  premier  chiffre  est  surchargé  et  que , 
par  coiisé<juenl ,  la  lecture  est  quelque  peu 
incertaine.  Eu  tout  cas  les  deux  lettres  ap- 
partiennent au  mois  dedéceml>re  1637. 


'  Mathieu  de  LoDguejoue  fut  évoque  de 
Soissons  de  février  1 5 34  à  septembre  1 S57. 
Il  appartenait  à  une  vieille  famille  parisienne 
d'oîi  sont  sortis  divers  pereonnages  distin- 
gués. H  fut  garde  des  sceaux  en  i538  et, 
de  nouveau,  en  i5/i4. 

'  Celte  curieuse  lettre  autobiographique 
a  été  publiée  dans  le  tome  II  (p.  a33  )  du  re- 
cueil de  P.  Burmann  (Sylloff.  Epistolarum  a 
l'iris  illustriliiis  scriptaritm ,  Loyde,  1727, 
in-4').  Sur  Pierre  Gilles  considéré  comme 
voyageur  en  Orient,  on  peut  consulter  le 
Voyage  de  Gabriel  de  Liiets,  scignenr  d'Arti- 
mon, à  Comtanlinopk,  en  Perse,  en  HgypU 


264  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

si  cez  Mess"  en  ont  retenu  de  coppie,  auquel  cas  je  crois  bien  que  vous 
la  pourrez  avoir  veiie.  Mais  de  peur  qu'elle  ne  vous  fust  eschappée, 
voyant  comme  vous  estimez  tout  ce  qui  est  parly  de  la  main  dudici 
Gillius,  j'ay  estimé  vous  en  debvoir,  à  tout  hazard,  envoyer  une  coppie, 
à  cause  des  particularitez  qui  y  sont  exprimées  de  sa  pérégrination 
avec  l'armée  de  Sultan  Solyman  '  depuis  Constantinoble  jusques  à 
Tauris%  durant  laquelle  il  observoit  curieusement  les  lieux  plus  no- 
tables et  plus  célèbres  entre  les  Anciens,  et  y  appliquoit  leurs  au- 
tboritez  plus  convenables.  A  quoy  je  crois  bien  que  vous  prendrez 
plaisir. 

Depuis  avoir  escript  j'ay  eu  responce  de  divers  endroicts  d'Avignon 
touchant  les  livres  du  card"'  d'Armagnac,  et  une  mauvaise  nouvelle 
en  ce  que  le  notaire  qui  a  faict  l'inventaire  de  ses  meubles  aprez  sa 
mort  a  dict  n'avoir  poinct  ouy  parler  qu'il  eust  des  livres,  tant  s'en 
fault  qu'il  eusse  de  Bibliothèque  formée  dont  il  eusse  peu  disposer 
par  légat  en  faveur  d'aulcune  eglize  ou  d'aulcun  sien  parent  ou  do- 
mestique. On  cherchera  curieusement  ledit  inventaire.  Cependant 
l'on  me  mande  que  l'on  croid  que  son  aumosnier  nommé  Jean  de 
Conques,  archidiacre  de  Rhodez,  à  qui  appartenoient  ses  rituels  par- 
droict  de  sa  charge,  aprez  la  mort  du  maistre,  se  saisit  de  tout  ce 
peu  de  livres  qu'il  y  pouvoit  avoir  d'ailleurs,  et  l'emporta  quant  et 
luy  à  Rodez,  où  il  est  mort.  Et  qu'il  avoit  un  frère  observantin  de  la 
grande  manche,  nommé  Père  Gabriel  de  Conques,  lequel  en  pourra 
donner  des  nouvelles.  Dont  je  m'enquerray  icy  de  noz  pères  obser- 
vantins,  et  vous  pourrez  vous  en  enquérir  aussy  là  où  vous  estes,  où 
sont  les  correspondances  de  touts  les  pais.  Cependant  je  feray  escrire 
à  Rhodez  par  M"^  nostre  Archevesque,  frère  du  card"'  de  Richelieu, 

el  en  Palestine,  rédigé  par  Jean  Cliesneau,  rant,  le  Magnifique,  etc.,  naquit  en  ligi, 

publii;  dans  le  tome  I  des  Pièces  fugitives  succéda  eu  iSao  à  sonpère  Sëlim  T'etniou- 

du  marquis  d'Auhais  (1769,  in-4°)  et  pu-  rat  en  1 566 ,  après  un  règne  aussi  long  que 

blié,  de  nouveau,  en  un  volume  spécial,  de  brillant. 

nos  jours ,  par  M.  Sclieler,  membre  de  l'In-  '  Tauris  est  une   des  plus  importantes 

stitut  (Paris,  librairie  E.  Leroux ,  gr.  in-S").  villes  de  la  Perse  et  le  chef-lieu  de  l'Ader- 

^  Soliman  II,  dit  le  Grand,  le  Conque-  baïdjan. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  265 

lant  à  l'Ëvcsque  de  Rhodez  que,  autres  plus  apparents  de  la  ville  pour 
taischer  de  voir  si  ledict  evcsque  on  autre?  (ici  une  ligne  complèle- 

iiifut  couverte  par  la  reliure )  que  vous  desirez  et  mesmes  pour 

visiter  exactement  les  livres  grecs  qu'on  dict  estre  ez  mains  dudict 
evesque  pour  voir  si  celuy  là  y  seroit  ou  quelqu'un  des  autres  que 
pou  voit  avoir  apportez  le  dict  Petr.  Gillins,  ou  quelques  papiers  et  in- 
structions de  sa  main,  espérant  que  s'il  y  a  rien  il  liendia  fort  si  nous 
no  l'arrachons. 


VI 

MÊME   ADRESSE. 

Monsieur, 
J'adjousteray  ce  mot  à  mes  précédentes  qui  ont  attendu  une  semaine 
entière  le  passage  du  messager  ordinaire  d'Avignon  tant  pour  accom- 
pagner les  vers  cy  joincts  de  M'  Remy  qui  vous  honore  infiniment  et 
vous  supplie  d'excuser  la  hardiesse  d'un  jeune  homme  de  faire  ce  petit 
essay  à  vostre  exemple,  que  pour  vous  dire  que  depuis  mes  dernières 
j'ay  apprins  que  le  feu  s""  de  Grimaldy,  successetir  du  cardinal  d'Ar- 
magnac en  l'archevesché  d'Avignon  et  vice  légat  après  luy  ',  avoit  acquis 
tout  ce  qui  s'esloit  trouvé  de  meilleur  en  la  despouille  dudit  cardinal 
et  qu'aprez  sa  mort  le  cardinal  d'Aquaviva  avoit  pareillement  mis  la 
main  sur  les  despouilles  dudit  Grimaldy  et  envoyé  à  Rome  tout  ce  qu'il 
y  avoit  trouvé  de  plus  beau,  de  sorte  qu'il  n'y  aura  poinct  de  mal  que 
vous  vous  informiez  de  l'abbate  Aquaviva^  ou  autres  ses  successeurs 
lesquels  dépendent  absolument  de  Ms'  le  cardinal  Barberini  pour  voir 
si  vostre  Dionysius  Byzantins  ne  seroit  poinct  parvenu  jusques  à  eux, 
et  mesmes  pourroit  on  faire  escrire  à  Gènes  aux  successeurs  du  vice 

'  DomiiiiqueGrimaldisuccédaeni585au  les  recueils  biographiques  (ne  en  i56o,omf'' 

cardinaid'Annagnacel  siégea  jusqu'en  iSga.  do  la  pourpre  en  1690,  mort  le  i5  décembre 

'  Bien  diffc'rent  de  son  parent  le  cardinal  161a),   l'abbé  Aquaviva   n'est   menlinnni' 

Aquaviva,  dont  le  nom  se  trouve  dans  tous  nulle  part. 

V.  34 

tWrttaCKIE     «ATlStllC. 


•266  LETTRES  DE  PEIRESG  [1628] 

légat  de  Griiualdy  voir  si  de  leur  part  ils  ne  l'auroienl  point.  Cela 
n'empeschera  pas  que  je  ne  fasse  toute  sorte  d'instance  du  costé  de 
Rhodez  et  vous  asseure  (jue  je  remueray  de  tous  costez  tout  ce  dont  je 
me  pourray  adviser  pour  vous  procurer  ce  contentement',  sur  quoy 
je  finis  estant,  Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  aflectionné  serviteur, 

DE  PEinESC. 
D'Aix,  ce  6  janvier  i6q8  '. 


VII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Ce  mot  sera  pour  accompagner  la  lesponce  que  j'ay  desja  eue  de 
Monsig"'  Bagni'  sur  ce  que  je  luy  avois  escrit  de  votre  Dyonisius  By- 


'  Peiresc ,  malgré  toute  sa  bonne  volonté 
si  pittoresfjucinent  exprimée  en  ce  passage, 
ne  réussit  pas  à  retrouver  le  précieux  ma- 
nuscrit. Boi8sonade(p.  35)  constate  en  ces 
termes  l'insuccès  de  toutes  les  recherches 
faites  alors  et  depuis  :  wCseleruni  codex  ille 
Dionysii,  cujus  sœpicule  mentio  fit  in  se- 
quentihus,  quo  terrarum  angulo  delilescat, 
nemo  hodie  novil.  n  Le  savant  critique  ren- 
voie sur  ce  point  à  la  Bibliotheca  Grœca 
(t.  IV,  p.  6ii).  Holslenius,enraunée  iG3^i, 
exprimait  ainsi  à  Peiresc  son  découragement 
et  sa  reconnaissance  (lettre  CIII,  p.  ^71)  : 
fin  Dionysio  Byzantio  investigando  nae  lu 
iiimium  iaboris  insumpsisli ,  et  doleo  jiro- 
fecto  me  tantum  molestiae  importune  meo 
desiderio  tibi  exhibuisse.  Nunc  frustra  con- 
sumpta  opéra,  penilus  periisse  hune  aucto- 
rem  cxistinio  :  nam  eam  in  perquirendo  di- 
ligentiam  adhibuisti,  ut, 


si  acum,  rVedo,  quœrercs, 
Acuin  invenisses,  si  apparerot  ; 
(  Inquil  servus  ille  comieus.  ) 

Tarn  din 
Ilominem  inter  viras  quacrilamiis  oioriuiiin  : 
Nain  iiivenisspinus  jam  diu,  si  viveret. 

Idem  ego  de  Dionysii  noslri  àrâ-rAùj  dixe- 
rim.  Quo  circa  rogo  ut  pervestigare  desinas, 
el  quod  video  periisse  perdilum  ducas.  t  — 
tLc  manuscrit  vu  par  Pierre  Gille,  ou  du 
moins  un  manuscrit  tout  à  fait  semblable, 
s'est  retrouvé  de  nos  jours  dans  les  papiers 
de  Minas,  est  entré  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale et  a  été  publié  par  M.  K.  VVescher  : 
Dionysii  Byzantii  de  liospori  Navigalione  quœ 
supersunl.  Paris,  1874,  gr.  in- 8°  de  xxxiii 
et  i54  pages»  (Communication  de  M.  Léo- 
pold  Delisle.) 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 
n'  6. 

'  Sur  le  cardinal  Bagni,  voir  les  quatre 


1628] 


A  HOLSTKNIUS, 


267 


zantius  pour  me  servir  d'acte  de  mes  diligences,  attendant  si  nous 
serions  plus  heureux  de  quelque  aultre  costé  que  de  celuy  là,  en  ayant 
escrit  et  faict  escripre  Monsieur  nostre  Archevesque  '  à  l'Evesque  de 
Hodez,  ([ui  est  le  lieu  sur  lequel  j'ay  plus  d'espérance  qu'en  tous  les 
aultres,  encores  que  j'en  aye  escrit  à  beaucoup  de  personnes  curieuses 
de  bons  livres,  mesmes  à  des  Presidens  du  parlement  de  Thoulouse, 
conformément  à  ce  que  vous  desiriez;  cependant,  pour  vous  en  faire 
attendre  plus  patiemment  la  rcsolulion,  je  vous  envoyé  une  version  an- 
riene  d'un  petit  opuscule  de  géographie  grecque,  faict  du  temps  de 
l'empereur  Constantius,  que  vous  pouviez  avoir  veu  cy  devant,  mais 
je  crois  bien  que  vous  n'aviez  pas  veu  le  texte  grec  que  le  s'  Godefroy  ^ 
a  voulu  essayer  de  suppléer  tout  de  nouveau  à  force  d'esprit,  non  plus 
que  les  notes  qu'il  y  a  adjoustées  que  je  trouve  bien  gentilles.  Je  voudrois 
bien  que  sur  ce  que  Petrus  Gillius  a  tiré  du  Dionisius  Byzantins  vous 
eussiez  moyen  de  le  restaurer  de  mesme  que  cela,  au  cas  que  son  vray 
texte  ne  se  puisse  recouvrer.  Je  crois  que  vous  aurez  bien  tost  passé 
vostre  fantaisie  sur  ce  livret,  et  après  vous  le  pourrez  présenter  à 
Monseig'  le  cardinal  Barberin,  qui  ne  sera  pas  marry,  je  m'assure,  de 


j)icmiers  tomes  de  la  correspondance  de 
Peiresc,  en  commençant  à  la  pajfe  1 18  du 
tome  I. 

'  liC  futur  cardinal  de  Lyon,  Alphonse 
du  Plessis  de  Riclielieu.  Voir  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy  et  aussi  le  tome  IV  (passim). 

''  Sur  Théodore  Godcfroy,  voir  le  recueil 
Peiresc-Dupuy  (à  partir  de  la  page  (5  du 
tome  I).  Je  dois  à  une  aimable  comraunica- 
lion  de  M.  Henri  Oniont  le  plaisir  de  pai'ler 
de  vinii  du  petit  houquiii  de  son  confrère  en 
hellénisme.  En  voici  le  litre  complet  :  Vêtus 
orbis  descriptio,  Graect  scriploris ,  sub  Con- 
xlanlio  ci  Conslanlc  Impp.  Nnnc  pvimum ,  jx1.1t 
Mille  TrecentoH  ferme  annos ,  édita  mm  dii- 
plici  versions  et  nolis  lacobi  Gotliofredi  IC. 
Genevaî,  ex  typographia  Pétri  Cliouët, 
M.  1)0  x\  VIII ,  in-8°  de  4  7  pages  paur  le  texte , 


de  4g  pages  pour  les  notes,  plus  i4  pages 
non  numérotées  pour  les  pièces  liminaires, 
YEpistola  dedicatoria  {Clarissimo et  doctimino 
viro  Claudio  Salmatio)  et  les  Prolegomena ,  et 
16  pages  jwur  l'index  du  texte  et  5  pages 
pour  l'index  des  notes.  Dès  la  première  page 
de  l'épltre  dédicaloire,  (Jodefroy  salue  Pei- 
resc et  les  travaux  qu'il  promellail  :  trCnjus- 
modi  etiani  veleres  notitias  et  consularia 
al)  amplissiino  amieissinioque  nobis  Ni- 
colao  Fabricio  Peirescio  Senatore  Aqiiensi 
cxpectamus.'"  Suivent  de  grands  compli- 
ments pour  Saumaise ,  de  la  vieille  et  presque 
fraleriielle  amitié  duquel  il  se  glorifie  (pn) 
veleri ,  ac  prope  fralerna ,  inler  nos  amicitia) 
et  qu'il  proclame  l'arbitre  et  l'ornement  des 
lettres  savantes  (literaiiiD)  arbiler,  literamm 
decus). 

3&. 


268  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

le  parcourir,  et  je  nioyeneray  de  vous  en  faire  recouvrei'  un  auitre 
exemplaire  sur  lequel  vous  puissiez  escripre  et  barbouiller  ce  que  vous 
voudrez.  Ce  qu'attendant  je  finiray,  demeurant  tousjours 

voslre  trez  humble  et  Irez  all'ect'"  serviteur, 

DE  l'EinESC. 
D'Aix,  ce  3  febv.  i6a8  '. 

Monsieur, 
L'indisposition  qui  tient  mon  frère  dans  le  lict  l'a  constraincl  de  clier- 
cher  une  auitre  main  pour  vous  escripre,  et  j'ay  esté  bien  aise  que  ç'ayt 
esté  de  la  niiene  pour  me  ramentevoir  à  voz  bonnes  grâces. 

Val.wez. 


VIII 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Vostre  lettre  du  U  febvrier  me  fut  apportée  par  le  dernier  oïdinaire 
d'Avignon",  et  je  viens  de  recevoir  présentement  par  un  extraordinairt' 
l'aultre  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  encores  huict  jours  apros  contenant 
le  catalogue  de  voz  géographes  grecs ^  que  je  n'ay  encores  peu  voir 
que  superficiellement  et  sans  le  pouvoir  gouster  et  savourer  comme  il 
fault,  mais  de  ce  peu  que  j'en  ay  leu  en  courant  j'en  suis  demeuré 
tout  ravy  en  admiration,  de  la  grandeur,  exactesse  et  excellence  de  vos 
labeurs.  Il  fauldra  le  prendre  plus  à  loisir,  et  voir  s'il  y  auroit  moyen 
de  contribuer  quelque  chosette  de  celles  qui  vous  y  peuvent  duire, 
tandis  que  nous  agirons  au  dehors,  pour  la  recherche  de  quelqu'une 
des  pièces  que  vous  desirez.  J'avois  souvent  parlé  à  M^"'  le  card"'  Bai- 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  '  Voir  même  recueil  (p.  01-82),  11"  X. 
Il*  i4.  Original.  Le  catalogue  est  divisé  en  trois  parties,  lu 
Cette  ieltre  du  h  février  est  im[)rimëe  première  comprenant  vingt  paragraphes,  la 
dans  le  recueil  de  Boissonade  (p.  lii-bi)  seconde  onze,  et  la  troisième  (géographie  su- 
sous  le  n°  IX.  crée),  quatre. 


[lG-28]  À  HOLSTENIUS.  2(J'J 

beriii  de  vostre  grand  et  recommandablo  travail  sur  cette  matière  des 
géographes  grecs,  sans  en  avoir  aultre  notice  que  ce  que  M'  du  Puy 
m'en  avoit  escript.  Mais  à  cette  lieure  que  vous  m'avez  daigné  faire  voir 
un  portraict  si  exacte  de  tout  vostre  dessein,  je  le  feray  bien  plus  har- 
diment', et  possible  avec  plus  d'ellcct,  ayant  moyen  d'entrer  dans  des 
parlicularitez  si  notables  et  si  importantes.  Pleut  à  Dieu  que  j'eusse  de 
meilleurs  moyens  de  vous  y  servir  conlormement  à  vos  souhaicts.  Je 
m'estimerois  trop  heureux.  Au  reste  je  loiie  infiniment  la  pensée  que 
vous  avez  eiie  de  donner  un  petit  essay  si  gentil  et  si  curieux  que  sera 
cet  ager  Romanus  suburbanus  avec  les  commencements  de  touts  cez 
chemins  anciens  qui  sont  si  célèbres  -,  ne  doubtant  poinct  que  vous  ne 
le  fassiez  beaucoup  plus  exactement  que  n'avoit  faict  feu  M""  Cluverius^ 
principalement  si  vous  prenez  la  peine  d'aller  faire  vous  mesmes  en 
persone  un  petit  voyage  par  tout  ce  pais  là,  pour  vérifier  les  lieux 
les  plus  dignes  de  remarque,  où  vous  trouverez  infailliblement  les 
preuves  de  tout  ce  qui  vous  pourroit  estre  le  plus  doubteux,  et  y  pourrez 
prendre  des  lumières,  qui  ne  se  peuvent  jamais  si  bien  espérer  sans  la 
vue  occulaire.  Je  vous  feray  parmy  cela,  pour  mon  interest  particu- 
lier, une  prière,  de  vous  rendre  un  peu  plus  soigneux  pour  l'amour  de 
moy,  de  tout  ce  qui  pourra  concerner  la  VIA  AVRELIA  laquelle  se 
trouve  continuée  dans  l'Itinerarium  Antonini,  non  seulement  jusquesà 
ce  Forum  Aurelii,  qui  scmbloit  luy  pouvoir  avoir  donné  ce  nom,  mais 
nommément  jusques  à  la  ville  d'Arles,  à  travers  cette  province  icy  sous 
le  nom  de  la([uelle  elle  a  encore  conservé  son  propre  nom  du  GRAND 
CHEMIN  A\  RELIAN ,  avec  des  marques  assez  curieuses  du  soing  qu'avoil 
eu  Auguste,  et  quelques  aultres  de  ses  successeurs,  de  la  faire  reparer. 
Et  si  par  iiazard  vous  vous  rencontriez  de  passer  par  ce  forum  Au- 
relii, je  vouldrois  bien  sçavoir  ce  que  vous  y  pourrez  remarquer  de 

'  C'est  ce  que  Hoislenius  avait  domandt!  '  C'est  h  In  page  81  que  le  fuUir  hiblio- 

avec   insistance   (p.  02),  en   i-ap|)cl:int  la  ibdcaire  du  Vatican  traite  cette  partie  de  son 

gloire  acquise  par  les  princes  qui  favori-  vaste  programme. 

sèrent  les  elTorls  des  géographes  Orlelins  et  '  Sur  Philippe  Cluvier,   voir  le  recueil 

Mereator.  Peiresc-Dujiuy  (1.  I,  p.  3io). 


•270  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

plus  notable,  ayant  ce  regret  1;\,  de  n'y  estre  allé  moy  niesmes  exprez 
pour  ce  suhject,  tandis  que  j'estois  à  Home'.  Je  porte  fort  irapaliem- 
ment  les  longueurs  de  l'édition  de  vostre  Porphyre,  mais  encores  sera  ce 
beaucoup,  si  vous  pouvez  mettre  cez  imprimeurs  en  Irain  d imprimer 
quelque  chose  de  bon  en  langue  grecque  afin  qu'ils  soient  bien  dressez 
quand  il  sera  question  de  les  mettre  à  voz  géographes  qui  sera  un  ou- 
vrage de  plus  longue  haleine.  Je  loue  fort  le  choix  que  vous  avez  faict 
de  cez  aullres  petits  opuscules  pour  les  joindre  h  vostre  Porphyre '^  sur 
quoy  je  ne  vous  diray  aullre  chose  si  ce  n'est  que  je  crois  bien  que  vous 
aurez  veu  en  passant  par  Lyon  l'édition  qui  y  fut  faicte  l'année  der- 
nière de  cette  vie  de  Proclus  par  Marinus,  sur  un  MS.  où  elle  estoit 
insérée  derrière  celle  de  l'empcreju-  Antonin  le  philosophe,  mais  je 
n'ay  pas  regardé  s'il  y  a  rien  qui  mérite,  ouUre  ce  qu'on  en  avoit  aupa- 
ravant; je  vous  en  envoyeray  un  exemplaire  si  vous  n'en  avez^  Pour  la 
recherche  du  Dionysius  Byzantins,  mon  homme  oublia  dernièrement 
de  mettre  dans  mon  pacquet  la  lettre  de  M""  le  nonce  Bagny  sur  ce 
subject,  lafjuelle  vous  aurez  maintenant  avec  une  aullre  de  M'  le  pré- 
sidant de  Gaudjolas  do  Thoulouse  '  à  qui  j'en  avois  escript,  d'où  l'on 
me  mande  ({ue  les  Estats  du  pais  y  estoient  mandez  à  la  fin  du  moy» 
passé,  et  que  M""  l'Evesque  de  Hhodez  s'y  debvoit  trouver;  que  cepen- 
dant on  luy  auroit  envoyé  mes  lettres  et  celles  de  M""  nostre  Archevesque 


'  tlolstmiiiis,  dans  sa  réponse  (p.  84), 
prend  l'engagement  suivant  :  itTiiin  et  Au- 
reliain  viam  cenlnnicellas  diligenlcr  lus- 
Irabo,  cujus  niaxima  vestigia  circa  Urbera 
supersunt. . .  y 

-  On  lit  (ihid.)  :  rrPoi'pl)yrius  meus,  cum 
jnm  fineni  spectaret,  alia  nova  Appen  Hce 
a  me  auclus  fuit ,  qiiam  in  Vaticano  oodire 
reperi  :  placel)il  salleni  novitate,  si  nullo 
alio  nomine.Ti 

'  Holstenius  répond  (p.  85)  qu'il  a  eu 
connaissance,  pendant  son  voyage  en  h'rance, 
de  la  Vie  de  Proclus ,  éditée  à  I^yon  en  1 696 , 
mais  que  l'exemplaire  dont  il  s'était  servi 


avait  été  |)eidu  en  roule.  On  sait  que  la 
Vie  de  Proclm  par  son  successeur  (  635  ) ,  le 
philosophe  syrien  Marinus,  a  été  réimprimée 
plusieurs  fois,  notamment  par  J.-Albert  Fa- 
bricius  (Haml)ourg,  1  700),  par  Boissonade 
(Leipsick,  181 4),  enfin  dans  la  collection 
des  auteurs  grecs  de  la  librairie  P'iimin  Di- 
dot,  à  la  suite  du  Diogène  Laërce. 

*  I.e  président  Jean  de  Cambolas  fut  un 
des  amis  de  Peiresc,  ainsi  que  son  fds  le 
chanoine  François  de  Cambolas.  Voir  le 
fascicule  X  des  Coirespondanls  de  Pciresc, 
Guillavme  d'Abbniia.  cnpitoul  de  Toulouse 
(p.  8). 


[1628J  \  HOLSTKNIUS.  271 

et  aultres  de  noz  ainys,  de  sort»;  que  s'il  a  le  livre  il  l'aura  sans  double 
peu  porter  quant  et  luy  '  en  allant  à  Thoulouse,  auquel  cas  je  ne 
pense  pas  qu'il  nous  puisse  eschapper.  J'en  avois  aussy  escripl  à  M''  de 
Maussac^,  qui  ne  l'a  poincl,  et  ne  l'a  poinct  veu.  Quand  toutes  cez 
ressources  nous  inaii(|uoronl,  il  lauldra  en  Taire  escrire  en  Espajjne 
voir  si  dans  l'Kscurial  il  y  en  auroit  rien  par  liazard,  et  en  Couslan- 
tinople  aussy.  Cou)bien  que  je  ne  doiibte  pas  que  M""  de  Thou  ne  vous 
en  ayt  ouy  parler,  et  qu'il  n'en  |)uisse  faire  la  reclierche  luy  mesmes, 
chez  les  plus  curieux  de  livres.  Au  reste  j'ay  esté  infiniment  aise  de 
voir  que  vous  n'ayez  pas  iniprouvé  ma  conjecture  concernant  les  des- 
seins de  l'empereur  Constantin  Porpliyro(;enete\  et  croys  comme  vous 
que  touts  cez  extraicts  ou  eclojjues  viennent  principalement  de  luy, 
mesmes  de  ceux  des  géographes  que  nous  a  donné  Hœschelius.  On  me 
doime  quelque  espérance  d'un  aullre  volume  quasi  comme  celuy  dont 
je  vous  avois  escripl.  Si  l'advis  n'est  poinct  laulx,  nous  en  serons  bien- 
lost  esclaircis,  et  je  vouldrois  bien  rencontrer  chose  qui  tust  bien 
de  vostrç  gousl.  J'escripvis  à  Tliollon,  à  M''  le  command''  de  Four- 
bin,  cap""  de  la  gaierc  royale  de  France,  qui  a  la  lieulcnance  de 
M''  le  Genei'al  des  galères  en  son  absance*,  pour  faire  retrouver  voslre 
bahut,  et  en  escripvis  aussy  au  juge  de  ThoUoii,  pour  y  interposeï" 
son  authorité  *.  Ils  m'ont  r'escript  qu'asseuremenl  il  fault  que  voz 
bardes  se  soient  perdiics  ailleurs  que  dans  la  galère;  vous  verrez 
la  lettre  dudict  s""  commandeur.  J'en  avois  escripl  à  Lyon  d'où  j'at- 
tends la  responce.  Si  Mons''  le  card'''  Spada*'  faisoit  ce  qu'il  fault,  il 

'  C'est-à-dire   arec   lui,   comme    nous  libi    assentior,    qiiem    Gonstantiiium    Por- 

i'avoils  dëjà  vu  plusieurs  fois.  pliyrogenelura  esse  recle  conjicis. .  .  " 

'  L'helle'nislc  magistrat  Jacques-Philippe  *  Sur  cet  homme  de  mer,  alHé  de  la  fa- 
de Baderon,  sieur  de  iMaussac,  sur  lequel  mille  de  Fabri,  voir  les  trois  loiiies  du  re- 
on  peut  voirie  recueil  Peiresc-Dupuy  eu  at-  cueil  Peiresc-Dupuy. 
tendant  la  notice  qui  lui  sera  consacrtîe  dans  '  G"(Uait  le  juge  Chabert ,  mentionné  dans 
un  des  procliains  fascicules  des  Corrcipon-  Peiresc,  abbé  de  Guùres.  SupplémeiU  à  la  no- 
danls  de  Peiresc.  lice  d'Aiit.  de  Lantenay  (p.  5i). 

'  Holstenius  avait  donnd  aux  conjectures  '  Sur  le  car.linal  Bernardin  Spada,  voir 

de  Peiresc  celle  approbiliou  sans  réserve  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (l.  I.  passim,  a 

(leUre  IX,  p.  /41-ia)  :  «De  auclore  onmino  partir  de  la  page  07). 


272  LETTRES  DE  PEFRESC  [1628] 

vous  debvroit  faire  represanter  les  rooUes  et  inventaires  des  coflres 
et  valises  dont  s'estoient  chargez  ceux  auxquels  il  en  avoit  commis 
la  conduille,  car  ils  auront  exprimé  non  seulement  le  nombre,  mais 
aussy  le  poids  de  ciiasque  cofTre  ou  balle,  et  les  marques  dont  ils 
estoient  marquez.  De  cette  sorte  vous  verriez  bien  aiseement  si  le  vostre 
y  estoit  ou  non.  L'Iiomme  qui  en  avoit  la  charge  passa  en  cette  ville, 
et  me  monstra  ses  instructions,  m'estanl  addressé  par  M' le  vice  légat. 
Je  luy  donnay  des  lettres  pour  ledict  s*"  command"'  de  Fourbin,  par 
lesquelles  je  vous  recommandois  à  luy,  pensant  que  vous  peussiez  estre 
de  la  trouppe.  Et  m'estant  cnquis  de  cet  homme  si  M' le  card''  Spada 
apportoit  alForce  livres,  il  me  dict  qu'il  y  en  avoit  afforce  balles,  et 
mesmes  deux  ou  trois  de  livres  MSS.  dont  il  me  cotta  certaines  par- 
licularitez  comme  les  ayants  veus  dans  la  chambre  de  son  maislre,  car 
il  estoit  un  de  ses  vallets  de  chambre  et  monstroit  d'estre  grandement 
jaloux  de  toute  sorte  de  livres  MSS.  pour  l'amour  de  sondict  raaistre. 
Ce  qui  me  faict  croire  que  s'il  a  laissé  égarer  les  vostres  ce  n'aura  pas 
esté  par  négligence,  si  vous  luy  aviez  dict  ce  qui  estoit  contenu  dans 
vostre  coflre,  et  crains  bien  que  s'il  y  a  du  mal,  il  n'en  soit  possible 
coupable  luy  mesmes.  C  esloit  un  petit  noireau,  aagé  d'environ  ho  ans.- 
qui  vous  cognoissoit  fort  bien  et  sçavoit  bien  l'estime  qu'il  falloit  faire 
de  vostre  vertu  et  de  vos  livres,  car  il  m'en  dict  tout  plein  de  bonnes 
choses.  Je  vouldrois  avoir  plus  de  moyen  de  vous  bien  servir  en  cela; 
mais  si  de.  Lyon  nous  n'avons  quelque  lumière,  je  ne  voys  guieres  de 
resource  d'ailleurs,  car  puisque  lors  du  desbarquement  on  a  rendu 
lideslement  le  mesme  nombre  des  balles  et  colfres  que  l'on  avoit  em- 
barquées sur  la  galère,  il  fault  que  la  mauvaise  foy  vienne  de  plus 
loing  que  Marseille  ou  le  Marligues\  là  où  la  galère  leva  le  train  du- 
dict  seigneur  card''  Spada,  qui  sembloil  vous  debvoir  faire  meilleure 
raison  de  ce  mauvais  tour. 

Il  me  reste  à  me  conjouyr  avec  vous,  comme  je  faicts  de  tout  mon 
cœur,  des  bénéfices  de  Bremen,  de  Lubec  et  autres  lieux  circonvoisins 

'  Aujourd'hui  Les  Marligues.  h  38  kilomètres  de  Marseille. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  273 

que  N.  S.  P.  le  Pape  vous  a  conférez  si  opportunément',  et  des  grâces 
et  faveurs  extr[aordinai]'''*  que  yous  y  avez  ressenties  par  mesme  moyen 
selon  ce  que  meritoit  vostre  vertu  incomparable.  Je  prie  à  Dieu  que 
vous  en  jouyssiez  longuement  et  heureusement  et  que  ce  vous  soit  un 
commancement  à  quelque  chose  encores  plus  digne  de  vostre  mérite, 
et  qu'après  vostre  réception  à  des  canonicals  vous  puissiez  un  jour  eslre 
esleu  par  voz  collègues  aux  meilleures  prelatures  pour  le  bien  qui  en 
reviendra  à  l'Eglise  et  à  la  republique  littéraire.  M'  Aubery  m'escript 
que  vous  lui  avez  remis  voz  extraicts  de  ce  Portulan  de  Pise  dont  je 
vous  remercie  très  humblement  et  de  l'espérance  qu'il  vous  plaict  nous 
donner  de  voz  Hendecasyllabes  et  ïambes  que  nous  verrons  trez  vo- 
lontiers^, M""  Remy  et  moy  quant  et  quant  luy^  vous  demeurants  infi- 
niment redevables  des  bons  offices  que  vous  lui  avez  daigné  rendre  sur 
le  subject  de  ses  vers;  il  est  aprez  à  repolir  une  autre  pièce  que  vous 
trouverez  jolie,  je  m'asseure.  Il  a  une  grande  passion  pour  vostre  ser- 
vice aussi  bien  que  moy  qui  ne  seray  contant  que  je  n'aye  peu  rencon- 
trer de  quoy  vous  produire  des  effects  de  ma  bonne  volonté  en  vostre 
endroict  bien  conformes  à  mes  vœux  pour  vostre  satisfaction,  vous  sup- 
pliant de  m'excuser  si  pour  cette  genre  (sic)  je  ne  satisfaicts  mieux  et 
plus  ponctuellement  à  mon  debvoir,  mais  vous  pardonnerez  s'il  vous 
plaict  à  un  pauvre  convalescant  qui  fit  hier  une  pierre  aprez  un  long 
travail  de  coliques  rénales,  estant  résolu  de  vivre  et  mourir, 

vostre  très  humble  et  trez  afï"'  serviteur, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  a  mai  i6a8. 

J'oubliois  de  vous  advertir  que  par  les  observations  faictes  à  Paris 

'  Holstenius  parle  à  Peiresc  de  ces  Wné-  tam  proxinie  hendecasyllabos  cl  iambos, 

fiées  {de  canonicatu  Bremensi  et  Lubecensï)  quibus  furori  nescio  cujus  invidi  raederi  co- 

dans  la  letlre  IX,  p.  69  et  dans  la  lettre  XI,  natus  suin  :  liisvos  suppliciis  remunerabor.  »> 

p.  8(j.  Cf.  la  lettre  XVI,  p.  107,  où  l'on  A  la  suite  de  la  lettre  XI  on  trouve  (p.  89) 

verra  que  tout  ce  qui  avait  été  promis  à  une  pièce  de  vers  intitulée  :  Scorpiacum  fa- 

Holstenius  ne  lui  fut  pas  tenu  et  où  il  em-  rori  hendecasyllabico. 

ploie  l'expression  vana  spe.  '  C'est-à-dire  ensemble. 

'  On  lit  dans  la  lettre  IX  (p.  48)  :  rrMit- 


niPlillItllIt     ilTIttlALF. 


27â  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

et  en  celte  ville  d'Aix  du  temps  précis  de  la  dernière  ecclypse  de  lune 
advenue  le  moys  de  janvier  passé  on  a  supputé  la  differance  de  la  longi- 
tude du  méridien  de  Paris  à  ccluy  de  cette  ville  de  i/i  minutes,  qui  re- 
vieimenl  à  trois  degrez  et  demi,  tellement  que  le  méridien  de  Paris 
peult  passer  bien  prez  de  Thoulouse. 

Et  d'aultant  que  je  ne  pense  pas  que  l'airection  que  vous  avez  à  la 
géographie  soit  restrainte  à  la  greque,  ains  qu'elle  est  générale  par 
tout  le  monde  et  principalement  par  toute  l'Europe,  j'ay  creu  que 
vous  ne  seriez  pas  marry  d'avoir  part  de  cette  observation. 

Et  pour  cet  effect,  en  ayant  adressé  la  lectre  et  supputation  à  M' Alean- 
dro  pour  la  faire  tenir  au  s'  Galilei',  selon  son  adresse,  je  l'ay  prié  de 
la  vous  (aire  voir  à  l'advance,  pour  en  retenir  telles  instructions  que 
vous  jugerez  à  propos,  qui  pourront  possible  servir  quelque  jour,  prin- 
cipalement si  on  y  en  peult  joindre  quelques  autres  faictes  à  Rome  ou 
autres  lieux  de  l'Italie. 

A  l'observation  de  Paris  adsislereiit  et  agirent  principalement  le 
s'  Midorge  thresorier  de  France,  homme  grandement  exacte  et  versé 
au\  plus  nobles  parties  de  la  mathématique,  le  s""  des  Hayes,  le  père 
Mercene,  minime,  le  s""  Morin  et  autres"^. 

A  celle  de  celte  ville  adsislerent  le  s'  Joseph  Gaullhier,  docteur  en 
s'"  théologie,  prieur  et  seig'  de  la  Valette,  grand  vicaire  de  l'archevêque 
d'Aix',  elles'  P.  Gassendi,  au&sy  docteur  en  théologie,  théologal,  à  pré- 
sent prevost  de  l'église  cathédrale  de  Digne,  touts  deux  bons  astro- 
nomes, s'il  y  en  a  de  ce  temps,  et  touts  de  mes  amys  que  j'ay  con- 
vocqûez  à  cet  essay'. 

'  (iassendi  envoya  directement  à  Galilée,  dée,  paraîtra  sans  doute  en  même  temps  que 

le  «  mare  1697,  le  résultat  des  observations  le  présent  volume. 

faites  ,H  Aix  et  h  Paris.  Voir  Bougerel.  Vk  '  Voir  sur  le  ]>rieiir  de  In  Valette  le  re- 

de  Gais«udi,  p.Zi.  coeil  Peiresc-Dupuy  cl  loiile  la  partie  du 

'  Tous  ces  personnages  figurent  h  plu-  tome  IV  qui  contient  la  corres]X)n(lance  de 

siiHtTi  reprises  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy  Peiresc  et  de  Gassendi, 
et  dans  le  fascicule  XIX  des  <AnTespondnntii  *  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

de  Peiresc  consacré  an  P.  Mersennc,  lequel  n°  67. 
fascicule,  dont  l'impression  a  été  très  retar- 


[1628] 


A  nOLSTFîNIUS. 


IX 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Vous  aurez  avec  la  j)reseiite  le  S'  Athanaze  sur  les  Psaulmes  dont 
vous  estiez  si  en  peine',  lequel  s'est  enfin  retrouvé  aprez  une  fort  exacte 
recherche  que  j'avois  laict  faire  de  vostre  valize  eu  divers  lieux  tant 
de  ce  païs  que  dehors  jusques  dans  Lyon.  Ce  n'est  pas  sans  quelque 
merveille  que  ce  larrecin  a  esté  descouvert,  d'aultant  que  comme  vous 
pourrez  voir  par  la  lettre  que  m'en  escript  M""  le  commandeur  de  Four- 
bin,  qui  a  la  lieutenance  des  galères  du  roy  en  l'absence  de  M'  le  Ge- 
neral des  galères,  le  chevalier  du  Garranet^,  qui  commandoit  la  galère 
contine  sur  laquelle  se  fit  l'embarquement  du  card''  Spada  et  de  son 
train  avec  ses  bardes,  avoit  laict  tenir  conterooUe  de  toutes  les  balles 
qui  avoient  esté  chargées  sur  ladicte  galère  aux  isles  de  Marseille  et 
les  avoit  rendues  au  dcsbarquemeiit  soubs  deiie  recognoissance,  trouvée 
au  conteroolle  dudict  chargement,  au  pied  duquel  le  raajordomo  du 
card"'  luy  en  avoit  faict  le  récépissé  et  descharge  en  deiie  forme  ainsin 
que  vous  le  pourrez  justitïier  sur  la  coppie  que  je  vous  envoyé  dudict 
conteroolle,  dont  j'avois  faict  examiner  les  marques  des  nombres  pour 
recognoistre  celles  qui  y  pouvoient  manquer,  qui  sont  en   nombre 


'  Voir  les  dok'ances  de  Holslenius  dans  la 
leUre  lX(i).  5o)  et  dansln  teUre  Xt(i).  8C). 
Voir,  en  iwaiiclie,  l'expression  de  sa  joie  et 
de  sa  reconnaissance  en  face  du  li-ésor  i-e- 
trouvé  (Irltre  XII,  p.  99).  Voici  comment  il 
remercie  Peiresc  :  "Cni  gratias  niaximas 
pcrpeluum  debebo  ob  incredibilem  illam 
diligentiani  atque  solliciludineni,  qua  in  fii- 
jjilivis  meis  libris  retrahendis  usiis  es,  (juos 
ego  jam  penitiis  perditos  ducebam.  Dicere 
non  possum  quam  me  inexpectatus  Alliana- 
sii  conspectus  affeccrit,  ita  prai  gaudio  sub- 
saltavi  quasi  magnum  mihi  lucrum  favens 


Ibrlnna  objecisset. . .  1  Ce  qui,  ajoute  Holsle- 
nius, augmentait  encore  ses  regrets,  c'est 
que  le  manuscrit  du  Saint  Atbanase  lui  avait 
élé  confié  par  le  R.  P.  André  Scholt  et  qu'il 
redoutait  son  mécontenlement  :  rld  enim 
pessime  me  babebat  ipiod  optimus  senex 
And.  Schollus  indignabundus  fidem  ineam 
appellaret,  elc.Ti 

'  Ce  chevalier  appartenait  à  la  maison  de 
Lupp^.  Il  ('tait  seigneur  de  Garrané  en  Gas- 
cogne. (Voir  un  volume  publii'  sous  le  titre 
de  Mémoires  el  camvnnes  du  chevalier  de 
Luppé-Garrnnc ,  Paris,  Aubry,  pelil  in-4°). 

35. 


276  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

d'une  deniy  douzaine  ou  environ,  lesquelles  je  pense  avoir  esté  empor- 
tées peult  esire  par  la  voye  de  la  terre  de  Lyon  à  Gènes.  Et  si  la  vostre 
estoit  du  nombre  de  celles  qui  sont  designées  audict  conterooUe,  vous 
le  pourrez  vérifier,  sur  les  mémoires  qu'en  doibvent  avoir  dressez  les 
ageants  dudict  seigneur  card"'  lorsqu'ils  les  firent  toutes  emballer,  peser, 
et  marquer  soit  à  Paris  ou  à  Lyon.  Tant  est  qu'elle  fut  voilée  dans  le 
lemps  du  desbarquemeut,  ou  de  l'embarquement  des  isles  de  Marseille, 
et  vraysemblablement  retenue  et  cachée  par  les  forçats  de  ladicte  ga- 
lère, entre  l'eschelle  et  les  chambres  où  l'on  les  rangeoit.  Et  l'autheur 
de  ce  vol  fut  un  forçat,  qui  n'estoit  pas  des  ordinaires  de  ladicte  ga- 
lère, nins  qui  avoit  esté  emprunté  de  la  galère  patrone,  et  mis  pour 
renfort  sur  la  contine,  lequel  au  retour  du  voyage  fut  rerais  sur  sa 
propre  galère,  à  sçavoir  la  patronne,  de  sorte  que  quand  on  s'en 
enqueroit  dans  la  contine  on  en  pouvoit  rien  apprendre.  Un  chetif 
pacquettier'  qui  vend  quelquefoys  des  livres,  passant  par  Toullon,  la 
femme  de  ce  forçat  luy  porta  à  vendre  des  vostres  un  plein  demy-sain', 
lequel  en  revendit  trois  pièces  à  un  médecin  de  Toullon,  nommé  Gi- 
raudi,  qui  est  mort  depuis,  et  quelques  autres  à  un  autre  d'un  village 
voisin  nommé  Ollioles^,  et  estant  allé  à  S'  Maxemin*,  y  en  vendit 
quelques  autres.  Finalement  estant  retourné  à  Toullon,  on  luy  en  de- 
manda des  nouvelles,  et  il  se  trouva  saisy  de  quelques-uns  qui  furent 
incontinant  recouvrez  de  ses  mains.  On  travaille  maintenant  à  la  re- 
cherche et  recouvrement  des  autres.  Mais  pour  en  estre  plus  asseuré 
il  seroit  bon  que  vous  nous  envoyassiez  un  roolle  particulier  de  tout  le 
contenu  en  vostredicte  valize,  soit  pour  les  livres  ou  papiers,  ou  pour 
le  linge  et  autres  besoignes.  Cependant  j'ay  envoyé  sur  les  lieux  un  pe- 
tit roolle  des  livres  que  j'ay  en  mon  estude  imprimez  à  Amsterdam  de 
cette  petite  forme  afin  qu'on  retirast  touts  ceux  qui  se  Irouveroient  de 
mesme  sorte  à  peu  prez.  Et  de  faict  il  s'en  est  desjà  recouvré  une 

^S(f.  Demi-sac.  '  Aiijoiii-tl'lmi  Sainl-Maximin,  chef-lieu 
Aujourd'hui  Ollioules,  chef-lic-u  de  can-  de  cautou  du  de'parlerneiil  du  Var,  à  1 6  kilo- 
Ion  du  dépaileinent  du  Var,  à  9  kilonièlros  mèti-es  de  Brig^ioles. 
de  Toulon. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  277 

demy  douzaine,  à  sçavoir  le  Jul.  Gaesar,  le  Justin,  le  Val.  Maximus,  le 
Petronius,  le  Silius  Italiens,  un  nouveau  Thme  [sic)  [Testament]  grec 
de  Leyden,  et  le  Pompone  Mêla  de  Paris.  Avec  lesquels  le  libraire  m'a 
rendu  quattre  autres  iu-8",  à  sçavoir  le  Josephus  Hebrœus  de  Baslê,  la 
Géographie  poétique  de  Lambertus  Danîeus  de  Lyon,  les  commen- 
taires de  Casaubon  sur  le  premier  libvre  du  Polybe,  de  Paris,  et  les 
essais  de  Montagne  de  Rouen  8°  16 1 7  ^  Ensemble  dix  carthes  en  taille 
doulce,  à  sçavoir  sept  petites,  l'une  en  italien  de  toute  l'Europe,  les 
autres  six  en  latin  de  la  Grèce,  Italie,  Grand  Bretagne,  France,  Es- 
pagne et  Mauritanie,  et  puis  une  plus  grande  Grèce  de  Sophian ,  le 
duché  de  Bourgogne,  et  l'empire  du  Mogor  en  Anglois.  Mais  le  princi- 
pal est  d'avoir  sauvé  le  ms.  de  S'  Athanaze,  dont  j'ay  esté  infiniment 
aise  pour  l'amour  de  vous,  et  le  serois  bien  davantage  si  nous  pouvions 
retrouver  encore  le  ms.  du  Servius  de  feu  M''  délia  Scala,  dont  je  fe- 
ray  faire  une  si  exacte  perquisition  que  difficilement  me  pourra  il 
eschapper'^  Je  vouldrois  bien  estre  aussi  heureux  en  la  rencontre  de 
vostre  Dionysius  Byzantins,  et  de  quelques  uns  de  voz  autres  géo- 
graphes, qui  fust  bien  à  vostre  goust.  Si  ledict  Servius  se  peult  avoir  et 
que  la  forme  n'en  soit  pas  plus  grande  que  du  S'  Athanaze,  je  le  vous 
envoyeray  par  les  ordinaires  d'Avignon,  soubs  l'enveloppe  de  Monsei- 
gneur le  card*'  Barberin;  sinon  je  le  meltray  avec  touls  les  auti'es  sus- 
mentionnez,  et  si  tost  que  nous  aurons  achevé  nostre  perquisition, 
dans  l'estude  du  feu  s'  Giraudi  et  autres  lieux,  je  feray  un  petit  fagot 
du  tout  et  le  vous  envoyeray  à  Rome  par  mer  par  la  première  commo- 
dité asseurée  que  j'en  auray,  si  vous  ne  m'^n  prescrivez  autre  ordre. 
Au  reste  j'ay  receu  vostre  despesche  du  k  de  ce  moys,  ensemble  le 
cahier  de  cet  anonyme  Pisan,  que  M""  Aubery  m'a  envoyé  de  vostre 
part,  dont  je  vous  remercie  Irez  humblement,  ayant  prins  grand  plai- 

'  J'.-ii  ju{f(?  iniiliie  de  donner  des  indica-  '  Holslenius  avait  dit  (lettre  IX,  p.  5o)  : 

tions  bibliographiques  sur  ces  divei-s  ou-  irEronl  in  codem  nidulo  glos.<a>  Servi!  mss., 

vragcs  que  tous  les  t'rudils  ronimissent  cl  (juas  habueram  ex  bibliollieca  Jos.  Sc;ili- 

(jui  sont,  d'ailleurs,  tous  t'nuuiéi-és  dans  le  geri.» 
Manuel  du  libraire. 


278  LETTRES  DE  PEIUESC  [1628 

sir  de  voir  vostre  jujjement  touchant  le  géographe  du  s'  Godefroy,  dont 
je  vous  eusse  envoyé  un  autre  exemplaire,  sans  la  crainte  de  trop 
grossir  le  pacquet.  Ce  sera  pour  la  première  foys  que  la  proportion 
du  pacquet  me  le  permettra ,  ne  pouvant  assez  louer  vostre  modestie 
de  vous  voir  parler  si  dignement  et  si  honnestement  d'un  homme  qui 
s'est  tant  hasté  de  vous  prévenir  en  cette  édition ,  où  il  se  peuit  faire 
que  le  droict  luy  ayt  fourny  quelque  observation  qui  vous  feust 
eschappé,  mais  avec  tout  cela  je  ne  pense  pas  qu'il  lust  en  son  pouvoir 
de  jamais  vous  esgaller  en  ceste  entreprinse,  quand  vous  n'eussiez  esté 
prévenu;  encores  crois-je  que  vous  ne  laisrez  pas  d'en  dire  de  trez 
belles  choses  aprez  luy.  C'est  la  vérité  que  l'essay  de  sa  version  grecque 
ne  luy  a  pas  reussy  comme  il  se  promettoit,  et  purs  que  ledit  Scaliger 
n'a  peu  s'en  acquitter  assez  exactement,  il  n'appartenoil  pas  à  luv  d'en 
vouloir  aultant  faire;  au  moins  devoit-il  s'abstenir  de  s'en  advouer 
l'autheur,  pour  ne  se  charger  des  reproches  qui  lui  seront  inesvitables. 
Ouant  au  livre  de  forma  Mediterranei  maris,  la  préface  et  l'indice  que 
vous  en  avez  extraict,  et  ce  que  vous  m'aviez  escript  cy  devant,  que 
l'autheur  a  exprimé  non  seulement  les  souverainetez  d'où  dependoient 
les  costes  de  mer  par  luy  descrittes,  mais  aussy  les  droicls  maritimes . 
({ui  s'y  exigeoient  et  exerçeoient,  me  font  regretter  inrmiraent  que 
vous  ne  l'ayez  faict  transcrire  tout  entier  tandis  que  vous  estiez  en 
Angleterre,  ou  que  nous  ne  soyons  en  estât  d'en  pouvoir  demander 
la  communication,  m'asseurant  que  j'y  aurois  trouvé  beaucoup  de 
choses  de  mon  goust.  11  fauldra  attendre  que  Dieu  veuille  faire  cesser 
les  guerres  et  différants  qui  nous  empeschent  la  liberté  de  ce  com- 
merce, et  je  finiray  demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  alfectionné  serviteur, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  ag  mars  iôjS. 

Mon  frère  vous  rend  des  grâces  de  vostre  souvenir  et  vous  sallùe  de 
tout  son  cœur. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  279 

[En  marge.]  Depuis  avoir  escript,  l'ordinaire  d'Avignon  n'estant  pas 
encore  passé  à  son  jour  ordinaire,  j'ay  receu  du  costé  de  S'  Maxemin 
les  trois  livres  qui  y  avoient  esté  vendus,  qui  sont  le  Suétone,  le  Tacite 
et  le  Statius  d'Amslcrdam.  Et  du  costé  de  Toullon  M''  le  Juge  royal  de  la- 
dite ville  m'a  renvoyé  ce  qu'il  a  peu  recognoistre  dans  la  Bibliolhecjue 
du  feu  s''  médecin  Giraudi,  qui  sont  le  Longus  Sophisla  Gr.  lat.  de  We- 
cliel  8°  et  Lipsii  Flores  Swertii,  in  ai,  Erlbrdiae  i6i8.  Mais  je  crains 
bien  que  ce  dernier  icy  ne  soit  pas  des  voslresj  dont  vous  nous  pourrez 
esclaircir  en  nous  envoyant  vostre  rooUe.  Et  n'en  a  t-on  sceu  recognoistre 
aulcun  autre  qui  peust  faire  le  troisiesme  de  ceux  qu'il  avoit  aeheptez 
de  vostre  valize.  Il  fauldra  chercher  encores  plus  exactement,  aprez 
avoir  vostre  roole.  Cependant  j'ay  un  extrême  regret  que  vostre  Ser- 
vius  ms.  ne  s'y  soit  point  trouvé.  Il  seroit  bien  de  nous  mander  s'il 
estoit  escript  en  papier  ou  en  parchemin,  de  quelle  grosseur,  et  com- 
ment il  estoit  relié,  pour  nous  servir  de  quelque  adresse  en  cette  re- 
cherche. 

[Fm  marge.]  11  m'est  tombé  en  main  une  lettre  d' /Egypte  d'un  ga- 
lant homme  de  ce  pais  qui  a  esté  longuement  en  Levant,  et  qui  sçaict 
bien  des  affaires  de  ce  pais  là,  concernant  l.i  décadence  de  l'autlio- 
rité  du  Grand  Turc  aux  emboucheures  de  la  mer  Rouge;  possible  ne 
trouverez  vous  pas  mauvais  que  je  vous  en  envoyé  une  coppie,  qui 
sera  cy  jointe,  avec  quelque  exemplaire  des  v^rs  du  s'  Remy,  en  faveur 
de  M""  le  card"'  de  Richelieu,  et  de  M'  nostrc  Archevesque  son  frère, 
et  contre  La  Rochelle'. 

'  Oïl  trouvera  ces  vers  dans  le  polit  re-  pages  sont  occupées  par  divei-scs  pièces  re- 
cueil déjà  cité  qui  est  intitulé:  Ahrahami  lalives  à  la  révoile  et  à  la  prise  de  la  Ro 
Remmii  eloquentiœ  pr^essoris  et  poetœ  regii  chelle.  —  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79, 
poemata  (i6lib).    Les    dix-huit    premières  pièce  n°  7  Aïs. 


280  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 

Ce  mot  n'est  que  pour  accompagner  tout  ce  qui  s'est  peu  recouvrer 
de  voz  livres,  oultre  le  S^  Athanase  que  vous  avez  eu  par  le  dernier  or- 
dinaire soubs  l'enveloppe  de  M?''  le  card''  Barberin.  Vous  aurez  icy 
le  reste,  et  les  carthes  géographiques,  selon  le  bordereau  cy  joinct.  En- 
semble un  exemplaire  du  géographe  grec  du  s'  Godefroy,  afin  de  pou- 
voir le  présenter  de  ma  part  à  M^  le  card''  Barberin,  si  vous  ne  luy 
avez  desjà  baillé  l'autre  que  je  vous  avois  envoyé  cy  devant,  ou  bien 
pour  remplacer  le  vostre  si  vous  luy  avez  desjà  présenté  l'autre  afin 
que  vous  n'en  demeuriez  despourveu.  Et  par  mesme  moyen  je  crois 
bien  que  vous  agréerez  la  trez  humble  recommandation  que  je  vous 
faicts  en  faveur  de  M'  Félix  qui  s'est  si  libéralement  et  gracieusement 
offert  d'estre  le  porteur  de  vosdictz  livres  '.  11  est  proche  parent  du 
R.  P.  Lorinus  qui  a  tant  escript  sur  la  8'"=  Escritture -,  lequel  me  l'a 
trez  instamment  recommandé.  Et  s'en  va  de  par  delà,  pour  exercer  sa. 
curiosité,  en  la  remarque  des  antiquitez  et  autres  singularitez  de  ce 
pais  là,  et  pour  acquérir  quelque  habitude  avec  les  gens  de  lettres, 
entre  lesquels  il  ne  sçauroit  mieux  s'adresser  qu'à  vous.  Je  m'asseure 
que  vous  l'aimerez  volontiers  pour  sa  vertu,  et  pour  celle  dudict  P.  Lo- 
rinus et  encores  pour  l'amour  de  moy,  et  je  vous  en  demeureray  rede- 
vable, estant  tousjours. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 

DE  PeiRESC. 
D'Aix,  ce  i6  avril  i6a8'. 

'  Holstenius  (  Ipltre  XXI ,  p.  1 4 1  )  parlait  '  Sur  le  P.  Jean  de  Lorioi ,  de  la  compa- 

ainsi.  un  an  pins  tard  (ai  avril   1629),  gnie  de  Jésus,  voir  le  tome  II  du  recueil 

dudil  porteur  :  rCum  aniicus  meus  Henri-  Peiresc-Dupuy,  p.  544-545. 
rus  Félix,  juvenis  elegans  et  perhumanus,  '  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

ad  vos  redirel..  .1  n°  8. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  281 


XI 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Vostre  lettre  du  v  may  vint  en  son  temps  par  le  retour  du  dernier 
ordinaire  d'Avignon,  parce  qu'elle  estoit  soubs  l'enveloppe  du  pacquet 
de  M»'  le  Gard"'.  Mais  la  précédante  du  dernier  mars  n'eust  pas  une 
aussy  bonne  adresse,  car  elle  fut  portée  en  Avignon  oii  elle  courut 
grande  fortune  d'estre  perdue ,  et  d'où  elle  me  fut  renvoyée  icy  par  un 
amy  qui  en  eut  le  vent,  hors  de  temps  pour  vous  pouvoir  faire  response 
lors  du  passage  dudict  dernier  ordinaire  d'Avignon  quand  il  alloit  en 
Italie.  Gela  vous  servira  d'advis  pour  estre  plus  soigneux  de  les  en- 
voyer à  quelques-uns  de  cez  mess"  de  la  suicte  dudict  seig'  Gard"'  qui 
me  font  l'honneur  de  m'escrire  plus  souvent  que  je  ne  mérite,  comme 
soit  M'  Aleandro  et  M'  Suarez,  ou  bien  à  M'  Aubery,  qui  sçaict  mes 
adresses  de  Gennes.  Et  de  cette  sorte  voz  lettres  viendront  en  temps 
et  lieu.  Or  pour  respondre  donc  à  cez  deux  dont  il  vous  a  pieu  m'ho- 
norer,  je  vous  diray  que  j'ay  esté  trez  aise  que  vous  ayez  receu  le  MS. 
de  S'  Athanaze  et  crois  qu'à  cez  heures  icy  vous  aurez  pareillement 
receu  tout  le  reste  qui  s' estoit  peu  saulver  et  recouvrer  de  vostre  vol, 
par  les  mains  du  s""  Félix  d'Avignon,  à  qui  j'en  consignay  le  fagot  dez 
le  jour  des  Rameaux.  Vous  y  aurez  trouvé  cette  belle  carthe  de  l'em- 
pire du  Mogor  dont  vous  estiez  si  en  peine,  de  laquelle  j'eusse  volon- 
tiers retenu  une  coppie  si  j'eusse  eu  loisir  d'en  attendre  vostre  permis- 
sion. Mais  je  ne  m'en  voulus  pas  dispencer.  Depuis  avoir  escript  je 
me  suis  advisé  que  ladicte  carthe  de  l'empire  du  Mogor  pourroit  bien 
estre  dans  les  volumes  des  Navigations  angloises  de  Purchas  '  que 
je  receus  cez  jours  passez  en  blanc,  et  de  faict  les  ayant  faict  ap- 
porter je  l'y  ay  trouvée,  sous  le  nom  de  THO.  ROES.  Je  n'ay  pas 
eu  le  loisir  de  chercher  celle  de  l'Amérique  septentrionale,  à  cause 

'  Sur  ie  recueil  de  Samuel  Purchas,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  I,  passim. 
,.  36 


tvrr.ivtKiE    nAiio 


282  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

de  la  confusion  du  livre  qui  n'est  pas  encores  relié.  Mais  je  crois  bien 
qu'elle  y  soit  aussy.  C'est  pourquoy  il  ne  sera  pas  de  besoing  que 
vous  vous  mettiez  en  peine  de  me  faire  coppier  celle  dudict  empire 
du  Mogor.  L'autre  carthe,  que  vous  dictes  de  l'Amérique  septemtrio- 
nale,  en  Anglois,  n'est  poiuct  passée  par  mes  mains,  car  elle  vous 
eust  esté  aussy  Gdelement  envoyée  que  celles  que  vous  aurez  trou- 
vées dans  ledict  fagot.  J'en  ay  envoyé  un  second  mémoire  au  juge  de 
Thollon  et  au  s'  commandeur  de  Fourbin  qui  commande  aux  galères, 
mais  ilz  n'ont  rien  peu  gaigner  de  plus  sur  cez  canaille  [sic)  d'esclaves. 
Mon  frère  y  doibt  aller  faire  un  voyage  au  premier  jour  et  moy  dans 
l'esté  où  nous  entrons  et  y  ferons  tout  ce  qui  sera  possible,  regrettant 
infiniment  vostre  esluy  de  compas  ^  cette  Descriptio  Danie  -  et  voz 
notes  in  Apollonium  Rhodium  ^  qui  sont  tant  à  plaindre.  Pour  le  moings 
vous  pouvez  vous  asseurer  qu'il  n'y  sera  rien  oublié.  Je  n'ay  point  en- 
cor  eu  de  responce  de  M' lEvesque  de  Khodez ,  dont  je  m'estonne  fort. 
Il  ne  se  trouva  pas  aux  Estats  de  Thoulouze  comme  il  avoit  faict  es- 
pérer, car  il  n'eust  peu  se  desdire  de  nous  escripre.  Je  luy  avois  de- 
mandé le  roolle  de  touts  ses  mss.  grecs.  Mais  un  honneste  homme  de 
mes  amys  de  ce  pais  là  s'y  en  doibt  aller  à  ce  moys  de  juillet  qui  ma 
promis  de  faire  luy  mesmes  le  roolle  et  de  me  l'envoyer  incontinant.  Si 
le  Dionyzius  Byzantius  n'est  pery  tout  à  faict,  je  ne  désespère  poinct 
que  nous  ne  l'ayions  quelque  jour  Dieu  aydant.  Et  ne  vous  nierai  poinct 
que  si  c'estoit  par  mon  moyen  j'en  serois  bien  glorieux,  voyant  le 
plaisir  que  ce  vous  seroit,  et  désirant  passionement  comme  je  faicts, 
de  vous  servir  à  vostre  goust.  Quant  au  Stephanus  de  Pavie  %  je 
n'ay  poinct  d'habitudes  de  ce  costé  là ,  autres  foys  j'eusse  possible  eu 

Holstenius  (lettre  XII,  p.  98),  dans  sa  '  (rPrœtei-  Servii  Glossas,   erant  variœ 

description  des  objets  à  lui  vol^,  avait  si-  scbedaj,  in  quibus  erant  variœ  secliones  et 

gnalë  en  français  «rt  esiw,  ajoutant:  frin  qua  eniendaliones  ex  Flor.  Christiani  codice  ad 

erat  circiuus  summa  cura  faclus  ad  chartas  Apollonium  Rhodium.»  {L.  cit.) 
delineandas.  n  »  Sur  ce  manuscrit  d'Etienne  de    By- 

trErat  et Daniae  descriptio  inter  cœteros  zance,  trexemplar  antiquissimum  et  multo 

libros,  in-8°,   Francofurti  édita,  nusquam  auctiusedito»,  voirla  lettreXI,  p.  83,  etia 

alias  milii  visa.»  (Ibid.)  lettre  XIII,  p.  gS. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  283 

quelque  moyen  de  ne  vous  y  estre  pas  inutile  ;  mais  depuis  le  decez  du 
s""  Septalius  '  et  du  s'  Farnesius^,  qui  estoient  bien  curieux  et  avoient 
bien  du  crédit  en  cez  quartiers  là,  toutes  mes  cognoissances  y  sont 
mortes,  ce  que  je  regrette  bien  à  présent  pour  l'amour  de  vous.  Et 
puis  cette  guerre  est  bien  venue  mal  à  propos.  Je  vous  felicitte  cepen- 
dant l'heureuse  rencontre  des  suppléments  mss.  pour  vostre  Por- 
phyre^, et  de  celles  tant  du  Jambliche  plus  ample  de  deux  livres  en- 
tiers, que  du  Proclus  et  Olympiodorus  in  Alcibiadem  Platonis*,  qui 
sont  des  thresors  inestimables  et  bien  dignes  de  voir  le  jour  par  voslie 
entremise. 

Cez  déclamations  Babyloniques  de  Jamblichus  de  l'Escurial  merite- 
roient  bien  aussy  d'estre  veues*.  Vous  en  eussiez  peu  donner  la  charge 
à  quelqu'un  de  ceux  de  la  suitte  de  M«'  Monti,  maintenant  qu'il  s'en 
va  nonce  extraordinaire  en  ce  pais  là,  ou  bien  le  luy  faire  commander 
à  luy  mesmes  par  M^  le  Card°',  car  il  s'en  seroit  tenu  bien  honoré. 
Et  en  un  besoing  le  s''  Lucas  Thorius*  vous  y  auroit  volontiers  servy 
sur  les  lieux.  Ce  cathalogue  que  vous  avez  veu  de  la  bibliothèque  de 
l'Escurial  si  exactement  faict  par  Colvillus''  meriteroit  bien  de  n'estre 


'  Ludovicus  Scptalius  est  l'auteur  d'un 
ouvrage  intitule  :  De  ratione  instituendœ  et 
gubemandœ  famtUœ  Itbri  V  (Milan,  i6a6, 
in-8°). 

'  S'agit-il  là  d'Octave  Farnèse,  le  jeune 
prince  qui  fut  nu  si  prdcoce  érudil  et  dont 
on  a  un  si  cuiieux  recueil  sous  ce  titre  :  Quws- 
liones  dcjinitœ  ex  triplici  philosophia ,  ralio- 
nali',  naturitli,  morali,  in  Parmensi  Academia 
publiée  triduum  disputatœ  ab  Octavio  Farnesio 
seretmsimo  Ranucci  Parmee,  Placenliœ,  etc., 
ducis  IVJilio  (Parme,  161 3,  in-fol.)? 

'  C'est  dans  la  lettre  X  (p.  78)  que  cette 
bonne  nouvelle  avait  élé  annonci^e  à  Peiresc  : 
(t()uibus  addere  possein  Porphyrii  prolixum 
locura  de  Fonte  mirabili  apud  Indos  ex  libre 
de  Styge,  hactenus  àvéxioTov.v 

'  Peiresc  répond  ici  h  ce  passage  de  la 


lettre  XI  (p.  88)  :  rrHabeo  etiain  Procli  et 
Olynipiodori  uberes  commentarios  in  I.  Alci- 
biadem Platonis,  quibus  univei-sa  nioralis 
philosopbia  Socralica  divinum  in  modum 
expUcatur  :  dignissimi  qui  lucem  adspi- 
ciant.  >i 

'  Holstenius  (lettre  XI,  p.  88)  avait  dit  : 
rtHoc  le  monobo  extare  in  Scoriacensi  biblio- 
theca  lambliclii ,  Babylonici  rbetoris  et  bis- 
torici  Babylonicoruni ,  declamationem ,  etc.  1 

'  On  trouvera  quelques  ielti-esde  Peiresc 
h  cet  érudit  espagnol  dans  le  tome  IX  de  la 
correspondance. 

'  Holstenius  avait  écrit  ceci  à  Peiresc 
(lettre  XI,  p.  85)  :  slnHispania  Uionysium 
nostrum  extare  non  arbitror  :  vidi  enim  cala- 
logum  Scoriacensis  bibliothecae  occuratis- 
simum  apud  Davidem  Colvillum ,  qui  decen- 

.36. 


284  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

pas  supprimé;  je  ferois  bien  volontiers  la  despence  de  le  faire  transcrire 

s'il  estoit  à  la  disposition  de  quelqu'un  de  voz  amys.  Et  en  deffault  de 

cela,  si  vous  me  faictes  part  de  ceque  vous  en  avez  extraict,  jetascheray 

de  vous  ayder  en  ce  que  je  pourray  pour  vous  donner  moyen  d'en 

tirer  quelque  chose  sur  les  origiuaulx.  M'  Aubery  fournira  les  frais 

nécessaires  du  coppiste  s'il  y  escheoit  et  je  me  tiendray  vostre  obligé 

de  la  participation  de  cez  richesses  là.  Je  tascheray  d'apprendre  et  faire 

vérifier  ce  qui  se  pourra  de  cette  portion  que  vous  demandez  de  la  via 

Aurélia  ab  Albintimilio  ad  Varum,  et  vous  en  rendray  responce,  vous 

remerciant  des  ofl'res  qu'il  vous  plaict  me  faire  de  vostre  soing  pour 

observer  ce  qui  se  pourra  des  pais  d'allentour  de  Rome  par  où  passoit 

ladicte  via  Aurélia  K  Et  des  beaux  vers  de  vostre  façon  dont  il  vous  a 

pieu  me  faire  part,  admirant  tout  ce  qui  sort  de  vostre  main,  aussi  bien 

que  le  s'  Remy,  qui  vous  est  infiniment  obligé  de  tant  de  bienveillance. 

J'envoye  maintenant  quelques  autres  vers  de  luy  à  Ms""  le  Gard"'  chez 

qui  vous  les  pourrez  voir,  n'ayant  le  loisir  de  les  faire  transcrire.  11  y  en 

a  d'autres  d'un  Anonyme  qui  a  de  bonnes  pensées.  Sur  quoy  je  finiray, 

demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  obligé  serviteur, 

DE  Peibesc. 
D'Aix,  ce  2  juin  i6a8'. 

niuni  integrum  ei  prœfuit. ..d  Holstenius  page  85)  renvoie  pour  GolviHe  h  Bandini, 

reparle  ainsi  de  Colville  ( lettre  XIII),  p.  97  :  Comment,  de  Vita  Dont,  p.  xxx. 

rDavid  Colvillus,  apud  quein  Scoriacensis  '  Peiresc  re'pond  là  à  un  passage  de  la 

biblioihecaî  catalogus  extal,  Taurini  adliuc  lettre  XI  (p.  84). 

liaeret,  dubius  utruni  in  Hispaniam  an  Ro-  '  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

main  redeat. ..n  Boissonade  (note  7  de  la  n°  9. 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  285 


XII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Si  je  me  suis  resjouy  aux  nouvelles  que  voz  amys  m'ont  données  de 
i'amendement  de  vostre  santé  et  puis  de  vostre  guarison  entière,  ça  bien 
esté  à  meilleures  enseignes  quand  j'ay  receu  la  lettre  dont  vous  m'avez 
honoré  du  28  juillet'  où  j'ay  apprins  de  vous  mesme  les  asseurances 
de  ce  que  je  passionnois  si  ardamment  et  que  vous  commandez  à  re- 
prendre voz  entreprinses  de  l'édition  du  Porphyre,  estant  bien  marry 
que  voz  imprimeurs  de  delà  s'accommodent  si  mal  à  voz  intentions-  et 
que  leur  ignorance  vous  dcsgouste  de  l'édition  du  Proclus  puisqu'il  cstoit 
prest  à  suyvrc  le  Porphyre,  mais  je  suis  encores  plus  marry  de  n'avoir 
aulcunes  nouvelles  du  Dyonisius  Byzantius;  la  peste  et  la  guerre  qui 
sont  en  Rouergue  nous  ont  bien  traversé  noz  desseins  de  ce  costé  là;  je 
ue  pers  pourtant  pas  espérance,  car  aprez  avoir  durant  plus  d'un  an 
poursuyvy  de  recouvrer  du  costé  de  Thoulouse  le  Pline  appostillé  de  la 
main  de  feu  Pellicier,  evesque  de  Mompclier,  que  M'  Rigault  avoit  tant 
d'envie  de  voir,  lorsque  j'en  avois  le  nioings  d'espérance,  et  à  travers 
les  guerres  du  Languedoc,  on  l'a  envoyé  sans  m'en  adverlir  à  l'advance, 
de  sorte  que  je  fus  grandement  surprins  en  ouvrant  le  fagot  et  y  trou- 
vant ce  livre  dedans,  que  j'envoyay  incontinant  audict  s''  Rigault^.  Je 
prie  à  Dieu  qu'il  m'arrive  bientost  ainsin  de  vostre  Dionysius  Byzan- 
tius; vous  avez  bien  faict  de  vous  asseurer  de  voz  glosses  de  Servius  et 
notes  à  l'Apollonius  Rhodius,  car  il  ne  s'y  fault  plus  attendre,  y  ayant 
employé  un  gentilhomme  de  troz  bon  esprit  condamné  aux  galères 

'  C'est  la  lettre  XIII  (p.  <)4-*)8).  Ilolste-  imprimeurs  :  ffComUem:  illum  [il  s'agit  de 

nius  s'y  plaint  de  la  (ièvre  qui  avait  inler-  Proclus]  darem  Porpliyno ,  nisi  me  lypogra- 

rompu  sa  correspondance,  ce  qui  pour  lui  phorum  Iricae  et  iniperilia  déterrèrent',  ([iii 

avait  dlé  un  chagrin  jiire  que  la  maladie  môme.  niagno  molimino  niliil  promovenl.-i 

'  Holstenius  se  moquait  spirituellement  '  Voir,  sur  le  Pline  de  Guillaume  Peili- 

(p.  98)  des  grands  et  vains  efibrts  de  ses  cier,  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  I,  p.  i55. 


286  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628J 

pour  jeunesses,  lequel  a  enfin  descouvert,  comme  vous  pourrez  voir 
par  la  lettre  qu'il  m'en  escript,  que  l'appréhension  des  coups  de  nerf  fit 
jetter  dans  la  mer  tout  ce  qui  estoit  demeuré  dans  la  galère,  et  que  le 
forçat  qui  avoit  faict  le  vol  est  mort,  de  sorte  qu'il  n'y  a  plus  de  re- 
source à  mon  grand  regret.  Il  fault  procurer  le  remplacement  de  cette 
perte  de  quelque  autre  façon. 

Je  vous  félicite  la  descouverte  du  Diodorus  Tarsensis';  je  pense  qu'il 
pourroit  bien  estre  de  quelque  bon  usage,  principalement  en  ce  qu'il 
faict  de  la  sphère  d'Hipparque  et  autres  semblables  matières,  si  tant 
est  qu'il  y  ayt  rien  de  plus  que  ce  que  le  Ptolémée  et  autres  astronomes 
en  ont  conservé.  On  a  maintenant  achevé  d'imprimer  les  tables  Ru- 
dolphines  de  Tycho  Bralie  par  le  travail  de  Keplerus  qui  y  a  contribué 
uug  grand  soing  et  exactesse^,  dont  les  siècles  advenir  se  pourront 
grandement  prévaloir.  Il  a  rencontré  entr'autres  choses  une  époque 
pour  la  création  du  monde  assez  proche  du  calcul  ordinaire  oii  la  con- 
stitution du  ciel  est  merveilleuse  selon  ses  supputations  pour  le  comman- 
cement  des  mouvements  des  astres  en  des  poincts  de  solstice  et  d'aequi- 
noxe  aux  plus  grandes  haulteurs  en  tel  poinct  que  ne  sçauroit  plus 
revenir  de  siècles  infinis.  Mais  ce  seroit  bien  autre  chose  si  l'advis  du 
card'  Biscia  se  trouve  véritable^  et  que  les  trois  pièces  dont  il  se  vante 
se  puissent  voir  en  noz  jours,  estimant  que  ce  soient  aultant  de  thresors 
inestimables,  chascune  en  son  espèce,  mesmes  celle  du  Stephanus  et 
encores  plus  celle  de  l'Eusebe  que  M'  Scaliger  avoit  pensé  suppléer 
avec  tant  de  peine,  mais  surtout  celle  de  Sanchoniathon  où  je  crois 


'  ff  Reperi  tamen  Diodori  Tarsensis ,  scrip- 
toris  ecclesiaslici  antiqui  et  celeberrimi, 
iibros  duos,  quorum  Suidas  meniinit  ioter 
alla  ejus  opéra  phiriiua. . .  opus  meo  stu- 
diorum  generi  aptissimum. ?!  (Lettre  XIII, 
p.  95.) 

'  Voir  sur  les  Tables  Rudolphines  le  re- 
cueil Peircsc-Dupuy,  t.  I,  p.  409. 

'  Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (passim) 
et  le  fascicule  VllI  des  Correspondants  de 


Peiresc  intitule  :  Le  cardinal  Biehi ,  évêquede 
Carpentras  (Marseille,  i885).  Holstenius 
avait  dit  à  Peiresc  (lettre  XIII,  p.  98)  : 
(rlllustrissimus  Cardinalis  Biscia,  qui  cum 
paucissimis  ex  eo  ordine  bona  studia  et  amat 
et  promovet  iiuper  Suramo  Pontitici  retulil 
trium  auctonim  sibi  speni  cerlissimam 
nescio  unde  faclam  fuisse,  Xpomx&jv  Eu- 
sebii,  ÈSr(X(ùv  Stephani  Byzantii ,  et  Historise 
Phœnicum  Sanchoniathonis. .  .  » 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  287 

qu'il  se  debvroit  trouver  d'admirables  secrets  de  cez  origines  orien- 
tales, voire  des  hébraïques,  qui  y  serviroient  bien  ou  directement  ou 
indirectement.  Informez  vous,  je  vous  supplie,  sogneusement  des  pro- 
grez  de  cette  affaire  pour  nous  faire  part  de  ce  que  vous  en  appren- 
drez. 11  me  tarde  bien  que  vous  ayez  cez  marmora  Arundelliana^ ;  j'ay 
escript  en  Allemagne  pour  taschcr  d'en  tirer  d'Angleterre,  car  nostre 
guerre  nous  empesche  d'en  pouvoir  espérer  de  ce  costé  là,  ne  doublant 
point  que  ce  fœdus  inter  Magnesios  et  SmyrniEOS  ne  soit  excellant.  Nous 
avons  afforce  médailles  antiques  lesquelles  font  souvent  mention  de 
semblables  alliances  et  associations  de  cez  republiques  greques,  prin- 
cipalement de  l'Asie  mineur,  entr'autres  d'Ephese,  de  Smyrne  et  de 
Pergame,  mais  je  n'ay  rien  trouvé  précisément  de  celle  là  de  Smyrne 
avec  Magnesia  qu'il  me  souvienne.  Geluy  qui  descouvrit  le  premier  le 
marbre  est  fort  de  mes  amys^  et  avoit  une  foys  commancé  de  faire  tra- 
vailler pour  l'enlever  et  me  l'apporter,  mais  il  fut  tant  prié  par  un  An- 
gloys  qu'il  le  luy  céda,  à  mon  grand  préjudice,  dont  il  s'est  bien  repenty 
depuis^.  Ce  Chronicon  Georgii  Monachi  ne  peult  estre  que  trez  bon  à 
imprimer  avec  ses  continuations  de  Theophanes  et  d'un  autre  plus 
bas  et  la  version  mesme  d'Anastasius  ''.  Il  y  a  quelque  chose  de  sem- 


'  (tExpecto  nunc  in  dies  ex  Britannia  îi- 
beiluin  iiiscriptionum  aiiliquarum  qiia;  in 
sedibus  illuslrissimi  coiiiitis  Arundelii  visun- 
tur  :  eariim  plerseque  oranes  Graecœ  siiiit, 
ex  Asiœ  Minoris  ora  niaritima  in  Angliam 
delate ,  in  quibus  tabula  ingens ,  continens 
fœdus  inter  Sniyrnaeos  et  Magnesios  quo 
nionimcnto  iiuliuni  ad  nos  prelinsius  ex 
omni  anliquitate  perveiiissescribunt:  titulu» 
iiitcllo  est,  Marmora  iVrundelliana.n  Voir  la 
note  de  Bobsonade  contenant  de  riches  ré- 
fëreiices  et  oîi  il  rappelle,  d'après  Gassendi, 
({ue  les  marbres  avaient  ët(!  Irouvés  par  un 
agent  de  Peii-esc,  si  bien,  ojouterai-je,  que 
les  marbres  d'Arundel  devraient  en  bonne 
justice  s'appeler  mai'bres  de  Peiresc.  CI',  le 
recueil  Peiresc-Dupuy  (voir  à  la  Table  le 


nom  Arundet),  et  le  fascicule  VI  des  Corres- 
pondants de  Peiresc  :  Balthazar  de  Vins  (Mar- 
seiUe,i883,  p.  8). 

'  C'était  Sanson  Napollon  (voir  les  sources 
indiquées  en  la  note  précédente). 

'  Ou  a  souvent  raconté  l'anecdote  d'une 
façon  plus  délavorable  pour  la  loyauté  an- 
glaise. D'après  le  témoignage  formel  de  Pei- 
resc, il  n'y  eut  donc  que  pression  par  prières 
et  non  extorsion  et  violence. 

*  Holsteniusavaitdit (lettre XIII,  p.  98): 
rrlHustrissimi  cardinalis  [Barberini]  jussu 
descriptura  est  ex  Vaticanis  mcnibranis 
Georgii  Monachi  xpovtxàv  opus,  et  ejus  con- 
tinuator  Theophanes,  et  Anasta^ii  Bibliothe- 
carii  vereio  Latina  atriusque  operis,  tura 
alia  Theoplianis  conlinualio. .  .  Opcraî  pre- 


288  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

blable  dans  la  Bibliothèque  du  Roy,  comme  vous  pouvez  avoir  veu,  au 
moings  pour  ce  qui  est  du  texte  grec.  Et  M'  Autin  que  vous  cognoissez, 
l)eau  frère  de  M"^  Rigault,  en  avoit  entreprins  une  version  latine  pour 
la  faire  imprimer  avec  le  texte  grec,  mais  comme  il  est  fort  occupé  en 
sa  charge  et  naturellement  fort  lent,  cela  n'est  guieres  advancé  à  mon 
advis.  Le  commancement  n'est  qu'au  temps  de  Pompée,  et  il  eust  bien 
voulu  avoir  ce  que  Georgius  Syncellus  avoit  reprins  de  plus  hault  pour 
faire  l'œuvre  bien  complette.  J'en  avois  mesmes  faict  faire  la  recherche 
dans  l'Escurial  comme  le  Cavalier  Doni'  le  vous  pourra  tesmoigner,  mais 
il  se  trouve  que  l'exemplaire  de  l'Escurial  ne  commençoit  pas  plus  hault. 
Voyez,  je  vous  supplie,  si  celuy  là  vient  de  plus  loing  ou  non,  et  si 
c'est  Syncellus  ou  un  autre  George,  car  il  y  en  a  eu  plusieurs  qui  ont 
entrepris  des  ouvrages  de  chronologie  assez  pareils  en  quelque  chose,  et 
soit  d'une  façon  ou  d'autre,  si  Mons^''  le  card'  Barberin  veult  souffrir 
que  l'édition  s'en  face  à  Paris,  je  m'asseure  qu'il  s'y  trouvera  afîorce 
entrepreneurs  et  la  commodité  de  la  version  latine  de  l'Anastasius,  bien 
que  assez  mal  fidèle  en  quelques  endroicts,  pourroit  bien  faciliter  cette 
entreprinse.  Au  reste,  si  pour  accélérer  vos  géographes  vous  avez  de 
besoing  des  volumes  des  Navigations  du  Purchas^,  je  vous  envoyeray 
le  mien  trez  volontiers;  n'en  faictes  pas  de  difficulté  de  l'accepter.  Que 
si  Ms'  le  Gard'  veult  recouvrer  celuy  là  ou  autres  livres  de  Paris,  soit 
par  l'entremise  de  M''  le  Nonce  ou  sans  autre  entremetteur,  faictes  que 
j'en  aye  le  mémoire  et  j'y  satisferay  ponctuellement  comme  il  ordon- 
nera, et  s'il  veult  recouvrer  quelque  fagot  ou  quelque  balle  en  les 
faisant  consigner  soubs  mon  adresse  chez  Gramoisy  libraire  de  Paris  ^, 


tium  foret  omnia  ista  junctim  prodire  in  lu- 
cem.  1  H  a  été  question  de  tous  ces  auteurs 
dans  notre  tome  IV  (Lettres  à  J.-J.  Bou- 
chard). 

'  Sur  l'arcWoiogue  Jean -Baptiste  Doni 
voir  {passim)  le  recueil  Peiresc-Dupuy. 

^  Hoislenius  (lettre  XIII,  p.  97)  s'était 
rëjoui  d'apprendre  que  Peiresc  ])ossédait  cet 
important  recueil  que  lui-même  avait  voulu 


emporter  de  Paris  h  Rome,  mais,  ajoute- 
t-il  :  rExigua;  sarcinse  quatuor  illa  vasta  vo- 
luniina  non  admittebant.  »  Le  correspondant 
de  Peiresc  reparle  du  recueil  de  Purchas  (  Na- 
vigaliones  anglicanas)  aux  pages  101,  107. 
1 1 4  et  ne  cesse  d'en  réclamer  l'envoi. 

*  Sébastien  Gramoisy  est  fort  souvent 
mentionné  dans  les  trois  tomes  du  recueil 
Peiresc-Dupuy. 


[1628]  À  riOLSTElNIUS.  289 

je  les  recevray  par  voies  asseurées  et  les  feray  tousjours  tenir  fort  fidè- 
lement d'icy  à  Rome  dont  nous  avons  des  commoditez  à  toutes  heures. 
Pour  le  Nonnus  de  Heinsius  et  les  epistres  de  Scaliger,  s'il  y  a  rien 
([ui  vous  fasse  de  besoing  j'en  ay  desja  envoyé  là,  qui  ne  vous  seront 
pas  refusez,  je  m'asseure,  si  vous  les  demandez,  mais  la  Grecia  d'Em- 
mius,  je  ne  l'envoyay  point,  n'estimant  pas  qu'il  y  eusl  rien  que  du 
commun;  vray  est  que  c'est  en  meilleur  ordre  que  ce  que  les  autres  en 
ont  faict  '.  J'en  ay  à  vostre  service,  quand  vous  vouldrez,  et  si  je  trouve 
commodité  extraordinaire,  car  le  volume  est  grosset,  je  le  vous  en- 
voyeray  et  de  bon  cœur.  J'oubliois  de  vous  dire  que  sur  mes  regrets 
do  ce  que  les  voyages  de  Purchas  en  Anglois  ne  me  sont  pas  intelli- 
gibles, on  m'a  envoyé  de  Paris  une  version  françoise  d'un  petit  voyage 
d'un  moscovite  au  Gattay  où  j'ay  trouvé  d'assez  jolies  curiositez,  mais 
y  trouvant  aussy  je  ne.sçay  quoy  d'incompatible  avec  tant  d'autres  rela- 
tions de  la  Chine,  je  me  rendis  curieux  de  le  faire  conférer  icy  sur  le 
texte  angloys  par  un  gentilhomme  ecossois  qui  en  print  la  peine  pour 
l'amour  de  moy,  mais  il  y  trouva  tout  plein  d'obmissions  et  de  choses 
mal  interprétées  et  mal  entendues,  ce  qui  me  faict  bien  regretter  que 
vous  ayez  esté  destourné  de  la  version  de  cez  petites  pièces  que  vous 
aviez  une  foys  voulu  entreprendre,  principalement  de  celle  du  Mogor-^ 
que  je  regrette  sur  toutes  les  autres,  combien  que  j'entends  qu'il  y  en 
a  de  trez  excellantes.  Mais  ce  pauvre  Purchas  n'a  pas  peu  se  bien  tem- 
pérer de  mesler  en  quelque  endroict  je  ne  sçay  quoy  de  sa  prétendue 
religion  contre  la  catholique  dont  il  se  seroit  bien  passé'  et  dont  son 
livre  n'acquerra  pas  plus  de  crédit,  à  quoy  il  vous  fauldi-a  precautionner 
((uand  vous  recevrez  ledit  livre.  Il  me  reste  à  vous  rendre  raison  des 

'   Holsteiiius  (lettre  XllI,  p.  97)  s't'tait  gol.  Voir  les  Lettres  aux  frères  Dupuy,  t.  I 

plaint  de  l'absence  à  Rome  de  tels  et  tels  et  11 ,  passim. 

recueils  indisjiensnbles  à  ses  études,  ajou-  '  C'est-à-dire  :  dont  il   aurait  bien   dû 

tant  qu'il  attendait  en  vain  depuis  un  an  s'abstenir.  Holstenius  (lettre  \IV,  p.  lot) 

YEmmiits,  YHeinsim  et  le  Scali/rer.  Voir  sur  raconte  qu'il  a  connu  à  Londres  le  ministre 

les  trois  auteurs  et  sur  les  trois  ouvrages  le  Purchas  et  lui  reproche  de  ne  perdre  auiune 

recueil  Peiresc-Dupuv  {pnssim).  occasion  de  dire  du  mal  des  catholiques,  et 

■  Peiresc  éci-ii  toujours  Mo(for  pour  Mo-  surtout  des  Jésuites. 

V.  37 

tVPKlIftlltl    XATIOXAtr. 


•290  LETTRES  DE  PËIRESC  [1628] 

Eclogues  de  Constantin  Emp%  sur  quoy  je  vous  diray  que  j'ay  enfin 
impttié  l'original  pour  l'envoyer  à  Paris  et  le  faire  imprimer  là  par 
quelqu'un  de  cez  messieurs  qui  sont  capables  de  telles  entreprinses 
selon  la  commodité  qu'ils  en  pourront  prendre.  Si  M'  Grottius'  y  vou- 
loit  travailler  comme  ayant  plus  de  loisir  et  moins  de  divertissement 
que  les  autres,  il  s'en  acquitteroit  trez  bien,  je  m'asseure^;  sinon,  il 
fauldra  voir  que  quelqu'  autre  l'entrepraigne.  M'  Rigauit'  est  si  occupé 
ailleurs  qu'il  est  bien  malaisé  qu'il  s'y  astraigne.  Tant  y  a  que  d'une 
laçon  ou  d'autre  on  y  Irouvera  quelque  parly;  on  y  a  depuis  peu  im- 
primé la  version  latine  des  canons  ecclésiastiques  de  Dionysius  Exi- 
guus'  dont  j'envoye  un  exemplaire  présentement  à  Ms"^  le  Gard'.  Le 
Solin  de  M"'  Saulmaise  est  encor  en  arrière  soub  la  presse*,  n'y  pou- 
vant mettre  la  dernière  main,  tant  il  est  fécond  en  ses  remarques  et 
conceptions.  M""  Rigault  ne  lasche  pas  encor  du  tout  son  Tertullian  où 
il  y  a  encores  quelque  chose  à  faire®.  Et  je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  serviteur, 
DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  ait  aoust  i6a8  '. 


'  Hugo  Grolius  est  fort  souvent  men- 
tionué  dans  les  trois  tomes  du  recueil  Pei- 
resc-Dupuy.  11  ligure  aussi  plusieure  fois 
dans  les  lettres  de  Holstenius  (p.  Sa  ,  4o,  6o, 
101,  io8,  ^79,  387,  463,  467).  Holste- 
nius fait  généralement  prêcher  le  nom 
de  Grotins  de  la  flatteuse  épithète  amplis- 
simus. 

'  Holstenius  donne  raison  à  Peiresc  par 
cette  exclamation  (lettre  XIV,  p.  101)  : 
"Ulinam  vero  interpretandi  munus  CI.  Dn. 
Grotio  imponere  possisli' 

'  De  Nicolas  Rigault,  comme  de  Gro- 
tius ,  je  dirai  qu'il  est  très  souvent  cite  dans 
le  recueil  Peiresc-Dupuy,  comme  dans  le 


recueil  des  lettres  de  Holstenius.  Voir  no- 
tamment en  ce  dernier  recueil,  p.  3q  ,  1  o4 , 
108,  124 ,  317,  3oi,  467. 

'  Sur  Denys  le  Petit,  voir  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy, 1. 1,  p.  685,  701. 

'  Voir  sur  Claude  de  Saumaise  et  son 
•édition  de  Solin  plus  de  cent  passages  de  la 
correspondance  de  Peiresc  et  des  frères  Du- 

p»y- 

*  LVdition  des  œuvres  de  TertuUien  de- 
vait encore  se  faire  attendre  quelques  an- 
nées, comme  on  peut  le  voir  dans  le  recueil 
Peiresc-Dupuy. 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  2<.)1 


XIII 


MÊME  ADRESSE. 


Monsieur, 

Par  les  lettres  que  le  dernier  ordinaire  de  Rome  nous  a  apportées 
de  la  part  de  noz  bons  amys,  M'  Aleandro  m'escript  qu'il  croyoit  que 
vous  m'escriviez  concernant  vos  estudes  et  les  ouvrages  que  vous  aviez 
en  main,  mais  il  ne  s'y  est  poinct  trouvé  de  lectre  vostre,  qui  servira 
seulement  d'avis  en  cas  qu'elle  eust  esté  mal  adressée,  car  vous  em- 
ployez si  utilement  le  temps  à  voz  dignes  œuvres  que  je  ne  pretendz 
nullement  vous  en  divertir  pour  m'escripre;  M'  Aubery  suppléera  fa- 
cilement à  cela  et  volontiers,  et  me  fera  entendre  ce  que  vous  trouverez 
bon  de  me  faire  sçavoir  par  luy  aux  occasions.  Il  me  mande  qu'il 
vous  avoit  accompagné  à  la  vigne  d'Aldobraudin  pour  y  aller  voir  la 
peincture  antique  '  et  que  vous  y  aviez  remarqué  certaines  choses  que 
les  peinctres  n'avoient  pas  represantées  ne  entendues  en  les  coppiant  et 
que  vous  en  vouliez  faire  un  petit  discours,  dont  j'ay  esté  infiniment 
aise  et  dont  j'ay  bien  voulu  vous  prier  moy  mesnies  pour  en  accélérer 
l'expédition  aultant  que  vostre  commodité  le  permettra'^  sans  retarda- 
lion  du  cours  de  vos  plus  importants  labeurs,  car  il  me  tarde  fort  d'ap- 
prendre ce  qui  sera  de  vostre  advis  sur  un  si  noble  subject  et  de  si 
difficile  interprétation  ^. 

Aprez  cela  je  desirerois  bien  qu'un  jour  de  vostre  loisir  vous  eussiez 

'  Toiil  le  monde  sait  que  dans  une  villa  lion  si  difficile,  lui  qui  écrivait  h  Peiresc 

appartenant  à  la  famille  Aldobrandini  et  si-  (p.  109)  :  tcQuid  de  tota  illa  piclura  sen- 

tu«?e  à  Rome  sur  le  mont  Quirinal ,  on  con-  liam  paiicis  significabo,  quamvis  ad  ejus 

servait  des  fresques  antiques  connues  sons  explicationem  OEdipo  non  sit  opus  :  ita  res 

le  uom  de  Noces  Aldohrandmes.  ipsa  loquitur.i  Malgré  sa  magnifique  assu- 

'  Holstenins  promit;» Peiresc (leltreXVIl,  rance,  Holstenius  se  trompa  gravement (uou 

p.  109)  de  lui  faire  connaître  ses  idées  là-  leviter  crr;it  in  explicanda  insigni  tabula), 

dessus,  dès  qu'il  aurait  (cnniné  sou  travail  comme  s'exprime  Boissouade  dans  une  note 

sur  Porphyre.  Le  docte  humaniste  revient  (p.  118)  où  il  cite  les  meilleures  iulerprë- 

sur  ce  sujet,  p.  118  et  1^7.  tations  de  Pignoria  (tG3o),  de  Ikeltiger 

^  Holstenius  ne  croyait  pas  l'interpréta-  (1-810). 

37. 


292  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

bien  considéré  et  examine  les  figures  gravées  en  bas  relief  sur  un  grand 
vase  antique  d'esmail  qui  a  voit  esté  autrcfoys  du  feu  cardinal  del  Monte 
et  qui  est  maintenant  de  M^"  le  cardinal  Barberin,  qui  est  une  des 
belles  pièces  de  toute  l'antiquité,  ne  croyant  pas  que  guières  de  gents 
puissent  mieux  déchiffrer  que  vous  toutes  les  figures  qui  y  sont  re- 
présentées, ayant  la  cognoissance  que  vous  avez  de  toute  la  meilleure 
antiquité,  mais  cela  n'a  point  de  hasle  et  se  doibt  faire  tout  à  loisir 
selon  que  vous  aurez  les  moyens  de  le  voir  plus  d'une  fois  et  d'y 
songer. 

On  m'escript  aussy  de  Rome  qu'on  y  a  veu  la  Notice  Marmorum  Ariin- 
delianonim ,  avec  des  notes  de  M""  Seldcnus'  avec  qui  j'avois  autrefois 
eu  des  habitudes  que  mon  absance  de  Paris  avoit  interrompues  et  que 
ces  dernières  guerres  ont  fait  cesser  entièrement.  Nous  avions  quelque 
espérance  que  de  la  foire  de  Francfort  il  en  pourroit  venir  quelque 
exemplaire,  mais  les  bruicts  de  la  maladie  de  Lyon  la  nous  font  perdre 
tout  à  faict;  mandez  moy  si  ce  fœdus  Smyrnaeorum  y  est  inséré  tout  au 
long  ou  non,  car  ce  tiltre  de  Notitia  ou  Index  me  faict  craindre  qu'on 
ne  se  soit  contenté  de  faire  un  desnombrement  desdits  marbres  sans  les 
insérer  tout  au  long.  J'avois  escript  à  Paris  touchant  ce  que  vous  mô 
disiez  du  Georgius  Monachus  et  du  Theophanes  de  Mons'  le  card' 
Barberini  et  de  leur  version  par  continuation  tant  d'Anastasius  Biblio- 
thecarius  que  d'un  autre  du  temps  de  l'Emp.  Léon.  M''  Rigault  m'escript 
et  d'autres  aussy  que  M''  Aultin,  qui  a  longuement  travaillé  sur  cet  au- 
theur  et  faict  de  trez  rares  observations  en  la  chronologie  ancienne ^ 
se  pourroit  bien  resouldre  d'accellerer  le  dessein  qu'il  avoit  de  les  faire 
imprimer  s'il  voyoit  l'exemplaire  de  mondit  seigneur  Cardinal  pour  le 
conférer  avec  ceux  de  la  Bibliothèque  du  Roy.  Si  vous  jugez  que  ce 


'  Sui-  Jean  Selden,  voir  le  recueil  Pei-  sonade,   qui   traduit  Altinum   par  Hautiin 

rcsc-Dupuy,  ;>assim.  (p.  109,   noie  a),  cite  sur  cet  helléniste 

'  Sur  ce  docte  conseiller  au  Cliâtelet  de  XOnomnMicoii   de    Saxius,    la    Bibliothèque 

Paris,  voir  les  trois  tomes  du  recueil  Pei-  grecque  de  Fabricius,la  Vie  de  Peiresc  par 

resc-Dupuy.  Holstenius  en  parle  assez  Ion-  Gassendi, 
guement  (lettre  XVII,  p.  109,  1  )o).  Bois- 


[1628]  À  HOLSTENIUS.  293 

soit  chose  qu'on  n'eust  pas  dezagreablc  de  par  delà,  nous  en  escririons 
à  mondit  seigneur  le  Gard"'  pour  ayder  le  public  à  recouvrer  de  si 
bons  autheurs  et  moyennerons  que  ce  soit  sans  le  frustrer  de  l'hon- 
neur qui  luy  est  deub  sur  ce  subject  et  sur  le  soing  qu'il  a  d'obliger  le 
public  et  la  mémoire  de  cez  anciens  autheurs. 

J'escripts  à  M""  Aleandro  touchant  l'édition  de  certains  fragmentz 
d'une  bible  Aegyptienne  antique  dont  le  nis.  est  ez  mains  de  M"'  P"  de 
la  Valle^;  vous  pourriez  bien  vous  employer  à  cela  et  nous  dire  un  jour 
vostre  advis  de  cette  langue  et  des  caractères  dont  elle  est  escripte.  Si 
parmy  vos  recherches  de  livres  vous  rencontrez  des  œuvres  de  Car- 
dan -  non  imprimées,  ne  négligez  pas,  je  vous  prie,  de  voir  à  peu  prez 
ce  que  ce  peult  estre  et  de  nous  en  donner  un  mot  d'advis;  j'en  escripts 
aussy  à  M"'  Aleandro  et  vous  prie  d'en  conférer  avec  luy  et  me  tenir 
tousjours, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  sei'viteur, 

DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  ce  a  A  sept.  1628  '. 


XIV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Lundy  dernier  M"'  Dormale*  arriva  chez  nous  sain  et  saulve  avec  voz 
lettres  du  3  octobre^.  Je  le  receus  sinon  selon  le  mérite  singulier  de  sa 

'  Sur  le  voyageur  Pierre  délia  Valle,  *  Sur  l'humaniste  Henri  Dormalius,  voir 

voù'  le  recueil  Peiresc-Dupuy, pa*sîm ,  mais  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  I,  p.  ySo,  7^1 

surtout  1. 1,  p.  545.  et  1. 111,  p.  819  et  suivantes. 

'  Jérôme  Cardan  est  mentionne  dans  les  '  Cette  lettre  est  insért'e  sous  le  n°  XV  dans 

trois  tomes  du  recueil  Peiresc-Dupuy,  à  par-  le  recueil  de  Boissonade  (p.  t  oa-i  o4  ).  Hol- 

tir  de  la  page  5i8  du  tome  1.  stenius  y  loue  beaucoup  la  vertu  et  l'insigne 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  érudition  du   chanoine  et  le  recommande 

"°  1 1.  très  chaleureusement  à  Peiresc,  "unum  te 


29i  LETTRES  DE  PEIRESG  [1628] 

vertu  et  de  son  érudition,  à  tout  le  moings,  avec  le  plus  de  tesmoi- 
gnage  qu'il  me  fut  possible  de  ma  bonne  volonté,  et  de  mon  inclina- 
tion toute  entière  à  l'Iionorer  et  servir  de  tout  ce  qui  dépendra  de  nioy 
et  des  miens.  Je  lui  ay  baillé  chambre  céans,  où  il  demeurera  tant 
qu'il  luy  plairra  et  sera  traicté  sans  cérémonie,  comme  s'il  estoit  mon 
propre  frère.  Vostre  recommandation  et  celle  de  M'  Aleandro'  (quand 
il  n'auroit  pas  eu  tant  de  recommandables  qualitez  comme  il  a  de  son 
chef)  peuvent  tout  sur  moy  et  sur  toute  noslre  maison.  Les  grands 
bruicts  de  la  maladie  de  Lyon  et  autres  henx  circonvoisins  le  tiennent 
un  peu  en  allarme  et  en  grande  irrésolution  de  ce  qu'il  fera,  et  quel 
chemin  il  pourra  prendre  s'il  ne  trouve  bon  de  s'arrester  icy  comme 
je  l'en  prie.  S'il  eust  preveu  cet  inconveniant,  il  n'eust  bougé  de  Rome 
de  cet  hyver,  à  quoy  il  n'eust  rien  perdu  nomplus  que  vous,  puisqu'il 
vous  pouvoit  soulager  de  quelque  travail ,  que  vous  ne  confierez  pas 
possible  si  facilement  à  un  autre,  moings  versé  que  luy  en  la  routtine 
des  anciens  MSS.  Je  luy  ay  mis  en  main  le  MS.  des  Eclogues  de 
rEmp[ereur]  Constantin^,  et  d'abbord  rencontrant  les  Eclogues  tirées 
des  Chroniques  de  Georgius  Monachus,  je  fus  fort  aize  de  voir  qu'il  y 
recogneut  que  c'estoient  vrais  fragments  de  celuy  qu'il  a  transcript  aa 
Vatican  pour  M?""  le  card"'  Baiberin,  autre  que  celuy  qui  commence  à 
Pompée.  Mais  il  ne  se  ressouvenoit  plus  jusques  où  il  continue,  ce- 
luy cy  vient  jusques  à  Théophile  empereur.  Vous  pourrez  vérifier  sur 
les  MSS.  de  delà,  s'ils  viennent  aussy  bas  ou  non,  et  me  ferez  faveur 
de  m'en  advertir.  11  y  rencontra  hier  en  passant  le  temps  un  passage 
qu'il  croid  debvoir  estre  de  vostre  goust,  dont  il  vous  escrira,  je  m'as- 
seure.  Ce  meseroit  un  grand  contentement  qu'il  y  eust  de  quoy  donner 
la  pasture  à  vostre  curiosité,  en  chose  qui  fut  digne  de  vous.  Mais  je 

omnium  Gallonim ,  et  amanlissimum  lilte-  *  Holstenius  n'avait  pas  manque  de  dire 

raruni,  el  litteratoi-um  faulorem. .  .t..  à  Peiresc  cotiihicn  Dornialius  était  un  habile 

'   Holstenius  dit  (p.  loa)  que  Dormalius  pali'ographe  :  crMiraberis,  scio,  hominis  dex- 

a  iiisistd  pour  êlre  recommandé  à  la  fois  par  teritatem  in  scriptis  codicibus  tractaiidis, 

les  deux  correspondants  de  Peiresc  :  "tam  qua  me  vix  queniquam  ilii  parem  vidisse 

sollicite  a  me  atque  Aleandro  libi  commen-  memini.îi 
dari  petierit.D 


[1G28]  À  IIOLSTENIUS.  295 

crains  bien  que  ce  qui  vous  pourra  avoir  eschappé  soit  peu  de  chose. 
S'il  en  veult  transcrire  ce  qui  n'est  imprimé  que  nous  sçachions,  il  ne 
tiendra  qu'à  luy,  car  j'en  ay  eu  la  permission  bien  ample.  Et  si  luy  ne 
le  faict,  je  n'espère  pas  qu'aulcun  le  puisse  faire  en  ce  pais,  car  nous 
n'y  avons  pas  des  gents  entendus  qui  puissent  vacquer  à  cela.  Et  c'est  la 
principale  cause  pour  quoy  l'original  n'est  pas  encores  passé  à  Paris, 
d'aultanl  qu'on  avoit  regret  de  le  bazarder  aux  dangers  dos  chemins, 
sans  qu'il  en  demeurast  quelque  copie  des  principales  pièces,  pour  v 
pouvoir  recourir  en  cas  de  perte  de  l'original.  Si  ce  personage  icy  se 
peult  donner  cette  patiance,  il  nous  obligera  bien  trez  tous,  et  subsi- 
diairement  le  public,  car  par  ce  moyen  il  pourra  accellercr  l'édition  de 
ce  qui  en  sera  estimé  digne.  Il  a  commencé  de  transcrire  le  plus  court 
qui  est  tiré  des  Chroniques  de  Joannes  Malela,  dont  je  n'avois  pas  en- 
cor  ouy  parler,  nom])lus  que  luy.  Et  si  nous  pouvons  bien  discerner 
ce  qui  est  de  Nicholaus  Daniascenus,  j'ay  bien  envie  de  le  luy  faire 
transcrire  tandis  que  je  le  tiens.  Ce  qui  est  du  Polybe  et  du  Dion  Cas- 
sius  est  de  plus  longue  haleine,  comme  aussy  du  Joannes  Antiochenus, 
qui  coramance  à  Adam,  et  finit  à  l'empereur  Anastase.  Hors  de  ce  vo- 
lume là,  je  ne  pense  pas  que  nous  luy  puissions  rien  fournir  qui  vaille 
en  cette  langue  là,  venant  comme  il  faict  des  mères  sources  du  Vatican 
et  de  cez  autres  grandes  et  curieuses  bibliothèques  d'Italie,  dont  j'ay 
prins  grand  plaisir  de  le  faire  discourir.  Mais  je  souhaicterois  bien  que 
le  nombre  y  fust  plus  grand  de  persones  bien  amoureuses  de  cette 
belle  estude,  si  recommandable,  et  toutefois  si  peu  cultivée  en  ce 
siècle.  Je  l'ay  enquis  fort  particulièrement  de  vostre  santé  et  de  voz 
estudes,  et  comme  j'ay  esté  trez  aise  d'entendre  vostre  guerison  entière 
depuis  cette  grande  et  violante  maladie  qui  vous  avait  si  maltraicté,  j'ay 
esté  un  peu  fasché  d'apprendre  que  vous  en  soyez  demeuré  si  affoibly, 
et  que  vous  vous  laissiez  emporter  à  la  passion  que  vous  avez  pour 
l'estude,  plus  avant  qu'il  ne  fauldroit  pour  voz  forces,  et  pour  le  lieu 
où  vous  estes,  oi!i  c'est  que  la  température  chaude  faict  une  assez 
grande  dissipation  d'esprits,  sans  y  coopérer  avec  une  estude  trop  ex- 
cessive. 


296  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

Quant  à  voz  ouvrages,  je  ne  double  poinct  que  vous  ne  les  puis- 
siez mieux  assortir  et  perfectionner  en  ce  lieu  là  qu'en  tout  autre, 
à  cause  de  la  commodité  et  abundance  des  MSS.,  mais  les  imprime- 
ries y  sont  tellement  enrouillies  en  matière  des  lettres  grecques  et  hu- 
maines, que  je  crois  que  vous  aurez  bien  de  la  peine  à  rien  tirer  des 
mains  de  cez  ouvriers  là,  qui  ne  vous  couste  une  infinité  de  temps  dont 
la  perte  ne  peult  estre  qu'inestimable  pour  vostre  regard,  et  pour  le 
public,  qui  a  interest  que  vous  vacquiez  à  la  partie  de  l'estude  la  plus 
noble,  plus  tost  qu'à  celle  là.  Mais  si  ne  debvez  vous  pas  pourtant  vous 
lasser  de  bien  faire  et  de  mettre  en  estât  de  voir  le  jour  cez  belles 
entreprinses  que  vous  avez  en  main.  Et  s'il  est  trop  difficile  de  les  faire 
imprimer  de  par  de  là,  il  y  aura  bon  moyen  de  se  prévaloir  des  presses 
de  Paris,  oij  vous  avez  de  bons  amys  qui  y  surveilleront  volontiers  pour 
l'amour  de  vous  et  du  ])ublic.  Et  sur  ce,  aprez  vous  avoir  réitéré  les  as- 
-seurances  du  fidèle  et  inviolable  service  que  je  suis  résolu  de  rendre  à 
M' Dormal ,  je  finiray  demeurant. 
Monsieur, 

voslre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  10  novembre  au  soir,  1628. 

[En  marge.^  Si  M"'  d'Ormale  se  resoult  de  passer  oultre  en  France, 
je  ne  manqueray  pas  de  l'accompagner  de  mes  lettres  envers  tous  cez 
Messieurs  que  vous  me  nommez,  et  de  leur  faire  voz  excuses'.  Au 
reste  vous  me  mandez  par  la  lettre  que  M''  d'Ormale  m'a  rendue  de 
vostre  part,  que  vous  m'aviez  escript  peu  de  jours  auparavant,  c'est  à 
dire  par  l'ordinaire  du  moys  de  septembre,  mais  je  n'ay  pas  receu  vostre 

'  Holstenius  (p.  loi)  chargeait  Peiresc  de  Peiresc  et  des  coinniissions  que  le  voya- 

de  recommander  Dormalius  à  Rigault ,  au  geur  devra  faire  auprès  de  lui.  Le  reste  du 

R.  P.  Vassan,  etc.  La  lettre  XV  est  suivie  programme  s'applique  seulement  à  des  sa- 

d'un    document   intitule   :   Commonilorimi  lutations  destinées  aux  savants  de  Paris  nom- 

Henrico Dormalio  Roma proficisceiiti(p.  io5-  nii^s  ci-dessus  el,  de  plus,  h  Grolius  et  au 

108).  Dans  ces  instructions  il  s'agit  surtout  P.  Sirmond.                      ! 


|lf)28]  À  HOLSTENIUS.  297 

lettre.  11  fault  sçavoir  à  qui  vous  l'aviez  baillée.  Je  n'en  ay  poinct  eu 
(le  vous  depuis  celle  du  moys  dejuillct.-Si  vous  les  envoyez  à  M'' Aubery 
ou  à  M'  Aleandro,  elles  ne  courront  pas  de  fortune  d'eslre  esgarées 
on  bien les  envoyer  droict  à  Genfs [couvert par  la  reliure]. 

J'approuve  grandement  le  soing  que  vous  prenez  pour  acquérir 
quelque  entrée  aux  langues  orianlales  d'où  dépendent  les  plus  no- 
tables origines  de  l'antiquité.  11  fault  pour  y  aller  de  meilleur  pied 
que  vous  ayez  la  cognoissance  dell'  lllust'"°  S''  Pietro  délia  Valle,  et 
que  vous  voyiez  les  livres  MSS.  qu'il  a  rapportez  du  Levant,  et  spé- 
cialement les  Samaritains  et  ^]gyptiens.  M''  Aleandro  et  M'  Le  Bret 
vous  y  serviront  volontiers,  et  M^''  le  Gard"'  mesmes  n'y  refusera  pas 
je  m'asseure  son  intervention  si  bosoing  est". 


XV 

MÊMF.  ADRIÎSSK. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  de  Rome  ou  de  Gènes  vostre 
lettre  du  3  de  ce  moys^;  j'en  avois  receu  d'autres  précédantes  du  3  oc- 
tobre le  lundy  3o  du  mesme  moys  d'octobre  par  les  mains  du  s""  Dor- 
inalius,  seulement  trois  jours  aprez  le  passage  du  dernier  ordinaire, 
desquelles  je  vous  accusay  la  réception  3  ou  A  jours  aprez,  par  voye 
extraordinaire  du  costé  de  Marseille  soubs  adresse  du  s'  de  Gastines  à 
M'  Aubery  pour  vous  oster  de  la  peine  où  vous  eussiez  peu  astre  concer- 
nant la  navigation  dudict  s''Dormalius  qui  vous  escripvit  aussy  un  mol 
par  mesme  moyen.  Je  fis  tout  ce  que  je  peus  pour  retenir  céans  ledict 
s''  Dormalius,  à  tout  le  moings  ])our  cet  liyver,  en  attendant  le  beau 
temps.  Mais  il  me  tesmoigna  tant  d'envie  de  passer  oultre  que  je  n'osay 
y  résister,  ne  m'abeurter  au  contraire,  à  cause  des  bruicts  de  la  ma- 

'  Ribliollièque  Bnrberini,  vol.  79,  pièce  n°  la.  —  '  Lettre  n°  XVII  (p.  tog-i  i4). 
T.  38 


IirKtVCtIK    RtTIO^ltK 


298  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G28| 

ladie  contagieuse  dont  noz  voisins  estoient  desjà  bien  affligez  et  incom- 
modez. De  crainte  qu'il  n'eust  subject  de  se  plaindre  de  moy  s'il  se 
trou  voit  engaigé  icy  avec  nous,  et  que  le  malheur  fust  tel  (ce  que  Dieu 
ne  veuille)  que  le  mal  arrivast  jusques  à  nous,  comme  il  ne  scroif 
pas  difficile,  quelques  précautions  que  nous  y  puissions  apporter,  si 
nous  n'en  sommes  préservez  par  une  grâce  de  Dieu  bien  spéciale.  Il  se 
résolut  donc  de  partir  huict  joui"s  aprez  sa  veniie,  et  ayant  sceu  que 
non  seulement  la  ville  de  Lyon,  mais  beaucoup  d'autres  sur  les  che- 
mins d'icy  à  Paris  estoient  infectées  de  la  maladie,  il  délibéra  de  laisser 
pour  à  celte  heure  le  voyage  de  Paris,  et  de  se  retirer  chez  luy  par 
le  chemin  le  plusdroict,  et  le  plus  exempt  de  tout  soupçon  de  mal. 
Il  choisit  le  chemin  de  Sisteron  pour  s'ailler  rendre  par  le  Haull  Daul- 
phiné  à  Grenoble  (où  je  le  recommanday  au  s'  président  d'Expily  ')  en 
intention  de  s'en  aller  par  les  païs  des  Suisses  gaigner  la  rivière  du 
Rhin,  qui  le  peult  porter  aiseement  jusques  bien  prez  de  chez  luy.  Je 
l'advertis  de  voir  en  passant  .s'il  pouvoit  la  bibliothèque  de  S'  Gal^ 
et  si  .son  chemin  l'obligeoit  de  passer  le  Rho.sne  à  Genève,  de  voir  le 
s'  Jacques  Godefroy  et  ses  MSS.  et  que  s'il  prenoit  le  chemin  de  la 
Franche-Comté,  il  vid  le  s'  Chifflet  à  Bezançon  ^;  il  promit  de  vous, 
escrire  aussy  tost  qu'il  seroit  chez  luy.  Je  luy  avois  icy  mis  en  main  le 
MS.  des  Eclogues  de  Constantin  Porpiiyrogenete,  et  eusse  esté  infini- 
ment aise  qu'il  eust  voulu  prendre  la  peine  d'en  transcrire  ce  qui 
n'estoit  pas  imprimé,  dont  je  luy  eusse  volontiers  baillé  une  honiieste 
recognoissance  de  sa  peine.  Mais  luy  ayant  faicl  commencer  le  peu 
qu'il  y  avoit  d'eclogues  tirées  des  chroniques  de  lOAN.  MALELA  qui 


'  Claude  Expilly,  ué  à  Voiron  (Isère)  en 
décembre  i56i,  mort  à  Grenoble  en  juillel 
1 630 ,  président  au  parlement  de  cette  ville , 
poète,  orateur,  hi.storien,  etc.,  fut  un  des 
coiTespondanls  de  Peiresc.  Nous  le  retrouve- 
rons dans  la  série  des  Lettres  à  divers. 

'  On  sait  que  la  bibliolbèque  de  Saint- 
Gall  contient  de  très  précieux  manuscrits  et 
que  c'est  surtout  à  ce  point  de  vue  qu'elle 


peut  être  considérée  comme  une  des  plus 
belles  de  l'Europe. 

'  Sur  le  médecin  et  l'érudit  Jean-Jacques 
Chifflet,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  1, 
Il  et  lll,  passtm  à  partir  de  la  page  279  du 
tome  I.  On  trouvera  dans  la  série  des  Lettres 
à  divers  la  correspondance  de  Poiresc  avec 
Chifflet  publiée  d'après  les  autographes  con- 
servés à  la  bibliothèque  de  Besançon, 


[If,i28]  À  HOLSTENIUS.  299 

necontenoieul  que  trois  feuillets  du  MS. ,  il  en  transcrivit  deux  feuilletz 
et  n'eut  pas  la  patiance  d'achever  le  troisiesme  restant,  qui  fut  la  cause 
que  je  n'osay  pas  le  presser  d'aultre  chose  quelqu'onque,  et  me  con- 
tentay  de  jouyi'  de  la  doulceur  de  sa  conversation  durant  ce  peu  de 
jours  qu'il  s'arresta  céans  et  de  luy  faire  raccomler  ce  qu'il  avoit  veu 
(le  voz  estudes  et  loiiahles  dessains,  et  des  plus  curieux  MSS.  qui  es- 
toient  passez  par  ses  mains,  principalement  du  Vatican,  à  quoy  je  prins 
irez  grand  plaisir.  Je  m'enquis  aussy  particulièrement  de  vostre  santé, 
de  Testât  de  vostre  fortune,  et  fus  bien  marry  d'entendre  la  foiblesse 
qui  vous  estoit  demeurée  de  vostre  grande  maladie,  et  que  les  bene- 
lices  de  Lubec  et  de  Bremen  n'eussent  pas  esté  de  secours  si  présent 
comme  je  me  l'estois  promis.  Mais  l'espérance  qu'il  me  donna  d'une 
bonne  collation  de  l'arclievcsque  de  Cologne  me  consola  un  ])(!u.  Il 
fauldra  s'armer  de  patiance,  et  croire  que  le  temps  vaincra  toutes  difli- 
cultez,  et  que  l'eminance  de  vostre  vertu  et  de  vostre  érudition  parlera 
incessamment  pour  vous,  et  vous  fera  procurer  l'entretien  qui  vous 
pourroit  eslre  duysable.  Cependant  je  vous  ay  bien  de  l'obligation  d*; 
l'honneur  que  vous  m'avez  procuré  en  la  cognoissance  dudict  s'  Dor- 
malius,  que  je  prise  et  honore  infiniment,  et  que  je  tascheray  tousjours 
de  servir  de  toute  mon  affection  ',  bien  marry  que  les  appréhensions 
de  la  contagion  m'ayent  osté  les  moyens  de  le  mieux  servir,  soit  icy  à 
son  passage,  ou  à  la  cour  en  ce  que  je  l'eusse  trez  volontiers  i-ecom- 
mandé  à  tous  mes  bons  amys,  pour  luy  rechercher  quelque  digne  em- 
ploy.  J'y  veilleray  encores,  si  apre'z  les  subjects  d'appi-ehension  cessez, 
il  songeoit  de  se  venir  promener  à  Paris,  ou  icy,  comme  il  sembloit 
nous  en  domter  quelque  espérance.  Je  serois  trop  long  si  je  pensois 
vous  toucher  touts  les  poincts  dont  nous  avons  discouru  ensemble, 
principalement  ce  qui  est  de  voz  estudes,  ne  pouvant  que  vous  en 
loiicr  liaultement,  et  vous  animei'  tant  que  je  puis  à  la  poursuitle 

'  Si  Peiresc fui  content  de  Dormalius,  ce  ad  nie  scripsil  litteras  sane  litimanissinias . 

dernier  ne  fut  pas  moins  content  de  son  quibus  multuni  se  benevolentia;  tua;  oli- 

hôte,    comme    nous   l"ap[ii'end   Holstenius  strictum  profiletur,  quod  hospiti  et  ijjniWo 

(lettre  XIX,  p.  i-m)  :  trDsrmalius  eo  die  œdes  aniniunique  tam  promte  aperiieris.i 

38. 


300  LETTRES  DE  PEIRËSC  [1628J 

(l'iceulx.  Pi'iiicipalement  à  ce  (|uil  est  des  géographes'  (|ue  j'estime  ne 
pouvoir  eslre  assez  prisez.  Bien  serois-je  d'advis  que  pour  vous  ac- 
commoder à  l'air  du  pais  où  vous  estes,  et  à  la  profession  des  Patrons, 
vous  voulussiez  mettre  au  jour  cez  belles  et  sa incles  Homélies  desSS.  PP. 
non  encores  veues,  qui  ne  peuvent  estre  que  trez  bien  et  favora- 
blement receucs  d'un  chascun,  et  aprez  vous  pourriez  vous  mettre 
au  reste.  J'ay  bien  gouslé  ce  qu'il  m'a  dict  de  voz  Arrianus  et 
Oppianus  et  ay  veu  le  temps  que  je  vous  eusse  bien  peu  servir  pour 
le  Nemesianus'-  de  feu  Ulysse  AIdrovandi  (jui  estoit  fort  de  mes  amys^, 
mais  à  cette  heure  mes  habitudes  sont  bien  diminuées  de  ce  costé  là. 
Et  puis  là  où  tant  d'autres  personnes  s'en  meslent,  je  veux  croire 
(jue  vous  le  desterrerez  infailliblement  de  quelque  part.  Quand  vous 
serez  en  estât  de  les  envoyer  à  Paris,  j'en  escriray  volontiers  à  mes 
amys,  et  crois  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux  entre  les  gents 
de  lettres  contribuera  volontiers  son  crédit  et  sapaine  pour  faire  réussir 
l'édition  selon  vos  souhaicts.  Ce  qu'il  m'a  dict  encores  de  l'HcrmipjJUs 
ou  de  cez  deux  dialogues  de  l'AsIronomic  est.  bien  curieux  et  merile 
bien  de  n'estre  pas  négligé'.  Encores  moings  vosire  carthe  de  l'Ager 
Romanus  cum  viis  publicis.  Mais  parmy  tant  de  grands  et  dignes  la- 
beurs, n'oubliez  pas  je  vous  supplie  un  petit  mot  sur  vostre  advis  de  la 
peinture  antique  des  Nopces,  qu'il  me  tarde  bien  de  voir  descbilVrer  à 


'  G"est-îi-dire  :  eu  ce  (jui  est  des  géo- 
(ji'aplics ,  en  ce  (jui  regarde  les  géographes. 

'  Holstenius  avait  dit  (leltre  XIV,  p.  i  oa  )  : 
ff.Arrianuin  et  Oppianuin  cdilioni  paralos 
hnbeo,  quos  Lut'^liaj  excudendos  iniltani, 
(jiia  priniuni  Ntraesiaui  libruni  de  Aucupio 
Bonoriia  accepfro.i  Et  encore  (lellreXVlI, 
p.  iio)  :  ffNunc  tolus  suni  in  pervesli- 
gando  Nernesiani  libro  de  Aucupio,  qui 
pênes  Ulysscni  Aldrobanduin  Bononia;  fuit  ; 
ted  hactenus  eum  ex  cubilibus  in  (juibus 
iatct  prolrabere  non  licuit.  n  Holstenius  ajoute 
tju  il  enverra  ses  lra\  aux  manuscrits  à  Séb. 
(Jramoisy,  qui  a  promis  de  les  imprimer. 


'  Ulysse  AIdrovandi,  le  célèbre  nalu.'a- 
liste  de  Bologne  (i5aa-i0o5),  ne  publia 
que  les  quatre  première  tomes  de  l'Histoire 
iwturelle  qui  parut  à  Bologne  de  iSg^  ii 
1668  (i3  vol.  in-fol.).  Sur  les  relations  de 
l'eirefc  avec  AIdrovandi,  qui  eut  tant  a  se 
louer  de  sa  gc'nérosite',  vrir  le  récit  de  Gas- 
sendi, h  l'année  lOoa  {Do  vita  Peiresl-ii 
liber  primus ,  p.  79-73). 

'  Il  est  question  dHermippus  (do  Her- 
niippo,  sive duobus Dialogis  de  aslronomicis 
rébus)  à  la  page  106  du  Commonilorium 
déjà  cité. 


[1629J  À  HOLSTENIUS.  801 

vostre  modo,  pourvcu  que  ce  soit  sans  vous  iiicominoder.  Et  sur  ce  j»; 

finiray  pour  le  présent,  priant  Dieu  pour  vostre  santé  et  prospérité 

comme  celuy  rpii  est  et  sera  à  jamais, 

Monsieur, 

vostre  Irez  luimble  et  trez  oblifjé  seivileur, 

DE  Phusesc. 
A  Aix,  ce  28  novembre  1628. 

J'onl)liois  de  vous  dire  que  M''  Fabrot  '  se  sent  infiniment  redevable 
à  vostre  courtoisie,  pour  la  communication  de  ce  beau  passafje  de 
l'A.  Celle,  que  vous  avez  si  lieureusement  et  admirablement  suppléé, 
dont  il  fera  l'bonorable  mention  qu'il  doibt  en  ses  Commentaires,  avec 
les  éloges  d'honneur  les  plus  grands  qu'il  vous  pourra  i-endre,  advotiant 
([ue  cette  correction  (istoit  si  nécessaire  comme  il  est  Irez  véritable,  que 
l'allégation  n'en  vaudroit  rien  du  tout  en  Testât  qu'elle  csloit.  Je  vous 
remercie  encores  de  mon  chef,  de  la  cbarité  que  vous  avez  exercée 
audit  s""  Fabrot  qui  est  de  mes  anciens  amys,  et  qui  est  bien  vostni 
serviteur  et  grand  admirateur  do  vostre  génie  et  de  (out  ce  qui  vient 
de  vostre  main-. 


XVI 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
.l'ay  esté  infiniment  resjouy  d'une  part  à  la  réception  de  vos  lettres 
du  a/t  nov[embre]^  et  à  la  première  veue  du  dessein  que  vous  aviez 

'  Sur  le  jurisconsulle  Aniiibat  Fnbrot,  l'Esprit  des  Jouruau.v,  -i-i'  année,   lyfî-K 

voir  lo  iccucit  Peircsc-Diipuy,  où  il  est  si  p.  aoa-aay.  Pour  donner  seulement  deux 

souvent  mentionna.  exemples,   mais   bien  frappants,    de   ctUr 

'  iîiblioibèfpio  IJarbsrini,  vol.  79,  pièce  incorrection,  je  dirai  cpie  le  mot  ,soM/>fo/i  .i 

n'  1.3.  Mna  cojjie  de  cette  lettre  existe  au  étë  imprime'  scabion  et  que  le  niol  de  rcclirf 

Brilisb  Muséum  (Add.  ms.  1  9,  97a  ,  1^  7.^;  a  ctd  imprima  de  manchcz. 
intlifalio;)  de  M.  Lt'on  Dorez).  Le  document  '  Dans  lo  recueil  do  Boissonade  c'est  la 

avait  éié  très  incorreclement  publii?  dans  letlre  XVIII  (p.  iiS-iiq). 


302  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

faict,  de  l'adveu  et  suggestion  de  Monseigneur  le  Gaid^',  de  faire  le 
voyage  d'Oriant'.  Mais  j'ay  esté  grandement  surprins,  et  un  peu  mor- 
tifié, voyant  le  terme  si  proche  que  vous  preniez  pour  vostre  parle- 
ment, que  mes  lettres  ne  vous  sçauroient  plus  trouver  à  Rome  si  vostre 
voyage  n'est  tout  à  fait  rompu.  Et  que  je  suis  par  ce  moyen  privé  de 
(oute  commodité  de  vous  y  servir.  Mais  si  par  les  lettres  du  dernier  or- 
dinaire que  nous  espérons  avoir  dans  quinze  ou  vingt  jours  j'apprends 
lien  d'asseuré  de  ce  que  vous  aurez  voulu  faire,  je  vous  escriray  en 
Constantinople ,  et  y  adresseray  mes  lettres  au  s"^  Gnez  ^  à  qui  M' de  Thou 
avoit  eu  ses  adresses,  et  vous  feray  envoyer  comme  audict  s'  de  Thou 
des  lettres  de  recommandation  aux  consuls  de  la  nation  françoise  par 
loutes  les  villes  de  la  coste  de  mer  oii  il  y  en  aura,  avec  toutes  les  in- 
structions que  je  vous  pourray  fournir,  et  lettres  de  crédit  pour  vostre 
besoing.  Ne  pouvant  assez  louer  vostre  courage  et  vostre  charité  envers 
le  public.  Mais  j'appréhende  foit  que  vous  ne  vous  morfondiez  en  ces 
pérégrinations  par  terre,  et  que  vous  n'y  rencontriez  de  tréz  grandes 
incommoditez  parmy  la  barbarie  de  cez  peuples.  Je  procureray  aussy 
des  lettres  du  roy  à  M"'  l'Ambassadeur  de  France  ^,  pour  luy  comman- 
der de  prendre  soing  particulier  de  vostre  personne  et  de  tout  ce  que. 
vous  y  pourrez  acquérir.  Si  je  vous  avois  peu  gouverner  quelques  jours 
sur  cesubject,  il  me  semble  que  je  vouspourrois  fournir  quelques  petits 
advis  qui  ne  seroient  pcult  estre  pas  inutiles,  pour  vostre  soulagement, 
et  pour  vous  faciliter  les  moyens  de  frapper  d'une  pierre  plusieurs  coups , 
non  seulement  en  ce  qui  peult  estre  des  livres  MSS.  mais  aussy  des 
autres  monuments  de  l'Antiquité,  voire  mesmes  des  médailles  que 
plusieurs  grands  et  doctes  personages  négligent,  à  faulte  d'un  peu  d'ad- 
vis,  d'oii  il  se  tire  d'excellentes  consequances  et  lumières  neantmoings, 


'  f...Nuper  inter  alios  sermones  illus-  tinople.  Voirie  recueil  Peii'esc-Dupuy,  t.  I, 

Irissimus  cardinalis  serio  raecuin  agere  cœ-  p.  719. 

pit  de  itinere  in  Grœciam  iiislituendo,  ad  '  C'était  alors  Henri  de  Gournay,  comte 

perqidrendos  libres  veteres  atque  aiia  anti-  de  Marchevillc,  si  souvent  mentionné  dans 

quitalis  monumenta.Ji  (P.  1 15.)  le  recueil  Peiresc-Dnpuy. 

'  Négociant  marseillais  établi  à  Gonslan- 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  30:{ 

pour  cez- origines  et  aiitiquilez  greques.  Mais  il  est  niaiaisé  de  Lien  ex- 
primer ses  conceptions  par  la  seule  escritlure;  il  y  fault  la  vciie  t'I 
communication  de  presance.  L'importance  est  que  vous  puissiez  avoir 
du  fonds  competant  pour  la  despance  nécessaire  à  l'acliept  dos  livres 
et  autres  singularitez  que  vous  rencontrerez.  VA  pour  vous  redimer 
plus  d'une  foys  des  forfanteries  de  ces  canaille  (stc),  qui  sont  si  mer- 
cenaires et  de  peu  de  foy,  vous  eussiez  plus  de  besoing  de  la  compa- 
gnie du  s'  d'Ormal  que  de  celle  du  s"'  Menestrier  ',  qui  eust  esté  bon  à 
la  suitte  de  M'  de  Thou,  et  qui  auroit  peine  je  m'asseure  de  s'astraindre 
i\  la  faligue  à  laquelle  vostre  humeur  l'atlacheroit,  oultre  les  autres 
considérations  que  vous  avez  trez  bien  recogneiies.  Je  prie  h  Dieu  qu'il 
bénisse  voz  syncores  intentions,  et  qu'il  me  donne  le  moyen  de  vous 
l'endre  quelque  utile  service.  Je  pense  que  ledict  s'  d'Ormal  soit  ciiez 
luy  longtemps  y  a,  je  n'ay  poinct  eu  de  ses  nouvelles  depuis  son  par- 
temcnt.  Le  bruict  de  la  contagion  luy  fit  un  peu  de  peur,  et  le  fit  sou- 
dainement rcsouldre  à  passer  oultre,  dont  je  n'osay  le  destourner  avec 
la  violance  que  j'y  eusse  apportée,  crainte  que  si  le  mal  s'approchoil 
jusques  à  nous,  il  n'eust  des  reproches  à  me  faire  de  l'avoir  retenu  et 
fait  courir  fortune  trop  légèrement.  Vous  aurez  eu  de  ses  lettres  par  la 
voye  de  la  mer  et  de  l'ordinaire  de  Gènes  que  je  pense. 

J'atlendois  bien  impatiemment  vostre  advis  sur  le  subject  de  celle 
peinture  antique  des  nopces.  Et  avois  tousjours  bien  jugé  d'icy  mesmes 
que  les  coppistes  s'estoient  infailliblement  abusez,  en  cez  couronnes  de 
femmes,  comme  je  l'escrivis  inconlinant  à  M''  Menestrier.  ayant  esté 
bien  aise  que  vous  l'ayez  faict  advouer  à  M""  Aleandro  et  à  M""  le  Gava^ 
de!  Pozzp,  croyant  qu'il  fera  corriger  la  planche-.  Mais  tousjours  ine 

'  Holsteiiiiis  avait  écrit  h  Peiresc(|).  117)  (lobrandinis;cuicumindicasseniobservaluiu 

que  leur  comimm  ami  Aiihrry  lui  avait  cnn-  a  mo  pictores  falso  coronas  aiireas  innlir- 

seiiié  de  prendre  pour  compaff non  de  voyage  rilms  fescenninis  addidisse,  (pias  e\  tt,)ri- 

Claiide  Menestrier.  bus  fuisse  indicia  non  obsciira  indirant,  ac- 

'  Voici  ie  passage  de  la  lettre  XVllI  de  cessit   et  ipse  cum   Dn.   Aleandro,  alipic 

Holslenius  relatif  aux  nocex  Aldobraudines:  opinionem    meam    accuraliori    ins|>erlion< 

irDn.  eques  l'utcamis  serio  nunc  cogilat  d  conlirniavil.» 
evulganda  pirtiira  iila  antiqua  ex  liortis  Al- 


30Zi  LETTRES  DE  PEIRESC  [1C29] 

laisrez  vous  affamé  de  sçavoir  voslre  sentiment  du  subject  de  ladicte 
peinture,  et  m'eussiez  infiniment  obligé  do  le  mander  en  si  peu  de  note 
que  vous  eussiez  voulu  pour  ma  satisfaction  particulière  et  pour  la  de- 
ferance  que  je  porteray  tousjours  à  tous  voz  sentiments,  et  à  tout  ce 
qui  pourra  venir  d'une  si  bonne  main  comme  je  tiens  estre  la  vostre. 
Quant  au  livre  de  Thevet'  ^es  Isles^,  c'est  la  vérité  que  je  ne  pense 
nullement  que  ce  puisse  estre  rien  qui*  vaille,  ayant  cogneu  des  gents 
qui  se  mocquoicnt  de  hiy  et  luy  forgeoient  par  passe-temps  des  figures 
d'islesà  plaisir,  lesquelles  il  l'aisoitincontinant  graver,  le  pauvre  bonime, 
comme  si  c'eust  esté  chose  bien  fidèlement  portraicte.  Voire  quand  il  en 
avoit  de  bonnes,  on  luy  reprocboit  que  la  figure  n'en  esloit  pas  bien 
agréable  à  la  veûe,  et  qu'elle  iroit  mieux  d'estre  plus  arrondie  ou  plus 
quarrée,  ou  plus  triangulaire,  ou  pentagone,  et  aussytost  il  cbangeoit 
tout,  et  y  conformoit  ses  dessains  innocemment,  et  sans  considérer  qu'on 
se  mocquoit  de  luy.  Ce  qui  ayant  esté  descouverl  fut  cause  que  per- 
sone  ne  voulut  faire  la  despance  de  l'édition,  comme  je  crois  qu'elle 
ne  vauldra  jamais  rien,  toutefoys  je'ne  laisray  pas  d'en  escrire  à  Paris 
pour  essayer  d'avoir  une  cspreuve  de  ses  planches.  Et  si  tost  que  le 
courrier  de  Lyon  se  pourra  rcstablir,  j'y  en  escriray  aussy  pour  sçavoir 
ce  qui  s'en  peult  espérer  et  tascher  de  procurer  le  contentement  k 


'  Andrt'  Tlievel,  né  îi  Augoiii^me  en 
i5o9,  mourut  à  Paris  en  novembre  1690. 
On  s'est  beaucoup  occupé  du  voyageur  et 
fie  l'auteur;  on  en  a  dit  du  bien  et  du  mal, 
mais  jamais  on  n'a  éciit  sur  lui  luie  page 
aussi  piquante  et  curieuse  que  celle  que 
Peiresc  lui  consacre. 

^  Reproduisons  ce  qu'avait  écrit  Holste- 
nius  (lettre  XVIII,  p.  u8)  :  trHeri  sub 
nocte  indicabam  iilustrissimo  cardin:di  vi- 
(lisse  me  Pansiis  apud  lypograplumi  ingens 
volunien  Andi-eœ  Tbeveli  quo  iusulas  omnes 
Maris  Inlerni  describit,  quas  œre  cxpresse- 
rnt  salis  eleganter,  nescio  quam  vere  el  fide- 
liter;  descriptio  cnim  ipsa  fabulis  ac  nugis 


nieris  ila  erat  permixta,  ut  poelarum  fig- 
menta  jurares,  non  Iiisinrici  narralionem  : 
ut  illuslrissiuii  Thuani  jndiriuni  de  bominis 
vanilate  verissimum  esse  deprebenderim. 
Exlat  id  opus  Lugduni  apud  btcredes  Tbe- 
veti  una  cuui  labulis  aîneis,quas  dixi:iila- 
runi  exemplar  videre  cupercl  illustrissimus 
cardinalis,  si  pretioinipelrari  posset;  earuni 
potissinunn  quœ  circa  Grœciarn  jacent,  qua» 
non  paruin  mibi  ad  instilutum  protlessent  : 
sed  vereor  ut  extorqueri  ex  illorum  manibus 
seorsini  iwssint.i^  Boissonade,  sous  ce  pas- 
sage, a  cité  les  lernies  du  très  sévère  juge- 
ment expi-inié  par  le  président  de  Thou  sur 
le  crédule  et  igiioranl  Tbevet. 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  305 

Monseig''  le  Gard"'  puis  qu'on  luy  a  mis  cela  en  l'esprit.  Sur  quoy  es- 
tant pressé  et  violante  de  clorre,  je  le  faicts  à  mon  grand  regret  pour 
ne  perdre  la  commodité  de  ce  passage  extraordinaire,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peuiesc. 
A  Aix,  ce  ag  janvier  1629  '. 


XVII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Attendant  de  vous  escrire  plus  au  long  par  l'ordinaire,  je  faicts  seule- 
ment cez  deux  motz  pour  servir  d'adresse  à  deux  ou  trois  empreintes 
de  médailles  antiques  desterrées,  depuis  peu  pour  veoir  si  vous  auriez 
rencontré  quelque  chose  qui  servit  à  nous  esclaircir  de  ce  que  ce  peult 
estre.  Non  autre.  Je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  1  mars  1629  *. 


XVIII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Avec  les  lettres  du  dernier  ordinaire  d'Avignon  qui  revint  de  Gènes 
il  ne  s'en  trouva  aulcunc  de  vostre  part,  mais  quelques  jours  aprez 
M''  le  vice  légat  d'Avignon  m'en  envoya  une  qu'il  disoit  s'estre  trouvée 

'  Bibliotlièque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n°  i5.  —  '  Bibliotlièque  Barberini,  vol.  79, 
pièce  non  nuine'rotëe  placée  entre  les  n"  1 5  et  1 6. 

T.  39 

mrRtHCRIE    RITIOXALS. 


306 


LETTRES  DE  PEIRESC 


I1629J 


lors  dans  son  pacquet,  laquelle  je  pensois  estre  aussy  fraische  que  les 
autres  que  j'avois  leceues  de  Rome  par  ledicl  ord'^',  mais  je  trouvay 
qu'elle  estoit  datléc  du  99  sept.  '  et  que  c'estoit  celle  que  vous  m'aviez 
accusée  par  M''  Donnai,  laquelle  je  pensois  estre  du  tout  perdue.  11 
lault  qu'elle  eust  esté  oubliée  à  Rome  niesmes  chez  le  Secret""  à  qui 
vous  l'aviez  reconnnaodée.  Le  principal  est'^  qu'elle  se  soit  enfin  portée 
jusques  à  nous;  j'ay  prins  plaisir  d'y  voir  les  éloges  que  vous  y  donnez 
audit  s''  d'OrmaP  et  la  relation  qu'il  vous  plaict  me  faire  de  cez  chro- 
niques de  Geor{jius  Syncellus  et  de  celles  de  cet  autre  Georfjiils  Mo- 
nachus,  ensemble  de  ses  continuateurs  Tlieoplianes  et  les  autres  deux 
qui  le  suyvenf*;  c'est  grand  daumage  que  le  nom  de  son  neveu 
se  soit  perdu.  J'ay  bien  eu  un  peu  de  regret  d'entendre  que  ce  qu'on 
vous  avoit  montré  du  Diodorus  Tareensis  n'aye  pas  respondu  à  la  bonne 
opinion  qu'on  en  avoit  conceu,  mais  tousjours  est  ce  quelque  conso- 
lation que  ce,  soit  ouvrage  de  la  bonne  antiquité ^  Les  inscriptions  du 
eonte  d'Arondel  n'ont  point  encore  peu  paroistre  en  ce  royaulme";  il 
n'y  en  a  point  eu  dans  Paris  asseurement,  tant  est  rigoureusement  ob- 
servée l'interdiction  du  commerce  d'Angleterre  qui  faict  que  malaisé- 
ment aurons  nous  des  exemplaires  des  Navigations  de  Purchas,  si  le- 
traiclé  de  paix  ne  s'achève  bien  tost,  et  sans  ce  que  vous  mavez  mandé 
de  vostre  si  prochain  voyage  du  Levant,  je  vous  aurois  envoyé  les 
miennes,  mais  j'ay  bien  veu  que  si  elles  vous  trouvoient  party,  elles 


'  C'est  la  leUre  XIV  du  reciipil  Boisso- 
nade,  écrite  rf die  festo  Michaeiis  Archangelii 
(p.  98-100),  c'est-à-dire  le  99  septembre. 

'  Nous  dirions  en  pareil  cas  :  L'important 
est. 

'  rrHomo  simplici  candore  et  virtule,  nec 
al)  vdia  re  mjgis  aversus  quant  ab  inani 
oslentatione. . .  «  (p.  99).  Et  un  peu  plus 
loin  :  nQuam  piimum  isitii  iunotuit,  cœpi 
opéra  ejus  in  Graecis  transcribendis  uti;  quo 
in  génère  brevi  adeo  exercitatus  evasil,  ul 
uuUum  ego  Grœcum  cum  ipso  comparari 
posse  existimeni.  -r  , 


'  Holstenius  avait  racont»!  à  Peiresc 
(p.  99) ,  qu'ayant  recommandé  Dornialius  au 
cardinal  Barbcrini,  il  avait  obtenu  que  l'ha- 
bile helléniste  fût  chargé  de  transcrire  ces 
divers  auteurs. 

^  Réponse  h  ce  passage  (p.  100)  :  (tDe 
Diodoro  Tarsensi  spes  me  fefellit;  neque 
enim  is  auctor  est ,  quod  relegendo  cognovi  ; 
nec  tamen ,  quod  proverbio  dicilur,  thésau- 
rus carbonis.  Opusculum  clegans  est. . .  quem 
perantiquum  esse  multis  argumentis  credo,  r, 

°  Holstenius  avait  dit  (p.  100)  qu'il  at- 
tendait de  Venise  les  Marmara  Arundelliana. 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  307 

courroient  fortune  de  se  perdre,  et  qu'aussy  bien  dans  cette  conjoncture 
des  préparatifs  de  vostre  partenient,  vous  n'estiez  pas  en  estât  de  songer 
à  l'édition  de  voz  Géographes;  mais  si  nous  avons  advis  que  vous  difl'e- 
riez  vostre  partement,  je  vous  envoyeray  trez  volontiers  mon  exem- 
plaire quand  je  n'en  debvrois  jamais  recouvrer  d'autre',  sçacliant  bien 
qu'il  ne  sçauroit  eslre  mieux  employé.  J'ay  advis  du  passage  de  M"'  Dor- 
malius  par  la  Franche  Comté  en  bonne  santé;  vous  aurez,  je  m'asseure, 
eu  de  ses  nouvelles  de  chez  lui.  Voilà  pour  respondre  à  la  vostre. 
A  quoi  j'ay  creu  debvoir  adjouster  à  faulte  d'entretien  de  lil)vres  qu'il 
s'est  trouvé  depuis  quelque  temps  en  Languedoc  en  un  lieu  nommé 
Murviel,  MVRO  VETERI  par  delà  Mompelier,  grande  quantité  de  mé- 
dailles grecques  antiques  de  cuivre  dont  il  m'est  tombé  quelques  unes 
en  main;  elles  sont  la  plus  part  de  la  ville  de  Marseille;  seulement  y  en 
a  il  quelques  autres  meslées  de  2  sortes,  l'une  où  il  y  a  d'un  costé  un 
lyon  fort  golfement'  faict  qui  est  possible  tout  autre  animal  qu'un  lyon, 
au  dessoubs  duquel  se  lisent  clairement  cez  letlros  BHTEPPAT,  comme 
si  c'estoit  pour  Besiers  qui  n'est  pas  loing  de  là,  n'y  ayant  qu'une  teste 
ce  semble  de  femme  de  l'autre  costé.  L'autre  sorte  est  un  peu  plus 
grandette  et  a  d'un  costé  une  teste  de  Mercure  avec  son  petasus  et  son 
caducée  et  au  revers  un  tripos  ^  d'Apollon  avec  l'inscription  AOrrOC- 
TAAHTOIN,  lequel  nom  de  ville  m'est  tout  à  faict  incongneu,  et  je 
vouldrois  bien  que  vous  m'en  peussiez  deschiiïrer  quelque  chose.  En 
un  autre  lieu  du  Languedoc,  il  s'est  en  mesme  temps  trouvé  plusieurs 
autres  médailles  de  Marsedle  sur  une  montaigne  qui  se  nomme  vulgai- 
rement ie  Mont  Teuton,  parmy  lesquelles  il  s'en  est  rencontré  plu- 
sieurs fort  petites  et  fort  pareilles  aux  Marseilloises  où  est  représentée 
d'un  costé  une  teste  d'Apollon  et  de  l'autre  un  sanglier  avec  les  lettres 
SAT.  Je  vouldrois  bien  que  vous  vissiez  un  peu  si  vous  vous  souvien- 
driez d'avoir  rien  veu  qui  eut  du  rapport  à  cela  en  cez  quartiers  icy. 
Je  vous  ay  envoyé  des  empreintes  de  plomb  de  celles  de  Besiers  et  de 
cet  aultre  lieu  qui  pourroit  bien  de])endre  possible  d'un  lieu  de  cette 

'  Bien  g-éntVoiix  et  luériloire  siicriCice  de  la  part  d'un  liomme  qui  aimait  tant  les  livres  I 
—  *  Grossièrement.  —  '  Trëpied. 

39. 


308  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

coste  icy  que  nous  nommons  vulfrairement  l'Esterel  prez  de  Lyrins  '  s'il  ne 
se  trouve  chose  plus  certaine.  Avec  cez  deux  empreintes  j'en  ay  adjousté 
une  troisième  d'une  médaille  de  mesme  poids,  grandeur  et  manière 
de  celles  de  i'Abruzzo  BPETTIAN,  où  se  lict  fort  bien  ATKIANflN;  il 
fauldra  voir  s'il  y  auroit  en  cez  quartiers  là  chose  qui  y  peusl  respondre , 
car  de  l'aller  chercher  en  Candie  la  manière  y  estoit  un  peu  différante 
de  celle  de  Magna  Graecia;  vous  verrez  si  cela  vous  pourroit  servir.  J'en 
ay  deux  autres  où  est  escript  ORRA ,  oh  est  représenté  un  Cupidon  d'un 
costé  qui  sonne  de  la  lyre  et  de  l'autre  une  teste  de  déesse  coronnée 
de  myrthe,  et  une  troisiesme  plus  petite  où  est  la  mesme  teste  de  femme 
et  au  revers  une  aigle  ou  plustost  colombe  volante  qui  porte  une  autre 
coronne  de  myrthe.  Or  la  manière  est  fort  semblable  à  celles  de  Rome 
et  d'allentour,  et  y  sont  les  ballottes  pour  marque  des  onces,  à  sçavoir 
aux  grandes  en  nombre  de  cinq  pour  le  quineunx  et  deux  à  la  petite 
pour  le  sextans.  Je  vouldrois  que  cela  vous  fust  duisable,  ou  quelque 
une  de  cez  pièces  pour  le  moings.  Au  reste  puis  que  nous  sommes  sur 
les  médailles,  je  vous  veux  envoyer  l'inscription  de  trois  qui  seront  cot- 
tées  au  billet  cy  joinct  dont  vous  pourrez  voir  l'empreinte  de  l'une  ez 
mains  du  sieur  Menestrier.  Je  vouldrois  bien  avoir  peu  deschiffrer  le- 
lieu  où  elles  peuvent  avoir  esté  cognées-;  songez  y  un  peu,  je  vous  sup- 
plie, et  m'en  escrivez  vostre  advis  à  vostre  loisir,  tandis  que  je  seray 
attendant  de  vos  nouvelles  et  que  je  demeureray.  Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 

DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  a  mars  iGag,  en  hast^. 

J'attends  toujours  si  vous  pourrez  vous  resouldre  de  me  mander  au 
moings  en  gros  ce  qui  vous  semble  de  la  peinclure  antique;  vous  pour- 
rez voir  ce  que  j'escripts  au  s'  Aleandro  touchant  cez  prétendues  co- 
ronnes  qui  estoient  si  suspectes  et  qui  semblent  estre  mittres  de 
femmes,  et  vouldrois  bien  que  m'eussiez  mandé  vostre  sentiment,  sans 

'  Lerins.  —  •  Frappées. 


[1G29]  À  HOLSTENIUS.  301) 

vous  amuser  à  donner  ies  preuves  et  authoritez  des  anciens,  pour  ne 
différer  plus  longuement  d'assouvir  noslre  curiosité  de  ce  costé  ià.  Je 
vous  serviray  en  revanche,  etc.  '. 


XIX 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
J'aurois  beaucoup  de  choses  à  vous  escrire  sur  voz  deux  despesches 
du  25  febvrier^  et  aS  mars^  que  je  seray  constrainct  d'abréger  à  mon 
grand  regret  pour  m'estre  laissé  desrober  le  temps  que  j'y  avois  des- 
tiné. Le  decez  de  M""  Aleandre  ne  m'a  pas  esté  moings  sensible  qu'à 
vous*,  encores  que  vous  y  ayez  esté  plus  intéressé  en  vostre  fortune 
temporelle,  car  c'esloit  une  amitié  cultivée  entre  nous  prez  de  trente 
années  entières,  et  par  consequant,  quasi  depuis  que  j'avois  commancé 
à  me  recognoislre  dans  le  monde,  mais  avec  une  délectation  de  ma 
part,  la  plus  grande  qui  se  fust  peu  souhaiter,  car  son  génie  et  son  hu- 
meur estoient  merveilleusement  à  mon  goust  et  il  sembloit  prendre 
un  plaisir  nom  pareil  toutes  et  quantes  foys  il  se  presentoit  occasion  de 
m'obliger  et  de  me  communiquer  ses  estudes,  où  il  y  avoit  tousjours 
de  si  belles  choses  à  apprendre,  principalement  pour  moy,  que  ce 
ra'estoit  un  aliment  nom  pareil,  vous  asseuranl  que  de  m'en  estre  veu 
sevré  si  inopinément,  ce  m'a  esté  un  coup  grandement  sensible  et  dont 
je  me  recognoistray  tant  que  j'auray  de  vie^,  et  le  mal  est  que  la  part 


'  Bil)liothèque  Barherini,  vol.  79,  pièce 
11°  16.  Autographe. 

*  La  lettre  du  26  février  porte  le  11°  XIX 
dans  le  recueil  de  Boissonade  (p.  1 90-1  3q). 

"  La  lettre  du  28  mars  est  inscrite  sous 
le  n°  XX  (p.  1 33-1  ^11). 

'  La  lettre  XX  dëbutc  ainsi  :  tfDe  Ci. 
Hieronymi  Aleandri  morte  puto  jam  aliomm 
literis  ad  le  nuntiatuni  fuisse,  cujus  inleritu 


Italia  maguo  lumine,  et  universa  res  litera- 
ria  insigni  ornamento  orbala  est;  et  licet 
non  dubitem  quin  gravis  ea  jnclura  mnltis 
accident,  milii  tamen  puto  omnium  gravis- 
simam  esse,  qui  non  solum  aniico,  sed  unico 
renmi  meartim  prassidio,  luctuoso  hoc  casu 
privatum  me  sentie,  n 

'  A  rapprocher  des  regrets  exprimés  j)ai' 
Peirosc  dans  sa  correspondance  avec  les 


310  LETTRES  DE  PEÏRESC  [1629] 

que  vous  prenez  en  cette  perte  rengrege  grandement  ma  propre  dou- 
leur pour  l'honneur  que  je  vous  porte  et  la  participation  que  je  pre- 
tendz  en  tous  voz  interests,  jugeant  bien  le  préjudice  que  vous  y  avez 
receu  et  qui  ne  peult  que  durer  longtemps  aussy  bien  pour  vous  que 
pour  moy.  Mais  il  fault  nous  resouldre  de  vouloir  ce  que  Dieu  veult, 
puis  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  remède  à  ce  malheur,  et  attendre  de  sa  divine 
bonté  le  supplément  tel  qu'il  luy  plairra  nous  en  faire;  pour  mon  re- 
gard, je  me  promets  que  vous  ne  trouverez  pas  mauvais  (jue  je  vous 
subroge  en  son  lieu  et  place  et  que  je  recoure  à  vosire  iionnesteté  tout 
aussy  librement  que  j'eusse  peu  faire  en  la  sienne,  estant  bien  marry  de 
n'avoir  les  reins  assez  forts  et  de  ne  pouvoir  pas  contribuer  de  mon  costé 
rien  de  comparable  à  ce  que  vous  pouvez  fournir  du  vostre;  mais  du 
moings  n'y  aura  il  jamais  à  désirer  la  bonne  volonté,  la  sincérité  et  la 
fidélité  toute  entière  que  vous  trouverez  tousjours  en  moy  avec  toute  la 
correspondance  qui  se  pourra  jamais  attendre  d'un  homme  de  ma  sorte. 
Mesme  envers  M^'  le  Gard'  je  ne  manqueray  poinct  de  vous  rendre 
tous  les  meilleurs  offices  que  je  pourray,  et  desja  dez  le  premier  advis 
que  je  receus  de  cette  mort,  je  le  priay  instamment  de  vous  faire  mettre 
en  main  les  mémoires  qu'il  avoit  appreslez  sur  le  Kalendrier  constan- 
tinien  S  préjugeant  que  vous  seul  pouviez  y  donner  la  forme  selon  les 
vœux  du  pauvre  deiïunct  et  suppléer  tout  ce  que  son  infirmité  ne  luy 
avoit  encores  permis  de  vérifier  à  son  gré.  J'en  feray  une  recharge  et 
croys  que  le  gentilhomme  que  vostre  modestie  vous  avoit  faict  nommer 
pour  y  travailler  auroit  trop  de  peine  d'en  venir  à  bout  et  ne  respon- 


frcres  Dupuy  (l.  Il,  p.  io5-io6  et  p.  679- 
680). 

'  Peiresc  sYtait  l>eaucoup  occupé,  dans 
sa  correspondance  avec  Aleandro,  du  mo- 
nument connu  sous  le  nom  de  Calendrier  de 
Constantin.  Voir  surtout  les  pages  68-70  du 
recueil  des  lettres  de  Peiresc  à  r  Jérôme  Alean- 
dro n  publié  par  Fauris  de  Saint-Vincens 
ou  de  Saint-Vincent,  car  les  deux  formes  se 
retrouvent  en  Provence  et  ailleurs   (Pa- 


ris, 1819,  in-8°).  llolstenius  (lettre  XX, 
p.  1/10)  signalait,  parmi  les  manuscrits 
laissés  par 'Aleandro,  un  recueil  d'observa- 
tions sur  ce  calendrier,  «explicationum  Ve- 
teris  Kaleiidarii,  de  quibus  sa;pe  iiifer  vos 
sermo  et  litterae  inlercessenmt.i  11  ajoutait: 
r-Obscrvationes  in  Scbeilis  dispei-sic  latent, 
ita  tamen  ut  non  magno  negotio  ab  liomine 
perito  antiquitatis  in  ordinem  redigi  pos- 
sint.  71 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  311 

droit  jamais  à  ce  que  vous  y  pouvez  faire,  encores  que  pour  autres 
choses  je  l'estime  trez  cappablc  de  se  di{;nement  acquitter  des  meilleures 
entreprinses  qu'on  sçauroit  faire,  mais  à  celle  cy  il  y  a  je  ne  sçay  quoy 
de  particulier  qui  me  semble  de  vostre  génie  plustost  que  du  sien'. 
Pour  les  autres  diverses  observations  il  m'en  a  voit  faict  voir  icy  M  o  ou 
12  chappilres  grandement  curieux  et  m'avoit  promis  de  m'en  laisser 
faire  transcrire  la  pluspart,  mais  son  passage  fut  un  peu  précipité^  de- 
puis celte  parole  donnée  et  m'avoit  donné  espérance  de  le  faire  faire 
dans  Rome.  J'en  ay  pourtant  quelque  pièce  et  feray  instance  pour  faire 
mettre  le  tout  au  jour  si  je  puis  de  par  de  là  si  on  le  veult,  sinon  je 
feray  imprimer  à  Paris  ce  que  j'en  auray.  Ses  epistres  ne  pourront 
aussy  estre  que  trez  bien  receues  et  méritent  bien  de  voir  le  jour ',  et 
je  pense  que  c'est  à  quoy  il  y  debvroil  avoir  moings  à  faire,  attendu 
que  l'exactesse  u'y  est  pas  requise  si  grande  qu'aux  autres  ouvrages  où 
il  importe  de  traicter  plus  à  fonds  les  matières  qu'on  entreprend,  que 
dans  des  lettres  missives  qui  s'escrivent  comme  si  c  estoil  en  passant  et 
négligemment. 

Aprez  ce  compliment  de  condoléance,  il  fault  que  je  vous  en  rende 
un  autre  de  conjouyssance,  comme  si  Dieu  vous  avoit  voulu  compan- 
cer  et  reparer  cette  perte  qui  donnoit  si  grande  attainte  à  la  tempo- 
ralité de  vostre  fortune,  en  vous  ayant  faict  prouvoir  de  cette  prevosté 
d'Hambourg,  dont  je  vous  félicite  de  tout  mon  cœur^,  priant  Dieu 
qu'il  vous  en  fasse  jouyr  aussy  paisiblement  et  aussy  longuement  que 

'  HolsteniiLs  avait  en  ternies  gracieux  veu  d'Urbain  VIII  s'y  arrêta  pour  voir  le  sa- 
posé,  pour  l'édition  du  manuscrit  d'Alean-  vant  conseiller  au  parlement  de  Provence  et 
dro,  la  candidature  de  Joseph-Marie  Suarès  ses  belles  collections, 
(p.  i4o).  Voii-  sur  le  futur  dvô(j|ie  de  Vai-  '  Aleandro  ne  passa  que  quelques  jour- 
son,  si  souvent  mentionné  déjà,  une  note  nées  dans  la  maison  de  Peiresc. 
de  Boissonade  remplie  d'excellentes  indica-  '  frTertiura  [le  3*  ouvrage  manuscrit 
tions  (p.  ia6).  laissé  par  Aleandro]  Epislolarum  est,  quas 

'  On  sait  qu'AJeandro  avait  été  l'hôte  de  amicis  scripsit  stylo,  ut  non  ignoras,  jwli- 

Peiresc,  en  1695,  quand  le  cardinal  F.  Bar-  tissimo.n  (P.  i4o.) 
berini  et  sa  suite  traversèrent  la  Provence  '  Holstenius  avait  donné  beaucoup  de 

pour  se  readi-e  à  Paris.  Aleandro  revint  à  détails  à  Peiresc  sur  ce  cauonicat  dans  la 

Aix  quand,  au  retour  de  la  légation,  le  ne-  lettre  XIX  (p.  laa). 


312 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1629] 

vous  le  souliaictez,  et  qu'il  fasse  prospérer  et  réussir  selon  vostre  mé- 
rite touts  vos  beaux  et  louables  desseins  et  pérégrinations  de  quelque 
costé  que  vous  les  tourniez,  où  le  public  y  trouvera  tousjours  son  compte 
et  son  advantage  très  grand,  et  n'ayez  pas  de  regret  que  rien  se  di- 
vulgue de  tout  ce  qu'il  vous  plaira  me  confier. 

Des  MSS.  grecs  de  cez  Platoniciens  je  ne  vous  puis  rien  promettre 
pour  encores  de  si  certain  comme  je  desirerois  ',  parce  que  l'homme 
à  qui  ils  appartiennent  faict  un  peu  le  rcnchery  ^,  et  bien  qu'il  eust 
envie  de  les  vendre  (comme  il  s'est  enfin  vérifié)  s'est  longuement  faict 
tirer  l'oreille,  avant  que  parler  clair  là  dessus  et  puis  pour  y  mettre  un 
prix,  à  quoy  il  s'est  enfin  laissé  porter,  mais  fort  excessif  à  mon  gré^, 
et  pour  ne  vous  rien  celer,  croyant  qu'il  importe  aulcunement  que 
vous  sçachiez  tout  ce  que  j'en  ay  peu  tirer,  il  dict  que  cez  libvres  sont 
la  plus  ])art  escripls  en  papier  de  la  propre  main  d'un  grec  naturel 
homme  docte  qui  avoit  fort  voyagé  par  les  bibliothèques  de  la  Grèce 
et  aulcunes  de  l'Espagne  et  Italie,  nommé  Avêpeas  Aapfiapjos  qui  se 
soubscrivoit  emSixvpios  et  se  disoit  neantmoings  estre  Gandiot,  soit 
d'origine  ou  d'habitation*.  Dict  en  oullre  qu'il  les  achepta  plus  de 
/lo  ans  y  a  de  cet  liomme  à  raison  de  (juattre  francs  par  cahier  et  qu'ils- 
luy  revenoient  à  3oo**  dont  il  inciste  à  retirer  son  argent,  qu'il  voul- 
droit  employer  à  la  finance  d'un  olfice  qu'il  a  achepté  pour  un  sien 
filz,  laquelle  a  esté  taxée  à  ladicte  somme  de  Soo^*  qu'il  vouldroit  bien 
trouver  moyennant  la  vente  de  cez  livres,  sans  toucher  à  ses  revenus 
ordinaires  et  sans  rien  divertir  de  son  fonds.  Je  luy  ai  respondu  tout 


'  Holstenius,  en  plusieurs  de  sos  lettres, 
tëmoignait  le  plus  vif  di^sir,  la  plus  ardente 
impatience  de  posséder  ces  manuscrils.  Voir 
notamment  lettre  XIX,  p.  i23,  où  il  jure 
devant  Dieu  (Deum  immortalem  teslor)  que 
leur  communication  serait  pour  lui  le  plus 
pre'cieux  des  bienfaits. 

"  Boissonade  (note  de  la  page  i  a3)  rap- 
pelle, d'après  Gassendi,  que  le  possesseur 
des  manuscrits  en  question  était  le  juriscon- 


sulte Pacius  et  que  Peiresc  les  acheta  à  son 
ancien  professeur  pour  les  donner  à  Holste- 
nius. 

'  Peiresc  eut  à  payer  fort  cher  le  plaisir 
d'obliger  Holstenius  en  achetant  pour  son 
correspondant  les  manuscrils  tant  convoités 
par  ce  dernier. 

*  Sur  le  calligraphe  Andréas  Darmarius , 
voir  le  tome  IH  du  recueil  Peiresc-Uupuy, 
p.  56,  gi,  etc. 


[1029]  À  IIOLSTKMUS.  313 

ce  dont  je  luc  suis  peu  adviser  pour  le  ranger  au  debvoir  et  en  rogner 
tout  ce  que  je  pourray,  et  y  feray  de  bon  cœur  toute  sorte  d'efforts  .pour 
ne  les  pas  laisser  cschapper,  puisqu'ils  vous  peuvent  estre  duisahles, 
au  nioings  quelques  uns  d'iceulx,  et  ne  sera  nullement  de  besoin^  que 
vous  mettiez  en  peine  de  l'argent,  car  nous  y  pourvoirons  Dieu  aydanl 
comme  il  appartient  au  meilleur  mesnage  que  faire  se  pourra,  mais  il 
y  fauldra  un  petit  de  paliance  pour  esviter  qu'en  pressant  nous  ne  nous 
lassions  rançonner  par  gents  impitoyables.  J'essayeray  de  ne  prendre 
que  ceux  que  vous  aymez  le  mieux,  mais  s'il  n'y  a  pas  moyen  d'avoir 
les  uns  sans  les  autres,  je  ])rendray  le  tout  volontiers  pour  vous  des- 
pailii-  tout  ce  que  vous  en  vouldrez  comme  de  tout  ce  que  j'auray  ja- 
mais à  ma  disposition  qui  vous  sera  entièrement  desdié.  Ne  pouvant 
voir  l'heure  que  vous  ayez  mis  en  estât  de  voir  le  jour  un  si  grand  ou- 
vrage que  celuv  de  la  restauration  de  cette  sorte  de  philosophie,  qui 
semble  la  plus  noble  et  la  plus  plausible  de  toutes. 

M'  Dormalius  m'oblige  trop  de  se  souvenir  ainsiti  de  moy  sans  que 
je  luy  aye  rendu  aulcun  service  ne  aulcun  tesmoignage  qui  vaille  de 
la  bonne  volonté  que  j'eusse  eu  de  m'en  accpiiltei-  en  son  endroict.  Si 
j'eusse,  sceu  que  Dieu  nous  eust  si  bien  préservé  de  la  maladie  (|ui 
nous  menassoit,  je  l'eusse  violante  comme  les  pèlerins  d'Einaus,  el 
je  ne  l'eusse  poinct  laissé  ])artir  au  moings  de  cet  hjver  et  (|u'il 
n'eust  tiré  tout  ce  qui  se  pouvoit  prolliter  de  meilleur  dans  nostre  vo- 
lume d'Eclogues,  mais  l'espouvante  estoit  quasi  si  universelle  en  tout 
ce  pais  icy  et  je  le  voyois  chancelier  en  sorte  que  j'apprehendois  de  me 
rendre  coulpable  de  grands  reproches,  au  moindre  mal  qui  arriveroit 
icy  à  l'entour,  el  (|ue  la  seule  appréhension  ne  fust  suffisante  pour  faire 
tort  à  sa  bonne  santé  el  y  apporter  de  l'alleralioii. 

Il  m'avoit  parlé  de  ce  nis.  grec  de  chimie'  dont  je  Pavois  bien 
aiïeclucuscmcnt  remercié  comme  d'une  matière  (|ui  n'a  jamais  esté  de 
iMoii  goust,  el  ne  luy  en  ay  pas  moings  d'obligation  (pie  s'il  me  1  avoil 
donné  el  si  c'esloil  ([uel(|uo  pièce  des  meilleures  de  toute  l'antitpiité,  sa 

'   Voir  lu  letlre  \1\  tle  llolstenius,  |).  i  -iu. 

T.  4o 


llirBI«l.lllK    ItTtOVitC. 


314  LETTRES  DE  PEÏRESG  [1629] 

bonne  volonté  m'obli^jcant  inniiimcnU  Mais  pour  les  inss.  et  médailles 
de  la  bibliothèque  de  Jacobns  Susius  ',  si  on  en  voyoit  quebjue  inven- 
taire ce  seroit  ce  qui  pourroit  cliastouiller  la  curiosité  et  faire  iiaistre 
l'envie  d'y  entendre  si  on  trouvoit  que  le  recueil  eust  comprins  des 
choses  de  nostre  goust  qui  sont  principalement  pour  les  médailles  celles 
qui  sont  grecques,  ou  autres  que  les  simples  monoycs  de  Rome  tant 
sous  la  republique  comme  l'Empire,  c'est  à  dire  qui  sont  coigiiées 
hors  de  l'Italie. 

Ce  seroit  une  œuvre  bien  charitable  et  méritoire  de  procurer  que 
cez  belles  notes  de  ce  pauvre  Susius  sur  Manile,  Germanicus,  Horace, 
Catulle,  Lucrèce  et  autres  ne  se  perdissent  pas  et  veissont  le  jour  tost 
ou  tard.  Si  vous  faictes  jamais  de  voyage  de  par  delà,  vous  en  viendriez 
iacilement  à  bout,  je  m'asseure,  si  vous  l'entrepreniez.  Cej)endant 
quand  vous  escrirez  audit  Dormalius'^  je  vous  prie  de  l'asseurer  que 
je  suis  bien  son  serviteur  et  que  je  vouldrois  bien  le  luy  pouvoir  tes- 
moigner,  et  que  quand  il  nous  vouidra  escrire  il  ne  fault  qu'adresser 
ses  lettres  à  Paris  à  M""  du  Puy  ou  bien  les  mettre  soubs  une  enveloppe 
air  llluslrissimo  Ms'  Bagni  noncio  Apostolico  in  Francia,  et  puis  les 
envoyer  au  nonce  de  Cologne,  par  lesquelles  voyes  je  les  recevray  fort 
seurement,  sans  qu'il  s'incommode  en  rien. 

Je  suis  bien  inarry  que  l'édition  de  voz  géographes  se  difl'ere  et 
voys  bien  que  l'espérance  que  vous  avez  conceue  de  cez  grandes  pé- 
régrinations de  la  Grèce  vous  y  engage  insensiblement  pour  en  pou- 
voir parler  plus  pertinemment,  mais  si  j'estois  à  vostre  place,  je  voul- 

'  Sur  Jacob  Susius,  baron  de  Wande-  las  Suys.  C'est  la  prcinièro  inexactitude,  il 

staek ,  petit-fils  du  célèbre  bibliophile  liégeois  est  juste  de  le  faire  observer,  que  nous  ren- 

Daniel  Susius,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  controns  dans  un  recueil  où  les  notes  neuves 

(t.  111,  p.  33i-33Q,  382).  Relevons  ici  une  abondent. 

erreur  de  Boissonade  disant  (  p.  1 53,  note  3):  -  Dormalius,  alors  à  Liège,  avait  offert 

tr  Agilur,  ni  falior,  de  literaria  supelectile  ;Yi-  lous  ses  bons  offices  au  sujet  de  l'acquisition 

co/.  Susii,  vulgo5«^«,  jesuila  belga(s»c),  de  des    trésors  de  la  collection  (De  Susianis 

quo  cf.  Sax.  Onom.,  l.  IV,  p.  2o5.t  Le  \)ré-  nuniisnialis(«i'c),  libris  schedisf|ue  )  :  ffOpe- 

iioni  de  Jacob  donne  par  Peiresc  au  descen-  rani  suani  ofl'ert,  in  perquirendis  et  excu- 

dant  du  collectionneur  montre  assez  qu'il  liendis  omnibus.') 
n'est  nullement  question  ici  du  jésuite  Nico- 


|1(i'29]  A  HOLSTENIUS.  315 

drois  avant  que  d'cntrepi-endre  cez  voyages  faire  au  moings  une  bonne 
odilion  du  texte  de  touts  ces  petitz  autlieurs  assemblez  en  un  corps, 
sauf  d'y  adjouster  par  aprez  vos  notes  et  [dus  grandes  observations  à 
vostre  retour  afin  (pie  cependant  le  public  tinst  lousjours  ce  beau  gaige  de 
vostre  favorable  main,  ce  qu'aulcun  autre  ne  sçauroit  faire  comme  vous. 

J'ay  prins  plaisir  de  voir  ce  qu'il  vous  plaict  remarquer  de  Besiers' 
et  ne  faicls  difficulté  qu'à  souffrir  la  diphtongue  aprez  la  première 
lettre  B  où  vostre  subrogation  du  A  pour  A  estoit  si  bien  séante,  car  si 
la  médaille  peult  avoir  quelque  prérogative  sur  l'escritture  des  libvres, 
il  y  fauldroit  de  nécessité  un  H,  et  quand  Pline  parle  des  vins  de 
BETEHRA  -  il  semble  compiendre  ceux  qu'on  appelle  aujourd'huy  vins 
de  Fiontignan  qui  sont  fort  célèbres  et  se  recueillent  fort  prez  de 
Rosiers^,  et  n'employé  qu'un  E  simple  en  la  seconde  lettre  ou  première 
voyelle  de  ce  mot. 

Ne  trouvez  pas  estrange  le  Berginen  oppidum  d'Avienus  inter  Rlio- 
dani  ostia',  car  dans  l'isle  de  Camargue  entre  les  deux  principaux  bras 
et  embouscheures  du  Rhosne,  il  y  avoit  autresfoys  un  village  qu'on 
tient  avoir  esté  ruiné  du  temps  des  Gotlis  nommé  Orgon,  et  y  a  en- 
core un  eslang  qui  porte  ce  mesme  nom  d'estang  d'Orgon,  et  qui  est 
ainsin  qualifié  dans  les  anciens  tillres  de  3oo  ans  en  ça  qui  peult  bien 
estre  cet  Ugernum  castrum  Arelatensium  de  Greg[oire]  de  Tours  et  de 
Cyprien,  car  celuy  qu'on  appelle  aujourd'huy  Orgon  sur  la  rivière  de 
Durance  est  bien  plus  loing  d'Arles  et  est  du  diocèse  d'Avignon,  à  une 
lieue  seulement  de  la  ville  de  Cavaillon^.  Ërnaginum  est  chose  toute 
différante*^  que  je  prendrois  pour  un  lieu  qui  a  nom  aujourd'huy  Ey- 

'   Voirlaictti'eXXde  Holstcnius,p.  i3G,  •'  Chef-lieu  de  canton  de  r<iiTondisseinent 

1.3  7.  d'Orange. 

'■'  Livre  IV,  ciiapitre  6.  °  Peiresc  combat  ici  le  sentiment  de  Hol- 

'  Fronlignan  est  un  cbet'-licu  du  dt'par-  sienins  (}ui  avait  écrit  (p.  )38)  :  frBerginen 

toment  do  i'Héraull,  sur  l'étang  de  Maguc-  laiiien  non  dubilo  pronuntiare  Cerginum  vel 

lone,à  s!o  kilomètres  de  Montpellier.  Ernaginuni  esse,  vulgo  Orgon.  1  Voir  sur 

'  Sur  les  0/w  w«n(/«)<p  de  Feslus  Avie-  Orffon    le   recueil    Peiresc- Dupuy,    t.   Il, 

nus   et    sur    Berginen    oppidum,    voir    la  p.  li;!. 
lettre  XX  de  Holslenius,  p.  187  et  i38. 

lio. 


316  LETTRES  DE  PEIIIESC  [10-29] 

ragues  prez  de  Tarascon  en  allant  à  Avignon,  où  il  y  a  d'excellents 
vins'.  Miramas  est  nn  village  d'impoiiance  sur  la  rive  de  l'Eslang  de 
Martigues  sur  une  colline  perrée  j)ar  dcssoubz  comme  celle  d'entre 
Naples  et  Pozzuolo  par  les  anciens.  Je  vonidrois  avoir  examiné  tout  ce 
([u'Avienus  escripl  de  celte  coste  en  votre  présence;  possible  y  trouve- 
rions nous  quelque  rime  sinon  toute  la  raison  que  nous  vouldrions.  Il 
y  a  prez  d'Arles  un  estang  et  un  quartier  nommé  de  Trebon,  qui  vien- 
droit  possible  à  ce  Trebala  ";  quand  les  ruines  ont  esté  si  grandes  en  un 
|)aïs,  il  n'est  pas  inconveniant  que  la  mémoire  de  plusieurs  clioses  se 
confonde. 

Quand  j'avois  rapporté  l'inscription  ATKIANilN  à  la  Candie,  c'estoit 
sur  ce  que  j'avois  autresfoys  veu  ce  me  sendjle  dans  le  Clément  Alexan- 
drin de  cez  peuples  qui  sacrifioicnt  des  hommes  à  Juppiter,  mais  je  me 
pourrois  estre  aequivocqué  et  n'ay  pas  maintenant  le  loisir  de  m'en 
esclaircir,  et  j'ay  tant  esprouvé  que  la  ressemblance  des  monnoyes  el 
de  leur  manière  itiduict  souvent  le  voisinage  des  villes  qui  ies  ont 
battues,  mesmes  quand  c'est  soubs  des  simboles  pareils,  que  tost  ou 
tard  ce  voisinage  sest  vérifié  et  tiens  pour  certain  <|ue  cela  se  trou- 
vera de  cez  peuples  icy  qui  sont  de  la  Magna  Grœcia  ou  de  la  Sicile.  , 
où  les  mœurs  et  reglemens  estoient  fort  convenables  et  propor- 
tionnez les  uns  aux  autres  en  ce  temps  là.  Il  y  fauldra  songer  plus  à 
loisir,  car  d'induire  facilement  des  faultes  dans  cez  pièces  publiques, 
si  ce  n'est  lorsqu'elles  sont  manifestement  faictes  de  golfe  et  ignorante 
main  d'ouvrier,  je  ne  pense  pas  qu'il  soit  trop  à  propos-^;  je  faicts  cette 
exception  parce  que  l'ignorance  de  l'ouvrier  paroissant  en  une  chose 
se  trouve  souvent  suyvre  en  l'autre,  mais  en  celles  qui  sont  d'excellente 
main,  comme  celle  cy,  je  me  double  que  cela  ne  puisse  pas  avoir  lieu 


'  Commune  des  Bouciies-du-Rhùiie ,  ai-  '  (lu  admirera  la  sagesse  éclairëe  de  Pei- 

rondissemrnt  d'Arles,  oanlon  de  Cliàteati-  resc  opposant  le  respect  des  textrs  antiques 

TJf'ni'i'd.  aux  procédi's  rôvolulionnaires  de  certains 

Holstenius  (p.  i38)  avait  mentionné  critiques  qui  veulent  tout  modilicr  el  ne  font 

le  Trnbalœ paludcm ,  dont  il  est  question  dans  que  tout  bouleverser, 
quelques  anciennes  éditions  d'Avienus. 


|1G29]  .\  IIOLSTKNILS.  ;'.17 

si  facileinonl.  Pour  lo  nom  d'OlUiV  ne  doublez  point  ({u'il  ne  se  doive 
iaj)))orler  à  quelque  lieu  ',  comme  quand  on  licl  en  pareilles  médailles 
liOMA,  et  trouverez  enfin  que  c'est  dans  l'Ilalie,  cl  que  ce  n'est  pas 
loinjj  de  Rome,  cl  possible  bien  prez  de  ce  PAISTUM-  d'où  j'ay  des 
médailles  assez  pareilles  à  celles  là. 

Mais  vous  m'avez  grandement  obligé  de  l'advis  de  ce  lieu  de  la  I^\- 
die  qui  porloil  le  nom  de  THMENOT  0TPAI  qui  m'esloil  escliappé 
dans  Pausanias\  et  suis  bien  marry  que  la  presse  du  temps  m'em- 
pescbe  de  l'aller  voir  présentement  comme  j'eusse  voulu,  avant  que 
vous  respondre  sur  ce  subject.  11  fauldra  le  remettre  à  une  autre 
foys,  seulement  vous  diray  je  que  j'ay  aflorce  médailles  de  la  mesme 
contrée  de  l'Asie  mineur  et  de  la  Lydie  en  particulier,  qui  sont  de  la 
mesme  mam'ere  que  ctlles  d'où  sont  tirées  les  inscriptions  que  je  vous 
avois  envoyées,  en  deux  desquelles  est  représentée  la  déesse  Home 
et  en  la  troisiesme  d'un  costé  Castor  et  PoUnx  et  de  l'autre  une  lest»; 
du  fondateur  de  ladite  ville  que  l'on  pourroit  prendre  pour  Hercule. 
si  nous  n'avions  une  infinité  d'images  de  ces  premiers  beros  qui  res- 
semblent entièrement  à  Hercule;  enlr'  autres  j'ay  une  médaille  de 
lIPIIINEiiN  NEQK  d'un  costé  de  laquelle  est  représentée  l'image  d'Ion 
((}ui  a  donné  le  nom  à  l'ionie),  si  sendjjable  à  Hercule  comme  si  elle 
avoit  esté  faictc  pour  luy  mesme,  avec  linscriplion  lOxN  KTICTACl, 
ce  qui  me  faict  juger  que  celle  de  la  médaille  de  Temenotbyre,  où 
est  la  seule  qualité  de  KTICTAC  sans  le  nom  propre  à  l'entour  d'un 
visage  fort  semblable  à  Hercule,  soit  de  ce  Temenus  qui  se  disoit  issu 
de  luy. 

Joubliois  de  vous  remercier  de  l'advis  que  vous  me  donnez  du  pas- 
sage par  la  Toscane  de  cet  Anglois  qui  est  au  comte  d'Arundel.  qui 
promet  de  donner  au  public  cez  beaux  livres  MSS.  qu'il  a  recouvrez 

'  Orra  pst  une  ville  de  Calabr>>.  Mionnel  '  Pwsluni,  «ujoimtliui  Pesi«,  sur  la  côlo 

classe  parmi  les  monnaies  incertaines  d'ila-  de  la  Lucauie,  célèlire  par  ses  ruines  el  par 

lie  les  lirouzes  d'Orra.  Ces  iiioiiriaies  sonl  ca-  ses  rosiers. 

rarU'riséos  par  une  tète  d'Apollon  iainvo  ,'i  ^  Attic,  c.  35,  ,S  0.  Voir  la  leUre  \\ 

droite  et  un  Amour  debout  jouant  delà  lyri'.  de  Holsloniiis,  p.  i38. 


318  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

en  Levant  '  ;  si  vous  en  recouvrez  l'indice,  vous  m'obligerez  bien  de  m'en 
faire  envoyer  une  coppie,  comme  je  verrois  volontiers  une  coppie  de 
ce  que  le  s'  Patricius  Junius^  vous  avoit  escript  par  cy  devant  des 
autres  mss.  qu'il  avoit  desja  envoyez  de  Grèce.  Le  copiste  de  M"^  Au- 
bery  pourra  vous  soulager  de  la  peine  de  le  faire  transcrire,  et  si  vous 
avez  un  jour  l'indice  aussy  de  ceux  de  ce  dernier  ambassadeur  an- 
glois  retourné  de  Constantinople,  je  pense  qu'il  y  aura  de  bien  bonnes 
choses. 

Un  ancien  conseiller  de  N''"  Parlement  qui  a  eu  de  trez  bonnes  cu- 
riositez  de  libvres  m'a  asseuré  avoir  parlé  à  un  personnage  digne  de  foy 
qui  asseuroit  d'avoir  veu  quelque  part  dans  cette  Grèce,  gueres  loing 
du  mont  Athos,  un  fort  gros  volume  de  Polybe  fort  bien  conservé  et 
plusieurs  décades  du  Tite  Live.  Cez  mess[ieurs]  d'Angleterre  font  une 
grande  honte  à  tout  le  reste  de  l'Europe  plus  civilisée  qu'eux  au  cen- 
tuple, de  prendre  le  soing  d'aller  chercher  si  curieusement  cez  rares 
thresors  de  l'antiquité. 

Il  me  resteroit  à  vous  entretenir  sur  le  subject  de  la  peinture  antique 
sur  lequel  je  trouve  voz  sentiments  beaucoup  meilleurs  et  plus  ])lau- 
sibles  que  touls  autres  que  j'eusse  encor  ouv  dire,  et  ne  vouldrois  pas 
vous  avoir  faict  perdre  du  temps  contre  vostre  inclination  à  les  rédiger 
par  escript,  mais  puisque  le  pauvre  s""  Aleandro  qui  s'en  estoit  chargé 
ne  s'en  peult  plus  acquitter,  je  ne  vois  pas  que  vous  vous  en  puissiez 
descharger  sur  aulcun  aultre,  et  vous  obligerez  bien  le  public  quant  et 
moy. 

'  ffScriptum  fuisse  nuper  ad  me  ex  He-  peile  Guillaume  Pettee  et  cile  sur  lui  celle 
(ruria  transiisse  istliac  Angluin  iliuni  qucra  anecdote  de  Colomiés  :  rj'ai  appris  que 
cornes  Arundelius  in  Graeciam  anle  qua-  Pettœus,  chapelain  du  comle  d'Arundel, 
driennilun  miserai,  onustum  mullis  bonis  ayant  fait  plusieurs  voyages  en  Grèce  et  en 
libris  aliisque  prœclaris  antiquilatis  monu-  Italie,  pour  en  apporter  à  son  maître  quan- 
mentis,  quibus  producendis  sedulo  se  ope-  titë  de  raretés,  il  en  fut  si  mal  récompensé 
rara  impendere  velle  afTirmarat.  i  Holstenius  ({u'il  mourut  de  déplaisir,  n 
ajoute  (p.  199)  qu'il  a  connu  en  Angleterre  '  Sur  Patririus  Junius,  bibliothécaire  du 
ce  voyageur:  tromnium  bonarum  literarurn  roi  d'Angleterre,  voir  le  recueil  Peiresc-Du- 
egregie  peritumii.  Voir,  au  bas  de  cette  puy  (t.  I,  p.  181,  908).  Cf.  noies  de  Bois- 
page  129,  une  note  de  Boissonade  qui  i'ap-  sonade  (p.  8  et  1 29). 


[1G29]  .\  HOLSTENIUS.  319 

Vous  ne  ine  dictes  rien  du  vase  d'esmail  antique  '  lequel  mérite 
hien  aussy.de  passer  par  vostre  examen,  et  puis  que  le  s'  Doni  en  a 
la  îjarde,  il  ne  fault  pas  doubler  que  vous  ne  le  puissiez  voir  quand 
vous  vouldrez,  estant  bien  certain  que  vous  ferez  plaisir  singulier  à 
M^  le  Gard'  de  l'esclaircir  de  ce  qui  se  peult  jufjer  d'un  si  digne  ou- 
vrage. 

Sur  (uioy  je  finiray  en  vous  baisant  trez  humblement  les  mains  et 
demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur. 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  97  avril  tôag*. 

Je  plains  bien  le  desadvantagc  que  vous  aurez  quand  M""  d'Aubery 
se  resouldra  de  partir  de  Rome  pour  .s'en  retourner  chez  luy^,  mais  en 
ce  cas  je  vous  conseille  de  subroger  en  son  lieu  et  place  M'  de  Bon- 
naire,  beau  frère  de  feu  M'  Barclay,  lequel  est  grandement  vertueux  et 
officieux  et  vous  pourra  grandement  servir,  et  vous  pourrez  vous  ou- 
vrir et  confier  à  luy  au.ssi  librement  qu'à  tout  autre  que  vous  sçauriez 
choisira  Le  R.  P.  Doni  an  Puy  le  Chartreux  sera  volontiers  l'entre- 
metteur de  cette  correspondance;  je  luy  en  escripts  un  mol  et  audit 
sieur  de  Bonnaire,  lequel  vous  ira  volontiers  offrir  tout  ce  qu'il  pourra 
de  sa  part  et  se  tiendra  grandement  honoré  i|ue  vous  agréiez  la  re- 
cherche qu'il  vous  en  fera. 

11  s'est  desterré  depuis  peu  en  ce  pais  icy  une  inscription  en  marbre 

'  Le  vase  possédé  par  le  cardinal  Barl)C-  coiiipagnie  d'Aubery  :  rrAccedil  iiunc,  tpiiid 

rini  et  dont  Peiresc  s'est  occupé  dans  une  aniini  dolorcm  tiilissimi  auiici  morle  cou- 

leKre  précédente.  Iractum   non  ])arura   auget  Aubry   nostii 

''  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  difccssus;  ila  ut  vilani  ipsnni  et  L'rbis  an- 

n"  17.  laïque  delicias  graves  inihi  fuluras  credani. 

'  Holstenius,  après  avoir  décrit  la  dou-  in  tanla  ainicorum  orbilate.!" 
leur  que  lui  causait   la  mort  d'Aloandro  *  Au  sujet  du  sieur  de  Bonnaire.  voir 

(p.  1 3^1),  ajoutait  que  pour  condjle  déniai-  le  recueil   l'eiresc-Dupuy ,  t.  I,  Il  et  III, 

lieup  il  allait  aussi  ('Ive  privé  de  la  douce  pas.iim. 


320  LETTRES  DE  PEIUESC  [1029] 

dont  j'ay  trouvé  le  fra[)[nient  bien  extravagant,  et  c'est  grand  dommage 
qn'elle  ne  soit  entière;  en  voicy  les  j)aroles  : 

BORISTENES  ALANVS  C.4ÎSAREVS  VEREDVS 
PER  M()\0]{  PALVDES  ET  TVMVLOS  ETRVSCOS 
VOLARE  QVI  SOLERAT  PA.XNOMCOS  I\  APROS 
MÎC  VLLVS  IXSEQVENTEM  DE ' 

J'ay  envoyé  coppier  les  lectres  niesmes  sur  les  lieux  afin  de  voir  si  la 
ligure  des  caractères  nouspourroit  ayder  à  devinera  peu  prez  le  temps, 
et  ne  manqueray  pas  de  vous  en  faire  part  aussy  tost  que  je  les  auray, 
comme  jo  seray  bien  aise  que  vous  m'en  disiez  un  jonr  vostre  advis. 

Mais  il  s'en  est  descouvert  une  antre  bien  plus  importante  et  qui 
seroit  bien  plus  utile  au  public  si  elle  se  pouvoit  achever  de  bien  lisre 
toute  entière  et  dont  vous  ferez  bien  vostre  proiïict;  c'est  l'inscription 
mentionnée  dans  Pline  des  trophées  des  Alpes  dont  il  s'est  trouvé  de 
trez  beaux  fragmentz  où  sont  les  vrais  noms  primitifs  de  tous  cez 
|»euples  des  Alpes  qui  avoient  lors  esté  subjuguez  à  rcnq)ire  Romain, 
entre  lesquels  est  faicte  expresse  mention  CATVHIGVM,  MED\  LIO- 
RVM,  VEAMINORVM  (?)  et  autres  en  la  mcsme  forme  et  orlograplie. 
de  Pline,  mais  il  y  en  a  d'autres  grandement  diversifiez  et  bien  j)ius 
convenables  aux  noms  vulgaires  qui  se  sont  continuez  en  certains  lieux 
comme  ABANATILM  que  j'estime  pouvoir  bien  quadrer  avec  un  gros 
bourg  de  nos  montagne^j  qui  se  nomme  ANNAVT  ou  ANNOT  ^,  auprez 
duquel  il  y  a  encor  un  chasteau  célèbre  nommé  le  PLGET  DES  DE- 
NIERS '  et  dans  les  vieilles  pancartes  PVGETVM  DANATRIORVM. 

'   Cietlc  inscription  a  été  bi'  n  soiixcnt  ro-  Le  même  liislorien  n'indique  pas  (hivantiigi- 

produite.  On  la  retrouve  dans  la  K»e  <fc  Pe»-  YALanalium,  objet  de  la   part  de  Peiresc 

rcsc  par  Gassendi  (livre  m,  à  Tannée  1 6a  9 ,  d'un    raj)procliement    téméraire.   Dans   les 

^).  ;ioi),  ent')urée  do  ciirieiisi's  oliservutions.  vieux  (cxles.  la  ville  élail  apjieiée  (M^tnim 

'  Annol  est  un  clief-lieu  de  canton  du  de  Auol. 
ilépartoineiil   des   Basses-Alpes.  La    l'ornic  '  Pug.'t-Tliénirrs  est  un  clief-lieu  d'arron- 

Aiinaut  donnée  par  Peiresc  n'est  pas  indi-  dissemenl  des  Alpes-Marilinies.  A-l-on  ja- 

quée  par  le  chanoine  Feraud  [Histoire  ei  mais  vu  ailleurs  l'emploi  du  mot  Deniers 

géographie  des  Basses-Alpes,  p.  a83-987).  pour  Tlivniers? 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  321 

Un  de  mes  amys  m'ayant  escript  de  la  cour  tandis  qu'elle  estoit  à 
Suse  qu'il  y  avoit  un  grand  arc  triomphal  avec  le  nom  d'Auguste  et 
afforce  escritture,  je  jugeay  que  ce  pourroit  cstrc  ladicte  inscription  de 
Pline  que  je  le  priay  de  conférer  dessus,  et  se  trouva  véritable,  bien 
qu'il  y  ayt  prou  de  diversité.  Elle  commence  par  cez  motz  transposez 
en  cette  sorte  icy 

IMP  C./ESARI  AVGVSTO  UIVI  F  PONTJFICI  MAXIMO  TRIBVNICIA 
POTESTATE  XV  IMP  XVII 

Je  leur  ai  envoyé  des  lunettes  de  Drebels  '  pour  s'asseurer  mieux  de 
touts  cez  noms  gentilz  de  cez  peuples  gaulois  et  aussy  tost  ne  manque- 
ray  point  de  vous  en  faire  part. 

Il  y  a  afforce  figures  dans  les  frises  pour  des  sacrifices  dei  sue  ove 
laurilia  de  fort  goffe  manière  au  prix  du  siècle  et  de  la  bonne  archi- 
tecture de  toute  la  fabrique  dont  vous  aurez  aussy  part  des  desseins  et 
griffonenients  tels  qui  se  pourront  avoir,  pour  en  dire  vostre  rastellée 
à  vostre  tour  si  bon  vous  semble.  Mais  cela  meriteroit  que  vous  pris- 
siez la  peine  d'aller  passer  par  là  si  vous  faictes  jamais  de  voyage  en 
vostre  païs,  car  vous  y  trouveriez  des  merveilles. 

J'estime  que  cez  sacrifices  pourroient  avoir  quelque  rapport  avec 
ceux  que  les  decemvirs  disoient  avoir  trouvé  dans  les  livres  sybillins, 
estre  requis  et  nécessaire  qu'on  les  fit  sur  les  confins  des  Gaulois, 
toutes  et  quantes  foys  on  leur  debvoit  faire  la  guerre. 


XX 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Je  ne  veux  pas  laisser  passer  cette  commodité  sans  vous  baiser  les 
mains  et  me  conjouyr  avec  vous  des  bonnes  nouvelles  de  l'arrivée  de 

'  Sur  Cornélius  Drebels,  voir  trois  mentions  dans  le  recueil  Peiresc-Diipuy  (t.  I,  11, 
et  III). 

V  Al 


IVPeiaEMC    NlTIOHâLt. 


322  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

M'  de  Thou  en  Sicile  avec  lequel  je  veux  croire  que  vous  aurez  formé 
absolument  vostre  résolution  si  vous  ferez  le  voyajjc  d'Orient  ou  non, 
dont  je  seray  bien  ayse  d'estre  adverty  un  peu  à  l'advauce,  si  faire  se 
peult,  pour  y  contribuer  de  ma  part  tout  ce  qui  jiourra  dépendre  de 
moy  au  cas  qu'ayez  choisy  l'affirmative,  car  je  doubte  un  peu  de  cela, 
et  n'oserois  vous  avoir  conseillé  de  vous  aller  bazarder  aux  mesmes 
dangers  que  M""  de  Thou  y  a  courus  et  possible  plus  grands,  comme  il 
vous  y  fauldra  faire  plus  grand  sesjour.  Au  reste  le  bon  P.  Dom  du  Puy' 
m'a  fait  teste  d'une  nouvelle  inscription  que  vous  avez  descouverte  à  la 
vigne  du  Card[in]'''  Sforza  que  nous  attendrons  fout  à  loisir^.  Mais  j'ay 
esté  marry  d'entendre  les  longueurs  auxquelles  se  trouve  engagé  vostre 
Porphyre,  ce  qui  me  faict  insister  tousjours  davantage  au  premier  advis 
que  je  vous  avois  cy  devant  tesmoigné  pour  l'édition  des  autres  bonnes 
pièces  que  vous  avez  ramassées  avec  tant  de  soing  et  de  travail  pour 
en  ayder  le  public  et  mesme  pour  cet  Oppian  et  autres  que  vous  faisiez 
estât  de  joindre  ensemble  et  que  vous  me  disiez  vouloir  envover  h 
Paris  où  c'est  sans  doubte  que  l'édition  s'en  fera  beaucoup  meilleure 
et  plus  belle  et  sans  tant  languir,  y  ayant  de  si  galants  hommes  qui  re- 
puteront  à  grand  heur  de  vous  y  servir  et  d'en  prendre  aultant  de. 
soing  que  si  c'estoit  pour  leurs  propres  œuvres.  Je  m'imagine  que  vous 
prendrez  la  commodité  du  passage  de  M"'  de  Thou  pour  envoyer  ce 
précieux  thresor  à  Paris,  et  quand  tout  ne  se  trouveroit  pas  bien  prest 
et  m'en  veuilliez  par  aprcz  faire  l'adresse  icy,  tout  ira  fort  seurement 
et  n'y  devez  avoir  aulcun  regret.  Cependant  si  l'affaire  tire  plus  long 
traict,  il  me  taide  tant  de  sçavoii"  ce  que  c'est  de  l'autlicur  qui  a  esrrit 
de  canibus  Gallicis  et  venatione  Gallorum,  que  je  vous  supplie  de  me 
mander  succintement  en  quel  temps  a  esté  escript  ce  traicté,  s'il  y  a 
rien  qui  monstre  que  les  chiens  eussent  esté  parmy  les  Gaulois  tenus 
en  quelque  respect  et  en  vénération,  soit  comme  signes  militaires  ou 
dépendances  de  leurs  deilez,  aussy  bien  que  d'autres  animaulx  et  que 
noz  liz  et  autres  choses,  ou  si  vous  en  avez  rien  observé  ailleurs,  vous 

Le  chartreux  Christophe  Diipuy  déjà  mentionné  plus  haut.  —  '  Voir  sur  le  cardinal 
Sforza  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  III,  p.  687). 


[1629]  A  HOLSTENIUS.  323 

me  ferez  plaisir  de  me  le  cotter  à  vostre  loisir  et  de  me  commander  en 
revanche  plus  librement  que  vous  ne  faictes.  J'attends  encore  la  res- 
ponse  de  l'homme  des  MSS.  grecs  sur  l'offre  que  je  luy  avois  faicte  de 
5oo  livres  pour  tout  le  contenu  en  son  roolle  ',  comme  je  vous  dis  der- 
nièrement, et  ne  pense  pas  queladicte  responce  puisse  meshuy  gueres 
tarder;  et  feray  tout  ce  que  je  pourray  pour  vous  procurer  en  cela 
tout  le  contentement  et  satisfaction  que  me  sera  possible  et  demeureray  à 
jamais, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  affectueux  serviteur, 
DE  Peiresc. 

Avant  que  clorre  j'ay  eu  responce  de  l'homme  des  MSS.  lequel  fait 
bien  le  renchery  et])rend  quasi  au  poinct  d'honneur  de  rien  rabbaltre 
des  3oo  ccuz  qu'il  a  demandez  de  cez  vingt  pièces  de  livres.  11  le  faull 
laisser  ronger  son  li-ain  tant  soit  peu,  cependant  je  luy  ay  envoyé  of- 
frir 9,0  0  ecuz. 

A  Aix,  ce  17  iiiay  i6ag'. 


XXI 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Le  passage  de  rord[inaire]  que  nous  attendions  l'autre  jour  fut  in- 
terrompu par  le  voyage  extraord[inai]re  d'un  officier  d'Avignon  qui 
passa  par  icy  sans  que  j'en  fusse  adverty,  de  sorte  que  mes  lettres 
sont  demeurées  jusques  à  présent  que  j'estime  querordin[ai]re  passera 
indubitablement.  Cependant  le  sieur  Félix  est  arrivé  sain  et  sauve  qui 
m'a  rendu  vostre  lettre  du  2  1  avril  toute  i-emplie  de  vostie  accoustumée 

'  Ce  rôle  .1  été  imprimi*  dans  le  recueil  Boissonade  (p.  i3o-i3i)  sous  le  titre  d7»rfftr 
librorum  manuscriplorum  Grœcoriim,  —  ^  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n°  19. 


32i  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

courtoisie  ',  et  m'a  entretenu  quasi  tout  un  jour  du  bon  estât  de  cette 
cour  là  et  des  gents  de  lettres  qui  y  sont,  mais  particulièrement  de  ce 
qui  touche  vostre  personne,  à  la  santé  de  laquelle  nous  avons  laict 
quelque  petit  brindes  -  et  du  patron  '.  Il  s'en  est  allé  en  Avignon  fort 
gay  et  en  espérance  de  retourner  à  Rome  à  ce  moys  de  septembre. 
J'ay  veu  ce  que  vous  avez  coté  au  bas  de  vostre  lettre  concernant  la 
médaille  ATKTANON,  et  loué"  grandement  vostre  conjecture  et  sup- 
plément du  T  pour  un  I  dans  vostre  Proclus,  mais  pour  la  médaille, 
aprez  avoir  reveu  l'original  qui  se  trouve  fort  net  et  fort  distinct  à  i'en- 
droict  oii  est  ce  I  fort  cslogné  de  l'orle,  et  sans  apparance  quelquonque 
de  la  barre  qui  eust  deub  faire  le  T,  de  manière  que  je  ne  puis  me  per- 
suader d'y  lire  ATKTANiîN,  au  contraire  ayant  reveu  les  médailles 
pareilles  que  j'ay  en  bon  nombre  avec  l'inscription  BPETTIiîN  je  me 
confirme  tousjours  davantage  dans  ma  première  imagination  que  ce 
doibt  estre  quelque  ville  dépendante  de  cez  peuples  de  l'Abruzzo  dont 
le  nom  s'est  possible  perdu  par  succession  de  temps.  Il  fauldroit  exa- 
miner si  ce  ne  pourroit  pas  estre  plustost  celte  ville  que  Dion  lib.  XIX, 
page  711,  de  l'édition  d'Estienne,  appelle  AOTKEIAN  et  qu'il  disoit 
estre  fort  célèbre  en  ce  lieux  là  de  l'Apouille,  où  les  Romains  vou- 
lurent faire  une  colonie  pour  ne  perdre  le  pais.  Car  je  ne  pense  pas 
que  l'obmission  de  l'O  micron  et  de  l'E  psilon  en  ces  deux  diplitongues 
puisse  estre  considérable,  puisque  promiscuement  les  anciens  met- 
toient  l'T  pour  l'OT  et  l'I  pour  l'E!.  Et  qui  sçait  que  tout  cela  ne 
puisse  encores  appartenir  à  cez  peuples  lucains  si  célèbres  en  cette 
contrée,  puisque  c'estoit  parmy  eux  que  les  Rructions  firent  leurs  pre- 
mières assemblées  ou  retraictes  et  où  ils  formèrent  leur  primitive  re- 
publique au  rapport  dudit  Diodore,  au  livre  XVI  page  5i8.  Je  m'en 
rapporteray  tousjours  à  ce  qu'il  vous  plaira  en  déterminer,  comme  en 
ayant  plus  de  cognoisçance  que  moy. 

'  Lettre  XXI  (p.  i4i-i4.3)  déjà  citée.  *  Holsleniiis  avait  fiit  (p.  162)  :  rNunc 

'  On  a  reconnu  le  mot  si  souvent  em-  iiiud  addo,  pro  illo  ATklANiîN  videri  ie- 

ployé  dans  les  banquets  des  féiibres.  gendum  ATKTANÛN ,  cum  marge  satis  de- 

'  Le  cardinal  F.  Barberini.  tritus  sit,  et  i  illud  brevius  reliquis  literis.n 


[1629]  À  iïOLSTENIUS.  325 

Je  viens  de  recevoir  de  Marseille  vostre  portraict  que  M'  Perdreau  a 
desployé',  dont  je  vous  suis  bien  redevable,  et  le  tiendray  parmi  ce 
que  j'ay  de  plus  cher,  avec  ceux  du  Pape^,  de  feu  M''  Barclay,  de 
M'  Groitius,  de  feu  M'  de  la  Scala  et  autres  qui  m'ont  faict  l'honneur 
de  m'advouer  pour  leur  serviteur,  et  d'agréer  ma  petite  dévotion  ^.  Je 
vous  cscrivis  dernièrement  la  descouverte  de  ce  fragment  de  l'epitaphe 
du  clieval  d'Hadrian,  BORVSTENES,  dont  le  commencement  que  nous 
avons  est  un  peu  plus  correct  que  tout  ce  que  feu  mess"  Pithou  et 
Casaubon"  et  M''  Saulmaise  en  avoient  donné.  J'apprens  qu'il  s'est 
trouvé  en  mesme  temps  un  grand  morceau  de  colonne  canellée  à  la 
corinthienne,  à  laquelle  pouvoit  estre  pendue  la  table  de  marbre  où 
sont  gravez  les  six  ou  sept  premiers  vers  qui  se  sont  conservez.  J'at- 
tends au  premier  jour  la  commodité  d'envoyer  prendre  l'un  et  l'autre 
sur  les  lieux  oij  il  a  esté  desterré  pour  le  conserver  céans  en  vérifica- 
tion de  ce  qu'en  escript  Dion  qui  semble  descrire  et  l'epigramme  et  la 
colonne.  Il  fault  dire  que  ce  cheval  luy  mourut  lors  des  voyages  qu'il 
fit  dans  les  Gaules  soit  en  l'année  li  de  son  Empire,  quand  il  passa 
oultre  jusques  en  la  grand  Bretagne,  soit  en  l'an  6'='""'  quand  il  fit 
bastir  la  basilique  de  Nismes,  auxquels  temps  se  trouvent  battues  ses 
médailles  avec  l'inscription  ADVENTVI  AVG.  GALLlyE. 

Le  3o  may'. 

'  Sur  ic  peintre  Perdreau ,  voir  le  recueil  les  lettres  aux  frères  Dupuy,  1. 1 ,  p.  44 ,  45  . 

Peiresc-Dupuy,  t.  II,  p.   aa4,  et  t.  III,  5o-52. 
p.  i5o,  i6a.  '  Gassendi(Iiv.  IV,  p.  33i,  33a)acilé. 

*  Pciresc  possédait  le  beau  portrait  d'Ur-  au  sujet  de  i'épitaphe,  Pierre  Pithou  et  Cn- 

liain  VIII  par  Simon  Vouet.  saubon. 

'  Sur    les   portrails  d'hommes  célèbres  ''  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

dont  Peiresc  avait  forme  une  galerie,  voir  n°  aa. 


326  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


XXII 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Je  receus  hier  par  voye  cxtraordijiaire  de  Gènes  une  lettre  vostre 
bien  fraische  du  26  may'  en  responce  de  ia  mienne  du  27  avril,  et 
fus  un  peu  lionteux  de  l'equivocque  qu'il  y  a  eu  entre  nous  sur  la  taxe 
des  mss.  grecs  que  vous  avez  creu  n'estre  qu'à  3 00  libvres  ou  cent 
escus,  et  toutefoys  je  pensoys  vous  avoir  escript  que  l'homme  à  qui  ils 
appartiennent^  disoit  en  avoir  payé  3oott[écus]  qui  sont  900  livres, 
.le  ne  l'aurois  pas  laissé  recognoistre  au  prix  de  cent  escus,  car  en  efTect 
la  première  ofTre  que  je  luy  envoyay  faire  fut  de  5oo  libvres  de  toutes 
les  20  pièces  qu'il  y  a  ou  environ,  et  depuis  les  ayant  luy  refusées,  je 
luy  ay  olFert  200  escus  par  un  homme  à  qui  j'ai  mesme  donné  charge, 
s'il  void  de  pouvoir  lier  marché  et  s'en  saisir  sur  le  champ,  d'y  ba- 
zarder jusques  à  cent  pistoles  qui  n'est  pas  guieres  moings  que  ce  qu'il 
avoit  demandé.  F^e  mal  est  qu'il  prend  quasi  au  poinct  d'honneur  que 
j'aye  rien  voulu  retrancher  de  s;i  première  demande,  en  sorte  qu'il- 
semble  qu'il  veuille  faire  à  croire  qu'il  ne  veultplus  rien  vendre  à  aulcun 
prix,  mais  quoy  qu'il  die,  j'estime  qu'il  les  vendra,  veuille  il  ou  non 
tost  ou  tard,  et  que  ce  ne  sonl  que  cérémonies  et  artifices  d'un  homme 
qui  me  veult  rançonner,  encores  qu'il  m'aye  d'ailleurs  de  grandes  et 
signalées  obligations.  Ses  enfans  sont  tous  bandez  contre  luy  en  ma 
faveur,  sçaichants  ce  que  j'ay  faict  pour  eux  et  pour  luy^  Mais  il  y 
fault  un  peu  de  patiance,  aullrement  il  fauldra  se  laisser  rançonner. 
Laissez  moy,  je  vous  supplie,  faire  la  guerre  à  l'ceuil  et  ne  vous 
mettez  poinct  en  peine  de  l'argent,  car  la  partie  est  toute  preste  dans 

'  Lettre  placée  sous  le  n"  XXII  dans  le  Pacius  oublier  tout  ce  que  sa  famille  et  lui 

recueil  Boissonade  (p.  1 43-1 60).  devaient  à  la  bonté'  de  Peiresc.  Mais  Pacius 

'  !Nous  avons  déjà  vu  que  c'était  le  célèbre  était  alors  bien  âgé  et  peut-être  n'avail-il  plus 

jurisconsulte  Pacius.  la  plénitude  de  son  bon  sens.  Connnie  l'en- 

Onestatlristé  de  voir  un  homme  comme  fance.la  vieillesse  est  souvent  irresponsable. 


[1629]  À  HOLSTIÎNIUS.  327 

une  bource  où  je  la  mis  dez  la  première  offre  que  je  luy  envoyay  l'aire, 
et  puisqu'elle  y  est  destinée,  je  ne  la  divertiray  poinct  à  autre  eniploy. 

Je  loue  M'  de  Thoulouse  '  de  vous  avoir  offert  son  recueil  des  an- 
ciens autlieurs  grecs  des  choses  célestes  *,  mais  il  n'y  debvoit  pas  mettre 
ce  me  semble  d'autre  condition  que  de  vous  faire  chose  agréable,  ayant 
les  moyens  qu'il  a,  et  le  désir  qu'il  monstre  avoir  d'ayder  le  public 
dont  il  avoit  si  belle  occasion,  en  vous  donnant  de  quoy  entreprendre 
l'édition  de  ce  rare  recueil  d'anciens  autheurs'.  Ce  luy  estoit,  ce  me 
semble,  assez  d'honneur  que  vous  les  voulussiez  tenir  de  sa  main,  sans 
vous  mettre  en  peine  d'en  chercher  d'autres  de  son  goust  pour  ne  rien 
faire  sans  retour  et  recompance  aultant  et  possible  plus  précieux  que 
ce  qu'il  vous  offre. 

Je  rabbats  un  peu  de  la  bonne  ophiion  que  j'avois  conceue  de  son 
zelle  aux  bonnes  lettres  qui  se  doivent  traicter  avec  plus  d'humanité  et 
de  courtoisie,  principalement  entre  gents  de  cette  sorte*.  Tant  est  que 
j'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  par  là  le  beau  dessein  que  vous  avez  en- 
core de  ce  costé  là  de  donner  un  jour  conjoinctement  touts  cez  au- 
tlieurs grecs  desphœnomenes  et  autres  dépendances  des  choses  célestes 
qui  n'ont  jamais  esté  donnez  bien  assortizs. 

Nous  sommes  si  mal  pourveus  icy  de  livres  grecs  que  ce  sera 
grande  merveille  si  nous  y  trouvons  par  hazard  l'Isagoge  de  Geminus\ 
Toutefoys  je  feray  chercher  soigneusement,  principalement  chez  un 


'  G't^tait  Charles  de  Montchnl  si  souvent 
menlionné  dans  nos  qualre  premiers  vo- 
lumes. Au  sujet  de  cet  trEximius  ille  Tolo- 
salum  aniistcsï) ,  voir  une  note  oîi  Boissonade 
(p.  77)  cite  sur  le  pri'lal  h  Vie  de  Pciresc 
de  Gassendi,  le  recueil  de  Burmann  (t.  III, 
p.  690),  le  discx)urs  de  Medon  sur  la  mort 
de  Pierre  Dupuy  (|).  i3G)  et  lo  Lo)i{fue- 
ruatia  (t.  Il,  p.  7). 

'  Peiresc  répond  ici  Ji  un  long'  passage  de 
la  lettre  XXII  de  Holslenius(p.  i5o-i5i). 

'  (]es  auteurs  sont  énuuiérds  [)ar  llolsle- 
nius  (p.  5o)  :  on  y  remarque  Kuclide,  Aris- 


lanpie,  Autolycus,  Pediasimus,  Herun, 
Tlieon,  elc. 

'  Il  faut  d'autant  plus  louer  le  zèle  désin- 
f('TCSs<?  de  Peiresc  que,  comme  on  le  voit, 
celle  belle  flamme  brillait  moins  de  sou 
temps,  même  dans  les  âmes  qui  seniblnienl 
devoir  être  les  plus  généreuses. 

'  Holslenius  avait  dit  (p.  i5i)  :  rNunc 
(n  rogo,  si  Gemini  anliqui  Grajci  scriploiis 
VAaaywyri  els  ta  i^xivàixsvix  apud  vos  extet . 
ut  prece  vel  prelio  milii  alicunde  pares. 
Nullnm  hic  in  Urhe  extat  cxcmplar. . .  » 


328  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

homme  de  qualité  de  mes  amys  qui  à  tout  le  inoings  le  nous  prestera, 
s'il  se  trouve  entre  les  siens,  en  cas  qu'il  fit  difficulté  de  s'en  priver 
tout  à  faict  à  cause  qu'il  a  un  fort  bel  assortiment  de  livres  de  ma- 
thématiques grecs  et  latins  et  arabes  ou  traduits  de  l'arabe.  Et  si  je  le 
puis  avoir,  je  le  vous  feray  tenir  incontinent. 

Je  vous  félicite  les  correspondances  de  Naples  et  les  espérances  qu'on 
vous  donne  d'y  trouver  le  Stephanus  de  Urbibus  et  autres  pièces  de 
vostre  goust^  Si  vous  y  faictes  le  voyage,  enquerez  vous  s'il  ne  seroit 
rien  demeuré  ez  mains  des  héritiers  del  Duca  dell  Accerenza  et  du 
feu  s'  Gio.  Vincenzo  Pinello  de  sa  belle  bibliothèque  MSS. 

Je  vous  remercie  trez  humblement  de  la  part  qu'il  vous  plaict  me 
faire  de  cez  fragments  de  lettres  de  Paganinus  Gaudencius*  et  Patri- 
cius  Junius'  concernant  les  mss.  d'Oriant  et  le  passage  de  cet  honneste 
homme  qui  en  a  faict  les  recherches*  et  trouve  bien  estrange  que 
M'  Seldenus  ayt  faict  l'édition  de  cez  Marmara  Arundelliana ,  sans 
rendre  l'honneur  qui  estoit  deub  à  celuy  qui  les  avoit  arraché  des 
mains  des  barbares  avec  tant  de  sollicitude  et  de  dangers^.  Maintenant 

'  Réponse  k  ce  passage  de  la  lettre  XXII  Le  fragment  de  la  lettre  de  Paganinus  est 

(p.  iSa)  :  (fNuper  fausto  omine  niihi  ami-  reproduit   dans  le   reoueil  de   Boissonade. 

oitia  contracta  fuit  per  lileras  cum  tribus  (p.  160). 

Napolitains  primoribus  eruditonim  ejus  re-  '  Le  fragment  de  la  lettre  écrite  le  1  o  fé- 

gni,  et  forte  solis,  Fabio  Golumna,  Bartho-  vrier  1629  (et  non  16Q7)  par  le  bibliotbé- 

lomaeo  Carruciolo,  et  Pelro  La  Seina;  et  caire  du  roi  Jacques  à  Holstcnius  e^;t  repi-o- 

nunc  frequens  mihi  islhuc  literarum  com-  duit   à    la    page    161    du  même    recueil, 

mercium  est,  nec  erit  sine  aliquo  meorum  Holstenius  accompagne   l'envoi   des   deux 

studiorum  fructu. ..t  Holstenius  ajoute  que  fragments  (p.  161)  de  cet  aimable  compli- 

Pierre  La  Seine  lui  a  parlé  d'une  bihiio-  ment  renouvelé  d'Horace  :  irVale,  decus  et 

thèque  que  quelque;  moines  gardent  comme  praesidium  noslrum.  ■n 

des  dragons  (draconum  instar  occupant)  et  '  Cet  honneste  homme  est  le  cbapeiain 

où  l'on  conserve  des  manuscrits  d'Etienne  déjà  mentionné  du  comte  d'Arundel,Pellœu8 

de  Byzance,  de  Jamblique  et  de  Porpbyre.  ou  Pettee. 

C'était  l'ancienne  collection  de  Janus  Par-  ^  Encore  un  exemple  d'improbité  scienti- 

rhasius.  tique  donné  par  un  illustre  énidit!  Encore 

'  Sur  le  professeur  de  Pise  Paganinus  Gau-  une   déloyale   application  du  Sic  vos  non 

dentius,  Boissonade  cite  (p.  i53,  note  6)  vobis  !  On  voit  combien  Peiresc  reste  tou- 

Sax.    Onom.    (t.    IV,    p.    879),    Niceron  jours  le  défenseur  délicat  du  bon  droit  et 

/t.  XXXI),  Burman.  Syllog.  (t.lll,  p.  58i  ).  des  justes  causes. 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  329 

que  la  paix  d'Angleterre  est  publiée,  avec  le  restahlissement  du  com- 
merce, je  crois  que  nous  en  pourrons  avoir  de  plus  particulières  nou- 
velles, et  que  nous  aurons  ce  livret  à  nostre  tour  et  que  M'  Boswel' 
n'aura  plus  d'excuse  et  de  prétexte  de  silence.  On  attend  le  comte 
d'Emby,  ambassadeur  extr[aordinai]rc,  autre  loutel'oys  que  le  bcau- 
frere  de  Bukingan'-*,  et  pour  ambassadeur  ord[inai  jre  un  nommé  VVaclit, 
employé  autrefoys  par  ledit  Bukingan  vers  les  Suisses.  M' d'Elbœul'^  y 
en  va  ambassadeur  exlr[aordinaire]  de  la  part  du  Roy,  et  M"' de  Chas- 
teauneuf'  pour  conseil. 

Je  vous  remercie  cncores  trez  affectueusement  ensemble  Mons'  Dor- 
malius  du  soing  qu'il  se  donne  des  instructions  particulières  de  la 
bibliothèque  et  autres  curiositez  de  feu  Susius,  et  voudrois  bien 
le  pouvoir  servir  en  revanche.  J'ay  prins  grand  plaisir  d'entendre  que 
vous  ayez  l'inscription  de  l'arc  de  Suse,  non  sans  beaucoup  de  regret 
que  vous  n'ayez  eu  le  temps  et  le  loisir  de  l'examiner  de  plus  prez  sur 
les  lieux,  car  sans  doubte  personne  du  monde  ne  pouvoit  mieux  res- 
taurer que  vous  tout  ce  qui  y  pouvoit  estre  demeuré  des  vestiges  de 
cez  anciens  noms  propres  gaulois.  Je  ra'estonne  un  peu  de  ce  que  vous 
dictes  n'avoir  peu  lisre  que  les  deux  premières  lignes,  car  de  qualire 
qu'il  y  en  a,  ce  dict  on,  la  première  et  la  troisiesme  sont  fort  lisibles, 
mais  la  seconde  et  la  dernière  sont  de  fort  difiicile  lecture;  j'en  ailen- 
dois  le  résultat  du  dernier  effort  qui  s'y  est  faict  avec  des  eschelles, 
mais  je  ne  l'ay  pas  encore  receu.  Et  si  ce  que  vous  en  aviez  prins  ne 
s'est  perdu  dans  voz  tablettes,  conmie  le  griffonement  des  figures  de 
l'enceinte  dudit  arc,  je  serois  bien  aise  qu'il  vous  pleut  m'en  envoyer 
la  coppie  pour  voir  si  vous  aurez  deschiffré  quelque  chose  de  plus  que 
ce  que  nous  en  avons  eu  et  que  nous  en  espérons  encores. 

'  Sur  ce  Boswel,  secrétaire  du  cbance-  cesc-Dupuy,  à  pnilir  de  h  page  f>t?>  du 

lier  d'Angleterre,   voir  le  recueil  Peii-esc-  tome  [. 
Dupuy  (t.  1,  p.  ao,  ai,  etc.).  *  Sur  Charles  de  TAubespiue,  marquis 

'  Sur  les  deux  homonymes,  voir  le  re-  de  CliAteauneuf,  voir  les  trois  tomes  du  re- 
cueil Peiresc-Dupuy  (t.  II ,  p.  6f)5).  cueil  Peii-esc-Dupiiy,  à  partir  de  la  page  i  ()<) 

'  Sur  Charles  deljorraine,  duc  d'Elbeuf,  du  tome  I. 
voir  [passim)  les  trois  tomes  du  recueil  Pei- 

T.  ia 

i«rni«Eiiit   K,Tion«Lt. 


330  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

An  reste,  ce  n'est  pas  sans  fondement  que  M'  Cluverius  avoit  creu 
que  l'inscription  de  Pline  se  deubt  rapporter  au  lieu  de  la  Torbia  aux 
Alpes  Maritimes  •  puisqu'il  portoit  autrefoys  le  nom  de  Trophœa  ^u- 
{justi ,  car  on  m'a  asseuré  qu'il  y  a  là  auprez  des  vieilles  mazures  qui 
pouvoient  bien  en  avoir  esté  les  restes  sans  s'arrester  à  ce  qui  en  a  esté 
faict  en  «ez  derniers  temps.  Et  je  ne  vois  pas  qu'il  y  ayt  poinct  d'incon- 
veniant  de  dire  que  pour  les  victoires  d'Auguste  contre  cez  peuples 
il  ayt  esté  posé  des  trophées  en  divers  lieux,  comme  il  a  esté  faict  pour 
d'autres  chefs  d'armées,  puisque  mesmes  cez  victoires  avoient  esté 
gaignées  à  diverses  venues.  Et  de  faict  c'est  environ  l'an  r.  g.  729  que 
Dion  rapporte  les  1*"  décrets  du  sénat  romain  en  faveur  d'Auguste 
portant  qu'en  remplacement  des  honneurs  de  triomphe  qu  il  avoit  re- 
fusé, on  luy  esleveroit  aux  Alpes  non  pas  simplement  des  trophées, 
mais  un  arc  qui  porteroit  ses  trophées  a^'ts  TjSOTatofpojSo? ,  ce  dict  il, 
ce  qui  convient  merveilleusement  bien  à  ce  monument  que  vous  avez 
veu  sur  lequel  vraysemblablement  pouvoient  estre  posez  lesdits  tro- 
phées, et  toutefoys  il  obtint  plusieurs  autres  victoires  contre  cez  peuples 
ou  autres  que  les  premiers  subjuguez  et  fort  longues  années  aprez. 
Aussy  l'année  de  la  tribanicia  potestas  de  ce  prince  cottée  en  cet  arc  est. 
plus  d'une  quinzaine  d'années  aprez  la  date  de  Dion,  de  sorte  que  l'oc- 
casion des  dernières  victoires  ou  conquestes  donnant  subject  à  de  nou- 
veaux trophées  pouvoit  bien  avoir  aussy  donné  subject  d'adjouster  aux 
plus  anciens  des  inscriptions  plus  amples  que  les  premières,  ou  pos- 
sible de  mettre  des  inscriptions  en  des  lieux  où  il  n'en  avoit  poinct  estt; 
mis  du  commancement.  Une  chose  voudrois  je  bien  sçavoir  de  vous, 
puisque  vous  avez  esté  sur  les  lieux,  si  vous  ne  recogneustes  poinct 
aulcun  vestige  d'inscription  de  l'aultre  fassade  du  mesme  arc,  car  sou- 
vent ils  les  contin noient  d'un  costé  à  l'aultre,  et  mesmes  les  repetoient 
aulcunes  foys,  afin  que  ce  qui  se  pouvoit  effacer  d'un  costé  se  peust 
suppléer  de  l'autre. 

Cez  vestiges   castrorum  Doniitiarà  et  des  temples  Jovis  Latialis  et 

'  Peiresc  répond  ici  à  ce  qui  lui  avait  élé  écrit  (p.  i56)  par  Holst€nius  toucLanl  l'opi- 
nion de  Ph.  Clavier  [Ital.  Antiq.,  p.  65). 


[1629]  A  HOLSTENIUS.  331 

Dianse  Nemorensis  sont  bien  notables  et  meriteroieut  que  cez  princes 
là  en  fissent  tirer  les  desseings  selon  les  règles  de  l'architecture  ',  car  il 
y  a  tousjours  de  trez  belles  choses  à  observer.  Cette  inscription  DIANE 
NEMORENSI  VEST^.  est  bien  digne  d'estre  conservée  ^  et  j'attendray 
impatiemment  le  discours  que  vous  me  promettez  sur  cela  de  M»'  Az- 
zolino^;  celles  de  cez  deux  libertés  d'Auguste  sont  aussy  bien  gentiles, 
ensemble  celle  de  Minerve  du  temps  de  Septimus  Severus  ou  plustost 
d'Antoninus  Magnus,  car  je  penserois  que  la  neufviesrae  parolle  pourroit 
bien  estre  (FIL)  au  lieu  de  (ET)  si  on  y  regardoit  de  bien  prez.  Il  y  a 
quelque  chose  en  la  dernière  ligne  que  je  n'entends  pas  bien  et  que 
je  vouldrois  bien  que  vous  m'eussiez  interprété  quelque  jour  à  vostre 
loisir. 

Pour  lapeincture  du  païsage  antique,  je  seray  bien  aise  de  la  voir  en 
son  temps;  j'escriray  à  M"'  de  Bonnaire  d'y  envoyer  un  peinctre  sans 
vous  charger,  car  vous  n'avez  pas  de  besoing  de  perdre  le  temps  à  cela; 
on  n'avoit  pas  creu,  ce  semble,  que  les  anciens  se  fussent  beaucoup 
soussiez  de  telle  sorte  de  peincture.  11  fauldroit  demeurer  d'accord  si 
la  fabrique  du  mur  et  la  manière  de  peinture  est  de  bonne  antiquité 
ou  non.  Quant  à  l'autre  peinture,  je  cognois  M''  Pignoria  de  longue  main 
depuis  3o  ans  entiers  S  et  crois  bien  que  ce  qu'il  fera  sera  tousjours  fort 


'  Holslenius  (p.  167)  avait  raconté  à 
Peiresc  la  découverte  faite  par  Laurent  Azzo- 
lini,  secrétaire  d'Urbain  VllI  ffet  vir  om- 
nis  antiquitatis  peritissimus!i,  à  Nemi,  rrin 
liorto  qui  ad  Frangipanes,  nobiles  Ro- 
nianos,  pertinetu,  des  ruines  d'un  temple 
consacré  à  Diane  chasseresse,  et  p.  i58  la 
découverte  faite  par  ic  cavalier  del  Pozzo 
d'un  temple  de  Jupiter  sur  le  mont  Alban 
et  d'un  camp  de  Domilien  dans  In  propriété 
de  l'aul  Panizzi ,  non  loin  de  celle  du  j)rince 
Sabelli. 

'  Cette  inscription ,  à  laquelle  Holstenius 
applique  l'épithète  elegantissima ,  est  repro- 
iluile  en  entier  p.  167. 


'  Azolinus  fut  évêque  de  Narni  et  mourut 
euiGSa.Boissonade  cite  sur  ce  poète  archéo- 
logue les  Apes  urbanœ  d'Allatius  et  la  Pinaco- 
theca  de  Nicius  Erythraeus.  Holslenius  avait 
dit  (p.  1 58):  ffDissertatiunculam  elegantem 
proxime  mittara,  qua  illustrissùnus  Azo- 
linus loci  situm  el  hanc  inscriptionem  illus- 
trât. » 

*  Gassendi  (liv.  I,  p.  71)  place  en  160a 
le  commencement  dos  relations  de  son  héros 
avec  Pignoria.  Holslenius  avait,  dit  (p.  iSg)  : 
«De  picturayafii^A/w  [noces  Aidobrandines  ] 
oxpectamus  in  dies  Laurenlii  Pignorii  copio- 
sam  declarationera ,  quam  rogatu  Dn.  Etjui- 
lis  (le  cavalier  del  Pozzo)  suscepit. ..« 


33'2  LETTRES  DE   PEIRESC  [1629] 

bon,  mais  je  ne  pense  pas  qu'il  puisse  fournir  en  celte  matière  ce  que 
vous  y  fourniriez  à  seule  force  de  menmioire  sans  voir  voz  livres  quoy 
que  vous  puisse  faire  dire  vostre  modestie  nom  pareille  en  cela  aussy 
bien  qu'en  toutes  les  excuses  qu'il  vous  |)laict  me  faire  sur  le  subject 
de  vostre  subrogation  à  donner  la  dernière  main  aux  œuvres  de  feu 
M""  Aleaudro,  dont  je  plains  tousjours  plus  la  perte  que  nous  y  avons 
faicte,  et  ne  me  promets  poinct  de  consolation  pareille  à  celle  que 
j'auray  si  j'entends  que  mes  vœux  ayent  esté  accomplis  de  ce  costé  là, 
ne  vous  pouvant  assez  dignement  remercier  de  voz  honnestes  et  obli- 
geantes offres  et  demeurant  à  jamais. 
Monsieur, 

vostre  trez  liumble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  8  juin  lôag'. 


XXIII 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Depuis  avoir  escript  la  lettre  cy  joincte  j'ay  receu  lettre  de  i'amy  à 
qui  j'avois  commis  la  négociation  des  MSS.  grecs,  que  mon  offre  de 
()oo  libvres  ou  200  escus  n'a  pas  esté  acceptée,  mais  quelle  n'a  pas 
aussy  esté  rejectée  si  rudement  que  la  précédante  de  5oo  livres.  11  a 
trouvé  le  personage-  fort  oultré  (à  ce  qu'il  vouloit  faire  paroistre)  de 
c€  que  j'avois  osé  rabbattrc  quelque  cbose  de  sa  demande,  comme  si 
j'avois  desrogé  à  la  confiance  que  j'eusse  deub  prendre  en  luy,  et  laisser 
les  choses  à  sa  discrétion  absolue.  11  se  fit  tenir  long  temps  à  ne  pas 
vouloir  vendre  pour  aulcun  pi'ix,  pour  se  venger  du  mespris  ou  de lof- 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  charmant  le  récit  qui  va  suivre?  Peiresc  se 

n°  21.  montre  ici,  coinnie  souvent,  un  très  agre'ible 

■  On  sait  qu'il  s'agit  de  Pacius.  Ai-je  causeur, 
bewin  de  faire  remarquer  combien  est  vif  et 


[1G29]  À  HOLSTENIUS.  333 

fance  qu'il  disoit  avoir  receu  de  ma  part.  Ce  qui  lui  donna  matière  à 
de  bonnes  remonstranccs  et  à  luy  r'amentevoir  les  anciennes  obli[;a- 
tioiis  qu'il  m'avoit  luy  et  tous  les  siens,  et  l'honneur  et  respect  que  je 
luy  avois  loiisjours  rendu,  ce  qui  esloit  bien  esloifjné  de  le  vouloir  ol- 
lancei',  attendu  niesmcs  que  la  lettre  que  je  luy  en  avois  escrilte  estoit 
en  termes  assez  lionnestes,  pour  s'en  contenter,  et  mériter  toute  autre 
sorte  d'interprétation  bénigne.  En  considération  desquelles  obligations 
il  luv  demanda  qu'au  moings  il  luy  engageast  sa  parole  de  me  laisser 
la  preferance  des[dictz]  livres  en  cas  de  vente,  ce  qui  luy  fut  non  seule- 
ment octroyé,  mais  qu'il  n'en  traicteroit  avec  persone  autre  que  moy, 
ne  voulant  pas  estre  mescognoissant  de  mes  bons  offices.  Enfin,  aj)rez 
l'avoir  laissé  dormir  dessus,  et  luy  avoir  faict  cognoistre  que  c'estoit  à 
tort  qu'il  prenoit  son  prétexte  de  rompre  le  traicté  commancé,  il  le 
disposa  à  remettre  sur  la  négociation  interrompue,  et  luy  oflrit  de  se 
faire  arbitre  entre  luy  et  moy  pour  accorder  et  partager  si  besoing  es- 
toit  le  différant-,  afin  qu'il  ne  fust  pas  dict  qu'il  n'eust  voulu  rabbattre 
du  tout  rien  de  sa  première  demande  pour  l'amour  d'un  amy,  ne  qu'il 
se  fust  aussy  laissé  porter  à  ravaller  aussy  bas  que  j'avois  pensé.  Il  ne 
luy  voulut  pas  entièrement  lasclier  la  parole,  incistant  à  sa  discrétion 
laquelle  fut  aussy  tost  acceptée  de  la  part  de  celuy  qui  parloit  pour 
moy,  de  façon  que  nous  voilà  dedans  grâces  à.  Dieu.  Et  aujourd'imy 
mesme  j'euvoye  les  cent  pistoles  à  ce  mien  amy,  et  voyant  l'ardeur  avec 
laquelle  il  vous  plaict  m'en  escrire,  de  peur  d'encourir  ce  reproclie. 
que  par  quelque  bazard  cette  commodité  vous  eschappast  d'avoir  ce  que 
vous  en  vouliez,  et  que  vous  estimiez  vous  pouvoir  estre  duis.ible,  et  si 
utile  au  public,  et  de  peur  qu'à  faulte  d'accellerer  l'affaire,  iln'arrivast 
(pielque  euq)escliement,  qui  y  peust  apporter  de  l'obstacle,  mesmes 
avec  cez  bruicts  de  maladie  qui  interrom])t  le  connnerce,  car  les  livres 
sont  en  Daupliiné  \  j'escrips  à  ce  mien   amy   que  s'il  y  trouve  la 

'  À  Valence  où  Pacius  psi-a  les  dernières  vei-s  dôUiils  dans  la  |tlaquclU'  intilulée  :  Jules 

années  de  sa  vie  et  où  il  mourut  en  i635,  Pucius  de  B^ri/fu.  Compte  rendu  du  mémoire 

ùgé  do  (jualro-vinjjt-cinq  ans.  Voir  sur  le  de  M.  Ch.  Rctilloul  avec  uddilion  d-  docii- 

séjour  du  vieux  professeur  en  Dauphin^  di-  menls  inédits  (Paris,  i883,  passim). 


334  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

moindre  (iifficuité  du  monde,  qu'il  ne  s'amuse  plus  à  rien  rabbattre, 
et  qu'il  supplée  la  partie  jusques  aux  900  livres  ou  3oo  [escus]  de  la 
première  demande,  et  qu'il  s'en  saisisse  inconlinant,  pour  me  les  faire 
tenir  le  plus  tost  qu'il  pourra.  D'aultant  que  je  ne  laisray  pas,  raesmes 
à  ce  prix  là,  d'y  trouver  mon  compte,  et  d'en  demeurer  hors  de  tout 
regret.  Car  desjà  le  premier  article  des  deux  volumes  des  constitutions 
ecclésiastiques,  qui  est  hors  de  vostre  goust,  est  tellement  du  mien  que 
je  l'estime  à  cent  bons  escus  d'or,  et  ne  le  vouldrois  pas  avoir  laissé 
eschapper  à  quelque  chose  de  plus  que  cela,  si  je  l'avois  trouvé  à 
vendre  au  plus  prolTond  de  l'Orient,  et  courir  le  risque  de  le  perdre  par 
les  chemins'.  Je  n'estime  pas  moins  le  Pollvx,  ayant  apprins  que  de 
l'imprimé  il  n'y  en  a  en  ce  volume  MS.  que  les  deux  premiers  libvres, 
et  que  tout  le  restant  du  MS. ,  qui  est  bien  deux  tiers  du  volume,  n'est 
poinct  dans  l'imprimé.  Il  y  aura  possible  quelque  opuscule  entremeslé 
qui  ne  sera  pas  de  PoHux,  ou  possible  de  quelque  autre  Pollux  que 
celluy  que  nous  avions,  mais  pour  peu  qu'il  y  enaye,  oultre  l'imprimé, 
ou  que  (si  c'est  un  autre  Pollux)  il  soit  de  bon  siècle,  je  n'y  plaindrai 
partie  de  cent  escuz  d'or  ou  cinquante  pistoles^,  de  sorte  qu'en  cezdeux 
articles  touts  seuls  j'estimerois  tousjours  mon  argent  bien  employé. 
Que  si  l'amy  est  obligé  de  suppléer  le  restant  jusques  à  l'entière  somme 
de  900  livres,  quand  il  n'y  auroit  que  les  Geoponiques,  le  Balsamon 
et  le  Pholius',  lesquels  deux  derniers  quoyque  imprimez  peuvent  servir 
comme  de  suitte  et  d'assortiment  aux  autres  volumes  de  constitutions 
grecques  ecclésiastiques,  ensemble  l'histoire  de  Chalcondyle '',  je  ne  les 
estimerois  pas  gueres  moings  que  le  surplus  de  l'argent  qui  se  pourroit 
adjouster  aux  cent  pistoles.  Ce  qui  ne  sera  possible  pas  nécessaire,  au 
moings  si  le  vendeur  a  tant  soit  peu  de  remors  de  consciance  et  de 

'   Constituttmes  Eccksiasticee  variée  (in-  ques  figurent  à  l'article  6  (^eroni's  aZ/orum- 

foiio).  que  Geotnetrica ,  in-foi.),  le  Balsamon  (/n 

'  Dans  le  Catalogue  ëditô  par  Boissonade  canones  et  in  Nomoeanonem  Pholii)  a  l'ar- 

(p.  i3i)  et  dëjà  cité,   le  PoHux  est  indi-  licle  9  et  à  l'article  3  (in-fol.),  le  Photius 

que  (article  19)  comme  étant  de  format  {Excerpta  ex  Pholio  poetica)  a  l'article  ta 

in-i».      .  (in-4'). 

^  En  ce  même  Catalogue,  les  Gëoponi-  *  CWconrf^te //wtorw( article  1 8,  in-i°). 


[1G29]  À  HOLSTENIUS.  335 

mémoire  de  mes  bienfaicts.  Enfin  je  trouve  par  ce  moyen  qu'en  toute 
façon,  tous  voz  Platoniciens  passent  gratis  par  dessus  le  marché,  et  ne 
me  coustent  rien.  C'est  pour  quoy  il  fault  que  vous  trouviez  bon  que  je 
les  vous  donne,  comme  je  le  faict  de  Irez  bon  cœur  ',  vous  suppliant  de 
les  recevoir  en  gré.  sans  vous  mettre  en  peine  d'aulcun  rembource- 
ment,  car  je  ne  le  souffrirois.  Et  pleust  à  Dieu  que  je  peusse  rencontrer 
quelque  chose  de  meilleur  et  plus  digne  de  vous,  qui  vous  seroit  en 
mesme  temps  desdié,  et  présenté  en  pur  don  encores  plus  volontiers. 
Que  si  pour  accommoder  M'  de  Tlioulouse,  vous  croyez  qu'il  y  ayt  rien 
du  reste  qui  vous  puisse  servir,  afin  d'arracher  cet  aurum  a  Barbaris-. 
ne  faictes  pas  de  dilïiculté  je  vous  supplie  d'en  disposer  absolument, 
et  puisqu'il  n'y  a  pas  des  pièces  des  SS.  Pères  que  ce  peu  qui  est  der- 
rière le  volume  d'Hermias,  collé  20,  de  S.  Grégoire  de  Nazianze',  je 
me  despartiray  encores  fort  facilement  du  Balsamon  et  du  Photius, 
si  vous  estimez  qu'ils  puissent  eslre  de  son  goust.  Voire  j'ay  recouvré 
par  bazard  cez  jours  icy  trois  petits  volumes  in-A"  MSS.  en  bon  gros 
papier,  dont  vous  aurez  le  rooUe  cy  joinct,  ensemble  quelques  petits 
cahiers  ou  feuilles  volantes  (dont  le  caractère  grec  est  bien  beau)  que 
je  vous  offre  pareillement,  soit  que  vous  estimiez  qu'il  y  ait  rien  de 
vostre  usage  ou  bien  de  celuy  de  M'  de  .Tlioulouse,  pour  vous  ayder 
à  grossir  vostre  Antidore,  afin  de  tirer  tant  plus  tost  de  sa  main  ce 
bean  recueil  de  Mathématiciens,  estimant  que  les  U  libvres  du  S.  (Cyrille 
non  inqjrimez  que  vous  lui  offrez  si  libéralement  vallent  mieux  et 
doibvent  beaucoup  plus  estre  par  luy  estimez  en  la  condition  où  il  se 
trouve,  que  tout  ce  qu'il  vous  a  offert.  Pour  le  Polyaenus",  je  vous  ay 
desjà  escript  ce  me  semble  que  j'en  ay  un  autre  exemplaire  MS.  Vous 
en  pourrez  disposer  de  tous  deux.  Il  me  reste  à  vous  dire  que  tandis 
que  nous  attendrons  de  recouvrer  cez  libvres,  je  vouldrois  bien  que 

'  La  génërosité  a-t-elle  jamais  éié  plus  '  L'article    90   du    Catalogue  est  aiii.<i 

ingt'nieuse  et  Pciresc  n'esl-il  pas  maîlre  daus  rt'digt!  :   Henniœ  philosophonim  Irritio,  et 

l'art  délicat  de  parer  un  bienfait?  Nazianzeni  carmina  (in-'i°). 

'  Ij\  inëtaphore  est  peu   flatteuse  pour  *  Les  Polymni  sUatagemala  sont  inscrit* 

M''  de  Montcbal,  mais  elle  est  en  latin.  sous  le  n"  17  du  Catalogue  (format  in-/»*). 


336  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

vous  m'eussiez  mandé  comment  vous  desirez  que  je  les  vous  fasse 
tenir,  puisque  vous  ne  trouvez  pas  à  propos  que  cela  soit  divulgué.  Car 
si  l'adresse  ne  s'en  faict  à  M»'  le  Gard"',  les  Douaniers  les  traicterout  mal , 
et  possible  les  inquisiteurs  encores  pix,  attendu  qu'en  matière  de  livres 
tout  passe  par  leurs  mains  si  le  respect  delli  Padroni  ne  les  ar- 
reste.  J'avois  songé  de  les  adresser  à  M'  de  Bonnaire,  et  neantmoings 
faire  tousjours  l'adresse  extérieure  au  dardf'  pour  exclurre  les  Doua- 
niers et  censeurs,  et  pour  cascher  vostre  nom  soubs  celuy  dudict  s""  de 
Bonnaire,  qui  ne  fairoit  pas  de  difficulté  de  le  vous  prester,  je  m'as- 
seure,  et  à  moy  par  mesme  moyen.  Mais  je  crains  encores  que  le  Gard"' 
ne  veuille  sçavoir  de  luy  ce  que  ce  peult  estre.  Vous  y  pourrez  songer 
et  vous  en  entendre  avec  luy,  et  puis  me  mander  ce  que  vous  trou- 
verez plus  à  propos  l'un  et  l'aultre.  Au  reste  par  mesme  moyen  je 
pourray  vous  faire  tenir  mon  Purchas  si  vous  voulez,  car  à  cette  heure 
que  le  commerce  d'Angleterre  est  restably,  il  ne  nous  en  manquera 
pas.  Etd'aullant  qu'il  est  relié  à  ma  mode,  avec  mon  chiffre  ordinaire, 
je  prendray  occasion ,  si  vous  voulez,  pour  vous  escrire  que  je  vous  preste 
quehjues  uns  des  livres  de  mon  estude,  non  seulement  de  ceux  qui  ne 
se  peuvent  pas  trouver  facilement,  ne  tenir  là  sans  dispance,  comme  . 
est  celuy  de  Purchas,  qui  est  grandement  subject  à  censure  (et  pour 
lequel  en  un  besoing  vous  pourriez  vous  munir  à  l'advance  d'une  par- 
ticulière permission  et  licence  du  P.  Maestro  di  Sacro  Palazzo ,  ou  bien 
du  grand  Pénitencier  pour  le, faire  venir),  mais  aussy  des  autres  sur 
lesquels  vous  avez  à  travailler  dans  vosti'e  esludë  avec  plus  de  liberté 
et  de  repos  qu'il  n'y  en  a  dans  la  Bibliothèque  vaticane,  et  avec  moings 
de  divertissement  (encores  qu'il  y  en  ayt  à  foyson  de  par  delà  de  toutes 
les  sortes),  dont  je  vous  pourrois  accommoder.  Par  ce  moyen,  quand  le 
tout  passeroit  devant  les  ieulx  de  Ms'  le  Gard"'  et  quand  il  sçauroit  que 
le  tout  vous  est  adressé,  il  semble  que  vous  seriez  tousjours  hors  d'at- 
teinte et  de  regret  qu'on  ne  les  vous  peust  demander,  car  encores  qu'ils 
soient  effectuellement  vostres,  comme  ils  le  sont  dez  maintenant,  ils 
pourroient  neantmoings  tousjours  passer  pour  miens  parmy  cez  gentslà. 
Et  qui  plus  est,  possible  que  cela  leur  feroit  dessiller  les  yeux  et  re- 


1 16-29]  À  HOLSTKNIUS.  337 

cognoistre  combien  est  {jiaiide  vostre  modestie,  de  n'avoir  pas  osé 
disposer  avec  ia  liberté  que  peuvent  prétendre  les  gents  de  lettres  et 
de  si  eininante  érudition  que  la  vostre,  des  libvres  du  Vatican,  et  qu'il 
ne  vous  manque  pas  du  crédit  et  d'amys  pour  en  faire  venir  de  bien 
loing  pour  vostre  usage,  et  seulement  pour  un  peu  plus  de  commo- 
dité vostre.  Cela  les  debvoit  obliger  à  commander  que  dcz  hors  mais 
vous  eussiez  la  disposition  plus  libre  de  ce  que  vous  trouveriez  à  vostre 
goust  dans  le  Vatican.  Que  s'ils  avoient  quelques  restes  de  delïiance 
sur  ce  qui  peult  toucher  les  matières  ecclésiastiques,  qui  sont  si  ja- 
louses, pour  le  moings  des  autres  professions  de  philosophie,  mathe- 
mathiques  et  autres  matières  de  la  plus  haute  antiquité,  ils  de]>- 
vroient  bien  y  aller  plus  gayement  et  avec  moings  de  regret,  car  sans 
mentir  je  porte  avec  une  grande  impatiance  que  vous  trouviez  tant 
soit  peu  de  difficulté  à  l'accez  de  cette  librairie,  et  à  la  lecture  de  ce 
qui  y  peut  estre  de  convenable  à  vostre  grand  génie.  La  patiance  est 
un  des  puissans  moyens  que  vous  puissiez  avoir,  pour  surmonter  toutes 
cez  diffîcultez  et  pour  faire  paroistre  vostre  bonne  foy,  sincei'ité  et  can- 
deur nompareille,  et  pour  gaigner  le  cœur  de  touts  ceux  qui  auront 
i'hoimeur  de  vous  cognoistre,  voire  de  ceux  mesmes  qui  se  pourroient 
d'abbord  estre  laissez  emporter  à  quelque  mouvement  d'envie  ou  de 
jalousie,  s'il  y  en  a  '.  C'est  ce  que  je  désire  avec  grande  passion.  Et  que 
vous  me  teniez  pour  celuy  que  je  vous  suis,  c'est  à  dire. 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  (rez  obligé  serviteur,  et  plus  fidèle  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  8  juing  /O'ap  '. 

Mandez  moy  promtement  vostre  résolution  sur  cette  maniei-e  d'adres- 
ser ou  autre  que  vous  pourriez  mieux  aymer  choisir,  afin  que  je  ne 
diffère  pas  de  vous  servir  à  souhait.  Et  pour  les  libvres  imprimez,  qui 
l)euvent  vous  faire  besoing  du  jour  à  la  journée,  u'espaignez  pas  ceux 

'  Ce  ^'tl  1/  en  a.  est  un  chef-du'uvrp  de  cliarilé.  —  *  Bil)liotliè((no  Barberini,  vol.  79, 
|>ii>ce  n"  aa. 

T.  &3 


tllP>IHIIil«    KATIOUJkLI. 


338  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

de  feu  M'  Barclay,  qui  en  a  je  m'asseure  assez  bon  assortiment,  ne 
doublant  pas  que  M'  son  fils  et  Mad*  sa  vefve'  et  M'  de  Boniiaire  ne 
reçoivent  à  trez  grande  faveur,  que  vous  les  envoyiez  quérir  à  toutes 
heures  chez  vous,  et  que  vous  en  disposiez  absolument.  J'en  toucheray 
un  mot  à  M'  de  Bonnaire  afin  que  de  ce  costé  là  il  prévienne  vostre 
demande  et  qu'il  les  vous  offre,  comme  je  me  donne  le  crédit  et  la 
liberté  de  les  vous  offrir  à  l'advance  de  leur  part,  tant  je  suis  asseuré 
de  leur  bienveillance. 


XXIV 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
n  est  bon  besoing  d'avoir  estudié  comme  vous  avez  faicl  en  la  bonne 
philosophie,  pour  estre  préparé  à  la  constance  et  patiance  telle  qu'iè 
fault  avoir  dans  les  obstacles  qui  se  rencontrent  aux  affaires  les  plus  fa- 
vorables. Nous  avions  vaincu  des  difficultez  nompareilles,  et  lié  le 
marché  des  libvres  MSS. ,  l'argent  envoyé,  toutes  choses  prestes  à  en  • 
faire  faire  l'expédition,  quand  par  un  malheur  nompareil,  la  maladie 
contagieuse  parut  dans  la  ville  de  Valance  où  ils  estoienl,  et  que  le 
commerce  luy  fut  incontinant  interdict  de  toutes  parts.  Je  voulus  faire 
bazarder  des  gents  pour  aller  prendre  la  cassette  aux  portes  de  la 
ville,  mais  tout  cela  fut  en  vain.  Mon  frère  s'en  alla  jusques  au  S'  Es- 
prit d'oîi  il  envoya  homme  exprez  pour  la  retirer,  mais  il  n'y  eut  pas 
de  moyen  d'y  disposer  le  bon  homme  qui  en  est  saisy,  lequel  avoit 
d'autres  considérations,  disoit-il,  à  nous  incogneùes.  Depuis,  le  mal 
s'est  augmenté  dans  cette  ville  là,  il  est  mesines  mort  un  garçon  dans 
la  maison  dont  est  question,  dont  je  ne  sçay  pas  la  qualité  de  la  mala- 
die, ce  qui  m'empescha  de  m'opiniastrer  davantage  pour  le  présent. 
Et  le  pix  est  que  le  mal  contagieux  s'est  espandu  à  Orange,  et  mainte- 

'  Sur  la  veuve  et  sur  le  fils  de  Jean  Barclay,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  passim. 


[16-29]  À  HOLSTENIUS.  339 

liant  est  saulté  en  cette  province  en  la  ville  d'Arles;  voire  il  y  a  eu  du 
mal  en  cette  ville  icy  en  un  certain  coing  que  l'on  a  purgé  le  plus 
exactement  et  le  plus  promptement  qu'il  a  esté  possible,  et  Dieu 
mercy,  hors  des  premières  suittes  qu'il  y  eust  durant  deux  jours,  il 
n'y  en  a  plus  eu  durant  les  quattre  derniers  jours  touts  entiers.  Mais 
])ourtant  l'aliarme  en  a  esté  si  grosse,  qu'il  est  sorti  de  la  ville  i5  ou 
90  mille  personesla  pluspart  femmes,  petits  enfans  et  serviteurs,  pour 
se  tenir  aux  champs  et  interrompre  la  communication,  qui  pourroit 
donner  de  la  matière  à  la  suitte  du  mal.  La  Cour  est  pourtant  encores 
séante,  et  tant  qu'on  demeurera  en  cet  estât,  elle  ne  bougera  pas. 
Mais  si  le  mal  regrilloil  '  quelque  part,  elle  sortira  pour  aller  tenir  sa 
séance  en  quelque  autre  lieu  moings  populeux.  Pour  moy  je  faicts  estai 
d'aller  passer  Dieu  aydant  l'automne  aux  champs  à  dix  lieues  d'icy  oii 
j'auray  plus  de  loisir  d'escrire  à  mes  amys,  si  le  passage  des  lettres  se 
peult  conserver,  soit  par  mer  ou  par  terre,  mais  je  crois  bien  que  si  le 
mal  faisoit  du  progrez,  la  voye  de  Lyon  soubs  l'adresse  du  s"'  Jacquet, 
s""  de  Fetan,  intendant  des  postes  du  royaume^,  seroit  la  plus  certahie, 
parceque  de  là  icy,  les  lettres  viendront  soubs  les  enveloppes  du  pac- 
quet  du  Roy,  qui  passe  partout,  et  le  s""  de  Fetan  est  assez  de  mes 
amys,  pour  en  user  ainsin.  Ou  bien  il  fauldra  les  faire  venir  soubs  les 
enveloppes  du  vice-legat,  d'où  il  les  fauldra  par  aprez  recouvrer  comme 
MOUS  pourrons. 

Cependant  nous  voilà  bien  frustrez  de  nos  espérances  et  vous  et 
moy,  dont  j'ay  esté  si  mortifié  que  je  ne  le  vous  sçaurois  exprimer. 
Toute  la  consolation  qui  me  demeure,  est  que  l'air  de  Valance  n'est 
pas  susceptible  de  si  grand  venim  que  celuy  de  ce  pais,  et  que  l'on 
n'estime  pas  que  la  maladie  y  puisse  faire  tant  de  ravage.  J'ay  escript 

'  Voir  sur  cette  expression  provençale  lieux  et  de  personnes  du  i-ecueii  Peiresc- 
qui  signKie  germer  de  nouveau,  repousser,  Dupny,  j'ai  eu  tort  de  d(?doubler  cet  inten- 
les  coirections  et  additions  mises  à  la  lin  dant  des  postes  et  de  lui  consacrer  deux  ar- 
du tome  m  du  recueil  Peiresc-Dupuy,  tides,  un  sous  le  nom  de  Fetan,  un  autre 
p.  73o.  sous  le  nom  de  Jacquel. 
Dans  la  Table  alpluibèlique  des  noms  de 

1,3. 


:ViO  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G29] 

plusieuis  foys  pour  faire  lo^er  cette  cassette  de  bonne  heure  en  lieu 
où  elle  ne  courut  pas  de  fortune,  sans  en  avoir  eu  de  responce.  J'es- 
père pourtant  que  le  mal  ne  s'acharnera  pas  là  comme  ailleurs,  et  que 
le  froid  venant,  il  y  aura  Dieu  aydant  quelque  moyen  de  la  recouvrer. 
Je  suis  quasi  plus  en  peine  de  cette  ville  icy,  car  si  le  mal  s'v  attachoit, 
il  seroit  beaucoup  pire,  et  de  beaucoup  plus  longue  purgation'.  Mais 
tout  est  en  la  main  de  Dieu,  et  ne  se  peult  faire  aulcun  dessein  qui 
vaille  tant  que  nous  serons  en  cez  allarmes.  Non  sans  un  extrême  re- 
gret de  ma  part,  comme  je  m'asseure  qu'il  y  en  aura  du  vostre.  Quant 
il  plaira  à  sa  divine  bonté  de  faire  cesser  la  cause,  je  ne  perdray  pas 
un  moment  de  temps,  estant  eschaudé  comme  je  suis,  et  picqué  de 
me  voir  descheu  du  plus  grand  plaisir  que  je  peusse  avoir  au  monde, 
qui  estoit  de  vous  rendre  un  service  si  agréable,  comme  vous  tesmoi- 
gniez  que  fust  celuy  là.  Au  surplus  il  fault  pour  rompre  ce  fascheux 
discours  que  je  vous  dise  que  durant  un  petit  voyage  que  je  suis  allé 
faire  cez  jours  passez  vers  le  Roy,  je  prins  grand  plaisir  à  revoir  les  an- 
tiquitez  de  Nismes,  et  encores  plus  à  y  gouverner  comme  je  fis  le 
s'  Samuel  Petit  ^,  professeur  en  prétendue  pseudotheologie^,  natif  de 
Genève \  mais  filz  d'un  Parisien,  homme  d'environ  /io  ans,  qui  avoit 
une  trez  belle  bibliothèque  laquelle  il  avoit  bien  bouquinée  de|)uis 
12  ans  qu'il  avoit  esté  confiné  dans  ce  collège,  n'ayant  nul  goust  à 
cette  prétendue  profession  au  prix  des  belles  lettres,  dont  il  est  bien 
méritant,  car  il  a  fait  un  Irez  beau  travail  sur  le  Martial,  sur  l'Athe- 
née,  et  sur  le  Plante,  où  il  a  traduict  et  fort  heureusement  interprété 

'  Pour  remède ,  guérUon.  nistère  pastoral  à  Genève;  mais,  au  com- 

'  Le  voyage  à  Nîmes  et  la  visite  à  Sa-  mencement  du  règne  de  Henri  IV,  Samuel  I 

muel  Petit  ont  été  déjà  mentionnés  dans  le  revint  en  France  et  dirigea  l'église  réformée 

recueil  Peiresc-Dupuy.  de  Saint-Ambroise.  C'est  dans  celte  petite 

(     '  On  remarquera  le  mot  appliijué  par  ville  des  Gévennes  qu'il  vit  naître,  le  9  5  dé- 

Peiresc  ii  l'enseignement  calviniste  de  Sa-  ccmbre  iSg'i,  Samuel  II.  Voir  la  notice  bio- 

muel  Pelit.  graphique  de  M.  Georges  Alaurin  en  tête 

'  Peiresc    se  trompait  :  le  grand  -  pèi-e  des  Lettres  de  Samuel  Petit  à  Peiresc  (  fasci- 

(François)  et  le  père  (Samuel)  du  proies-  cule  XIV   des    Correspondants   de    Peiresc, 

seur  de  Nîmes  exercèrent  pendant  plusieurs  Nîmes,  1887),  p.  1 1 . 

années  (après  la  Saint-Bartbélemy)  le  mi- 


|i029]  À  HOLSTENIUS.  341 

tout  le  Punique,  dans  la  correspondance  et  liaison  des  discours  latins 
qui  sont  devant  et  derrière,  et  des  noms  propres  qui  y  sont  entre- 
meslez,  dont  il  rend  de  bonnes  raisons,  et  conformes  aux  règles  et 
principes  de  cez  langues  orientales,  dont  le  Punique  estoit  dérivé.  Il  a 
mesme  faict  des  notes  bien  curieuses  sur  le  Compute  des  Samaritains 
que  Scaliger  a  donné,  oii  il  a  descouvert  des  clioses  non  cogneiies  par 
Scaliger.  Et  a  faict  de  bonnes  observations  sur  la  meilleure  chrono- 
logie '.  Je  luy  fis  voir  Marmora  Arundelliana  que  j'avois  receu  de  Paris 
en  partant  d'icy  pour  la  Cour,  et  l'avois  emporté  dans  mes  coffres,  dont 
il  fut  ravy.  11  avoit  eu  du  débris  de  la  Bibliothèque  Palatine  un  MS. 
de  Georg.  Syncellus,  avec  le  Theophanes,  escript  de  la  main  de  cet 
Andréas  Darmarius  que  vous  sçavez,  lequel  je  retiray.  Mais  le  Syncel- 
lus ne  commence  pas  plus  iiault  que  de  Jule  César  et  Pompée,  et  finit 
à  Aurelian,  puis  le  Theophanes  prend  la  suitle  au  premier  an  de 
Diocletian,  et  finit  au  9"  an  de  Michel  et  de  Theophilacte  son  filz.  Je 
serois  bien  aise  de  sçavoir  où  commance  le  premier  des  continuateurs 
dudil  Theophanes,  et  le  second  aussy,  et  oi!l  ils  finissent,  et  si  la  te- 
neur de  l'un  et  de  l'autre  desdiz  continuateurs  est  guieres  grande,  car 
je  tascherois  de  la  faire  transcrire  du  Vatican,  ou  du  MS.  de  M^  le 
Card"'.  Or  j'ay  conféré  cez  eclogues  de  Georgius  Monachus  que  j'avois, 
qui  ne  sont  pas  asseurement  de  celuy  cy,  et  doivent  estre  comme  di- 
soit  M""  Dormal  de  cet  autre  Georgius  qu'il  a  pareillement  transcript. 
Je  parlay  dudit  s''  Petit  à  M?'  le  Garde  des  seaux ^,  et  à  M'  le  Surin- 
tendant^ qui  en  parla  aussy  tost  à  Ms'  le  Card"'*  et  luy  fis  promettre 
d'aller  faire  un  voyage  à  Paris  à  cette  automne,  où  il  mettra  incontinant 
soubs  la  presse  trois  libvres  qu'il  a  tous  presls  de  ses  observations  sur 
l'Athenée,  et  j'espère  qu'on  le  pourra  bien  arrester  là.  Il  entreprendra 

'  Sur  les  divers  Iravaux  t^uiuiîri's  [)ai-  lettre  où  il  raconte  son  voyage  h  Nlniesi 

Peiresc,  voir  la  notice  de  M.  G.  Maurin  qui  (t.  H,  p.  t'SIt). 
rësunie  et  complète  toutes  les  notices  an-  '  Michel  de  Marillac. 

t<^rieures.  GC.  les  lettres  à  Peiresc  insdrdos  '  Antoine  Goillier-Ruztî,  marquis  d'E!- 

dans  le  XI V°  fascicule  cl  aussi  les  Lettres  de  liai. 
Peiresc  aux  frères  Dupiiy,   notamment   la  *  Le  cardinal  Armand  de  Richelieu 


WI  LETTRES  DE   PEIKESC  [1629] 

tosl  aprez  le  Piaule  et  cependant  je  lu  y  ay  conseillé  de  donner  à  pari 
ce  qu'il  a  faict  sur  cez  Puniques,  estimant  que  l'un  et  1  autre  seront 
trezbien  receus.  Au  reste  c'est  un  agneau  de  la  plus  modeste  et  plus 
doulce  humeur  du  monde'.  Quand  nous  nous  en  revenions,  nous  pas- 
sasniespar  Arles  où  j'acheptay  une  grosse  bague  d'or  antique  fraische- 
ment  deslerrée  sur  laquelle  est  représenté  un  visage  de  fort  goffe  ma- 
nière avec  cette  inscription  autour  +  ÏEGLA  SEGELLA,  le  tout  dans 
une  placque  d'or  environnée  de  certains  enrichissements  de  feuillages 
et  goderons  dans  la  vuidange  desquels  est  cscript  +  TECLA  VIVAT 
DEO  CVM  MARITO  SUO^  Et  tout  au  dessoubs  de  la  partie  opposite 
du  cercle  de  ladite  bague  y  a  encores  une  petite  ovale  dans  laquelle 

sont  cez  lettres  rRATE  j  sur  quoy  je  vous  supplie  de  me  mander  vostre 

advis'.  J'ay  un  vieulx  seel  de  bronze  antique  en  forme  du  tituhis  des 
Anciens,  attaché  sur  un  anneau  de  mcsme  matière,  dans  lequel  tiltie 
se  lisent  cez  lettres  en  relief  mises  à  contresens,  pour  estre  imprimées  à 

J'ay  encor  deux  petites   cornioles   quarrées  qui   ont 


droict 


SAVIV 

oaa  VI 


autres  foys  esté  enchâssées  en  quelques  pareilles  bagues  sur  lesquelles 
sont  espargnées  de  relief  en  lettres  du  bas  siècle  cez  inscriptions 

en  l'une,  en  l'autre    ^mame    ^^  ^"  ''ï  6'"^*^^'  ^^^^  troisiesme  en 


BONAM 
VITAM 


'  Celle  comparaison  de  Vagneau  est  jus- 
lilice  par  les  dloges  que  donnenl  tous  les 
contemporains  au  pacifique  caraclère  de  Sa- 
muel Petit.  Holsteniua  (lettre  XXIV, 
p.  167)  dit  :  rrQuaî  de  Samuelis  Petit  inge- 
nio  ac  laboribus  uuntias,  lubeus  cogiiovi. 
Hominem  nou  vulgarem  esse  satis  apparet 
in  eo  quod  arcana  et  paueissime  trita  stu- 
dia  seclelur.  Laudo  consiliuni  quod  Lule- 
tiam  eum  pertraxeris,  hoc  est  in  lucem 
florentissimi  regni  et  ihealruni  cruditiorum 
liorainum,  et  rogo  ut  seJulo  allabores  ne 
praeclarae  cogitationes  in  tôt  auctores  diutius 
lateanl." 


'  Cf.  la  lettre  du  a8  juillet  1629  à  Pierre 
Dupuy  (t.  II,  p.  189). 

'  Holstenius  (p.  170)  donne  avec  de 
grands  développements  la  consultation  de- 
niandt'e  :  itVenio  ad  explicationem  anuuii 
nuptialis,  quam  tu  adeo  copiose  et  erudite 
persequeris,  ut  quid  addere  amplius  debeam 
vix  perspiciam,  nisi  id  forsan  quod  de  sep- 
tentrionalibus  linguis  scire  aves.  Lubens 
enira  conjecturam  tuam  probo,  voces  illas 
non  Latinas,  sed  Gothicas  esse,  vei  cujus- 
cunique  tandem  hyperburea;  dialecti.i  Sui- 
vent (p.  171-173)  divers  détails  philo- 
logiques. 


[1629]  À  FIOLSTE.NIUS.  343 

figure  exagone  sur  laquelle  est  gravé  un  croissant  de  lune,  et  sur  les 
pans  ou  facettes  de  l'exagone  est  escript  S|ER|  VA|FI|DE[iVf.  En  toutes 
les  trois  les  lettres  sont  blanches  espargui^es  de  relief  sur  le  champ  de 
la  corniole  pour  repnisenter  le  mesme  effect  de  la  sardonix  indica  de 
Pline,  dont  l'aspect  est  fort  agréable  h  la  veiie,  et  semble  que  le  relief 
des  lettres  de  cez  pierres  ainsin  affecté  ne  soit  possible  pas  sans  quelque 
occasion,  autre  possible  que  la  differance  des  couleurs  de  la  pierre.  Or 
comme  il  semble  que  cette  grosse  bague  d'or,  qui  est  du  poids  de  l'once 
à  peu  prez,  estoit  l'annulus  pronubus,  puisque  ce  vœu  qui  est  escript 
à  l'entour  y  a  tant  de  rapport,  j'estime  que  toutes  cez  autres  pièces 
pouvoient  avoir  esté  employées  à  mesme  usage,  et  crois  que  celuy  qui 
souhaitte  BONAM  VITAM,  ressent  aultant  du  christianisme  que  l'aultre 
où  est  escript  VI VAS  IN  DEO,  encor  qu'il  n'y  ait  point  de  croix,  ce 
qui  me  faict  juger  qu'ils  soient  l'un  et  l'aulre  plus  anciens  que  celuv 
d'or.  Dans  Grutherus  y  a  une  inscription  pag.  w.Lvm.  n"  6  qui 
semble  se  rapporter  plustost  aux  vœux  aprez  la  mort,  A  la  vie  future, 
REGINA  VIBAS  IN  NOMINE  ZESV.  Mais  j'ay  pourtant  peine  de  croire 
que  touts  cez  autres  là  ne  se  rapportent  à  cette  présente  vie  et  que  ce 
ne  soient  des  bagues  d'espousailles  aussy  bien  les  unes  que  les  autres. 
Mais  je  m'en  rapporleray  pourtant  à  vostre  advis;  que  si  ceste  conjec- 
ture se  peult  saulver,  je  vouldrois  que  vous  eussiez  examiné  cez  lettres 
qui  sont  dans  l'ovale  RA  TE,  lesquelles  d'abbord  j'eusse  volontiers 
rapporté  au  nom  du  mary  pour  faire  RAV  =  ou  RHAGENIVS,  mais, 
puisqu'il  est  question  de  conjectures,  il  fanlt  que  je  vous  en  baille  une 
bien  extravagante,  pour  voir  si  vous  en  pourriez  prendre  occasion 
d'en  fonder  de  meilleures,  et  si  ce  pourroit  estre  ARRA  GENIALIS,  car 
puisque  le  changement  de  l'V  en  E  au  mot  de  SEO,  ainsin  d'autres 
ont  escript  SOVEIS  pour  SVIS,  montre  que  le  latin  de  cette  inscription 
estoit  corrompu,  et  s'il  se  peult  ainsin  parier  vulgarisé  selon  l'usage 
du  pais  à  peu  prez  où  nous  disons  encores  en  vieil  roman  provençal 
StEVE  pour  SIENE,  ou  SVA,  où  nous  avons  retenu  l'intervention  de 
l'E,  je  ne  sçay  si  par  mesme  corruption  vulgaire,  mesme  en  ce  siècle 
de  la  fin  de  l'empire  d'Occident  dans  le  gothisme  ou  du  commence- 


Ma  Ll'TTRES  DE  PEIKESC  [1629] 

ment  de  la  première  race  de  noz  roys  (auquel  temps  je  tiens  que  cette 
bague  ait  esté  forgée  et  gravée)  on  n'auroitpoiiict  abusivement  retran- 
ché la  première  syllabe  du  mot  ARHA,  conmie  on  dit  aujourd'huy, 
TONI  pour  AINTONI  et  si  ce  ne  seroit  poinct  un  vice  des  nations  sep- 
temtrionales,  qui  rendent  quasi  toutes  sortes  de  mots  monosyllabes, 
ainsin  que  j'ay  veu  prattiquer  en  Angleterre,  oii  ils  disent  ou  pro- 
noncent ce  semble  PIT,  NIC,  FIR  (?)  pour  Pierre,  Nicolas,  François, 
et  autres  semblables,  encores  qu'ils  y  accumulent  diverses  consonantes, 
mangeans  ou  elidans  toutes  les  voyelles,  hors  d'une  seulle  qui  de- 
meure comme  principale  et  plus  fortement  prononcée  que  toutes  les 
autres,  comme  quand  les  Allemands  disent  Hans  pour  Joannes,  auquel 
cas  ce  pourroit  estre  quelque  abbus  introduit  ou  par  les  Goths  ou  par 
les  Bourguignons  qui  s'estoient  emparez  de  la  ville  d'Arles,  ou  par  les 
François  qui  les  en  chassèrent,  et  possible  par  les  reliques  gauloises 
demeurées  parmy  les  Romains  habituez  en  cez  pais  icy.  Et  qu'il  ne 
soit  ainsin  au  livre  de  las  siete  partidas  le  i.  tit'.  28.  part.  7.  ils  appol- 
loicnt  en  vieil  castillan  RAPEZ  ce  qu'ils  appellent  aujourd'huy  l'ARREO 
y  ADORNO  de  una  persona,  y  appostura  de  casa,  y  criados.  ils  ap- 
pellent aussy  ARREAR  pour  adornar  y  engalanar  de  arras  las  joyas. 
que  el  desposado  da  a  la  desposada.  Ce  qui  a  sa  manifeste  origine  au 
mot  ancien  de  ARRABO,  qui  se  trouve  si  approchant  de  l'oriental  ou 
chaldee  Hbara  pour  despondere,  qu'il  ne  seroit  pas  inconveniant  qu'ilz 
fussent  dérivez  l'un  de  l'autre,  parmy  cez  transmigrations  de  peuples 
qui  sont  passez  d'Oriant  en  Ponant,  Qui  plus  est,  j'apprends  de  gents 
versez  en  hébreu  et  en  cez  langues  orientales,  où  je  n'entends  rien, 
que  la  première  syllabe  de  ce  mol  HARRAB  pour  spondere,  ne  s'escript 
que  par  une  lettre  gutturale  Ain,  qui  ne  faicl  pas  voyelle  formellement, 
ains  seulement  haspiration  gutturale,  et  qu'en  effect  le  mot  se  pro- 
nonce quasi  comme  monosyllabe,  cette  première  syllabe  AR  n'ayant 
esté  adjoutée  [que]  par  les  peuples  grecs  et  latins  dont  le  language 
esloit  plus  addoulcy.  De  sorte  que  si  dans  vos  langues  septemtrionales 
il  y  avoit  i-ien  d'approchant  à  ce  mot  de  RAY,  en  ce  sens  là,  il  pourroit 
bien  tant  plus  tost  avoir  tiré  sa  source  de  cez  origines  orientales,  vous 


[1629]  À  HOLSTENIUS.  3âr, 

vous  en  pourrez  esclaircir  si  vous  voulez  '.  Tout  ce  que  j'en  vouldrois 
inférer,  seroit  l'ancien  usaige  d'Espagne  qui  pouvoit  tenir  du  gothique, 
aussy  bien  que  nostrc  bague  d'or,  d'avoir  supprime  la  première  syllabe; 
du  mot  ARRA  ou  ARRABO.  Et  qu'il  ne  seroit  pas  incompatible  qu»; 
cette  syllabe  RA  gravée  en  cesle  bague  fust  mise  pour  RAV  ou  ARRABO , 
et  par  mesme  moyen  la  suivante  TE  pour  GEINIALIS  comme  on  disoit 
LECTVS,  ou  THORVS  GENIALIS.  Voire  ne  sçay  je  s'il  seroit  trop  hors 
de  propos,  si  de  ce  mot  ARRABO,  ou  RABO,  ou  RAV  ne  se  seroit 
poinct  formé  enfin,  celuy  qui  est  au  jourd'huy  si  vulgaire  entre  nous 
en  vieil  et  moderne' language  roman  provençal  RAVBO,  en  italien 
ROBBA,  en  françois  ROBBE,  en  bespagnol  ROPA  et  RAFEZ,  pour  si- 
gnifier proprement  les  vestements  et  par  extension  toute  sorte  d'ameu- 
blement. Car  je  n'en  ay  poinct  ouy  tirer  l'etymologie  d'aulcune  ori- 
gine qui  ait  tant  soil  peu  de  vraysemblance.  Vous  y  songerez  s'il  vous 
plaict  et  m'en  direz  vostre  advis  tout  à  loisir.  Estimant  que  la  cognois- 
sance  que  vous  avez  des  langues  septemtrionales  vous  en  fera  parler 
bien  plus  affirmativement.  Vous  suppliant  de  le  faire  sans  cérémonie 
et  de  me  pardonner  cette  extravagance.  Surtout  il  faut  examiner  si 
toutes  cez  inscriptions  cliresliennes  apparliendroient  poinct  à  des 
vœux  funéraires  aussy  bien  qu'à  des  nuptiaux,  et  comment  toutes  cez 
choses  se  pourroient  saulver  en  ce  sens  là,  aussy  bien  qu'en  l'aultre 
qui  semble  plus  plausible,  et  dépendre  aulcunement  de  ce  NVBAT  IN 
DOMINO  de  Tertuilian  et  autres.  Je  suis  un  peu  trop  pressé  mainte- 
nant pour  voir  des  livres  sur  cela,  et  ne  sçay  comme  j'ay  peu  desrober 
assez  de  temps  pour  vous  escrire  toutes  cez  badineries  dont  je  vous 
supplie  me  vouloir  excuser,  et  imputer  cette  liberté  à  la  confiance  qu'il 
vous  plaict  me  donner. 

'   Ili)lstenius  répond  ainsi  sur  ce  point  liiiin  ;  uniie  spoliare  vel  praidas  agere  vel 

particulier  (p.   179)  :    irVox   provincialis  lalrociniuin  exeicere  RAVBE.N,  et  nostris 

RAVBO,  ilal.  ROBBA,  Hisp.  ROPA,  non  ab  ROVEN,  el  fur  vel  ialro  RAVBER  :  el  tiinr 

An-abonc,  vel  alia   Lulina  voce  descendit,  Ibitasse  Itali,  qtiibu.s  ROBliA  signilical  ves- 

sed  a  (iermanica  RAVB,  vel  ROVlî,  vel  ut  tem,   utunlur   voce  spogliare  pro   exuere 

Saxones  pronunciamus  ROF,  hoc  est  spo-  vestes.  1 

V.  '•'• 


U&  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629| 

Quant  à  ce  que  vous  désiriez  du  Psellus  ',  je  l'eusse  mis  originelle- 
ment dans  ce  pacquet  icy,  car  le  volume  n'est  qu'in-8°,  et  n'est  pas 
trop  gros  pour  cela ,  sans  l'appréhension  que  j'ay  eiie  que  le  soubçon 
du  mal  qu'il  y  a  eu  en  celte  ville  ne  le  lit  passer  par  le  vinaigre.  Il  est 
escript  en  papier  de  Damas  lissé,  par  quelque  Grec  naturel  qui  escri- 
voit  fort  bien. 

Cette  petite  exposition  sur  les  dogmes  des  Assyriens  est  fort  succiule; 
c'est  pourquoy  la  coppie  en  a  esté  bien  tost  faicte  que  je  vous  envoyé, 
n'ayant  peu  ciiercher  l'édition,  que  je  pensois  trouver  derrière  cez 
Oracula  sibyllina,  avec  les  Cbaldaiques  du  mesm'e  Psellus,  car  il  y  a 
longtemps  que  je  ne  l'avois  veu,  et  ne  l'y  trouvant  pas  je  ne  sçavois 
plus  ofj  le  chercher,  au  moings  dans  la  presse  où  je  me  suis  rencontré, 
qui  empesche  quelque  foys  de  discerner  ce  qu'on  void,  et  qu'on  touche. 

Mais  pour  la  Psychogonie,  toutes  les  figures  mathématiques  y  sont 
fort  nettement  represantées,  je  les  ay  faict  coppier  pour  les  joindre  icy, 
attendant  le  restablissement  de  la  liberté  et  seurté  du  commerce  pour 
vous  en  envoyer  l'original.  Bien  marry  d'avoir  si  peu  de  moyen  de 
vous  tesmoigner  ma  bonne  volonté  et  sincérité.  Cependant  je  vous  féli- 
cite les  nouvelles  habitudes  que  vous  avez  acquises  avec  le  Peutinge-' 
rus  Augustaiius  '^  et  ne  refuseray  pas  la  coppie  de  ses  catalogues  sçai- 
chant  que  sa  bibliothèque  est  excellente,  et  quand  il  n'y  auroit  que 
cette  table  géographique  itinéraire  qui  en  porte  le  nom,  bien  qu'aul- 
cuns  l'ayent  voulu  nommer  Theodosiane,  j'estime  que  c'est  tousjours 
un  thresorineztimable\ 


'  Holslenius  avait  parlé  de  Michel  PsoUus 
et  de  son  trailë  de  la  situation,  (igure  cl 
grandeur  de  la  terre,  dans  la  lettre  X  (p.  53). 
11  reparle  encore  de  cet  écrivain ,  au  sujet 
d'un  autre  traité,  dans  la  lettre  XXIV 
(p.  17^)  :  ffSuperest  ut  pro  Pselli  opuscule 
tibi  gratins  quam  inaxinias  agam  :  puto  id 
(Tx,éhov  edituni  esse  fuin  Expositione  iu 
Oracula  :  tanti  tamen  erat  curiositatis  meœ 
sitim  restinguere.  71 


'  Nous  n'avons  pas  la  lelli'e  où  Holsle- 
nius mentionnait  ses  réceutes  relations  avec 
un  descendant  de  l'antiquaire  Conrad  Peu- 
linger  (d'Augsbourg). 

'  On  sait  que  la  Table  dite  Peulingeriana 
ou  Theodosiana  allait  être  publiée  par  Con- 
rad Peutinger,  quand  survitit  la  mort  de  cet 
érudit  (1547),  et  quelle  ne  vit  le  jour 
qu'en  1698. 


|16'i9]  À  HOLSTENIUS.  347 

Je  vous  félicite  neantinoinjrs  au  centuple  de  tout  cela  de  l'arrivée  de 
M''  de  Thou  que  je  crois  estre  maintenant  à  Rome  ou  qui  ne  tardera 
pas  d'y  arriver,  de  qui  vous  apprendrez  du  Levant  d'autres  merveilles 
que  tout  ce  que  vous  en  aviez  conceu.  Que  s'il  est  en  vostre  cour,  je 
vous  supplie  de  le  sallucr  et  embrasser  de  ma  part  d'anssy  bon  cœur 
que  je  me  suis  desvoué  absolument  et  à  l'un  et  à  l'autre. 

Sur  qnoy  je  finis  precipitament,  pour  avoir  consumé  et  perdu  trop 
de  temps  à  vous  compter  mes  resveries  et  nyaiseries,  priant  Dieu  qu'il 
vous  conserve  en  parfaicte  santé,  et  qu'il  nous  délivre  de  l'apprehen- • 
sion  de  la  maladie  et  nous  donne  les  moyens  de  vous  servir  à  souhaict 
comme, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur,  et  plus  fidèle  amy, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  6  aoust  au  soir  iGag  '. 


XXV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur. 
Ce  petit  mot  à  la  desrobée  sera  seulement  pour  vous  dire  que  nous 
sommes  en  bonne  santé  grâces  à  Dieu,  nonobstant  les  allarmes  et 
soubçons  de  maladie  qui  ont  taict  tant  descrier  nostre  ville  où  Dieu 
mercy  le  mal  n'a  pas  faict  de  progrez  considérable,  mais  nous  appré- 
hendons un  peu  ce  deconrs  de  lune  avec  la  foulle  de  peuple  qui  y  est 
revenu  des  champs  pour  fouyr  la  soldatesque  que  l'on  y  a  laict  venir 
par  une  grande  inhumanité,  mais  Dieu  aura  pitié  des  gentz  de  bien  et 
exhaulcera  leurs  prières  s'il  luy  plaict.  Au  reste,  je  relombay  l'autre 
jour  bien  heureusement  sur  un  endroict  de  nostre  Piaule  que  j'avois 
bien  oublié  longtemps  y  a  oii  il  tesmoigne  dez  son  temps  l'usage  abusif 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n°  -ih. 

Ai. 


U8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

de  retrancher  la  première  syllabe  du  mot  ARRABO  disant  in  Trucul.. 
act.  5  scène  2,  [St.  Tene  hoc  lihi  HABONEM  habeto,  inecum  ut  hanc 
noctem  sies.  As.  Perii  HABONEIVI,  quain  esse  dicani  hanc  belhiam? 
Quin  tu  ARRABONEM  dicis.  St.  AR  facio  lucri  ut  Prœnestinis  CONIA 
est  GICONIA],  tout  ainsy  qu'on  void  dans  le  Plutarque  de  Fluminibus 
qu'on  souloit  dire  anciennement  SPANIA  pour  HISPANIA  tout  de 
mesmes  qu'au  vulgaire  italien  d'aiijourd'huy. 

Je  seray  bien  aise  que  vous  daigniez  m'en  dire  vostre  advis  à  vostre 
commodité  ensemble  sur  le  restant  de  mes  conjectures  sur  ce  subject 
et  qu'il  vous  plaise  me  tenir  tousjours  comme  je  vous  en  supplie  de 
tout  mon  cœur, 

Monsieur,  pour 

vostre  Irez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  XI  sept,  en  hasle  1699  '. 


XXVI 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Je  croyois  bien  que  durant  vostre  grand  voyage^,  il  seroit  malaisé 
que  vous  eussiez  de  mes  lettres,  nomplus  que  nous  des  vostres^,  mais 
je  n'a  vois  pas  laissé  de  vous  escrire  quelque  foys,  par  la  voye  ordinaire 
de  Gènes  et  de  Rome,  d'où  il  y  a  voit  plus  de  moyen  de  vous  en  faire 
les  adresses.  Dieu  sçaict  si  elles  seront  passées  jusques  à  vous,  ne  seule- 
ment jusques  à  Rome,  car  on  nous  dict  qu'il  en  est  bien  demeuré  en 
arrière  \  Celle  cy  ne  sera  que  pour  vous  dire  que  mon  frère  s'en  va 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  Sextiis  te  abfuisse  scieriai,  nunc  ubi  loco- 

11°  35.  riim  degas  nesciain.  1 

*  Voyage  en  Allemagne  et  en  Pologne.  '  Toutes  les  lettres  écrites  par  Peiresc  à 

'  Holsteuius  (lettre  XXV,  du  5  décembre  Holstenius  entre  le  1 1  septembre  1629  et 

1C29,  p.  176)  s'était  déjà  excusé  de  son  si-  le  1  a  mai  i63o  furent  perdues  poui"  son  cor- 

lence:  frdiuturnosilenlioignosce.cumAquis  respondant  et  sont  perdues  pour  nous. 


I1G301  À  HOLSTENIUS.  3/i9 

l'aire  un  voyage  vers  la  Cour  qui  est  à  Lyon,  et  qu'il  taschera  on  toutes 
les  façons  du  monde  de  me  faire  apporter  en  venant  la  caisse  de  livres 
que  vous  sçavez\  laquelle  estoit  demeurée  accrochée  l'esté  dernier  pai' 
la  maladie  du  pais  de  Dauphiné,  oii  la  santé  va  beaucoup  mieux  à 
présent  Dieu  mercy.  Et  sitost  que  nous  aurons  des  nouvelles  de  vostre 
retour  à  Rome,  nous  vous  ferons  tenir  tout  ce  qui  vous  pourra  estre 
duisable.  Je  vous  avois  escript  la  rencontre  que  j'avois  faicte  d'un  Tri- 
pos  d'Apollon  '^  sur  lequel  je  vouldrois  bien  voir  vostre  advis.  J'en  ay 
faict  une  recharge  à  Dom  du  Puy,  qui  vous  en  priera  de  ma  part,  et  si 
la  lettre  que  je  vous  escrivois  s'estoit  esgarée,  vous  monstrera  ce  que 
je  luy  en  ay  escript^,  afin  que  m'en  puissiez  plus  commodément  dire 
voz  sentiments,  en  quoy  vous  m'obligerez  beaucoup,  et  n'estant  la  pré- 
sente à  aultres  fins  je  demeureray. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Boisgency,  prez  de  ToUon,  ce  is  may  i63o\ 


XXVll 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Je  viens  d'apprendre  avec  un  extresme  plaisir  vostre  retour  à  Rome 
par  une  lettre  de  M'  du  Puy  de  Paris  du  16  de  ce  moys  à  qui  Doni 

'  La  caisse  coiileiiantlosmaiiuscrilsjfrecs  lellre  du  ôddceinbrc  iGaç),  disait  (p.  177  1: 

de  Paciiis.  fcQuid(juid    nianuscriploruin   habeo   apud 

'  Hcureiiseineiit  que  ce  que  l'eiresc  avait  R.  P.  Dom  Du  Puy  deposui,  ut  si  ijuid  lui- 
écrit  sur  le  fameux  Iri'pied  se  retrouve  dans  inanius  milii  in  itinere  conlingal,  Luteliam 
les  Lettres  aux  frères  Diipuij  et  aussi  dans  ad  aniicos  mitlanlui',  quorum  opéra  iucem 
une  dissertation  iniprinide  au  siècle  dernier.  aspicerc  ali([uando  possint,  nam  Romae  uiiiii 
Voir  le  recueil  Peirese-Dupuy,  I,  II,  p.  907-  pra;ter  j)erpeluum  carcerem  sperare  licel.» 


ai  1. 


'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 


'  Holslcuius,  eu  un  post-scriptuni  delà        n°  'Ai. 


350  LETTRES  DE  PEIRESG  [1630] 

Cristofle  son  frerc  l'avoit  escript  du  16  juin,  dont  je  me  conjouy  avec  vous 
de  tout  mon  cœui*',  car  j'en  estois  on  grand  peine  sur  les  bruicLs  qui 
avoient  couru  de  la  maladie  des  pais  d'où  vous  venez.  Il  me  tardoit  de 
vous  pouvoir  donner  advis  qu'enfin  nous  avons  recouvré  quelque  peu 
de  restablissement  de  commerce  avec  Paris,  Lyon  et  aulcuns  de  nos 
voisins,  et  en  mesme  temps  j'ay  envoyé  prendre  vos  mss.  platoniques"^ 
touts  lesquelz  sont  arrivez  icy  sains  et  sauves  et  n'y  attendront  que 
l'ordre  que  vous  me  vouldrez  prescrire  pour  les  vous  faire  tenir,  et  si 
vous  voulez  j'y  joindray  mon  exemplaire  des  Navigations  de  Purchas 
que  j'apportay  en  sortant  d'Aix  oxprez  pour  cet  effect.  La  plus  part  de 
cez  mss.  ont  esté  do  cet  Andréa  Darmarius  dont  vous  aviez  tant  ouy 
parler,  et  sont  touts  en  gros  papier,  fort  bien  conservez,  et  s'v  en  est 
trouvé  un  volume  de  plus  qui  avoit  esté  obmis  au  roolle  que  nous  en 
avions  veu,  qui  est  assez  gros  in  fol.  et  contient  6  libvres  du  Proclus  e»s 
Ttfv  WXarwvos  ^eoXoytCLV.  Je  vouldrois  que  ce  fust  chose  plus  digne  de 
vostre  curiosité  et  avoir  de  meilleur  moyen  de  vous  rendre  de  meilleur 
service. 

Au  reste  nous  avons  presantemenl  icy  chez  nous  en  nostre  petit 
hermitage''  Monsieur  de  Marcheville,  destiné  ambassadeur  par  le  • 
Roy  en  Constanlinople,  où  il  faict  estât  de  s'acheminer  au  commen- 
cement de  novembre  prochain;  il  a  ouy  parler  de  vous,  et  de  vosire 
eminente  doctrine  et  pieté,  et  desireroit  avec  une  passion  extrême 
de  vous  pouvoir  mener  en  Gonstantinople  et  m'a  fort  conjuré  de 
vous  en  escrire  et  de  vous  en  supplier,  comme  je  faict  trez  instam- 
ment, au  cas  que  vous  jugiez  que  M^  le  Gard'  Barberin  l'avt  ainsin 
agréable  .su\vant  les  ouvertures  que  s'en  estoient  cv  devant  faictes.  Je 
luy  ay  dict  le  regret  que  vous  pourriez  avoir  de  l'édition  de  plusieurs 
belles  pièces  que  vous  aviez  en  main,  et  l'emploi  que  vous  pouviez 

Holstenius  raconla  son  voyage  à  Peiresc  '  Les  manuscrits  de  Pacius  si  gënëreu- 

fians  nne  lettre  du  9 1  juin  1 63o  (n"  XXVIII)  sèment  donnés  à  Holstenius  par  Peiresc. 

qui  débute  ainsi  :  rPoslquani  salvus  et  in-  '  Nous  avons  déjà  vu  que  ce  prétendu 

columis  a.  d.  Kiil.  Jnnii  ad  Urbem  redii ,  petil  ermitage  était  une  fort  belle  maison  de 

confecto  Sarmatico  itiaere. . .  »  campagne. 


[1(330]  À  HOLSTENIUS.  351 

avoir  à  RoDie  el  (;a  voz  cartiers  d'AHeiuagiie,  mais  cette  occasion  cy 
est  si  opportune  que  je  ne  vois  quasi  pas  que  vous  vous  en  puissiez 
desdirc,  car  vous  y  esparjjnerez  les  principaux  frais  de  vostre  voyage, 
et  y  serez  puissamment  adsisté  par  mondit  s''  l'Ambassadeur  de  toute 
sorte  d'authorité  et  de  favorable  recommandation.  Il  m'a  dict  que  si 
vous  vous  y  résolvez  il  vous  donnera  vostre  rendez  vous  à  Malte  pour 
vous  y  prendre  en  passant,  si  vous  estimez  cela  meilleur  ou  plus  com- 
mode que  de  vous  en  venir  icy  le  trouver  pour  vous  y  embarquer  quant 
et  luy  au  2  novembre  procbain,  auquel  jour  le  Roy  luy  a  prescript  de 
se  tenir  prest  à  faire  voille;  il  m'a  dict  de  plus  qu'il  fera  porter  une 
imprimerie  pour  vous  servir  d'entretien  si  vous  vouliez  faire  quelque 
sesjour  en  Constantinople,  et  y  faire  tirer  au  net  ce  que  vous  vouldrez 
envoyer  reimprimer  plus  copieusement  à  Paris  ou  ailleurs.  Mais  ce  que 
j'y  trouve  de  plus  considérable  est  qu'il  faict  estât  d'aller  pour  l'amour 
d'un  lionnne  de  lettres  connue  vous  en  personne  avec  des  galères  du 
grand  seigneur  ou  autrement  pour  aller  visiter  et  faire  fouiller  dans 
les  ruines  d'AlIienes  et  autres  lieux  plus  célèbres  de  la  Grèce,  et  sur- 
tout dans  la  bibliollieque  du  Mont  Athos,  ne  voulant  rien  espargner 
pour  la  descouverte  et  acquisition  des  bons  livres  et  autres  notables 
singularilez  et  monuments  de  l'Antiquité.  Il  faict  mesmes  estât  de  passer 
en  Terre  Saincte  et  de  voir  en  passant  par  l'Asie  Mineur  tout  ce  qui 
s'y  pourra  recognoistre  de  plus  reconnnandable.  Voyez  si  ce  party  se 
peult  lionnestement  refuser.  Il  ne  vous  astraindra  poinct  à  plus  de 
sesjour  que  vous  ne  vouldrez,  et  vous  donnera  toutes  sortes  de  bonnes 
adresses  et  supports  pour  voyager  par  tout  le  Levant  oh  vous  vouldrez. 
Donnez  moy  bien  losl  advis  de  la  resolution  que  vous  y  prendrez,  afin 
que  j'en  puisse  tenir  adverty  ledit  s'  Ambassadeur,  et  si  trouvez  bon  de 
luy  en  escrire  un  mot,  il  sera  encores  meilleur,  quand  mesmes  vous  ne 
feriez  pas  maintenant  le  voyage  quant  et  luy,  afin  que  cela  vous  puisse 
tousjours  servir  à  l'advenir,  si  voz  alfaires  vous  permetloient  de  l'aller 
trouver  là  pendant  le  temps  de  son  ambassade.  Si  j'avois  à  vous  don- 
ner quelque  conseil  avec  la  liberté  d'y  conserver  mes  interests,  je 
vouldrois  bien  que  vous  optassiez  l'alternative  de  venir  vous  embarquer 


352  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G30] 

icy  quant  et  luy  aux  fins  que  je  vous  y  peusse  un  peu  gouverner  en 
passant  et  vous  tesmoigner  de  vive  voix  que  je  suis  et  seray  à  jamais 
inviolablement, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obeyssant  serviteur, 

DE  Peibesc. 

A  Boisgency,  ce  97  juill.  i63o,  en  grande  hasle  à  la  desrobëe. 

Je  vous  debvrois  bien  de  plus  longs  discours  sur  l'exceilance  de  vostre 
labeur  sur  vostre  Porphyre,  mais  je  ne  puis  pour  le  presant  abuser  de 
la  desbonnereté  de  ce  seigneur  qui  m'a  donné  ce  peu  de  temps  poui' 
vous  inviter  de  sa  part  à  cette  belle  et  utile  pérégrination;  il  nous 
fauldra  suppléer  à  la  première  commodité;  cependant  faictes  mes  trez 
humbles  recommandations  à  Dom  du  Puy  '. 


xxvin 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Nous  avions  attendu  bien  impatiemment  de  voz  nouvelles  durant 
prez  d'une  année;  enfin  nous  receumes  la  semaine  passée  vostre  des- 
pesche  du  2  1  juin  avec  un  indicible  contentement,  voyant  le  subjeci 
que  vous  aviez  de  demeurer  satisfaict  de  vostre  voyage  de  Pologne,  et 
surtout  de  la  favorable  réception  que  vous  y  avoit  faicte  l'Empereur-, 
et  de  celles  des  Roys  de  Hongrie,  de  Pologne^  et  autres  princes,  dont 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  quam  efliuxit;  duas  ferme  intégras  horas 

n°  27.  me  de  piiblicis  pnvatisque  rébus  ioquentem 

'  Ferdinand  II,  ne'  en  1678,  devint  roi  audivil,  et  favoreni  acgratiam  suam  prom- 

de  Hongrie  en  1618,  et  mourut  en  1637.  tissimam  addixit  in  promovendis  negotiis 

Holstenius  (lettre  XXVIII,  p.  186)  raconte  studiisque  meis,  quam  iibenter  deinde  prae- 

avec  le  plus  reconnaissant  enthousiasme  son  slitit.  n 

entrevueavec  l'Empereur:  rrCaesarenihil mi-  ^  Sigismond  III,  élu  roi  de  Pologne  en 

tins,  benignius,  ac  clementius  natura  un-  »587,  mourut  en  1637. 


[1630]  À  IIOLSTKNHJS.  353 

je  vous  félicite  fie  tout  mon  cœur,  et  voudrois  hieu  (jue  vous  peussiez 
vous  en  prévaloir  A  bon  essiant  quelque  jour.  J'ay  prins  {jrand  plaisir 
encores  de  voir  ce  qu'il  vous  a  pieu  me  cotter  des  livres  curieux  que 
vous  avex  trouvez  en  cez  belles  bibliothèques',  et  particulièrement  de 
la  description  ancienne  de  la  Candie^,  de  la  Toj)ograp]iic  Chrestienne* 
et  de  ce  Pentateuque  Samaritain  de  la  Bibliothèque  inq)eriale^  et  en- 
cores plus  des  habitudes  que  vous  y  avez  prinses  et  que  vous  m'avez 
voulu  si  favorablement  procurer  avec  le  s' Tenguagelius  que  je  prixseray 
tousjouis  inliniment'',  par  le  moyen  duquel  je  vouidrois  bien  que  nous 
poussions  avoir  un  peu  de  monstre,  ou  de  coppie,  quand  ce  ne  seroitque 
d'une  ligne  ou  deux  de  ce  texte  samaritain  pour  en  voir  le  caractère  et 
l'antiquité  à  peu  prez  et  pour  vérifier  si  ce  n'est  que  le  seul  hebraique, 
ou  s'il  y  auroit  quelque  version  auprez  soit  arabique  ou  syriaque  ou  vul- 
gaire samaritaine.  Et  si  nous  le  pouvions  servir  en  revanche  en  quelque 
curiosité  de  son  goust,  nous  le  ferions  trez  volontiers  et  je  m'asseurc  ([ue 
vous  neferezpasdifiiculté  del'enasseurer,  conimeje  vousen  supplie  liez 
humblement.  Ayant  esté  bien  marry  d'entendre  que  ce  gentillionnnc  soit 
tant  incommodé  du  vertige  et  de  la  vieillesse  et  que  cela  l'empesche 
de  donner  au  public  tant  de  belles  et  rares  observations  qu'il  a  faictes*. 


'  Holstenius  (leUro  XXVIII,  p.  i84) 
avait  spiriluelleinent  dit  :  itRoina  Venetias 
adituriis ,  Floivntiam ,  lîononiain ,  Ferrariam- 
quo  tiaiisii.  Istliic  Meiliceam  bibliolhecani 
avidissiino  inspexi  oculo ,  sed  ut  canis  e  Nilo 
fufjieiis  tanluiTi  libavi  qiio  sitim  accende- 
rem  potins  (piain  sedareni.i 

*  rtDuos  laiiieii  maxime  èirtaijiiovs  codi- 
ces  nolavi,  alteruiu  qnidein  Latioum,  quo 
(Ireta;  Dnscriplio  continetiir,  additis  etiam 
iocorum  singidorum  topograpliicis  delinea- 
lionibus ,  auclnris  sane  uon  indilifjentis  quem 
ante  (piinfjentos  hoscc  anuos  scripsisse  exis- 
timo...^(l'.  18/1-18.5.) 

'  ff  .  .  .altenim  veroGrœcum,  scriplum 
utiniiiiimim  anto  uc  vol  dcc  annos,  cni  titu- 
iiis  \pi<7Tfxvixr)  Toiroypoiipia.r,  Holstenius 


donne  (p.  i85)   une  analyse  intéressant 
de  ce  manuscrit. 

'  «  Potci'it  ille  plurinia  libi  respondere  de 
Bibliis  Sainaritanis,  quorum  et  ipseexemplar 
in  Caîsaris  bibliolheca  babel.  •>(!'.  188;) 

'  Voir  (p.  186-188)  un  grand  t'Iofje  de 
Tenffuagtilius  auquel  Holstenius  donne  de 
Vhuinanissimiis,  de.  \'eriidili.islmiis,  etc.  l,e 
recueil  de  Boissonade  contient  une  autre 
mention  du  nom  de  ce  savant  conservateur 
de  la  bibliollièque  de  Vienne  (p.  a  19).  Voir 
aussi  (p.  199)  une  lettre  h  lui  adressée  pr 
le  reconnaissant  visiteur. 

*  irOinnes  codices  leg'it,  expendit  et  nola- 
vitdili(fentissime;sedobsenectutenlin[frueii- 
teni ,  et  verliginis  morbuni  quo  alHigilur, 
uihil  ipse  publico  parare  poleet.i  (P.  187.) 


354  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G30] 

Mais  je  loue  bien  son  dessein  d'y  employer  et  subroger  le  s'  Schikar- 
diis  de  Tubinge,  de  qui  j  ay  faict  trez  grand  cas  depuis  que  j'ay  veu 
ses  Roys  de  Perse  et  ses  curieuses  observations  qu'il  y  a  joinctes  ^  qui 
me  font  attendre  avec  une  grande  impatiance  les  autres  parties  qu'il 
nous  promet  de  ses  mss.  «t  de  ses  observations.  Je  suis  bien  aise  que  le 
R.  P.  Corderius-  repraigne  les  erres  du  feu  P.  Fronton  Ducœus  pour 
l'édition  des  SS.  pères  Grecs,  et  qu'il  ayt  commancé  d'en  mettre  soubs 
la  presse';  il  le  fault  exhorter  à  cela  le  plus  que  vous  pourrez  pour 
ne  pas  laisser  périr  de  si  beaux  ouvrages.  Quant  à  voz  mss.,  ils  sont 
touts  prests,  et  si  M.S'  le  Gard'  de  Bagni  passe  par  icy,  comme  on  le 
nous  faict  espérer,  je  les  feray  joindre  à  ses  coffres.  Mais  j'ay  pourtant  un 
grand  scrupule  sur  ce  que  je  vous  escrivis  derniei-ement  du  voyage  de 
Gonstantinople  dont  je  vouldrois  bien  avoir  voslre  resolution ,  ayant 
peine  de  me  persuader  que  vous  vous  puissiez  desdire  de  cette  cour- 
vée  et  que  vous  ne  trouviez  des  hoimestes  moyens  de  disposer  vostre 
cher  patron  à  le  vous  permettre,  puisqu'il  y  avoit  desja  tesmoigné  tant 
d'inclination  par  cy  devant.  Mons'  Gassendi ,  qui  estoit  à  Paris  trez  bien 
logé,  a  obtenu  la  mesme  permission  de  son  patron*  pour  ne  perdre 
une  si  belle  commodité  et  s'en  va  fourny  comme  il  fault  de  grands 
instruments  de  mathématiques  faire  de  belles  observations  célestes  et 
terrestres,  avec  promesse  que  luy  a  faicte  M"^  le  Comte  de  Marcheville 
de  l'envoyer  en  Alexandrie  pour  aller  examiner  et  faire  la  comparai- 


'  ffld  sedulo  allaboral,  ut  Scliickardiim, 
ppofessorem  Tubingensem ,  ad  Gœsaris  au- 
lam  pertrahat,  cujus  iibrum  de  Jure  Regni 
apud  HebrsEos,  et  Genealogiam  Regum  Per- 
siae  le  vidisse  non  dubilo.n  (P.  187.)  Voir 
sur  Schickard,  au  bas  de  cette  page  187,  la 
note  n°  5  de  Boissonade. 

'  tr Amicitiain  quoque  inii  cum  R.  P.  Gor- 
derio  Belga,  S.  J.  tlieologo,  viro  humanis- 
simo,  et  Groecarum  Jiterarum  peritissimo. 
111e  et  Ducaei  et  Gretseri  induslriam  in  SS. 
Patruin  scriplis  publicandis  superabit. .  .  t 
Boissonade  cite  sur  le  P.  Balthasar  Cor- 


dier  d'Anvers (1 092-1 65o)  VOnomastkon de 
Saxius  (t.  IV,  p.  375).  Pour  moi.  je  citerai 
sur  ce  docte  religieux  l'article  de  la  nouvelle 
édition  de  la  Bibliothèque  de  la  Compagnie 
de  Jésus,  par  le  P.  G.  Soinmervogel  (t.  Il, 
1891,  p.  iâ38-i/i43). 

'  (rJam  eniin  aiiquot  voluinina  comnien- 
tariorum  in  S.  Scripturam  conversa  pênes 
se  babet  et  Pbiloponi  doctissimus  coramen- 
tarius  «spi  Koo-f/OTroi/as  ad  principium  Ge- 
neseos  prœlo  jam  excuditur.  1 

*  François  Luillier,  maître  des  comptes, 
logeait  chez  lui  Gassendi  depuis  l'année  »  6  a  4 . 


[1630]  À  HOLSTENIUS.  355 

son  de  ce  qu'il  y  pourra  observer  avec  ce  que  Ptolemée  en  a  laissé  par 
escript  afin  de  pouvoir  tirer  de  plus  exactes  consequances  de  ce  qui  s'y 
trouvera  de  contorniité  ou  de  differance,  car  c'est  un  homme  des  plus 
curieux  et  des  plus  exactes  qui  se  soient  encores  meslez  de  ces  sciences  là. 
Il  avoit  une  extrême  passion  que  vous  fussiez  de  la  partie  pour  vous 
y  suivre  et  servir  de  tout  son  pouvoir,  et  s'est  engagé  à  ce  voyage  croyant 
que  vous  ne  vous  en  peussiez  pas  honneslement  excusera  Mais  si  ne 
fault  il  point  tant  regarder  à  l'interest  du  public  qui  le  requerroit  ain- 
sin  que  vous  ne  considériez  le  vostre  particulier  en  la  conjoncture 
où  vous  pouvez  estre  d'establir  votre  fortune.  C'est  pourquoy  je  ne 
vouldrois  pas  vous  avoir  exhorté  à  chose  qui  vous  y  deubst  nuire  ou 
estre  dezagreable  à  vostre  bon  patron.  Seulement  vouldrois  je  estre 
asseuré  de  la  resolution  que  vous  y  aurez  prinse,  puisque  vous  aviez 
prins  temps  à  délibérer  et  méditer  avant  que  nous  respondre  là  des- 
sus à  ce  que  m'escript  M''  de  Bonnaire  du  3i  aoust,  en  me  donnant 
advis  qu'il  vous  avoit  rendu  mes  lettres  du  27  juillet.  Car  je  vouldrois 
sçavoir  si  mes  vœux  pourroient  estre  accomplis,  auquel  cas  vous  feriez 
le  voyage  et  opteriez  vostre  embarquement  en  cez  quartiers  icy  plus 
tost  qu'à  Malte  ou  ailleurs  pour  me  combler  de  bonheur  et  nous  donner 
moyen  de  vous  voir  et  embrasser  icy  et  de  vous  consigner  de  plus  prez 
tout  ce  qui  peult  estre  à  nostre  disposition  de  vostre  usage  et  parti- 
culièrement pour  vous  ouvrir  le  cœur  aultant  qu'il  nous  seroit  possible 
et  vous  faire  cognoistre  qu'encores  que  nous  ne  puissions  estre  dignes 
de  l'honneur  que  vous  nous  avez  daigné  despartir  de  vostre  cordiale 
affection,  ne  avoir  de  quoy  vous  l'endre  le  cenliesme  de  ce  qui  seroit 
de  nostre  debvoir,  à  tout  le  moings  n'y  manquons  nous  poinct  de  la 
correspondance  qui  peult  dépendre  de  nostre  bonne  volonté  et  de 
nostre  petit  pouvoir. 

Cependant  je  vous  envoyé  le  roole  de  louts  cez  mesmes  niss.  grecs 
la  pluspart  de  vostre  Andréas  Darmarius  dont  vous  aviez  desja  veu  le 
desnombrement  et  l'ay  faict  prendre  sur  les  propres  tiltres  des  libvres 

'  On  sait  que  Gassendi  n'alla  pas  plus  en  Orient  que  Hol«tenius. 

45. 


356  LETTRES  DE  PEÎRESC  [1630] 

ot  y  adjouster  quelques  niols  du  texte  pour  mieux  recojjnoistre  que  ce 
peult  estie  au  vray.  Pour  le  Pollux,  il  y  en  a  une  partie  comme  je  vous 
avois  (lesja  dict  qui  est  transcrille  sur  le  Pollux  que  nous  avions  desja 
de  longue  main;  l'autre  partie  est  d'un  autre  Pollux  chrestien  qui  n'est 
ce  que  nous  nous  estions  imaginez  non  plus  que  l'Histoire  de  vostre 
Dexippe  de  Bologne  '.  Il  me  resteroit  à  vous  dire  quelque  chose  du  tre- 
pié  dont  vous  ne  me  parlez  qu'à  demi  bouche  ^,  mais  un  peu  de  com- 
pagnie qui  vient  d'entrer  céans  m'oblige  à  clorre  pour. reprendre  si  je 
puis  à  ce  soir  ou  demain  la  plume,  et  cependant  vous  aseeurer  que  je 
suis  et  seray  à  jamais, 
Monsieur, 

voslre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
•A  Bea^gency,  ce  1 3  octobre  1 63o  '. 


XXIX 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Je  vous  avois  escript  bien  amplement 'et  possible  bien  ennuyeuse- 
ment  pour -vous -cez  jours  passez,  croyant  que  mes  lectres  peussent 
aller  sur  la  galère  qui  est  allée  à  Livorne,  mais  nous  fusmes  frustrez 
de  noz  espérances,  car  elle  anticipa  son  d'epart  de  trois  jours  plustost 
que  l'assignation,  et  ceux  qui  s'y  debvoient  embarquer  et  nous  avoieni 
promis  de  passer  par  icy  et  y  prendre  noz  despesches,  suy virent  un 
autre  chemin  bien  à. la  haste  sans  nous  en  pouvoir  faire  advertir  assez 
à  temps.  Vous  les  recevrez  donc  par  cette  voye  et  par  mesnie  moyen 

'  ÇDexippi  Historia,  et  nescio  quae  alia  -{jodum  effigies,  qu»  passira  per  Urliem  cer- 

quae  Gesnerus  isthie  extare  refert,  falso  li-  imnturin  sbtuis  antiqui»,  diligentiiisinspi- 

liilo  spem  nieam  eluserunt. . .  r  (P.  i85.)  ciani..  .  sed  de  liis  coinmodiiis  videbinius 

'  Holslenius avait ditseulementcesquatre  i)erotium.i 
mots  sur  un  sujet  qui  tenait  tant  au  cœur  '  Bibiiollièquc  Barberini,  vol.  ycj,  piéri- 
de Peiresc  (p.  i84)  :  rrTuni  vcrn  alias  tri-  n'  -^8. 


[1G30]  À  HOLSTENIUS.  357 

je  vous  accuseray  la  réception  de  trois  de  voz  lettres,  l'une  qui  estoit 
la  plus  fraische  du  dernier  septembre  '  j)ar  M' le  baron  de  Meslay  -  et 
trois  jours  aprez  les  deux  précédantes  venues  par  Gènes  du  vu  et  xxvu 
du  mesme  moys^,  en  responeo  desquelles  je  ne  vous  puis  dire  si  ce 
n'est  que  je  suis  bien  aise  d'avoir  jugé  que  vostre  goust  estoit  de  faire 
le  voyage  do  Gonstantinople,  espérant  que  si  bien  vous  ne  pouviez  estre 
presl  pour  suyvre  M»""  l'Ambassadeur  vous  trouverez  bientost  les 
moyens  de  l'aller  voir  là,  estimant  qu'il  est  trez  raisonnable  de  bien 
aiïermir  vostre  fortune,  puisque  Dieu  la  vous  a  envoyée,  avant  que 
vous  engaiger  à  une  si  longue  absanee  qui  ne  se  peult  expédier  en  si 
peu  de  jours,  car  vous  trouverez  bien  là  de  «la  matière  à  exercer  vostre 
bel  esprit,  si  vous  y  estes  une  foys,  «t  crois  que  vous  y  arriverez  tous- 
jours  bien  à  temps,  en  quel  temps  que  vous  y  puissiez  acheminer, 
tandis  que  M''  le  comte  de  Marcheville  y  sera.  Lequel  perciste  tous- 
jours,  à  ce  qu'on  m'escript,  de  partir  en  novembre,  mais  je  me  double 
qu'il  luy  fauldra  dilFerer  encores  plus  qu'il  n'avoit  creu,  et  vo\ddrois 
bien  apprendre  entre  cy  et  là  que  voz  affaires  feussent  en  seurfé.  Je 
vous  envoyerois  homme  exprez  de  par  delà  |K)ur  ne  perdre  l'advantage 
de  vous  voir  icy  avant  vosire  partement.  Toutefoys  nous  avons  main- 
tenant un  fort  honneste  homme  de  marchand  qui  a  envoyé  ouvrir  une 
maison  en  Constantinople  soubs  son  nom  où  il  faict  estât  d'envoyer 
des  navires  exprez  pour  son  compte  pour  le  moings  cinq  ou  six  ioys 
l'an  '',  ce  qui  nous  donnera  grande  commodité  d'avoir  de  voz  nouvelles 
quand  vous  y  serez  et  de  vous  envoyer  de  par  deçà  tout  ce  que  vous 
en  pourrez  désirer  qui  soit  à  nostre  pouvoir.  Cependant  parce  que  je 
ne  pense  pas  que  M'  l'Ambassadeur  ayt  possible  songé  à  la  nécessité 
d'avoir  un  peindre,  voyez,  je  vous  prie,  si  vous  en  trouveriez  quelqu'un 

'  C'est  la  lellre  XXXU  (p.  ao3-9o5).  lagne,  voir  le  i-ecueil  Pciresc-Dupiiy,  I.  l, 

Holsteniiis  lui  aussi  s'excnsp,  \lès  les  pre-  -p.  908,  et  t.  111.  p.  9()5. 

niières  lignes,  do  la  prolixité  de  sa  précé-  '  La  lellre  du  7  septembre  est  la  lettn; 

dente  lettre.  En  cela  les  deux  oorrespon-  XXX  (p.  196-aoo),  et  la  lellre  du  37  sep- 

daiits  ne  devaient  rien  l'un  à  l'autre.  lembre  rst  la  lellre  XXXI  (p.  .oao-QfrS). 

'  Stu- Achille-Auguste  de  Tliou,  baron  de  *  Il  s'agit  du  nt^gocianl  uinrseillais  (iuez 

Meslay,  conseiller  au  parlement  de   Bre-  déjà  mentionné. 


358  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

dans  Rome  qui  voulust  faire  ce  voyage  et  que  vous  jugeassiez  capable 
de  bien  desseigner  et  les  païsages  el  les  fabriques  et  les  figures  an- 
tiques et  en  un  besoing  faictes  le  un  peu  exercer  à  portraire  et  des- 
seigner quelque  architecture  ancienne  avec  ses  vrayes  dimensions,  A 
quoy  ils  ne  s'arrestent  pas  communément,  et  puis  nous  tasclierons  de 
le  faire  agréer  à  mondit  seigneur  l'Ambassadeur,  et  au  pis  aller,  quand 
il  se  seroit  pourveu  d'ailleurs,  jeferay  desdommager  celuy  là  du  temps 
qu'il  auroit  employé  à  cette  estude  particulière,  et  faictes  le  par  même 
moyen  exercer  à  desseigner  des  médailles  antiques  et  prendre  bien  la 
ressemblance  des  visages  qui  y  sont  et  des  fragments  de  figures  et  bas 
reliefs,  car  cela  ne  luy  sera  pas  inutile,  quoy  qu'il  devienne.  En  un 
besoing  luy  trouverions  nous  possible  quelque  autre  gentil  employ,  si 
celuy  là  nous  manquoit.  Je  suis  un  peu  pressé  de  cette  commodité 
précipitée;  c'est  pourquoy  vous  m'excuserez  si  je  ne  vous  responds 
plus  ponctuellement  pour  à  cette  heure;  ce  sera  pour  la  première  com- 
modité Dieu  aydant;  seulement  vous  diray  je  que  le  P.  Petavius'  a 
faict  imprimer  un  troisiesme  volume  in  fol.  à  la  suitte  des  deux  pre- 
miers de  Doctrina  temporum,  qu'il  a  intitulé  URANOLOGION  sive 
sysfema  variorum  authorum  qui  de  sphaera  ac  sideribus  eorumque- 
molibus  graece  commentati  sunt,  sunt  autem  : 

Gemini )  .  ,   .      .    , 

.             ™  \  Isagoge  ad  Arati  phœnomena. 

AcHiLLis  Iatu )       "  °  '■ 

HippARCHi libri  très  ad  Aratum. 

Ptolemaei de  Apparentiis. 

Theodobi  Gazae  ....  de  Mensibus. 

Maximi. 

IsAACi  Argvri  dupplex    ) 

ni      •  computi. 

b.  André*  Ureiensis. .    )         '■ 

Et  y  a  plusieurs  autres  petits  fragments  et  buict  libvres  de  disserta- 
tions du  mesme  Petavius  en  toutes  cez  matières^,  de  sorte  que  vous 

i'  Sur  le  P.  Denis  Petau  voir  les  tomes  II ,        dans  la  Bibliothèque  des  écrivains  de  la  Com- 
IV  du  recueil  Peiresc-Diipuy,  ;)a.ss«Vn.  pagnie   de   Jésus    (édition   in-fol.,   t.   II, 

'  Voir  le  titre  complet  de  VUranologion        col.  1898). 


[1630]  À  HOLSTENIUS.  359 

n'aurez  plus  tant  de  peine  à  chercher  le  Geminus'.  M'  Grottius  m'a 
envoyé  les  fragments  de  Nicolaus  Damascenus  mis  en  bon  ordre  avec 
sa  version;  ils  mériteront  bien  à  mon  advis  d'estre  imprimez '^  Je  suis 
contrainct  de  clorre  à  mon  grand  regret,  ne  désespérant  pas  encores 
qu'il  ne  puisse  arriver  beaucoup  de  clioses  qui  vous  donnent  du  loisir 
de  mettre  bon  ordre  à  voz  affaires  [etj  de  vous  laisser  encores  voir  icy 
conformément  à  nos  vœux  avec  lesquels  je  demeure, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  et  aff[ection]né  serviteur, 

i)E  Peiresc. 

A  Boysgency,  ce  a  6  oct.  i63o  en  grande  haste'. 


XXX 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Ce  mot  à  la  haste  n'est  que  pour  vous  dire  que  je  vous  ay  ample- 
ment escript  par  le  P.  Toussaint  Bot.  des  Miin'mes  party  d'ici  di- 
manche passé,  en  responco  de  plusieurs  lettres  venues  tout  à  un  coup, 
et  pour  vous  dire  que  nous  n'avons  pas  de  nouvelles  que  M' le  comte 
de  Marcheville  presse  tant  son  voyage  de  Constantinople,  comme  il 
avoit  creu,  car  nous  voyla  desja  dans  le  moys  de  novembre  sans  qu'il 
paroisse  et  sans  que  les  navires  pour  son  passage  soient  encores  prests. 
Ce  qui  vous  donnera  tousjours  tant  plus  de  temps  pour  mettre  ordre  à 
voz  affaires,  dont  je  n'ay  pas  voulu  manquer  de  vous  tenir  adverty.  Je 
pense  que  c'est  la  maladie  du  Roy  qui  a  tenu  en  suspens  toute  la 
cour\  et  qui  l'a  retardé  jusques  à  cette  heui'e,  mais  on  en  a,  Dieu 
mercy,  de  meilleures  nouvelles  que  cez  jours  passez,  et  espérons  que 

'  Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  II,  '  Bibliothèque  Barberiiii.  vol.  79,  pièce 

p.  joti.  n*  99. 

^  Sui-  le  Nicolas  de  Damas  de  Grolius,  *  Louis  XIII    était   tombé  dnngereufie- 

voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  1.  Il,  p.  700.  nienl  malade  à  Lyon  le  aa  septembre. 


360  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

Dieu  le  conservera  pour  le  bien  de  son  estât  et  soulagement  de  ses 
peuples.  le  n'ay  pas  sccu  non  plus  que  le  navire  que  ledit  s'  de  Mar- 
clieville  avoit  despesclié  de  Toullon  en  Constanlinople  à  l'advance  soit 
encores  de  retour,  et  possible  attend  il  cela,- s'il  n'a  eu  responce  de 
ses  despescbes  par  Venize.  Tout  cela  ne  nuira  pas  au  temps  qui  vous 
laict  de  besoing,  et  je  vouldrois  bien  qu'il  prinst  de  nouvelles  assigna- 
tions d'embarquement  si  reculées  que  nous  eussions  encores  moyens 
de  vous  tenir  et  gouverner  icy  et  de  vous  y  pouvoir  dire  du  meilleur 
de  mon  cœur  que  je  suis  de  toute  mon  affection. 
Monsieur, 

vostre  trez  liumblc  et  obligé  serviteur, 

DE  Pkiresc. 
Boysgency  prez  Tollon ,  7  novembre  1 63oi 

Je  vous  supplie  de  faire  mes  trez  humbles  recommandations  à 
Doui  CristoHe  du  Puy;  je  n'eus  point  de  vos  lettres  par  ceux  de  la  suitte 
de  M"'  le  Nonce  K 


XXXI 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Encores  que  je  ne  double  point  qu'ayant  la  cognoissance  que  vous 
avez  de  M' Bouchard"^  et  la  passion  qu'il  a  pour  les  bonnes  lettres  vous 


'  Bibliothèque  Barberiiii,  vol.  79,  pièce 
n"  3o. 

'  Holsleiiiiis  accuse  re'ceplion  à  Peiresc 
(lettre  XXXIV,  p*  2i3)  des  livres  et  des 
letlres  apportes  par  J.-J.  Bouchard  et  dont 
il  s't'tait  entretenu  avec  son  patron  (rnostro 
cardinale»  :  trNain  ubi  de  tuis  iileris  libris- 
que  per  Bucliaidiuni  allalis  agereinus,  etc. s 
Voir  sur  Boucliard,  qui  tient  déjà  tant  de 


j)lace  dans  nos  quatre  premiers  volumes,  et 
surtout  dans  le  quatrième ,  une  note  de 
Boissonado  (p.  -ai 3)  oîi  sont  cités  Gas- 
sendi, Vigneul  Marville,  Balzac, etc. Dans  la 
lettre  XXXV  (p.  217),  Holstenius  parle 
ainsi  de  Bouchard  :  n-insigui  eruditione  ju- 
venis ,  et  Parisiis  mihi  paulo  ante  discessum 
Bigaltii  comnicndafione  notus.  Ego  lubens 
hospili  carissimo  praestiti,  quod  amicitiae 


[1630]  À  HOLSTRNIUS.  361 

ne  soyez  tout  porté  à  luy  rendre  toute  sorte  de  bons  offices,  et  de  ser- 
vice qui  vous  sera  possible ,  et  qu'il  ne  doibve  avoir  plus  de  crédit  que 
moy  en  vostre  endroict,  si  ne  puis  je  manquer  de  joindre  mes  trez 
humbles  prières  aux  siennes  pour  implorer  la  continuation  de  vostre 
bienveuillance  en  son  endroict,  puisqu'il  l'a  désiré ,  et  que  mess"  du  Puy 
me  l'ordonnent  ainsin.  C'est  pourquoy  je  crois  que  vous  m'excuserez 
facilement  s'il  y  a  en  cela  de  ma  faulte  et  que  vous  ne  trouverez  pas 
mauvais  que  je  me  rende  participant  aux  faveurs  et  obligations  que 
vous  luy  daignerez  desparlir  et  procurer  de  pardelà,  dont  je  me  tien- 
dray  grandement  vostre  redevable.  Il  s'en  va  en  resolution  de  bien 
travailler  à  la  visite  des  bons  MSS.  grecs  s'il  luy  est  loisible,  et  d'y 
exercer  la  bonne  main  qu'il  a,  pour  en  transcrire  quelque  chose  de 
bien  rare.  M''  Rigault  m'ayant  asseuré  que  depuis  M'  Angelo  Vergetio  ' 
il  ne  s'est  poinct  veu  à  Paris  de  plus  délicate  main  que  la  sienne  à 
transcrire  du  beau  grec.  Je  luy  ay  faict  voir  voz  MSS.  et  l'en  eusse 
chargé  fort  volontiers  pour  les  vous  faire  conduire,  n'eust  esté  l'ordre 
que  vous  m'avez  donné  par  voz  dernières  lettres,  de  les  reserver  pour 
le  passage  de  M''  l'Ambassadeur^,  afin  que  vous  les  trouviez  sur  les 
lieux,  quand  vous  vous  y  pourrez  acheminer.  Lequel  n'est  possible 
pas  encores  si  prest  à  partir  bien  qu'il  perciste  à  dire  qu'il  veult  s'en 
aller  à  la  fin  de  ce  moys,  comme  vous  dira  le  présent  porteur,  attendu 
que  son  prédécesseur  demande  terme  jusques  au  moys  de  mars^  pour 
estre  prest  à  partir  de  Constantinople  et  à  luy  faire  place.  Dont  je  ne 
serois  pas  marry,  pour  vous  donner  tant  plus  de  temps  à  mettre  l'ordre 
qui  est  requis  à  voz  affaires  particulières,  et  à  venir  prendre  icy  vostre 
embarquement,  qui  seroit  l'accomplissement  de  l'un  de  mes  plus  grands 
souhaicts,  et  auquel  je  m'attends  encores  bien  fort  Dieu  aydant.  Je  vous 
ay  escript  en  responce  de  3  ou  U  de  voz  dernières  lettres  venues  par 

pristinœ,  cjiiodvirlutiel  (loctriniE,{juod  luis  iiy,  où  sont  cités  en  assez  grand  nombre 

aiioriinique  ellicacissiniis  commendatioiiibus  des  témoignages  anciens  et  nouveaux, 
negare  non  polerain.n  *  I^e  comte  de  Marcheville. 

'  Sur  le  failigraplie  Ange  Vergèce,  voir  '  Nous  avons  déjà  vu  que  celait  Plii- 

ie  recueil  Peiresc-Dupuy.  l.  UI,  p.  tiiù-  lippe  de  Harlay,  comte  de  Cëzy. 


362  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631J 

Gènes  et  par  M'  de  Melay  et  me  suis  servy  tant  de  la  mesme  voye  de 

Gènes,  que  du  passage  du  P.  Toussains  Bot  des  Minimes,  duquel  je 

suis  un  peu  en  peine,  ayant  apprins  depuis  son  départ  les  dillicultez 

que  l'on  faict  de  laisser  aborder  en  Italie  des  religieux  et  serois  bien 

f'asché  de  le  voir  revenir  sans  vous  avoir  faict  rendre  mes  lettres.  Au 

reste  l'on   me   faict  espérer  dans  peu  de  jours  le  recouvrement  de 

quelques  bons  MSS.  grecs  du  costé  du  Levant.  11  me  tardera  de  les 

voir  arriver,  et  de  vous  pouvoir  faire  sçavoir  ce  que  ce  sera  avant  que 

vous  vous  en  alliez  de  ce  costé  là.  Et  encores  plus  d'avoir  quelque 

digne  moyen  de  vous  servir  et  de  vous  tesmoigner  de  combien  bon 

cœur  je  suis, 

Monsieur, 

vostre  trez  bumble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Boisgency,  ce  1 5  nov.  1 63o  '. 


XXXII 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Le  mesme  jour  que  j'altendois  céans  Monseigneur  le  cardinal 
de  Bagny,  on  m'apporta  de  Brignole  les  lettres  de  vostre  part  du 
tS"""  febvrier,  dont  s'estoit  chargé  M'  de  Breton,  et  le  jour  devant 
j'avois  eu  du  mesme  costé  de  Brignole  vostre  lettre  du  lendemain  que 
M"'  le  chevalier  de  Bourlemon  y  avoit  laissées  (sic)  pour  me  faire  tenir. 
Je  fus  infiniment  aise  d'y  apprendre  le  bon  estât  de  vostre  santé,  et  que 
vous  fussiez  si  bien  en  l'esprit  de  l'eminentissime  Gard*'  Patron  et  que 
la  veiie  de  l'indice  des  livres  arabes  de  Golius  eust  donné  matière  de 
remettre  sur  le  tapis  vostre  voyage  par  la  Grèce  ^.  Dont  je  ne  man- 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce        a  reverendissimo  domino  Puteano  liabui. 
u°3i.  et    cardinaii    nostro    exhibui    iegendiini.r 

'  trindicem  librorum  Arabiconim  Golii        (Lettre  XXXV,  p.  219.) 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  363 

(jueray  poiact  d'escrire  à  son  Kmiiiaiice  pour  ayder  à  promouvoir  s'il 
est  possible  un  si  ioiiabie  el  si  recommandable  dessein.  Le  retardement 
(le  la  partance  de  l'Ambassadeur  ne  devant  nullement  vous  empescher 
de  le  resouldre,  puis  qu'au  contraire,  cela  favorise  le  désir  tant  de 
mondict  seigneur  le  Cardinal  que  le  vostre,  et  les  interests  que  vous 
avez  de  voir  FalTaire  de  vostre  bénéfice  vuidée  et  bien  eslablie  avant 
que  vou^  vous  embarquiez.  Car  il  ne  lault  nullement  doubler  que 
M"'  le  marquis  de  Marcheville  ne  face  le  voyage  encores  qu'il  ait  esté 
constraiiict  de  le  différer,  tant  par  le  reculement  de  M'  de  Cesi,  que 
par  les  brouilleries  de  la  Cour,  qui  ont  succédé  à  la  maladie  du  Roy, 
et  qui  l'ont  retenu,  voulust  il  ou  non. 

M'  Suarez  ne  m'a  poinct  envoyé  les  observations  du  s'  Âliacius  sur 
cette  belle  inscription  que  vous  aviez  descouverte  dans  ce  vieil  MS. 
du  Vatican  ',  laquelle  je  seray  tousjours  trez  aise  de  voir,  quand  il  sera 
loisible,  en  attendant  que  vous  nous  puissiez  doimer  un  jour  et  au  pu- 
blic l'aulheur  entier.  Je  me  suis  infiniment  resjouy  de  l'arrivée  de  M' de 
Fontenay  Bouchard  en  bonne  sauté  de  pardelà,  et  qu'il  se  soit  si  bien 
prévalu  de  voz  bons  et  salutaires  conseils  comme  il  me  mande,  par 
une  signne  lettre,  où  il  se  loiie  grandement  de  vostre  favorable  adsis- 
tance  et  en  faict  grand  capital^,  non  sans  cause  trez  légitime,  et  se 
loue  bien  aussy  de  l'accueil  de  M.s'  le  Cardinal^,  estant  bien  marry  que 
je  ne  le  chargea  [sic)  des  MSS.  platoniques,  comme  j'eusse  faict  trez 
volontiers,  sans  l'incertitude  où  j'estois  de  vostre  voyage  à  Constanti- 
Jiople,  craignant  qu'ils  ne  tombassent  en  mauvaises  njains  s'ils  arrivoient 
là  à  contretemps,  lorsque  vous  pourriez  estre  parly.  Et  de  faict,  suy- 
vant  les  ordres  précédants,  si  M""  de  Marcheville  fusse  passé  je  les  eusse 

'   rrPtolomiBi  rogis  iuscriptionein  a  Leone  chard  à  Peiresc  qu'il  m'ait  été  possible  de 

Allatio  cditam  Suarcsius  haud  dubio  ad  te  retrouver  est  datde  de  trRonie,  ce  18  février 

mittil.îi  (Lettr>'  XXXV,  p.  ai8.)  Voir  sur  ce  1633». 

rrmonumenliini  Adulilanum  Ptoleuia;!  Ever*  '    »  Emiaenlissimus     noster    cardinaliR 

getœ  Gr.  et  Lai.  editiim  Uouiœ  an.  iG3i  n  sumniopere  ejus  coiigressu  fuit  delectatus, 

une  noie  de  Boissonade  (  p.  218).  et  curani  me  libcrrimum  et  suas  et  Vati- 

'  Nous  ne    possédons   pas  la  iellre  ici  canœ     bibliolhocœ     usum    obtulit,     etc.» 

uientionm'o.  La  première  des  lettres  de  Bou-  (Lettre  XXXV,  p.  217.) 

&6. 


36/1  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

faict  embarquer  dans  son  navire  pour  vous  estre  gardez  jusques  à 
vostre  arrivée  en  Conslantinople.  Mais  puisque  vous  avez  tant  de  re- 
gret de  ne  les  avoir  eus  dans  Rome  durant  cez  retardements  de  vostre 
départ,  je  n'ay  garde  de  manquer  de  les  vous  envoyer,  sur  la  galère 
qui  porte  niondict  seigneur  le  cardinal  de  Bagny,  auxquels  j'av  joinct 
quelques  aultres  pièces  venues  d'ailleurs  et  les  cartes  postiimes  de  la 
géographie  ancienne  du  pauvre  deffunct  M''  Bertius,  lesquelles  il  avoit 
entreprinses  à  ma  persuasion,  mais  vous  les  ferez  bien  mieux,  si  vous 
voulez,  et  y  joindrez,  si  vous  me  voulez  croire,  celles  de  la  géographie 
de  Strabon  et  aultres  aulheurs  anciens  selon  leurs  sentiments.  J'y  ay 
joinct  aussy  les  pérégrinations  et  voyages  de  Purchas,  afin  qu'il  ne 
tienne  poinct  à  cela  que  vous  ne  puissiez  travailler  plus  commodément 
sur  la  géographie  ancienne  de  cet  Orient  et  aultres  contrées  mieux 
descrittes  dans  les  recueils  dudict  Purchas  que  dans  les  aultres  au- 
theurs  du  temps.  J'avoy  une  foys  eu  quelque  scrupule  de  le  vous  «n- 
voyer,  tant  à  cause  des  considérations  que  je  vous  en  avois  touchées, 
que  de  crainte  que  n'en  eussiez  desjà  faict  venir,  parmy  les  livres  que 
vous  printes  en  Allemagne  i\  vostre  retour  de  Pologne.  Mais  puisque  ne 
m'en  avez  rien  touché  de  particulier  en  voz  lettres,  jay  creu  que  n'en, 
debviez  pas  avoir  rencontré  à  vostre  chemin ,  ou  que  les  troubles  et 
interruptions  du  commerce  pour  la  maladie  de  l'Allemagne  et  de  l'Italie 
vous  en  pouvoient  avoir  empesché,  et  qu'il  valoit  mieux  vous  envoyer 
mon  exemplaire  par  une  si  bonne  commodité.  Auquel  j'avois  faict 
adjousler  du  papier  blanc  pour  y  faire  transcrire  la  version  de  quelques 
chosettes  des  plus  curieuses,  que  j'avois  faict  commoncer,  et  sur  le  dos 
j'avois  faict  laisser  du  vuide,  pour  cotter  quelques  mots  des  princi- 
pales pièces  y  contenues,  pour  espargner  la  peine  de  les  feuilletter 
tous  quand  on  veult  avoir  recours  à  quelque  particularité.  Estimant 
que  vous  vous  serez  muny  à  l'advance  d'une  permission  de  l'inquisi- 
teur particulière  pour  avoir  la  faculté  de  tenir  ledict  livre,  afin  que 
persone  n'y  puisse  trouver  à  redire,  si  l'on  en  vouloit  faire  la  censure. 
J'ay  eu  un  peu  de  regret  de  ne  pas  trouver  dans  ma  layette  l'une 
des  liasses  de  voz  lettres  où  debvoit  estre  celle  que  m'aviez  escriple 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  365 

autres  foys  concernant  ia  forme  de  l'adresse  que  vous  entendiez  que  je 
tiuse  pour  vous  faire  tenir  touts  cez  libvres,  de  laquelle  adresse  il  ne 
m'est  pas  maintenant  souvenu ,  et  vous  supplie  de  m'excuser  de  ce  man- 
quement, et  de  trouver  bon  qu'au  deffault  de  cela,  j'en  fasse  l'adresse 
telle  que  je  pourray  à  vous  mesmes,  soubs  une  recommandation  trez 
instante  que  j'en  feray  à  M»"'  le  cardinal  de  Baj^ny,  m'asseurant  qu'il 
en  prendra  un  soin  fort  particulier  pour  l'amour  de  vous  et  de  vostre 
sureminante  vertu,  me  resolvant  mesmes  de  luy  déclarer  le  contenu 
et  importance  desdiz  livres,  et  en  un  besoing,  de  les  luy  faire  voir  avant 
que  clorre  la  caisse,  à  celle  fin  que  cela  serve  à  luy  en  faire  prendre 
plus  de  soing,  et  à  vous  donner  un  peu  plus  de  crédit,  quand  il  verra 
que  de  si  loing  on  vous  envoyé  de  cez  pièces,  pour  vous  donner  plus  de 
commodité  de  les  voir  et  digérer  qu'il  ne  s'en  peult  honnestement 
prendre  dans  le  Vatican.  Espérant  que  cela  ne  vous  sera  pas  inutile 
Dieu  aydant,  selon  la  créance  et  l'authorité  que  ce  grand  prélat  peu! 
acquérir  avec  le  temps  dans  la  cour  de  Rome.  Ce  qui  me  donnera  tant 
plus  d'occasion  de  l'entretenir  de  vos  estudes  et  de  vostre  mérite  nom- 
pareil,  encores  qu'il  en  soit  bien  adverty  d'ailleurs.  Vous  aurez  icy  l'in- 
ventaire du  contenu  en  ladicte  caisse,  et  y  trouverez  tout  ce  que  vous 
aviez  marqué  sur  le  premier  rolle  qu'en  aviez  veu,  mesmes  le  Pollux 
pour  raison  duquel  je  vouldrois  bien  vous  supplier  de  prendre  la  peine, 
quelque  jour  de  vostre  loisir,  d'en  distinguer,  et  ranger  à  part,  tout  ce 
qui  y  pourroit  desfaillir,  et  m'en  dire  vostre  advis.  Herwartius'  eji  al- 
lègue quelque  passage  et  en  devoit  avoir  veu  sans  doubte  quelque 
aultre  exemplaire,  vraysemblablement  en  la  Bibliothèque  de  Bavière 
ou  en  celles  de  l'Empereur,  ou  du  Palatin,  s'il  ne  l'avoit  luy  mesmes 
dans  la  sienne,  de  quoy  il  ne  vous  est  pas  dilficile  de  vous  esclaircir,  et 
possible  ne  seroit  il  pas  inutile  tout  à  faict  de  vous  enquérir  et  de 
voir  s'il  ne  s'en  trouveroit  pas  d'aultre  exemplaire  dans  le  Vatican  entre 
ceux  du  Palatin,  et  en  cez  aultres  Bibliothèques,  voire  de  mettre  ce 
second  Pollux  en  estât  d'estre  un  jour  imprimé,  si  vous  l'en  jugez 

'  Sur  J.-Fréil.  Heiwarl,  (ils  du  cliancelier  de  Bavière,  voir  le  recueil  i'eircsc-Dupiiy, 
l.  l,p.  43i. 


366  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

digne.  Je  sçauray  volontiers  ce  que  vous  pourriez  trouver  à  proffiter 
dans  ce  volume  de  l'HERON  et  aultres  géomètres.  Vous  trouverez  aussy 
dans  la  mesme  caisse  non  seulement  l'exemplaire  du  Polyœnus  in  li° 
qui  avoit  esté  à  ce  Darmarius,  mais  encores  un  aultre  in  fol"  que  j'avois 
recouvré  à  Paris,  afin  que  si  vous  trouvez  occasion  de  vous  servir  de 
l'un,  l'aultre  ne  vous  manque  pas,  dans  lequel  il  y  a  aussy  quelques 
apostilles,  et  diverses  leçons.  Et  vouldrois  bien  avoir  quelque  chose 
plus  digne  de  vous.  J'y  a  y  encores  faict  mettre  cez  aultres  petits  MSS. 
dont  je  vous  avois  faict  offre,  de  quelques  opuscules  de  SS.  Pères  pour 
adjouster  à  ceux  que  -vous  destiniez  à  M'  de  Thoulouse,  pour  ses  As- 
tronomes', et  plus  tost  que  ce  sien  recueil  vous  eschappe,  je  serois 
d'advis  que  vous  lui  offrissiez  ce  second  PoUux  qui  est  chrestien,  aprez 
toutefoys  que  vous  en  aurez  retenu  une  copie  bien  coUationnée,  si  ce 
n'est  que  jugeassiez  qu'il  se  contentast  de  la  coppie  pour  reserver 
l'exemplaire  ou  autographe  de  Darmarius.  Afin  de  le  réduire  au  poinct 
de  ne  se  pouvoir  desdire  de  vous  accomoder  de  ses  Astronomes.  Sinon, 
au  cas  que  cet  autheur  (je  veux  dire  ce  Pollux  chrestien)  ne  fust  de 
vostre  usage  ou  de  vostre  goust,  je  ne  serois  pas  marry  de  le  recou- 
vrer un  jour,  aprez  qu'en  aurez  retiré  ce  que  trouverez  bon  d'en  rete- 
nir, soit  pour  vous,  ou  pour  ledit  sieur  Archevesque  de  Thoulouse, 
croyant  que  vous  trouverez  plus  facilement  la  commodité  de  le  faire 
transcrire  là  que  moy  icy,  où  je  l'eusse  faict  faire  si  j'en  eusse  trouvé  le 
moyen,  mais  nous  n'y  avons  persone  qui  s'en  peusse  acquitter  comme 
il  fault,  et  puis  je  seray  bien  aise  en  toute  façon  qu'il  passe  par  vostre 
examen,  pour  ranger  et  recognoistre  ce  qui  y  est  et  ce  qui  y  peult 
manquer.  Dans  le  petit  volume  du  Psellus  sur  la  Psychogonie  de  Platon, 
il  y  a  deux  aultres  opuscules  derrière,  de  cez  oracles  assyriens  qui  sont 
des  dépendances  de  ce  qui  fut  aultres  foys  imprimé  derrière  les 
oracles  sibyllins  d'Opsopœus  à  Paris  in  8"  '^,  dont  je  vouldrois  bien  sça- 
voir  de  vous  ce  que  vous  en  avez  aultres  foys  rencontré  parmy  voz  re- 

'  C'est-h-dire  eu  échange  do  ses  manu-        p.  870)  divers  renseignements  sur  les  deux 
scrits  relatifs  à  l'astronomie  grecque.  éditions  de  Paris  (lôgg,  in-8°   et  1607, 

"  Voir  dans  le  Manuel  du  libraire  (t.  V.         in-8°). 


11631]  À  HOLSTENIUS.  367 

cherches  et  parmy  ce  que  on  en  peult  avoir  réservé  dans  la  Bibliothèque 
Vaticane  et  aullres  de  ce  pais  là,  sans  toute  foys  vous  en  mettre  guieres 
en  peine,  car  ce  n'est  pas  chose  qui  touche  guieres  avant  ma  curiosité, 
et  dont  je  ne  vous  faicts  mention  que  par  la  rencontre  d'en  avoir  veu 
quelque  chose  dans  le  petit  volume  de  Psellus  et  par  ce  que  tout  cela 
se  trouve  tiré  de  voz  Platoniciens  que  je  vouldrois  bien  voir  un  jour 
desbrouillé  des  obscuritcz  Platoniques.  Mais  tout  à  voslre  loisir,  car 
rien  ne  presse,  et  tout  ce  qu'il  vous  plairra  m'en  toucher  viendra  assez 
à  temps.  Pour  respondre  maintenant  au  reste  de  voz  lettres,  puisque 
la  routte  que  M^  le  cardinal  de  Bagny  a  prinse  du  costé  de  Toulon 
au  lieu  de  passer  droict  icy,  comme  c'estoit  son  chemin,  m'en  donne  un 
peu  plus  de  loisir  que  je  n'en  pensois  avoir  aujourd'huy,  je  vous  diray 
que  si  vous  avez  attendu  avec  impatiance  les  MSS.  platoniques  vous 
ne  m'avez  pas  mis  en  moings  d'impatiance  attendant  cette  grande  epistre 
que  vous  me  promettez  concernant  vostre  advis  sur  le  Trepié,  et  me 
tardera  grandement  que  vous  ayez  peu  desrobcr  le  temps  à  ce  requis 
pour  y  pouvoir  satisfaire,  en  quoy  je  regrette  certainement  vostre  peine 
et  voz  divertissements  de  meilleures  et  plus  solides  estudes,  mais 
puisque  vous  y  avez  voulu  penser  pour  l'amour  de  moy,  je  seray  bien 
aise  d'en  voir  un  jour  vostre  advis,  et  me  promets  qu'au  retour  de  cez 
galères  nous  pourrions  bien  le  recevoir.  Ce  que  vous  me  cottez  du  des- 
sein d'un  trepié  du  card"'  Borghese^  me  donne  bien  encorcs  davan- 
tage d'impatiance,  m'imaginant  que  ce  pourroit  estre  quelque  chose 
de  pareil  ou  plus  considérable  que  celuy  du  s''  cavalier  Gualdo*  et  que 
le  mien.  C'est  pourquoy  nous  l'attendrons  en  bonne  dévotion. 

M"'  Suarez  m'escript  que  le  s''  Meneslrier  m'envoyoit  des  desseins  de 
divers  Trepiez,  mais  je  n'ay  point  receu  de  ses  lettres  à  ce  coup  ne 
par  le  s'  Bourlemont  qui  aj)porta  de  celles  de  U«'  le  Cardinal  et  des 

'  (îNunc  ad  lolumillud  api)araluinnihil  *  Surl'urclidologucetcoUectionneurFrai»- 

mihi  defuit  piœter  Buiffosiani  liipodis  dosi-  cesco  Gualdi,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupiiy 

gaationem,   quam  cum  aliis  nonmillis  ad  (t.  II,   p.   a33).    Voir  sur  le  trépied  de 

te  niittere  cupiobam i  (Ixîllre  XXXV,  Gualdi  le  recueil  de  Boissonadc  (p.  «83, 

p.  ai6.)  a3a). 


368  LETTRES  DE  PEIRESC  {1631] 

vostres,  ne  par  M'  de  Breton,  qui  m'a  encores  apporté  des  vostres  et 
du  s'  de  Fontenay  Bouchard.  Estant  bien  niarry  que  son  chemin  ne 
Tayt  poinct  amené  par  icy,  comme  je  m'y  attendois;  car  j'eusse  esté  in- 
finiment aise  d'apprendre  de  sa  bouche  de  voz  nouvelles  plus  particu- 
lières, puisque  vous  me  dictes  qu'il  vous  a  rendu  de  si  bons  offices  de 
par  delà.  Ledit  s''  Suarez  m'escript  avoir  veu  un  traicté  des  Trepiez 
du  s"  Alexandre  de  Grandis  ',  dont  je  n'avois  pas  ouy  parler,  et  voul- 
drois  bien  le  voir  s'il  se  trouve  à  vendre,  ou  à  transcrire,  au  cas  qu'il 
se  trouve  de  peu  de  contenance.  Il  ne  me  parle  poinct  de  l'inscription 
de  Ptolemée  que  j'eusse  bien  voulu  voir,  au  moings  en  son  texte,  en 
attendant  voz  notes,  car  je  ne  pense  pas  que  le  s'  AUatio  puisse  avoir 
satisfaict  absolument  à  ce  que  nous  pouvons  et  debvons  attendre  de 
vostre  main  sur  cela  et  spécialement  sur  cez  noms  de  peuples  du  sein 
Arabique,  et  d'à  l'entdur  de  la  rivière  du  Nile.  Estant  bien  contant 
qu'ayez  trouvé  une  si  jolie  pièce  à  joindre  à  vostre  recueil  des  géo- 
graphes grecs,  et  espérant  que  vous  en  rencontrerez  tous  les  jours  de 
plus  beaux,  pour  le  rendre  tant  plus  accomply^.  Quant  au  Pentateuque 
samaritain  de  la  Bibliothèque  impériale,  vous  m'obligez  trop  d'avoir 
eu  le  soing  que  vous  vous  estes  donné  d'en  envoyer  demander  un  eschan- 
tillon  pour  l'amour  de  moy.  J'en  attends  en  peu  de  jours  encores  un 
exemplaire  qu'on  m'asseure  estre  bien  ancien  et  bien  complet.  Et 
vouldrois  bien  encores  avoir  un  peu  d'eschantillon  de  celuy  du  Vati- 
can, s'il  est  loisible,  seulement  pour  juger  de  la  forme  du  caractère;  il 
y  a  esté  mis  depuis  peu.  Cependant  j'ay  esté  bien  fier  d'apprendre  non 
seulement  par  voz  lettres  et  par  celles  de  M'  de  Fontenay  Bouchard, 
mais  aussy  par  celles  mesmes  de  M^"^  le  card"'  Barberin,  le  favorable 
accueil  qu'il  avoit  daigné  faire  audit  s'  de  Fontenay  et  les  honnestes  et 

'  Holstenius  donne  à  Grandis  un  prénom  dicopleuste,  dans  la  leUre  XXXV,  p.  9i5- 

différent  (leUre  XXXVIII,  p.  aSa):  "Hiero-  216.  Comment  un  helléniste  tel  que  Bois- 

nymi  de  Grandis  librum  de  Tripode  vidi  sonade  a-t-ii  oublié  (note  3  de  la  page  918) 

una  cum  Claudio  Meneslrier.  "  de  mentionner  l'édition  de  la  Topographie 

'  Voir  les  détails  donnés  par  Holstenius  chrétienne  donnée  en  1707  par  un  helléniste 

sur  le  très  ancien  manuscrit  du  Vatican  con-  tel  que  Dom  B.  do  Montfaucon? 
tenant  la  relation  de  voyage  de  Gosmus  in- 


[1631]  À  HOLSTENIllS.  369 

obligeantes  offres  qu'il  liiy  avoit  laictes  de  sa  bibliothèque  et  de  celle 
du  Vatican,  dont  je  l'a  vois  supplié  avec  instance,  espérant  qu'avec  le 
temps,  vous  y  acquerrez  toute  l'entrée  et  le  crédit  que  mérite  vostre 
singulière  vertu  et  vostre  candeur  et  sincérité.  Mais  s'il  plaict  à  Dieu 
que  vous  Cassiez  vostre  voyage  d'Oriant  heureusement,  et  que  vous  en 
puissiez  rapporter  ce  que  je  m'asseure  que  vous  en  retirerez,  et  que 
persone  ne  sçauroit  recognoistre  comme  vous,  je  ne  doubte  poinct  que 
vous  n'en  rapportiez  encores  plus  de  créance  aussy  dans  la  Cour  de 
Home,  comme  pévr  tout  ie  reste  de  la  Chrestienté,  avec  une  plaine 
disposition  de  tout  ce  que  vous  désirerez  d'en  retirer  etque  vous  jugerez 
digne  d'en  voir  le  jour. 

Sur  quoy  je  finiray  en  vous  suppliant  de  pardonner  le  mauvais  ordre 
de  cette  mienne  lettre,  faicte  ou  brochée  à  bastons  interrompus,  parmy 
une  infinité  de  divertissements  que  me  donne  le  soing  d'envoyer  sçavoir 
des  nouvelles  asseurées  du  chemin  que  pouvoit  tenir  M^""  le  car- 
dinal de  Bagny,  lequel  je  ne  manqueray  pas  d'aller  voir  demain  Dieu 
aydaiit  la  part  où  il  sera,  s'il  ne  revient  icy  luy  mesmes, comme  il  m'en 
a  taict  donner  quelque  espérance,  et  demeure, 

Monsieur; 

vostre  trez  humble  et  trez  obeyssant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Boysgency,  ce  i4  mars  i63i'. 

Depuis  avoir  escript  M«'  \(î  card'"'  de  Bagni  s'est  donné  la  peine  de 
revenir  de  Toullon  icy,  et  d'y  prendre  la  patiance  durant  deux  ou  trois 
jours,  s'estant  fort  courtoisement  offert  de  vous  faire  seurement  tenir 
la  cassette  des  MSS.  Platoniciens,  lesquels  il  voulut  voir,  et  monstra 
me  sçavoir  bon  gré  de  les  vous  communiquer  avec  cette  mienne  liberté. 
Je  luy  dicts  que  ce  n'estoit  que  pour  vous  donner  moyen  de  les  voir  et 
examiner  plus  commodément  chez  vous,  et  pour  vous  espargner  les 
incommoditez  qu'il  y  avoit  d'en  aller  voir  dans  le  Vatican,  ce  qu'il 

'  BiLliulhèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n°  3'J. 

T-  A7 


«PKlUkttl    IITIOVILI  . 


370  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

trouva  fort  bien  et  fort  à  propos.  II  a  conceu  une  grande  opinion  de 
voslre  rare  érudition ,  et  j'y  ay  contribué  ce  que  j'ay  peu ,  aussy  bien  (jue 
M""  Naudé  qui  est  son  anflgnoste^  lequel  vous  y  [a]  rendu  en  ma  pré- 
sence niesmcs  de  si  bons  offices,  que  vous  estes  obligé  de  luy  en  sça- 
voir  du  gré.  Et  je  vous  supplie  de  le  luy  tesmoigner,  et  de  vouloir  ou- 
blier pour  l'amour  de  raoy  tout  ce  qui  vous  pourroit  estre  resté  de 
scrupule,  des  manquements  que  ledict  s' Naudé  pouvoit  avoir  commis 
aullresfoys  envers  vous,  dont  il  est  desplaisant  à  la  mort,  et  désire  de 
vous  servir  avec  tant  de  fidèle  dévotion  que  vous  aurez  subject  de  l'ad- 
vouer  pour  vostre  serviteur  comme  je  crois  fermement  qu'il  le  sera.  Et 
(|ue  pour  l'amour  de  moy  vous  oublierez  tout  le  passé,  et  l'aymerez  à 
l'advenir  comme  je  vous  en  supplie  et  conjure  de  tout  mon  cœur.  Je 
luy  ay  donné  quelques  petits  advis  pour  la  façon  de  vivre  en  cour  de 
Rome,  lesquels  il  a  prins  ce  semble  en  fort  bonne  part,  et  je  m'en  suis 
donné  la  liberté  à  la  prière  et  recommandation  de  Mess"  du  Puy  et 
Gassendy  de  Paris.  Croyant  qu'il  sera  encores  plus  aise  d'en  recevoir 
de  vostre  part,  et  qu'il  s'y  conformera  en  tout  et  par  tout  comme  il  me 
l'a  solennellement  promis.  Et  je  vous  supplie  de  luy  en  donner  aussy 
librement  que  vous  feriez  à  moy  mesme.  Ce  qui  me  faict  ressouvenir, 
de  vous  faire  encores  une  supplication  de  vouloir  vous  disposer,  pro 
majori  bono,  à  donner  quelque  petite  démonstration  de  bienveuiilance 
à  M''  Suarez,  lequel  certainement  m'a  souvent  escript  de  vous  en  termes 
si  honorables  et  si  obligeants,  que  vous  estes  aulcunement  tenu  à  luy 
en  rendre  quelque  tesmoignage  de  gratitude.  Et  sur  moy  faictes  le  har- 
diment, o&aat  me  promett/re  qu'il  taschera  de  s'en  rendre  digne  en  vous 
servant  avec  toute  sorte  de  passion,  au  moings  plus  qu'il  n'a  encores 
pu  vous  tesmoigner.  Nous  prenons  aulcunes  foys  des  conjectures,  qui 
peuvent  estre  plus  ou  moings  asseurées,  et  il  importe  grandement  de  ne 
pas  monstrer  tousjours  de  s' estre  apperceu  de  ce  niesmes  qui  pour- 
roit estre  faict  à  dessain  de  nous  nuire. 

[En  marge.]  Excusez-moi  pour  l'houncur  de  Dieu  de  cette  liberté, 

'  Nous  avons  trouvé  l'expression  anngnoste  (pour  leclem-)  dans  te  tome  I  du  recnrit  de» 
Lettres  de  Peiresc  aux  frères  Dupuy,  p.  139. 


[1fi31]  À  HOLSTENIUS.  371 

et.  me  croyez  iiiviolablernent  vostre  sans  reserve.  Les  livres  que  je  vous 
envoyé  sont  absolument  et  irrévocablement  vostres,  mais  de  peur  que 
vous  ne  fussiez  pressé  de  les  donner  à  d'aullres,  je  vous  ay  escript  une 
lettre  pour  vostre  descharge,  laquelle  vous  pourrez  montrer,  si  bon 
vous  semble,  pour  faire  apparoir  que  lesdicts  livres  ne  sont  pas  si  abso- 
lument à  vostre  disposition,  et  comme  si  vous  estiez"  obligé  de  les 
rendre  tost  ou  tard,  à  quoy  je  ne  songe  nullement  neantmoings,  ains 
vous  en  faicts  le  présent  et  le  don  pur  et  simple  et  de  bon  cœur  et 

présuppose  que  vous  l'ayez  jà  accepté [^quelques  mois  cachés  par 

k,  reliure\. 

Ce  18  mars  i63i. 


XXXIII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Cette  lettre  sera  pour  accompagner  la  cassette  de  livres  tant  grecs 
MSS.  que  aultres  lesquels  j'ay  bien  voulu  vous  envoyer  par  une  si  bonne 
et  si  seure  commodité  que  celle  du  passage  de  Monseig"'  l'eminentissinie 
card"'  de  Bagni.  Lequel  de  sa  grâce  m'a  offert  d'en  faire  prendre  le 
soing  qu'il  faut,  pour  les  faire  bien  conserver  et  seurement  remettre 
entre  voz  mains,  désirant  que  vous  y  trouviez  de  quoy  bien  ayder  voz 
louables  desseins  sur  la  philosophie  platonique,  et  l'édition  de  voz  an- 
ciens géographes,  pour  raison  de  quoy  j'y  ay  faict  joindre  les  voyages 
et  relations  angloises  du  Purchas,  afin  qu'ils  vous  servent  à  mieux 
comprendre  l'intention  de  cez  vieux  géographes  grecs  qui  ont  descript 
les  païs  d'Oriant,  qui  se  trouvent  si  joliment  représentez  en  cez  in- 
structions angloises.  Et  lorsque  lesdicts  livres  ne  vous  serviront  plus 
de  rien,  ma  petite  estude  se  trouvera  bien  honorée  d'en  recouvrer  ce 
que  vous  trouverez  bon  d'y  faire  remettre,  et  encores  plus  si  vous  y 
avez  apostille  quelque  petite  note  de  vostre  main.  Que  si  j'estois  si 
heureux  de  recevoir  certaine  quantité  d'aultres  bons  libvres  MSS. 

47. 


372  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

grecs,  dont  on  m'a  faict  feste,  et  dont  on  m'a  donné  de  grandes  espé- 
rances, je  seray  encores  plus  aise  de  vous  en  faire  part  s'il  s'y  trouve 
rien  de  plus  digne  de  vous.  Mais  quoy  que  c'en  soit,  je  reputerav  tous- 
jours  à  grand  honneur  que  ceux-ci  vous  ayent  peu  servir  à  quelque 
petit  usage,  quand  ce  ne  seroit  que  pour  empescher,  et  vous  des- 
charger  des  ihcommoditez  qu'il  y  a  de  par  delà,  pour  aller  estu- 
dier  dans  le  Vatican,  et  pour  y  lisre  des  libvres  de  si  longue  haleine 
qu'estoient  cez  Platoniciens.  La  balle  de  ladicte  caisse  est  faicte  en 
sorte  qu'elle  semble  estre  à  preuve  •  de  la  mouilleure  si  elle  ne  tombe 
tout  à  faict  dans  la  mer,  comme  fit  le  coffre  de  M""  de  Thon  ^.  Il  me 
tardera  d'entendre  que  vous  l'ayez  receiie  et  qu'en  soyez  demeuré 
satisfaict  comme  je  le  souhaicte,  et  qu'il  vous  plaise  me  commander 
en  aultre  chose  et  disposer  de  moy  aussy  librement  que  vous  le  pouvez 
faire , 

Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur  et  plus  fidèle  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Boysg-ency,  ce  19  mars  i63i  '. 

La  balle  est  marquée  de  mon  chiffre  ordinaire*. 


'  Pour  à  l'épreuve.  *  C'est  le  chiffre  que  Peiresc  faisait  repro- 

*  Gel  accident  préoccupa  beaucoup  un         .  ,    ,  .   duire  sur  les  belles  reliures  de  sa 

amateur  tel  que  Peiresc  et  il  en  est  souvent 

question  dans  sa  correspondance. 


bibliothèque  et  qui ,  aux  yeux  des 
coileclionneurs,  est  à  la  fois  un 
'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce        précieux  ornement  et  une  précieuse  ga- 
n"  33.  rantie. 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  37:5 

XXXIV 

MÉMK  ADRESSE. 

Monsieur, 
Enfin  vostre  cassette  des  libvres  grecs  platoniciens  MSS.  et  autres 
l'ut  hier  embarquée  sur  la  galère  qui  porte  M»''  le  card''  de  Bagni,  et 
logée  dans  la  chambre  où  il  lit  mettre  ses  bardes  plus  précieuses.  Elle 
est  deuemenl  emballée  premièrement  avec  de  la  toille  cirée,  puis  avec 
de  la  paille  et  de  la  cerpillierc.  Je  l'avois  faict  marquer  de  mon  ciiill'i c 
ordinaire  composé  d'un  double  ^^  O.  N.  K.  et  on  y  fit  adjouster  icy 
les  armoiries  de  mondict  seigneur  le  cardinal  de  Bagni,  et  m'a-t-on 
voulu  dire  qu'on  y  a  voit  escript  mon  nom  tout  entier,  Mons'  Naudé. 
l'un  des  secrétaires  de  Ms'  le  Gard"'  susdict,  |)romit  en  ma  présence  k 
S.  Em™  qu'il  en  prendroit  le  soing,  pour  la  faire  bien  ranger  dans  la 
chambre  de  la  galère,  en  lieu  qui  ne  coure  aucun  risque  de  niouil- 
leure,  et  poin'  la  faire  porter  avec  ce  que  mondict  seigneur  aura  de 
plus  précieux,  pour  lavons  faire  consigner  en  main  propre,  avec  le 
duplicata  que  je  luy  ay  faict  donner  d'une  lettre  que  je  vous  avois  es- 
cripte  sur  ce  subject,  et  laquelle  devoil  accompagner  ladicte  caisse,  où 
vous  trouverez  non  seulement  lesdicts  MSS.  platoniques  et  aultres  que 
vous  aviez  desirez,  ou  que  je  vous  avois  ofl'ers,  mais  aussy  les  5  vo- 
lumes de  Purchas  et  la  géographie  antique  du  pauvre  Berlius.  La  galère 
a  faict  voille  cejourd'huy  au  poinct  du  jour  avec  un  temps  fort  favo- 
rable et  tel  que  les  mariniers  tiennent  qu'elle  pourra  avoir  gaigné 
Moui'gucs  ^  à  ce  soir.  Dieu  les  veuille  bien  conduire.  J'ay  pareillement 
baillé  audict  seigneur  Card»'  un  pacquet  de  lettres  adressé  à  l'eminen- 
lissime  seigneur  card»'  Barberin,  lequel  ils  m'ont  promis  envoyer  d<; 
Cività  Vecchia  à  Rome  par  la  poste  sans  attendre  que  leur  quarantaine 
soit  expirée  comme  il  fauldra  pour  le  l'este;  il  y  a  un  pacquet  [tour 
vous  que  mon  homme  enferma  sans  y  ])enscr  soubs  l'envelop))e  de 

'  La  capitale  de  la  principauté  do  Monaco. 


374  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631J 

M''  de  Bonnaire,  laquelle  est  aprez  dans  le  pacquet  dudict  s'  card'' 
Barberin.  Si  celle  cy  vous  arrive  plus  tost,  vous  pourrez  prendre  le 
soing  de  le  faire  demander  et  y  trouverez  une  response  assez  ample  à 
voz  dernières  lettres  el  une  lettre  à  part,  escripte  sur  le  subjecl  desdicts 
MSS.  pour  vostre  descliarge,  et  pour  tous  bons  respects.  J'escripts 
aussy  par  raesme  moyen  à  M"^  de  Fontenay-Bouchard,  à  qui  j'ay  rendu 
tous  les  bons  offices  que  j'ay  peu ,  tant  par  escript  en  rcspondant  au- 
dict  seigneur  card*'  Barberin  que  de  vive  voix  envers  ledict  seigneur 
cardinal  de  Bagni.  Je  n'ay  poinct  oublié  non  seulement  d'escrire  aux 
meilleurs  termes  que  j'ay  peu  à  mondict  seigneur  le  card''  Barberin 
pour  l'induire  h  vous  laisser  faire  plus  tost  que  plus  tard  le  vovage 
de  Gonstantinople.  Mais  j'ay  l'aict  comprendre  au  card"'  de  Bagny' 
l'importance  d'iceluy,  et  qu'd  y  debvoit  travailler  de  son  costé  comme 
il  m'a  promis  de  le  faire  pour  y  faire  resouldre  ledict  s'  card**  Bar- 
berin selon  voz  vœux.  Au  reste  ayant  apprins  ce  qui  s'estoit  passé 
entre  vous  et  ledit  s'  Naudé,  je  luy  ay  remonstré  tout  ce  que  j'ay  creu 
estre  à  propos,  pour  le  porter  à  vous  rendre  toute  sorte  d'effects  d'une 
entière  fidélité  et  deferaiice  filiale,  comme  il  me  l'a  promis.  Je  vous 
supplie  que  de  vostre  costé,  il  vous  plaise  le  traicter  comme  un 
bomme  qui  veult  absolument  dépendre  de  vostre  favorable  protec- 
tion, et  vous  rendre  toute  sorte  d'obeyssance,  voire  jusques  à  l'aveugle 
quand  il  seroit  de  besoing.  Et  ayant  sceu  qu'il  y  avoit  eu  je  ne  sçay 
quelle  petite  froideur  entre  vous  et  M'  Suarez-,  j'en  ay  pareillement 
escript  audit  s'  Suarez  sur  de  grandes  protestations  qu'il  me  faisoit 
de  ses  inclinations  à  vostre  service  et  à  vostre  bien,  et  pense  que  s'il 
y  avoit  eu  aulcun  scrupule  quelque  ce  puisse  estre.  il  se  réduira  abso- 
lument à  toutes  voz  volontez,  comme  je  vous  supplie  trez  liumblement 
de  vostre  part,  à  toute  deferance,  pour  1  amour  de  moy,  aussy  bien  que 
pour  la  bienveuillance  que  luy  tesmoigne  vostre  commun  patron,  et 

Peiresc,  à  trois  lignes  de  distance,  ('cril  ^  C'était  pliis  nnxme  petite  froideur  et, 

Bagiiy  ou  Bdffiii.  Dans  d'autres  lettres  on  loin  de  s'améliorer,  les  relations  enlre  les 

ti-ouve  également  tantôt  l'une  et  tantôt  l'autre  deux  érudits  devinrent  de  pins  en  plus  mau- 

forme.  vaises. 


[1631]  A  HOLSTENIUS.  375 

pour  sa  particiliiere  veiiu,  et  pour  l'honneur  qu'il  porte  aux  lettres. 
Excusez  raoy  de  cette  liberté,  je  vous  supplie,  et  la  prenez  en  bonne 
part  de  la  candeur  et  sincérité  de  celuy  qui  est  et  sera  inviolablcmenl, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Pkiresc. 

À  Toullon,  le  9  3  mars  i63i. 

[En  marge.]  Je  n'avois  peu  escrire  de  Boysgency  au  bon  P.  Doni  du 
Puy,  ne  au  s""  Gio.  Ba.  Dony,  mais  je  le  feis  hier  au  soir  aprez  rend)ar- 
quementet  mes  lettres  furent  portées  dans  la  galère,  et  laissées  au  cap- 
pitaine  de  ladicte  galère,  le  a'  de  la  Garde,  qui  se  chargea  de  les  con- 
signer au  frère  dudict  s'  Doni,  ou  bien  aux  s"  Naudé,  et  La  Tour,  ou 
aultres  de  nostre  cognoissance  auxquels  on  les  pourra  faire  demander'. 


XXXV 

MÊME   ADRESSE. 

Monsieur, 
Nous  n'avons  poinct  eu  le  bien  de  voir  icy  le  prebstre  Flanian  qui 
s'estoit  chargé  de  voz  lettres,  nomplus  que  voz  lettres  mesmes.  Et  avons 
esté  en  grande  peine  durant  trois  moys  touts  entiers  qui  se  sont  es- 
coullez  depuis  les  premières  lettres  que  je  receus  de  la  part  de  M^  le 
card''  Bagny  du  lo.  niay,  aprez  son  entrée  à  Rome,  sans  que  sou 
Emin'^''  ne  le  s''  Naudé,  ne  aultre  qnelquonque  se  fusse  ad  visé  de  m'ad- 
vertir  que  la  caisse  de  voz  MSS.  vous  eust  esté  rendue.  EnBn  le  s""  Doni 
m'a  renvoyé  d'Avignon  les  depesches  qu'il  avoit  daigné  prendre  pour 
moy,  entre  lesquelles  je  trouvay  hier  la  vostre  du  9  juillet  qui  m'a 
osté  de  cette  paine  ^  et  m'a  grandement  resjouy  de  voir  la  satisfaction 


s 


'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79 ,  pièce        sonade  (p.  Q-i3-933).  Holslenius  y  dit  (juil 

h"  34.  a  tUjh  remorcii!  Poiresc  de  l'envoi  des  iiia- 

•  C'est  ia  iellre  XXXVIM  du  recueil  Bois-        uuscrits  plnloiiicions  :  «Manuscriptos  l'iato- 


376  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

que  vous  avez  trouvée  en  aulcuns  desdicls  MSS.  encor  que  la  plusprl 
ne  soient  pas  en  leur  entier,  ains  plustost  abrégez  et  tronquez  dune 
partie  du  discours  des  autheurs.  Mais  si  les  bibliothèques  d'Italie  ne 
vous  en  ])cuvent  fournir  des  exemplaires  plus  amples  et  plus  accom- 
plis, tousjours  vauldra  t'il  mieux  avoir  cez  recueils  que  de  n  en  avoii- 
rien,  principalement  ceux  qui  pourront  estre  choixsis  par  des  autheurs 
bien  judicieux,  comme  vous  en  advoiiez  quelques  uns,  et  entr'aultres 
l'Herennius,  quoyque  bien  moderne  au  prix  de  l'opinion  qu'on  en  avoit 
eiie  communément  '.  Et  puis  que  vous  avez  daigné  prendre  la  peine 
d'en  tirer  la  moelle  de  quelques  chappitres  qu'il  vous  plaict  me  pro- 
mettre, je  vous  auray  une  singulière  obligation  de  la  comliiunication 
qu'il  vous  plairra  m'en  faire  à  vostre  conmiodité,  à  laquelle  je  voul- 
drois  bien  que  vous  eussiez  joinct  un  peu  d'abrégé  de  ce  que  le  Didv- 
mus  a  escript  de  la  comparaison  du  pied  Romain  au  iUolemaique  et 
des  aultres  mesures-,  pourveu  que  ce  ne  soit  qu'à  vostre  loisir  car  cela 
n'a  poinct  de  haste.  Nous  n'avons  poinct  veu  de  pardeça  l'édition 
qu'Egnatiiis  a  faicte  à  Florence  de  vostre  Damian  Crissœen,  soubs  le 
nom  d'Heliodore  Larissœn,  nomplus  que  celle  de  Lindeuibrogius,  et 
ne  suis  pas  marry  qu'ayez  descouvert  son  vray  nom  et  la  source  de  • 
l'équivoque  ^  Mais  je  suis  bien  plus  aise  qu'ayez  trouvé  quelque  ])etit 
supplément  à  adjouster  à  l'édition  du  Codiims  du  P.  Gretzer^  et  que 


nicos  caeterosqiie  libres  illis  adjunctos  salvos 
rt  iiicoluines  in\  me  pervenisse  jain  duduiii 
scripsi ,  et  gnilias  agere  conalus  sum  verbis . 
quiB  et  niuneris  et  beneficii  magniludo,  et 
gratissima  anirni  mei  voluntas  tum  dictabat.  ^ 
La  lettre  dont  parle  ainsi  Holstenius  n'a  pas 
étë  conservée. 

'  T  Herennii  Metaphysica  tota  legi.  Est  sane 
libelius  magni  pretii ,  et  insigne  compendium 
platonicae  tbeologiae. . .  Errant  qui  auctoreni 
Herfrinium  Pbilonem  satis  antiquiim  philo- 
sophum  credunl;  nam  bic  noster  jjost  Pro- 
clum  et  Damascium  scripsit. .  .  i  (P.  aaS.) 
ffDidymi  Opuseuhun  de  b'gnis  tenuis- 


simuin  est;  sunt  enim  [fragmenta]  majoris 
operis  :  non  contemnenda  sunt  tamen  quae 
de  Romano  et  Ptoiemaico  pede,  de  cubito 
Regio,  aiiisqiie  mensuris,  eaiumque  inter  se 
comparatione  babenlur.'-  (P.  297.) 

•*  ffCapiln  Optica  eadeni  proi-sus  sunt 
quae  sub  Heliodori  Larissaei  nomine  Graece 
et  Latine  publicavit  olim  Egnatius  Dantes, 
Magni  Helruria?  Ducis  matliematicus ,  quœ- 
que  Lindebrogius  noster,  suppresso  Egnatii 
nomine,  Haniburgi  tanquam  inedila  rur- 
sum  protulit."  (P.  227.) 

*  (rCodini  exemplar  multo  integrius  est 
elilo,  et  non  solum  Grelseriana  supple- 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  377 

l'Olympiodore  tel  qu'il  est  vous  ayt  oncores  peu  fournir  quelque  bonne 
adresse  pour  votre  Porphyre',  et  que  vous  ayez  estimé  digne  de  voir  le 
jour  le  fragment  d'Anatolius^  et  les  géométriques  d'Héron',  mais 
puisque  M'  de  Thoulouse  en  a  un  aultre  exemplaire,  qui  doit  sans 
double  estre  meilleur,  avec  les  collations  qu'en  avoit  vraysemblablement 
faictes  ce  Josephus  Aurea  sur  divers  MSS.  '',  il  le  fault  avoir  en  quelque 
façon.  Et  j'en  ay  desjà  donné  une  attainte  à  M""  de  Thoulouse,  en  fai- 
sant une  rocharge  à  M"'  de  Rhodez  pour  le  Dionvsius  Bysantin.  Quant 
au  Pollux,  il  estoit  à  propos  que  vous  le  vissiez  pour  esclaircir  mieux 
l'imposture^.  Nous  n'avons  pas  encores  veu  l'édition  du  s"'  Allatius  de 
son  Eustathius  sur  l'Hexameron.  J'escriray  à  Lyon  pour  l'avoir  si  tost 
(jue  le  commerce  y  sera  un  peu  plus  libre  qu'il  n'est  encores.  Au 
reste  vous  m'avez  faict  plaisir  de  me  dire  que  vous  ayez  desjà  dressé 
voz  tables  sur  voz  petits  géographes  et  que  le  pauvre  feu  M'  Cluvcrius 
eusse  dessein  d'entreprendre  celles  de  Strabon*^,  mais  il  falloit  que 
la  postérité  vous  en  eusse  l'obligation  à  vous  quelque  jour  à  la  suitte 


inenla  bal)et,  sed  et  alia  longe  plurima  qiia; 
ex  Vaticano  cotlice  describere  stalueram  : 
hujus  codicis  usu  inihi  laboris  fit  coinpen- 
dium.îi  (P.  338.) 

'  irOlympiodoruin  quoque  in  Pliaedoneni 
propemoduni  jani  absolvi;  neque  id  opus 
integrum ,  sed  ex  prolixioribus  conimentariis 
excerpliim. .  .  plurima  ex  hoc  opère  ad  Por- 
phyrii  iliustrandas  excerpsi. .  .  1  (P.  saç).) 

'  fAnalolii  fcifymentum  de  niallicinaticis 
scientiis  liaïui  ineiegans  est  :  quod  eommodo 
loco  a  me  proferetur. "  (P.  397.) 

'  "•HiTonis  geoinelrica  mido  et  iiimis  fes- 
tinante  oalamo  sciipta sunt. .  .  iî  (P.  326.) 

'  rExtant  eadem  apud  ill.  archiepisco- 
|)iim  Thnlosiitem  desrripta  Grajce  et  Latine 
manu  Josepbi  Auriaj,  insignis  matbematici, 
qui  editioneni  ejus  quoque  opusculi  medi- 
tflbatur.r  (P.  936.)  Boissonade  cite  seule- 
ment sur  le  mathëmaticien  napolitain  J.  Aii- 


ri.i  (p.  i5o,  note  3)  Sax.  Onom.  t.  IV, 
p.  i5. 

'  flulius  Pollux  Pbysicaî  iliius  Historiaj 
auclor  librarioruni  sive.  imperilia  sive  in)- 
postura  vocatur.  Sunt  enim  excerpta  ex 
Eustatbio  \n\Eiariftspov],  qui  nuper  [1 639] 
Lugduni  opéra  Leonis  Allatii  prodiit,  alque 
oadeni  illa  Gedrenus,  et  Michael  Glycas 
(juoque,  sœculi  iliius  barbari  more,  insua^ 
Historias  transcrijisere  :  ita  hic  vere  carho 
pro  thesauro  est."  (P.  9  95.). 

"  ffSlrahonis  tabulas  meditnhatur  Cluve- 
rius  :  iis  onitn,  lancpiani  anima  et  spirilii, 
suminus  auctor  hactenus  destituitur.  Sed 
majoris  id  otii,  neque  inter  curiee  et  auia 
occupntioncs  teniere  suscipiendum.  Geogra- 
phis  meis  singulis  Grœcis  suas  adjungam 
tabulas,  Marciano.  Scytaci,  Hannoni,  Ar- 
riano.  Dionysio,  et  aliis;  quarum  ego  jam 
nonnullas  confectas  habeo.i)  (P.  aSa.) 

IHPBIMEntt    XAtlOlJklt. 


378 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1631] 


de  voz  dicts  géographes  et  des  aultres  principaux  autheurs,  car  pour 
celles  du  bon  homme  Bertius,  il  y  a  quelque  chose  à  désirer,  qui 
ne  vous  seroit  pas  eschappée  à  vous  '.  C'estoit  pour  l'amour  de  moy 
qu'il  avoit  dressé  la  carte  sur  la  géographie  arabe  du  Nubiensis  et 
j'en  ay  son  autographe  au  net  qu'il  me  voulut  donner,  et  que  je  voulois 
faire  imprimer  à  Paris,  sans  qu'il  ayma  mieux  attendre  une  aultre 
édition  de  Nubiensis.  Si  elle  vous  peult  servir  de  rien  je  vous  la  en- 
voyeray,  quand  vous  vouldrez^.  J'approuve  grandement  vostre  dessein 
des  autheurs  anciens  des  voyages  de  long  cours,  en  un  volume  à  part, 
et  de  la  suitte  des  modernes  qui  seroit  admirable  si  vous  en  faisiez  le 
choix  nécessaire,  et  que  l'édition  s'en  fist  à  Paris  comme  vous  dictes, 
ou  bien  aux  païs  bas'.  J'avois  eu  la  curiosité  de  faire  un  extraict  des 
pièces  contenues  aux  volumes  de  Purchas,  et  la  version  de  quelques 
pièces  particulières  que  j'ay  en  françois  par  devers  moy;  si  vous  les  vou- 
lez je  vous  les  envoyeray  aussy.  Le  s'  Menestrier  m'a  bien  prorais  de 
m'envoyer  le  dessein  de  son  CKAOION  antique*,  mais  il  n'en  a  rien 
faict,  nomplus  que  des  mesures  et  proportions  du  trépied  du  cavalier 
Gualdo^  car  pour  le  modelle  que  ledict  s'  chevallier  en  a  promis  je 
ne  m'y  attends  guieres,  veu  les  grands  divertissements  qu'il  a  d'ail- 
leurs, et  si  vous  attendez  cela  pour  me  dire  voz  sentiments  de  mon 
trepié  il  le  nous  fauldra  bien  attendre  longtemps.  Cependant  j'ay  esté 


'  ffPro  Berlii  Tabulis  gratias  ago,  et 
lauflo  jiidiciuin  tuuin  de  tabidis  ad  aucto- 
ruin  mentem  conficiendis  :  [nam]  qui  siii- 
gula  in  unum  congerunt,  luonstra  et  chinie- 
ras  conQant.i  (P.  aSi.) 

■  (rSed  ut  ad  Bertiuni  redeam,  inemiiii 
milii  visain  olim  in  ipsius  Museo  tabuiam 
Geographiae  Nidbieusi  secundum  climata  ac- 
commodatam ,  quam  in  lucem  protrahi  pu- 
bliée interesse  exisliuio.  "  (P.  aSa.) 

'  ttPro|)osui  aliain  operis  formani  :  scili- 
cet,  uno  voluniine  oinnes  antiquorum  terra 
marique  peregrinatioues  ederentur,  quœ 
sane  ingens  volumeu  conGceret;  deinde  ex 


Ratnusio.  Purchasio,  aliisque  recentiorum 
navigationes  et  ilinera  aliquot  toniis  subjun- 
gereotur.  Millnm  alias  delinealara  operis 
formain ,  quod  nullibi  rectius  conflari  et  ex- 
cudi  posset  quam  Lutetiae. «  (P.  9.3i.) 

'  ff  Menestrierus,  ni  fallor,  horologii  an- 
tiqui  deiineationem  mittet,  quod  nupor  emi- 
nentissinii  cardinalis  nostri  museo  illatum 
est.  Ego  simul  ac  vidi ,  veterum  scaphium. . .  r 
(P.  a33.) 

'  frDeTripode  in  dies  differo,  cum  Gual- 
diis  eques  expressam  complicabilis  sui  tri- 
podis  figuram  se  raissurum  promitlat. .  .  i 
(P.  a3a.) 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  379 

infiniment  aise  de  l'advis  que  vous  rne  donnez  du  marbre  où  est  repré- 
sentée ia  destruction  du  temple  de  Delpiies,  et  que  la  figure  du  tré- 
pied qui  s'y  void  ayt  tant  de  rapport  avec  le  mien  petit  ^  S'il  y  a 
moyen  d'en  avoir  un  peu  de  grifl'onement,  ce  me  sera  un  grand  plaisir. 
Mais  le  comble  seroit  si  vous  pouviez  desrober  un  peu  de  temps  pour 
me  dire  voz  sentiments  sur  les  propositions  que  je  vous  en  ay  l'aictes. 
Il  me  reste  à  vous  dire  que  les  remerciements  qu'il  vous  plaict  me  faire 
de  voz  MSS.  me  font  rougir,  sçacbant  bien  qu'ils  ne  le  vallent  pas  et 
que  c'est  un  excez  de  vostre  honnesteté  qui  vous  les  faict  ainsin  prix- 
ser.  Je  vouldrois  qu'ils  fussent  plus  dignes  de  vous  au  centuple,  et  y  en 
pouvoir  adjouster  d'aultres,  qui  en  vallussent  la  peine,  comme  je  n'en 
suis  pas  tout  à  faict  hors  d'espérance.  Mais  pour  l'honneur  de  Dieu  ne 
me  parlez  plus  de  remboursement  de  chose  que  je  vous  ay  desjà  dict 
avoir  eu  gratis  pardessus  le  marché  de  ce  que  j'ay  retenu  pour  moy.  El 
ne  vous  mettez  poinct  en  peine  de  m'en  rien  r'envoyer,  car  comme  vous 
sçavez  je  n'affectois  que  ce  Pollux  qui  n'en  vault  pas  le  seing,  puisque 
c'est  si  peu  de  chose.  Je  seray  trop  payé  et  trop  satisfaict  quand  vous 
aurez  accepté  ce  peu  que  je  vous  ay  envoyé  aussy  librement  que  de 
bon  cœur  je  le  vous  ay  desdié.  Ne  pouvant  assez  loiier  Dieu  avec  vous 
d'entendre  que  cette  doctrine  platonique  vous  ayt  porté  dans  l'estude 
de  celle  des  SS.  Pères,  et  que  l'une  et  l'aultre  vous  ayent  si  insensible- 
ment ramené  au  giron  de  l'église  catholique  ^  Ce  qui  augmente  gran- 
dement ma  consolation  d'avoir  eu  à  ma  disposition  chose  qui  fust  ainsin 
de  vostre  principal  goust,  et  plus  important  au  repos  de  vostre  es- 
prit, sans  lequel  vous  n'eussiez  peu  vac<juer  comme  vous  avez  faict  et 


'  ffNiiper  pulcliemnius  repertus  est  lapis 
in  qiio  Delpliici  lempli  a  Gailis  excisi  liisto- 
ria  ceniitur,  ubi  inter  alia  tripodis  figura 
luaj  siaiilJinia.li  (P.  oSa.) 

'  fCuni  enim  a  Bessarione,  Sleucbo, 
aliisquc  Plotonis  ductrinaiu  SS.  Palruni  scrip 
tis  confirmari  viderem,  totum  me  Latiuis 
GrsBcisquo  uperibus  legendis  dedi,  quibiis 
illicontcmpiativaui  el  uiygticaui  quoque  tbeo- 


logiani  pertractant,  qua  in  I)euui  animas 
excitatur.  Atque  ita  factum  est,  ut  SS.  Pa- 
truni  divinam  ac  soiidam  philosophandi  ra- 
tionem  toto  animo  adiuirarer,  et  mox  inscius 
l'ernie  iu  catholici»  ecclesiœ  gremio  me  coii- 
stitutum  cernereia  :  quod  sibi  quoque  usa 
venisse  D.  .\uguslinuR  ia  Confessioniltus 
testiitur,  '  (P.  a  a  4.) 


68, 


380  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

ferez  encores  à  l'estude  ne  en  tirer  le  fruict  que  vous  en  tirerez  Dieu 
aydant.  Cependant  vous  avez  laissé  partir  M''  le  conte  de  Marclieviile 
pour  son  ambassade  de  Gonstantinople  pour  laquelle  il  fist  voile  des 
isles  de  Marseille  le  ao  juillet,  avec  un  temps  fort  favorable  et  qui 
l'aura  porté  à  Malte  dans  4.  ou  5.  jours.  M'  Gassendi  n'a  pas  esté 
de  la  partie  comme  il  a  voit  promis,  ayant  remis  de  l'aler  trouver 
l'année  procliaine.  On  nous  a  asseuré  que  dans  le  serrail  de  Gonstan- 
tinople les  Turcs  ont  eu  le  soing  de  conserver  entière  la  Bibliothèque 
des  Empereurs  grecs,  telle  qu'elle  estoit  lors  de  la  prinse  de  la  ville  et 
d'y  en  adjouster  plusieurs  aultres  de  temps  en  temps,  et  entre  aultres 
choses,  qu'il  y  a  des  livres  en  caractères  majuscules  de  prodigieuse 
grandeur,  et  avec  grande  multiplicité  de  colomnes  en  une  seule  page, 
qui  m'a  iaict  soubçonner  que  ce  ne  fussent  les  Octaplcs  ou  Hexaples, 
et  ce  que  j'ay  principalement  recommandé  à  un  religieux  qui  faict 
le  voyage,  et  à  luy  mesmes,  pour  en  sçavoir  des  nouvelles  au  vray, 
mais  le  meilleur  y  manque  quand  vous  n'y  estes  pas,  qui  d'un  coup 
d'œuil  auriez  recogneu  tout  ce  qu'il  y  peult  avoir  de  bon.  J'ay  regret 
que  n'ayez  faict  ce  voyage  et  crains  que  M»""  l'emin""  Gard"'  Patron 
n'en  ayt  bien  du  regret  un  jour  aussy.  Je  luy  en  escriray  encor  un  mot'. 
Et  suis  constraint  de  finir  pour  ne  prendre  une  nouvelle  feuille  vous 
priant  de  m'aymer  tousjours, 
Monsieur,  comme 

vostre  trez  humble  et  trez  obeyssant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Boisgeiicy,  ce  29  aoust  i63i. 

J'oubliois  de  vous  dire  que  le  s'  du  Pont,  qui  m'apporta  une  de  voz 
lettres,  s'arresta  icy  pendant  les  grandes  challeurs,  et  faict  estât  de  re- 
prendre le  chemin  de  chez  luy  à  cette  automne  aux  premières  fraischeurs. 
Je  l'ay  servy  et  serviray  pour  l'amour  de  vous  en  tout  ce  qui  me  sera 
possible,  et  ne  luy  manquera  rien  pour  son  voyage.  Il  a  grandement 
melioré  sa  voix  et  son  chant  depuis  qu'il  est  icy,  et  y  a  prins  plaisir 
de  s'exercer  sur  diverses  sortes  de  musiques  jusques  à  de  la  Tur- 


[1631]  X  HOLSTENIUS.  381 

fjuesque  dont  il  a  trouvé  icy  des  airs,  qui  ont  reuscy  exceilanls  sur  sa 
guitarre,  ce  qu'on  n'eusse  pas  attendu  d'un  pais  si  barbare.  Nous 
n'avons  pas  veu  icy  M''  Hartwic  qui  m'envoya  de  Tolon  vostre  lettre 
avec  ses  excuses.  Je  vous  remercie  de  vostre  advis  sur  l'antiquité  du 
Terence,  du  Virgile,  et  de  cet  nutlieur  chrestien  allégué  par  Photius 
où  je  suis  bien  aise  qu'ayez  trouvé  [cinq  ou  six  inols  caclm  par  la  re- 
/tWe]  de  cez  païs  et  navigations  de  la  mer  rouge  ;  j'en  vcrrois  bien  vo- 
lontiers trois  ou  ({uattre  mots  pour  juger  de  l'antiquité  du  caractère, 
à  vostre  loisir  et  non  aultrement'. 


XXXVI 

M\>ME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Je  vous  avois  escript  dernièrement  en  respoiice  de  voz  dernières, 
lesquelles  n'estant  peu  partir  plustost  vous  les  aurez  avec  la  présente 
que  j'y  ay  voulu  adjouster,  pour  vous  conjurer  encor  un  coup,  et  vous 
réitérer  la  trez  humble  prière  que  je  vous  avois  laicte,  lors  du  passage 
du  card''  Bagny,  de  vouloir  condescendre  à  une  bonne  reconcilia- 
tion avec  M''  Suarez  lequel  m'a  tesmoigné  par  sa  responce  à  ce  que  je 
luy  en  avois  escript  en  mesme  temps,  qu'il  ne  désire  rien  tant  que  de 
vous  servir,  et  tasclier  de  mériter  l'honneur  de  voz  bonnes  {jiaces,  et 
qu'il  croiil  rermoment  (|ue  ceux  qui  luy  peuvent  rendre  des  mauvais 
offices  en  vostre  endroict,  le  font  à  trez  mauvais  dessein  en  intention 
de  meliorer  leur  fortune  par  la  ruine  de  la  vostre  s'ils  pouvoient  et  de 
la  sienne  tout  ensemble.  Il  fault  que  vous  trouviez  bon  que  voz  amys 
communs  procurent  de  vous  faire  entrevoir  un  jour  chez  Oom  du  Puy, 
où  vous  puissiez  accepter  les  nouvelles  offres  de  son  service  et  luy  don- 
ner quelque  sorte  de  satisfaction.  Je  pense  que  cela  vous  importe  plus 
que  vous  ne  sçauriez  croire,  quand  ce  ne  seroit  que  pour  ne  laisser 

'  Bibliollièquc  Barberiiii,  vol.  7y,  ii"  a 4. 


382  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631J 

paroistre  qu'il  y  ayt  du  mal  entendu  entre  vous  et  un  aultre  qui  a 
l'honneur  d'approcher  du  Gard"'  voslre  commun  patron  de  si  prez 
comme  il  faict,  Faictes  cela  ])Our  l'amour  de  moy,  Monsieur,  je  vous  en 
supplie  et  d'en  vouloir  croire  le  bon  P.  Dom  du  Puy  et  M'  de  Bon- 
naire  qui  pourra  traicter  vostre  entreveiie,  m'asseurant  que  vous  m'en 
sçaurez  bon  gré  quelque  jour,  et  que  le  temps  vous  fera  facilement 
regaigner  les  volontez  et  inclinations  de  celuy  que  vous  n'avez  pas  creu 
vostre  amy,  quand  ainsin  seroit  qu'il  ne  l'eust  pas  esté,  pour  peu  de 
tesmoignage  que  vous  donniez  de  l'estimer  en  quelque  façon.  A  quoy 
je  vous  tiens  obligé,  quelques  defTaults  (jue  vous  y  ayez  peu  trouver 
au  contraire,  puisque  vostre  commun  patron  monstre  d'en  faire  cas  en 
quelque  chose.  11  ne  vous  en  peult  revenir  que  du  bien,  car  quand  vous 
ne  lu  y  auriez  pas  regaigné  le  cœur  (comme  je  crois  pourtant  que  vous 
ferez'),  tousjours  l'empescheriez  vous  de  vous  oser  rendre  des  mau- 
vais offices  quand  il  le  pourroit.  Si  vous  luy  monstrez  seulement  quelque 
petit  eschantillon  de  vostre  estude  et  de  voz  observations,  vous  l'enga- 
gerez incontinant  à  tout  ce  que  vous  vouldrez.  11  est  bien  bon  aulcunes 
ioys  de  se  tenir  sur  ses  gardes,  et  de  ne  se  confier  pas  à  toute  sorte 
de  geuts,  mais  il  n'est  pas  bien  bon  aussy  de  laisser  recognoistre  de  la 
desfiance  et  de  la  froideur  avec  ceux  qui  nous  peuvent  nuyre,  et  vaull 
mieux  relascher  quelque  chose,  pourveu  que  l'advantage  nous  demeure 
de  faire  noz  afl'aires,  ce  que  pratiquent  les  Espagnols  aujourd'huy 
avec  tant  de  favorable  succez,  en  despit  de  Dieu  et  du  monde. 

C'est  une  raison  d'estat  qui  a  plus  de  lieu  aux  affaires  des  particu- 
liers qu'aux  publiques,  et  à  laquelle  on  a  plus  de  nécessité  de  songer 
au  lieu  oîi  vous  estes  qu'en  tout  aultre  du  monde.  C'est  pourquo\  vous 
me  debvez  excuser  si  je  m'en  mets  en  peine  pour  vostre  bien  dont  je 


'    G'ëtait    une   grande  illusion.   Suarez  conseils  du   plus   conciliant    des    homhties 

n'aima  jamais  HoUtenius,   qui  jamais  ne  (recueil  Eloissonade,  p.  aSg-aig).  HoUte- 

l'aima  non  plus,  et  tous  les  efforts  du  bon  nius  revient  encore  sur  ce  sujet  dans  l« 

Peiresc  échouèrent   contre   une   résistance  lettre  suivante  (p.  aiy-aoo).  Voir  surtout 

qui  fut  aussi  forte  d'un  côte  que  de  l'autre.  plus  loin  la  dernière  lettre  de   Peiresc  à 

Voir  la  réponse  de  Holstenius  aux  affectueux  Holstenius. 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  383 

suis  auitant  et  plus  jaloux  que  du  mien  propre.  Mons'  Naudé  vous 
pourra  dire  ce  que  je  luy  en  dicts  icy  avec  liberté,  de  vive  voix'.  Et  je 
crois  qu'il  en  esprouve  desjà  les  effects. 

M'  de  Marillac,  cy  devant  garde  des  sceaux  de  France,  deiïeroit  à 
Mk'  le  r^rd*'  de  Richelieu,  non  seulement  tout  ce  qui  s'estoit  faict 
aullresfoys  en  cas  pareil,  mais  beaucoup  davantage,  et  y  trouvoit  si 
bien  son  compte  qu'il  avoit  faict  son  frère  mareschal  de  France,  et  es- 
toit  en  estât  de  monter  tousjoiirs  plus  hault,  s'il  eust  eu  patiance  de 
continuer  tousjours  les  mesmes  defferances.  Mais  dez  qu'il  a  voulu  en- 
trer en  competance  et  marchander  tant  soit  peu,  on  ne  le  voulut  plus 
seconder,  de  quoy  il  s'apperceut  bien  tost,  et  pensant  chercher  aultre 
support,  se  vil  incontinant  ruiné  à  platte  couture  ^  Ceux  qui  approchent 
des  maistres  ont  quelque  participation  de  leurs  prérogatives,  qui  couvre 
tout  ce  qu'il  y  pourroit  avoir  à  redire,  et  se  prevallent  de  la  conduitte 
du  mesme  génie  qu'il  ne  faut  jamais  heurter  sans  extrême  et  inesvi- 
table  nécessité.  C'est  pourquoy  il  ne  fault  faire  aulcune  difficulté  de 
fleschir,  ne  se  lasser  jamais  de  les  honnorer  et  servir  si  on  peult,  car 
en  ce  faisant  on  oblige  encores  le  maistre  voulust  il  ou  non,  lequel 
recognoist  fost^u  tard  que  c'est  plus  pour  l'amour  de  luy  que  l'on  le 
faict  que  pour  lamour  de  l'aultre,  et  pour  suyvre  en  cela  son  juge- 
ment, puis  qu'il  en  a  voulu  faire  estime;  quand  ce  ne  seroit  qu'un 
chien,  un  cheval,  ou  aultre  animal  aymé  par  le  maistre,  on  ne  luy 
sçauroit  trop  faire  de  caresses,  à  plus  forte  raison  une  personne,  qui 
a  tousjours  quelque  chose  de  recommandable,  quand  ce  ne  seroit 
qu'une  bonne  volonté  d'apprendre.  Or  les  choses  estants  aujourd'huy 
arrivées  à  ce  poinct,  que  cet  homme  a  creu  qu'il  y  eust  en  vous 
quelque  aversion  pour  luy,  et  quelque  froideur,  puisque  vous  ne  luy 

'  Otiniid  Gabriel  Nandé,  se  rendant  de  lendemain  de  la  Journée  des  dupes  (i  i  no- 
Paris  k  Rome,  en  compagnie  du  cordinal  vemlire  i63o)  et  emprisonnt'  à  Caen,  d'où 
deBagni,  s'arrêta  chez  l'eiresc  à  ikigentier.  on  le  Iransft'ra  d'abord  h  Lisieux,  ensuite  à 
Voirie  fascicule  Xlll  des  Correspondants  de  Ghâteaudun,  ville  où  il  ailuihuourir  quelques 
Peiresc  ,  p.  a.  mois  après  (7  août  1 63a  ).  Peiresc  avait  donc 

'  Michel  de  Marillac  avait  été  destitué  le  bien  raison  de  le  montrer  rMiWà/>/(i<«cou(Hr«. 


38A  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

communiquiez  rien  de  voz  curiositez,  il  fault  de  nécessité  luy  guarir 
celte  opinion,  par  quelque  petite  ])rotestalion  contraire,  et  quelque 
petite  commmunication  de  choses  que  vous  puissiez  juger  de  son  goust 
comme  il  vous  sera  trez  facile,  et  vous  ne  sçauriez  croire  le  bien  qui 
vous  en  peut  revenir;  de  ce  que  si  vous  le  négligiez  maintenant,  vous 
en  feriez  une  ofTance  toute  formelle,  et  possible  un  ennemy  juré,  que 
la  passion  pourroit  emporter  à  des  mauvais  offices  tout  ouvertement, 
ce  qui  se  doibf  prévenir  et  esviter  sur  toutes  choses,  par  ce  qu'on  en 
vient  aulcunes  foys  par  les  justes  ressentiments  de  deffance  ou  de  re- 
vanche à  de  telles  extremitez  que  le  maistre  est  constrainct  de  les 
séparer,  et  se  priver  de  l'un,  à  quoy  il  n'est  pas  bon  de  réduire  son 
maistre  quand  on  le  peult  esviter.  Excusez  je  vous  supplie  cette  mienne 
liberté,  et  ne  l'imputez  qu'à  la  dévotion  que  je  vous  porte,  et  au  désir 
que  j'aurois  de  vous  servir  tous  deux  si  je  pouvois,  comme  ayant  bien 
de  l'obligation  à  tous  les  deux,  sans  préjudice  toutefoys  de  la  prédilec- 
tion qui  est  toute  de  voslre  costé  comme  c'est  la  raison  et  le  devoir 
principal.  Mais  les  grandes  obligations  que  je  vous  ay  ne  peuvent  pas 
empescher  que  je  ne  recognoisse  par  mesme  moyen  les  aultres  biens 
quoyque  beaucoup  moindres  que  je  luy  puis  avoir  à  luy.  C'est  pourquoy 
vous  ne  dehvez  pas  trouver  mauvais  que  sans  diminution  du  service  que 
je  vous  doibs  à  vous,  je  tasche  comme  je  faicts  de  le  servir  luy  aussy  à 
proportion  de  ce  qu'il  peult  avoir  mérité  envers  moy,  mais  principale- 
ment pour  la  considération  de  son  maistre,  et  de  la  part  qu'il  a  en  ses 
bonnes  grâces.  Sans  m'enquerir  à  quel  filtre  il  les  a  acquises  et  les  con- 
serve encores.  Voire  quand  il  les  auroit  perdues,  j'aurois  peine  de 
despouiller  mon  inclination  une  foys  conceiie  de  l'honnorer  et  servir, 
pour  ne  faire  ce  tort  au  choix  que  le  maistre  en  pouvoit  avoir  faict  une 
foys,  et  au  mien  propre.  Ce  que  j'ay  aultre  foys  practiqué  en  la  per- 
sonne d'un  personnage  vertueux  que  j'avois  fort  aymé,  nommé  Honoré 
Gaultier,  prieur  de  la  Valette,  né  mon  vassal  en  ma  terre  de  Rians',  de 

:'  S'agit-iHà  de  (juelque  parent  de  JoHcph  Gaultier  lui-même,  qui  recevrait  ici  par 
Gaultier,  aussi  prieur  de  la  Valette,  et  né  inadvertance  un  prénom  différent  du  sien? 
aussi  dans  la  terre  de  Rians?  ou  de  Joseph        Quoi  qu'il  en  soit,  ce  que  l'on  sait  du  mathé- 


[1631]  À  HOLSTENIUS.  385 

qui  je  receus  de  trez  mauvais  offices  tout  ouvertement  et  à  grand  tort, 
et  neantmoings  je  ne  luy  eu  rendis  jamais  la  pareille,  et  bien  qu'il  s'es- 
loignast  de  moy  tant  qu'il  pouvoit  par  remors  de  consciance,  ne  croyant 
pas  que  je  luy  peusse  pardonner  ses  offances,  je  ne  laissay  pourtant  d« 
l'honnorer  tousjours  tant  que  je  peus  et  de  le  servir  voulust  il  ou  non, 
en  sorte  qu'il  fut  eu  fin  constraint  de  revenir  à  son  debvoir,  et  je  faicts 
encores  grand  capital  de  son  amitié,  et  encores  plus  de  son  bel  esprit', 
et  de  ce  qu'il  y  a  de  louable  en  luy,  ne  me  voulant  souvenir  en  façon 
du  monde  de  ce  qu'il  y  a  eu  d'inhumain,  ou  de  brutal,  pour  luy  don- 
ner un  nom  plus  convenable,  à  l'action  dont  j'avois  à  me  plaindre,  de 
([uoy  je  suis  demeuré  grandement  consolé  et  satisfaict  en  moy  mesmes. 
Ce  que  je  vous  ay  voulu  desduire  ainsin  au  long  afin  que  vous  ne  me 
puissiez  pas  reprocher  que  je  vous  conseille  des  choses  que  je  n'aye 
pas  prattiqué,  car  je  suis  homme  comme  un  aultre,  humani  a  me  nil 
alienum  puto'-.  Mais  on  se  resoult  quand  on  veult  à  des  choses  bien 
plus  difficiles  que  tout  cela,  et  principalement  quant  on  a  tant  gouslé 
et  pénétré  celte  ancienne  philosophie  que  vous  avez  tant  admirée  aux 
saincts  Perjss,  aussy  bien  qu'en  ses  autheurs*.  Je  ne  pense  pas  qu'il 
y  ayt  de  répugnance  humaine  qui  ne  soit  vaincue  aussy  tost  qu'on  y 
a  pensé.  Promettez  moy  je  vous  supplie  d'en  tirer  cet  essay  à  ce  coup 
de  vostre  bonté,  et  de  vouloir  oublier  pour  l'honneur  de  Dieu  et 
pour  l'amour  d'un  vostre  fidèle  serviteur  et  franc  amy  tout  le  mauvais 
traictement  que  vous  pourriez  avoir  receu  de  cet  homme,  et  de  vouloir 
entreprendre  de  l'obliger  à  l'advenir  comme  vous  pouvez,  voulust  il  ou 
non.  Que  si  vous  avez  envie  de  l'en  punir,  vous  le  ferez  plus  sensible- 
ment mille  foys  de  cette  sorte  là,  et  luy  donnerez  plus  de  mortification 

maticien  et  nstronome  par  les  révélations  de  '  On  a  reconnu  la  fameuse  citation  de 

Peiresc  (  voir  dans  notre  tome  IV  les  Lettres  ïérence  (Heautontimorumenos ,  acte  I ,  scène  i . 

rt  GrtssenA)  prouve  que  si  les  Gaultier  étaient  vers  95)  :  irHomo  sum;  humani  nihil  a  me 

vertueux,  ils  étaient  encore  plus  bizarres.  alienum  puto.» 

'  Le  bel  esprit  désigne-t-il  l'iiomme  si  '  Allusion  à  ce  que  Holsleniiis  avait  écrit 

distingué  qui  brilla  également  comme  sa-  h  Peiresc  (recueil  de  Boissonade,  p.  aa'i): 

vant  et  comme  administrateur  du  diocèse  trAdmodum  adluic  adolesccns  Platonicœphi- 

d'Aix  sous  trois  archevêques  successifs?  losophiœgiistumaliquem  liaurirecœpi.elc.i 

IVFItlIlItlS    SATIOKAte. 


386  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

et  de  remors  de  consciance  en  l'obligeant  et  faisant  cognoistre  à  un 
chascun  vostre  dessein  de  l'obliger,  que  si  vous  luy  faisiez  du  mal 
dont  il  pourroit  avoir  moyen  de  se  vanger.  Je  me  promets  que  vous 
ne  me  vouldrez  pas  esconduire  de  cette  supplication  trcz  humble  que 
je  vous  faicts  pour  l'amour  de  vous  mesmes  et  de  celuy  que  vous  avez 
choisy  pour  vostre  patron,  et  que  vous  m'en  excuserez  comme  je  vous 
en  supplie  et  conjure  de  tout  mon  cœur,  m'asseurant  que  le  bon  Dom 
du  Puy  et  M'  de  Bonnaire  vous  feront  la  mesme  prière  en  plus  forts 
termes  que  moy  et  que  vous  vous  laisrez  vaincre  à  eux  et  vous  porte- 
rez encores  plus  avant  que  nous  ne  vous  sçaurions  demander,  et  à  cet 
effect,  je  vous  supplie  de  leur  communiquer  à  tous  deux  cette  mienne 
lettre,  pour  leur  en  mettre  le  marché  à  la  main  tant  plus  librement,  et 
en  cette  confiance  je  demeureray, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obeyssant  serviteur, 
DE  Peiresg. 

A  Boysgency,  ce  a  octobre  i63i. 

Je  vous  recommande  de  tout  mon  cœur  M'  d'Arène  qui  vous  rendra 
la  présente,  mon  intime  amy  ^ 


XXXVII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 

Depuis  celles  que  je  vous  escripvis  dernièrement  par  la  voye  de 

Marseille,  sur  l'advis  qui  me  fut  donné  que  la  malle  du  sieur  Menes- 

trier  avoit  esté  peschée  et  voilée  entre  les  pescheurs,  qui  estoient  tous 

gens  de  gallere  *,  j'en  envoyay  faire  plainte  à  Monsieur  le  General  des 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  Peiresc  qu'il  avait  confié  des  lettres  pour  lui 

11°  36.  à  Menestrier  :  irQuod  quominus  œgrc  feratn 

'  Holstenius  (lettre  du  i  octobre  1689,  Daufragium  fecit,   quo  roeee  etiam   iiterae 

p.  287  du  recueil  de  Boissonade)  annonce  à  haud  dubio  periissenl.  » 


[1632]  À  HOLSTENIUS.  387 

gaileres,  lequel  en  feit  mettre  deux  à  la  chaisne,  qui  rendirent  leurs 
portions  de  ce  vol,  n'ayant  point  esté  possible  de  rien  retirer  des 
aultres,  mais  entre  ce  qui  fut  rendu  par  cette  canaille,  s'est  trouvée 
de  bonne  fortune  ceste  médaille  de  la  ville  de  Sardes,  dont  je  croiois 
que  vous  eussiez  pris  mémoire,  mais  d'aultant  que  j'ay  appris  depuis 
dudicl  sieur  Menestrier  que  vous  ne  l'aviez  veiie  qu'en  passant,  et 
qu'il  s'estoit  chargé  de  vous  eu  envoyer  luy  mesme  l'inscription  (at- 
tendu qu'il  ne  l'avoit  recouvrée  que  sur  le  point  de  son  parlement  et 
aprez  avoir  enfermé  tout  son  cabinet  et  aultres  bardes  qu'il  laissoit  de 
pardeià,  qui  fut  la  cause  qu'il  la  voulut  emporter  quant  et  luy),  je 
n'ay  pas  deub  manquer  de  vous  en  envoyer  l'inscription  puisque  le 
s'  Menestrier  m'a  laissé  la  médaille,  oit.  il  m'a  semblé  de  pouvoir  lisre 
du  costé  de  ceste  teste  de  femme  voilée  que  vous  y  avez  veu  MHTPO- 
riOAIG  .  GAPAIC  .  ACIAC  .  ATAIAC  .  EAAAAOG  .  A .  Et  au  revers  A 
l'entour  de  ce  ravissement  de  Proserpine  Eni.COTA.EPMOOIAOT. 
A.APX.  Et  par  dessoubz  CAPAIANiiN  .B.NEOKOPftlN .  La  ques- 
tion est  de  pouvoir  déterminer  le  temps  que  ceste  médaille  a  esté  coi- 
gnée,  puisqu'il  ne  s'y  voit  point  de  nom  d'empereur,  car  oultre  qu'il  se 
cognoistbiea  à  la  manière,  qu'elle  n'est  pas  si  antique  qu'on  la  puisse 
prendre  pour  estre  du  temps  de  la  liberté  de  la  Grèce,  auparavant 
l'empire  Romain,  le  nombre  qui  y  est  cotté  de  la  seconde  restauration 
dç  ceste  ville  empesche  d'en  pouvoir  reculer  l'antiquité  plus  hault  que 
du  temps  de  Garacalla,  soubz  lequel  plusieurs  médailles  ont  esté  bat- 
tues en  la  mesme  ville,  comme  du  temps  de  sa  première  restauration. 
Or  Adolphus  Occo  faict  mention  d'une  médaille  de  Gordian  troisiesme 
battue  en  la  mesme  ville  soubz  un  Julius  Sulpitius  Hermophilus,  qui 
pourroit  bien  estre  le  mesme  qui  se  trouve  nommé  dans  la  médaille 
dont  est  question.  Et  le  mesme  autbeur  en  adjouste  encores  une  de 
l'empereur  Pbilippe  battue  en  la  mesme  ville  avec  un  Hercule  trais- 
nant  le  Cerbère  sans  aulcune  expression  de  la  qualité  ou  dignité  de 
métropole.  Ce  qui  me  iaict  conjecturer  que  la  susdicte  médaille  de  Gor- 
dian et  celle  dont  est  question  pourroient  bien  estre  battues  toutes 
deux  en  une  mesme  année  sous  la  hiérarchie  de  ce  mesme  Sulpitius 

49- 


388  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Hermophilus  tant  sur  la  fin  de  l'empire  de  Gordian  qu'au  commence- 
ment de  l'empire  de  Philippe  qui  lui  succéda  immédiatement.  Lequel 
revenant  d'Orient  et  passant  par  l'Asie  Mineure,  pourroit  bien  avoir 
conféré  à  ceste  ville  de  Sardes  la  prérogative  de  métropole,  dont  est 
faicte  mention  en  ceste  médaille,  avant  que  la  première  année  de  la 
hiérarchie  d'Hcrmophilus  fust  expirée.  Laquelle  conjecture  semble  se 
pouvoir  encores  aulcunement  fortiflier  par  la  physionomie  et  ressem- 
blance de  ce  visage  de  femme  qui  est  mis  en  ceste  médaille  pour  repré- 
senter celluy  de  la  statue,  figure,  ou  génie  de  la  ville  de  Sardes,  lequel 
ressemble  entièrement  l'impératrice,  Marcia  Otlacilia  Severa,  femme 
dudict  empereur  Philippe,  estant  certain  et  veriffié  par  une  infinité  de 
pareilz  exemples,  que  les  images  des  Dieux  et  Déesses,  qui  se  forgeoient 
pendant  l'Empire,  avoient  tousjours  je  ne  sçay  quelz  Iraictz  de  ressem- 
blance avec  le  visage  de  l'Empereur,  qui  estoit  lors  régnant,  ou  de  sa 
femme,  tant  estoit  grande  l'adulation  de  cez  peuples,  qui  affecloient 
par  ce  moyen  de  faire  paroislre  leurs  Princes,  pareniz  des  Dieux,  et 
leurs  Dieux  et  déesses  semblables  à  leurs  Princes  et  Princesses.  Ce 
que  j'ay  veu  practiqué  particulièrement  aux  médailles  de  l'Orient,  et 
surtout  en  celles  de  la  ville  d'Anlioche,  dans  lesquelles  le  visage  du 
génie  de  ladicte  ville  ressemble  parfaictement,  tantost  Néron,  tantost 
Vespasien,  tantost  Adrian,  et  tantost  d'aultres  princes  avec  l'Empire 
desquelz  concourt  le  nombre  des  années  de  l'aire  (sic),  ou  supputation 
Antiochene,  dont  je  vous  pourray  un  jour  envoyer  des  empreintes,  si 
vous  en  doubtez,  et  si  vous  voulez  voir  la  vérification.  Que  si  vous 
trouvez  d'aultres  difiicultez  à  ceste  conjecture  vous  me  ferez  grand 
plaisir  de  me  les  mander,  et  je  m'en  rapportcray  tousjours  tiez  vo- 
lontiers à  voz  bons  advis.  Je  n'ay  pas  icy  maintenant  mes  livres  et  par- 
ticulièrement les  notices  des  églises  d'Orient  pourvoir  quelles  estoient 
les  deppendances  et  le  ressort  de  la  ville  de  Sardes.  Mais  il  me 
semble  d'avoir  veu  quelques  médailles  de  Yalerian  ou  de  Gallien, 
battues  en  la  mesme  ville,  soubz  le  gouvernement  d'un  certain  parti- 
culier dont  j'ay  oublié  le  nom.  Bien  me  souvient  il  qu'il  prenoit  la 
qualité  d'Asiarque,  ne  me  pouvant  pas  ressouvenir  si  la  ville  estoit 


[163-2]  À  HOLSTENIUS.  389 

qualifliée  métropole  ou  non.  Il  est  vray  que  cez  dignitez  et  préroga- 
tives ont  esté  souvent  transférées  de  lieu  à  aullre  ou  communiquées  à 
des  villes  que  l'on  soubztrayoit  par  ce  moyen  de  la  deppendance  des 
aultres,  selon  l'arbitrage  des  princes,  comme  les  papes  font  aujour- 
d'huy  des  archevesques  et  primatz  telz  que  bon  leur  semble,  sur  quoy 
vous  me  pourrez  dire  sans  doubte  de  meilleures  choses  que  nous  ne 
sçaurions  avoir  de  toute  autre  part,  et  m'obligerez  infiniement  de  m'en 
escripre  vostre  advis  à  vostre  commodité,  et  encores  plus  de  me  com- 
mander plus  librement  que  vous  ne  faictes  et  de  me  traict^r  en  ce 
faisant. 

Monsieur,  comme 

vostre  trez  bumble  et  Irez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
De  Boisgeucy,  ce  xi'  aoust  i63-j  '. 


XXXVIII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Depuis  celle  que  je  vous  escrivis  par  le  dernier  ordinaire  i  ayant 
inesperement  trouvé  un  jour  le  moyen  de  desrober  et  employer  ime 
coupple  d'heures  dans  mon  estudc,  ce  que  je  n'avois  encores  peu  faire 
depuis  mon  retour  à  la  ville,  je  voulus  voir  ce  que  le  Marcellus  V.  1. 
ex  magu.  olFicior.  Theodosii  sen.  avoit  inséré  en  teste  de  son  libvre  de 
Medicamenlis  concernant  les  poids  et  les  mesures  des  anciens,  tant  se- 
lon les  usages  et  supputations  des  Latins  et  particulièrement  du  Pline, 
que  des  Grecs  :  dont  il  a  affecté  d'en  rapporter  le  desnombrement  en 
leur  propre  langue,  oultre  sa  traduction  latine  de  ce  qu'il  en  avoit 
tiré  d'Hippocrate.  Ce  qui  m'a  fourny  tout  |)lein  de  bonne  matière  pour 

'  Bibliothèque  Barlierini,  vol.  79,  ]>it!ce  n°  87  (avec  simple  signature).  C'est  dans  la 
lettre  XXXIX,  p.  aiy,  qu'il  fat  rapidement  ri'pondu  par  Holstenius  à  la  question  sur  la 
luddaillc  de  la  ville  de  Sardes. 


390  LETTRES  DE  PEIllESC  [1632] 

m'exercer  en  l'examen  et  reclierche  de  cez  belles  curiosilez,  et  m'a 
faict  souhaicter  avec  grande  passion  la  rencontre  de  quelque  vieux 
MS.  de  cet  autheur  pour  me  bien  asseurer  de  ses  primitives  inten- 
tions, ce  que  nous  en  a  communiqué  le  bonhomme  Janus  Cornarius' 
de  son  MS.  se  trouvant  un  peu  mal  correct  à  mon  advis,  pour  s'y 
arrester  absolument.  C'est  pourquoy  je  vouldroys  bien  que  s'il  s'en 
trouvoil  là  quelques  autres  exemplaires  soit  dans  la  Vaticane,  ou  dans 
les  autres  Bibliothèques  visibles,  il  vous  pleust  de  m'en  extraire  (prout 
jacet  dans  les  originaulx)  tout  ce  peu  qu'il  y  a  sur  ce  subject  qui  ne 
consiste  qu'en  deux  pages  d'un  feuillet  à  peu  prez,  afin  que  je  peusse 
y  asseoir  mes  petites  conjectures  et  conceptions  avec  moings  de  scru- 
pule ou  de  regret  que  je  ne  puis  faire  sur  cette  seule  édition  de  Cor- 
narus  de  l'an  i536,  à  Basle  in-fol"  par  Froben^.  Surtout  je  desirerois 
avoir  de  vostre  main  au  moings  les  trois  ou  quattre  lignes  qui  con- 
cernent les  troys  sortes  de  mesures  qu'il  veult  distinguer  par  les  noms 
de  Olyscion,  Cotylos,  et  Cotylus  triunciarius,  et  plus  bas  concernant 
son  Cyathus  qu'il  veult  estre  la  huictiesme  du  sestier,  et  la  cueiller 
qu'il  restrainct  à  une  demy  dragme,  aussy  bien  que  la  cheme  à  une 
seule  dragme,  ou  à  trois  scrupules,  tant  au  texte  grec  qu'en  sa  version 
latine,  d'où  j'estime  qu'il  se  puisse  tirer  des  notices  irez  rares  s'il  y  a 
moyen  de  restaurer  en  son  entier  les  vrayes  paroles  de  l'autheur  tant 
grecques  que  latines,  et  en  exclurre  toutes  erreurs  ou  équivoques  des 
coppistes.  Estimant  que  ce  GOTYLVS  TRIVNGIARIVS  soit  asseure- 
ment  ce  vase  dont  je  vous  avoys  prié  de  rechercher  le  propre  nom, 
qui  contient  de  la  liqueur  correspondante  au  poids  des  troys  onces  ou 
des  xxui  dragmes  sur  quoy  les  anciens  avoient  réglé  la  contenance  du 
cyathe  au  poids  de  dix  dragmes,  contenant  par  ce  moyen  deux  cyathes 

'  Dans  toute  la  partie  qui  subsiste  de  la  einpiricis,  physicis  ac  rationalibus  liber  ante 

correspondance  de  L.  Holstenius  avec  Pei-  mille  ae  ducentos  plus  minus  annos  scriptus , 

resc,  il  n'est  nulle  pari  question  du  ma-  jam  primum  in  lucem  emerffeiis  et  suœ  inte- 

nuscrit  de  Marcellus.  Encore  donc  une  lettre  gritali  plerisque  locis  restitulus,  per  Janum 

perdue!  Comarium    medicum  physicvm    Northusen. 

'  Marcelli  viri  illustrii,  de  medicamentis  {M\e ,  ex  ojiciua  Frobeniana ,  i536,  in-fol.) 


[1632]  À  H0LSTENIU5.  •  391 

et  quattre  dragraes  qui  est  six  dragmes  moings  que  le  quartarius  des 
troys  cyathes  entiers,  et  quattre  dragmes  de  plus  que  le  sextans  mensu- 
ral,  ou  le  double  cyalhe,  ou  plustost  que  le  tiers  de  l'hemine  ordi- 
naire, auquel  tiers  neantmoings  il  sembloit  que  cet  autheur  le  vou- 
lusse restraindre.  C'est  pourquoy-il  fault  tascher  de  s'asseurer  s'il  n'y  a 
poinct  de  faulte,  et  de  diverse  leçon  eu  quelque  aultre  MS.  concer- 
nant ce  tiers,  car  s'il  y  a  de  l'équivoque  ou  de  la  faulte,  il  semble 
qu'elle  doibve  estre  plus  tost  on  ce  mot  là  qu'au  reste  puisque  le  mot 
triunciarius  semble  estre  moings  susceptible  d'altération  ou  de  rapport 
à  aulcun  supplément  qui  y  puisse  manquer,  comme  en  l'aultre  chef  il 
pourroit  manquer  au  texte  la  mention  du  nombre  de  quattre  dragmes 
oultre  le  tiers  de  l'hemine,  pour  l'accomplissement  des  trois  onces.  Que 
si  dans  les  MSS.  il  ne  se  trouve  constamment  rien  de  plus  ou  de 
moings  qui  puisse  favoriser  la  conjecture  de  ce  supplément,  il  fauldra 
examiner  si  l'autheur  n'a  poinct  voulu  parler  de  l'hemine  des  Grecs 
plus  tost  que  de  la  romaine,  laquelle  cstoit  sans  double  plus  grosse 
que  la  romaine,  et  selon  ce  mesme  autheur  icy  la  dilFerance  n'estoit 
pas  moindre  d'un  tiers  de  la  petite  ou  d'un  quart  de  la  grosse  par  des- 
sus la  contenance  de  la  romaine,  selon  la  supputation  greque  qu'il 
en  faict  aux  articles  tant  du  EÉGTHG  que  de  la  KOïTAH,  italique, 
alexandrine  et  greque.  Auquel  cas  le  tiers  de  l'hemine  conliendroit 
non  seulement  les  deux  cyathes  du  tiers  de  la  cotyle  romaine,  mais 
six  dragmes  et  |  de  plus,  en  quoy  il  excederoit  les  troys  onces  de  deux 
dragmes  et  j.  Ce  qui  approche  bien  en  quelque  façon  du  calcul  du 
précédant  article  de  la  mesure  que  c'est  [sic)  autheur  nomme  COTY- 
LOS  sans  adjouster  l'epithete  taxative  de  TRIVNCIARIVS,  quMid  il 
luy  faict  contenir  deux  cyathes  et  six  cueillers,  car  en  ce  qu'il  luy 
faict  comprendre  quattre  onces,  il  y  a  de  l'incompatibilité,  d'aultant 
que  si  cela  estoit,  sa  contenance  scroit  non  de  deux  cyathes  et  six  cueil- 
lers comme  il  l'explique,  ains  de  troys  cyathes  entiers  et  de  deux 
dragmes,  ce  qui  me  faict  doubler  que  ces  doux  articles  n'appartiennent 
à  une  seule  sorte  de  mesure  appellée  COTYLOS,  ou  COTYLVS 
TRIVNCIARIVS  de  la  vrave  contenance  de  deux  cyathes  et  quattre 


392  LETTRES  DE  PEiRESC  [1632] 

dragmes  qui  font  les  Iroys  onces,  et  que  ce  qu'on  a  adjouslé  du  tiers 
de  l'hemine  se  doibve  rapporter  à  ce  qu'il  en  approche  de  si  prez  que 
l'excez  de  deux  dragmes  et  j  n'en  semble  pas  considérable.  Je  sçay  bien 
que  d'aultres  ont  voulu  croire  que  la  dillerance  des  Fnesures  de  la  co- 
lyle  grecque  à  la  romaine  ne  fusse  pas  de  plus  d'une  neufviesme  por- 
tion, nomplus  que  la  proportion  de  l'huille  au  vin,  auquel  cas  il  s'en 
lauldroit  quasi  deux  dragmes  sur  le  tiers  de  l'hemine,  que  les  trois 
onces  n'y  fussent  entières.  Mais  j'estime  que  l'opinion  de  ceux  là  n'aye 
pas  des  fondements  bien  recepvables  et  admissibles.  C'est  pourquoy  il 
fault  recourir  ailleurs  et  examiner  si  ce  n'est  pas  pour  cela  que  cet 
autheur  faict  son  cyatbe  non  pas  la  xn""  du  sestier  ou  la  sixsiesme  de 
l'hemine  comme  les  Romains,  ains  la  huictiesme  du  sestier,  qui  seroit 
toUerable  si  le  mot  de  sestier  est  employé  abusivement  pour  l'hemine, 
ou  pour  le  mot  du  DEMY  SESTIEU,  car  en  ce  cas  cette  huictiesme 
portion  de  l'hemine  reviendroit  à  la  juste  mesure  de  l'hemine  romaine 
augmentée  d'un  tiers  d'icelle,  ou  d'un  quart  du  total  assemblé,  tout  de 
mesmcs  qu'aux  aultres  supputations  greques  de  la  contenance  des  dif- 
férantes sortes  de  sestier  et  d'hemine  tant  des  Grecs  que  des  Romains 
et  Alexandrins.  Ce  qui  a  bien  besoing  d'estre  esclaircy  aussy  bien  que- 
ce  qu'il  adjouste  de  la  portion  dixiesme  eu  esgard  au  poids  des  dragmes 
au  lieu  que  tous  les  aultres  autheurs,  et  luy  mesmes  de  l'authorité  do 
Pline,  reduict  le  cyathe  au  poids  de  x  dragmes,  lequel  il  augmente 
neantmoings  tout  à  la  fin  de  ses  supputations  grecques  jusques  au  poids 
de  xu  dragmes  pour  la  contenance  de  l'huille,  et  de  quattre  scrupules 
de  plus  pour  celle  du  vin.  en  quoy  il  ne  s'accorde  à  guieres  d'aultres 
que  je  sçaiche.  Enfin  cela  a  grand  besoin  d'estre  exactement  esplusché 
par  vous,  par  la  collation  des  MSS.  non  seulement  de  cet  autheur  s  il 
s'en  trouve,  mais  aussy  des  aultres  anciens  qui  ont  traicté  la  mesme 
matière,  et  particulièrement  des  MSS.  du  Galien,  et  du  Cleopatras  et 
aultres  qui  ont  faict  mention  du  META  MTCTRON,  reduict  à  la  mesme 
contenance  des  troys  onces,  qui  est  fort  vraysemblable,  puisque  le 
moindre  mystrum  est  restrainct  aux  six  dragmes,  qui  est  justement  le 
quart  des  troys  onces.  Mais  il  ne  fault  pas  oublier  de  bien  examiner  par 


|1032|  À  HOLSTENIUS.  393 

mesnio  moyen  sui'  lesdicls  MSS.  ce  qu'il  y  peult  avoir  sur  les  articles 
de  la  clieme  restraincte  à  la  drafjme,  et  principalement  du  cochlear 
retrainct  (stc)  à  la  demy  dragme,  ce  qui  feroil  bien  cesser  les  aultres 
questions  que  je  vous  avoys  faictes  aultres  foys  sur  le  passage  du  Fan- 
nius,  et  méritera  bien  une  disquisition  plus  particulière.  Sur  quoy  at- 
tendant qu'il  vous  plaise  me  faire  un  jour  entendre  voz  sentiments, 
aprez  vous  avoir  réitéré  les  asseurances  de  mon  trez  bumble  et  fidèle 
semcc,je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a  dec.  1689. 

Si  Monsieur  de  Fontenay  Bouchard  est  revenu  de  Naples  il  s'em- 
ployera  volontiers  pour  l'amour  de  moy  à  la  recherche  et  collation  de 
cez  MSS.  de  Ponderibus  et  Mensuris,  si  vous  luy  voulez  communiquer 
cotte  mienne  lettre  comme  je  vous  en  [)rie  '. 


XXXIX 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Jenvoye  à  Me"^  l'Ein""'  Gard"'  Barborin  deux  volumes  d'observations 
du  s""  Samuel  Petit,  dont  plusieurs  regardent  la  chronologie  ancieiuie 
où  vous  pourriez  bien  en  rencontrer  quoiqu'une  de  vostre  goust.  Il  y  en 
a  deux  aultres  de  Pliilippus  Lansbergius'^  dont  l'un  de  l'uranometrie 
a  esté  bien  estimé  généralement,  mais  nous  avons  icy  un  Provençal 
nommé  Joseph  Gaulthier^,  grand  astronome,  qui  y  a  trouvé  quasi  aul- 

'  Bibliothèque  Barberini.  vol.  70,  pièce  note  2),  ouire  Gassendi,  les  Jugemens  des 

n"  33.  savant  d'Adrien  Baillet  (t.  VII.  p.  166)  el 

'  Sur  Van  linnsborfjlio,  déjà  souvent  inen-  les  Mémoires  de  Paquet, 

tionné  par  Peiresc,  Boissonade  cite  (  p.  aSi ,  ^  On  voit  qu'ici  Peiresc  donne  au  r grand 


00 


394  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632J 

tant  à  redire  comme  luy  en  a  voit  trouvé  sur  Kepler,  Tychon,  Goper- 
niciisi,  et  sur  le  Ptoleraée  encor,  dont  il  a  fort  heureusement  rencontré 
le  supplément  nécessaire  pour  accomplir  ses  démonstrations  comme 
plusieurs  aultres  grands  secrets  de  l'astronomie.  J'ay  donc  prié  S.  Em" 
de  vous  l'aire  voir  lesdicts  livres  \  et  l'ay  par  mesme  moyen  suppliée 
d'agréer  que  nous  puissions  faire  voir  à  ce  personage  et  aultres  curieux 
de  par  deçà  quelque  dessein  bien  exactement  faict,  ou  quelque  mo- 
delle  de  son  scaphium  antique,  dont  nous  n'avons  pas  sçeu  recognoistre 
l'usage  sur  le  griffonement  que  le  s'  Menestrier  m'en  apporta  l'esté 
passé,  à  quoy  je  vous  supplie  de  vouloir  contribuer  aussy  de  vostre 
part  ce  que  vous  pourrez,  vous  asseurant  que  nous  y  contribuerons 
toute  la  correspondance  qui  pourra  dépendre  de  nous.  Depuis  les  der- 
nières depesches  que  je  vous  avoys  faictes  de  Boysgency,  il  m'a  fallu 
revenir  à  la  ville,  et  y  ay  heureusement  rencontré  une  pièce  antique, 
en  laquelle  j'ay  trouvé  de  quoy  suppléer  tout  ce  qui  manquoit  à  ma 
pille  pour  les  mesures  qui  estoient  moindres,  et  au  dessoubs  de  la 
cueiller  ou  ligula.  Car  j'y  ay  trouvé  la  mesme  cyane  et  la  mesme 
cueiller  de  ma  pile,  et  de  plus  la  demy  cueiller,  le  quart,  et  la  vingt- 
quattriesme  portion  de  la  ligula,  qui  peuvent  respondre  aux  propor- • 
tions  et  subdivisions  des  poids  qui  sont  depuis  lesextans  et  l'once,  à  la 
demy  once,  au  sicilicus  ou  quart  de  l'once,  et  au  scrupule  ou  xxini'' 
de  l'once.  Et  j'ay  en  mesme  temps  trouvé  afforce  petites  cueillers  et 
aultres  pièces  détachées,  qui  respondent  aux  mesmes  mesures  et  pro- 
portions, entre  lesquelles  s'en  trouve  de  plus  d'une  sorte  qui  faict  la 


astronome  1  son  téritable  prénom  et  que  ce 
n'est  donc  |)as  probablement  de  ce  Gaultier 
qu'il  s'agissait  dans  la  lettre  où  Peiresc  men- 
tionne le  mauvais  caractère  de  son  vassal  et 
se  réjouit  d'avoir  enfin  apprivois*^  ce  sauvage 
bel  esprit. 

'  Holsteuius  (lettre  XL,  p.  204)  dit  : 
T  Vidi  Guallerii  Observationes  ad  Lansbergii 
Uranometriam  et  quantum  potui  eminen- 
tissimo  cardinali  nostro  commendavi.  Ibi  tum 


uliiissima  se  obtulit  occasio,  ut  de  ejusdem 
Lansbergii  libro  de  Motu  terra»  agerem.» 
Holstenius  parie  ensuite  du  divin  ouvrage  de 
Galilée  [divinum  illiid  Galilœi  opus),  de  sa 
captivité;  il  lou,e  l'excellent  vieillard  {opti- 
mum senem),  il  déclare  que  nul  ne  voit  sans 
indignation  ce  qui  se  passe  ;  il  ajoute  qu'on 
attribue  toute  cette  tempête  à  la  baine  ja- 
louse d'un  moine,  offensé  de  ce  que  Galilée 
est  proclamé  le  prince  des  mathémalicieDS. 


[1632]  À  HOLSTENIUS.  395 

liuictiesme  portion  de  la  cueiller,  el  qui  peult  respoadre  à  la  dragnie 
ou  à  la  huictiesmo  partie  du  poids  de  l'ouce,  pour  accomplir  les  assor- 
timents des  mesures  à  la  grecque,  puis  qu'elle  se  trouve  obmise  dans 
l'assortiment  des  Romains.  De  quoy  j'ay  creu  vous  deLvoir  donner  ad- 
vis  au  cas  qu'ayez  voulu  examiner  le  faict  des  mesures  antiques  en  tra- 
duisant le  MS.  d'Héron',  en  suittc  de  la  prière  que  je  vous  en  avois 
taicte.  Il  y  a  longtemps  que  je  suis  affamé  de  vos  nouvelles  et  me  pro- 
mets que  M""  d'Arène  nous  en  apportera  sans  doubte  comme  M"'  le  Ca- 
valier del  Pozzo  et  M'  Suarez  me  promettent  par  cette  voye  là  afforce 
desseins  de  bas  reliefs  antiques  parniy  lesquels  ils  me  promettent  ai- 
force  trépieds,  et  particulièrement  tout  ce  qui  est  peint  aux  environs 
de  celuv  du  mosaïque  de  S'  Antoine  que  nous  attendrons  en  bonne 
dévotion.  Et  qu'il  vous  plaise  nous  lioimorer  de  vos  consmandements 
aussy  bien  que  de  la  continuation  de  vostre  amititi,  comme. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteui-, 
DE  Peiresc. 
A  Aix.  ce  2  2  oclohre  t63a. 

Monsieur  Suarès  s'est  plaint  à  mon  frère  de  ce  que  vous  ne  luy  aviez 
rien  communiqué  de  ce  que  je  vous  avoys  mandé,  sur  1«  trépied  de 
S'  Antoine  dont  il  ra'avoit  envoyé  le  premier  dessein,  encores  que  je 
vous  eusse  supplié  de  le  faire  et  que  mon  frère  luy  eusse  mandé  que 
vous  le  feriez,  de  quoy  je  ne  vous  sçauroys  dissimuler  que  j'ay  esté  fort 
marry,  de  crainte  que  cela  ne  vous  dorme  de  nouvelles  occasions  de 
froideur  ou  jalousie  réciproque ,  laquelle  puisse  estre  nuisible  et  à  l'un 
et  à  l'aultre,  auprez  du  commun  patron.  Pour  l'honneur  de  Dieu,  Mon- 

'  Hëron  d'Alexandrie  est  souvent  nien-  tenir  ses  confrère»  de  l'Acadtfniie  des  inscrip- 
tionnd  dans  le  recueil  Boissonade,  plus  sou-  tiens  et  belles-lettres  de  la  i-écente  d<<cou- 
vent  même  <(ue  ne  l'indique  Yliidex  rertim  verte  dune  traduction  arabe  d'une  œuvre 
et  kotiiimm.  Voir  p.  i3i,  aaG,  ai5,  ii;©.  perdue  de  Hi'roii,  d'où  il  résulte  que  le  cé- 
—  Au  moment  même  où  je  corrige  cette  ièbre  mathématicien  d'Alexandrie  a  vëcu 
épreuve,  un  de  nos  i)lus  savants  orienta-  apriVs,  el  non  pas,  comme  on  l'a  cru  long- 
listes,  M.  Glermont-Ganneaii ,  vient  d'enti-e-  temps,  avant  Jésus-Christ. 

5o. 


396  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

sieur,  Ijiictes  effort  contre  toutes  les  repujjnauces  que  vous  y  pourriez 
rencontrer  de  vostre  naturel,  et  quand  niesme  l'homme  s'en  seroit 
rendu  indigne  je  vous  supplie  ne  laissez  pas  de  luy  tesmoigner  quelque 
confiance  pour  Tanioui-  de  moy,  afin  de  vous  remettre  bien  ensemble 
s'il  y  avoit  rien  de  destraqué.  Estant  bien  asseurc  qu'au  bout  du  compte 
vous  vous  en  trouvei-ez  bien  et  m'en  sçaurez  bon  gré  '. 


XL 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Depuis  avoir  achevé  ce  matin  de  vous  escrire  ma  lettre  cy  joincle, 
considérant  de  plus  prez  le  calcul  de  Marcellus  qui  règle  selon  les 
Grecs  le  poids  du  cyathe  à  une  once  et  demy  pour  l'huille  et  y  ad- 
jouste  quattre  scrupules  pour  la  proportion  plus  pesante  du  vin,  ce 
qui  en  reduiroit  la  proportion  du  temps  plus  ancien  à  celuy  de  l'em- 
pire occidental  de  x  à  xn,  j'ay  creu  de  vous  pouvoir  encores  dire  sur 
ce  subject  qu'il  n'y  manqueroit  pas  de  la  probabilité  et  (jue  l'authorité. 
du  Pline  et  de  Fannius  ou  autres  plus  anciens  n'auroit  pas  grande  in- 
compatibilité, supposant  que  le  calcul  de  Pline  dépendisse  du  temps 
qu'il  ne  falloit  pas  plus  de  sept  deniers  à  l'once  auquel  les  dragmes 
attiques  estoient  pareillement  plus  fortes  que  sur  la  fin  de  la  repu- 
blique d'Athènes  ou  soubs  les  Romains,  d'aultant  que  x  deniei-s  ou 
\  dragmes  de  ce  vieulx  temps  de  sept  à  l'once  ne  pesoient  pas  gueres 
moins  que  les  douze  de  huict  à  l'once,  et  par  ce  moyen  les  deux  cyathes 
du  sextans  ou  du  tiers  de  la  cotyle  romaine  feroient  les  xxnu  dragmes 
des  troys  onces  du  plus  grand  mystrum  et  du  cotyles  Iriunciarius,  à 
quoy  toutes  ces  petites  subdivisions  des  moindres  mesures  tant  de  la 
cheme  que  de  la  cuiller  auroient  beaucoup  plus  facilement  du  rapport 
qu'il  ne  se  peult  comprendre  en  rctejiant  la  supputation  du  cyathe  à 


Bibliothèque  Barberiai ,  vol.  79 ,  pièce  n°  4o. 


[1C33]  À  HOLSTEMUS.  397 

X  dfafjnies,  ce  qui  doiiiioroit  du  bransle  bien  grand  pour  la  descou- 
verte et  détermination  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  abstrus  ou  de  plus  dilli- 
cile  disquisition  en  l'observation  des  poids  et  mesures.  Car  il  ne  man- 
queroit  pas  de  moyen  de  sauver  les  4  dragmes  surabondantes  oultre 
les  deux  cyatbes  entiers  de  ce  Kotylus  Triunciarius  ou  cotyloc  de  deux 
cyatbes  et  vi  cuillers  dans  nostre  Marcellus,  en  les  imputant  au  tiers 
de  la  cotyle  des  Grecs  plus  tost  que  celle  des  Romains.  Enfin  il  fault 
que  ce  soient  les  vieils  MSS.  qui  fassent  tomber  la  balance  en  la  desci- 
sion  de  cette  question,  s'il  s'en  trouve,  comme  aussy  la  comparaison 
des  MSS.,  s'il  s'en  rencontroit  tant  du  Fannius  que  des  autres  autheurs 
de  Ponderibus  et  Mensuris,  et  peult  eslre  bien  que  nostre  Héron  nous 
en  pourroit  bien  csclaircir  aussy  tost  que  tout  autre'.  Je  vous  supplye 
donques  de  m'en  faire  transcrire  ce  que  vous  croirez  y  pouvoir  ser- 
vir et  de  me  tenir  tousjours, 
Monsieur, 

vostre  trez  liumble  et  trez  affectionné  serviteur, 

DK  Peiresc. 
À  Aix,  ce  a  X""'  lOSa  '-. 


XLI 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
La  grande  estime  que  font  d'une  si  eminante  vertu  que  la  vostre, 
messieurs  Hugon,  et  Videl,  l'un  premier  aulmosnier  et  l'aultre  pre- 
mier secrétaire  de  l'Ambassade  de  Monseigneur  le  duc  de  Grequy  ',  et 

'  Peiresc  dit  «osfre/ieroM  parce  que  c'était  '  L'abbé  Hugon  et  Louis  Videl  sont 
un  des  inauusciits  qu'il  avait  eu  le  plaisir  mentionnés  dans  une  lettre  de  J.-J.  Bou- 
de donner  h  Holstenius.  Nostre  de'signe  à  chanl,  du  16  juillet  i633  (fascicule  III  des 
la  l'ois  l'ancien  et  le  nouveau  possesseur.  Correspoiidanit  de  Peiresc,  p.  ia-i3).  On 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  sait  que  Videl  (né  à  Briançon  en  iSgS, 

n°  39.  On  lit  au  dos  :  Raccornandala  a  la  mort  h  Grenoble  en  167»)  a  laissé  deux 

gentilezza  del  111"°  S»'  G'  del  Pozzo.  ouvrages  duu  genre  très  différent,  mais  qui 


398  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

le  grand  désir  qu'ils  m'ont  lesmoigné  l'un  et  l'aultre  d'acquérir  l'hon- 
neur de  vostre  cognoisçance  et  de  voz  bonnes  grâces,  par  toute  sorte 
de  services  et  de  redevances  qu'ils  pourront  vous  rendre,  m'ont  en- 
gaigé  à  les  accompagner  de  cette  petite  lettre  d'adresse,  pour  servir  à 
anticiper  vostre  commune  entreveûe  et  vous  dire  à  l'advance  ce  que 
vous  recognoistrez  bientost  en  eux  de  plus  louable  et  recommandable, 
de  tant  de  rares  parties  de  profonde  doctrine  et  d'honnesteté  qui  les 
font  admirer  et  passionement  aymer  de  touts  ceux  qu'ils  approchent, 
et  qui  me  font  espérer  que  vous  ne  me  sçaurez  pas  moings  bon  gré 
qu'eux,  de  la  hardiesse  que  je  prends  de  m'ingerer  de  cette  entremise, 
puisque  desjà  ils  m'ont  daigné  faire  l'hoimour  de  m'advoiier  pour  leur 
serviteur  et  que  vous  m'avez  donné  tant  de  favorables  tesmoignages  de 
me  tenir  aussy,  comme  je  vous  supplie  de  faire  encores,  et  de  me  com- 
mander tousjours  librement  en  qualité, 
Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  obeyssant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  9  niay  i633  '. 


XLII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
La  grande  passion  que  Monsieur  de  Boisseu*  m'a  tesraoignée  pour 
vostre  service  et  la  grande  estime  qu'il  faict  de  vostre  vertu  et  de  vostre 

sont  égaieraent  recherchés,  un  roman  inti-  '  Denys  de  Saivaiiig,  seigneur  de  Bois- 

tulé  :  Le  Mêlante,  amoureuses  aventures  du  sieu,  est  mentioimé,  comme  l'abbd  Hugon 

tetnps  (Paris,  i6ai,  in-8°),  et  un  ouvrage  et  Louis  Videl,  ses  comjiagnous  de  voyage, 

très  sërieusement  composé  :  Histoire  de  la  dans  la  lettre  de  Bouchard,  du  i6  jaillel 

vie  du  conestable  de  Lesdiguières   (Paris,  1 63  3,  qui  vient  d'être  citée.  Voir  sur  ce  pre- 

i638,  in-foi.).  mier  président  de  la  Chambre  des  comptes 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  du  Daupliiné  les  noies  1  et  3  de  la  page  12 

n°  4 1  •  du  fascicule  III  des  Correspondants  de  Peirese. 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  399 

rare  doctrine  m'ont  obligé  de  vous  en  donner  advis,  ensemble  de  ce 
qu'il  m'a  faict  paroistre  en  luy  des  grandes  qualitcz  de  noblesse,  d'éru- 
dition, et  d'honnesteté,  qui  le  rendent  si  recommandable  à  touts  ceux 
qui  ont  le  bien  de  le  voir,  et  que  vous  y  recognoistrez  bien  tost,  à  sa 
première  veiie,  et  encores  mieux  à  ce  coup  d'essay,  qu'il  s'en  va  faire 
devant  un  si  grand  pape,  et  une  si  auguste  compagnie,  pour  un  si 
grand  Roy,  et  pour  un  si  digne  seigneur  \  dont  il  me  tardera  bien 
d'apprendre  des  nouvelles,  pour  participer  à  ce  plaisir,  comme  je  pré- 
tends l'aire  à  toutes  les  faveurs  qu'il  recevra  de  vostre  bonté.  Je  vous 
supplie  de  l'avoir  agréable,  et  de  me  conserver  quelque  part  en  l'hon- 
neur de  voz  bonnes  grâces  comme. 
Monsieur,  à 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  i3  may  i633'. 


XLin 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
La  venue  de  cez  princes  de  Mercueur^  du  Martigues*  nous  avoit 
amené  M'  de  Malemaison  Perrot%  de  qui  nous  avions  apprins  de  bien 


'  Boissieii  clail  charjifô  do  liaranfpier  le 
pape  Urbain  VIII  de  la  partdu  roi  Louis  XIII , 
en  prdsence  de  l'ainbassadeur  de  France  h 
Rome,  Ifi  duc  de  Gràjui,  et  de  (oute  la 
cour  romaine.  On  assure  (jue  le  jeune  ora- 
teur s'acquitta  de  sa  mission  à  merveille 
(aS  juillet  iC33),  môme  au  jugement  des 
Italiens  qui,  selon  la  pi(juante  observation 
de  Bouchard,  itpoui'  l'ordinaire  méprisent 
tout  ce  qui  vient  de  delà  les  Monts  i. 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 
n"  4a. 


'  Sur  le  duc  de  Mercœur  (fds  de  C(5sar 
de  Vendôme)  voir  le  tome  II  du  recueil  Pei- 
resc-Dupuy,  p.  5a5. 

'  Sur  le  prince  de  Martigues,  frère  du 
duc  de  Mercœur,  voir  la  même  page. 

'  Christophe  Perret  de  la  Malemaison 
fut  nommé  conseiller  au  parlement  de  Paris 
en  août  iSgy.  Voir  un  de  ses  bons  mois 
dans  les  Historiettes  de  Tallemant  des  Iléaux 
(t.  VII,  p.  SaS).  Peut-être  s'agit-il  ici  de 
son  fils  Charles  qui  fut  prévôt  des  marchands 
eu  i64i,  et  qui  avait  été  reçu  conseiller 


400  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

agréables  nouvelles  de  vostre  santé,  mais  huict  jours  aprez  nous 
eusmes  le  bien  de  voir  et  gouverner  un  jour  ou  deux  M'Bodier'  qui 
nous  resjouyt  bien  davantage  par  l'exacte  relation  qu'il  nous  fit  de  Testai 
de  voz  estudes  et  par  les  lellies  qu'il  me  rendit  de  vostre  part  du 
h  octobre  et  7  may,  accompagnées  de  tout  plein  de  curieux  desseins 
de  trépieds  et  des  cahiers  de  Ponderibus  d'Eusebe  ^,  de  cette  édition 
florentine  des  chappiires  d'optique  de  nostre  Damian  filz  d'Heliodore 
Grissaeen^  et  de  ce  Pbilon  Byzantin*  que  vous  avez  prins  la  peine  de 
traduire  si  élégamment  et  si  proprement,  où  nous  avons  apprins  de 
Irez  belles  curiositez  que  nous  ignorions,  et  particulièrement  sur  les 
incrustations  de  cez  pyramides  d'Aegypte  dont  il  ne  reste  plus  aujour- 
d'iiuy  que  la  plus  grosso  masse  intérieure  et  le  noyeau  de  la  mesme 
pierre  des  obelysques  taillée  sur  les  lieux.  J'ay  prins  grand  plaisir  aussy 
d'y  voir  le  progrez  de  l'ouvrage  de  ce  prodigieux  colosse  de  Rhodes, 
que  vous  avez  exprimé  en  termes  si  bien  appropriez,  comme  en  tout  le 
surplus  des  discours  de  cet  autheur,  qu'il  ne  se  peult  rien  voir  de 
mieux.  C'est  daumage  de  la  defl'ectuosité  du  dernier  ou  septiesme 
chappitre  el  de  la  suitle  du  6"""  ou  penulliesme,  où  il  eust  faict  beau 
voir  la  description  de  ce  temple  d'Ephese  pour  la  comparer  à  ce  peu 


au  parlemenl  de  Paris  en  1682.  Charles 
figure  aussi  dans  les  Historiettes  (  t.  III ,  p.  gâ). 
Voir  sur  lui  la  note  de  P.  Paris  (p.  99). 

'  Sur  ce  personnage,  voir  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy,  t.  11,  p.  532-534,  543, 
59a. 

'  r  Adjunxi  etiani  Eusebii  Pampbiii 
Excerpta ,  deproinpta  ex  velustissimis  mem- 
branis  bibl.  Valicanae,  scriptis  anle  octin- 
gentos    hosce    annns.r    (  Lellre    XXXIX, 

p.  2^5.) 

'  Holstonius  (leUre  XXXVIII,  p  2J7) 
mentionne  les  Capitii  optica  de  Damieii  de 
Lariss?, ajoutant:  rEadem  prorsussunlqiiœ 
sub  Helio  Jori  Larissaei  noniine  graece  el  latine 
publicavit  dira  Egnalius  Dantes,  Magni  Ho- 


truriœ  Ducis  mathematicus.  n  Boissonade, 
au  sujet  de  cet  ouvrage,  renvoie  à  la  Biblio- 
thèque grecque  de  Fabricius  (  t.  VIII ,  p.  1 2  8  ). 
Voir  encore  la  lellre  XXXIX,  p.  248  et  la 
nouvelle  noie  de  Boissonade  {ibid.). 

*  rMitto  Philonis  Byzantii  opuscuiuin 
de  Spectacuiis  mundi,  cujus  versioneni  lati- 
nam  diligenter  abs  te  legi  atque  e.\])endi 
inprimis  cupio.»  (P.  266.) Boissonade  sous 
ce  passage  nous  apprend  (note  4)  que  la 
version  tant  loutie  par  Peiresc  est  inëdite  et 
qu"on  en  a  seulement  publié  un  chapitre, 
le  sixième,  relatif  au  leniple  de  Diine  à 
Ephèse,  inséré  par  Meneslrier  dans  Symbo- 
licœ  Dianœ  Ephesiœ  Statua.  Voir  Fabricius , 
liibl.  ffrecqiie ,  t.  IV.  p.  232. 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  401 

qui  en  reste  dans  les  médailles  du  pais.  Vous  nous  y  faictes  espérer 
un  Iraicté  vostre  de  Tripode  que  nous  attendrons  en  bonne  dévotion  '  ; 
cependant  je  vous  faicts  mille  très  humbles  actions  de  grâces  de  tant 
de  belles  choses  qu'il  vous  a  pieu  me  communiquer  dont  je  me  tiens 
infiniment  redebvable  à  vostre  honnesteté  et  à  la  confiance  avec  quoy 
vous  avez  daigné  m'ouvrir  vostre  cœur^,  vous  suppliant  trez  humble- 
ment de  croire  que  si  je  ne  suis  assez  digne  de  cet  honneur  et  de  cette 
faveur,  à  faulte  de  mérite  et  d'assez  de  crédit  pour  vous  dignement 
servir,  vous  ne  le  pourriez  départir  à  personne  qui  vous  fusse  plus 
desvouée  que  moy,  ne  qui  ayt  plus  de  bonne  volonté  de  vous  servir 
sans  reserve  quelquonque  de  tout  ce  qui  est  en  ma  puissance.  Et  pleust 
à  Dieu  que  je  m'en  peusse  acquitter  à  souhaict,  car  vous  auriez  bien- 
tost  la  jouyssance  de  tout  ce  que  mérite  une  si  sureminante  vertu, 
])robiié  et  cognoisçance  des  bonnes  lettres  que  la  vostre. 

J'escripts  à  M^'  l'Em""^  Gard"'  Patron  sur  l'entreprinse  de  cette  im- 
primerie greque  où  il  peult  faire  des  merveilles  si  vous  vous  en  meslez 
et  contribueray  tousjouis  de  toute  mon  affection  à  vostre  service  tout 
mon  foible  crédit,  regrettant  de  n'en  avoir  un  peu  plus  pour  l'amour 
do  vous  seulement,  car  pour  tout  le  reste  je  ne  m'en  pêne  gueres,  nom 
plus  que  pour  moy  mesmes,  ne  respirant  plus  meshuy  qu'un  peu  de 
repos.  J'estime  que  vous  avez  trouvé  le  vray  chemin  qu'il  vous  falloit 
tenir,  pour  tirer  les  advantages  plus  convenables  que  vous  vous  pou- 
viez promettre  en  cette  cour  là^,  quand  vous  vous  estes  résolu  d'y  esta- 
blir  vostre  demeure  et  vostre  fortune  sans  plus  méditer  de  retour  en 
vostre  pati'ie,  d'aultant  que  cela  seul  vous  pouvoit  reculer  de  toute 


'  rtDe  tripode  tuo  fuse  ad  te  scribam  in 
ti'aciaUi  meo  <le  Tripode,  quem  absolvere 
ante  discessuin  domini  Larena  non  polui; 
intérim  figuras  aliquas  tripodum  accipies, 
doiiec  cœtcros  dcpiiifji  curem.»  Ce  sont  là 
les  ff desseins  de  trépieds»  dont  il  est  ques- 
tion dans  les  premières  lignes  de  la  lettre 
de  Peircsc.  Le  traité  promis  par  Holstenius 
sur  le  Trépied  n'a  jamais  paru. 


'  Au  sujet  de  l'inimitié  existaut  entre 
Suarez  et  lui-mênio.  Peii-esc  répond  ici  aux 
pages  289  à  9/1Q  déjà  citées. 

'  Peiresc  répond  ici  k  »m  passage  de  la 
lettre  XXXIX  où  Holstenius  lui  avait  fait 
ses  confidences  au  sujet  de  sa  situation 
en  la  cour  romaine  (ut  ingénue  animi 
mei  consilia  in  ginum  tuum  offundam ,  etc. , 
p.  a38). 


5i 


402  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

sorte  d'ctiiploy  en  offices  perpétuels  et  de  la  commiiiiication  mcsmes  des 
livres  plus  rares  et  plus  curieusement  tenus.  Je  vouldroys  bien  que 
t'evesché  de  Vaison  qni  a  vacqué  en  ce  païs  de  deçà  de  la  collation  de 
N.  S.  P.  et  disposition  de  l'Eminentissime  Cardinal  son  neveu  (qui  est 
tort  à  la  bienséance  de  ce  personnage  d'Avignon)  eust  esté  remplie  de 
sa  personne  pour  l'amour  de  vous  et  de  luy,  afin  que  cela  le  nous 
r'amenast  plus  tosl  en  cez  parties  icy'  où  nous  aurions  plus  de  moyen 
de  le  servir  à  soubaict  selon  son  mérite  et  selon  nos  vœux;  si  cela 
n'estoit,  ce  sera  en  autre  meilleure  occasion  quand  il  plairra  à  Dieu. 
Cependant  je  loue  grandement  la  bonne  disposition  où  vous  estes  de 
luy  rendre  touts  les  bons  offices  qu'il  pourroit  désirer  de  vous,esti- 
niJint  qu'il  f'eroit  grande  gloire  si  vous  daigniez  lui  communiquer  seu- 
lement quelque  ecliantillon  de  voz  observations  selon  les  occurrances 
qui  s'en  peuvent  présenter,  quand  ce  ne  seroit  que  sur  le  subject  des 
lettres  que  je  luy  escripts  d'aulcunes  foys,  comme  j'avois  faict  derniè- 
rement concernant  certaines  particularitez  que  je  l'avois  prié  de  vous 
faire  voir  de  ma  part  pour  en  apprendre  vostre  advis,  y  ayant  tousjours 
un  grand  advantage  à  bien  faire  à  un  chascun,  et' quasi  plus  de  gloire 
(juand  c'est  sans  espoir  de  retour  que  lorsqu'on  s'en  pcult  promettre 
(piclquc  digne  correspondance.  Il  y  a  parfoys  du  mai  entendu  que  le 
temps  guarit  lorsqu'on  y  pense  le  nioings,  comme  j'espcre  qu'il  ad- 
viendra s'il  y  en  avoit  eu  en  cecy,  et  que  vous  me  sçaurez  un  jour  bon 
gré  de  la  hardiesse  que  j'ay  prins  de  m'en  entremettre  en  qualité  de 
vostre  serviteur.  Au  reste  vous  pouvez  vous  asseurer  que  je  n'oublieray 
rien  en  la  recherche  du  Denis  Byzantin-  attendant  de  jour  à  autre  le 
retour  de  celuy  qui  a  porté  mes  dernières  lettres  à  M'  i'Evesque  de 
Rhodez  avec  des  eaux  de  fleur  d'oz-ange  et  autres  galanteries  du  païs 
pour  m'insinuer  en  quelque  façon  en  ses  bonnes  grâces  et  exto[r]quer 

■  Joseph  -  Marie    Suarès    fut    nommé  ^  irNuiic  siiperest  ni  suinmas  tibi  gratias 

ëvêque  de  Vaison  le  8  juin  i633;  il  fut  agara,  quod  editioiiemGeograpboruniGree- 

sacré  ii  Rome  ic  9  août  suivant;  il  ne  prit  coram  la  m  obnixe  promovere  studeas  :  nihil 

personnellement  possession  de  sou  e'vécbé  enim  a  te  praîtormissum  video  qui  Diornsii 

que  le  99  df'eembre  iG3/i.  Bysantii  pervesliges.  . .  1  (P.  aio.) 


^1633]  À  HOLSTENIUS.  A03 

cette  faveur  do  luy  pour  l'amour  de  vous  et  du  public.  Et  qui  sçait  (jue 
nous  ne  l'ayons  pas  d'ailleurs  parmy  quelques  caisses  des  mss.  grecs 
en  vellin  que  j'attends  d'heure  à  autre  du  mesoie  lieu  d'où  j'avois  tiré 
le  volume  des  Eclojjues  de  Constantin  Porphyro^jenete?  J'avois  eu  de 
la  Bibliothèque  du  Hoy  une  coppie  de  cet  opuscule  d'Héron  de  Pon- 
deribus  et  niensuris,  n'ayant  pas  trouvé  dans  voslre  pacquet  celuy 
que  vous  m'escrivez  y  avoir  joinct,  qui  sera  demeuré  sur  vostre  table, 
par  inadvertance  de  celuy  qui  en  a  cachette  l'enveloppe.  Mais  j'ay 
escript  à  Paris  pour  faire  transcrire  la  mcsme  chose  sur  l'exemplaire 
de  M'  de  Thoulouse  qui  sera  vraysemblablcment  plus  correct  comme 
vous  dictes".  J'ay  eu  de  la  mesme  Bibliothèque  du  Roy  la  coppie  de 
XII  ou  XV  autheurs  sur  cette  matière,  tant  anonymes  que  cogneus, 
mais  d'anltant  que  les  originaulx  ne  sont  qu'en  papier  et  ne  sont  pas 
anciens,  ils  ne  sont  pas  de  telle  considération  que  l'exemplaire  de  vostre 
Eusebe  du  cardinal  Sirlet'^.  J'attends  les  vacances  de  noslre  Parle- 
ment pour  vacquer  à  cet  examen  d'oii  je  me  promets  quehjue  fruict 
(jui  seioit  beaucoup  plus  grand  s'il  se  trouvoit  quelque  bon  ms.  du 
Marcellus.  Il  ne  sera  pas  de  besoing  de  vous  mettre  en  peine  de  m'en- 
voyer  l'Eustathius  in  Hexameron  que  j'ay  eu  de  Lyon  oii  il  avoit  esté 
imprimé;  je  ne  vous  en  ay  pas  pourtant  moings  d'obligation  que  si  je 
l'avoys  eu  de  vostre  main,  l'interruption  du  commerce  advenue  par 
la  peste  de  ces  pais  de  par  deçà  ayant  reculé  tout  le  commerce  des 
livres  durant  quelques  années,  dont  nous  sommes  grâces  à  Dieu  bien 
([uittes  à  présent.  Le  mot  EAAAAOC ,  au  bout  de  l'inscription  du  mé- 
daillon de  Sardes,  est  si  nettement  escript  qu'il  ne  se  peult  revocquer 
en  doubte^;  il  fault  seulement  voir  par  quel  moyen  il  se  peult  saulver, 

'   itHeronis   geomeirica   malo   et  nimis  exemplari  tibi  describantur.»  (P.  a/i5."*  Voir 

foslinanlfi  calarao  scripta   sunt.  .  .    Extant  sur  Joseph  d'Auria  le  recueil  Peiresc-Dupu) 

pademapud  ill.  archiepiscopimi  Tholosalem  (II,  53i). 

descripta  Grsece  et  Latine   manu  Josephi  '  Sur  Guillaume  Sirlel,  bibliothécaire  du 

Auriae,  insignis   matliematici ,  qui  editio-  Vatican,  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  ( il , 

netn  ejus  quoque  opusculi  meditabatur. n  53i). 

(P.  926).  —  tfSed  facileab  Archiep.  Tholo-  '  n- Sed de postremailla  voce  [EAAAAOC] 

sate  irapelrabis ,  ut  ex  correctiore   Auriaî  subdubitabani  :  oequc  euim  video  cur  Sar- 

5i. 


iOA  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

si  l'on  n'auroit  point  voulu  l'adjouster  pour  différence  du  païs  de 
Lydie  habité  par  des  Grecs  en  l'Asie  Mineure  d'avec  les  autres  païs 
qui  ont  porté  le  mesme  nom  de  Lydie  habitez  par  d'autres  nations  et 
oii  la  langue  greque  n'estoit  pas  en  usage  comme  à  Sardes,  Plutarque 
mesmes  faisant  mention  des  Grecs  asiatiques  aux  Apophth.  gr.  Ou  bien  si 
l'Empereur  Philippe  lors  vivant  n'auroit  point  voulu  donner  cette  spé- 
ciale prérogative  à  la  ville  de  Sardes,  en  recognoissance  de  quelque 
flatterie  insigne  des  peuples  d'allentour. 

J'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  ce  que  vous  me  mandez  de  voz 
couppes  d'argent  qui  entrent  les  unes  dans  les  autres  '  et  dont  les  bor- 
deures  sont  intérieurement  dorées  et  descouvertes.  Gar  ce  sont  des 
continuations  bien  evidantes  de  l'usage  ancien  de  colles  qu'on  appoloit 
cvmbibae^  comme  les  miennes.  Ce  sera  un  bien  digne  travail  que  celuy 
de  voz  tables  d'Italie^  où  je  ne  doubte  poinct  que  vous  n'ayez  eu  de 
grandes  lumières  par  dessus  tout  ce  que  feu  Cluverius  et  les  autres  en 
avoient  peu  pénétrer  devant  vous,  tesmoing  l'inscription  que  vous 
dictes  avoir  esté  si  mal  entendue  par  luy*.  Il  nous  tardera  bien  que 
vous  les  veuilliez  laisser  mettre  au  jour  soit  par  Elzevir  ou  par  autre, 
et  si  cela  debvoit  traisner  trop  loing,  nous  verrions  bien  volontiers  ce-- 


(lis  Grœciœ  melropoliin  vocemus;  nisi  id 
velit,  eain  urbem  non  solum  Asialicarum, 
sed  et  Grœcarum  eivilatum  omnium  princi- 
])atum  oblinuisse. B  (P.  2/17.) 

'  Voir  le  récit  de  Holstenius  (p.  366), 
assurant  que  l'usage  de  semblables  coupes 
est  fi'équent  en  Allemagne  et  apprenant  à 
son  ami  qu'il  eu  a  acheté  deux  à  Vai-sovie 
chez  l'orfèvre  de  la  cour,  et  qu'il  s'en  servit 
en  son  voyage.  Cf.  la  noie  de  Boissonade 
renvoyant  à  la  Vie  de  Peiresc  par  Gassendi. 

'  Virgile  a  employé  le  mot  cijmbium  et 
on  trouve  dans  Pline  le  mot  njmbula. 
.  '  Itinéraire  d'Antonin ,  table  de  Peutin- 
ger  et  autres  documents  relatifs  à  la  géo- 
graphie de  l'Italie  ancienne.  Voir  les  curieux 
détails  donnés  par  Holstenius  sur  ses  projets , 


sur  ses  recherches,  sur  le  commencement 
d'exécution  de  son  travail.  (P.  2/19-aû/i.) 
'  Holstenius  arrange  assez  mal  son  de- 
vancier :  rNam  cum  Cluverii  descriptionem 
ad  examen  revocare  cœpi ,  deprehendi  quam 
plurima  quœ  minus  accurale  ab  ipso  obser- 
vata  fuerunti  (p.  aia).  —  ^In  hac  vinex- 
plicanda  [la  voie  Aurélieune],  prœter  Anto- 
ninum  et  Tabulam,  insigneni  mihi  operani 
prœstitit  vêtus  inscriptio  quaiii  Cluverius  in 
fine  operis  affert  p.  i-jgG,  quam  Cluverius 
ineptissimam  vocat,  sane  injuria,  cum  sen- 
sum  ejus  mentemque  nunquam  perspexe- 
rit"  (p.  264).  Boissonade  rappelle  (p.  962, 
note  2)  que  los  observations  de  Holstenius 
sur  l'ouvrage  de  Cluvier  rfposlhunio  partu 
lucem  videront  Romœ  an.  i666t:. 


[1633]  X  HOLSTEIVIUS.  405 

pendant  ce  que  vous  avez  observé  de  noslre  VIA  AURELIA  jusques  en 
ce  pais  icy.  Je  vouldrois  bien  apprendre  aussy  de  vous  le  temps  à  peu 
prez  que  vivoit  vostre  Pliilon  Byzantin  des  vu  miracles  du  monde. 

J'ay  bien  de  l'obligation  ù  M""  Bouchard  aussy  bien  qu'à  vous  du 
soiujT  qu'il  luy  plaict  apporter  à  la  recherche  dans  la  Valicane  de  cez 
autheurs  de  Ponderibus',  que  je  ne  laisroys  pas  de  prixser  quand 
niesmes  ce  ne  seroit  que  le  Beda  ou  le  Denietrius  Alabaldus  et  autres 
pareils,  pourveu  que  les  exemplaires  fussent  bien  anciens  et  que  les 
notes  et  les  nombres  y  fussent  plus  corrects  que  dans  les  communes 
éditions.  De  ce  gros  volume  dont  vous  me  parlez  de  Golotius- je  ne 
vouldroys  que  les  essays  ou  cxperiances  qu'il  pourroit  avoir  faicles  en 
l'examen  du  poids  ou  contenance  des  vases  ou  modillons  antiques, 
pour  voir  s'il  y  auroil  rien  veu  qui  me  fust  incogneu,  et  spécialement 
s'il  avoit  rien  observe  sur  le  congius  Farnesien,  oultre  ce  que  le  Pe- 
tus  par  le  Villalpandus'  en  a  escript,  je  dicts  pour  l'examen  de  la  con- 


'  trDe  ponderibus  et  mensuris  cœpi  per- 
quirere  in  Vaticaiu  bibliollicca  uiia  cum 
Bucharlo  iioslro ,  «pii  se  liac  de  re  diligen- 
ter  seriplurumpromisit.  Quidquid  iiactenus 
vidiinus  sacroruin  auctoriiin  fuit,  Bedai,  ni 
fallor,  aut  ejus  sœculi.  Ubi  Bucharlo  coni- 
inodum  fuerit,  diiigentius  omnia  excatie- 
inus»  (p.  a55).  Cf.  le  fascicule  III  des 
Correspondants  de  Peiresc,  où  l'on  Irouve 
divers  passages  relatifs  aux  recherches  faites 
pour  le  grand  curieux  par  Holstenius  et 
Bouchard.  Voir  notamment  les  lettres  du 
18  février  i633,  du  iC  juillet  if).33,  du 
u  lévrier  iG3/i,  etc.  (p.  11,  i8so,  27). 

'  ffExtat  inter  alia  magnum  volumen 
coilectaneorum  de  ponderibus  et  mensuris 
cujus  Collotii,  qui  phirinios  et  gravissimos 
Budœi,  Agricohc,  Giareani,  ah'orumquc 
errores  se  correcturnm  speravit...  se;!  totuni 
volumen  est  riulis  vidiffestn/jiie  moles ,  ex  ([uo 
diflicultpr  aliquid  erui  j)oterit,  quo  tua  stu- 
dia  juventur.  11  Sur  Ange  Gulocci,  évèque 


de  Nocera,  mort  en  i545 ,  que  ne  connais- 
sait pas  Holstenius  (son  cujiis  (f(iuivaut  à 
notre  un  certain),  voir  une  noie  du  fasci- 
cule lit  df  s  Correspondants  de  Peiresc  (  p .  1 9  ) 
où  sont  citds  Moréri  et  Ginguenë.  Cf.  une 
note  de  Boissonade  (p.  aSo,  n'  h)  où  sont 
citds  Gassendi  sur  Peiresc  et  La  Monnoye 
sur  YAnli-Bfiillet  de  Mënage. 

'  Lucas  Pœtus  était  un  savant  romain, 
antiquaire  et  juriste,  mort  en  sa  ville  na- 
tale, à  l'âge  de  69  ans.  en  i58i.  Sou  trait»' 
De  mensuris  et  ponderibus  Romanis  et  Grœcis 
(Venise,  Aide,  1673,  petit  in-f,  et  ausfi 
in-A°)  a  été  réimprimé  dans  le  tome  \l  du 
Thésaurus  Antiquil.  lîotnan.  de  Grœvius.  Ia' 
P.  Vilialpando,  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
a  achevé  le  Commentaire  sur  Eiécliicl  (Ex-- 
plamitioncs  in  Etecliielem,  Rome,  irqC- 
iGo'i,  3  vol.  iu-f")  commence'  par  le 
P.  Prado,  do  la  même  compagnie.  Voir  Ma- 
nuel du  libraire,  t.  IV,  col.  85a.  Au  tome  III 
de  c  co.nunenlaire  (p.  3ôo)  on  lit:  -.Vmhi 


/i06  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

lenaiice  actuelle,  et  s'il  a  veu  et  examiné  des  autres  vases  de  mesure 
/incienne,  principalement  de  ceux  qui  portoient  des  inscriptions  rela- 
tives à  leur  mesure  et  contenance. 

Monsieur  Gassendy  s'est  trouvé  icy  chez  nous  tout  à  propos  pour  y 
recevoir  vostre  lettre  de  raa  main  et  pour  gouverner  quant  et  moy 
M'  Bodier;  il  pensoit  vous  respondre  présentement,  mais  M' l'Evesque 
de  Digne  son  prélat  l'a  envoyé  sommer  avec  tant  d'instance  et  de  presse 
de  l'aller  voir  à  son  retour  de  Venize  qu'il  n'a  peu  se  desdire  de  partir, 
mais  il  m'a  promis  de  travailler  au  calcul  que  vous  désirez^  et  de  vous 
faire  responce  de  chez  luy  incontinant.  Cependant  il  m'a  chargé  de 
vous  salluer  de  sa  part,  comme  je  faicts  trez  humblement.  11  a  esté 
céans  environ  un  mois  ou  cinq  semaines  où  nous  avons  bien  eu  du 
plaisir  en  sa  conversation.  11  commance  à  songer  à  bon  essiant  au 
voyage  de  Gonstantinople  pour  se  trouver  en  Jherusalem  à  Pasques 
prochaines  et  y  faire  l'observation  de  l'ecclypse  du  moys  de  mars,  afin 
qu'elle  serve  à  en  régler  la  longitude  et  distance  de  cez  païs  de  deçà. 
11  a  faicl  de  belles  observations  encores  icy  mesmes  de  son  Mercure  et 
d'autres  astres  qui  pourront  ung  jour  servir  à  en  bien  régler  le  cours. 
Nous  avons  bien  plaint  le  pauvre  Galilée  que  l'on  nous  a  voulu  dire 
estre  debtenu  prisonnier^  au  préjudice  de  bons  et  valables  sauf  con- 
duits et  des  déclarations  réitérées  qu'il  avoit  faictes  aux  officiers  du 
Saint  Office,  de  ne  vouloir  escrire  que  ce  qu'ils  auroient  approuvé, 
comme  ils  l'avoient  faict.  Vous  ne  sçauriez  croire  comme  cela  esclatte 
partout  et  comme  on  trouve  estrange  sa  persécution,  puisque  c'est  à 
ceux  qui  avoient  esté  commis  à  la  lecture  de  son  livre  qu'il  eust  fallu 


certe  quippiciin  statui  possil  de  Romanis 
ponderibus  quo  eorum  ratio  habeatur.n  A 
la  colonne  2  de  cette  m<*me  page,  en  man- 
chette, on  renvoie  à  l'ouvrage  de  Lucas 
Pœtus  :  Lié.  de  antiq.  liquid.  et  arid.  mensuris. 
Peiresc,  dans  sa  phrase  elliptique,  a  voulu 
dire  :  ce  que  le  Pae!as,  cité  par  le  Villal- 
pandus ,  eu  a  escript. 

'   h<} iiost-scriptuin  de  la  lettre  XL  (p.  969) 


est  ainsi  conçu:  Trlnclusas  literas,  nisi  grave 
est ,  ad  Gassendum ,  et  ad  me  indc  respon- 
snra  ciu-a.  Kt,  si  tanti  fuerit,  Cbronologica 
a  me  proposita  lege.  » 

'  Nouvelle  preuve  de  la  confonnit<?  des 
sentiments  des  deux  amis  à  IVgard  de  Ga- 
lilée. On  admirera  la  généreuse  liberté  des 
jugements  de  Peiresc  tempérée  par  tant  de 
sagesse. 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  407 

s'en  prendre,  s'il  y  pouvoit  cschoir,  plutosl  qu'à  lui.  Je  pense  <[ue  cez 
percs  peuvent  aller  à  bonne  foy,  mais  ils  auront  de  la  peine  à  le  per- 
suader au  monde,  sur  quoy  je  finis  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  himilde  et  Irez  obligé  serviteur, 


i)K   Peuiesc. 


À  Aix,  ce  9  juin  iG33  '. 

Si  vous  avez  commodité  de  m'escrire  par  voye  de  Gènes,  vous  y 
pourrez  adresser  vos  depcscbes  ail.  111"  s'  Horatio  Fredy  qui  les  rece- 
vra volontiers  et,  me  les  fera  tenir  seurement,  ou  bien  les  remettra  à 
Rome  ez  mains  de  M''  Guillaume  des  Piotz  qui  s'en  chargera  pareille- 
ment de  bon  cœur  et  me  les  envoyera  soit  par  Gènes  ou  par  Marseille. 

En  voulant  fermer  cette  despesche  on  m'a  apporté  la  bonne  nou- 
velle de  l'arrivée  du  navire  S'  Esprit  dans  le  port  de  Marseille  avec 
deux  caisses  des  plus  grandes  remplies  de  livres  grecs  mss.  en  vellin, 
en  nombre  d'une  cinquantaine,  où  Ton  me  faict  espérer  de  rencontrer 
de  bonnes  pièces  dont  vous  aurez  vostre  part  en  son  temps  comme  de 
raison,  mais  la  grosseur  des  caisses  les  ayant  faict  mettre  dans  l'es- 
tive  je  suis  contrainct  d'attendre  deux  jours  pour  laisser  descharger 
le  navire  de  ce  qui  est  dessus  mes  caisses.  Geluy  qui  m'a  faict  le  bon 
office  d'enqiloyer  mon  argent  à  celte  marchandise  est  si  heureux  qu'il 
m'a  cy  devant  envoyé  des  pièces  toutes  telles  que  je  les  avoys  propo- 
sées bien  qu'il  n'y  eusse  aulcune  apparance  d'espérer  de  les  rencon- 
trer. Entr'autre  ce  livre  en  vray  papyrus  escript  en  caractères  hiéro- 
glyphes, comme  ceux  des  obélisques,  ce  qui  me  veult  on  faire  à  croire 
qu'il  y  debvroit  avoir  quelque  chose  du  tout  hors  du  commun.  Ce» 
deux  ou  troys  jours  de  dellay  me  seront  des  années  d'impatiance. 

L'édition  qu'a  faict  à  Oxfort  vostre  Patricius  Junius  de  l'epistrc  dé- 
mentis ad  Gorinthios  tirée  d'un  exemplaire  escript  par  une  Tecla  au 
temps  du  Concile  de  Nicée  dont  parloient  Irenée  et  autres  ancieits 
pères,  me  faict  concevoir  lousjours  meilleure  espérance  de  maconqueste. 

'  Bîbliolhècpie  tinrljeriiii ,  vol.  79,  pièce  11°  'i3. 


508  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

el  pourveu  qu'il  s'y  trouve  quelque  bonne  pièce  de  voslre  goust,  je 
seray  trop  contant  et  satisfaict.  J'avois  oublié  de  vous  envoyer  une 
lettre  de  M''  l'Arcbevesque  de  Toulouse  sur  le  subject  de  son  ins.  des 
aulheurs  astronomiques,  mais  il  s'estoit  équivoque,  car  ce  n'est  pas  à 
M''  Rigault  ains  à  un  autre  dont  j'ay  oublié  maintenant  le  nom  qui  se 
promettoit  d'avoir  de  vous  en  revanche  quelque  pièce  de  S'  Cyrille 
dont  il  faict  l'édition  maintenant.  A  qui  je  la  feray  tenir,  si  vous  me 
l'adressez,  pour  retirer  de  luy  par  mesme  moyen  Itdit  ms.  astronomique; 
cependant  je  n'ay  pas  laissé  de  luy  faire  demander  coppie  des  chajipitres 
d'Héron  de  Ponderibus  et  mensuris  sur  vostre  indication. 


XLIV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 

Je  vous  escrivis  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes.  J'ay  depuis  eu 
les  lettres  de  Thoulouse  par  lesquelles  on  me  mande  que  M' l'Evesque 
de  Rhodez  avoit  invité  M'  l'Arcbevesque  de  Thoulouse  de  l'aller  voir 
pour  luy  monstrer  tous  les  vieux  MSS.  qu'il  a  du  feu  card"'  d'Ar- 
maignac,  et  luy  remettre  en  main  le  Denys  Byzantin  s'il  s'y  trouve  pour 
me  le  faire  tenir,  et  me  promet-on  un  Inventaire  de  tous  lesdicts  MSS. 
que  j'attends  impatiamment  pour  l'amour  de  vous. 

J'ay  depuis  receu  mes  deux  caisses  des  MSS.  grecs  du  Levant,  dont 
l'une  s'est  trouvée  mouillée  et  plusieurs  volumes  quasi  pourris,  pour 
avoir  esté  logée  trop  proffond  dans  le  navire.  Mon  libraire  est  aprez 
pour  en  saulver  ce  peu  qui  se  pourra  proffitter.  Dans  l'aultre  j'ay  eu 
quelques  volumes  de  S'  Jean  Chrysoslome,  S'  Grégoire  de  Nazianze,  et 
aultres  Pères.  Il  y  a  entr'aultres  une  pièce  de  S'  Clément  Alexandrin,  de 
ce  riche  qui  se  peult  saulver,  alléguée  par  Eusebe  et  par  Photius  ^  Il  y  a 

'  A  rapprocher  de  la  lettre  GXV  du  ici  les  notes  qui  accompagnent  la  lettre  h 
tome  II  du  recueil  Peiresc-Dupuy  (p.  538  et  Dupuy  du  i3  juin  iC33.  La  présente 
suiv.).  Natui"eliement  je  ne  redonne  pas        lettre  est  un  diminutif  de  celle  que  Peireec 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  A09 

quelques  volumes  du  Metaphraste,  plusieurs  livres  rituels,  à  l'usage 
des  Eglises  grecques,  et  deux  volumes  eritr'aultres  qui  sont  eu  majus- 
cule et  d'une  bien  vénérable  antiquité.  Il  y  a  une  Iliade  d'Homère  avec 
des  scholies  interlineaires  escrites  en  rubri([ue,  et  des  marginales, 
dont  plusieurs  articles  portent  en  leste  le  nom  de  vostre  Porphyre,  ce 
qui  me  faisoit  soubçonner  que  ce  peussent  estre  celles  de  vostre  Pro- 
clus,  encores  qu'il  n'y  soit  pas  nommé.  Ce  volume  quasi  seul  n'est  es- 
cript  qu'en  gros  papier  de  Damas.  II  y  a  un  Orphée  avec  une  suittc 
du  Proclus  Lycius  mentionnée  dans  lo  Gesner,  que  je  n'avois  pas  veu, 
et  plusieurs  aultres  pièces,  de  mesme  subject  et  manière.  Il  y  a  une 
pièce  d'Asterius,  sur  S'  Phocas.  Mais  la  plus  part  des  volumes  n'ont 
poinct  de  commancema,nt  ne  de  fin,  ce  qui  donne  bien  de  l'incommo- 
dité et  du  retardement  à  l'examen  de  ce  qu'ils  pouvoient  contenir. 

La  vie  de  S*  Chrysostome  par  le  Georgius  n'y  est  pas  obmise.  Cez 
canons  Ecclesiai  Orientalis  dont  parle  M'  Juste!,  y  sont  avec  les  canons 
Ecclesiœ  Alricanœ  qu'il  en  a  tirés. 

La  presse  de  nostre  parlement  ne  me  permet  pas  de  les  esplucher 
exactement,  c'est  pourquoy  vous  m'excuserez  si  je  ne  vous  en  rends 
meilleur  compte.  Et  si  je  finis  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DB  Peiresc. 

A  Aix,  ce  16  juin  i655'. 

J'ay  esté  infiniment  aise  de  la  promotion  de  M""  Suarez  à  l'evesché 
de  Vayson  '^,  et  veux  espérer  qu'à  vostre  tour  on  se  souviendra  de  vous 
et  de  vostre  sureminante  vertu,  qui  ne  sera  jamais  si  tost  ne  si  digne- 
ment comme  je  le  vous  souhaicte,  et  comme  vous  le  méritez. 

dcrivit    à   son  ami    de  Paris    trois  jours  (episcopatum    allquem   in   vestra    Proviiicia 

auparavant.  ambit,  atjue  hoc  palam  prœ  sefert,  quoties  in 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  sermone    meulio   iticidit),    lui    parle    ainsi 

n°  !ili.  (p.  48o)(le  sa  promotion  à  IVpiscopat  :  fDe 

'  Holslenius,  (pii  avait  parlt?  h  son  cor-  Suaresii  nostri  promotione  tecuni  gamleo. 

respondant  (p.  469)  du  vif  ddsir  qu'avait  Nescio  quando  uovus  ille  paslor  ad  gregein 

Suarès  d'être  nomme'  évêque  en  Provence  suuni  sit  disressurus. . .  n 

V.  as 

mVUVSUB    lATIOIAlt. 


410  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


XLV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Selon  l'advis  que  vous  m'aviez  donné,  concernant  l'Héron  de  Pori- 
deribus  et  Mensuris  que  vous  estimiez  eslre  plus  correct  en  l'exemplaire 
de  M""  l'Archevesque  de  Thoulouse,  j'escrivis  à  Paris  pour  m'en  faire 
transcrire  ce  chappitre,  et  s'adressa  t'on  au  s'  Aubert,  qui  estoit  saisy 
du  volume  de  M"'  de  Thoulouse,  et  qui  est  maintenant  sur  l'edilion 
du  S*  Cyrille.  Mais  il  a  respondii  que  dans  le  volume  qu'il  a  dud. 
s''  de  Thoulouse  des  Astronomes,  il  n'y  a  rien  dHeron,  comme  vous 
pourrez  voir  par  le  billet  de  sa  main  que  l'on  m'a  envoyé,  ce  qui  me 
faict  juger  que  vous  aurez  veu  ce  fragment  dans  quelqu'autre  des  vo- 
lumes MSS.  que  led.  s'  de  Thoulouse  vous  communiqua  en  raesme 
temps  que  celuy  desdicts  Astronomes,  dont  je  vous  prie  de  vous  re- 
mettre en  mémoire,  ou  bien  si  ce  ne  seroit  poinct  ailleurs  que  vous 
auriez  veu  cette  pièce.  Au  reste  vous  verrez  la  grâce  que  cez  Mess"  se 
promettent  de  vostre  courtoisie,  et  de  vostre  charité  envers  le  public," 
sçavoir  est  que  vous  ne  ferez  pas  de  difficulté  de  leur  communiquer  les 
deux  libvres  de  S'  Cyrille  sur  S'  Jean,  qui  leur  manquent  en  l'édition 
qu'ils  ont  entreprinse  des  œuvres  de  cet  aulheur,  dont  vous  m'aviez 
escript  aultres  foys  vouloir  accommoder  M""  de  Thoulouse.  Vous  ne  le 
sçauriez  pas  faire  en  conjoncture  plus  opportune  puis  qu'ils  pourront 
tenir  un  si  digne  rang  en  cette  belle  édition,  dont  le  public  ne  vous 
sera  pas  moins  redevable  que  si  vous  les  faisiez  imprimer  vous  mesmes 
à  part,  et  je  croys  bien  qu'on  ne  manquera  pas  de  vous  en  laisser 
l'honneur  qui  vous  y  sera  deub  ^  Et  qu'il  faudra  que  cez  Astronomes 
retombent  par  mesme  moyen  entre  voz  mains,  selon  le  dessein  que 
vous  y  aviez  faict  dez  lors  pour  une  espèce  d'eschange.  Je  vous  en  au- 

'  Cefiilseulementl'annœsuivanlequeles  lamdiu desideratum,  quod  liona  fidoacdili- 
prières  si  jjiessanles  de  Peiresc  purent  être  genlia  curari  publiée  inlercst,  qiuini  unicuin 
exaucées  :  «Mitto  Graeeum  exenipiar  Cyrilli        liocexemplar  in  llalia  extet.r  (P.  iya.) 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  SU 

ray  de  mon  chef  une  particulière  oblifjation,  pour  l'interest  que  je 
prends  en  l'honneur  de  la  France,  et  pour  la  proll'ession  que  je  laicts 
d'estre  serviteur  de  M"^  de  Thoulouse,  et  la  considération  que  je  dois 
à  la  prière  dud.  s''  Aubert  et  encores  plus  de  Mess"  du  Puy,  qui 
m'en  ont  faict  instance  pour  luy.  Je  m'asseure  que  vous  ne  nous 
en  esconduirez  pas  comme  je  vous  en  supplie  trez  humblement, 
et  le  plus  tost  sera  le  meilleur  afin  de  ne  pas  retarder  l'édition  des 
œuvres  de  ce  grand  sainct.  Et  sur  ce,  estant  un  peu  pressé,  je  finiray 
demeurant. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix ,  ce  dera.  juin  1 633. 

Je  n'ay  pas  receu  le  livret  que  ce  gentilhomme  disoit  me  vouloir 
envoyer,  et  veulx  croire  qu'il  prendra  la  commodité  du  retour  de  quel- 
qu'un de  ceux  de  la  suitte  de  M'  le  duc  de  Crequy  K 


XLVI 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Tandis  que  vous  nous  laissez  en  l'attente  de  voz  responces  aux  lettres 
donti}e  vous  importunons  que  trop  souvent^,  nous  ne  laissons  pas  de 
nous  prévaloir  de  toutes  les  occasions  que  nous  pouvons,  pour  vous 
servir  en  la  recherche  que  vous  avez  désirée  de  nous,  de  vostre  Denys 
Byzantin.  Gonnne  vous  verrez  par  les  lettres  que  je  vous  envoyé  tant 
de  l'un  des  moynes  de  mon  abbayie  que  je  fis  passer  exprez  à  Rhodez 
pour  ce  subject,  que  du  s"'  Sabatier,  prieur   de   Calmont*,   de  qui 

'  Bihliolbèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  luis  responsum  debeo,  quod  paulo  longius 

n"  45.  dilatum  luia  vice  nunc  solvam. ..» 

*  Holstonius  commence  ainsi  la  lettre  cm  '  Aujourd'bui  commune  du  camion  de 

du  recueiide  Boissonade(p.  468):  ^Tribus  Naillou.x  (Haute-Garonne).  Au  moment  où 

5a. 


412  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

M""  l'Evesque  de  Rhodez  se  voulut  servir,  |M)ur  celte  perquisition.  Où 
vous  pourrez  voir  que  ce  pauvre  autheur  ne  s'est  poinct  trouvé  men- 
tionné dans  les  inventaires  des  livres  du  card"'  d'Arinaignar  es  années 
1  56i  et  1  569.  Et  qu'on  ne  l'a  pas  sceu  trouver  aussy  entre  les  volumes 
grecs  qui  avoient  esté  mis  à  part  pour  ce  subject,  dont  je  suis  bien 
marry  pour  l'amour  de  vous,  et  me  double  fort  que  ce  ne  soient  là  les 
livres  que  ce  card*'  avoit  acquis  en  ce  temps  là  qu'il  estoit  encor 
evesque  de  Rhodez  comme  je  pense,  ou  bien  fraiscbement  pourveu 
de  l'archevesché  de  Thoulouze,  où  estant  obligé  de  se  transporter,  et 
laissant  son  nepveu  pour  successeur  en  l'evesché  de  Rhodez,  ses  livres 
lui  furent  vraysemblablemenl  laissez  par  inventaire,  sans  qu'ils  ayent 
jamais  esté  depuis  relirez.  Et  possible  sans  qu'on  y  ayt  adjouslé  ceux 
qu'il  pou  voit  avoir  acquis  depuis  lors,  ne  par  mesme  moyen  ceux  du 
pauvre  Gillius  qu'il  ne  pouvoit  avoir  recouvrez  qu'aprez  ses  voyages  de 
Rome.  Toutefoys  il  s'en  fauWra  mieux  informer,  et  vous  jugerez  bien 
par  les  dattes  du  temps  des  voyages  de  Pelrus  Gillius  en  Levant  et  de 
l'édition  de  son  Bosphorus,  et  de  son  decez  (car  je  n'ay  pas  maintenant 
le  loisir  de  l'examiner),  si  l'antériorité  ou  postériorité  des  dattes  vous 
peult  faire  juger  que  le  Denys  Byzantin  fust  parmy  les  livres  de  cez 
inventaires  ou  non.  J'ay  neantmoings  faict  une  recharge,  pour  avoir 
coppie  de  tout  l'inventaire  des  MSS.  tant  grecs  que  latins,  pour  voir 
si  par  la  conformité  des  matières  on  pourroit  juger  que  le  Denys  fust 
comprins  en  quelque  volume  où  il  ne  fust  pas  au  premier  rang,  pour 
en  faire  article  en  l'inventaire.  Et  afin  aussy  de  voir  s'il  y  auroit  quelque 
aultre  pièce  de  vostre  gousl,  et  spécialement  quelqu'une  que  l'on  ju- 
geasl  avoir  appartenu  audict  Gillius,  com'il  en  apporta  quelque  nombre 
en  revenant  de  la  Grèce.  I^e  procez  de  ce  pais  là,  qui  est  renvoyé  en 
nostre  parlement,  nous  en  fera  vraysera!)lablement  apprendre  de  plus 
particulières  nouvelles,  si  un  coup  nous  avons  icy  un  député  de  ce 
chappitre  là  ou  de  M"'  l'Evesque.  J'ay  grand  regret  que  mes  soings 

j'écris  cette  note  vient  de  paraître  une  excel-  G.  Barrière-Fiavy,  correspondant  de  ia  So- 
iente  monographie  intitulée:  La  AflroHMie  </e  ciélé  nationale  des  antiquaires  de  France. 
CalnwHl  en  Lfln^îWoc,  notice  liistorique  par        Toulouse,  Ed.  Privât,  189.3,  jjr.  in-8°. 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  413 

vous  soient  inutiles  en  cette  occasion.  Mais  il  semble  que  le  cœur  me 
dict  qu'il  se  descouvrira  enfin  de  quelque  costé,  j)our  vostre  conten- 
tement, et  ne  tiendra  pas  c'i  moy  que  je  n'y  face  ce  que  je  pourray. 
Cependant  je  ne  manqueray  pas  de  vous  renvoyer  par  la  première 
commodité  d'amy,  et  possible  par  la  voye  de  la  poste,  vostre  Pliilo  By- 
zantins', où  j'ay  prins  plaisir  de  voir  principalement  ce  qu'il  dict  des 
pyramides  d'^Egypte,  et  des  précieuses  incrustations  d'icelles,  ce  que 
j'ay  neantmoings  peine  à  persuader  à  ceux  qui  ont  esté  sur  les  lieux, 
qui  ne  croient  pas  qu'il  y  ait  eu  aulcune  incrustation  par  dessus  de  si 
gros  quartiers  de  pierre  que  ceux  qui  y  sont  entassez  les  uns  sur  les 
aultres,  estimant  que  ce  soit  un  traict  d'ampliation  de  Rhéteur,  pour 
se  donner  carrière,  sans  avoir  esté  sur  les  lieux.  Mais  moy  au  contraire 
je  me  liens  au  sens  littéral,  et  ne  me  puis  imaginer  qu'on  eusse  trouvé 
si  estrange  l'entassement  de  cez  grosses  pierres  si  rudes  et  grossières, 
pour  en  faire  un  si  grand   miracle,  et  pense  que  ce  n'estoit  que  le 
noyeau,  pour  y  appuyer  les  aultres  pierres  plus  précieuses,  et  mieux 
ajustées  et  distinguées  par  différentes  couleurs.  Et  possible  que  la  trop 
grande   haulteur  d'un  escallier  à  aultre,  qu'un  homme  ne  sçauroit 
enjamber,  se  reparoit  en  insérant  entre  l'un  et  Taultre  un  moindre  es- 
callier mittoyen  pour  servir  de  plus  forte  ligature,  et  tenir  mieux  en 
devoir  cez  incrustations  plus  précieuses.  Et  pour  faciliter  l'accez  et  la 
montée  aussy  bien  que  la  descente  bien  à  l'aise,  sans  obliger  à  saulter, 
ou  grimper,  comm'  il  eust  fallu  d'un  degré  à  aultre.  N'estant  pas  mer- 
veilleux qu'il  ne  reste  plus  rien  de  telles  incrustations,  qui  peuvent 
avoir  esté  arrachées  pour  en  orner  et  enrichir  d'aultres  fabriques  dans 
le  mesme  païs  ou  aultres  plus  loingtains,  comm'  il  se  practiquoyt  an- 
ciennement aprez  les  changements  des  dynasties.  Je  seray  bien  aise 
d'en  apprendre  vostre  advis  quand  vous  en  aurez  la  commodité-.  Au 

'   trPhilonisByzanliiopusculumrecepi...  '  "De  Marmorea  Pyramiilura  incriisUt- 

(iaudeo  lameii  et  scriptum  ipsuni  et  ver-  lione  curiosa  sane  ohservalio  tua  est;  con- 

sioncmmeamaccuralissiiBiluijudiciiconsii-  joclura  aulem  verissiina  niihi  vitlelur  qiia 

rani  susliiiuisse,ita  ut  non  vere«rjam  public  lapides  postea  sublatos  et  in  aliuni  usuiii 

DnuiiunToculiseamexponere.i  (P.  4G8.)  coaversos  suspicaiis  :  niwis  eniju  sccurus. 


ù\à  LETTRES  DE  PEIRESC  [1C33] 

reste  M""  l'Archevesque  de  Thoulouse  m'escript  de  son  abbayie  de 
S'  Aman  du  9  du  passé,  que  le  traicté  de  Ponderibus  d'Héron  n'est 
pas  véritablement  dans  le  volume  que  vous  luy  aviez  demandé,  et  qu'il 
a  laissé  à  M"^  Rigaut  ou  à  M""  Aubert  pour  le  vous  faire  tenir,  ou  à  tout 
le  moings  une  coppie  bien  et  soigneusement  iaicte,  dont  ledict  s'  Au- 
bert se  chargea.  Mais  qu'il  a  plusieurs  volumes  des  œuvres  d'fleron, 
parmy  lesquelles  le  traicté  que  je  luy  demande  se  pourra  trouver  si 
vous  l'y  avez  veu,  car  il  ne  s'en  est  rien  perdu  depuis  qu'il  les  a,  mais 
que  le  tout  est  à  Thoulouse  dans  ses  coffres  où  l'on  fut  constraint  de 
les  serrer  au  passage  du  roy  ;  que  quand  il  sera  sur  les  lieux  il  m'offre 
tout  ce  qui  est  à  sa  disposition.  11  me  mande  encores  qu'il  manie  main- 
tenant le  volume  des  historiens  ecclésiastiques  grecs,  dans  lequel  il  a 
restitué  plus  de  deux  mille  passages,  qu'il  y  faict  quelques  observations 
dessus  en  revoyant  ce  qu'il  y  avoit  aultresfois  observé.  El  m'invite  à 
luy  donner  advis  s'il  y  a  rien  qui  luy  peust  servir  à  cet  estude.  Voyez 
si  vous  n'y  pourriez  rien  contribuer  de  vostre  part,  comme  je  ne  double 
nullement  que  vous  ne  le  puissiez,  car  vous  l'obligeriez  grandement  à 
vous  servir  de  la  merce  (sac)  en  revanche.  Je  pense  bien  qu'il  ne  lar- 
dera pas  de  retourner  en  cour. 

M''  de  Valoys  m'escript  de  Paris  qu'il  va  mettre  soubs  la  presse  toutes 
les  œuvres  du  Libanius  que  les  libraires  veullent  reimprimer,  et  ma  prié 
de  luy  faire  obtenir  de  la  bibliothèque  d'Auspourg  une  quinzaine  de 
pièces  qu'il  y  en  a  oultre  les  éditions  précédantes,  dont  je  suis  venu  à 
bout  plus  heureusement  que  je  ne  pensoys,  par  l'entremise  d'un  gen- 
tilhomme de  mes  amys,  qui  l'a  faicl  ordonner  par  les  surintendants  de 
la  Bibliothèque,  ot  commander  au  s' Elias  Ehingerus  Bibliothécaire'. 
Il  me  mande  à  cette  heure  qu'il  a  sceu  que  dans  le  Vatican  il  y  a 
i564  epistres  du  mesme  autheur  lesquelles  il  vouldroit  bien  y  joindre, 

ne  dicani  supinus,  auctor  ille  fiiisset,  si  tara  ajoute  :  <rCf.  omnino  L/etronnius  in  doctissi- 

clara  in  re  tara  turpiter  errasset,  etc.Ti  mis  de  Dicuilo  disquisilionibus,  p.  loa  seq.  1 
(P.  669.)  Boissonade  rappelle  dans  ce  pas-  '  Sur Elie  Ebinger  voir  le  recueil  Peiresc- 

sage  que  le  traité  De  VII  miraculù  se  trouve  Dupuy,  t.  II  et  III ,  passim. 
in  Thés.  Gronoviano,  I.  VIII,  p.  aaSg,  et 


[1633]  À  IIOLSTENIUS.  415 

dont  j'cscriray  un  mot  à  Ms'  le  card*'  Barberin,  afin  que  l'édition  soit 

bien  complottc,  et  si  vous  avez  descouvert  quelque  aultre  pièce  je  vous 

prie  de  m'en  donner  advys,  et  adsistance  pour  les  recouvrer.  Et  me 

commander  en  revanche  comme, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  oblijjé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  7  seplein]>re  1 633  '. 


XLVII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Je  prendray  la  commodité  d'im  livre  large  que  j'envoye  à  l'Ëm.  Sei- 
gneur Card"'  Barberin  d'y  joindre  vostre  Philon  Byzantin  que  j'ay  veu 
avec  grand  plaisir  et  touts  ceux  auxquels  je  l'ay  monstre  icy,  tant  de 
gents  de  lett  resque  de  gents  qui  ont  veu  touts  ces  pais  du  Levant  et 
spécialement  les  Pyramides  d'^Egypte  où  ils  ont  bien  de  la  peine  de  con- 
cevoir de  la  conqialibilité  de  ce  qui  s'y  void  de  mazures  avec  la  des- 
cription qu'en  laict  cet  autheur,  mais  pour  moy  j'ayme  mieux  suyvre  le 
sens  littéral  et  me  persuade  que  les  pyramides  plus  grandes  qui  restent 
auprez  du  Grand  Cayre  ne  sont  que  les  noyeaux  où  estoieiit  appli- 
quées les  incrustations  de  diverses  couleurs  de  marbres  ou  autres 
pierres  plus  précieuses  dont  parle  vostre  Philon,  et  d'aultant  que  la 
liaulteur  de  chascun  degré  desdictes  pyramides  est  trop  haulte  pour 
estre  enjambée  humainement,  je  tiens  qu'il  y  avoit  d'autres  degrez 
entre  deux  qui  servoient  de  liaison  et  qui  lenoient  en  debvoir  (ouïes 
cez  incrustations.  Et  l'ayant  ainsin  cscript  à  Mess"  Du  Puy  et  faict  dire 
par  des  persoimes  que  j'a vois  veues  icy  revenants  d'/Egypte,  ils  avoient 
tesmoigné  d'estre  de  mon  advis'\  mais  M""  de  Thou  y  a  faict  de  la  dif- 

'  Bibliothèque  lkrl)crini,  vol.  79,  pièce  11"  'i(i.  —  '  l'eiresc  juMjuh  ce  passage  a  n'pt'ië 
ce  qu'il  avait  déjà  (icrit  le  7  du  môme  mois. 


416  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ficuUé,  sur  ce  qu'il  en  a  veu  sur  les  lieux  '  et  a  esté  cause  que  d'autres 
ont  mieux  aymé  croire  que  ce  Philon  n'en  parloit  qu'avec  des  amplia- 
tions  de  rhéteur  sans  avoir  esté  sur  les  lieux ,  ne  tesmoignant  pas  d'estre 
tesmoing  oculaire,  dont  je  me  rapporte  à  ceux  qui  s'y  cogiioissent  plus 
que  moy.  Cependant  je  vous  en  remercie  de  tout  mon  cœur,  ne  vous 
])ouvant  exprimer  le  contentement  et  la  délectation  que  j'ay  prinse  à  la 
lecture  de  cez  belles  descriptions  et  surtout  à  celle  des  Pyramides  et  à 
celle  du  Colosse  de  Rhodes  et  de  la  manière  de  le  forger  qui  m'estoit 
quasi  inimaginable  sans  cela,  ayant  admiré  la  bonté  et  propreté  des 
termes  dont  vous  avez  usé  en  vostre  version  de  chose  si  inusitée.  C'est 
grand  dommage  que  l'œuvre  ne  soit  entière.  Nous  avons  icy  mainte- 
nant M'  Samuel  Petit  qui  y  a  prins  un  trez  agréable  divertissement  et 
qui  a  de  grandes  passions  à  vostre  service  et  pour  admirer  vostre  vertu 
et  singulière  érudition*.  J'ay  veu  le  bordereau  des  petits  fragments  de 
Ponderibus  et  Mensuris  que  vous  avez  pris  la  peine  de  rechercher 
dans  la  Valicane  avec  M' de  Fontenay-Bouchard  qui  me  l'a  envoyé  tant 
de  vostre  part  que  de  la  sienne  et  vous  en  remercie  trez  humblement 
l'un  et  l'autre;  je  vous  supplie  de  trouver  bon  qu'il  m'en  fasse  trans- 
crire ce  qui  sera  loisible,  car  je  faicts  proffict  de  petites  choseltes  qui 
ne  semblent  pas  quelquefois  valloir  la  peine  d'estre  recueillies.  Je  vous 
envoyé  deux  petits  fragments  d'un  volume  grec  que  j'ay  sans  commen- 
cement ni  fin  et  sans  distinction  de  livres  ne  de  chappitres  qui  contient 
certaines  scholies  sur  S.  Mathieu  pour  voir  si  vous  pourriez  rencontrer 
le  nom  de  son  autheur  par  la  comparaison  de  ces  deux  passages  avec 


'  Nous  avons  déjà  vu  dans  les  lettres  aux 
frères  Dupuy  que  François-Auguste  de  Thou 
avait  fait  un  assez  long  séjour  en  Orient  et 
qu'il  avait  consigne  dans  une  série  de  lettres 
ses  intéressantes  impressions  de  voyage,  par- 
ticulièrement en  ce  qui  concerne  l'Egypte. 

'  Holstenius  ripostait  (p.  470)  aux  flat- 
teuses appréciations  de  Samuel  Petit  par  ces 
non  moins  flatteuses  appréciations  :  ftSam. 
Petitum,  ex  quo  Miscellanea  et  Varias  Lec- 


tionesejus  vidi,  summopere  ajsliniare  cœpi. 
Habet  iUe  magnam  profundae  eruditionis 
copiam,  et  judicio  edecumato  valet,  quod 
ego  omnis  doctrinae  condimenlum ,  imo  vi- 
tani  et  animam  judico.  Hactenus  tamen 
morosissiini  nostri  censores  neulrum  opus, 
nescio  quamob  causam,  publico  usui  fruen- 
dum  permittere  voluerunt,  ita  fit  ut  nulla 
in  Italiam  exeniplaria  inferantur.s 


[1633]  À  HOLSTENIUS.  417 

ce  qui  s'en  Iroiivo  au  Vatican  soit  dans  les  recueils  de  ces  Cathenaî  Pa- 
Irum,  oij  chascun  est  nommé  à  part,  soit  en  volume  séparé  comme 
celuy  cy.  Le  libvre  est  ecript  de  600  ans,  ce  semble.  J'ay  choisy  des 
lieux  oi!i  il  y  a  des  mots  plus  extraordinaires  pour  voir  si  cela  facilite- 
roit  la  rencontre  de  son  autlieur,  et  vous  supplie  de  faire  estât  de  mon 
service  et  de  me  commander  plus  librement  et  plus  souvent  que  vous 
ne  faictes  comme. 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  3  2  sept.  i633'. 


XLVIII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Depuis  la  despesche  que  je  vous  ay  faict  dernièrement,  j'ay  receu 
une  lettre  de  M''  l'Evesque  de  Rhodez  que  j'ay  creu  vous  devoir  en- 
voyer pour  vous  faire  voir  l'espérance  qu'il  me  laisse  de  la  communi- 
cation du  catalogue  de  ses  livres  MSS.  et  je  croy  qu'il  y  satisfera  à  ce 
coup  sans  doubte  attendu  qu'il  a  un  grand  procez  d'envoyé  en  ce  Par- 
lement où  il  recherche  de  faire  commettre  toutes  ses  causes,  s'estant 
mal  trouvé  de  la  rigueur  du  Parlement  de  Thoulouse;  si  cela  aydoit  le 
public  à  tirer  de  ses  mains  quelque  bonne  pièce,  à  quelque  chose  mal- 
heur seroit  bon,  je  n'en  laisray  pas  eschapper  les  occasions  si  je  puys 
pour  l'amour  de  vous.  Et  ayant  sceu  la  nouvelle  invention  d'imprimer 
avec  la  force  de  l'eau  à  Grotta  Ferrata,  je  n'ay  pas  voulu  manquer  de 
prendre  l'occasion  de  raffraischir  la  mémoire  de  l'Em""^  card'  Barbe- 
rin  de  l'establissement  d'une  imprimerie  grecque,  ainsy  que  je  feray 
volontiers  en  toutes  les  occurrances  que  je  pourray  avoir  de  luy  en 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n°  47. 

»•  53 


il8  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

reparler,  et  le  feroys  incessamment  si  je  ne  craignoys  de  luy  rompre 
la  teste  trop  importunement,  estant  nécessaire  de  laisser  faire  quel- 
que chose  au  temps  aprez  avoir  frappé  un  coup  pour  laisser  faire 
quelque  opération.  Et  n'estant  la  présente  à  autres  fins,  je  demeu- 
rera y, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  oblige  serviteur, 

DB  Peiresc. 
A  Aix,  ce  6  octobre  i633  '. 


XLIX 

xMÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Ce  mot  sera  pour  vous  remercier  comme  je  doibts  trez  affectueu- 
sement du  soin  que  vous  avez  prins  de  présenter  le  P.  Sacqui  à  S.  Em" 
et  l'assister  de  vostre  faveur  et  recommandation  dont  je  vous  suis  bien 
redevable  ^  et  des  tesraoignages  que  vous  y  avez  adjouslez  de  la  con-- 
tinuation  de  l'honneur  de  vostre  bienveuillance  en  mon  endroict,  que  je 
suis  bien  marry  de  ne  pouvoir  mériter.  M'  du  Puy  m'escript  de  Paris 
du  27  d'avril  que  le  MS.  des  astronomes  de  M' l'Archevesque  de  Thou- 
louse  est  achevé  de  transcrire,  et  qu'il  me  l'envoyera  par  le  s'  Moreau, 
de  façon  que  nous  ne  pourrons  pas  meshuy  tarder  de  le  recevoir  et  de 
le  vous  faire  tenir.  Il  m'avoit  auparadvant  adverty  que  M'  Aubert  avoit 
voulu  prendre  la  peine  de  tracer  ou  tirer  luy  mesmes  toutes  les  figures 
de  sa  propre  main,  de  sorte  qu'elles  seront  tout  aussy  exactement  des- 
seignées  que  celles  de  l'original.   Il  attend  en  grande  impatiance  cez 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  minutes  de  l'Inguimbertine ,  notamment re- 

n"  48.  gislre  II, fol.  ig-Si  et  registi-e  VI,  fol.  aog. 

'  Le  P.  Sacqui  ou  Sacquy  ne  figure  pas  Ce  dernier  registre  ne  contient  qu'une  lettre 

dans  les  lettres  de  Holstenius  à  Peiresc,  mais  de  Peiresc  au  religieux,  tandis  que  le  re- 

on  le  retrouve  souvent  dans  les  registres  des  gistre  II  en  contient  quinze. 


[163/1]  À  HOLSTENIUS.  419 

deux  iibvrcs  du  S.  Cyrille  sur  S^  Jean  que  vous  nous  aviez  faict  espérer, 
n'ayant  plus  rien  que  cela  qui  puisse  relarder  la  closlure  de  l'edi- 
lion  des  œuvres  de  ce  grand  sainct,  car  il  a  enfin  receu  la  coppie 
que  l'on  avoit  faict  extraire  en  la  bibliothèque  d'Auspourg  des  aultres 
pièces  du  niesmeautheur  non  imprimées,  dont  la  balle  où  elles  estoient 
eschappa  miraculeusement  de  la  main  des  soldats  qui  pillèrent  toutes 
les  aultres  balles  de  la  foire  de  Strasbourg  il  y  a  quelques  moys,  dans 
laquelle  on  m'envoyoit  une  nouvelle  édition  plus  ample  du  catalogue 
de  ladicte  Bibliothèque,  lequel  j'ay  chargé  M'  Lumaga  de  remettre  à 
M""  du  Puy,  pour  en  prendre  la  veiie,  avant  que  me  l'envoyer  icy.  Je 
pense  que  vous  l'aurez  desjà  veu  de  par  delà,  le  commerce  d'Auspourg 
à  Venise  estant  restably  long  temps  y  a.  Nous  avons  icy  depuis  deux 
inoys  le  bon  M'  Gassend,  qui  faict  tousjours  de  belles  observations,  et 
dans  le  ciel  et  ailleurs.  Il  a  commancé  de  mettre  au  net  sa  philosophie 
d'Epicure,  avec  laquelle  il  traicte  celles  de  cez  aultres  anciens  philo- 
sophes grecs,  d'une  manière  bien  agréable,  et  tiens  que  vous  prendrez 
grand  plaisir  de  voir  son  ouvrage.  Il  a  mis  tout  en  leste,  une  apologie 
pour  Epicure  en  huict  libvres,  pour  monstrer  le  tort  qu'ont  eu  ceux 
qui  hiy  ont  imputé  les  vices,  qu'il  avoit  en  tant  d'horreur'.  Nous  avons 
faict  cez  jours  passez  des  experiances  importantes  sur  l'anatomie  des 
ieulx  de  divers  animaulx,  tant  quadrupèdes  et  terrestres  que  mari- 
times, asçavoir  bœufs,  moutons,  chevreaulx,  tons,  lamies  et  aultres 
gros  poissons,  en  touts  lesquels  nous  avons  trouvé  que  la  nature  a 
pourveu  la  coroide  ou  Nuée  [sic)  d'une  qualité  qui  luy  donne  un  lustre 
métallique,  soit  d'or,  ou  d'argent,  ou  d'aultre  meta!  cappable  d'imiter 
excellemment  l'effect  des  miroirs  dans  le  fond  de  la  concavité  de  l'œuil, 
opposée  à  l'ouverture  par  où  y  entrent  les  espèces  des  images  qui  sont 
dehors.  Et  que  comme  la  rotondité  et  convexité  de  l'humeur  crystallin, 
et  petitesse  du  trou  |)ar  où  s'introduisent  lesdictes  images  dans  l'œuil, 
renverse  nécessairement  lesdictes  images  c'en  dessus  dessoubs,  aussy 

'  Nul  ne  fut  plus  sobre  et  plus  ciiastr  que  rtSputation  n'a  él^  moins  mdrit(<e  que  celle  <|ui 
le  philosophe  en  qui  on  a  personnitii!  l'intem-  ii  él6  surtout  faite  au  hëros  de  Gassendi  pai' 
pérance  et  l'inipudicité,  et  jamais  mauvaise        le  mot  d'Horace  :  Epicuri  de  grtge  porcm. 

53. 


420  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

ce  miroir  qu'elles  rencontrent  au  fonds  de  l'œuil  de  figure  concave  les 
redresse  naturellement  et  les  réfléchit  et  renvoyé  toutes  droictes  dans 
le  crystallin,  dont  nous  avons  faict  voir  l'effect  tout  apparant  à  M'  Gas- 
send  et  aultres  curieux,  principalement  dans  l'œuil  d'un  poisson  lainie 
du  poids  de  quattre  quintaulx,  duquel  ayants  tiré  les  humours  crvs- 
tallin  et  vitrée,  et  y  présentants  une  chandelle  allumée,  nous  v  en 
vismes  incontinant  le  portraict  fort  distinctement  painct  dans  sa  con- 
cavité, mais  en  situation  renversée,  la  poincte  de  la  flamme  en  bas.  Et 
qui  plus  est,  à  mesure  que  l'on  mouvoit  la  chandelle,  nous  distinguions 
fort  bien  que  l'image  renversée  dudict  miroir  sembloit  sortir  du  fonds 
et  s'advancer  jusques  au  devant  de  l'ouverture  de  l'œuil  que  nous  avions 
aggrandie  et  environ  jusques  à  l'endroict  delà  situation  du  crystallin, 
qui  est  un  efl"ect  ordinaire  dans  les  bons  miroirs  concaves  que  j'ay 
éprouvé  souvent  avec  lesquels  non  seulement  la  chaleur  de  la  flamme 
d'une  chandelle  allumée  se  réfléchit  avec  sa  lumière  et  semble  sortir 
hors  du  miroir,  jusques  à  certaine  distance  proportionnée  à  la  gran- 
deur du  globe  sur  lequel  est  travaillé  ce  miroir,  mais  aussy  la  froideur 
d'une  pelotte  de  nege  se  réfléchit  avec  la  blancheur  de  son  image  fort 
sensiblement  quand  elle  touche  le  visage  ou  les  mains  de  quelqu'un  des. 
assistans.  Or  puisque  l'image  de  nostre  chandelle  allumée  se  voyoit 
renversée  dans  ce  miroir  concave  naturel,  si  elle  eust  passé  à  travers 
un  crystallin  convexe  cappable  de  la  renverser,  il  eust  fallu  qu'elle  s'v 
fusse  veiie  toute  droicte,  par  un  second  renversement  ou  redressement 
nécessaire  des  images.  Qui  est  ce  que  le  pauvre  Keplerus  n'avoit  peu 
imaginer,  nomplus  que  le  P.  Scheiner  et  Plempius  ',  à  faulte  d'avoir 
prins  garde  à  ce  vray  miroir  et  lustre  métallique  du  fond  des  ieulx, 
qui  doibt  nécessairement  faire  l'efl'ect  contraire  du  renversement  que 
laict  la  convexité  du  crystallin,  quand  elle  y  est  interposée.  Lorsque 
M'  le  nonce  Bolognetti  passa  en  cette  ville-,  il  voulut  venir  céans,  et 

'  Tous  ces  personnages  ont  été  dëjàmen-  '  Sur  le  nonce  Georges  Bologneti  et  sur 

tionnés  dans  les  tomes  prt'cédents,  nolam-  son  séjour  à  Aix,  voir  le  tome  lit  du  recueil 

menl  dans  \e  lome  l\  {Lettres  à  Gassendi  et  des  Lettres  de  Peiresc  aux  frères  Diipuy, 

de  Gassendi).  p.  99-96,  i56. 


[t63/i]  \  HOLSTENIUS.  421 

ayant  trouvé  sur  la  table  de  mon  cabinet  des  miroirs  concaves  et  con- 
vexes et  des  crystaliins  naturels  de  divers  ieulx  qui  y  estoient  de- 
meurez de  nos  cxperianccs  faictes  peu  de  jours  auparavant,  voulut 
sçavoir  ce  que  c'estoit,  et  voir  quelque  preuve  de  celte  qualité  en  ap- 
parance  de  lustre  métallique,  laquelle  nous  luy  fismes  voir  dans  le 
fonds  d'un  œuil  de  chevreau,  à  faulte  d'aultrc  animal.  Et  parce  qu'il  me 
dict  qu'il  en  vouloit  mander  des  nouvelles  à  l'Em""'  Gard"'  patron,  je 
luy  en  ay  touché  un  mot  en  passant  dans  ma  lettre,  et  m'en  suis  un 
peu  plus  estendu  parlant  à  vous,  h  celle  fin  que  vous  puissiez  ayder  à 
faire  comprendre  ce  que  nous  en  avons  touché  à  S.  Em"*.  Car  cez 
grands  personages  ont  bien  recogneu  que  par  nécessité  les  imagos  en- 
troient renversées  dans  nostre  œuil,  mais  n'ont  pas  sceu  imaginer  com- 
ment elles  se  pouvoient  redresser  puisque  nous  les  voyons  droictes. 
Sur  quoy  j'avoys  eu  longtenq)s  y  a  cette  imagination  que  ce  debvoit 
estre  un  effect  de  la  concavité  de  la  coroide,  et  que  l'humidité  du  vitrée 
et  l'obscurité  du  lieu  debvoit  rendre  l'elfect  du  miroir  concave,  dont 
nous  avons  enfin  trouvé  la  vérification  par  effect,  qui  a  respondu  à 
mon  imagination.  Toutefois  il  y  peult  encor  avoir  d'aultres  considéra- 
tions à  faire  de  la  concurrance  de  deux  images  d'un  mesrae  object  tant 
dans  le  corps  concave  que  dans  le  convexe  diaphane,  l'une  en  droicte 
situation  et  l'aultre  renversée,  dont  l'une  est  aulcunesfoys  comme  in- 
visible bien  qu'elle  y  soit  actuellement,  et  d'aultres  foys  bien  visible,  et 
au  contraire,  selon  les  diverses  distances  de  l'object.  Mais  ce  seroit  un 
trop  long  discours  pour  le  presant,  que  nous  remettrons  à  une  aullre 
foys;  cependant  je  vous  prieray  d'y  songer  et  m'en  dire  vostre  advis  à 
vostre  conmiodité,  et  de  me  tenir  tousjours. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE     PEinRSC. 

k  Aix,  ce  5  inay  t63â  '. 
Bibliollièque  Btrborini,  vol.  79,  pièce  11°  ^g. 


422  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 


MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Je  receus  dernièrement  dans  un  fagot  de  M'  de  Bonnaire,  parmv 
des  livres  venus  de  la  part  du  R.  P.  dom  Du  Puy  et  aultres  arays,  les 
deux  libvres  de  S'  Cyrille  que  M"'  Aubert  attendoit  si  impatiemment 
pour  son  édition,  où  je  recogneux  bien  que  l'addresse  qui  estoit  en 
teste  à  M'  l'Archevesque  de  Thoulouse  estoit  de  vostre  main  encores 
qu'il  n'y  eusse  poinct  de  lettre  vostre  ne  pour  luy  ne  pour  moy.  Et 
quasi  en  un  mesme  temps  je  receus  dans  un  aultre  fagot  de  livres  de 
Paris  de  la  part  de  Mess"  du  Puy  la  coppie  des  Astronomes  grecs,  que 
M'  Aubert  avoit  faict  transcrire  sur  le  MS.  dudict  s"^  Archevesque  de 
Thoulouse,  sans  aulcune  lettre  aussy,  de  la  part  desdictz  s"  Archevesque 
et  Aubert.  Mais  M'  du  Puy  m'escrivoit  que  celte  coppie  avoit  esté 
faicte  par  l'homme  dudict  s'  Aubert  et  que  ledict  s'  Aubert  l'avoit  col- 
lationnée,  et  y  avoit  voulu  faire  toutes  les  figures  de  sa  propre  main, 
avec  un  si  grand  soing,  qu'il  n'y  falloit  avoir  aulcun  regret.  J'envovay 
vostre  S'  Cyrille  par  le  premier  courrier  qui  s'en  alla  en  cour,  et  l'ad- 
dressay  audict  s"^  du  Puy  avec  un  mot  de  lettre  que  je  fis  audict  s'  Au- 
bert, à  celle  fin  que  si  cela  pou  voit  accélérer  l'édition  de  son  S*  Cyrille 
il  n'y  eusse  plus  de  retardement,  et  luy  accusay  la  réception  de  sa 
coppie  du  MS.  des  Astronomes,  le  remerciant  de  la  peine  qu'il  y  avoit 
prinse  sans  vouloir  soufl'rir  que  je  fisse  payer  le  coppiste,  comme  je 
l'avoys  ordonné,  à  ceux  qui  ont  soing  de  mes  petites  affaires  à  Paris. 
J'en  attends  la  responce  dans  la  fin  de  cette  semaine,  mais  je  n  espère 
pas  de  l'avoir  à  temps  avant  le  passage  de  cet  ordinaire  d'Avignon  à 
Gènes  qui  est  attendu  à  ce  soir  ou  demain  au  matin,  le  courrier  de 
Lyon  n'arrivant  que  le  sammedy.  Que  si  je  la  reçoys  et  qu'il  y  ayt 
quelque  chose  qui  vaille  la  peine  de  vous  en  tenir  adverty,  je  vous  en 
escriray  par  la  voye  de  Lyon  pour  ne  pas  attendre  un  moys  entiei- 
l'aultre  suyvant  ordinaire  d'Avignon. 


[1634]  À  HOLSTENIUS.  423 

Cependant  je  n'ay  pas  deub  différer  davanta[i[c  de  vous  accuser  ia 
réception  tant  de  l'un  que  de  l'aultre  de  cez  livres  MSS.  et  de  vous 
dire  la  dilifjence  dont  j'ay  us(!  pour  faire  tenir  vostre  S'  Cyrille  où  il 
falloit,  dont  j'ay  faict  advortir  M""  de  Thoulousc,  bien  marry  de  ne  vous 
pouvoir  envoyer  aussy  promptement  vostre  MS.  d'Astronomes  parce 
qu'il  est  un  peu  gros  par  la  voye  de  l'ordinaire  d'Avignon,  qui  va  à 
pied  d'icy  à  Gènes  et  par  le  courrier  de  Gènes  à  Rome,  attendant  la 
commodité  de  quelque  amy,  qui  s'en  puisse  charger,  ou  de  quelque 
barque,  par  laquelle  je  le  puisse  envoyer  à  droicture  à  Rome,  ou  pour 
le  moings  à  Cività  Veccliia  aux  s"  Egidio  et  Gio.  Batl.  Rossi,  soubs 
l'addi'esse  desquels  j'ay  commancé  à  l'aire  tenir  quelque  livre  à  S.  Em"* 
croyant  bien  que  vous  n'estes  pas  si  pressé  de  le  recevoir,  conim'  estoit 
M'  Aubert  de  celuy  que  vous  et  raoy  lui  avions  faict  espérer.  Car  si  je 
pensoys  que  vous  en  eussiez  de  l'impaliance  je  me  dispenseroys  de  le 
joindre  à  quelque  aultre  libvre  de  l'eminentissime  Cardinal  patron  et 
tascheray  de  tant  flatter  le  messager  d'Avignon,  que  je  l'en  feroys 
charger.  Mais  h  voir  le  contenu  en  ce  volume  je  n'y  trouve  pas  chose 
que  vous  ne  receviez,  je  m'asseure,  aussy  volontiers  dans  deux  moys 
que  dans  deux  semaines,  puisque  vous  n'avez  rien  soubs  la  presse  de 
cette  matière  là.  Au  reste  j'ay  ad  vis  que  M''  de  Valloys  a  achevé  l'édi- 
tion de  ce  qu'il  a  trouvé  bon  de  publier  de  mon  MS.  d'eclogues  de 
Polybe,  Nie.  Damascenus  et  auUros,  dont  j'attends  quelques  exem- 
plaires qui  sont  en  chemin  de  Paris  icy,  mais  ils  ne  peuvent  venir  que 
lentement  à  mon  grand  regret  et  par  les  roulliers.  Aussy  tost  que  je 
les  auray  je  ne  manqucray  pas  d'en  envoyer  à  S.  Em**  et  y  en  aura  un 
pour  vous,  Monsicui',  à  qui  je  doibs  bien  encores  des  remercinients 
trez  humbles  de  ce  que  vous  avez  daigné  despartir  à  ma  prière,  pour 
l'édition  du  S'  Cyrille,  bien  que  certainement  vous  n'eussiez  guieres 
de  subject  de  contentement  de  la  part  de  ce  prélat  qui  s'estoit  si  mal 
souvenu  de  ses  offres  et  promesses  ^  Mais  vous  avez  mieux  aymé  con- 
sidérer l'interest  du  public,  en  quoy  je  loiie  grandement  vostre  pru- 

'  L'archevêque  de  Toulouse,  Clinrlcs  de  Moutchal. 


hV\  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

dance  et  modération,  et  m'en  tiens  de  tant  plus  vostre  obligé  pour  la 
part  que  j'y  prends,  vous  rendant  encores  mille  grâces  de  la  version 
latine  de  l'Aiistarque  samien'  que  M'  de  Bonnaire  m'a  envoyée  de 
vostre  part  dont  je  faisois  la  recherche  pour  le  bon  homme  M"^  Schickard 
vostre  ancien  amy  ^,  ayant  veu  dans  sa  response  au  Mercurius  in  sole 
de  M""  Gassend,  qu'il  ne  sçavoit  pas  seulement  si  cet  aulheur  estoit  plus 
in  rerum  natura  ou  non.  En  ayant  moy  faict  transcrire,  pour  l'amour 
de  luy,  le  texte  grec  dans  la  Bibliothèque  du  Roy,  que  je  faicts  estât 
de  luy  envoyer  au  premier  jour  avec  vostre  livre  de  la  version  latine  de 
Pezaro^,  soubs  vostre  bon  plaisir,  ayant  neantmoings  retenu  coppie  du 
texte  grec  par  devers  moy,  laquelle  je  vous  eusse  envoyée  trez  volon- 
tiers, avec  les  aultres  Astronomes  de  M'' Aubert,  si  j'eusse  creu  que  ne 
l'eussiez  desjà  prinse  ou  du  Vatican,  ou  possible  de  la  mesme  biblio- 
thèque du  Roy,  où  je  l'ay  faict  prendre.  Que  si  ne  l'aviez,  advertissez 
m'en  et  je  la  vous  envoyerai  incontinant,  désireux  de  vous  pouvoir  un 
jour  rendre  quelque  digne  service,  et  que  vous  me  veuilliez  advoiier 
tousjours, 

Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  29  juin  i634  *. 

'   Sur    Aristarque  de   Samos,    voir    le  '   CeUe  version   latine,   avec  copimen- 

lome  III  du  recueil  Peiresc-Dupuy,  p.  ao  taires,  imprimée  à  Pesaro  (1672,  in-i"), 

et  suiv.  Cf.  le  tome  IV,  Lettres  à  Gassendi.  était  l'œuvre   de    Frédéric  Commandinus 

'  Voir  les  regrets  exprimés,  deux  ans  (d'Urbin). 
plus  tard,  par  Holstenius  au  sujet  de  la  *  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

mort  de  Schickard  (lettre  du  6  septembre  n°  5o. 
i636,  p.  aôf)). 


[163/i]  A  HOLSTENIUS. 


MÊME   ADRESSE. 

Moiisictir, 
Je  fus  si  malheureux  lorsque  j'envoyai  i'Alzaron  '  à  rEin"™  Gard"' 
patron,  et  que  je  luy  Gs  faire  l'addresse  d'un  ballot  de  livres  pour  di- 
vers amys,  que  le  petit  fagot  de  vostre  MS.  grec  des  Astronomes  et 
d'un  exemplaire  que  je  vous  avoys  destiné  des  Eclogues  de  Poiybe  de- 
meura en  arrière  sans  que  personne  s'en  apperceust  que  longtemps 
ciproz  le  partement  de  la  barque,  de  façon  qu'il  a  fallu  attendre  jus(|ues 
à  cette  heure,  et  le  mal  est  que  la  veniie  des  galères  de  Gènes  pour 
apporter  les  soyes  de  Messine,  avoit  faict  courir  le  bruict  que  celles 
du  Pape  ne  venoient  plus,  et  avoient  ronq)u  leur  voyage;  ce  fut  comme 
je  pense  un  artifice  de  marchands  pour  mieux  vendre  leurs  soyes, 
dans  cette  opinion,  de  sorte  qu'elles  ont  bien  surprins  le  monde  en 
arrivant,  et  qui  pix  est,  nous  avons  aussy  tost  sceu  qu'elles  partoient, 
comme  leur  grrivée,  mais  par  bon  heur  le  temps  ne  leur  est  pas  trop 
favorable,  ains  un  peu  contraire,  ce  qui  me  faict  espérer  que  vostre 
petit  fagot  que  j'envoye  demain  à  Marseille,  y  pourra  arriver  à  temps 
pour  y  estre  embarqué,  et  j'en  feray  l'addresse  à  S.  Em''''  pour  luy  servir 
de  bon  passeport.  Cependant  je  vous  prie  de  m'entretenir  tousjours  en 
l'honneur  de  voz  bonnes  grâces,  et  m'employer  plus  librement  que 
vous  ne  faictes.  Le  R.  P.  Dom  du  Puy  m'avoit  mandé  que  vous  m'aviez 
escript  et  j'avoys  eu  appréhension  que  voz  lettres  se  fussent  esgarées. 
mais  parles  dex'nieres  de  M'  de  Bonnaire,  il  m'escript  d'avoir  apprins 
de  vostre  bouche  que  vous  aviez  encore  chez  vous  des  lettres  com- 
mancées  pour  moy  ou  escriptes  ja  longtemps  y  a,  ce  qui  m'a  osté  de 
peine  pour  ce  regard.  Et  il  fault  que  je  vous  en  oste  vous  aussy  par 
inesme  moyen,  et  que  je  vous  descharge  tout  à  faict  du  soing  de  m'es- 
crire,  voyant  bien  qu'il  ne  peult  que  vous  desrobber  trop  de  temps, 

'  Co  quadrupède  est  souvent  mchlionné  dans  les  letti-es  de  Peiresc  aux  frères  Dupu) .  Nous 
le  retrouverons  dans  les  lettres  à  Thomas  d'Arcos,  î»  Claude  de  Saumaise,  etc. 

T.  54 

nriiKKmii   ■âno«tu. 


Sâé  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

vous  estant  si  court  et  si  cher,  et  ne  pouvant  estre  plus  mal  employé 
qu'à  m'escrire,  car  de  moy  vous  ne  sçauriez  apprendre  que  des  vétilles 
et  importunitez  dont  le  divertissement  ne  m'est  pas  bien  pardonable, 
sçaichant  comme  je  faicts  avec  quelle  utilité  vous  employez  le  temps 
que  vous  pouvez  desrober  aux  occupations  inesvitables  de  la  cour  ro- 
maine. C'est  pourquoy  ne  vous  en  mettez  dcshorsmais  plus  en  peine 
pour  mon  regard,  et  croyez  qu'il  me  sulïira  tousjours  d'a])prendre  par 
qui  que  ce  soit  de  voz  amys,  que  je  ne  sois  pas  descheu  de  l'honneur 
de  vôz  bonnes  grâces  et  que  vous  me  tenez  toujours  pour  vostre  servi- 
teur Comme  je  le  suis  et  seray  inviolablemant  tout  le  temps  de  ma  vie, 
quoy  qui  puisse  arriver,  et  voulussiez  vous  ou  non.  Que  si  je  puis  rece- 
voir quelques  libvres  du  Levant  dont  on  me  donne  encores  quelque 
espérance,  lors  je  me  dispcnceray  d'interrompre  voz  bonnes  occupa- 
lions,  pour  vous  en  offrir  la  disposition,  comme  de  tout  ce  qui  sera 
jamais  en  ma  puissance,  vous  y  aurez  aultant  et  plus  de  part  que  moy, 
estant  de  tout  mon  cœur. 
Monsieur, 

vostre  trez  hupble  et  Irez  obéissant  serviteur, 
DE  Peibesc. 
A  Aix,  ce  i  6  oct.  i6.84. 

Je  viens  de  recevoir  ({uelques  libvres  de  Paris  entre  lesquels  ayant 
trouvé  un  exemplaire  en  grand  papier  des  Eclogues  du  Polybe  j'ay  in- 
continant  faict  despacquetter  vostre  fagot,  pour  le  changer  contre  celuy 
que  je  vous  avoys  faict  relier,  qui  n'estoit  qu'en  petit  papier,  ayant  jugé 
que  vous  aymeriez  mieux  le  grand  pour  y  escrire  plus  commodément 
s'il  y  escheoit,  estant  marry  de  n'avoir  eu  loisir  de  le  faire  relier  '. 

'  Bibliotlièrjue  Barberini,  vol.  79,  pièce  ii'  01 . 


[163.'i]  À  HOLSTENILS.  427 


LU 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 

Le  renom  de  voslre  rare  sçavoir  en  toute  sorte  de  bonnes  lettres,  el 
(le  la  grande  bonté  de  vostre  naturel,  a  faict  que  le  s'  Rarnery  Malian, 
médecin  de  Remiremont  en  Lorraine  ',  qui  avoit  contracté  quelques 
petites  habitudes  avec  moy,  a  désiré  en  s'en  allant  à  Rome,  non  seule- 
ment de  vous  aller  faire  des  offres  de  son  service,  mais  de  s'y  soubs- 
mettre  actuellement,  et  de  vous  donner  toutes  les  preuves  à  luy  pos- 
sibles de  sa  fidélité  et  de  sa  devolion  si  vous  avez  agréable  de  l'admettre 
chez  vous,  où  il  se  resouldi'oil  à  touts  les  offices  possibles  pour  mériter 
quelque  part  en  l'honneur  de  voz  bonnes  grâces,  et  qu'il  vous  pleust 
luy'donner  quelques  adresses,  pour  pouvoir  acquérir  quelques  notices 
de  la  langue  grecque,  à  quoy  je  m'asseure  que  vous  luy  pouvez  fournir 
plus  de  secours,  en  deux  mots  une  foys  le  moys,  qu'il-  ne  sçauroit  tirer 
de  tout  aultre  par  des  leçons  journalières  et  continuées  des  années 
entières. 

11  a  desjà  une  grande  cognoissance  des  Plantes,  et  un  grand  désir 
d'en  ac(juerir  un  peu  dans  la  géographie  praticque  et  si  vous  vou- 
liez entreprendre  des  pérégrinations  aux  environs  de  Rome  cojnme 
vous  aviez  aultresfoys  desseigné,  il  vous  y  accompagne roit  et  serviroit 
de  si  bon  courage  que  vous  n'auriez  pas,  je  m'asseure,  de  regret  de 
luy  avoir  octroyé  cette  preferance,  en  vostre  service.  Et  j'oseroys  loe 
rendre  en  quelque  façon  sa  caullion  de  toute  sorte  de  bonne  volonté  et 
fidélité;  vous  verrez  si  vous  y  trouverez  les  fondements  que  vous  pour- 
riez désirer,  et  je  seray  bien  aise  d'avoir  esté  médiateur  de  cette  cor- 
respondance, si  Dieu  a  permis  qu'elle  sorte  ù  effect  selon  ses  vœux. 
En  toute  façon  je  m'asseure  que  vous  ne  serez  pas  marry  qu'il  aye  le 

'  Voir  au  sujet  de  ce  pereonnage  le  lonie  IV  des  Lettres  de  Peirexc.  Le  docteui-  Maliaii 
a'est  [ifis  une  seule  fois  nommé  dans  le  recueil  des  teUres  de  Peircsc  h  Holstenius  qui  a  été 
publié  par  Boissunade. 

5/1. 


428  LETTRES  DE  PEIRESC  [163«i] 

bien  de  vous  approcher  quelque  foys,  s'il  ne  peult  faire  mieuix ,  comme 
je  vous  en  supplie  et  de  me  tenir  tousjours, 
Monsieur, 

voslre  irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a4  octobre  i63/i  '. 


LUI 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 

Ëscrivant  à  l'em"""  card''  Barberin  en  faveur  du  H.  P.  Hippolyle  Sa- 
vi{»non  de  Gènes-,  sur  un  bref  apostolique,  à  luy  souhaiclé  el  procuré 
de  la  part  de  bon  nombre  de  genis  d'honneur,  de  mérite  fort  relevé, 
de  cez  quartiers  là,  et  entr'  aultres  du  s""  Marc  Anf  Paoli  que  vous  avez 
veu  en  vostre  cour,  l'on  a  désiré  que  je  vous  en  fisse  un  mot  d'adresse 
et  de  recommandation,  au  cas  que  vous  trouviez  à  propos  de  iuy  rendre 
quelque  bon  office  auprez  du  Gard"'  patron,  pour  l'amour  de  touts  cez- 
Mess"  et  de  moy  encores,  s'il  m'est  loisible  d'y  intervenir  parmv  des 
])ersonages  de  ce  qualibre.  Je  vous  supplie  donques.  Monsieur,  de  vou- 
loir bien  coopérer  à  noz  vœux  en  cela,  el  croire  que  je  tiendray  à  sin- 
gulière faveur  tout  ce  que  vous  daignerez  faire  pour  luy,  soit  auprez 
de  S.  Em'=-  ou  des  officiers  qui  en  debvront  faire  l'expédition.  Et  vous 
rendray  en  revanche  tout  le  service  trez  humble  qu'il  vous  plairra  tirer 
de  moy  comme. 

Monsieur,  de 

vostre  trez  humble  et  trez  affectionné  serviteur, 

nE  Peiresc. 
A  Aix ,  ce  1 7  dec[embre]  i  G3i  '. 

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n"  Sa.  —  '  Ce  religieux  ne  figure  pas  parmi 
les  correspondants  de  Peiresc.  —  '  Bibliothèque  Barberini,  vol    79,  pièce  n"  .iS. 


[163i] 


A  HOLSTENIUS. 


429 


LIV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Trouvant  la  bonne  commodité  du  passage  de  M'  Bouche  ',  je  ne  l'ay 
pas  deub  laisser  escliapper,  puisqu'on  me  l'a  permis,  de  vous  envoyer 
le  catalogue,  que  vous  aviez  désiré  de  voir,  des  livres  de  la  bibliothèque 
du  feu  card*'  d'Armaignac  qui  sont  eiicor  en  estât  à  Rodez  ^.  Od  vous 
pourrez  voir  que  le  Dcnys  Byzantin  n'a  jamais  esté  du  nombre,  à  mon 
grand  regret,  et  qu'il  n'y  a  plus  gueres  de  resource,  encor  que  le  gen- 
tilhomme qui  me  l'a  remis  de  la  part  de  M'  l'Evesque  deHIiodez  m'ait 
asseuré  qu'd  y  a  encores  liuict  ou  dix  gros  volumes  grecs  MSS.  non 
inventoriez  ne  cottcz,  dont  il  m'a  promis  faire  l'inventaire  luy  mesmes 
à  son  retour.  J'y  ay  veu  nommé  un  Joanncs  Gilliiis  promoteur  de  Tours 
qui  estoit  vraysemblablement  do  la  parenté  de  Petrus  Gillius  et  qui 
pourroit  avoir  recueilly  quelque  chose  de  sa  succession  s'il  luy  avoil 
survescu.  C'est  pourquoy  j'en  envoyeray  demander  des  nouvelles  à 
Tours,  afin  que  si  le  Denys  Byzantin  avoit  passé  jusques  là,  on  l'y 
puisse  vcndiqucr  chez  les  héritiers  des  uns  ou  des  aultres  s'il  est  pos- 
sible. Nous  attendons  icy  l'em""  Gard"'  de  Lyon  dans  dix  ou  douze 
jours,  et  dict  on  que  M'  de  Chastelliers,  cy  devant  evesque  d'Agen  et  à 
présent  nommé  à  l'evesché  d'Alby  '*,  doibt  estre  de  la  partie  ;  je  le 
prieray  fort  instamment  à  son  passage  de  faire  faire  exacte  perquisi- 
tion dans  la  bibliothèque  du  feu  s""  Alfonce  d'Elbene,  evesque  d'Albx  \ 


'  li  s'a(;il  là  d'Honoré  Bouche,  l'excellent 
historien  de  la  Provence,  déjà  mentionné 
dans  noire  tome  IV.  Nons  trouverons  un 
peu  plus  loin  réiojje  de  cet  ami  de  Peiresc 
et  de  Gassendi. 

'  J'ai  déjà  annoncé  (recueil  Peiresc-Du- 
puy  )  que  j'ai  l'inlenliou  de  pulilier  ce  cata- 
logue d'après  une  co])ie  conservée  dans  la 
bibliothèque  d'Inj^iiiinb"rt,  h  C.arpenlras. 


'  Ce  personnage  ne  figure  pas  sous  ce 
nom  sur  la  liste  des  évêques  d'Agen.  Pei- 
rcsc  a  sans  nul  doule  voulu  parler  do  tîas- 
panl  de  Daillon,  qui  occupa  le  siège  d'Agen 
de  ]63i  à  iG35,  et  qui  devint  évàpie 
d'Albi  le  SI 6  octobre  de  cette  dernièiT 
année. 

*  Alphonse  I"  d'Elbène  occupa  le  siège 
d'Albi  de  i588  h  1608. 


430  LETTRES  DE  PEIUESC  [1634] 

qui  fut  laissée  en  depos  aux  Jésuites  d'Alby  cez  années  dernières,  pour 
la  garder  à  l'evesque  d'Elbene  destitué  depuis  peu',  dont  le  neveu 
doibt  aussy  venir,  pour  l'evesché  d'Agen  que  M'  de  Chasteliers  luy  re- 
met ^  et  je  le  prieray  aussy  d'y  interposer  son  authorité,  en  tant  qu'il 
pourra,  car  Petrus  Gillius  estant  de  cette  ville  d'Alby  y  pourroit  bien 
avoir  laissé  quelque  héritier  de  qui  le  s"^  All'once  d'Elbene  eust  retiré 
cez  livres  dont  il  avoit  bon  nez^  pour  ne  les  pas  laisser  eschapper  s'il 
y  avoit  peu  mettre  les  mains  dessus.  En  tout  cas  nous  verrons  l'inven- 
taire, et  possible  y  trouverons  nous  quelque  pièce  curieuse  pour  nous 
consoler,  et  suppléer  aulcunement  la  perte  de  ce  Denys  Byzantin,  s'il 
est  tout  à  faict  perdu,  dont  j'ay  grande  peur.  Cependant  je  vous  sup- 
plie d'agréer  que  le  s'  Bouche  vous  salliie  trez  humblement  de  ma 
part,  et  qu'il  vous  porte  mes  compliments  et  continuation  de  vœux 
pour  la  prospérité  du  nouvel  an  et  d'un  si  bon  nombre  d'aultres  à  la 
suitte,  qui  vous  puisse  combler  d'honneurs,  de  moyens,  et  de  conten- 
tements. Il  est  fort  honneste  homme  et  fort  modeste,  et  bien  qu'il  soit 
en  réputation  de  doctrine  entre  ceux  du  païs,  de  la  profession  de  la 
Théologie  scholastiquc,  il  ne  s'en  présume  pourtant  pas  beaucoup,  et 
n'en  vault  pas  moings  aussy.  11  est  fort  de  mes  amys  et  de  toute  nostre  , 
mayson,  et  si  vous  pouvez  l'adsister  et  favoriser  en  quelque  chose  de 
pardelà,  auprès  de  l'em"''  Gard"'  patron,  ou  des  aultres  de  sa  cour, 
auxquels  je  ne  puis  escrire  présentement  en  sa  faveur  comme  j'eusse 
faict  trez  volontiers,  je  vous  en  auray  particulière  obligation,  et  vous 
serviray  de  tout  mon  cœur  comme, 
Monsieur, 

voslre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  25  dec[embre]  i634'. 


'  AlphonseIId'Elbènesuccéda,en  i6o3,  A  rapprocher  de  l'emuncte  «arts  d'Ho- 

à  Alphonse  I",  et,  comme  s'exprime  Pei-  race  (satire  1). 
resc,  fut  destitué  en  i635.  ''  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

^  Ce  neveu,  Barthélémy  d'Elbene,  gou-  n°  5/i. 


verna  le  diocèse  d'Agen  de  i636  ii  i663. 


1163^^1 


A  HOLSTENIL^. 


àZ\ 


LV 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Jo  vous  escrivys  cez  jours  passez  en  si  grande  haste  en  vous  envoyant 
par  M"'  Bouche,  prevost  de  S'  Jaume,  le  catalogue  des  Livres  de  la  Bi- 
biiolliequo  du  dclTunct  cardinal  d'Armaignac  que  j'oubliay  d'y  faire 
joindre  la  lettre  mesmes  de  M'  l'Evesque  de  Rhodez  qui  l'accompa- 
gnoit,  et  de  vous  prier,  comme  je  faictz  à  cette  heure,  de  le  vouloir 
faire  voir  à  M'Doni  qui  en  avoit  tesrnoigné  tout  plein  de  désir,  et  puis 
me  le  renvoyer,  s'il  vous  plaict,  quand  en  aurez  priiis  les  instructions 
que  vous  trouverez  à  propoz,  lorsqu'on  rencontrerez  quelque  commo- 
dité asseurée,  afin  que  je  le  puisse  rendre  à  M'  de  Rhodez,  h  «jui  j'ay 
faict  grande  instance  tout  de  nouveau  pour  faire  inventorier  les  vo- 
lumes grecs  qui  ne  le  sont  pas,  cl  nous  en  envoyer  le  roole  au  plus  tosl. 
J'ouliliay  aussy  de  vous  demander  si  vous  n'auriez  pas  de  notice  de  ce 
Christophorus  qui  a  transcript  tout  plein  de  bons  livres  grecs  et  latins 
de  ladicte  bibliothèque  ^  comme  vous  eustes  de  cet  Andréas  Darma- 
rius''^  qui  avoit  escript  ceux  que  je  vous  envoyai  les  années  dernières, 


'  Sur  le  calligraphe  allemand  Chrisloplie 
Auor,  voir  Léopold  Delisle ,  Cabinet  des  ma- 
nuscrils,  1. 1,  p.  i5A.  Cliristoplio  copia  pour 
Georges  (rArmagiiac,  a  Rome,  do  i54i  à 
i548,  une  quarantaine  de  manuscrits  grecs 
et  quelques  manuscrits  latins  qui  sont  con- 
servas aujourd'liui  à  la  Bibliothèque  natio- 
nale. Les  souscriptions  h  la  fin  Je  ses  copies 
sont  toutes  sur  le  môme  modèle.  M.  H.  Oiiiont 
a  bien  voulu  m'envoyerun/nc-sïmi/e  lire  du 
manuscrit  grec  igSC  {Théodore  Mclocliite), 
p.  fiSa ,  de  la  suscription  (de  l'aonée  liltà) 
ici  reproduite  : 

ToûTo  tffapèv  ffviToyfia,  .  .  .  reeopylov 
ToO  kpfieviâxov  .  .  .    àvaXùifiTLai ,  x*'P'  ^^ 


xai  ^lAoTTor/a  Xpi<r7o^<)pou  toû  Àê^pov, 
FepfiavoO .  . . 

On  lit  à  la  fin  du  ms.  latin  677  :  ^Manu 
et  labore  Christopliori  Auveri  Rutbciiae 
srriptus  liber  reverendissimo  et  illustris- 
simo  domino  cardinal!  d'Annai{;;-naco.  i  I^ 
ms.  latiu  6866  parait  ôlre  du  uirme  co- 
piste. —  Armand  Gigongne  avait  recueilli 
un  (rEncliiridion  oralionum»  ëcril  ii  Rome, 
en  i5i3,  pour  le  cardinal  Georges  d'Ar- 
magnac, probablement  par  Cliristoplie 
Auer. 

'  Voir  sur  A.  Darmarius,  déjii  reucouli-ë 
plus  haut,  le  tome  111  du  recueil  l'eiresc- 
l)u|)uy,  |>.  /it6. 


432  LETTRES  DE   PEIRESC  [1635] 

pour  sçavoir  s'il  estoit  grec  de  nation  comme  l'autre,  ou  de  quel  lieu, 

et  s'il  n'avoit  poinct  aussy  de  son  chef  mérité  quelque  chose  du  public, 

sur  quoy  attendant  de  voz  nouvelles,  je  demeureray. 

Monsieur, 

voslre  Irez  humble  et  irez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  a8  dec[embre]  i634. 


LV[ 

MÈMR  ADRESSE. 

Monsieur, 
Enfin  nous  avons  eu  de  voz  nouvelles  passées  de  Rome  en  Liège  et 
apportées  icy  par  M''  Dormalius  vostre  bon  amy  ',  à  qui  je  me  sens  in- 
finiment redevable  de  l'honneur  de  son  souvenir,  et  de  la  laveur  qu'il 
vous  a  faict  de  prendre  sa  routte  par  icy,  à  quoy  vous  avez  assez  con- 
tribué, pour  m'obliger  de  vous  en  rendre  comme  je  taicts  mes  trez 
humbles  actions  de  grâces,  bien  marry  de  n'avoir  de  quoy  luy  fournir 
de  l'entretien  digne  de  son  mérite.  Mais  ce  ne  sera  poinct  -^  faulte  de 
bonne  volonté,  ne  pour  espargner  rien  qui  puisse  dépendre  de  moy  et 
des  miens.  Il  se  promettoit  bien  de  trouver  icy  de  voz  lettres,  mais  il 
n'y  a  nulle  apparance  de  vous  divertir  de  voz  meilleures  estudes  pour 
perdre  du  temps  à  escrire  à  ceulx  qui  vous  sont  dezvoiiez  inviolable- 
ment,  et  qui  ayment  mieux  apprendre  que  vous  continuiez  d'estudier 
et  ayder  au  public,  qu'à  des  simples  persones  particulières.  S'il  m'en 
croid,  puis  que  la  saison  est  si  advancée,  il  laisra  passer  les  grandes 
challeurs  icy  avant  de  prendre  la  routte  d'Italie.  Cependant  on  verra 

'  Sur  le  sëjour  de  Dormalius  chez  Pei-  19  juin  où  l'arrivdede  l'helli^nisle  estjoyeu- 
resc,  voir  divers  détailsdans  le  lorae  III  des  sèment  annoncée  (p.  33i),  la  leUre  du 
Lettres  aux  frères  Dupuy,  passim.  Voir  no-  96  juin  où  Peiresc  menliooiie  la  prolonga- 
laniment  la  lettre  du  5  juin  i635,  où  il  est  tion  du  séjour  de  son  iiôte  (p.  33/j),  la 
question  de  l'impatience  avec  laquelle  Dor-  lettre  du  10  juillet,  où  l'on  apprend  son  dé- 
nialius  était  attendu  (p.  323),  la  lettre  du  part  pour  Rome  (p.  343),  etc. 


[1635J  À  HOLSTENIUS.  433 

si  cette  nouvelle  rupture  de  la  liberté  du  commerce,  pourroit  prendre 
du  tempérament'.  Mais  il  appréhende  que  les  choses  ne  se  brouillent 
davantage,  et  vouloit  s'embarquer  dez  aujourd'huy  pour  Malte  pluslost 
que  de  différer,  ce  que  je  n'ay  pas  voulu  soulliir.  Nous  n'aurons  de 
i5.  jours  la  commodité  de  l'ordinaire  d'Avignon  à  Gènes.  C'est  pour- 
quoy  je  me  sers  de  cet  extraordinaire  du  costé  d'Antibe,  pour  Gènes, 
au  cas  que  mes  lettres  puissent  passer,  et  demeure  lousjours, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

Je  vous  prie  de  faire  tenir  les  lettres  cy  jointes  à  leur  adresse  pour 
l'amour  de  moy,  n'ayant  pas  le  temps  d'escrire  à  M""  l'Ill""  Cav.  dcl  Pozzo, 
ne  à  M""  de  Bonnaire  ne  à  aullre,  (it  ne  pouvant  relarder  ce  porteur. 

Ne  perdez  plus,  je  vous  supplie,  l'occasion  de  faire  observer  par 
quelque  persone  bien  versée  en  mathématique  la  prochaine  ecclipse 
de  lune  du  28.  aoust  prochain,  car  elle  pourra  grandement  servir  à 
déterminer  les  distances  et  longitudes  de  Rome  et  des  aultres  lieux  oii 
elle  pourra  estre  observée  en  mesme  temps,  mais  ne  le  négligez  pas,  je 
vous  supplie.  Monsieur^. 


LVII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
11  ne  me  seroil  pas  bien  séant  de  laisser  partir  M'  Dormalius  sans 
l'accompagner  de  deux  lignes,  pour  soubscrire  aux  compliments  quil 

'   Pour  adoiictsmnent.  moilië  de  juin   i635.    Ijï  lettre  suivante 

'  Bibliotliè<iue  Barberini,  vol.  79,  pièce  montre  qu'elle  est  en  tout  cas  antiVicure  au 

u°  56.  La  lettre  n'est  pasdatt'e,  mais  d'après  ag  de   ce  mois,  jour  où  Dormalius  prit 

les  renseignements  qu'elle  nous  fournil  sur  congd  de  son  hôte. 

Dormalius,  on  voit  qu'elle  est  de  la  seconde 

T.  9^ 

tarkiviMi  stTto^ftit. 


434  LETTRES  DE  PEIRESG  [1635] 

vous  fera  de  vive  voix  en  mon  nom,  vous  ayant  escript  à  l'advance 
i5  jours  y  a  pour  vous  donner  advis  de  son  arrivée  en  bonne  santé, 
et  pour  me  conjouyr  des  espérances  que  le  public  peult  prendre  de 
vostre  commune  intervention  en  l'imprimerie  que  l'on  veult  mettre  sus 
de  tant  de  bons  livres  grecs.  Il  vous  porte  un  feuillet  ou  deux  d'un 
des  anciens  pères  de  la  Grèce  sur  S'  Mathieu,  qui  n'a  poinct  de  com- 
mancement\  et  qui  meriteroit  bien  de  recouvrer  son  nom  si  vous  le 
lui  pouviez  rendre  par  la  conferance  desdictes  feuilles  avec  ce  que  vous 
trouverez  sur  cette  matière  dans  la  Bibliothèque  Vaticane  ^.  Je  ne  suis 
marry  que  de  ne  l'avoir  peu  faire  sesjourner  icy  jusques  à  ce  que  les 
chaleurs  fussent  passées,  craignant  que  sa  santé  ne  s'altère  par  les  che- 
mins principalement  s'il  arrivoit  jusques  à  Rome  en  si  mauvaise  sai- 
son, mais  s'il  me  croid,  il  s'arrestera  en  Italie  et  n'arrivei'a  à  Rome 
qu'en  automne.  Tenez  moy  tousjours, 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
À  Aix,  ce  ag  juin  en  haste  i635  '. 


LVIII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Aprez  longues  années  de  cessation,  que  j'ay  tousjours  benignement 
nterpretée  selon  mon  debvoir  \  comme  provenant  des  meilleures  occu- 


'  «De  fragmento  Graeco  in  Matthaeum  iiciles  in  exhibendo custodes  illise preebeant; 

inquiram,  etputo  me  pervestigaturum  auc-  tum  vero  jam  non  semel  experlus  est  Bo- 

lorem...i  (P.  iyo.)  chardus nosler, etiam ubi  luo Domine petiit. » 

'  trVellem  ut  paulo  liberior  Vaticanorum  (P.  iyo.) 

codicum  inspiciendorum  atque  evolvendo-  '  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

rum  facultas  nobis  concederetur,  prassertim  n"  5 7. 

ubi  per  multos  codices  circuuivolitandum.  *  L'expression  longues  années  est-elle  une 

Neque  tu  ignorare  potes  quam  duros  ac  dif-  amicale  exagération  ?  Peiresc  a-t-il  voulu 


|1636J  À  HOLSTENIUS.  â35 

pations  de  voz  dignes  estudes,  qui  ne  debvoient  pas  eslre  interrom- 
pues sans  bien  légitime  occasion,  tout  d'un  coup  ce  dernier  ordinaire 
de  Gènes  m'a  apporté  trois  depesclies  vostres  du  ii  febvrier  i63â, 
2  may  et  7  juin  derniers'  accompagnées  de  divers  cahiers  et  extraicts 
bien  curieux,  tant  des  recherches  épicuriennes  pour  M""  Gassend,  qui 
vous  en  remercie  de  tout  son  cœur,  et  vous  escrira  s'il  peult  par  cet 
ordinaire  mesmes,  et  de  celles  du  Libanius  pour  M""  Godefroy,  à  qui  je 
les  envoyeray  à  la  première  commodité,  et  qui  vous  en  sçaura ,  je  m'as- 
seure,  le  bon  gré  qu'elles  méritent,  que  de  celles  de  Ponderibus  d'Hé- 
ron ^  et  aultres  dont  je  vous  rends  les  plus  humbles  actions  de  grâces 
que  je  peus,  ayant  prins  grand  plaisir  de  les  voir,  comme  plus  correctes 
de  beaucoup  que  les  aultres  coppies  que  j'en  avoys  eues  d'aulcunes. 
Ensemble  de  l'advis  du  volume  de  M''rArchevesque  de  Thoulouse  reveu 
et  tourné  par  Joseph  Doria  lequel  j'ay  desja  demandé^,  et  si  je  le  puis 
recouvrer  je  vous  en  auray  l'obligation  principale,  et  de  tout  le  fruict 
que  j'en  pourray  tirer.  Pour  respondre  com'  il  seroit  requis  à  toutes 
voz  belles  et  doctes  lettres,  il  fauldroit  bien  plus  de  cappacité  et  de 
temps  que  je  n'en  puis  fournir  mesmes  à  cette  heure  que  je  me  trouve 
tort  surchargé  d'importunes  occupations;  je  vous  diray  pourtant  ce 
que  je  pourray,  et  commançant  par  la  plus  vieille  qui  estoit  demeurée 


montrer  ainsi  à  son  correspondant  combien 
le  temps  lui  avait  paru  long  pendant  l'inter- 
ruption de  leur  correspondance?  En  réalité 
l'interruption  dura  une  année  seulement ,  de 
la  fin  de  juin  i635  au  commencement  de 
juillet  i63G.  Dans  une  lettre  à  Jacques  Du- 
puy,  du  2 4  juin  i636,  Peirescdit(p.  5o8): 
itj'avoys  esté  deux  années  sans  lettres  de 
M'  Holsleuius.n  Là  l'eri-eui-  est  moins  forte, 
mais  elle  n'est  pas  volontaire,  et  a  [)our 
cause  non  la  politesse,  mais  la  mémoire  de 
Peiresc. 

'  J'ai  eu  tort  de  dire  (recueil  des  Lettres 
(le  Peiresc  aux  frères  Dupuy,  t.  III,  ]>.  Sog, 
note   1  )  que  dans  le  recueil   de  Boisso- 


nade  on  ne  trouve  aucune  leUre  de  fé- 
vrier i634,  et  qu'il  manque  au  recueil  les 
trois  lettres  reçues  à  la  fois  par  Peiresc. 
La  lettre  CIII  rejetée  à  la  fin  du  volume 
(p.  468-48a)  et  qui  m'avait  échappé  est 
ainsi  datée  :  rrRonia;,  postridie  idus  Fe- 
bniarii  m  dc  xsxiv.  » 

'  «Magis  proderunt.  ni  fallor,  Heronis 
excerpta  qua;  mitto.  n  (P.  ^70.) 

'  ftSi  quid  tamen  bonas  fiiigis  in  hisce 
latere  existimaveris,  habebis  integriôra 
omnia  ab  iilusl.  arcbiepiscopo  Tholosate,  in 
cujus  bibliotbeca  exemplar  optimum  me 
vidisse  memini,  cum  Latina  versione  Jos. 
Auriae,  iiaratum  edilioni.»  (P.  à^o.) 

55. 


436  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

en  arrière  vrayseniblablement  dez  le  temps  que  nous  receusmes  de 
vostre  part  le  S'  Cyrille,  je  vous  doibs  de  bien  particuliers  remerci- 
ments,  de  ce  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  concernant  l'ouvraigc  de 
Philon  Byzantin,  et  de  son  siècle  ',  ayant  prins  grand  plaisir  de  voir 
que  vous  n'improuviez  pas  ma  conjecture  des  incrustations  des  pyra- 
mides d'Egypte ^,  quoy  que  M'Rigault  et  cez  aultres  esprits  plus  déli- 
cats que  le  mien  ne  se  puissent  pas  persuader  que  ce  soit  chose  pos- 
sible à  faulte  d'avoir  veu,  comme  vous  et  moy,  les  vieilles  mazures 
antiques  oiî  l'on  trouve  mille  choses  pareilles  plus  difficiles  que  cela. 
Si  vous  rencontrez  rien  de  cez  fragments  sur  S' Mathieu,  vous  m'obli- 
gerez de  m'en  faire  part.  Je  m'esloniie  que  l'on  n'ayt  encores  sceu  com- 
prendre combien  il  importe  au  public  que  vous  ayiez  toute  liberté 
d'accez  et  de  communication  de  cez  beaux  livres  anciens  MSS.  qui 
courent  fortune  de  périr  au  moindre  accidant,  si  vous  ne  les  en  garan- 
tissez à  l'advance  '.  Je  me  sents  vostre  obligé  en  mon  particullier  des 
bonnes  relations  que  vous  me  faictes  du  labeur  de  M'  Petit  qui  vous 
est  bien  desvoué;  je  luy  ay  faict  sçavoir  l'obligation  qu'il  vous  en  a  et 
qu'il  doibt  avoir  et  lesmoigner  toute  sa  vie'.  J'ay  donné  depuis  peu 
des  ordres  nouveaux,  pour  faire  achever  l'indice  des  MSS.  grecs  de. 
la  bibliothèque  du  card"'  d'Armaignac,  et  vous  en  feray  part  en  son 
temps.  Estant  bien  marry  que  j'oubliay  de  demander  à  M' l'Archevesque 
de  Thoulouse  son  MS.  de  Theon;  ce  sera  à  sa  réplique  Dieu  aydant, 
car  je  ne  sçaurois  assez  louer  le  grand  dessein  que  vouz  avez  sur  cez 
anciens  philosophes  et  me  tardera  que  vous  ayiez  achevé  vostre  Jam- 
blique  et  qu'il  puisse  voir  le  jour  \  Ce  que  vous  me  mandez  du  S'  Cy- 


'  Voir  tout  le  commencement  (p.  468) 
(le  la  lettre  GUI  du  recueil  Boissonade,  déjà 
citée. 

'  Voir  lettre  cm,  p.  iGg. 

'  C'est  la  réponse  aux  plaintes  exprimées 
par  Holstenius  et  citées  dans  une  note  de  la 
lettre  qui  précède  celle-ci. 

*  Ces  relations  (pour  appréciations)  ont 
été  rappelées  dans  une  note  précédente. 


'  trNihil  mihi  gratius  aut  studiis  meis 
commodius  accidere  poterit.  (  Les  livres  de 
Theon  sur  les  passages  relatifs  aux  mathé- 
matiques dans  le  Timée  de  Platon.)  Nunc 
enim  totus  sum  in  iamblicbo ,  ad  cujus  diOi- 
cileni  et  abstrusam  doclrinam  eruendam 
hujusmodi  manu  ductione  in  primis  egeo. 
Si  obtinuero ,  una  cum  Iamblicbo  euni  pro- 
ducam.»  (P.  iya.) 


[1636]  À  IIOLSTENIUS.  437 

riHe  meriloit  bien  d'eslre  sceu,  mais  je  n'en  abuseray  pas'.  Nous  avons 
admiré  vostre  description  de  la  nouvelle  invention  de  l'imprimerie 
de  vostre  F™  Contini  ^,  laquelle  meriteroit  bien  d'cstre  embrassée 
et  exécutée  plus  ardemment  qu'on  ne  faict\  Et  la  despence  n'y  pa- 
roislroict  pas  moings  que  celle  des  20  mille  livres  envoyées  en  poste  à 
Ravenne  pour  le  secours  de  ceux  qui  avoient  perdu  de  leurs  facultez 
en  l'inondation  dont  parlent  noz  gazettes.  Mais  nous  avons  bien  plus 
admiré  la  magnanimité  de  vostre  couraige  à  entreprendre  la  graveurc 
des  poinçons  d'ung  assortiment  de  characteres  Latins,  et  quant  et  quant 
des  Grecs  que  vous  avez  desja  tant  advancez.  Continuez  seulement  ce 
que  vous  pourrez''.  Enfin  il  fauldra  que  cez  princes  dessillent  leurs 
ieulx,  et  achèvent  ce  que  vous  avez  si  noblement  commancé. 

Quiqueran  n'a  que  du  jargon  sans  substance,  je  plains  le  temps  que 
vous  y  avez  perdu  ^.  Je  m'estonne  bien  du  peu  de  foy  du  s'  de  Bocssieu, 


'  Voir  le  rc'cit  de  llolstenius  aux  pages  /172 
à  lx']!\.  Ce  rt'cit,  auquel  sont  iiiôlds  divers 
personnagces,  nolamment  le jt'suile  Jo.-B.  Jat- 
linus,  se  termine  par  ces  liffnes  qui  expliquent 
la  promesse  de  discrdtion  faite  par  Poiresc  : 
frHabes  hisloriam  Gyrilli  liberali,  unde  fa- 
cile judicabis  haudquaquam  evulganduni 
quomodo  in  nianus  nostras  pervenerit,  ne 
fabulam  nos  faciant.!!  (P.  1*']^.) 

'  ffAuctor  fuit  juvenis  Romanus,  niecha- 
nicus  insig-nis,  Franc.  Continus.»  (P.  ^77.) 

■^  Voir  les  pages  hj^  et  suivantes.  Holste- 
nius  paHe  de  cette  invention  avec  un  grand 
enthousiasme  :  ffl)e  novo  typographia;  in- 
venlo,  ubi  pneluni  non  vi  brachii  huniani, 
sed  aquœ  beneficio  movetur,  non  habeo  quod 
seribam ,  quum  novum  illud  artificium  si- 
mul  natuni  at(pie  neglectum  fuerit. . .  Ipsum 
vero  hoc  artificium  sive  typographie»  artis 
compendium  laie  est,  ut  post  ipsam  artem 
inventani,  vix  quidquam  rei  literariic  ulilius 
excogitatum  fuerit.»  (P.  476.) 

'  «Ego  quum  emin.  cardinalem  nostrum 


summo  favore  hoc  ncgotium  complecii  vi- 
derem,  suggessi  de  novis  lypis  formandis, 
atque  ultro  hoc  negotium  in  me  suscepi. 
Atque  haclenus  mea  pecunia  unum  charac- 
terem  Latinum  incidenduin  curavi,  cujus 
spécimen  hisce  adjunctum  videbis.  Nunc 
totus  sum  in  charactere  Grœco  Regio  imi- 
tando ,  quo  Rob.  Stephanus  Philonem ,  Hen- 
ricus  Platonem,  aliosque  auctores  Grajcos 
edidere. ?i  (P.  I77.) 

'  itAvide  nuper  vestratem  illum  Quinque- 
ranum  De  laudibus  provinciœ ,  percurri;  sed 
profecto  Kdivàs  fi  èittiràXaios  scriptor  est  et 
parum  me  juvit.i  (P.  479.)  Sur  Pierre 
Quiqueran  de  Beaujeu,  voir  tous  nos  grands 
recueils  biographiques  et  bibliographiques 
et  surtout,  parmi  ces  derniers,  la  biblio- 
thèque historique  de  la  France  et  le  Manuel 
du  libraire.  Le  titre  complet  du  petit  poème 
si  peu  prise  par  Hoistenius  et  par  Peiresc 
est  celui-ci  :  De  laudibus  Provinci(e  libri  Ires , 
et  de  advcntu  Annibatis  in  adoertam  ripant 
Arelalentis  agri,  hexametri  eenlum  (Paris, 


438  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

et  lui  feray  faire  des  honnestes  reproches  de  son  trop  long  retardement 
à  vous  rendre  voz  epistres  de  Bessarion  et  aultres  pièces,  et  le  feray 
seraondre  de  nous  communiquer  son  Satyrus,  pour  vous  en  faire  part 
incontinant  avec  offre  de  voz  notes  sur  son  Ibis  d'Ovide  ^ 

Sur  vostre  aultre  despesche  du  2.  may  dernier  j'ay  à  me  conjouyr 
avec  vous,  comme  je  le  faicts  de  trez  bon  cœur,  et  à  vous  remercier 
tout  ensemble  des  bonnes  nouvelles  que  vous  me  donnez  des  rares 
descouvertes  que  vous  avez  faictes  de  tant  de  belles  antiquitez  parmy 
voz  pérégrinations  d'à  l'entour  de  Rome,  principalement  pour  les  re- 
liques et  vestiges  de  cez  grandes  voyes  Appienne,  Lavicane,  Aurelie 
et  aultres^,  et  des  diverticules  qui  alloient  de  l'une  en  l'aultre^.  Ne 
pouvant  assez  louer  vostre  diligence  et  exactesse  arrivée  jusques  à  les 
faire  mesurer  avec  une  decempeda  *,  dont  vous  me  feriez  bien  plaisir 


i55i,  petit  in-fol.).  Ce  poème  a  eu  plusieurs 
éditions  et  a  été  traduit  en  français  par  Fran- 
çois de  Glaret,  archidiacre  d'Arles,  sous  ce 
litre  :  La  Provence  louée  par  feu  Pierre  Qui- 
queran,  distinguée  en  trois  livres  (Lyon, 
161 6,  petit  in-8°). 

'  trMulta  quoque  observata  habeo  de  viis 
inalpinis,  qua3  in  Galliam  vestrara  ducunl, 
de  quibus  prolixa  liiccumDion.  Boëssio  egi, 
qui  Chrislianissimi  Régis  orator  hue  cum 
Grequio  venit:  vix  enim  quemquani  iilorum 
locorum  magis  gnarum  me  vidisse  memini. . . 
Sed  ad  Boëssium  redeo.  Is,  ut  liberrime  me 
librisque  meis  utebatur,  inter  aHa  opuscula 
quœ  legenda  a  me  impelravit,  Pletlionis  et 
Bessarionis  epislolas  et  opuscula  quaedam 
platonica  sibi  petiit,  quœ  in  Angha  ex  Régis 
bibliotheca  olim  descripseram.  Ea  autem 
petiit,  quod  aUud  sibi  in  Galliis  exemplar 
esse  diceret;  sed  ante  discessura  haudqua- 
quam  mihi  restituit. . .  1  (P.  'tyg.) 

'  (rEgo  nunc  totus  sum  in  antiquis  Ro- 
manorum  Viis  pervestigandis ,  eamque  ob 
causam  maximam  agri  suburbicarii  partem 
obequitavi.  Vix  dicere  possim  quam  multa 


post  Gluverium  et  Bergerium  restent  quee 
longe  exactiorem  diligentiam  rerjuii-unt.  Pos- 
sem  tibi  largani  observationum  copiam  pro- 
ponere  circa  Vias  Flaminiam ,  Glodiam ,  Cas- 
siara  cl  Amerinam. . .  »  ( P.  iyS.  )  Voir  encore 
sur  le  même  sujet  les  pages  igo  à  492. 

^  C'est-à-dire  embranchements,  petites 
lignes.  Mot  dérivé  non  du  latin  diverliculum , 
qui  n'existe  pas,  mais  de  deverliculum.  Notre 
meilleur  dictionnaire,  celui  que  nous  devons 
à  MM.  Darmestetcr,  Halzfeld  et  Thomas, 
donne  de  diverticule  cette  définition  :  endroit 
écarté,  chemin  écarté.  La  façon  dont  Peiresc 
emploie  le  mot  montre  qu'il  faut  donner  un 
autre  sens  à  diverticule,  le  sens  déjà  donné 
à  deverticulum  par  les  anciens  quand  ils  di- 
saient deverticulum  Jluminis ,  pour  bras  ou 
branche  d'un  fleuve. 

'  Perche  de  dix  pieds.  Holstenius  avait 
dit  (p.  491  )  :  tfVias  antiquas  earumque  di- 
vertigia  non  lustravi  tantum,  sed  decempeda 
dimetiendas  cui-avi ,  et  tabulis  accurate  de- 
pictas  exprimi.  Haec  prœludia  sunt  operis 
integri,  quod  nunc  molior  de  Viis  publicis 
et  anliquilatibus  Agri  Suburbicarii n 


[1636]  A  nOLSTENIUS.  439 

de  m'envoyer  le  résultat  que  vous  avez  peu  recueillir  soit  de  la  jus- 
tesse de  la  mesure,  ou  de  ce  qu'il  y  manquera,  ou  qu'il  y  aura  eu  de 
trop  en  divers  lieux.  Sur  quoy  j'ay  un  advis  à  vous  donner  si  vous 
passez  par  Terracina  \  en  allant  à  Naples,  où  il  seroit  bien  nécessaire 
que  vous  eussiez  faict  un  petit  voyai^e.  C'est  que  la  via  Appia  passoil 
sur  le  bord  de  la  mer  contre  des  rochers  qui  eurent  de  besoing  d'estre 
escarpez,  ce  qui  fut  faict  avec  tant  de  punctualité,  qu'en  l'endroit  où 
le  travail  avoit  esté  plus  grand,  et  où  le  rocher  tranché  estoit  le  plus 
haut,  les  anciens  y  ont  laissé  des  marques  de  la  mesure  de  dix  en  dix 
pieds,  avec  les  notes  numérales  de  dix  en  dix,  dont  j'avoys  retenu  la 
mesure  de  l'ung  de  cez  intervalles  de  la  decempeda  d'un  chiffre  à 
l'aultre,  mais  comme  c'estoit  avec  de  la  fisselle  subjecte  à  s'allonger  et 
raccourcir,  je  ne  vouldroys  maintenant  en  garantir  la  proportion  bien 
exacte,  et  seroys  d'advis,  si  vous  repassez  par  là,  d'en  reprendre  la  me- 
sure plus  formelle  sur  un  listeau  de  boys,  sur  lequel  vous  puissiez 
marquer  les  dix  pieds  antiques  bien  exactement  afin  d'en  faire  la  com- 
paraison avec  celuy  du  marbre  Colotien,  et  avec  les  aultres  de  bronze 
qui  se  trouvent  en  divers  cabinelz  de  Rome.  Si  vous  faisiez  ce  voyage, 
n'oubliez  pas  de  voir  je  vous  supplie  en  passant  une  vieille  inscription 
donnée  par  l'Appian  et  les  aultres  qui  est  affichée  aux  murailles  du 
clocher  de  Gori,  entre  Terracine  et  Gayette-,  pour  y  remarquer  et 
prendre  empreinte  si  faire  se  pouvoit  de  quelques  paroles  pour  juger 
par  la  figure  des  caractères  de  l'antiquité  de  ce  monument,  et  surtout 
l'empreinte  des  notes  numérales  du  6,  pour  le  millénaire,  et  du  ^ 
pour  le  cinquantainaire.  Gruterus  la  met  en  la  pag.  dcccxcvi  .  i  o.  Et  puis- 
que vous  serez  à  Gayette,  il  seroit  bon  de  ne  pas  négliger  la  contenance 
d'un  grand  vase  de  marbre  antique  lequel  est  dans  l'église,  où  est 
représentée  une  trez  belle  fable  au  dehors.  Et  si  l'on  en  pouvoit  sçavoir 
la  juste  cappacité ,  elle  nous  fourniroit  possible  quelque  notable  mesure 
ancienne  du  païs  où  l'ouvraige  a  esté  faict,  dont  le  nom  de  l'autheur  y 

'  Terracine,  sur  la  mer  Tyrrhdnienne,  '  Ce  nom  de  Gayette  dési([ne  la  ville  de 

h  l'extrémild  sud-est  des  marais  Ponlins,  Gaëlc,  sur  la  MëditerraiiMc,  à  70  kilomètres 
b  80  kilomètres^ de  Rome.  de  Naples. 


liàO  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G36] 

est  gravé.  Ce  qui  me  faict  souvenir  qu'il  y  en  a  tout  plein  d'aultres 
dans  Rome  à  S''  Gecilia,  et  à  8*°  Apostolo  et  ailleurs,  qui  meriteroient 
bien  d'estre  aussy  mesurez,  si  vous  pouviez  vous  en  donner  la  patience. 
Il  y  a  des  arbres  plantez,  mais  pour  les  faire  vivre,  il  leur  fault  an- 
nuellement tondre  la  barbe  en  saison,  il  fauldroit  espier  ce  temps  que 
les  arbres  sont  hors  desdictz  vases  pour  les  faire  remplir  d'eau  me- 
surée, à  quelle  mesure  que  ce  soit,  pourveu  que  nous  eussions  aprez 
ie  vase  qui  y  auroit  esté  versé  diverses  foys,  avec  un  aultre  moindre 
vase  ne  contenant  que  ce  qu'il  y  auroit  eu  de  plus  que  le  nombre  des 
justes  mesures  du  précédant  vase  qui  y  auroit  esté  vuidé  aultant  de 
foys  qu'il  y  estoit  peu  entrer  tout  entier.  Voire  si  vous  alliez  jusques  à 
Naples,  il  ne  fauldroit  pas  négliger  de  voir  et  faire  mesurer  exactement 
et  desseigner  un  trépied  de  marbre  antique  qui  est  dans  l'église  de 
S.  Maria  Ritonda  (sic),  que  Gesare  Cappacio  a  faict  portraire  dans  ses 
antiquilez  de  Naples,  quoyque  grossièrement,  car  je  le  tiens  une  bien 
rare  et  curieuse  pièce,  et  en  sçauroys  bien  volontiers  la  mesure  de  la 
juste  contenance  et  capacité  du  bassin.  Vous  ne  voulez  pas  croire  que 
les  rels  qui  y  paroissent  au  bas,  comme  en  la  peinture  antique  du  vieil 
trépied  de  S'  Antoine  de  Rome,  soit  la  cortine  d'Apollon,  mais  possible 
l'advoiierez  vous  quelque  jour  si  j'avois  le  moyen  de  vous  en  entretenir 
plus  à  loisir.  Pour  donques  revenir  à  voz  pérégrinations,  je  me  resjouys 
bien  fort  de  ce  qu'avez  trouvé  à  corriger  ou  suppléer  tant  au  bon  Clu- 
verius  et  au  pauvre  Berger,  qu'à  autres,  et  des  belles  œuvres  qu'avez 
rencontrées  en  divers  lieux  de  tant  de  braves  hommes,  ensemble  des 
vieilles  chartes  qui  vous  sont  passées  par  les  mains,  ne  doubtant  nulle- 
ment qu'il  n'y  ayt  de  grands  thresors,  dont  vous  ayderez  un  jour  le 
public.  Vostre  recueil  des  vies  des  papes  ne  peult  reuscir  que  trez  beau  ' 
et  vouldroys  bien  y  pouvoir  contribuer  chose  digne  de  la  délicatesse  de 
vostre  hault  goust,  mais  je  n'ay  que  de  cez  petits  indices  dont  je  vous 

'  ^Nunc  totus  siim  in  coUigendis  vitis  post  tanlam  messem ?  Ego  vero  niessein  in- 

Ponlificiim  Romanorum.  Tu  vei-o  post  Ciac-  tegram  et  iutaclani  superesse  existimo. .  .  i 

conium,  Panvinium,  Platinam,  Pontificum  (P.  igS.) 
vilas  coiligis  !  inquies.  Ecquod  spiciiegiuni 


16361 


X  HOLSTENIUS. 


Ml 


avoys  aultresfoys  parlé,  lesquels  je  m'asseure  que  vous  avez  desja,  si- 
non je  vous  les  envoyeray  trez  volontiers. 

L'Anaslase  avoil  grand  besoing  de  passer  par  les  mains  d'ung  per- 
sonage  de  vostre  rare  érudition',  (l'est  pourquoy  je  ne  puis  que  vous 
exhorter  à  l'entreprendre  et  à  l'achever,  mais  je  crains  que  n'en  trou- 
viez pas  des  exein])laircs  assez  corrects.  Vous  sçavez  qu'il  y  en  a  un  à 
Paris  de  bien  bonne  note,  mais  je  ne  sçay  si  tout  seroit  lolleré  par 
ceux  qui  se  font  peur  de  leur  ombre.  J'ay  esté  ravy  de  voir  la  bonne 
opinion  que  vous  avez  conceu  du  travail  de  ce  bon  P.  Athanase  Kircher, 
lequel  je  pense  qu'il  ne  fault  pas  négliger  entièrement  ^  mais  je  ne 
sçay  s'il  aura  peu  attaiudre  à  l'intention  primitive  de  cez  autheurs  ou 
sculpteurs  d'hiéroglyphiques.  Je  l'avoys  souvent  sommé  de  voir  s'il 
pourroit  appliquer  l'interprétation  rapportée  par  Ammian  à  ce  qui  se 
trouve  gravé  sur  la  pièce  par  luy  alléguée.  Car  s'il  advoiie  que  cela 
soit  impossible,  comme  il  estdiflicile  de  le  dissimuler,  je  ne  sçay  quelles 
asseurances  il  nous  peult  donner  du  reste,  si  ce  n'est  que  les  anciens 
ayants  souvent  affecté  des  doubles  ententes  en  leurs  ouvrages,  eussent 
peu  mesler  quelque  chose  de  la  sienne  parniy  celle  de  l'autheur  d'Am- 
mian.  Il  fauldra  demeurer  en  suspens  en  attendant  comment  il  aura 
induit  les  antlioritez  de  vostre  Jamblique  et  icelles  marié  avec  celles  de 
son  Barachias  ^. 


'  irQuum  Einin.  Cardiiialis  iiosler,  pro 
raaxinio  erga  studia  rcclesiastira  aiïrctu, 
saepius  de  Auaslasio  Bil>liolliecario  mecuin 
iocjuerelur,  el  de  aucloris,  si  non  optinii, 
sanc  utilissirai  et  plane  necessarii,  conqiie- 
rfitur  obscuritale,  cœpi  mirari  cur  lot  docti 
viri,  qui  sacratn  liane  anliqiiitaletii  Irac- 
larunt,  centones  polius  consuere,  aut  no- 
\uin  pauniiin  de  suo  detexere,  quam  vete- 
rem  liane  purjiuram  reslaurare  el  illusliare 
inaluerint.»  (P.  igS.) 

'  rtPalnsKii'cherig'i'anunntica  .Egypliaea 
nunc  siib  prasio  sudal  ;  quin  imo  IVijjcl  vé- 
rins dixerim ,  ob  solitam  lypographorum  lar- 


ditatem,  praesertira  in  novo  hoc  el  incofjnito 
hactenus  shidionim  {jenere.  Sane  œterno 
sibi  bénéficie  orbeni  terrarum  dovinciel  ob 
depulsas  tandem  palpabiles  illas  ^gypli  le- 
nebras. . .  Vidi  quoe  de  bieroglyphira  ."Egyp- 
tiorum  docirina  conimentalur,  nec  salis 
mirari  possnm  felix  ingenii  acumen ,  quod 
natiira  ipsa  ad  haec  studia  linxit. «  (P.  4f(5.) 
'  Sur  le  Barachias  du  P.  Kircher  voir, 
dan»  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  presque 
toutes  les  pages  où  le  savant  jt'suile  est 
mentionn(',  notamment  les  pages  488, 
634,  63 1  du  tome  II  et  77,  586,  600, 
6o5,  681  du  tome  III. 


&ii2 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1636] 


Ce  que  vous  m'escrivez  de  ce  vieil  exemplaire  de  l'evaugile  en  Chal- 
daïque  de  3oo  ans  seulement  aprez  nostre  seigneur  me  faict  estonner 
et  meriteroit  bien  qu'il  s'en  peusse  voir  quelques  lignes  bien  exacte- 
ment contretirées,  pour  faire  la  comparaison  du  charactere  de  ce 
temps  là  avec  l'aultre  moings  ancien  ^  Il  me  tardera  que  vous  ayez 
veu  cez  deux  testes  de  libvres  MSS.  où  est  cette  Histoire  vEgyptiaque'. 
Ce  que  vous  adjoustez  de  ce  volume  MS.  des  prophètes,  où  sont  les 
astérisques  de  Symmachus,  Aquila  et  Theodotion  ^,  m'a  faict  ressouvenir 
d'un  petit  volume  in-8°  qui  ne  contenoit  que  les  xu  petits  prophètes, 
ce  me  semble  ;  je  l'ay  veu  plus  de  2  o  ans  y  a  ez  mains  du  bon  P.  Fronton 
le  Duc,  qui  le  tenoit  de  la  main  du  card'^'  de  la  Rochefoucault*,  où 
estoit  (sîc)  cottez  au  marge  touts  cez  obeles  et  astérisques,  et  sur  la  fin 
y  estoit  faicle  mention  qu'il  avoit  esté  prins  Te  [sic)  propre  exemplaire 
de  la  main  d'Origene.  Possible  est  ce  le  mesme,  qui  pourroit  estre 
tombé  ez  mains  de  l'Em""^  Card"'  Patron.  Je  seray  bien  ayse  d'en  estre 
par  vous  esclaircy,  car  si  c'est  le  mesme,  il  fauldroit  les  assembler  et 
conférer,  pour  en  tirer  du  fruict  de  la  conformité  ou  differance. 

Cette  histoire  lombarde  d'Herchempertus  meriteroit  bien  de  voir  le 
jour  en  son  temps  ^;  j'en  feray  la  semonce  à  son  Em"  et  de  tout  le. 


'  ftObtulit  nudius  tertius  mercalor  qui- 
dam Maronita  Eniin.  Gardinali  nostro  codi- 
cem  Evangeliorum  Chaldaïcura  adeo  vene- 
randœ  vetustatis  ut  cum  Virgilio  Valicano 
conferri  posse  omnino  existimeni.  Codex 
scriptus  estliteris  majusculis,  circa  Irecente- 
simuin  Christi  aruiuni,  Babyloiiia;,  in  Meso- 
potaïuia,  ut  in  cake  annotatum  iegitur.» 
(P.  495-496.) 

'  cfAttuiit  idem  [le  marchand  maronite 
mentionné  dans  la  note  précédente]  ex 
Oiiente  duas  cistas  librorum  S)  riacorum  et 
Arabicorum,  quas  ex  Liburno  Pisanoruni 
portu  quotidie  expeclat.  Inter  alios  codices 
Historiam  Jîgyptiacam  vetustam  esse  ait, 
quam  P.  Kircherus  afllictim  una  niecura 
expectat.»  (P.  igô.) 


'  Sur  Aquila,  Syramaque  et  Theodotion, 
voirie  recueil  Peiresc-Dupuy,  t. III,  p.  609. 
On  trouve  à  la  page  276  du  recueil  Bois- 
sonade  le  passage  de  la  lettre  de  Holstenius 
auquel  se  réfère  ici  Peiresc. 

'  Sur  le  cardinal  François  de  la  Rochefou- 
cauld ,  grand  aumônier  de  France ,  abbé  de 
Sainte-Geneviève ,  ancien  ministre  d'État ,  etc. , 
voir  les  trois  volumes  du  recueil  Peiresc-Du- 
puy. 

^  (fDum  liberius  emin.  CardinaUs  nos- 
(ri  bibliothecam  versare  cœpi,  multos  de- 
prehendi  praeclaros  codices  MSS.  antehac 
non  satis  notos  ;  inter  Latinos  quidem , 
historiam  Longobardicam  Herchemperti , 
monachi  casinensis ,  inter  Grsecos  vero ...  1 
(P.  5oo). 


[1636]  A  HOLSTENIUS.  443 

surplus  de  cez  belles  pièces  de  sa  librerie,  vous  asseurant  que  je  n'ou- 
blieray  pas  de  loiier  et  faire  valloir  com'il  fault  l'establissement  de  sa 
nouvelle  académie  pour  l'exercice  des  lettres  grecques,  qui  seule 
peult  restaurer  en  son  ancien  lustre  la  réputation  dos  estudes  et  des 
belles  lettres  (jui  avoient  tant  (leury  aullres  l'oys  dans  Rome  *.  Trez  vo- 
lontiers vous  envoyeray  je  mon  exemplaire  d'Orphée  MS.  et  ne  seray 
marry  que  de  ce  qu'il  n'est  plus  ancien  et  de  plus  d'authorité;  ce  sera 
par  la  première  commodité  d'amy  Dieu  aydant^.  M'  de  Saumaise  n'au- 
roit  garde  de  s'amuser  à  des  lectures  publiques  de  la  qualité  et  pro- 
fession qu'il  est,  principalement  ayant  une  si  belle  condition  au  lieu  et 
place  de  feu  M'  de  la  Scala,  où  il  en  est  exempt.  Car  tout  ce  travail 
qui  s'y  faict  reuscit  à  néant,  et  consume  bien  du  temps  mieux  em- 
ployé en  d'aullres  plus  nobles  et  plus  dignes  estudes'.  Touts  ses  amys 
travaillent  à  le  faire  arrester;  je  ne  sçay  si  nous  en  pourrons  venir  à 
bouct,  je  ne  m'y  espargne  pas  asseurement.  Je  suis  bien  ayse  que  vous 
ayez  peu  voir  là  une  de  cez  sphères  à  la  mode  de  Copcrnicus  de  la  nou- 
velle invention  d'Amsterdam  \  et  que  l'on  aye  peu  le  souffrir  de  par- 


'  (rQuumque  ipse  [le  cardinal  Fr.  Barbe- 
rini]  nunc  scrio  sludia  Gra;ca  tractel,  meo 
potissimum  consilio,  academiam  linguae 
(îraecae  oxercitiis  et  Grœcanicis  ecclesiœ  an- 
liquitalibiis  pertractandis  inslituit  :  quibus 
quuin  ipse  IVequens  inlersit,  vehementer 
omnium  ingénia  ad  base  stiidia  excolenda 
excitât. 1  (P.  IgS.)  Cf.  sur  l'Académie  Basi- 
lienoe  fondée  dans  le  monastère  de  Saint- 
Basile  le  3  juin  i635  la  page  268  (lettre 
XLUI)  et  la  note  n°  a  de  Boissonade  (ibid.). 

'  (f Manuscripta  ipsa  Orphœi  Argonaulica 
cuni  editis  coiituii  ;  sed  parura  labor  pro- 
fuit.»  (P.  979.)  —  ffOrpbei  Argonautica 
accurato  studio  correxi,  sed  ex  conjectura 
lantum ,  et  coilatioiie  ApoUonii  et  Valerii 
Flacci.  Mirum  quod  mendis  liber  illc  scateal. 
Memiui  le  monuisse  GrEecum  exemplar  MS. 
px  Oriente  ad  te  perlatum  :  proinde  meum 


ad  te  niittam  librum,  ut,  nisi  grave  fucrit, 
cura  scriplo  codice  contendas,  si  forte  bons 
notiB  sil  et  conjecturas  meas  juvare  possit  1 
(P.5oi.) 

'  irElzevirius  nihil  ad  nos  novi  ex  Belgio 
detulit.  Videntur  et  hic  Musœ  inler  armorum 
strcpitum  oblicuisse.  Nuntiant  tamen  Or- 
dines  Ullrajeclinos  novam  instiluisse  Acade- 
miam, et  magnis  slipendiis  evocasse  viros 
dodos.  Putanl  et  Ileiiisium  facile  addiictum 
iri,  ut,  relicto  Lugduno,  eo  commigret  : 
nescio  cnim  quid  simultatum  inter  ipsum 
et  Salmasium  esse  videtur.  Em.  Cardinali» 
uoster  in  Italiani  ipsum  libenter  evocari 
curaret  ad  primariam  professionem  Bono- 
niensem,  qua  olim  Sigonius  functus  est  11 
(P.  5oo.) 

*  ffVidimus  heri  una  [avec  le  mathéma- 
ticien Gaspar.  Berti  ]  novam  sphœram  Coper- 

56. 


AU  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636| 

delà,  car  il  seroit  à  désirer  que  ccz  bonnes  gents  qui  se  mesient  de  la 
censure  peussent  en  goustcr  la  facilité  et  vraysemblance,  commii 
iauldra  tost  ou  tard  qu'ils  s'accoustument  à  tollerer,  quelque  répu- 
gnance qu'ils  y  trouvent,  comme  firent  aultres  foys  ceux  qui  trou- 
voient  si  estranges  les  propositions  de  la  vérité  des  Antipodes,  lesquels 
n'avoient  pas  moings  de  raison  de  trouver  incompatible  que  ceulx  qui 
avoient  leurs  pieds  directement  opposez  aux  nostres  se  peussent  tenir 
debout  sans  tomber  dans  le  fonds  du  ciel  qui  passe  par  dessoubs  nous. 
Et  toutefoys  les  voyages  des  Indes  ont  guary  noz  fauices  apparances 
et  imaginations  de  ce  costé  là.  Je  vous  sçay  bon  gré  d'avoir  procuré 
au  s""  Gaspar  Bei'ti  '  sa  part  du  plaisir  à  voir  cette  pièce,  et  encores  plus 
du  courage  que  vous  luy  donnez  de  faire  des  observations  des  éclipses 
dont  il  lireroit  bien  d'aultres  advantages  que  des  simples  méditations 
des  escripts  et  conceptions  daultruy  en  matière  de  cez  admirables  no- 
tices que  nous  donnent  les  bonnes  matbematiques.  Confirmez  le,  je 
vous  supplie,  en  cette  bonne  humeur,  et  à  mettre  en  prattique  les  belles 
inventions  qu'il  a  à  dresser  des  instruments  propres  à  telles  opéra- 
tions. Je  l'avoys  prié  d'observer  la  haulteur  du  soleil,  à  ce  dernier  sol- 
stice, et  vouldroys  bien  qu'il  l'eusse  faict,  car  j'en  avoys  prié  d'aultres 
amys  ailleurs  jusques  au  Cayre  en  Egypte,  pour  en  faire  la  compa- 
raison principalement  avec  celle  que  je  fis  faire  à  Marseille  cez  jours 
passez  par  M""  Gassend^,  avec  un  instrument  de  peu  de  fraiz  qui  avoit 
neantmoings  18  canes  de  diamettre,  dont  le  style  estoit  divisé  en  prez 
de  nouante  mille  parties  perceptibles,  pour  en  faire  la  comparaison 
avec  l'observation   de  Pythœas  Marseilloys  du  siècle  vraysemblable- 


nioianaui  ex  Hollandia  ad  Urbeni  allatam. 
non  sine  adniiratione  et  slugulari  volujitale, 
ol)  magiiain  liypolhesium  facilitateni  et  sini- 
])licilaleni.  Censores  nostri  nihil  cpjidquani 
diflicullatis  nioverunt  in  usu  ejus  perniit- 
tendo,  contra  omnium  opinionem.  ji  (P.  ^96.  ) 
Holstenius  (p.  ^96)  avait  fait  à  son 
correspondant  un  grand  éloge  de  G.  Berli , 
son  ami  :  ^Vir  peritissiraus  rerum  matliema- 


ticaruni .  .  .  ,  in  matheniaticis  insiriinientis 
conficiendis  exquisitissimus  :  et  quum  nemo 
sit ,  qui  non  singulareni  miretur  doclrinam , 
lum  voro  niodestiam  i|)sius  iniranlur  om- 
nium maxime...  liomo  plane  faclus  ad  ge- 
nium  et  gustnni  tuura,  si  qua  porro  in  re 
ejus  oj)era  uti  volueris.i 

^  Voir   Vie  de   Gassendi  par   Bougerei, 
p.  166-167. 


(1()36]  À  HOLSTKNIUS.  445 

ment  d'Alexandre  '.  Or  nostre  machine  fut  commancée  et  achevée  dans 
moings  d'un  demy  jour.  Vous  en  verrez  un  jour  la  description  et  le 
résultai,  de  ce  qui  s'en  pourra  collitjer  de  bon,  pendant  quoy,  les  plus 
experts  mariniers  nous  vindrent  faire  de  grandes  plaintes  de  ce  que 
leurs  cartes  marines  estoient  faultives,  et  les  obligeoient  de  donner  un 
quart  de  vent  hors  de  la  routte,  de  Malte  en  Candie,  et  deux  quarts 
de  vent  de  Candie  en  Gypre,  aultrement  ils  se  trouvoient  hors  de  leur 
vray  chemin,  dont  ils  n'avoient  peu  rendre  aulcune  raison,  attendu 
que  de  Marseille  en  Sicile  ils  n'avoient  que  faire  de  practiquer  cette 
irrégularité,  et  qu'au  retour  du  Levant  ils  se  trouvoient  quasi  en  la 
mesme  peine,  leur  rouUine  depuis  3  ou  /loo  ans  n'ayant  trouvé  aultre 
remède  que  cela  à  tels  inconveniants.  Mais  ils  furent  bien  estonnez 
quand  nous  leur  disraes  que  l'observation  faicte  à  raa  prière  le  nioys 
d'aoust  dernier  tant  à  Rome  et  Naples  qu'icy  ne  nous  donnoit  aulcune" 
variation  incompatible  aux  cartes,  mais  que  celles  d'Alep  et  du  Cayre 
nous  donnoient  une  erreur  de  2  ou  3oo  lieues  moings  que  les  cartes 
ne  présupposent,  de  sorte  qu'il  falloit  de  nécessité  que  leur  boussole  leur 
donnast  en  partant  de  Malte  pour  le  moings  un  quart  de  difl'erance 
du  lieu  de  leur  routte  en  Candie  si  l'espace  n'esloil  si  long  que  leui's 
cartes  le  font  d'un  quart,  et  consequamment  deux  quarts  de  Candie  en 
Cypre,  si  la  distance  y  est  moindre  de  plus  d'un  tiers,  comme  d'aultres 
mariniers  nous  advoiierent  avoir  observé  plus  de  5oo  milles  de  moings 
qu'on  ne  presupposoit,  quoyque  grossièrement  et  neantmoings  troz 
apparamment.  J'auroys  beaucoup  de  choses  à  vous  dire  sur  le  restant 
de  voz  lettres;  mais  oullre  que  je  suis  un  peu  las  d'escrire  à  ce  coup, 
il  fault  que  je  vous  fasse  encore  une  prière  de  faire  quehjue  petit 
poème  pour  l'amour  de  moy  s'il  ne  vous  est  incommode,  à  la  loiiange  de 
la  mémoire  du  feu  bon  homme  Guill.  Schikard-,  lequel  vous  honoroit 

'  Le  cëlèbre  nstronome  voyageur  vivait  occasii  niiiiiuin  quantum  Germanis  nosti'» 

au  commoncemoul  du  iv' siècle  avant  J.-C.  {leperiit,   quam   belloruni    ralaïuitale-t    ail 

'   trlla  privatus  hic  dolor  [la  douleur  de  vastitatern    et    barliariem    fernio    rcdejje- 

la  |)erle  de  Pierre  t^asene]  raeraoriara  doc-  runt. s ( Lettre Xl^lll, du  6  septembre  t636, 

tissimi  Schickardi  refricuit,  cujus  miserrimo  p.  -jOç).) 


446  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

et  prixsoit  infiniment  aussy  bien  que  vous  luy,  et  estoit  sans  mentir  l'un 
des  plus  grands  génies  de  tout  le  siècle.  Il  m'aymoit  si  tendrement  que 
vous  ne  me  sçauriez  obliger  en  plus  sensible  occasion  qu'en  faisant  quel- 
que chose  pour  luy  à  celte  heure  que  touts  les  plus  curieux  de  l'Eu- 
rope sont  invitez  de  faire  quelque  chose  en  sa  louange  ^  M'  Dormalius 
me  fera  aussy  la  faveur  s'il  luy  plaict  de  ne  s'y  pas  espargner,  et  je 
vous  seray  infiniment  redevable  à  touts  deux  2.  Je  traictoys  de  le  faire 
venir  en  France  et  croys  que  je  l'y  eusse  attiré  indubitablement  s'il 
n'eust  esté  sitost  surprins  de  la  mort.  Vous  avez  veu  ses  livres  De  Jure 
Régis  et  son  Tarie  des  Roys  de  Perse  ^  et  son  epistre  à  M'  Gassend 
sur  son  Mercurius  in  Sole,  que  j'ay  envoyée  aultres  foys  à  l'Em.  Gard*' 
Patron,  où  j'ay  trouvé  tant  de  marques  de  son  bon  natui-el  à  faire  va- 
loir le  travail  de  nostre  compatriotte  M'  Gassend,  que  je  me  trouvay 
engaigé  à  son  service  entièrement  et  depuis  ay  receu  des  lettres  de  luy 
les  plus  obligeantes  et  les  plus  remplies  de  belle  érudition  qui  se  puis- 
sent voir,  aussy  bien  que  les  vostres.  Mais  si  vous  devez  faire  quelque 
chose  pour  luy,  je  vous  supplie  que  ce  soit  le  plus  tost  que  vous  pourrez 
afin  que  son  frère  le  puisse  faire  insérer  en  un  recueil  qui  se  doibt 
bientost  mettre  sous  la  presse.  Et  mon  obligation  vous  en  sera  d'aul- 
tant  plus  grande,  ce  qu'attendant  je  demeureray. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  9  juillet  i636. 

Si  le  présent  courrier  ne  trouve  le  pacquet  trop  gros,  je  le  chargeray 
du  MS.  de  cet  Orphée,  soubs  l'addresse  et  enveloppe  de  S.  Em<^^  et  en 
ce  cas  luy  feray  oster  les  vieilles  couvertures  de  boys  pour  en  diminuer 

rrTu  vero  quod  obitum  ejus  raagno  le  possiin  cjuo  tibi  moretn  geram ,  eodemque 

doioris  sensu  teligisse  oslendis,  quodque  Dormalium  nostrum  cohorlabor. d  (L.  cit.) 
memoriam  ejus  aliorum  encomiis  perenni-  '  trVivet  enim  in  doctorutn   hominum 

tati  asserere  tantopere  sludes,  pro  aiTectu  animis  dum  litlerœ  erunl,  ob  insignes  illos 

tuo  inveterato  erga  iiUeras  facis.»  (L.  cit.)  quos  de  Hebrseorum  et  Persarura  Antiqui- 

rrVidebo  tamen  num  quid  procudere  tatibns  edidit  libres. n  (i.  cit.) 


[1G36]  À  HOLSTENIUS.  447 

le  volume  et  le  poids.  J'oublioys  encore  de  vous  dire  que  nosfre  obser- 
vation du  solstice  à  Marseille  par  M"  Gassend  nous  faict  désirer  plus 
ardemment  que  devant  de  voir  s'il  est  possible,  non  seulement  iin  des- 
sein fort  exacte,  mais  un  modcHe  de  la  juste  grandeur  de  ce  scaphium 
antique  dont  vous  m'aviez  aultres  foys  parb-,  que  le  s'  Menestrier  avoil 
eu  le  bien  de  donner  à  S.  Em"'*,  car  nous  vouldrions  voir  quelle  jus- 
tesse, ou  irrégularité  il  y  peult  avoir  pour  juger  de  la  certitude  des 
observations  qui  s'y  pouvoient  faire,  des  proportions  de  l'ombre  du  So- 
leil durant  l'année.  Car  cette  sorte  d'instrument  estoit  en  usage  fort 
fréquent  anciennement,  et  estoit  neantmoings  subject  à  de  grandes  er- 
reurs. J'escripts  à  M""  de  Bonnaire  de  fournir  les  fraiz  de  ce  modèle. 

J'oubliois  encores  de  vous  dire  sur  l'inscription  que  Me'  l'Em"*  Gard*' 
Patron  m'a  envoyée  de  cette  VESTA  de  Bacchus,  que  vous  trouverez 
dans  le  volume  MS.  de  mes  Argonautes  et  hymnes  d'Orphée,  entre  les 
hymnes  d'Homère  qui  y  sont  inserez,  celuy  qu'il  dédie  à  une  Vesta 
sans  laquelle  il  ne  vouloit  pas  que  les  banquets  eussent  de  bon  com- 
mancement  ne  de  fin,  à  laquelle  il  faict  servir  du  vin  emmielé.  Et  peu 
auparavant  y  a  un  aultre  petit  poème  à  Vesla  d'Apollon  Pylhien,  qui 
pourroiL  bien  avoir  du  rapport  au  serpent  qui  embrasse  la  colonne,  et 
aux  mystères  de  l'année  et  du  cercle  annuel  du  Soleil,  supposant  que 
la  Vesta  représente  originairement  la  Terre  et  Diane  Mammosa  ou  la 
Nature,  et  que  les  qualitez  d'Apollon  et  de  Sarapis  ne  soient  pas  in- 
compatibles avec  celles  de  Bacchus,  comme  le  tout  se  trouve  si  souvent 
meslé,  et  quasi  inséparable  dans  les  mystères  plus  abstrus  de  la  my- 
thologie /Egyptienne,  et  autres  qui  en  avoient  tiré  leur  source  et  dé- 
pendance. Vous  en  pourrez  toucher  un  mot  si  le  trouvez  bon  î\  Son  Em" 
car  je  n'avoys  pas  eu  le  loisir  de  m'estendre  sur  ce  serpent  quand  je 
l'en  remerciav. 

Je  feray  chercher  un  exemplaire  MS.  de  l'histoire  d'Anna  Gomnena 
pour  en  avoir  le  premier  libvre  plus  complet  que  l'édition  d'Hœsche- 
lius  s'il  est  possible  ^ 

'   Bi))lionièque  Barberini,  vol.  79,  pièce  n°  58. 


448  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636J 


LIX 
MONSIEUR,   MONSIEUR  HOLSTEMUS, 

GARDE   DE   I,.\   BIBLIOTHEQUE   DE   L'EMIÎSEMTISSIME   CARDINAL   BARBEBIN. 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes,  avec  les  lettres  de 
S.  Eni.,  et  de  l'ill"*  caval.  del  Pozzo  du  5  juillet,  les  vostres  du  /i  juin, 
où  vous  m'avez  grandement  resjouy  par  l'agréable  nouvelle  de  la  charge 
que  S.  Em.  vous  avoit  enfin  conférée  de  sa  bibliothèque',  où  vous  aurez 
mieux  de  quoy  vous  plairre  et  vous  occuper  à  souhaict  que  ceux  qui 
l'avoient  tenue  devant  vous,  qui  regrettoient  les  occasions  de  se  trou- 
ver à  la  cour  quand  ils  estoient  obligez  de  tenir  pied  parmv  les  livres, 
dont  je  ne  veux  pas  manquer  de  me  conjouyr  avec  S.  Ein"  et  l'en  féli- 
citer et  remercier  tout  ensemble,  pour  la  part  que  je  prends  à  ses  ad- 
vantages  et  aux  vostres^,  ne  doublant  pas  qu'il  ne  s'en  prevaille  beau- 
coup plus  qu'il  n'eust  jamais  faict  avec  quelque  aultre  qu'il  y  eustsceu 
employer  qui  fust  moings  desvoiié  aux  livres  que  vous.  Je  l'avois 
desja  félicité  de  sa  nouvelle  Académie  Basilienne,  et  suis  bien  ayse 
d'apprendre  que  vous  y  fassiez  des  actions  publiques  cappables  de  la 
mettre  en  la  réputation  qu'elle  mérite,  pour  remettre  en  règne  l'estude 
des  lettres  grecques,  sans  lequel  tout  le  reste  est  si  défectueux ^  Et 
quand  il  se  feroit  quelque  chose  de  semblable  pour  les  langues  orien- 
tales il  ne  seroit  pas  gueres  moings  bon,  ne  de  moindre  utilité,  car  il 
se  pert  de  bien  belles  choses  cachées  dans  les  livres  escripts  en  cez 
langues.  Et  m'estonne  que  la  corbeille  des  livres  MSS.  arabes  et  sy- 

'   f-Magmira  raihi  prislini  tui  afieclus  ar-  occasione  studia  niea  eminenlissimo  cardi- 

guinenlum  prœbuere  iiterae  luœ,  quibus  de  nali  iiosiro  comniendaveris. s  (i.  cit.) 
bil)lioll)ec:e  riira  mihi  corainissa  adeo  ob-  '  rBasilianae  Acaderaiœ  spécimen  proxime 

nixegratularis.îi  (IjetlreXIillId(îjhcitée,dii  ad    le  milUim,    disserlationes  duas  a  me 

G  septembre  i636,  p.  a68.)  ad  conciiiiim  Nicœnum  illuslrandum  insti- 

'   (rllliid  vero  longe  maximum  crit  bu-  tufas."  (£.  cit.) 
manilalis  luœ  erga  me  benefîcium ,  fi  bac 


[1636J  A  HOLSTENIUS.  449 

riaqucs  iiieUe  tant  de  temps  à  venir  de  Pise  à  liome'.  Je  loae  voz 
charitables  otiices  envers  ce  bon  inaronito  Abraham  pour  le  l'aire 
subroger  à  Victor  Schiala^,  et  seroit  à  désirer  que  les  gents  de  cette 
profession  trouvassent  tousjours  de  l'employ  proportionné  à  leur  ta- 
lent^. Je  verray  volontiers  le  roole  desdictz  livres  MSS.  arabes*,  et 
vouidrois  bien  qu'il  s'y  en  trouvast  quelqu'un  bien  digne  de  voir  le 
jour,  et  que  l'imprimerie  de  par  delà  fust  aussy  facile  en  cez  langues 
comme  la  chose  le  meriteroit;  tant  est  que  je  ne  pense  pas  que  ce 
nombre  de  volumes  n'en  contienne  quelqu'un  de  bien  rare,  et  que  la 
bibliothèque  de  S.  Em"*  n'en  soit  bien  enrichie,  vous  suppliant  de 
croire  que  quand  vous  jugerez  que  j'y  puisse  contribuer  quelque  chose 
pour  les  assortiments  nécessaires  ou  aultrement,  vous  me  pouvez  com- 
mander en  toute  liberté,  et  croire  que  puisque  pour  vostre  particulier, 
je  n'ay  jamais  rien  espargné  de  ce  qui  pouvoit  estre  à  ma  disposition, 
comme  je  le  fcray  tousjours  pour  l'amour  de  vous,  à  plus  forte  raison 
le  doibs  je  faire  pour  l'em"""  Gard"'  nostre  commun  patron  et  de  vous  et 
de  iiioy,  qui  me  comble  journellement  de  tant  d'honneur  et  de  bien- 
faicts,  sans  se  lasser  jamais  de  m' obliger,  et  moy  et  mes  amys,  ne  d'ex- 
cuser la  frequance  de  mes  importunitez.  Il  fera  beau  voir  celte  nou- 
velle édition  des  œuvres  de  S.  S'"  on  vostre  nouveau  charactere.  Je 
vouidrois  que  vous  eussiez  peu  la  faire  faire  enrichie  de  rubrique  à  la 
mode  du  IMiœdrus  de  M''  Rigault\  comme  j'en  avois  faict  commancer 


*  rrExpecliiiiius  in  dies  singulos  Pisis  cis- 
tam  opliinis  MSS.  AraLicis  et  Syriacis  refer- 
lain  quuin  bibliolhecte  cminent.  Cardinalis 
iiostri  D.  Abrahamus  Maronita ,  cui  Arabicai 
linguas  leclionciii  in  scbola  Romana  abbatis 
ViclorisScialœ  niorle  vacanlem  [)rocuravi...i 
(Lettre  GIX,  du  i  juin  i636,p.  5oi.) 

'  Sur  Victor  Scialac,  voir  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy  (t.  I,  p.  699;  t.  III,  p.  18, 

'  Holstenius  (p.  5o4)  loue  fort  le  savoir 
d'Abrahain  d(5jà  mentionné  dans  une  auU'e 
lettre  à  Holstenius. 


'  ffUbi  libri  illi  ad  nos  pervenerint,  cu- 
rabo  ad  te  indicem.  ul  xotvài  Épfx^  gau- 
deas.n  (P.  5o4.) 

'  Il  ne  s'agit  pas  là  de  la  première  édi- 
tion :  rr  Fabularum  .Esopiarum  libri  V.  Nie. 
Rigaltius  recensuit  et  notis  illustravit»  (Pa- 
ris, A.  I)n)uarl,  iSgg,  pet.  in-ia),  mais 
bien  de  l'édition  de  1617,  Paris,  R.  Es- 
ticnne,  in-4°.  Le  Manuel  du  libraire  rap- 
iwlle  que  cette  dernière  édition,  qui  a  péri 
dans  un  incendie  en  1774,  est  exécutée  en 
noir  et  roug«.  —  M.  Léopold  Delisk  veut 
bien  me  faire  remarquer  ceci  :  ce  n'est  pas 

57 


450  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

une  feuille  à  Paris  à  la  première  édition  que  j'y  en  fis  faire  ',  mais  la 
desbausclie  et  absence  du  principal  ouvrier  qui  en  avoit  prins  le  soing, 
nous  constraignit  de  l'abandonner  el  de  faire  l'impression  sans  ru- 
brique^. Si  je  trouve  de  cette  feuille  je  vous  en  envoyeray  quelque 
espreuve  pour  monstre,  car  cez  libraires  de  delà  qui  impriment  cez 
beaux  bréviaires  en  rubrique,  debvroicnt  bien  pour  jouyr  de  la  conti- 
nuation de  leurs  privilèges  estre  chargez  de  cette  édition  des  poèmes, 
avec  la  mesme  rubrique,  ce  qui  ne  leur  seroit  pas  à  grande  charge, 
comme  ceux  des  Bréviaires  de  Paris  ont  esté  chargez  de  l'édition  du 
Dictionnaire  arménien.  11  me  tardera  de  voir  quelque  jour  cette  belle 
grande  epistre  de  l'evesque  Guevara  de  Teano  sur  les  antiquitez  de  la 
Champagne^,  et  vostre  responce  sur  les  difTicultez  que  vous  trouvez 
en  la  suitle  de  la  voye  Latine*,  mais  encorcs  plus  vostre  ouvraige  ex 
professo  de  viis  publicis\  et  vostre  recueil  de  Vilis  Pontilicum**.  Si  vous 
m'envoyez  le  roolle  de  ce  que  vous  avez  assemblé,  je  chercheray  de 


l'i'dilion  qui  a  péri  dans  un  incendie ,  mais  le 
manuscrit  de  Saint-Rémi  de  Reims,  dont  les 
variantes  étaient  relevées  dans  cette  édition. 

'  Si  l'on  connaît  peu  l'édition  dont  parle 
ici  Peiresc  (le  Manuel  du  libraire  ne  la  men- 
tionne pas,  quoique  rarissime),  on  connaît 
encore  moins  l'édition  annoncée  par  Holste- 
nius.  Boissonade  a  imj)riraé  cette  note  déses- 
pérée (p.  271  )  :  irlllam  non  vidi,  nec  mihi 
e  catalogisinnoluit.i  Pourtant  le  fait  est  en- 
core attesté  par  Gabriel  Naudé  (fascicule  XIII 
des  Correspondants  de  Peiresc,  lettre  du 
ao  septembre  i636,  p.  90  :  «Les  poésies 
du  pape  sont  de  nouveau  soubs  la  presse." 

'  tDc  poematum  Summi  Pontificis  nova 
«ditione  colore  rubro  interstinguenda  quod 
raones.  grata  forlassis  novitate  placuisset, 
si  ea  hic  u(eremur  typographnrum  indus- 
tria  et  peritia  quœ  Belgis  et  GaHis  vestris 
suppetit.  Niliil  enim  deformius  videri  dicive 
potest  iibris  illis  ecclesiasticis,  qui  duplici 
colore  hic  apud  nos  excudunlur,  ita  sub  pal- 


lido  et  fugiente  niinio  languentes,  ut  oculo- 
rnm  aciem  éludant.  Sane  in  ipsa  editione, 
ut  quam  emendatissima  prodeat,  summa  a 
me  adhibetur  cura.  1  (P.  ayi.) 

'  G'est-à-dire  de  la  Canipanie.  Voici  le 
passage  de  la  lettre  de  Holstenius  (du  h  juin 
i6.36)  auquel  répond  Peiresc:  fKgo,  bac 
ipsa  septimana,  ab  illusti".  de  Guevara, 
Teanensium  episcopo,  epislolam  prolixam, 
sive  librum  potius  inlegrum  accepi,  de  an- 
tiquitalibns  Gampauiie ,  quœ  cis  Vulturnium 
lluvium  est;  ubi  meis  aaspiciis  mulla  anli- 
quitatis  vestigia  et  nionumenta  nulli  hacte- 
nus  mortaliura  niemorata  eruiti  (p.  5o.3). 
Gf.  lettre  du  6  septembre  i636,  p.  273. 

'  irSed  necdum  plane  inter  nos  conveuit 
de  aliquot  locorum  situ,  et  Latinœ  viaeductu 
a  Teano  Gapuani  usque ...  1 

'  irHarum  disquisitionum  fructum  vide- 
bis  in  opère  de  viis  pablicis,  quod  paro.  1 
(P.  5o/i.) 

"  Il  en  a  été  déjà  question  plus  haut. 


[1636]  À  HOLSTIÎNIUS.  451 

bon  cœur  si  j'y  pourroys  adjoustcr  rien  de  plus,  pour  voslre  satisfac- 
tion, n'ayant  rien  qui  ne  soit  à  vostre  service  comme  je  le  vous  ay  desja 
professé  plus  d'une  foys.  Je  n'ay  pas  yeu  le  petit  traicté  des  pétrifica- 
tions que  vous  dictes  avoir  esté  mis  au  jour  par  l'ilh"  caval.  Gualdi  ', 
et  ne  le  refuseray  pas  de  vostre  main,  et  feray  venir  les  Oraisons  et 
riJlpian,  Juiian,  etc.,  de  M''Godefroy^  qui  est  certainement  un  trez 
honneste  homme,  lequel  j'ay  veu  aultres  foys  en  estât,  que  peu  de 
chose  l'auroit  attiré  au  giron  de  l'église.  Encores  ne  sçay  je  s'il  seroit  du 
tout  impossible,  au  cas  que  nous  le  peussions  ester  de  là  où  il  est  en  le 
transférant  à  Valance,  au  lieu  de  feu  M'  Pacius,  où  c'est  qu'il  seroit  en 
liberté  de  faire  ce  qu'y  ht  ledict  s"'  Pacius  pour  sa  conversion  à  mon 
instance;  il  faudroit  y  disposer  M''  l'Evesque  de  Valence'  qui  y  a  le  plus 
grand  inlerest  et  crédit.  Et  du  reste  j'oserois  bien  me  promettre  ])|us 
que  d'aultres.  Cependant  je  luy  feray  sçavoir  voz  bonnes  inclinations 
pour  luy,  en  luy  env^oyant  voz  notes  sur  son  oraison  de  Templis*,  et  le 
sonderay  sur  cela  tout  doulcemenl.  J'ay  prins  grand  plaisir  d'apprendre 
par  vous  que  S.  Em''''  soit  si  bien  intentionnée  en  son  endroict  et  qu'on 
aye  loiié  sa  modération  en  des  rencontres  où  il  eust  peu  monstrer  de 
l'aigreur  s'il  eust  esté  de  si  mauvaise  humeur  que  d'aultres*.  Je  suis 
bien  aise  que  M''  Slegel  vostre  compatriote  se  soit  mis  si  avant  dans 

'  ftMittercin,    emin.    cardinalis   jussu,  *  trEgit  ctiani    [le  cai-dinal  Barherini] 

iiescio    qiuiin    disscMlatimiciilam   (le   aquis  saîpcnuincro   inecuin    de   Jac.    Golliofredo 

aliisqtie  relus  in  lapidmn  duratis ,  mû  G\\a\-  J.  C.   Geiievensi,    cujus    ingenio    et  doc- 

dus  oqnos,  qui  odidit,  jani  ante  ad  le  eu-  tiina    oppido   quam    deleCUilur.    Orationes 

rassel.i  (P.  5o5.)  illas  politicas  miper  a  te  Iransiuis'sas  s«e- 

"  (fNactiis     sum     superioribus    diehus  pius  legit,   ut  et  Libaoii  Oralioiiem  ;>ro 

exemi>lar  Oiationuni  l.ilianii  quas  Gotho-  TempUs,    in    qua    nounulla    iiiter    legen- 

freduB  edidil,  iii  quibus  et  illa /)ro  lemplis,  duin    observavi,  ([uœ  alias  ad  le  inilUuu. 

de  qua  nuper  scripsi  [voir  la  lettre  GIX,  ut,  si  editionem  ilerel,  eniendare  possit- 

p.  5oo].  Ipsius  autcni  Gothofredi  Oraliones  (P.  5oo.) 

politicœ,  Ulpidims,  Jutitmus  et  Acliaica  de-  '  «tliiuin.   canliaalis  noster   ingeiiio   et 

sideranlur,    ((uibus    sane    invitus   careo.»  doclrina    viri    illius    sunuuopere    dtlecla- 

(P.  5o4.)  lur,  ijui  utinaiu,  ut  iii  iileris,  sic  etiain  in 

'  Cliarles-Jacqiios  de  Gelas  de  I^beron  sacris    bonas    pmles    sequcrelur!    Inleiim 

occupa  le  siège  de  Valence  pendant  vingt  laudaudn   et   fovenda  Uoniini»  ramlestia.  « 

annëe8(  1694-1 054).  (P.  5o4.) 

57. 


452  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

les  lettres  grecques  et  que  vous  le  gouverniez  comme  vous  faictes  ^  J'ay 
grand  regret  qu'il  m'eschappa  sans  que  je  peusse  jouir  de  sa  conver- 
sation plus  d'une  demy  heure  à  la  desrobée.  Il  avoit  laissé  icy  le  s'Mal- 
jan  qui  est  depuis  decedc  de  ptysis  au  grand  regret  de  ses  aniys,  et 
ne  double  pas  que  luy  ne  le  regrette  bien  encores.  Je  vous  prie  de  le 
salliier  de  ma  part  et  l'asseurer  de  mon  service.  Vous  ne  me  dictes 
rien  de  M' Dormalius,  j'en  suis  en  peine  et  vous  supplie  de  luy  faire 
mes  humbles  recommandations,  et  de  M""  Gassend  qui  vous  vouloit 
escrire,  mais  on  le  vient  quérir  en  diligence  pour  affaire  pressante  de 
son  église,  et  crains  bien  qu'il  n'en  aye  pas  le  temps  à  son  grand  re- 
gret et  au  mien.  Au  reste  je  me  resjouys  que  le  pauvre  M'  Bouchard 
soit  cschappé  de  la  forte  potion  qu'il  avoit  prinse-  et  qu'il  aye  tempéré 
quelque  chose  de  son  humeur,  comme  aussy  le  s""  Léo  Aliatius',  ne 
vous  pouvant  dissimuler  que  je  prends  un  plaisir  extrême  de  voir 
cesser  toutes  matières  de  malentendu  entre  gents  qui  peuvent  touts 
contribuer  quelque  chose  au  service  du  public,  quoyque  les  uns  ne 
puissent  faire  olfice  que  de  pionniers  lorsque  les  aultres  font  office  de 
bons  soldats  et  de  cappitaines,  estant  besoing  d'avoir  des  uns  et  des 
aultres  pour  la  nécessité  de  la  société  humaine'.  Excusez  ma  liberté,- 
je  vous  supplie,  Monsieur,  je  ne  sçaurois  estre  aultre,  et  suis  bien  as- 
seuré  que  vous  ne  m'en  aymerez  pas  moings  comme  je  vous  en  con- 
jure, et  que  vous  y  trouverez  plus  de  quiétude  d'esprit  et  consequam- 
ment  plus  d'acquestz  et  de  service  de  la  part  de  ceux  mesmes  qui 


'  ■'Slftgelius.  civis  meus,  rt  ipse  huma- 
nilntem  tuam  experlus,  nunc  in  Lirbe  coni- 
inoratur,  œslatera  hic  transitiirus,  qiiain 
Grœcis  libris  destinavit. ti  (P.  5o3.) 

^  ffBuchardus  noster  niidius  lertius  elio- 
boruru  sumsit,  propinaule  Burdelotio ,  credo 
ul  alrœ  loliginis  [Seiche  olficinale]  succum, 
•juo  niiuiiiiii  illi  spleii  tuinet,  expectoraret  : 
eed  paruni  abruil  quin  iHe  recta  ab  Anticyris 
Elysios  adiret  campos.  Dubilo  lanien  num  po- 
tentissimi  reniedii  usus  mordacissimos  atri 
Imnioris  sales  ininiierit.i  (P.  5o4-5o5.)  Ce 


demi-empoisonnement  de  Bouchard  par  l'el- 
lébore n'a  pas  été  indiqué  par  ses  biographes. 

'  Rien,  dans  le  recueil  de  Boissonade ,  ne 
se  rapporte  à  celte  ])lirasc  sur  l'humeur  de 
Bouciiard  et  sur  l'humeur  d'Allatius.  11  faut 
en  conclure  que  tous  les  documents  n'ont 
pas  été  reproduits  in  extenso. 

*  Peiresc ,  le  gi-and  ennemi  des  disputes 
entre  savants,  jetait  ici,  comme  il  va  s'en 
excuser,  une  pierre  dans  le  jardin  de  Holsle- 
nius  dont  Vhumeur,  comme  on  ne  l'ignore 
pas ,  laissait  beaucoup  à  désirer. 


[lG3fi]  À  HOLSTENIUS.  453 

auroient  eu  de  la  jalousie  de  vostre  sureminanle  vertu  par  dessus  la 
leur,  sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  Irez  obéissant  serviteur, 

DE    PEinESC. 
À  Aix,  ce  dernier  juillet  i636. 

J'attends  au  prochain  ordinaire  quelques  vers  de  vostre  façon  et  de 
M"  Dormalius  sur  les  mérites  de  feu  M'  Schikard. 

[JÇn  marge.]  M'  Gassend  a  grand  regret  de  ne  vous  pouvoir  escrire, 
et  de  n'avoir  pas  en  main  la  lettre  qu'il  avoit  receiie  de  vostre  pari, 
pour  satisfaire  à  ce  que  vous  desiriez  de  luy,  et  si  vous  trouviez  bon 
d'escrire  une  seconde  foys  le  petit  mémoire  de  ce  que  vous  desirez  je 
le  luy  feray  tenir,  craignant  que  vostre  lettre  ne  luy  ayt  esté  soubs- 
traicte  par  malheur,  et  qu'il  ne  tarde  trop  à  vous  complairre. 

J'ay  depuis  receu  la  responce  de  Paris  de  M^Riganlt  et  de  M' du  Puy 
que  dans  la  hihliotheque  du  roy  il  ne  s'est  rien  trouvé  de  l'histoire  de 
Anna  Gomnena,  ce  que  M"  de  Saulmaise  m'a  confirmé,  et  qu'on  feroit 
ailleurs  toutes  les  perquisitions  possibles.  Je  suis  marry  de  n'avoir  esté 
plus  heureux  en  cela  pour  vostre  service. 

Si  vous  avez  rencontré  au  Vatican  ou  ailleurs  le  texte  grec  du  ca- 
lendrier de  Ptolemée  dont  la  traduction  latine  de  Nie.  Leonicus  a  esté 
insérée  par  le  P.  Potau  en  son  volume  Uranologion,  page  9a,  je  se- 
rois  bien  aise  de  l'apprendre  [et]  qu'il  vous  pleusse  me  marquer  et 
transcrire  spécialement  les  raoys  de  mars,  de  juin,  de  septembre  et 
de  décembre,  et  janvier  encores  s'il  ne  vous  estoit  trop  incommode, 
ou  pour  le  moings  les  jours  précis  des  jEquinoxes  et  solstices,  et  en- 
trées du  soleil  aux  signes  dti  Zodiaque. 

Et  si  vous  avez  trouvé  d'aultre  vieil  kalendrier  où  cez  poincts  cardi- 
naulx  soient  marquez  en  lieu  extraordinaire,  vous  m'obligerez  de  m  en 
faire  part'. 

'   Bibliollièquc  Barlirrini,  vol.  79.  pièce  n°  59. 


hU 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1636] 


LX 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
J'ay  receu  avec  un  singulier  plaisir  vostre  lettre  du  6  du  passé ,  ac- 
compagnée de  la  chanson  de  cet  ancien  Franc"  Barberini',  la  monstre 
de  ce  vieil  charactere  syriaque-,  et  un  exemplaire  du  Prodromus  du 
R.  P.  Athanase  Kirche^^  ensemble  la  vie  de  S"'  Pulcheria  dont  je  suis 
infiniment  redevable  à  la  munificence  de  l'em™*  Gard*'  patron^  et  con- 
sequament  à  vostre  courtoisie,  et  vous  en  rends  les  plus  humbles  re- 
merciments  que  je  peus,  comme  de  tant  d'aultres  curieuses  recherches 
dont  il  vous  plaict  me  faire  part,  et  surtout  de  la  favorable  promesse 
que  vous  me  faictes  de  m'envoyer  des  complaintes  de  voz  muses  sur  la 
perte  du  vénérable  bon  homme  le  s'  Guill.  Schikard,  et  d'y  en  faire 
joindre  de  celles  de  M'  Dormalius  qui  me  demande  un  delay  fondé 
sur  l'opiniâtreté  de  sa  fiebvre,  en  quoy  je  trouve  qu'il  a  grande  raison, 
et  que  j'aurois  grand  tort  de  le  faire  presser,  estant  juste  d'attendre 
qu'il  aye  recouvré  plus  de  forces  qu'il  n'en  a  présentement,  mais  • 
quand  vous  le  jugerez  en  eslat  d'y  songer  je  vous  supplie  de  l'en  faire 
souvenir,  et  d'esviter  que  la  longueur  de  temps  n'en  efface  la  mémoire. 
Car  les  bonnes  choses  quoyque  tardives  sont  tousjours  les  bien  venues. 
Seulement  vous  prieray  je  que  ce  soit  sans  retardation  des  vostres 


'  irlnsigne  carmen  Francisci  de  Barbe- 
rino  repertum  fuit,  quod  emin.  cardinalis 
jussu  ex  duobus  MSS.  codicibus  excerptum 
et  eniendatuin  literis  hisce  adjunxi,  ut  ex 
hoc  specimine  auctoris  illius  et  sœculi  quo 
vixit  genium  gustumque  perepicias.  r, 
(Lottre  XLIII,  p.  973.)  Voir{ibtd.)  la  note  3 
de  Boissonade. 

*  w  Adjunxi  exemplum  et  spécimen  scrip- 
turae  Syriacae  codicis  vetustissimi  quod  nu- 
peris  tuis  petisti.»  (Lettre  XLIII,  p.  270.) 

'  trAccipies  intérim  Prodromum  Copti- 


cum  P.  Kircheri,  quem  einiti.  cardinalis 
jussu  mitto  adhue  a  prailo  calentem,  ita  ut 
me  compingeudi  quidem  spatiuni  fuerit. 
Nihil  ego  a  muitis  annis  in  hoc  studiorum 
génère  doctius  prodiisse  exislimo . . .  ti 
(P.Q69.) 

*  tfHabes  etiam  S.  Pulcherias  vilam  a  fa- 
miliari  quodam  carchnaiis  nostri  scriptam, 
et  quidem  ipsius  cardinalis  jussu,  ut  Colum- 
nenscs  moniales  nobiles  vitae  religiosae 
exemplum  in  nobihssima  femina  conspice- 
reni.r.  (P.  270.) 


[163GJ 


A  IIOLSTEMUS. 


455 


que  nous  attendons  fort  impalianient,  et  nous  promettons  que  vous  ne 
vouldrez  pas  diiïerer  sans  nécessité,  comme  je  vous  en  supplie  et  con- 
jure, et  d'en  vouloir  desrobcr  le  temps  le  plus  tost  que  vous  pourrez, 
si  jà  faict  n'a  esté.  Me  sentant  bien  l'ort  vostre  ohlijjé  de  la  parti- 
cipation (jue  vous  daifjncz  prendre  en  la  mort  desrobéc  de  ce  [jrand 
homme.  Gomme  je  ne  doibs  pas  manquer  de  me  condouloir  avec  vous 
de  celle  du  feu  s"'  P.  de  la  Sena,  de  qui  le  public  se  pouvoit  promettre 
de  si  dignes  fruicts,  et  de  si  recommandables  labeurs'.  Bien  marry 
qu'il  n'ayt  à  tout  le  moings  peu  faire  achever  l'édition  de  son  Cleombro- 
tus'-  sur  un  subject  si  peregrin'  et  cez  deux  dissertations  que  vous 
alléguez  de  luy  sur  le  style  des  lx\  interprètes.  Mais  je  m'ose  pro- 
mettre qu'en  donnant  vostre  spécimen  de  l'Académie  Basiliennc  sur  le 
concile  de  Nice  vous  lui  rendrez  ce  bon  office  d'y  faire  joindre  celles-là, 
et  possible  de  faire  par  mesme  moyen  continuer  et  achever  l'édition  de 
celle  dudict  Gleombrotus,  ou  de  iis  qui  aqua  suffocati  moriuntur.  11  me 
tardera  d'apprendre  que  vous  ayiez  retrouvé  les  liasses  des  Schedes 
et  mémoires  de  feu  M'  Aleandro  concernant  le  vieil  kalendrier*  et  cez 
fastes  de  Constantius  fdz  de  Constantin,  et  du  pape  Liberius,  et  en- 
cores  plus  que  l'envie  vous  ayl  prins  d'en  reprendre  les  errements, 
pour  en  achever  les  commentaires  qui  seroient  certainement  bien 
dignes  du  labeur  d'un  homme  de  vostre  sorte,  y  ayant  de  trez  nobles 


'  itEl  alias  duas  [disserlaliones]  viri  cla- 
rissimi  et  doclissimi  IVtri  Lasciia  le.  Neapo- 
iitaiii  de  stylo  et  lingua  Ileilciiistica  [  Biblio- 
rainj  interpretum;  quem  virum,  omnis 
doctrina;  et  liunianitatis  idinam ,  ante  (juatri- 
duuni  fata  nobis  hic  magiio  cuin  doiorc  om- 
nium bonorum  siiblraxerunt.i  (P.  a 68.) 

'  (tSed  quod  prœcipue  in  ejus  obitu 
dolendum  est,  reliquit  scmipoi-rectam  sub 
typograpbicorum  ])rœlo  dissertatioiiem  omni 
eruditione  conditam,  do  iis  (pii  aqua  suffo- 
cati moriuntur  :  cuj us  operis  editioni  ipso 
inunorluus  est.i  (P.  aGij.)  Boissonado  rap- 
pelle (note  1  )  que  celte  dissertation  panlt  à 


Home  en  1687  sous  le  titro  de  Cleombroliu 
et  il  renvoie  à  la  Vie  de  Peiresc  parGassendi 
(p.  aoa). 

'  De  peregrinus,  e'tranger,   c'est-à-dire 
étrmige. 

*  itCalcndariura  iUud  velaslum  Du. 
Aleandrojam  olim  transmissum  emin.  cardi- 
nnlisjussu  pcnfuiram,  el  quid(]uid  ipse  im- 
peraverit  ad  te  perscribam.  Soie  enim  a 
Dno.  Snaresio  opus  illud  in  nescio  quem 
fasciculum  conjectum,  cum  tnagno  Ali'an- 
dri  comnientario ,  quem  quouiinus  ad  uni 
biiicum  perduxcril,  mors  prœpedivil  - 
(P.  37..) 


/,56  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

notices  à  prendre,  aultant  que  d'aultre  monuments  [sic)  de  l'antiquité 
qui  se  soit  de  long  temps  desterré.  Il  vous  pourroit  insensiblement  en- 
gager au  travail  que  vous  méditez  sur  les  vies  des  Papes,  car  je  ne 
sçay  si  vous  aurez  rien  rencontré  de  plus  ancien  pour  ce  recueil,  ne 
sur  quoy  il  se  trouve  de  plus  belles  cboses  à  examiner.  Je  n'oublieray 
pas  l'espérance  que  vous  me  donnez  de  me  faire  part  un  jour  de  quelque 
chose  de  ce  beau  traicté  que  M"'  l'Evesque  de  Theano  vous  a  faict  cou- 
cher par  escript  de  Agro  Falerno  et  Faustiano  et  des  aultres  apparte- 
nances de  vostre  Via  Appia  \  et  des  aultres  grandes  voyes  antiques  ro- 
maines. Vous  priant  de  me  mander  si  vous  n'y  dictes  rien  de  ce  qui 
passoit  plus  oultre  et  jusques  à  la  Grèce  et  au  Levant.  Car  ce  sont 
des  dépendances  de  voz  petits  géographes  grecs.  J'ay  receu  de  la  Syrie 
quelques  inscriptions  d'entre  les  villes  de  Sidone  et  de  Tyrus  où  les 
empereurs  Severe  et  Antonin  s'estoient  délectez  de  reparer  les  che- 
mins, eu  consequance  des  soings  que  Severus  avoit  prins  de  restaurer 
la  ville  de  Tyrus  et  d'y  faire  imposer  son  nom  de  famille  qui  se  void 
en  quelques  médailles  COL.  SEPTLMIA  TYRO  METROP.  aprez  quoy 
son  filz  voulut  faire  tailler  quelques  rochers  au  bord  de  la  mer  sur  l'em- 
bouscheure  du  fleuve  Lycus-,  oiî  il  s'est  conservé  des  belles  reliques 
d'inscriptions  gravées  sur  le  roc  auprez  d'une  grande  figure  d'un  chien 
renversée  dans  la  mer,  dont  l'air  corrosif  en  a  consumé  la  plus  part, 
mais  encores  y  appert  il  qu'il  avoit  afl"ecté  de  faire  nommer  cette  voye 
AINTONINIA  de  son  nom  particulier.  J'ay  creu  que  vous  ne  seriez  pas 
marry  de  la  voir  et  vous  envoyé  une  coppie  à  tout  hasard'  si  ne  l'avez 
eue  d'ailleurs,  car  cela  a  bien  du  rapport  avec  le  dénombrement  que 
faict  Ulpian  des  colonies  italiques  entre  lesquelles  il  attribue  à  Severus 
celle  de  Tyrus,  aussy  bien  que  le  S.  G.  Paulus  en  la  loy  i  et  la  dernière 
au  Digeste  du  tiltre  de  Gensibus,  oii  c'est  que  le  mesme  Ulpian  prend 
occasion  de  rendre  un  grand  éloge  d'honneur  à  la  ville  de  Tyrus  sa  pa- 

'   fflll.    Dno.   Theanensi   prolixe    nuper  '  Aujoui'd'hui  le  Narh-el-Kelh. 

respondi ,  et  accurate  traclavi  de  agio  Fa-  '  On  trouvera  cette  copie  à  la  fin  de  la 

Icrno  et  Faustiano  ex  Plinii  descriptioue. i  présente  lettre,  en  noie. 
(P.  372.) 


[1636]  X  HOLSTENIUS.  457 

trie  originaire,  laquelle  il  ([ualific  Nobiiis  regio  série  sœculorum  anli- 
quissima,  armipotens,  l'œderis  quod  cuni  Romanis  percussit  tenacis- 
sima.  Quant  à  voz  suppléments  de  l'Anccdota  de  Procopc  que  vous 
avez  tirez  de  l'Ambrosiennc  et  vous  en  félicite',  c'est,  je  m'asseure,  du 
MS,  qu'en  avoit  feu  M"'  le  Vinc.  Pinclli  d'oii  j'avois  tiré  cez  deux  pas- 
sages que  l'Allemanni  avoit  obmis  volontairement  concernant  les  salle- 
tez  de  cette  infâme  princesse;  si  vous  avez  eu  rien  de  plus,  vous  m'obli- 
gerez de  m'en  faire  part,  s'il  vous  plaict,  selon  la  prière  que  je  vous  en 
avois  faicte  par  mes  dernières  lettres,  car  de  m'attendie  à  voir  l'édition 
d'Elzevir,  en  ce  siècle  si  mal  propre  à  telles  entreprinses,  je  ne  sçay  si  je 
vivray  tant  comm'  il  fauldroit,  pour  l'attendre,  y  ayant  desja  3o  bonnes 
années  que  M"'  Heinsius  promet  cette  édition  sans  en  avoir  rien  faict 
voir^.  Je  me  promects  cette  petite  faveur  de  vous  pour  ma  particulière 
satisfaction ,  et  pour  les  inclinations  que  j'ay  à  cet  autheur.  Je  suis 
bien  marry  que  vous  n'ayiez  rien  trouvé  en  mon  pauvre  Orphée  MS. 
qui  valiust  la  peine  de  vostre  collation,  je  l'avois  bien  preveu,  mais 
vous  eussiez  eu  de  la  peine  à  le  croire  sans  le  voir  vous  mesmes'.  J'ay 
bien  de  la  peine  à  me  persuader  que  le  charactcre  syriaque  arrondy 
que  le  bon  maronite  Abraham  a  prins  la  peine  de  transcrire  sur  son 
évangile  MS.  *  soit  d'une  si  haultc  antiquité  comm'  il  dict  de  3oo  ans 
aprez  J.  Christ  et  le  croirois  beaucoup  raoings  ancien,  mais  je  ne  luy 
suis  pas  moings  redevable  de  la  peine  et  bonne  volonté^.  Je  m'eslonne 
qu'entre  ses  livres  arabiques,  il  n'ayt  rencontré  quelque  plus  grand 
nombre  de  bons  livres.  Ce  chronique  ^Egyptien  pourtant  peult  bien 

'  frlmpetravi  nuper  ex  Ainlirosiana  Mo-  cuiii  odilis  conluli,  sed  paruni  ialwr  pro- 

(iiolanensiuin  l>il)liot)icca,  opéra  aiiiici ,  siip-  fuit,  ita  passim  conspirât  oum  Aldino  exein- 

l>leii)entiim  principii  [ÀvexMrsov]  seii  Ar-  plnri  iii  erronim  consensum. "  (P.  a?»-) 
fanao  Historiœ  Procopii,  ([uod  in  Alenianni  '  ffIpseAl)ialianiusMaronila  sua  manu  ve- 

edilione  variis  lacunis  excusum  faîdaluinque  terem  scriplurain  dilifjontissinic  est  imilalus. 

iaspioitur. i  (P.  378.)  Gharaclerem hune [eslrangtielum] sive rolou- 

'  Meiusius  ne  publia  jamais  l'édition  de  dnm  ab  ipsis  vocari  non  ignoras.»  (P.  370.) 
Procope  depuis  si  longtemps  annoncée.  Il  '  La  lettre  XLIIl  sernil-ellc  incomplète- 

u  aclipva  pas  et  n'entreprit  niL'nie  |)as  bien  ment  publiée?  Jo  n'y  vois  rien  an  sujel  de  la 

d'autres  travaux  promis.  liante  «H/iyM/Ve'atlribui'epar  Abraliam  Ecliel- 

'  tManuscripta  ista  Orpliœi  Argonaulica  lensis  à  son  manuscrit. 

T.  58 


458  LETTRES  DE  PEIRESG  [1636] 

consoler  l'acquéreur,  car  il  s'en  peult  sans  double  tirer  de  trez  bonnes 
choses,  et  puis  qu'il  est  en  mains  du  bon  P.  Kircher,  il  le  fauldroit 
faire  traduire  et  donner  à  la  suitte  de  son  lexicon  des  Kophtes\  dont 
je  ne  manqueray  pas  de  faire  toutes  les  instances  que  je  pourray  à 
l'Em"^  Gard'''  patron.  Vous  me  ferez  plaisir  de  m'cnvoyer  un  catalogue 
desdicts  livres  arabes  quels  qu'ils  soient,  et  spécialement  s'il  n'y  auroit 
pas  un  volume  des  epistres  de  S' Paul  en  arabe  et  cophte,  ou  en  arabe 
seulement,  mais  de  la  version  des  Kophtes.  Ce  que  vous  me  dictes  du 
passage  de  cet  autheur  anonyme  de  la  prédication  de  l'évangile  dans 
la  Chine,  seroit  bien  bon  à  voir  quand  il  vous  plairra  encores  que 
l'advis  n'en  ayt  pas  esté  donné  à  temps  au  R.  P.  Kircher  pour  l'insé- 
rer dans  son  Prodromus-.  Où  certainement  ce  bon  père  n'a  pas  peu 
faict,  d'ebauscher  co  qu'il  a  peu  en  des  matières  si  peu  cogneiies, 
et  méritera  tousjours  qu'on  luy  en  sçaiche  bien  du  gré  tost  ou  tard. 
Car  il  ouvrira  le  chemin  à  d'autres  d'y  suppléer  comme  vous  pour- 
rez faire  de  ce  passage,  mille  aultres  bonnes  choses  qui  luy  sont 
eschappées.  Ce  que  je  vous  disois  du  mesurage  de  cez  grands  vases  ne 
seroit  pas  si  difficile  comme  vous  l'imaginez  si  je  ne  me  trompe  \  Car 
cez  frates  de  sant  Apostolo  et  ceux  de  S'"  Cécile  de  Transtevere  et. 
les  aultres  qui  y  tiennent  des  arbres  plantez  n'en  sçauroient  avoir  du 
contentement  qu'ils  n'obligent  leurs  jardiniers  d'en  tirer  annuellement 
la  motte  de  terre  avec  lesdicts  arbres  pour  leur  faire  la  barbe  et  tondre 
les  racines  qui  touchent  le  corps  du  vase ,  aultrement  l'arbre  se  r'abou- 
grit,  et  meurt  tost  ou  tard,  de  sorte  que  pour  quelque  teston  les  jardi- 


'  itSed  omnium  vero  praestantissimum 
est  Chronicon  jEgyptium  a  principio  rerum 
usque  ad  S.  Ludovici  expeditionem  Pelu- 
siensem.  De  hoc  codice  diligenter  ad  te  scribet 
P.  Kircherus,  qui  eura  accepit,  et  summo- 
pere  deprœdicat.  n  (P.  271.) 

'  tf  Ipse  P.  Kircherus  promisit  se  missu- 
nmi  tibi  exemplar  inscriptionis  Sinensis 
quam  lioc  libro  explicat.  Vellein  significas- 
set  mihi  maturius  quae  de  Evangelii  prsedi- 


catione  apud  Sinas  dissent,  chapitre  11. ^ 
(P.  ayo.) 

'  rrMensuras  vasorum  quas  petis  exglo- 
rare  admodum  difficile  futurum  existimo, 
quod  piaillas  cxtirparc,  et  terram  qua  op- 
pleta  sunt  egei'ere  necessum  sit,  quod  do- 
minis  nolentibus  et  sine  pubiica  auctoritate 
ficri  vix  poteril ,  ut  quidem  Romae  vivitur.  » 
(P.  273.) 


[1636]  À  HOLSTENIUS.  &59 

niers  qui  en  praignenl  le  soirig  seroient  bien  aises  de  vous  faire  ad- 
vertir  à  la  saison  de  faire  leur  tonture,  et  lors  vous  pourriez  faire 
l'examen  de  la  mesure  de  leur  contenance,  avec  quelque  vase  quel  que 
ce  soit,  que  je  puisse  retenir  et  avoir  en  son  temps  pour  en  faire  exa- 
miner icy  la  proportion  ensemble  d'un  moindre  vase  qui  puisse  con- 
tenir le  surplus  de  l'eau  qui  y  sera  entrée  pardessus  les  mesures  justes 
réitérées  du  vase  dont  on  se  sera  servi  pour  la  grosse  mesure  du  total. 
Que  si  cela  vous  est  encores  trop  malaisé,  il  leur  faudroit  mettre  en 
teste  quelque  aultre  frate  qui  ne  les  laisse  pas  en  repos;  il  ne  fault  que 
le  P.  Thimothée  Reinier  des  Minimes,  ou  aultre  qui  ayt  tant  soit  peu 
do  curiosité,  car  ils  seront  bien  aises  de  vous  soulager  d'aultant,  et  re- 
mueront ciel  et  terre  avant  qu'ils  n'en  viennent  à  bout,  et  quand  ils 
auront  adjusté  toutes  choses  ils  vous  en  advcrtiront  pour  vous  y  trou- 
ver si  vous  l'avez  agréable,  et  tenir  le  conterolle  principal  du  mesu- 
rage.  Il  fauldroit  pour  essai  commancer  s'il  vous  plaict  de  ce  vase  de 
terre  cuitte  que  vous  dictes  estre  dans  les  jardins  du  Vatican  qui  con- 
tient sur  son  bord  la  note  numérale  des  moindres  mesures  qu'il  y  fal- 
loit  pour  le  remplir  '  et  faire  acliepter  pour  cet  effect  une  des  mesures 
pubbques  modernes  bien  adjustée,  et  bien  marquée,  dont  vous  puis- 
siez vous  servir,  pour  y  en  verser  aultant  de  foys  la  contenance 
coinm'  elle  y  pourra  demeurer  entière,  el  du  surplus  vous  en  ferez  le 
mesurage  avec  quelque  petit  vase  pareillement  des  mesures  publiques 
plus  petites,  pour  en  mesurer  ce  qu'il  y  aura  de  trop  à  remplir  oultre 
les  justes  mesures  jà  employées.  Et  vous  m'envoyerez  par  aprez  les 
mcsmes  vases  dont  vous  vous  serez  servy.  Si  aprez  cela  vous  pouviez 
prendre  le  loisir  de  mesurer  quelques  uns  de  ceux  de  la  vigne  de  Lu- 
dovisio*,  il  seroit  encores  bien  meilleur,  et  à  cet  exemple,  vous  pour- 
riez enfin  venir  à  bout  de  ceux  de  marbre  de  S'  Apostolo  et  de  S"  Cé- 
cile. Gez  bons  pères  vous  soulageront  d'une  bonne  partie  de  la  courvée 
si  vous  voulez,  et  M""  de  Ronnaire  fournira  l'argent  pour  l'achept  des 

'  ffEt  allerius  quod  in  horto  Vaticano  cxtnt,  ubi  labro  superiori  conjjiorum  sive  ampho- 
rarum  numerus  inscriplus  conspicitur. n  (P.  373.) —  '  "I"  horlis  Ludovisianis'<.  dit  Holsh;- 
nius  (p.  âya.) 

M. 


460  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

vases  nécessaires  à  ce  mesurage  «rrands  et  petits  et  pour  ies  salaires 
des  jardiniers  et  aultres  qui  y  vouldrout  coopérer.  Que  si  M'  Slegel 
n'estoit  encores  party  '  pour  son  voyage  de  Naples,  il  feroit  bien  volon- 
tiers, je  m'asseure,  l'examen  de  celuy  de  Gayetle  qui  est  dans  l'église 
s'il  n'en  a  esté  tiré,  et  qui  consequament  sera  plus  facile  à  mesurer, 
aussy  bien  que  l'eau  Benoictier  de  l'église  de  S*"  Maria  Rotonda  de 
Naples,  faict  en  forme  de  Trépied.  Et  je  le  feray  fort  soigneusement 
rembourcer  des  fraiz  qu'il  y  ernployera  pour  l'amour  de  moy,  estant 
bien  marry  qu'il  ne  se  laissa  gouverner  icy  quelques  jours  à  son  pas- 
sage, car  je  luy  eusse  donné  de  la  tablatlure  d'importance  pour  son 
voyage  de  Naples  et  de  Sicile  de  l'humeur  dont  il  est,  et  dont  il  eusse 
bien  faict  son  proffit.  Il  prendroit  bien  volontiers  aussy  la  peine,  je 
m'asseure,  passant  à  Terracine,  de  vérifier  la  mesure  de  la  Decempeda 
gravée  sur  le  roc  au  bord  de  la  mer,  et  passant  à  Cori  de  voir  l'in- 
scription antique  oii  sont  les  notes  numérales  dont  est  faicte  mention 
au  Grutberus  pag.  dcccxcvi.  lo.  sur  lesquels  je  voudrois  bien  avoir 
faict  plaquer  du  papier  mouillé  au  moings  sur  la  première  ligne  pour 
juger  de  l'antiquité  du  charactere.  M'  Menestrier  vous  dira  et  audict 
s' Slegel  comment  cela  se  pratique  fort  facilement,  m'ayant  envoyé 
comme  cela  les  empreintes  de  l'inscription  de  Duillius,  et  de  quelques 
autres,  et  s'il  la  pouvoit  faire  prendre  avec  du  piastre  mesmes  je  la 
payerois  bien  plus  volontiers.  J'oublioys  de  vous  dire  que  si  pour  le 
mesurage  de  ce  dolium  de  terre  cuitte  du  Vatican  vous  trouviez  de 
la  difficulté,  il  ne  fault  qu'en  dire  un  mot  de  ma  part  à  l'Em"*  Gard'' 
Patron  qui  le  fera  incontinant  commander  et  pareillement  aux  supé- 
rieurs de  S'  Apostolo  et  de  S'*"  Gecile  pour  faire  cesser  touts  ob- 
stacles. 

J'oublioys  aussy  de  vous  dire  concernant  ce  Francesco  da  Barbe- 
rino  mis  entre  les  plus  anciens  poètes  vulgaires  toscans,  que  ce  fut 
M'  l'Evesque  de  Vaison  Suarez  qui  ui'escrivit  que  Pétrarque  en  faisoit 
mention  et  des  habitudes  qu'il  avoit  contractées  avec  noz  poètes  pro- 

•'  (rSlegelius  civis  meus  adhuc  Roraœ  coinmoratiir  :  ubi  aestus  noxii  remiserint,  Neapolim 
cxcurret.i  (P.  97 3.) 


[1C36]  A  HOLSTRNTUS.  461 

vençaulx,  où  je  n'en  ay  pas  rencontré  de  mention  expresse',  y  ayant 
fort  longtemps  que  je  ne  les  ay  visitez,  mais  j'en  feray  faire  exacte  re- 
cherche à  la  première  commodité  Dieu  aydant,  n'ayant  rien  tant  à  cœur 
que  de  pouvoir  rendre  quelque  service  à  cette  grande  maison^,  et  con- 
tribuer quelque  chosétte  qui  peusse  dépendre  de  moy,  à  sa  recomman- 
dation, je  vous  supplie  d'en  asseurer  son  Em'=«  et  me  tenir  tousjours. 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  2  octobre  i63G\ 

'  ttCum  vero  alias  monueris  emin.  nos-  VIAS  ET  MILIARIA 

irum  patronum  auctoris  illius  noscio  quam  PEUQ-VENIDIVMRVF-FVM 

'.  ...  '  UG-.AVGGPRPR.PRAE 

memoriam  extare  m  scriptis  poetarum  vcs-  siDEM  •  PROVI.NC  •  SYR!Â? 

Iralium,  quos  provinciales  viiigo  appellant,  PHOENIC- RENOVAVERv'nT 

afllicliin  desiderat  ut  qiiidquid  viri   iiiiiis  <ï>    Il    « 

inemoria!  illuslranda;  ex  poelis  illis  aliisque  " 

conquirere  potcris,  id  quam  primum  sug-  ,^  ^.^  «.lumna  j.aU  SyJonem. 

gerere  non  graveris."  (P.  ayS.)  

'  (fPraîstabis  sane  rem  longe  gratissimam  ET  VIAS  ET  IMPERIVM 

eminentissimo  cardinali ,  si  quid  lucis  ex  te-  PROVINCIAE      SVRIAE 

,    .     ....     T,     ,      .        f      ■!■        Il     I        I  RENOVAVIT 
nebris  illis  Barherinaj  lannluc   illuslrantlaB 

erueris. "  (P.  ayS.)  

'  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce  VENIDEVM  RVFFVM 

n°  60.   —  Voici  les  inscriptions  envoyées 

par  Peiresc  h  son  corres[)ondant  et  qui  sont 

copiées  sur  deux  feuilles  sans  numéro  pla-  In  mpc  nàsa  jmla  (luvium  Lycum  vulgo  Nabqveu 

cées  entre  les  pièces  GG  et  67  :  """  ^»"8»"  '•"""'"''  "»"""'  '^^"'"^  ""•'"  '^""'" 

*  coiossus  dejectus  iii  marc  jacol. 

In  coluuina  iapidca  ad  viam  Antonianam  ii.  miliari  IMP'CAES'M'AVREMVS 

aSidoneTyrum,  iGag.  ANTONINVS    PIVS    FEUX    .AVGVSTVS 

IMPERATORES  PARTHMAXBRITMAX-  GERMMAX- 

CAESARES  MONTIBVS  IMMI.NENTIBV.S 

L-SEPTIM5VSSAE  LIGO  FLVMhSl  •  CAESIS  --= 

VERVS-PIVSPffîl  =  VIAM  DELATAVIT 

TINAX- AVG-ARA  

BtCVS  :  ADIABENIC  ANTONIMAM  SVAM 

PARTHICVS-MAXI  

MVSTRIBVNICIAË  • 

poTEsr-vi-iMPXi-cos-n-  "''''<^"  "»"  '""k*  '"  ■""p*- 

PROCOSPP-  '  INVICTE  IMPER-ANTONINI 

ET  M-AVREL-ANTONl  HK  FELIX  AVG- 

NVSAVGFIUVSEIVS  MVLTIS    ANNIS    IMPERET 


A62 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1636] 


LXI 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
Je  vous  accuseray  seulement  la  réception  de  vostre  dernière  du 
U  d'oct.  '  et  vous  prieray  d'accuser  à  M"^  Dormalius  la  sienne  du  i", 
ne  luy  pouvant  escrire  ne  à  M'  Bouchard  ne  auitres  de  mes  amys 
comme  je  pensois,  estant  contrainct  de  monter  en  carrosse  dans  une 
heure  pour  aller  au  devant  de  M'  nostre  Premier  Présidant  nouveau''. 
Seulement  je  vous  remercie  des  soings  que  vous  me  promettez  pour  la 
collation  des  passages  de  Josephe  sur  les  MSS.  pour  l'amour  de 
M"'  Petit  qui  vous  en  sera  bien  obligé  quant  et  moy  ',  espérant  qu'à  cez 
heures  que  vous  serez  au  Vatican,  vous  pourrez  en  avoir  plus  de 
commodité  que  devant  et  que  possible  le  prochain  ordinaire  nous  en 
apportera  ce  que  vous  en  aurez  tiré,  vous  suppliant  de  vous  en  sou- 
venir et  des  vers  pour  M'  Schikard.  Je  vous  envoyé  un  exemplaire  de 
l'Ammian  de  M''  Valois*,  mais  si  S.  Em**  n'avoit  encores  receu  le  sien 
je  luy  mande  qu'il  retienne  le  vostre  et  que  vous  vous  remplacerez 
sur  le  sien,   et  puis  qu'il  avoit  les  deux  volumes  des  Historiens  de 


'  La  lettre  du  h  octobre  1 636  manque  au 
i-ecueil  de  Boissonade.  Les  lettres  qui  se  rap- 
prochent le  plus  de  cette  date  sont  celles  de 
septembre  et  de  ddcembre  de  la  même  an- 
née (p.  a68  et  974). 

'  Joseph  du  Bernet  dont  il  a  été  si  sou- 
vent question  dans  les  volumes  précédents. 

'  (tLoca  illa  Josephi  a  Petito  indicata  nec- 
dum  ad  codices  mss.  conferre  licuit.  Sed 
nunc  molestissimis  exsolutus  curis,  sedulo 
perquiram  omuia  quse  studia  ejus  adju- 
vare  poterunt,  mittamque  ad  te  proximo 
cursore  quidquid  hoc  adminicidi  fuerit." 
(Lettre  XLIV,  p.  ayi.)  —  itJosephi  Loca 
ciun  tribus  velustis  et  probis  codicibus  con- 
tuli;  puto  duos  adhuc  alios  reperiri,  quos 


prima  occasione  inspiciam  :  sed  quantum 
quidem  hactenus  observavi ,  veteres  isti  libri 
parum  sane  ab  edito  exemplari  variant,  ut 
vix  operœ  pretium  sit  contulisse  ;  tum  vero 
uterque  ille  Josephi  locus  integerrimus  mihi 
videtur,  ut  nulla  egeat  medicorum  opéra. . .  '■ 
(Lettre  XLV,  p.  aSS.) 

'  irAmmianum  ab  Valesio  recentatum 
avido  lubentique  anime  lustravi  :  sed  nul- 
lum  adhuc  aiiud  exemplar  ad  nos  periatum , 
praeter  ilhid  quod  postremis  tuis  adjunctum 
misisti,  aiterum,  quod  Emin.  Cardinaii  te 
jam  antemisisse  significas,  necdumcompa- 
ruit,  uti  nec  Francici  Scriplores  a  Querce- 
tuno  editi.i  (P.  274.) 


[163C]  A  HOLSTENIUS.  «,63 

France  de  M' Du  Chesne,  qu'il  vous  remette  celuy  que  je  luy  envovois 
pour  elle,  ou  qu'il  choisisse  le  meilleur  des  deux.  Il  y  a  aussy  uirlib- 
vret  des  plantes  de  Canada,  s'il  est  de  vostre  goust';  sinon  sera  t'il 
mieux  de  celuy  du  s'  Naudé  ou  de  son  patron  ^  si  vous  trouvez  boa 
de  le  luy  despartir.  Je  loue  fort  le  dessein  que  vous  avez  eu  d'employer 
le  s'  Arcadius^  en  la  version  de  l'histoire  d'Anna  Gomnena.  Il  le  faull 
adsister  en  cela,  et  le  bon  P.  Athanase  Kircher  en  celle  de  son  Gelal- 
dinus,  et  de  son  Barachias;  j'en  escripts  à  son  gênerai,  pour  l'y  ayder, 
et  pour  avoir  des  observations  célestes  de  ses  missionnaires  de  loing- 
taings  pais.  Aydez  nous  y  je  vous  prie  en  ce  que  vous  pourrez  et  à  faire 
souvenir  S.  Em"'  d'en  parler  audict  P.  General.  Au  reste  l'exemplaire 
que  vous  m'envoyastes  du  Prodromus  m'a  esté  enlevé  par  mes  amys 
de  tout  ce  pais  qui  l'ont  voulu  dévorer  en  divers  endroicts  en  sorte  que 
je  ne  l'ay  quasi  peu  voir  que  bien  superGciellement,  et  en  attendoys 
([uelque  aultre  de  la  part  de  l'autheur,  mais  un  de  mes  amys,  qui  est 
venu  de  Rome  depuis  peu,  m'a  asseuré  que  le  pauvre  homme  n'en 
avoit  eu  que  pour  en  présenter  ;\  fort  peu  de  gentz,  et  qu'il  n'en  avoit 
pas  seulement  pour  luy,  et  que  vous  aviez  eu  commandement  de  re- 
tirer toute  l'édition,  dont  j'ay  esté  un  peu  estonné,  et  pense  que  vous 
devez  procurer  qu'on  luy  en  desparte  quelque  nombre  d'exemplaires 
pour  en  faire  part  à  ses  particuliers  amys".  Je  pense  qu'il  s'en  vendroit 


'  (rCanadensiuni  plantarum  hisloriani 
eminentissimo  ineo  palrono  reliqui ,  ut  Am- 
mianum  eo  facilius  mihi  impetrem ,  ubi  al- 
leruni  exemplar  allatuiti  fuerit.»  (P.  976.) 

'  Le  cardinal  Bagni. 

'  Arcadiiis  n'esl  pas  une  seule  fois  men- 
tionne dans  le  recueil  de  Boissonade,  ce  qui 
prouve  une  fois  de  plus  que  si  nous  n'avons 
pas  toutes  les  lettres  deHolstenius  à  Peiresc, 
comme  l'a  constate  le  savant  éditeur  de  ce 
recueil  (Hinc  patet  non  omnes  nos  liabere 
liolstenii  ad  Peiresciiini  opistolas,  p.  976, 
note  3  ) ,  nous  n'avons  pas  dans  toute  ieu  r  in- 
tégrité quelques-unes  îles  lettres  imprimées. 


'  ffProdromi  exemplaria  trecenla  P.  Kir- 
cherus  a  me  accepit,  prasler  ea  quœ  jam 
an  te  amicis  obtulerat,  nec  puto  cum  de  mea 
in  se  voluntate  conqueri  posse  :  forte  morain 
segre  tidit,  sed  coniponenda  erant  et  dige- 
renda  folia  ab  imperitis  nostris  typograpbis 
pessirae  confusa,  et  nullo  ordine  ad  biblio- 
thecam  Emin.  Gardinaiis  |)crlata.  Detlisscm 
adbuc  unam  alteramve  ceiituriam.  si  res 
mei  fuisset  arbitrii  ac  juris.  Sed  et  ego 
homo  suni  aliense  polestali  subditus ,  et  scio 
cum  quibus  œconomorum  ingeniis  lucter.  * 
(P.  976.) 


464  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

facilement  quelque  nombre  d'exemplaires  en  ce  royaulme  ;  pour  moy, 
j'en  achepteroys  volontiers  une  demy  douzaine  pour  de  mes  amys.  Et 
s'il  s'en  baille  à  vendre,  je  vous  prie  d'en  advertir  M"^  de  Bonnaire  que 
je  prieray  de  m'en  faire  achepter,  avec  un  exemplaire  de  la  Roma 
Sotteranea',  que  je  veux  envoyer  <i  M''  Rubens.  Ayant  envoyé  au  P.  Sir- 
mont  l'un  de  ceux  que  l'Eni.  Gard^'  Patron  m'avoit  envoyez,  dont  il  ne 
m'a  pas  seulement  accusé  la  réception,  au  lieu  de  me  faire  part  de 
quelqu'une  de  ses  observations  sur  iceluy,  comme  je  me  le  promettoys. 
Je  suis  constrainct  de  finir  et  vous  supplie  de  me  commander  en  re- 
vanche comme, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix ,  ce  5  novembre  1 636  '. 


LXII 

MÊME  ADRESSE. 

Monsieur, 
Je  vous  escrivis  hier  si  à  la  haste  en  partant  d'Aix  que  j'oubliois  de 
vous  dire  que  je  desireroys  qu'il  vous  pleust  m'envoyer  deux  ou  troys 
exemplaires  de  vostre  Porphyre  pour  en  pouvoir  faire  part  aux  amys 
qui  m'en  demandent  avec  instance,  n'en  estant  poinct  venu  d'autre 
deçà  les  Monts  que  celuy  que  l'Em.  Gard"'  m'envoya  avant  qu'il  fusl 
achevé  d'imprimer',  lequel  a  tant  faict  de  chemin  passant  d'une  main 
à  l'autre  de  ceux  qui  l'ont  voulu  voir  qu'enfin  il  s'est  perdu,  de  sorte 
que  je  n*en  ay  plus,  si  vous  ne  m'en  envoyez.  Je  vous  faicts  ce  mot  au 
liazard  pour  estre  joinct  à  Aix  à  mon  paquet,  s'il  y  peult  arriver  à 

'  Le  monumental  ouvrage  d'Ant.  Bosio  '  Bibliothèque  Barberini,  vol.  79,  pièce 

(Rome,   i63a,  grand  in-fol.)  a  été  déjà  n°  ht. 

souvent  mentionné  dans  les  précédents  vo-  '  Nous  avons  vu  que  ie  Porphyre  l'ut  pu- 

luraes.  bliéen  i().3o. 


[I037J  A  HOLSTENIUS.  465 

temps  avant  l'arrivée  et  passaçre  de  l'ordinaire  d'Avignon  et  vous  prie 
me  tenir  en  voz  bonnes  {jraces  comme, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  irez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 

Kn  Arles,  ce  6  nov.  i630'. 


LXIII 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
J'ay  enfin  receu  avec  voz  deux  dernières  du  7  mars*  les  vers  et 
le  bordereau  des  autheurs  d'astronomie  et  de  philosophie  platoni- 
cienne ou  pythagorique  attendus  en  si  bonne  dévotion,  dont  je  vous 
remercie  trez  humblement,  et  dont  je  tascheray  d'user  avec  la  discré- 
tion requise  Dieu  aydant.  Bien  marry  que  la  petite  plainte  que  je  vous 
avois  faicte  de  vostre  silence,  ayc  mal  rencontré,  puis  qu'au  lieu  de 
vous  surprendre  en  quelque  tort  qui  y  peult  donner  de  légitime 
prétexte  au  contraire  je  nie  suis  trouvé  moy  mesme  dans  le  tort,  en 
une  conjoncture  où  vous  aviez  de  si  justes  excuses  et  si  méritoires 
descharges  envers touts  mes  amys  et  serviteurs,  tandis  que  vous  travail- 
liez si  utilement  à  la  conversion  d'un  si  {jrand  prince  qui  vous  a  si 
bien  reusry,  ;\  la  gloire  de  Dieu,  à  l'homieur  de  ce  pontificat,  et  des 
Km"""  patrons,  et  à  l'advantage  du  public'.  Priant  Dieu  que  voz  peines 
en  soient  meritoiremenf  recogneiies  eii  ce  monde  et  en  l'aultre.  El 
cependant  je  vous  en  félicite  de  tout  mon  cœur,  et  vous  crie  mercy 
d'avoir  osé  trouver  à  redire  ;"»  la  dilalion  de  voz  bons  offices.  Vous  re- 

'   Bibliotli.Bai'berini.vol.  79, pièceu"  Aa.  sdvdrants  efforts  que  Holslenius  raiiiciiH  le 

'  Cette  lellre  porte  dans  le  recueil  (le  BniV  prince  luthérien  dans  le  giron  de  l'Hjjlisi' 

sonade  le  II*  4  Cri  occupe  les  pages  083  à  a  ()8.  catiiolicjue.  Voir  divers  dncumeiils  relnlif- 

'  C'est  dans  les  deux  premières  pagos  do  à  celle  cvnversion .  et  nutaniuionl  un  nir- 

la  lettre  XLVI  qu'on  trouve  le  rt'cit  de  la  moire  r«kligd  par  le  convertisseur,  dans  le 

conversion  de  Fn'derio,  landffrave  de  Hesse.  fascicule    IV    des    Amis  d'IIolsteHmt .   |)ar 

Ce  ne  fut  qu'au  boul  de  trois  mois  de  pcr-  M.  Léou-C.  IVIissier  (p.  3o6-3i6). 

».  jg 


i66  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

merciant  Irez  humblement  de  l'excez  de  l'honnestelé  avec  quoy  vous 
avez  daigné  prendre  en  bonne  part  la  surcharge  de  mes  importunitez , 
et  me  combler  d'obligation  en  mesme  temps,  par  la  participation  de 
tant  de  curiositez  notables,  jà  faicte  ou  promise,  tant  pour  mes  amys 
que  pour  moy,  oultre  les  bons  offices  que  vous  me  rendiez  à  mon  desceu . 
en  la  distribution  de  toutes  mes  lettres  à  mes  amys,  dont  j'eusse 
faict  grand  scrupule  de  vous  endosser  le  soing,  m'estant  imaginé  que 
vostre  temps  estoit  trop  précieux  pour  le  divertir  de  tant  de  grandes 
et  généreuses  pensées,  pour  s'amuser  à  commander  cez  vétilles  à  un 
serviteur,  et  j'estois  bien  aise  aussy  de  cacher  voz  lettres  à  la  curiosité 
des  commis  de  la  secreterie  [sic),  et  m'asseurer  qu'elles  vous  eussent 
esté  rendues  de  la  main  propre  de  quelqu'un  de  cez  aultres  messieurs 
qui  monstroient  d'eslre  si  bien  aises  de  vous  y  servir.  Mais  puis  qu'ainsin 
est  que  vous  avez  si  souvent  prévenu  la  prière  que  je  vous  en  eusse 
deub  faire  à  l'advance,  et  que  vous  y  prenez  plaisir  et  me  l'ordonnez, 
je  le  feray  donc  ainsin  meshuy,  à  la  charge  pourtant  que  vous  ne  vous 
en  mettrez  poinct  en  plus  grande  peine  de  m'escripre  que  quand  vous 
aurez  quelque  chose  à  me  commander,  et  suffira  qu'il  vous  plaise  d'en- 
voyer par  quelqu'un  de  voz  domestiques  les  lettres  que  j'adresseray  à  ■ 
cez  messieurs  joinctes  aux  vostres,  sous  l'enveloppe  de  S.  Em'='=  laquelle 
m'en  avoit  dernièrement  touché  encor  un  mot  elle  mesme  dans  ses 
lettres,  lequel  je  n'avoys  pas  si  bien  compris  comme  je  faicts  à  cette 
heure  que  vous  m'en  avez  parlé  avec  tant  de  franchise,  et  de  courtoisie. 
Or  pour  respondre  maintenant  aux  principaux  chefs  de  vostre 
despesche,  je  commanceray  par  ce  qui  concerne  les  Basiliques  dont 
M'  l'Evesque  de  Vaison  m'avois  [sic)  laissé  la  charge  et  quelques  in- 
structions, avec  une  lettre  pour  Thoulouse,  mais  il  s'attendoit  de  m'en 
escripre  et  faire  escripre  plus  amplement  de  Rome  à  son  arrivée,  dont 
nous  n'attendions  pas  la  resolution  que  par  le  prochain  ordinaire  d'icy 
à  i5  jours ^  Mais  puis  que  S.  Em'^"  m'a  envoyé  la  lettre  de  crédit  re- 
formée, je  pourray  conmiancer  de  reprendre  les  errements  du  traicté, 

'  Voir  sur  celle  affaire  des  Basiliques  les  pages  a84  et  a85  de  la  lellre  XLVI  de  Holste- 
nius. 


(1637]  À  HOLSTENIUS.  467 

et  d'escripre  à  ce  bon  père  qui  l'avoit  entreprins,  ayant  cependant  es- 
cript  au  s'  Lumaga  de  Lyon,  pour  voir  quel  moyen  il  fauldra  tenir 
pour  acquitter  cette  partie.  Car  comme  M'  de  Vaison  m'a  dict  qu'il  ne 
s'est  parlé  en  façon  du  monde  en  toute  cette  négociation,  du  nom  de 
MP'l'Em.  Gard"'  Barberin,  ains  seulement  du  sien  particulier,  je  crain- 
droys  bien  que  de  le  mettre  en  evidance  avant  qu'estre  nanty  des 
livres,  il  ne  se  rencontrast  de  nouvelles  difficultez,  d'appréhension  que 
la  sortie  de  ce  thresor  hors  du  royaulme  ne  l'ust  traversée  et  qu'on  ne 
voulust  courir  sur  le  marché;  c'est  pourquoy  j'ay  escript  à  M'  Lumaga 
pour  sçavoir  s'il  ne  feroit  pas  une  l'escription  nouvelle  en  recevant 
celle  là  soubscripte  de  moy,  pour  faire  acquitter  la  partie  par  mon 
ordre  ou  de  M'  de  Vaison  sans  parler  de  S.  Em""*  de  peur  de  nous 
mettre  nous  raesmes  un  pied  devant  l'aultre  qui  nous  peusse  faire 
cheoir,  et  descheoir  de  l'espérance  ou  de  la  jouyssance  d'un  bien 
qu'il  semble  qu'on  tienne  desjà.  Dont  je  seray  bien  aise  aussy  que  vous 
teniez  advertie  S.  Eni.  pour  me  garantir  de  tout  reproche  de  ce  costé  là. 
Je  vois  aussy  que  la  lettre  est  conceiie  en  termes  de  looo  escus  au 
soleil,  comme  si  c'estoit  en  espèces  d'or  qui  doubleroient  quasi  la  val- 
leur  ancienne  reduicte  en  libvres,  dont  il  sera  bon  d'estre  esclaircy 
par  M'  l'Evesque  de  Vaison  à  son  arrivée.  Cependant  je  loue  bien 
vostre  addresse  à  faire  approuver  à  S.  Em.  le  traicté,  nonobstant  qu'il 
se  trouve  que  cez  volumes  ayent  esté  transcripls  puis  que  tousjours 
est  ce  un  original,  auquel  on  peult  avoir  recours  en  tout  temps  comme 
aux  Pandectes  Florentines,  qui  n'ont  pas  diminué  leur  crédit  et  leur 
prix  pour  avoir  esté  si  souvent  transcriptes  et  imprimées,  et  je  croys 
bien  qu'on  ne  pourra  pas  facilement  nous  surprendre  ou  supposer  des 
volumes  qui  ne  soient  les  anciens  en  vellin  de  5  ou  6oo  ans.  Mais 
pour  les  feuillets,  je  crains  bien  qu'il  n'y  puisse  avoir  quelques  pe- 
tites imperfections  en  divers  lieux,  (jue  les  uns  ont  voulu  altrihuer 
à  (stc)  mauvaise  foy  de  Cujas,  ce  que  je  ne  croiroys  jamais  •,  et  d'aultres 

'  Peiresc  avait  bien  raison  de  ne  pas  celle  solle  accusation  le  grand  juriscou- 
vouloir  croire  h  la  culpabilil*^  de  Cujas.  suite  dans  la  priTace  de  son  édition  des 
Anniba!   Fabrot   a  très  bien  disculpé   de        Basiliques. 

59. 


468  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637J 

à  la  simpiicité  des  petits  entants  qui  tranchent  les  cadeaux  et  enlumi- 
nures quant  ils  rencontrent  des  livres  qui  en  sont  enrichys'. 

Quant  à  la  coppie  qui  en  a  esté  faicte,  je  vous  promets  bien  que 
je  feray  toutes  les  instances  possibles  de  la  retirer,  s'il  est  possible  do 
l'avoir  pour  de  l'argent,  soit  du  niaistre  des  originaulx,  ou  de  celuy 
qui  les  a  transcripts  que  j'ay  depuis  apprins  se  nommer  M'  Le  Febvre 
et  s'estre  retiré  à  Orléans  sa  patrie  depuis  quelques  années  où  il  a  ob- 
tenu à  la  dispute  une  régence  en  droict-,  ayant  esté  précepteur  de 
M'  le  baron  de  S'  Jorry^  quelques  années,  et  possédé  paisiblement  les 
bonnes  grâces  de  M"'  de  la  Goste  lors  professeur  à  Thoulouse  des  prin- 
cipaux et  plus  renommez,  pour  la  sciance  du  pur  droict  et  des  bonnes 
lettres.  Mais  avant  que  presser  l'un  ou  l'aultre  de  tout  cela,  si  j'en  es- 
toys  creu,  je  vouldroys  estre  nanty  des  originaulx  de  cez  volumes,  crai- 
gnant tousjours  mille  rencontres  inopinées,  qui  nous  peuvent  faire 
tomber  cette  proye  d«s  mains,  pour  peu  qu'il  se  trouve  d'occasion  de 
différer  la  condusion  et  exécution  de  ce  traicté;  que  si  je  voys  qu'il 
n'y  ayt  plus  d'espérance  à  recouvrer  les  coppies  aussy  bien  que  les  ori- 
ginaux, je  tascheray  de  faire  mettre  la  clause  de  garentie  qu'elles  ne 
s'imprimeront  pas  de  quelques  années,  si  faire  se  peult,  et  si  la  chose 
depand  de  M"^  de  S'  Jory,  je  croys  fermement  de  l'obtenir  de  sa  cour- 
toisie, parce  qu'elle  est  du  debvoir.  Vous  m'avez  bien  mis  la  pulce  à 
l'oreille  de  cet  exemplaire  du  texte  grec  d'Henoch  sur  quoy  vous  me 
dictes  que  M''  Grottius  a  travaillé,  à  qui  j'en  escriray  S  pour  en  sçavoir 
ce  qui  s'en  peult  espérer,  vous  remerciant  bien  affectueusement  de 

'   C'est  l'oxplication  pioposée  par  Fabrot  :  '  C'était  un  descendant  de  Pierre  du  Faiir 

trJe  croirais  plutôt  qu'avant  que  ces  livres  de  Saint-Jorry,  premier  président  du  parle- 

vinssent  entre  les  mains  de  Cujas ,  ou  après  ment  de  Toulouse.  Voir  sur  les  Saint-Jorry 

sa  mort,  ils  sont  tombés  entre  les  mains  de  et  les  Basiliques,  la  Correspondance  de  Pei- 

quelqucs  enfants;  à  leur  âge  on  aime  les  resc  avec /eVôme  ^Ife'flHf/re,  publiée  par  Fauris 

papiers  forts  et  les  parchemins;  ils  auront  de  Saint-Vincens,  p.  17-1  S. 
fait  des  coupures  sur  le  bord,  n  '   rfDe  libro  Ilciioch  plurimum  tibi  gra- 

'  Je  n'ai  rien  trouvé  sur  ce  personnage,  lulor:  versiotantofaciliorerit.quod  Graecum 

même  en  demandant  secours  à  un  érudit  ejus  libri  exemplar  adhuc  supersit,  in  quo 

d'Orléans  qui  connaît  le  mieux  du  monde  Dn.  Grolius,  si  rectememini,  se  laborasse 

l'histoire  littéraire  de  sa  ville  natale.  aliquando  aflirmabat.»  (P.  287.) 


[1G37J  A  HOLSTENIUS.  469 

l'advis.  Je  luy  escripray  par  mesme  moyen  de  ses  observations  sur  le 
Josephe,  pour  voir  s'il  n'auroit  pas  dezagreable  de  les  communiquer  au 
sieur  Petit  ou  au  public  sur  l'occasion  de  l'édition  qui  se  va  faire  de  cet 
autheur.  Je  luy  avoys  cscript  pour  le  Procope  et  en  attends  sa  responce. 

J'escriray  à  M""  l'Archevesque  de  Thoulouse  pour  avoir  les  commen- 
cements des  livres  de  son  Theon,  et  le  prier  de  le  faire  porter  (pianl 
et  luy  à  Paris  au  cas  qu'on  eust  de  besoing  d'en  tirer  de  plus  grands 
suppléments'. 

Et  suis  merveilleusement  aise  d'avoir  veu  la  relation  qu'il  vous  a 
pieu  me  faire  de  ce  vieux  MS.  des  prophètes,  marry  que  les  grands  n'y 
aient  les  astérisques  et  diverses  leçons  qui  sont  aux  XII  plus  petits'''.  Il 
fauldra  faire  diligence  de  conférer  l'exemplaire  des  XII  petits  du  Gard"' 
de  la  Rochefoucauld  que  le  feu  P.  Fronton  a  gardé  longuement  aultres 
foys',  lors  mesmes  que  je  luy  avois  faict  venir  la  Genèse  MS.  ([ue  vous 
avez  veiie  à  feu  M''  Robert  Cotton,  à  qui  le  feu  roy  de  la  Grand  Bre- 
tagne l'avoit  baillé,  en  don  ou  en  garde,  avec  une  infinité  de  vieilles 
chartes  originelles  des  principaux  monastères  de  son  royaulme  *.  Il 
seroit  à  désirer  certainement  que  l'édition  du  texte  grec  de  la  Bible 
fusse  plus  favorisée,  et  qu'on  esvitast  la  prévention  de  la  part  du 
s'  Patricius  Junius^,  qui  n'y  fera  pas  moins  que  Priceus*,  avec  le  se- 
cours de  ce  vieil  exemplaire  d'où  il  a  tiré  l'epistre  de  S'  Clément.  C'est 


'  TQuiii  potius  lioc  âge  ul  exemplar  siiuin 
Luletiani  scrum  déférât,  ut,  si  quid  iiide 
transcribenduin  l'uorit,  in  promptu  sup- 
pelat.»  (P.  q8().) 

'  Voir  beaucoup  de  détails  sur  ce  nia- 
nuseril,  trexenipiar  iilud  vetiistissimum'n , 
apporté  de  Grèce  tra  Neopliyto  Riiodiiio,  sa- 
cerdoteCypriot  à  la  page  a  90  (lettre  XLVI). 

■^  itSalis  al)  cxeinplari  Hnpisfocaldaeo  dis- 
tinclum  cxislirnavi.»  (Ibid.) 

*  ffCodicem  ilhini  non  Régi»,  sed  Got- 
tonianœ  Inhliotlieciu ,  qui  librnra  Gcnesis 
coinpleclitur,  saîpius  vidi,  et  ipsius  Fron- 
tonis  lestinionium  jiropria  cjus  manu  scrip- 


tum  in  fronte  libri  legi,  quo  antiquitali  et 
praîstanliœ  ejus  insigne  testimonium  |)er- 
hibet.»(P.  993.) 

'  Boissonade  traduit  ainsi  ce  nom  (p.  8, 
note  a)  :  tVulgo  Yonge,  ul  scribil  H.  Spel- 
mann ,  aut  potius  Young.  «  Go  bibliotliiHiairp 
du  roi  d'Angleterre  est  très  souvent  men- 
tionné dans  les  lettres  de  Holstenius,  notani- 
niont  page  398,  où  il  est  ap|)olé  svir  doc- 
tissinius  et  accuratissimus'>. 

'  Jean  Priée  ou  du  Prit.  Voir  sur  cet 
humaniste  de  Ixmdrcs  le  recueil  des  Lrt- 
Ires  de  Peiretc  aux  frères  Dupuy,  t.  lU. 
passim. 


470  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

grand  pitié  que  la  jalousie  de  noz  maistres  moynes  nous  laisse  enlever 
cet  honneur  sur  la  moustache  de  tant  de  braves  hommes  qui  y  ont 
desja  travaillé,  et  faict  de  si  grands  progrez  comme  vous  avez  faict,  et 
ce  bon  P.  Lanselius'.  L'édition  du  Theodoreth  achevée,  il  y  fauldra 
venir  veuille  t'on  ou  non,  aprez  laquelle  si  le  P.  Lanselius  avoit  de 
quoy  reparer  deux  mille  passages,  il  en  trouvera  le  double,  et  le 
R.  P.  Vincenzo  Richardi  qui  a  si  utilement  travaillé  sur  le  MS.  du 
Vatican  ^. 

Je  vous  félicite  l'usage  et  possession  des  nouveaux  MSS.  venus  de 
Florence  à  S.  Em'=%  mesmes  de  cet  Mlïan  de  Animalibus^,  que  M'  de 
Saulmaise  a  conféré  durant  deux  moys  de  sesjour  qu'il  a  faict  à 
Dieppe  sur  un  MS.  de  la  bibliothèque  du  roy  qui  y  fut  envoyé  exprez, 
par  compassion  de  le  voir  en  Iranze  de  ne  ])ouvoir  esviter  oisivetté,  sur 
ce  qu'il  en  avoit  rencontré  un  aultre  exemplaire  sur  les  lieux,  et  qu'il 
avoit  désiré  de  moy  un  gros  MS.  de  Animalibus,  qu'il  veult  faire  mettre 
ensemble  soubs  la  presse.  Je  l'en  advertiray  pour  se  prevalloir  au 
besoing  de  la  confcrance  de  quelque  passage  des  plus  dellabrez.  Ce 
voUume  des  anciens  médecins  en  charactere  lombard  pourra  bien 
fournir  quelque  bonne  pièce,  et  je  vous  ay  bien  de  l'obligation  d'avoir 
incontinant  pensé  à  moy,  pour  les  fragments  qui  s'y  trouvent  de  Ponde- 
ribus  et  Mensuris,  que  vous  m'obligerez  bien  de  me  faire  transcrire 
exactement  s'il  est  loisible,  puis  qu'il  vous  plaict  vous  y  offrir  de  vosire 
grâce  si  courtoisement  ".  Je  n'ay  poinct  veu  ce  Lexicon  matliematicum 


'  Ce  docte  religieux  est  ainsi  mentionné 
par  Holstenius,  p.  292  :  trLanselius,  ejus- 
dem  Societatis  Iheoiogus  pereruditus,  bis 
mille  loca  ex  SS.  Patrum  scriptis  se  anno- 
tasse scripsil,  quibus  editio  Romana  a  LXX 
vera  interpretatione  discrcpat."  Boissonade 
ne  cite  sur  Lanselius  que  VOtwnt.  de  Saxius 
(t.  IV,  p.  25).  On  trouvera  un  article  com- 
plet sur  Pierre  Lansselius  (1579-1682) 
dans  ie  tome  I\^  de  la  Bibliothèque  de  la  Com- 
pagnie de  Jésus  par  le  P.  Carlos  Sommer- 
vogel  (1878,  col.  1494-1496). 


'  rrSed  ut  ad  Biblicas  observationes  re- 
deam,  vivil  bic  in  Urbo  Vincentius  Iticliardi , 
clericus  regularis ,  vir  probus  et  beoe  doc- 
tus  Sacras  et  Graecas  lileras ,  etc.  1  (P.  298.) 
Boissonade  renvoie  b  ÏOnoin.  de  Saxius 
(t.IV,  p.  3ii). 

'  irFuit  iuter  eosdem  opus  /Eliani  Grae- 
cum  de  Animalibus  scriptum  manu  cleganti, 
quod  non  sine  fructu  cum  edito  conferri 
possel.»  (P.  397.) 

'  ffAnte  triduum  varii  MS.  codices  Fio- 
renlia  ob  eminentissimuui  nosli'um  Patrc- 


[1637] 


À  HOLSTENIUS. 


471 


de  Conra.  Dasipodius,  ne  consequament  l'édition  qui  y  est  de  l'Héron, 
où  sont  obmises  cez  petites  notes  des  poids  et  mesures,  et  le  feray 
chercher  où.  je  pourray'. 

Je  m'estonnc  que  M'  Bouchard  n'ayt  pas  receu  le  mémoire  de 
M*"  Vallois  pour  les  epistres  de  Libanius  qu'il  avoit  désirées,  ne  m' es- 
tant poinct  apperceu  qu'il  se  soit  perdu  aulcune  de  mes  despesches 
d'icy  à  Rome  de  longues  années^,  et  fauldroit  que  son  pacquet  par- 
ticulier se  fusse  esgaré,  en  secretarie,  comme  aultres  foys,  en  des- 
mesnageant  de  Morttevallo  (?)  ou  du  Vatican,  et  possible  que  mon 
iiomme  eust  manqué  de  l'enfermer  soubs  mon  enveloppe  et  qu'il  se 
fust  confondu  parray  d'aultres  papiers,  comme  il  est  advenu  aussy  quel- 
quefoys;  je  luy  escriray  pour  voir  de  le  refaire;  cependant,  pour  ne  pas 
perdre  de  temps,  je  pense  que  quand  M"'  Dormalius'  l'entreprendroil 
tout,  la  perte  n'en  seroit  pas  bien  grande,  de  ce  que  M'  Valloys  peult 
avoir  desjà,  et  possible  moings  correctement.  Je  luy  en  avois  escript 
en  ce  sens  dez  le  pi'ecedant  ordinaire. 

Mais  je  m'estonne  bien  encores  plus,  que  vous  n'ayiez  pas  trouvé 
dans  la  Bibliotiieque  de  l'Em.  Gard*'  patron  quelque  vieux  MS.  d'au- 
theurs  militaires,  parce  que  ung  temps  y  a  il  m'en  avoit  esté  faict 
grande  feste  particulière,  non  pas  certainement  des  grecs,  mais  des 
latins".  Ce  que  j'avoys  négligé,  n'estimant  pas  lors  qu'il  s'en  peusse 


nuin  perlati  fiiere,  in  cjuibus  priecipuus 
mihi  videtur  codex  f^ongobardicus  varioruin 
mediconira  antiquoruiii,  notas  sane  opliraae, 
cujus  indicem  qiiain  primum  conficiam,  et 
videbo  num  alicujus  inomenti  sint  quae  de 
Ponderibus  et  Monsuris  eodem  voluinine 
continentur,  quœ  in  tui  gratiani  transcribam 
diligeiiter.»!  (P.  agô.) 

'  «rHeronis  aiitem  Geodesia  Grœcc  et 
Latine  ferme  tola  édita  est  a  Conrado  Dasy- 
podio,  Aiifcntorati,  in-8°,  cum  Lexico  Ma- 
thematico  ejusdem  auctoris  ;  sed  et  illic 
capita  illa  de  mensiiris  et  ponderibus  desidc- 
ranlui-.T,  (P.  a 8 G.) 


'  irDe  Libanii  Epistolis  ex  Vaticana  bi- 
bliotheca  transcribendis  neque  mihi  neque 
Buchardo,  ut  quidem  ipse  ait,  hactenus 
quidquam  scripsisti. . .  1  (P.  'JgS.) 

'  (tUbi  numerum  earam  quas  petit  Vale- 
sius  transmiseris,  Dormalius  nosler  o|)erani 
suam  libenter  tibi  pra-stabit. <■  (P.  agS.) 

'  itDe  indice  Scriplorum  Militarinm  ex 
Vaticana  bibliolheca  haud  ila  Sicile  tibi  mos 
grri  potcrit,  cum  nec  niibi  nec  Buchardo 
indices  evolvcre  liceat,  neque  subadjuva 
bibliolheca;,  qui  canis  .Esopici  instar  alios 
lani  morose  arcet,  huic  ojicri  suflicil;  illi 
enim  emineiitissimus  Cardinalis  hoc  nego- 


472  LETTRES  DE  PEIRESC  [I637| 

tirer  tant  de  fruict  comme  je  penseroys  à  cette  lieure  qu'il  seroit  pos- 
sible. La  seule  inscription  de  mon  cbettif  MS.  du  Vegece  qualifié 
COMES  ECCOLII  ou  bien  ATYLII,  qu'un  aultre  MS.  qualifie  COMES 
CONSTANTINOPOLITAN  m'ayant  faict  juger  qu'ils  ont  voulu  dire 
cornes  SCOLAE  ou  SCOLAR,  et  possible  de  quelque  lieu  particulier 
de  la  ville  de  Constantinople  où  se  faisoient  les  exercices  des  escoles 
de  la  milice,  qui  peust  avoir  encore  plus  de  rapport  à  ce  dont  les 
vestiges  se  trouvent  en  mon  MS.  se  trouvant  une  novelle  de  Tlieodose 
et  de  Ventinian  [sic),  de  Scolaribus  comitibus  scolarum,  lit.  XXVIII 
des  novelles  de  Tbeodose,  au  Code  Theodosian,  sur  les  prérogatives 
que  tels  officiers  avoient  sur  les  sénateurs  et  aultres  qui  professoient 
la  milice,  laquelle  est  publiée  du  consulat  de  Gyrus,  qui  est  bien 
proche  de  celuy  qu'escripvoit  Vegece  les  règles  et  maximes  militaires 
en  ce  païs  là.  Si  vous  avez  là  des  vieux  MSS.  du  Code  Theodosian,  vous 
m'obligeriez  bien  de  conférer  cette  novelle,  et  m'envoyer  les  diverses 
leçons  s'il  y  en  a  aulcune,  et  par  occasion  si  l'edict  d'autorisation  du 
roy  Alaric  y  estoit  je  vous  prie  de  le  faire  conférer  aussy,  et  sur  tout 
s'il  y  a  aulcun  edict  ou  note  de  confirmation  de  Chalesmagne  (sic),  ou 
d'aultre  de  noz  roys  des  Gaulles,  en  teste  de  ce  Code  Theodosian. 
Mais  quelque  difficulté  que  vous  rencontriez  en  la  liberté  de  chercher 
les  indices  du  Vatican,  je  vous  supplie  de  ne  vous  en  point  lasser, 
jusques  à  ce  que  vous  ayiez  trouvé  ce  qu'il  y  peult  avoir  du  Vegece, 
et  aultres  autheurs  MSS.  grecs  ou  latins  de  la  milice,  pour  en  avoir  le 
bordereau  un  peu  exacte,  et  l'extraict  des  filtres  de  Vegece,  et  de  la 
conclusion  de  ses  œuvres. 

J'en  escriray  plus  tost,  si  besoing  est,  à  l'Em.  Gard*'  S.  Onophrio,  à 
.qui  l'Em.  Card^'  patron  m'esA'ipt  avoir  renoncé  la  charge  de  Biblio- 
thécaire et  au  custode  Giustiniano  '  encore,  vous  suppliant  me  faire 

lium    comniisil;   dabo    tRmen    operani    ul  '  Ou  Jusliniano.  Voici  ce  qu'en    disait 

quain  primum  indiculus  conficiatur.  In  bi-  Holslenius  dans  la  lettre  XL    (p.   967)  : 

l)liotheca  cardinalis  nostri  niliil ,  quod  obsev-  rNam  qui  nunc  bibliotheca»  prseest  Hora- 

varim ,  antiquorum  scriptorum  de  hac  arte  tins  Justinianus  omnia  alia  intelligit  potius 

evtal.  1  (P.  996.)  et  curât  qiiani  vetcres  libres.  ^^  Cf.  la  note 


[1637]  À  HOLSTKNIUS.  473 

escrire  le  mémoire  de  leurs  tiltres  et  (jualitez  de  l'un  et  de  l'aultre 
pour  cet  elTect,  et  des  soubscustodes  aussy,  pour  ne  rien  obmettre 
si  le  trouvez  à  propos. 

Nous  attendrons  les  diverses  leçons  que  vous  nous  promettez  du 
.losephe  pour  M''  Petit  avec  voz  observations,  à  vostre  commodité: 
cependant  son  ouvraige  s'advance  fort,  et  j'ose  bien  vous  respondre 
qu'il  prendra  en  trez  bonne  part  tout  ce  qui  viendra  de  vous. 

Le  bruict  arrivé  Iraiscbement  d'Avignon,  qu'à  cez  Pasques  il  vient 
un  nouveau  vicclegat  M^"^  Sforza,  nous  faict  espérer  que  par  cette  voyc 
vous  nous  ferez  tenir  les  exemplaires  que  vous  me  promettez  de  vostre 
Porphyre.  Que  si  la  commodité  vous  en  [estoit]  eschappée,  je  vous 
prie  de  les  envoyer  (et  toute  aultre  chose  que  vous  aurez  pour  moy 
de  trop  grand  volume  pour  les  courriers  de  Gènes)  chez  les"'  Guillaume 
Despiots,  qui  a  journellement  des  commoditez  d'envoyer  toute  sorte 
de  fagots,  à  Marseille  à  droiclure,  ou  par  ses  correspondances  de  Li- 
vorne  et  de  Gènes;  aultreraent  les  aimées  toutes  entières  vous  eschap- 
peront  comme  au  s""  Menestrier  et  à  Mess"  le  Gavai,  del  Pozzo  et  de 
Bonnairo,  avant  que  des  mariniers  de  Provence  vous  aillent  chercher 
les  uns  ne  lés  aultres  au  palais,  pour  vous  semondre  de  se  charger  de  la 
voiture  que  vous  aurez  à  me  faire  tenir. 

J'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  ce  que  vous  avez  desjà  r'assembh" 
du  Porphyre  et  escriray  pour  voir  s'il  s'y  pourroit  rien  suppléer.  Mais 
si  j'esloys  cappable  de  vous  donner  aulcun  conseil  ou  si  j'avois  assez 
de  credict  sur  vous,  je  vous  demanderoys  volontiers  en  grâce  (qui  esl 
bien  plus  que  de  le  vous  conseiller)  de  vouloir  remettre  le  soing  dune 
belle  édition  à  Mess"  les  Elzevirs,  non  seulement  de  ce  que  vous  avez 
inqjrimé  à  Rome  de  Porphyre,  mais  tout  ce  que  vous  avez  recueilly  de 
])lus  de  ce  grand  personagc,  qui  se  feroit  en  si  beau  charactere,  si 
correltement,  et  si  honnorablement,  (jue  vous  n'auriez  aulcun  subjoct 

(Jo  Boissonade  ([iii   cite  divers  auteurs  sur  notre  tome  IV,  qui  cite   nolamnieut   Brp- 

ce  bibliothécaire  détesté  de   Bouchard  et  quigny  ^«ns  'e  tome  XLIH  (p.  988)  des 

de   Naudé,    comme   nous    avons   eu    pré-  Mémoires  de  VAcadémie  des  hiscriptions  et 

cédeuiment    l'occasion   de   le   l'appeler   en  bellfs-letir:». 

T.  60 


474  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637J 

d'y  rien  regretter  et  tosl  ou  tard  m'en  sçauriez  bon  gré,  je  m'asseure, 
n'y  ayant  persone  dans  l'Europe  qui  s'en  puisse  acquitter  si  noblement 
et  si  dignement  que  cez  Messieurs  là,  n'en  desplaise  à  noz  libraires  de 
Paris,  qui  ne  sçauroient  de  long  temps  rien  faire  qui  vaille,  ne  qui 
soit  comparable  à  la  besoigne  de  Leyden.  J'en  attendray  vostre  res- 
ponce  un  peu  plus  catliegorique,  s'il  vous  piaict,  que  devant.  Et  si 
tandis  qu'on  pourroit  travaillera  refaire  le  volume  jà  imprimé  à  Rome, 
et  que  vous  serez  en  queste  des  aultres  assortiments  et  secours  que 
vous  pouvez  espérer,  vous  voulez  laisser  faire  aussy  quelque  aultre  de 
cez  bons  autheurs  grecs  dont  vous  avez  faict  feste  audict  s*"  Louys  El- 
zevir,  en  luy  faisant  voir  coumie  vous  me  dictes  les  coppies  toutes 
prestes  à  mettre  soubz  la  presse,  vous  verrez  bien  tost  ce  que  cez 
Mess"  sçavent  faire'.  Quant  aux  Platoniciens  et  aultres,  je  vouldroys 
bien  voir  que  vostre  entreprinse  de  les  donner  au  public  peusse  réussir, 
et  pense  que  si  vous  commandez  par  le  Jamblique,  il  seroit  trez  bien 
receu,  et  entreprins  avec  vigueur.  Cependant  je  verroys  bien  volon- 
tiers s'U  estoit  loisible  ce  6*^  libvre,  qui  comprend  un  commentaire  sui- 
l'arithmétique  de  Nicomachus  et  ce  que  vous  avez  du  Nicomachus 
Gerasinus  sur  l'arithmétique  de  Pythagore,  que  je  vous  renvoyerav 
fidèlement  et  bien  tost. 

Au  reste  je  ne  pense  j>as  qu'il  fallust  négliger  cez  versions  quoy  que 
bien  ineptes  du  Jamblique  de  la  vie  et  secte  de  Pythagore,  puis  qu'en 
cez  matières  si  délicates  on  peult  proffiter  des  moindres  vestiges  du 
inonde  qui  nous  restent  de  cez  ouvrages  plus  qu'humains,  que  l'anti- 
quité nous  a  tant  enviez. 

Je  crains  bien  de  ne  pouvoir  pas  escrire  de  cet  ordinaire  concernaiit 
le  discours  du  s'\.  No[gue]ra  de  la  langue  Hespagnole^,  n'ayant  encore 

î,  irAuctores  illosGrœcos  in  commonitorio  linguœ  scriploribus,  Du.  Vincenlii  Noguei-œ, 

Liidovici  EIzevirii  a  me  nolatos  ipse  apud  cum  inea  manu  describeie  cogei'er,  supe- 

me  vidit  édition!  ferme  omnes  jam  paralos.  riori  cursore  mittere  non  potui.  Auctoreni 

Porphyrii  omnia  opuscula  collecta  habeo.fl  tibi  nolum  esse  exislirao,  virum  sane  Im- 

(P.  294.)  manissimum  etquicuui  prfBcipua  nobililale 

ffEpistolicain  dissertationem  de  liuguu  summam  eruditionem  conjunxit.  Judiciimi 

veleri   Hispanoruni ,  ol  de  prtecipuis  ejui;  liomini  summum  et  exquisitissimum .  om- 


|1637]  À  HOLSTENIUS.  /iT.") 

sceu  prendre  le  temps  de  le  lire  attentivement  comme  je  le  désire,  et 

comme  je  pense  qu'il  le  mérite.  Et  finiray  pour  ce  coup  mes  importu- 

nitez  accumulées  trop  à  foule,  que  je  vous  supplie  me  pardonner,  et 

me  commander  tant  plus  librement  en  revanche  comme. 

Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur. 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  9  avril  1687. 

J'oublioys  de  vous  accuser  la  réception  des  deux  exemplaires  de  la 
dernière  édition  des  vers  de  N.  S.  le  Pape  in-^"  puis  que  c'est  vous 
qui  me  les^avez  adressez  de  la  part  de  S.  Em"'.  Je  le  faicts  donques 
le  plus  humblement  que  je  puis,  en  ayant  envoyé  l'un  à  Mp'  le  Chan- 
cellier  de  France^,  et  l'auitre  à  Mess""'  du  Puy,  ayant  réservé  pour  mov 
l'un  des  aultres  que  j'avoys  cy  devant  rcceus. 

Je  pense  qu'une  édition  in  fol"  conmie  celle  des  vers  du  Chancelier 
de  l'Hospital  seroit  bien  plus  belle  que  toutes  les  aultres'.  Voire  l'ou- 
vrage meriteroit  bien  une  édition  in  fol°  en  grand  charactere  comme 
celle  des  vers  de  feu  M'  Servin,  qui  estoit  si  grosse  qu'il  n'y  falloit 
pas  do  lunettes  pour  qui  que  ce  fust  pour  la  lisre*,  et  vous  assure 

nium  lingiiarutn  porilia  accurata  ad  mira-  où  l'on  a[)prend  qu'à  la  fin  de  l'anniM;  prd- 

ciduni  usqiie.  .  .  b  (P.  397.)  —  Voici  un  c^denle,  au  moment  où  les  poèmes  du  pape 

autre  bel  t'ioge  de  Nojjuera  h  la  page  ^99  :  Urbain  VIII  allaient  être  nu's  sous  presse. 

rrDegit   hic  in  Urbe  Vinc.  Noguera ,   no-  les  caractères  du  Vatican  déplurent  telle- 

bilis  Lusitonus,  vir  summe  doctus.  .  .  Ni-  ment  h  Sa  Saintett',  (ju'il  fallut  h  grands 

liil  vidi  huiiianius,   niliil  suavius  hoc  ho-  frais  s'en  procurer  d'autres. 
mine...i    Voir  (p.   097)  une    note   de  '  Pierre  Si'guier  (!fait  chancelier  depuis 

Boissonade  sur  ce  correspondant  de  Peiresc  i'annde  i635.  On  sait  que  c'était  \m  parent 

qu'il  appelle  Nogueyra  et  au  sujet  duquel  et  (pie  ce  fut  un  protecteur  de  Peiresc. 
il  cite  divers  auteurs,  notamment  Bouchard  '  Mich.   llospilalii  epistolarum  »eu    ser- 

et  Gassendi.  moiium    libri    VI  (Paris,    Maui.    Pâtisson. 

'   tt  Intérim,     eminenlissimi     cardinalis  1 585,  petit  in-fol.).  Trois  personuag(>s  cé- 

jussu,  milto    duo   exemplaria    poemalum  lèbres  soignèrent  ceUc  magnifique  édition  : 

Sununi  pontificis,  correcfa  jnm  diligentiiis.n  Guy  du  Faur  de  Pibrar.  Scévole  de  Sainle- 

[?.  388.)  Voir  encore  sur  celte  édition  des  Marthe  et  J.-Aug.  de  Thnu. 
premiers  mois  de  l'année  1637  la  page  978  *  L'auteur  du  Manuel  du  libmire  n'a  pas 

60. 


/i76  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637J 

que  les  vers  en  paroissoient  bien  plus  beaux  et  plus  élégants  qu'ils 
n'estoient. 

Je  ne  toucheray  qu'un  mot  des  Basiliques  à  S.  Em"et  à  M""  l'Evesquc 
(le  Vaison,  et  me  rapporteray  pour  l'un  et  pour  l'aultre  à  ce  que  je 
vous  en  escripts  plus  au  long,  dont  je  vous  supplie  de  leur  faire  part 
pour  ma  descharge  envers  l'un  et  l'aultre,  et  pour  leur  soulagement 
aussy,  bien  raarry  que  vous  en  ayiez  la  courvée  plus  grande,  mais  vous 
ne  la  plaignez  pas  en  cez  sortes  de  négociations  ^ 


LXIV 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 
C'est  une  bien  grande  surabondance  d'honnesteté  que  la  voslre , 
puisque  sans  avoir  receu  de  mes  lettres  par  le  dernier  ordinaire,  vous 
n'avez  pas  laissé,  non  seulement  de  m'escrire,  mais  de  me  combler  de 
la  participation  de  tant  de  belles  pièces  et  de  vostre  façon,  et  de  vostre 
curiosité,  que  je  ne  vous  en  sçaurois  jamais  rendre  d'assez  dignes 
actions  de  grâces,  mais  vous  ne  laisrez  pas  d'accepter,  s'il  vous  plaict. 
telles  que  je  puis  les  vous  faire  du  plus  profond  de  mon  cœur,  me 
recognoissant  vostre  obligé  jusques  au  dernier  poinct,  et  désirant  le 
vous  faire  mieux  paroistre  à  l'advenir  par  les  effects  de  ma  gratitude 
et  de  la  vénération  que  je  porte  à  l'eminance  de  vostre  vertu  si  j'en 
puis  trouver  plus  de  moyens  que  je  n'en  ay  eu  cy  devant.  J'ay  donc 
receu  le  cahier  des  passages  du  Josephe  conférez  sur  les  deux  MS.  du 
Vatican  et  de  la  Palatine,  que  j'ay  incontinant  envoyez  à  Paris  à  M'  Pe- 
tit, lequel  s'y  estoit  acheminé  depuis  peu,  m'asseurant qu'il  s'advouera 

connu  cette  pièce  imprimée  en  si  gros  ca-  '  Bibliothèque  Rarbprini,   volume   79, 

ractères  et  qui  est  extraordinaireinent  rare,  pièce  n°  63.  —  On  trouve  une  copie  <le 

mais  il  mentionne  une  autre  plaquette  de  cette  lettre  dans  le  volume  5,17a  du  fonds 

Louis  Servin,  en  prose  celle-là  :  Plaidoijé  français,  nouvelles  acquisitions,  fol.  77  v° 

de    Monsieur  Servin,   advocat   gênerai   du  à  79  v". 
Roy,  etc.  (  1 699  ,  petit  in-fol.  de  1  a  pages). 


[1G37]  .\  HOLSTKNIUS.  /i77 

bien  vostre  obligé  de  ce  labeur  et  le  sera  bien  davantage  si  vous 
trouvez  la  commodité  de  luy  faire  entendre  voz  sentiments,  ou  les 
motifs  pour  lesquels  vous  ne  vouldriez  pas  vous  despartir  de  l'édition 
de  Basic ',  pour  suyvre  ses  conjectures,  comme  vous  me  les  faictes 
espérer,  mais  je  crains  que  le  temps  ne  vous  soit  trop  court,  si  vous 
faictes  le  voyage  de  Malte  et  de  Sicile,  où  je  seray  bien  aise  que  vous 
ailliez  desterrer  mille  bons  livres  qui  y  sont,  je  m'asseure,  comme 
ensevclys  parmy  des  gents  qui  ne  font  guières  de  profession  d'estudo. 
estimant  que  le  public  se  pourra  bien  prevalloir"  de  vostre  second 
voyage  en  ce  pais  là,  et  que  vous  n'en  reviendrez  pas  sans  de  trez 
ricbes  despouilles,  de  ce  que  les  ministres  des  derniers  empereurs 
grecs,  qui  y  avoient  esté  recogneus,  y  pouvoient  avoir  faict  porter, 
oultre  ce  qui  y  pouvoit  estre  demeuré  du  plus  vieux  temps.  Et  j)our 
cet  eflecl  je  loiie  grandement  le  sesjour  que  vous  y  voulez  faire  tout 
cet  esté,  où  il  ne  vous  manquera  pas  de  lieux  IVaiz  et  salubres,  pour  y 
passer  les  clialleurs,  à  la  visite  de  cez  bons  libvres.  Mais  je  ne  seroys 
pas  d'advis  que  vous  reveniez  sans  vous  estre  donné  la  peine  d'aller 
voir  cez  montagnes  de  sel  qui  y  sont  en  quelques  endroicts,  celles  où 
se  trouvent  tant  de  scbeletes  de  géants  et  celle  mesmes  qu'on  dict  estre 
toute  farcie  de  dents  d'elepliant  ou  d'ivoire  fossile,  entassé  confusé- 
ment, pour  voir  s'il  y  a  parmy  aulcuns  coquillages,  ou  aultres  marques 
evidantes  que  ce  peussent  avoir  esté  des  dents  ou  ossements  de  monstres 
marins  comme  cez  glossopetrae  -  dont  les  montaignes  de  Malte  sont 
toutes  farcyes;  surtout  pour  les  géants,  voyez,  je  vous  en  supplie,  si 
vous  n'en  pourriez  poinct  voir  des  oz,  non  cncores  arrachez  des  lieux 
mesmes  où  ils  se  desteri'ent,  pour  pouvoir  juger  s'ils  sont  ou  s'ils  ont 
esté  environnez  d'aulcune  fabrique  de  main  humaine  ou  non  pour 
leur  tombe  ou  s'ils  ont  affecté  simplement  des  cavernes,  qui  aultres 
foys  puissent  avoir  esté  soubz  les  ondes,  comme  noz  montaignes  garnyes 

'  GVsl   l'àliliou    priiiceps    donnée   |)af  toire    naturelle    de    Pline,   où    il    signifie 

J.   Froben   en    i544  (in-fo).  de   près   de  (1.  WWll,  cli.  x,  S  5())  :  pierre  précieuse 

mille  pages).  qui  i-esscniMc  !i  la  langue  de  Ihomme. 

'  Peiresc  avait  Irouvé  le  mot  dans  17/is- 


478 


LETTRES  DE  PEIHESC 


[1637] 


de  coquillafjes,  et  aultres  animaux  ou  fruicts  marins.  El  si  ce  ne  pou- 
voient  poiiict  avoir  esté  de  cez  veaux  marins  de  ia  grosse  race  cetlacée  ', 
les  quels  ont  une  teste  bien  approchante  de  l'humaine  pour  les  os  et 
mesmes  des  bras  et  aislerons,  garnis  d'ossements  quasi  pareils  à  ceux 
des  os  des  mains  et  des  pieds  humains,  et  s'en  trouve  de  si  gros  en 
Palestine,  qu'ils  ne  se  peuvent  avoir  qu'à  coup  de  canon  comme  des 
baleines.  Quant  au  Q.  Gurtius  que  vous  avez  veu  en  Angleterre,  j'en 
ay  donné  l'advis  à  M"'  de  Vauzelas^,  pour  l'envoyer  transcrire  et  m'as- 
seure  qu'il  s'en  pourra  bien  prévaloir,  et  ne  manquera  pas  de  vous  en 
tesmoigner  le  bon  gré  qui  vous  en  est  deub,  et  son  obligation  particu- 
lière, à  laquelle  je  prends  toute  la  part  que  je  doibs,et  vous  en  suis 
trez  redevable,  ne  doubtant  pas  que  puis  que  la  suitte  de  l'histoire  \  est 
toute  entière,  il  n'y  ayt  bien  moyen  de  restaurer  sinon  le  vray  texte  de 
l'autheur  qui  s'est  perdu,  au  moings  la  substance  principale  de  ce  qui 
y  maquoit. 
L'attestatoire  de  ce  médecin  D.  Gio.  Gonçales,  sur  la  production 
prodigieuse  d'un  prunellier  dans  la  poitrine  de  ce  berger  espagnol',  est 
bien  remarquable  et  nous  fera  bien  impaliament  attendre  le  libvre 
entier  qu'il  en  promet;  je  ne  manqueray  pas  de  faire  les  remeiciments' 
trez  humbles  à  l'Em"""  Gard''  Patron  puis  que  c'est  de  son  ordre  que 
vous  me  l'avez  envoyée,  et  ne  laisse  pas  de  vous  en  demeurer  bien 
obligé,  et  de  vostre  soing  encores  de  m'envoyer  le  bordereau  de  la 
qualité  des  deux  MSS.  de  S.  Em"  concernant  l'Almageste  de  Ptolemée 
traduict  de  l'arabe  en  latin.  J'ay  envoyé  à  M' l'Archevesque  de  Thou- 


'  Les  auteurs  du  Dictionnaire  gcnérnl 
de  la  langue  française  constatent  que  Cot- 
grave,  Furelière,  Trévoux  et  l'Académie 
(  1 769  )  écrivent  celacèe. 

'  Claude  Favre  de  Vaugelas ,  né  à  Mexi- 
mieux  (Ain)  le  6  janvier  i585,  mourut  h 
Paris,  le  26  février  i65o.  Sa  traduction  de 
Quinte-Gurce  parut  en  i653  (in-4°,  Paris, 
Aug.  Courbé).  On  raconte  que  l'académicien 
travailla  pendant  trente  ans  —  ce  qui  est 


peut-être  exagéré  —  ii  celte  traduction  plus 
élégante  que  fidèlf.  La  mention  faite  par 
Peiresc  prouve  du  moins  que  M.  de  Vauie- 
las  (comme  on  prononçait  son  nom)  s'occu- 
pait de  son  auteur  favori  treize  ans  avant 
de  mourir. 

'  Il  a  été  déjà  plusieurs  fois  question, 
dans  la  correspondance  de  Peiresc,  de  cette 
curiosilé  d'histoire  naturelle,  notamment 
dans  la  correspondance  avec  Gassendi. 


[1637]  À  HOLSTENIUS.  479 

louse  vostre  mémoire  de  ce  que  vous  avez  eu  la  bibliotiicque  de 
S.  Eni"  du  Theon  de  Locis  Mathemal'"  Platouis,  et  l'ay  conjuré  de 
mettre  dans  ses  coffres  son  MS.  du  mesnie  autheur,  pour  en  faire 
transcrire  à  Paris  ce  qu'il  y  pourroit  avoir  de  plus.  Mais  je  crains  que 
mes  lettres  ne  l'ayent  pas  sceu  joindre  avant  son  parlement  de  ïhou- 
louse  d'où  il  debvoit  partir  après  Pasques,  et  en  attends  impatiament 
la  responce,  n'ayant  pas  ozé  pour  ce  mesnie  subject  lui  envoyer  dez 
à  cette  beure  voz  belles  actions  académiques  ',  que  je  ne  fusse  asseuré 
du  lieu  où  elles  pussent  parvenir,  en  intention  de  les  luy  adresser  aussy 
tost  que  je  sçauray  son  arrivée  en  cour. 

Je  vous  remercie  trez  buniblement  des  bons  oUices  que  vous  m'avez 
rendus  auprez  de  l'ill""  marquis  Justinian^,  et  de  la  faveur  que  vous 
m'avez  faicte  de  recevoir  en  si  bonne  part  les  lettres  que  je  vous  ay 
escriptes  par  M''  l'Evesque  de  Vaison. 

Je  n'ay  pas  encor  receu  voslre  fagot  de  livres  consigné  à  patron 
Gaultier,  mais  je  ne  vous  en  suis  pas  moings  redevable  et  desjà  il  est 
arrivé  à  Marseille,  d'où  je  l'attends  à  ce  soir  ou  demain  Dieu  aydant, 
et  espère  vous  en  accuser  encore  la  réception  avant  le  passage  de  l'or- 
dinaire d'Avignon  à  Gènes  que  nous  attendons  demain  au  matin  selon 
son  ordinaire. 

Les  mémoires  au  reste  qu'il  vous  a  pieu  ni'envoyer  des  aullieurs  do 
l'art  militaire  grecs  et  latins  des  Bibliothèques  Vaticane,  Palatine  et 
de  S.  Em"'<^  seront  bien  agréables  à  M'  de  Saumaise,  à  qui  je  les  i'eray 
tenir  par  la  première  commodité,  avec  mon  Vegece  MS.  qu'il  m'a  de- 
mandé, et  je  croys  bien  qu'il  ne  verra  pas  moings  volontiers  les  parti- 
culières observations  et  diverses  leçons  que  vous  avez  recueillies  ties 
MSS.  du  Vegece  que  vous  avez  veu  en  Angleterre,  et  spécialement  sur 
le  tiltre  et  qualitez  du  livre  et  de  l'autheur,  dont  j'ay  prins  grand  plaisir 
de  voir  ((ue  vous  ayiez  rencontré  là,  au  MS.  du  Vatican  colté  a,i  ().}.  la 
mesme  datte  des  Consulats  qui  estoit  icy  en  l'un  de  ceu\  que  nous 

'  l^  dissertations  destinées  à  être  lues  '  Quelque  parent  peut-être  du  {jarde  de 

dans  l' Acadt^mie  basilienne  fondtSe  par  le  la  bibliothèque  du  Vatican  qui  a  été  nonuui- 
cardinal  Vr.  BajLcrini.  dans  la  pri<e<'dente  lettre. 


/i80  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

avons.  Mais  vous  avez  oublié  de  nous  marquer  l'antiquité  de  l'escripture 
de  ce  volume,  ce  qui  me  faict  juger  que  vous  n'avez  pas  daigné  voir 
vous  mesmes  le  volume  et  vous  en  estes  rapporté  à  la  lov  et  diligence 
de  ceux  qui  en  ont  faict  la  perquisition,  vous  contentant  de  voir  les 
grecs  seulement,  comm'  ils  sont  les  priucipaulx.  Toutefoys  je  vous  diray 
bien  qu'en  regardant  de  plus  prez  à  cez  tiltres  ou  qualitez  de  Vegecc, 
voyant  que  M'  de  Saumaise  ne  m'en  avoit  rien  mandé,  comme  je  m'y 
estoys  attendu,  je  luy  voulus  déclarer  mes  petites  conjectures,  et  si  je 
ne  me  trompe  je  vous  en  dicts  encores  quelque  chose  par  le  premier 
ordinaire  à  quoy  je  ne  trouve  pas  que  convienne  mal  ce  que  vous  nous 
jnarquez  du  volume  '1,697,  ^^'''  Y  ^^^  qualifié  [comitis  sacri]  et  du 
5,957  [comitis  sacrum]  pour  revenir  à  celle  de  ma  pensée  [comitis 
scolae  ou  scolarum],  sur  quoy  j'attendray  en  bonne  dévotion  voz  senti- 
ments à  vostre  commodité, et  voz  observations, si  dans  les  bibliothèques 
de  Sicile  vous  y  en  trouvez  quelque  aultre  exemplaire  de  meilleure 
note  que  touts  ceux  qui  vous  sont  passez  par  les  mains.  J'envoyeray 
donc  à  M'  de  Saumaise  ce  que  vous  aviez  destiné  au  s'  P.  Scriverius', 
car  j'estime  que  M''  de  Saumaise  vouldra  donner  un  grand  recueil  de 
touts  les  autheurs  militaires  grecs  et  latins,  dont  le  Vcgece  debvra  estre 
des  principaux.  11  m'escrivit  l'aultre  jour  qu'ayant  rencontré  dans  les 
notes  de  Lindembrogius^  sur  l'Ammian  Marcellin  une  citation  d'Urbi- 
cius'  p.  i3o,  qu'il  dict  avoir  eu  de  la  bibliothèque  de  Florence,  il 
y  trouva  de  quoy  bien  corriger  une  pareille  induction  dans  le  texte  du 
Mauricius  et  lire  CIAENTIO  MANAATA  KOMnAETE  NON  BOC 
TOTPBETIC,  puis  que  Léon  l'a  depuis  i-endu  en  termes  grecs,  au  lieu 
du  simple  caractère  qui  y  avoit  esté  employé  sans  changer  les  termes 
latins.  Or  je  vouldroys  bien  sçavoir  si  ce  passage  se  trouve  dans  l'opus- 
cule d'Urbicius,  qui  est  inséré  au  169.  volume  de  la  bibliothèque  de 

'   Sur  Pierre  Scriverius  (Sctiryver),  voir  '  Sur   Frédéric   liindenibroge  voir   une 

le  recueil  Peiresc-Dupuy,  tomes  1  et  II,  pas-  note  du  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  1,  p.  187). 

xim.  Cet  humaniste  est  plusieurs  fois  nien-  '  Cel  auteur  est  nommé  deux  fois  dans 

tionné  dans  les  lettres  de  Holstenius( p.  39,  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (t.  Ul,  p.  683, 

aÔQ,  a65).  690). 


|1637]  \  HOLSTKNIUS.  481 

S.  Em"  et  aux  trois  volumes  du  Vatican  que  vous  cottez  par  les  nombres 
102,  2  20  et  1,1 6 6.  Ou  bien  si  ce  ne  seroit  poinct  en  un  plus  grand 
ouvrage  du  mesme  autheur,  qui  fusse  plus  entier  et  plus  complet  ou 
plus  ample  à  Florence,  auquel  cas  nous  ferions  instance  d'en  avoir  la 
coppio  entière,  si  Lindembrogius  ne  l'a  desjà  transcripte  luy  mesnies, 
dont  on  luy  a  escript,  pour  la  communiquer.  C'est  pour  quoy  je  vous 
supplie  d'examiner  cela,  si  cette  lettre  vous  trouve  encor  à  Rome  avant 
vostre  passage  en  Sicile.  Sinon  je  vous  prie  d'adviser  quand  vous  verrez 
cez  aultres  bibliothèques  Siciliennes,  s'il  y  auroit  rien  en  cette  matière 
de  plus  formel,  et  surtout  de  cet  Urbicius  que  M''  de  Saumaise  estime 
grandement,  pour  nous  en  procurer  tout  ce  qui  se  pourra  avoir.  Je 
feray  fort  soigneusement  rembourcer  touts  les  fraiz  des  coppistes,  et 
vous  obligerez  grandement  le  ])ublic.  Mais  il  ne  fault  pas  négliger  ce 
que  vous  trouverez  d'Africanus  dont  nous  avons  les  8  premiers  livres 
et  attendions  la  suitte  d'un  lieu  dont  les  effets  ne  respondent  pas  aux 
paroles.  Je  vouldroys  bien  sçavoir  si  ce  volume  de  S.  Eni'^"  cotté  169, 
que  vous  dictes  estre  de  5oo  ans,  et  avoirles  suppléments  des  lacunes 
de  Meursius,  contient  le  Iroisiesme  libvre  de  Mauricius  entier,  et  de 
quelle  contenance  à  peu  prez  est  le  texte  qui  y  est  de  l'Africanus', 
s'il  n'y  a  distinction  quelquonque  de  livres  ou  de  chappitres,  et  en 
avoir  quelques  commencements  par  ci  par  là,  ou  quelques  clauses 
finales,  pour  juger  si  la  pièce  est  fort  imparfaicte  ou  non.  Car  l'autheur 
n'est  pas  des  pires  et  si  ce  volume  ostoit  en  aultres  mains  de  persones 
qui  n'en  lussent  pas  jalouses,  la  communication  n'en  seroit  pas,  je  m'as- 
seure ,  inutile  au  public ,  y  en  ayant  un ,  quasi  pareil ,  bien  antique  aussy, 
dans  la  bibliothèque  du  roy,  dont  il  s'est  tiré  de  trez  bonnes  choses, 
dont  le  public  se  prevauldra  bien.  Pour  ce  qui  est  des  Basiliques,  celuy 
h  qui  je  m'estois  adressé  à  Thoulouse  selon  les  ordres  qu'on  m'avoil  icy 

'  Africauus  et  Meursius  sont  plusieurs  Mauritius  Tiberius,  tut^  par  le  rdvollé  Pho- 

fois   mentioiinds  dans  le   recueil   Peiresc-  cas  en  l'an  609.  Il  laissa  douze  livres  sur 

Dupuy.  Maurilius  n'y  figure  pas;  son  nom  l'Art  militaire  qui  ont  élo  pul>li<îs  avec  tra- 

est  (5g-alement  absent  du  recueil  Boisso-  duction    latine    par   J.    Sclieffer    (Upsal, 

nade.  Ce  n'est  rien  moins  qu'un  empcreui',  i664). 

T.  61 


A82  LETTRES  DE  PEIRESG  [1637] 

laissé',  ne  m'a  poinct  faict  de  responce,  Miais  le  marchand  de  Lyon  à 
qui  estoit  adressée  la  lettre  de  crédit  m'a  respondu  que  les  ordres  es- 
toient  révoquez,  et  qu'il  ne  pouvoit  plus  payer  la  partie.  Et  d'ailleurs 
mon  frère  qui  est  à  Paris  m'escript  qu'ayant  apprins  qu'on  les  avoit 
exposées  en  vente  à  5,ooo  libvres,  il  avoit  tiré  parole  qu'on  n'en  par- 
leroit  à  persone  sans  avoir  ma  responce,  et  qu'il  y  raanquoit  cinq  ou 
six  feuillets  en  l'un  des  volumes,  et  que  des  cahiers  estoient  fort  effacez 
de  l'antiquité,  à  ce  que  l'avoit  asseuré  celuy  qui  iuy  en  avoit  donné 
l'advis.  Je  crains  bien  que  l'on  ne  nous  veuille  rançonner  de  nouveau, 
si  Dieu  ne  nous  ayde,  tandis  que  les  choses  ont  esté  différées. 

Il  me  resteroit  de  vous  entretenir  sur  voz  exercitations  académiques, 
mais  il  y  fauldroit  un  peu  plus  de  temps  que  je  n'en  ay  présentement 
pour  vous  dire  comme  elles  ont  esté  admirées  icy,  de  tout  ce  que  nous 
y  avons  de  plus  curieux  des  bonnes  lettres,  et  des  antiquitez  ecclésias- 
tiques où  vous  avez  un  merveilleux  génie,  et  croys  bien  que  M' l'Arche- 
vesque  de  Thoulouse  et  touts  aultres  qui  les  verront  en  seront  gran- 
dement bien  édifiez.  Excusez  moy,  je  vous  supplie,  pour  le  presant  et 
me  tenez  tousjours, 

Monsieur,  pour 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 

DK  Peiresc. 
A  Aix,  ce  7  raay  1687'. 


'   Le   mot  eeluy   indique   un  religieux ,  l'oiids  français ,  nouvelles  acquisitions.  Nous 

comme  on  le  voit  dans  la  lettre  suivante.  n'avons  pas  la  lettre  de  Holstenius  à  laquelle 

'  Bibliothèque   Barberini ,    volume   79 ,  répond  ici  Peiresc ,   ni  celle  que  Holste- 

pièce  n°  64.  —  On  en  trouve  une   copie  nius  dut  lui  écrire  en  réponse  h  la  présente 


dans   le  volume   5,17a    (fol.  80-81)    du        lettre. 


[1637]  À  HOLSTENIUS,  483 


LXV 

MÊME  ADRESSE. 
Monsieur, 

Selon  ce  que  vous  m'avez  cscript  au  commencement  du  nioys  passé 
par  commandement  de  rEm™<'Card'»' patron,  concernant  les  Basiliques, 
j'ay  faict  une  recharge  à  Thoulouse,  à  ce  bon  père  à  qui  M'  de  Vaison 
m'a  voit  adressé,  et  ay  recommandé  mes  lettres  à  un  de  mes  amys  de 
cette  ville  qui  est  sur  les  lieux  (ne  m'estant  osé  conGer  à  des  Tholosains 
de  crainte  des  jalousies  domestiques)  pour  aller  rendre  ma  lettre  en 
main  propre,  et  en  tirer  la  responce  que  j'attendray  impatiament.  Ce- 
pendant j'ay  mis  ordre  du  costé  d'Orléans  pour  faire  sonder  celuy  qui 
les  avoit  transcriptes,  et  tascher  de  luy  faire  mettre  en  vente  sa  coppie, 
et  de  l'enlever  incontinant  si  faire  scpeult,  sans  le  laisser  recognoistre, 
de  peur  de  laisser  eschapper  cette  proye,  qui  peult  saulver  tant  de 
temps  et  d'impatiance  à  attendre  que  d'aultres  le  fassent. 

Mais  cez  marchands  n'ont  poinct  encores  mis  ordre  à  tenir  prests 
les  1 ,000  liv.  si  besoing  estoit,  tant  ils  sont  formalistes  pour  ne  dire  scru- 
puleux oultre  mesure,  puisque  ce  n'estoit  pas  en  vertu  du  premier 
ordre  adressé  à  M""  de  Vaison  qu'ils  le  dévoient,  mais  en  vertu  d'un 
second  tout  nouveau  adressé  i\  moy,  de  sorte  qu'il  en  fauldra  sans  doubte 
un  aultre  qui  soit  faict  h  leur  mode  et  je  ne  sçay  si  la  perte  du  temps 
n'aura  poinct  nuy  à  ce  louable  dessein,  puisqu'on  les  avoit  exposées  en 
vente  ailleurs,  et  si  la  bonne  fortune  ne  les  eust  faict  tomber  entre  mes 
mains  je  crains  bien  que  d'aultres  possible  en  eussent  abusé  et  prins 
des  advantages  que  nous  n'eussions  pas  facilement  surmontez.  Vous  aurez 
veu  ce  que  c'est  par  ma  depesche  du  précédant  ordinaire  et  la  lettre 
que  mon  frère  de  Vallavez  m'avoit  cscript  sur  ce  subject  laquelle  j'en- 
voyay  à  Son  Em™. 

Nous  n'avons  poinct  eu  le  bien  de  voir  icy  le  s'  Thobias  Aldinus  '  qui 

'  Thobias  Aldinus  et  Thomas  Gamerarius  ne  iigureot  ni  dans  le  recueil  Boissonade,  ni 
dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy. 

6t. 


q 


i84  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

ne  s'embarqua  pas  avec  le  s"  Thomas  Camerarius,  et  n'avons  pas  con- 
sequament  veu  vostre  essay  d'observation  sur  les  prophéties  d'Hozée, 
qui  viendront  vraysemblablement  par  quelqu'un  de  la  suittc  du  nou- 
veau vicelegat  d'Avignon  que  l'on  attend  en  bref.  L'on  m'escrivoit  aussy 
|ue  vous  m'envoyiez  le  Cleombrot  du  feu  s'  P°  délia  Seina ,  par  la  mesme 
voye,  que  nous  attendrons  en  bonne  dévotion  avec  la  continuation  de 
voz  bonnes  grâces.  Je  n'ay  pas  encor  eu  de  responce  de  M"'  Grottius 
concernant  les  révélations  d'Henoch,  et  ne  croys  pas  noraplus  que  vous 
qu'il  en  aye  veu  aultre  chose  que  ce  que  vous  me  dictes,  que  feu 
M'  Scaliger  avoit  tiré  du  Syncellus  ou  du  Cedrenus.  Je  luy  avois  escript 
en  faveur  du  s'  Petit,  pour  luy  faire  communiquer  ses  observations  sur 
le  Josephe.  Et  M'  Petit  m'escript  de  Paris  du  21  may',  qu'il  luy  avoit 
rendu  ma  lettre  et  en  avoit  esté  fort  favorablement  receu-,  mais  qu'il 
l'avoit  asseuré  de  n'avoir  jamais  eu  de  dessein  de  travailler  sur  cet  au- 
theur  et  n'avoit  pas  faict  dessus  aulcune  observation  considérable,  que 
trez  volontiei-s  il  luy  eust  communiqué  tout  ce  qu'il  eust  observé,  pour 
l'honneur  qu'il  porte  à  sa  vertu,  et  pour  l'amour  de  moy.  Il  m'accuse 
la  réception  de  voz  diverses  leçons  sur  le  Josephe  dont  il  se  tient  gran- 
dement vostre  obligé,  et  ne  manquera  pas  de  vous  remercier  comm'  il' 
doibt,  mais  il  partoit  pour  Alençon,  fort  pressé.  Il  vouldroit  bien  que 
vous  l'obligeassiez  de  luy  cotter  les  faultcs  qu'avez  rencontrées  en  ses 
escripts  sur  ce  subject,  car  il  seroit  bien  aise  de  se  conformer  à  vostre 
advis  en  tout  ce  qu'il  pourroit  et  de  vous  en  rendre  grâces  publiques 
et  privées,  et  toutle  sorte  de  tesmoignages  de  sa  gratitude.  Il  adjouste 
que  Seldenus  a  faict  réimprimer  son  traicté  de  Jure  successionis  He- 
breorum  in-fol"  avec  deiix  livres  de  plus  de  successione  Pontificum  qui 
seront  vraysemblablement  meilleurs  que  tout  le  reste.  M''  de  Saumaise 
m'escript  qu'on  le  force  d'escrire  del!suris,où  il  veult  monstrer  encores 

'  Celle  lettre  de  Samuel  Petit  ne  nous  a  '  Groliusct  Petit  avaient  dëjà  eu  eu  jG34 

probablement  pas  élé  conservée.  La  dernière  <les  relations  épistolaires.  Voir,  dans  le  fasci- 

en  date  de  celles  qui  ont  élé  publiées  dans  cule  qui  vient  d'être  cité,  la  note  a  de  la 

le  fascicule  XIV  des  Correspondants  de  Peiresc  page  56. 
(Nîmes,  1887)  est  du  lo  mars  1637. 


[I637J  À  HOLSÏENIUS.  485 

quelque  cliose  non  si  triviale ,  mais  le  Lindcmbrogius  l'a  mis  hors  de  luy, 
en  luy  escrivant  d'avoir  veu  en  la  bibliothèque  de  Florence  un  gros  vo- 
lume grec  MS.  des  autheurs  grecs  tactiques  entre  lesquels  est  l'Urbicius 
tout  entier  divisé  en  douze  livres,  accompagné  de  l'Asclepiodotus ',  de 
l'Arrian  et  aultres  dont  il  avoit  faict  des  petites  collections  qu'il  luy  a 
communiquées,  et  qui  luy  ont  meu  la  salive  en  sorte  qu'il  vouldroit  bien 
estrc  assez  jeune  pour  y  venir  faire  un  voyage  exprez.  S'il  y  a  moyeu 
de  luy  faire  avoir  coppie  de  tout  cet  Urbicius  et  de  tout  cet  Arriaims, 
il  y  fault  faire  summum  de  potentia.  J'en  escriray  à  S.  Em",  mais  quelque 
persone  de  lettres  fera  possible  mieux  cela  moyennant  de  l'argent  s'il  y 
en  a  sur  les  lieux  de  vostre  cognoisçance  et  sans  faire  jouer  cez  grands 
ressorts,  qui  parfoys  embarrassent  les  voyes  plus  qu'ils  ne  peuvent  se- 
courir. Je  vous  envoyé  la  responce  que  m'a  faict  M"^  l'Archevesque  de 
Thoulouse  sur  la  conferance  de  son  MS.  du  Theon  avec  vostre  mé- 
moire, estant  bien  marry  qu'il  ne  s'y  soit  rien  trouvé  digne  de  vous, 
et  que  je  n'aye  de  meilleurs  moyens  de  vous  faire  paroistre  à  quel  tiltre 
je  suis, 
Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obéissant  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Ah,  ce  3  juin  1687  ^ 

'  llolstenius  écrit  (en  langue  italienne)  catalogue  destiné  au  Synlagma  de  Gabriel 

à  Doni,  le  18  janvier  i64a  (p.  3i3)  qu'il  Naudé. 

n'avait  rien  trouvé  de  cet  auteur  touchant  les  '  Bibliothèque   Barberini,    volume   79, 

choses  militaires,  quand  il  fit  un  catalogue  pièce  n°  65. 
des  écrivains  qui  avaient  traité  de  la  tactique , 


486 


LETTRES  DE  PEIRESC 


11637] 


LXVI 
À  MONSIEUR  HOLSTENIUS, 

GARDE  DB  LA  BIBLIOTHEQUE  DE  L'EMINENTISSIMB  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME  '. 

Monsieur, 
J'ay  receu  des  mains  de  M'  de  Vaison  quelques  lettres  et  instruc- 
tions concernant  son  traicté  des  Basi[li]ques,  qu'il  désire  continuer  par 


'  Bibliothèque  Barberini,  volume  79, 
pièce  n°  66,  non  datée.  Entre  les  deux 
feuillets  de  cette  lettre  se  trouve  une  demi- 
feuille  de  l'écriture  de  Peiresc  dont  suit  la 
copie  et  qui  est  un  fragment  d'une  autre 
lettre  relative  à  la  mésintelligence  existant 
entre  Holstenius  et  Suarez  : 

f  Je  ne  double  pas  que  vous  n'ayez  un 
Irez  grand  subject  de  vous  plaindre  de  son 
Immeur  trop  jalouse  et  trop  haultaine,  mais 
si  nous  n'exercions  jamais  noz  bons  offices 
qu'envers  des  persones  bien  dignes,  nous 
n'y  aurions  pas  tant  de  mérite  envers  Dieu , 
qui  faict  du  bien  aux  meschants ,  comme  le 
soleil  leur  communique  sa  lumière  aussy 
bien  qu'aux  bons.  J'ay  rencontré  en  diverses 
persones  aulcunes  foys ,  de  trez  grandes  mes- 
cognoisçances  et  n'ay  pourtant  pas  laissé 
de  coatiniier  de  leur  bien  faire  quand  je  l'ay 
peu,  ce  qui  m'a  réussi  merveilleusenieat 
bien  en  d'aulcuns,  qui  ont  esté  consli-aincts, 
bien  que  un  peu  tard ,  de  recognoistre  leur 
faulte,  et  d'en  veôir  crier  mercy,  en  ayant 
raesmes  tiré  de  Irez  bonnes  revanches 
d'aulcuns.  Je  ne  considère  jamais  ce  qu'il  y 
a  de  blasmable  en  une  persone  quand  il 
est  question  de  luy  faire  du  bien ,  ains  s'il 
y  auroit  rien  de  recommandable ,  comme 
quand  les  Italiens  disent  qu'il  faut  cueillir 
la  rose  et  laisser  l'espine.  11  fault  blasmer 


ce  qu'il  y  a  de  blasmable  et  tascher  de  le 
couvrir  tant  qu'il  est  possible,  et  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  de  le  faire  aultrement.  Je 
trouve  que  comme  c'est  une  espèce  de  par- 
ticipation aux  actions  divines  que  de  faire 
plaisir  et  des  bons  offices  à  quelqu'un,  ce 
n'en  est  pas  une  moings  digne  que  de  par- 
donner h  ceux  qui  par  infirmité  ou  aveu- 
glement s'oublient  de  leur  debvoir  envers 
nous,  estant  certain  que  si  tous  ceux  qui 
manquent    à    leur    debvoir    envers    Dieu 
cognoissoient  la  grandeur  divine,  et  l'cnor-  ' 
mité  de  leur  faulte ,  ils  s'en  abstiendroient . 
et  ne  manqueroient  poinct  d'admirer  et  vé- 
nérer la  divinité  ainsin   qu'il   appartient; 
c'est  pourquoy  cette  ignorance  et  aveugle- 
ment leur  sert  de  quelque  excuse,  cappabie 
de  faire  cesser  tout  subject  de  regret,  du 
bien  qu'ils  en  reçoivent.  Il  s'en  peult  dire  de 
mesmes  de  ceux  qui  ne  cognoissant  pas  la 
vertu  et  le  mérite  de  quelques  persones ,  et 
n'estants  pas  cappables  d'en  faire  l'estime 
qui  y  escheoit,  manquent  de  les  révérer 
com'  ils  debvroient.  J'ay  peult  estre,  sans 
comjjaraison ,  aultant  et  plus  de  subject  que 
vous.  Monsieur,  de  me  plaindre  de  tout 
plein  de  mauvais  desportements  de  l'homme 
dont  est  question  si  je  me  vouloys  amuser 
à  les  examiner,  et  comparer  aux  services 
que  je  luy  ay  rendus.  Mais  je  n'ay  garde 


[1637]  À  HOLSTENIUS.  487 

mon  entremise  ',  ce  que  je  n'ay  garde  de  refuser.  Mais  il  désire  m'eu 
envoyer  un  nouvel  ordre  de  S.  Em"  plus  précis  par  le  premier  ordi- 
naire. Il  se  loue  fort  de  la  bonté  de  vostre  naturel,  dont  il  m'a  tant 
dict  de  bien,  que  j'ay  esté  constrainct  d'en  prendre  occasion  de 
l'exhorter  à  vivre  deshormais  plus  paisiblement  et  librement  avec  vous 
que  par  le  passé,  à  quoy  je  l'ay  trouvé  fort  disposé,  et  vous  conseille 
d'en  user  de  mesmes,  et  vous  niocqucr  de  ceulx  qui  abusent  souvent 
de  la  paliance  de  ceux  qui  les  escouttent,  pour  se  prévaloir  de  pe- 


d'y  penser,  et  ne  me  suis  jamais  rcpenly 
d'avoir  faict  du  bien  à  aulcun  quelque  in- 
gratitude que  j'y  aie  rencontré,  l'ayant 
prins  par  forme  de  mortification  et  cliasti- 
ment  de  mes  propres  infirraitez  en  aultres 
choses.  Comme  ceux  qui ,  par  forme  de  pé- 
nitence, vont  espouscr  une  légitime  femme 
dans  les  ordeures  d'un  bordel ,  et  ne  laissent 
pas  d'y  trouver  du  repos  et  de  la  consola- 
lion  bien  souvent,  par  une  spéciale  provi- 
dance  divine,  quelque  horreur  qu'ils  ayent 
eiie  aultres  foys  de  ceux  qui  portoient  cornes. 
Comme  s'il  y  aVoit  plus  de  mérite  à  espouser 
une  femme  de  mauvaise  vie  qu'une  femme 
de  bien ,  et  par  quelque  sorte  de  consequance 
aussy  plus  de  mérite  à  faire  du  bien  à  des 
gens  indignes  qu'à  ceulx  qui  le  mentent  le 
mieux.  Ce  seroit  par  oii  je  le  vouldroys 
prendre  en  son  endroict ,  si  j'estoys  en  vostre 
place,  car  je  sçay  bien  que  vostre  vertu  est 
montée  à  un  si  liault  poiuct  qu'elle  est  du 
tout  hors  d'attainte,  à  luy  et  à  touts  aultres , 
et  <{u'il  n'y  a  rien  h.  craindre  pour  vous  de 
sa  part  qui  puisse  eslrc  considérable.  Mais 
les  hommes  et  les  animauix  les  plus  forts  et 
les  plus  vigoureux  ne;  laissent  pas  de  rece- 
voir de  l'incommodité  importune,  de  ceux 
qui  sont  les  moindres  et  les  plus  foibles, 
jusques  aux  moindres  pulces,  dont  les  pic- 
queures  et  persécutions  ne  laissent  pas  de 
les  inquietler;  c'est  pourquoy  quand  il  y  a 


moyen  de  s'en  garantir,  la  chose  en  mérite 
le  soing,  et  qu'on  se  rachepte  de  cette  in- 
commodité par  quelque  peine  et  prévoyance , 
de  celles  qui  ne  sont  pas  de  trop  de  cous- 
tauge.  Vous  suppliant  trez  humblement  de 
croire  que  ce  que  je  vous  en  ay  escript  n'a 
pas  esté  h  la  sollicitation  de.persone,  ain» 
de  mon  seul  mouvement,  dez  que  j'eus  pres- 
senty  qu'il  y  avoit  quelque  froideur,  oa 
aversion,  et  esloignement  entre  vous.  Dési- 
rant que  vous  daignassiez  suppléer  de  vostre 
bonté  ce  qui  pouvoil  manquer  à  son  debvoir, 
comme  font  les  pères  et  les  maistres  envers 
leurs  enfauts  ou  vallets,  pour  le  constraindre 
malgré  luy,  comme  je  faicts,  non  seulement 
de  s'abstenir  des  mauvais  offices  et  plcqueui-es 
de  pulces,  mais  de  vous  en  rendre  des  bous, 
voulust  il  ou  non.  Je  n'y  prétends  aultre  in- 
terest  quelquonque  que  comme  vostre  servi- 
teur pour  vous  descharger  de  cet  objecl,  et 
de  cette  incommodité  pour  petite  qu'elle 
puisse  estre.  Pardonez  ma  liberté ,  je  vous 
supplie.  Monsieur.  1! 

'  Le  mot  a  été  écrit  ainsi  :  Basiques.  H 
s'agit  de  Notitia  Basillcorum  (  1 687,  in-fol.  ). 
Cette  notice  sur  le  fameux  cours  de  droit 
romain  en  langue  gi-ecque  a  été  réimpri- 
mée h  Leipsick,  en  i8o4,  in-8*,  avec  les 
remarques  crili(jues  d'un  érudit  alle- 
mand (recensuit  et  observationibus  nuxil 
C.  D.  Polh). 


488  LETTRES  DE  PEIRESC  À  HOLSTENIUS.  [1637] 

tits  advantages,  indignes  le  plus  souvent  de  venir  aux  oreilles  des 
grands. 

La  sciance  de  ce  personage  est  si  vénérable,  au  prix  des  aultres  de 
sa  voilée  et  de  son  pais,  qu'on  ne  la  sçauroit  trop  chèrement  payer. 
Sur  quoy  je  m'asseure  que  vous  ne  manquerez  do  rien  et  seray  à 
jamais. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obéissant  serviteui-. 
DE  Pbiresc. 


LETTRES  DE  PEIRESC 

À  CLAUDE  MENESTKIEIl 

ET 

LETTRES  DE  CLAUDE  MENESTRIER  À  PEIRESC. 


— 3*tt- 


À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER  DE  BESANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  vous  ay  bien  de  l'obligation  de  la  souvenance  que  vous  avez  eue 
de  moy  et  du  soing  que  vous  avez  pris  de  me  faire  venir  parniy  les 
bardes  du  P.  Renault,  Minime  ',  le  livre  que  vous  aviez  retiré  des  mains 
de  Mons""  Aleandre.  Je  ne  l'ay  pas  encor  receu  et  ne  suis  pour  l'avoir  de 
long  temps  à  cause  que  les  bardes  de  ce  bon  père  ne  sont  point  encor 
arrivées  et  que  j'ay  esté  contrainct  de  partir  pour  aller  faire  un  grand 
voyage^,  pendant  lequel  il  ne  seroit  pas  aisé  de  faire  transporter  liors 
de  Paris  aucune  sorte  de  bardes  à  cause  de  la  maladie  qui  va  tousjours 
continuant',  mais  je  ne  vous  en  suis  pas  moins  redevable  que  si  je 
l'avois  desjà  receu.  A  ce  qlie  je  puis  voir,  le  marcbé  que  vous  aviez  faicl 


'  Ce  relig-ieux ,  dont  le  nom  a  élé  l'crit  '  I^  |>esle  sévissait  à  Paris  depuis  i  (j  1 9 

quelquefois  Itaymnid,  est  mentionné  dans  le  (  (juillaunie  Pote!  :  Discours  des  maladies  épi- 

recueil  Peiresc-Dupuy  ((.  II,  j).  58o,  63o;  dcmiques  ou  contaffieiixes  advenuex  à  Paris. 

I.  III,  p.  378).  i6a3,  iii-8*;  Kmile  Kt«boui»,  Étude  Awto- 

'  Le  voyage  de  Paris  en  Provence  par  Or-  rique  et  critique  sur  In  peste ,  ï'»ni .   1888, 

It^ans,  Tours,  lioi-deaux  et  Toulouse.  in-8°,  etc.). 

T.  6» 


/,90  LETTRES  DE  PEIRESC  [1623] 

du  Pescenius'  avec  M'  d'Aubré^  n'aura  pas  tenu,  puisque  M''  Joly^  en 
a  receu  icy  un  que  je  pense  estre  le  mesme,  et  semble  qu'il  n'attendoil 
que  cela  pour  clocre  son  marche  de  tout  son  cabinet  avec  M""  de  Fonte- 
nay*  pour  le  prix  de  mille  escus.  Il  est  vray  que  l'on  dict  que  c'a  esté 
sans  toucher  argent  et  que  M""  Joly  a  mieux  aymé  en  faire  une  debte. 
Je  suis  bien  aise  que  vous  ayiez  eu  la  permission  de  cez  Messieurs  les 
curieux  de  Naples  de  prendre  coppie  de  leurs  plus  rares  Médailles 
gl-ecques.  C'est  la  vérité  que  j'estime  ce  recueil  là ,  et  que  si  vous  vous 
résolviez  de  m'en  accommoder  soit  en  faisant  faire  des  empraintes  ou 
bien  des  coppies  des  desseins,  si  ce  ne  sont  que  des  desseins,  vous 
m'obligeriez,  et  M' Eschinard  ^  vous  payeroit  tout  ce  que  M'  Méandre  en 
ordonneroit,  au  jugement  duquel  je  m'en  remets  volontiers.  Quant  à 
vos  médailles  qui  ne  sont  ])oint  dans  l'Occo  ",  si  j'en  voyois  les  empraintes 


'  Médaille  du  général  romain  Pesceiinius 
Niger  qui  fut  gouverneur  de  Syrie  el  qui , 
vaincu  par  Septime  Sévère,  fut  tu('  par  ses 
propres  soldats,  près  de  Cyzique,en  igû. 

'  Sans  doute  le  maître  des  requêtes  d'Au- 
bray  dont  il  est  si  souvent  question  dans  les 
volumes  précédents.  D'Aubray,  qui  séjourna 
longtemps  à  Rome,  était-il  un  collectionneur 
de  médailles  antiques  ?  Son  nom  ne  figure  pas 
dans  le  Dictionnaire  des  amateurs  français  au 
leii' siècle  {Paris,  i884,  gr.  in-8°). 

'  Joly  n'a  pas  été  oublié  par  M.  Kdouard 
BonnalTé  qui  (page  1 46  du  Dictionnaire  déjà 
cité)  rappelle,  d'après  une  lettre  de  Peiresc 
à  Aleandro,  du  i4  août  lôaS,  que  notre 
archéologue  avait  eu  grande  envie  du  cabinet 
de  Joly,  notamment  de  la  collection  des  poids 
antiques;  il  avait  vivement  pressé  Joly  de  lui 
céder  celte  dernière  collection,  mais  Taffaire 
ne  put  pas  s'arranger. 

'  François  Olivier  de  Foutenay,  abbé  de 
Saiat-Quentiii  de  Beauvais,  né  en  loBi  , 
mort  en  i636,  était  un  pelil-lils  du  chan- 
celier Olivier  el  il  fut  enterré  auprès  de  lui 


à  Saint-Gérmain-l'Auxerrois.  M.  Bonnall'é 
{Dictionnaire,  p.  110)  cite  un  intéressant 
passage  de  Sauvai  sur  ce  très  original  collec- 
tionneur qui,  dit-il,  |X)rla  si  loin  la  connais- 
sance des  médailles  tpie  pas  un  curieux  ne 
lui  put  élre  comparé,  cr  M'  de  Fontenay  01- 
livier»  a  élé  plusieurs  fois  mentionné  dans 
le  recueil  Peiresc-Dupuy,  notamment  t.  I, 
p.  5o8 ,  697.  C'est  par  erreur  qu'il  a  été  dit 
(en  cette  dernière  page ,  note  q  )  que  ce  i>er- 
sonnage  ne  figure  pas  dans  le  Dictionnaire  de 
M'  Bonnaffé.  L'éditeur  des  Lettres  de  Peiresc 
aux  frères  Dupuy  n\ivail  pas  songé  à  iden- 
lilier  Olivier  de  Fontenay  et  Fontenay-Lieuvillv 
(  Lieuuille  est  une  mauvaise  leclui-e  du  nom 
Olivier). 

'  Eschinaiti  avait  un  emploi  dans  les 
bureaux  de  l'Ambassade  française  de  Rome. 
Il  s'occupait  des  affaires  de  Peiresc.  Ce  der- 
niei'  lui  a  écrit  plus  d'une  centaine  de  lettres 
du  99  juin  1  61 6  nu  3  octobre  i63i)qui  sont 
conservées  on  minutes  à  l'Inguimbertine  de 
Carpentras  (registre  III,  fol.  3ii-35a). 

"  L'Occo  {Imperatoruin  romanorum  numis- 


|162âl  A  CLAUDE  MENESTRIER.  491 

ou  au  moins  un  rooHe,  et  ensemble  le  prix  auquel  vous  les  tenez,  pos- 
sible auriez  vous  trouvé  celuy  que  vous  cherchez.  11  ne  tiendra  qu'à 
vous  de  m'en  faire  sçavoir  voslre  intention,  et  je  demeurcray, 
Monsieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur, 
DE  Peiresc. 

D'Orléans',  ce  19  aoust  i6a3''. 


fl 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Ayant  receu  la  vostre  du  mois  d'aoust  passé  je  vous  fis  responce  et 
envoya  ma  Ictre  à  Paris  à  Monsieur  Auberi  par  laquelle  je  vous  man- 
dois  selon  le  contenu  de  la  vostre  que  je  vous  pourois  servir  de  desseins 
que  desiriés  des  médailles  non  donnés  ni  nommés  d'aulcuns  Aulteurs 
tant  grecqs  que  latines  de  l'Empire,  mais  la  difficulté  est  à  les  dessi- 
gner ce  trouvant  peut  de  gens  à  Rome  qui  soint  propres  à  ce  faire  et 
l'on  m'a  demandé  deux  Jules  par  pièce;  s'ilz  vous  plaisent  je  vous  en 


mata,  Anvers,  Plnntin,  1579,  in-4°)  dlait. 
alors  pour  les  numismates  ce  qu'est  au- 
jourd'hui pour  les  bibliophiles  le  Manuel  du 
libraire.  On  (lisait  :  telle  médaille  manque  à 
rOcco ,  comme  nous  disons  :  tel  livre  manque 
au  Brunet. 

'  On  ne  lit  que  ...ans ,  le  couteau  du  re^ 
lieur  ayant  coupé  le  commencement  du  nom. 
La  lettre  écrite  d'Orléans  à  Menestrier  est 
mentionnée  dans  les  Petits  mémoires  de  Pei- 
resc (Anvers,  1 889 ,  p.  34).  Tout  l'itinéraire 
de  Peiresc  (d'Etampes,  19  août,  à  Aix, 
i"  octobre)  est  indiqué  dans  le  carnet  de 
correspondance  qiic  j'ai  publié  sous  un  litre 
si  alléchant  qu'il  est  un  peu  décevant. 


*  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de 
Montpellier,  vol.  H  371,  fol.  a5.  original. 
Une  copie  en  est  conservée  à  la  Méjanes 
d'Aix , collection  Peiresc ,  registre  'VII ,  f  1  o5. 
Au  moment  oii  couunencèrent  les  relations 
épistolaires  entre  les  deux  archéologues,  Pei 
resc  avait  43  ans;  la  date  |)récise  de  la  nais 
sance  de  Menestrier  n'est  pas  connue,  mais 
il  devait  être  un  peu  plus  jeune  que  son  cor- 
respondant. Gassendi  (liv.  III,  p.  aj^)  ne 
donne  pas  de  détails  sur  leur  liaison ,  se  con- 
tentant de  dire  que  son  héros  rendit  certains 
services,  en  i6aa-iCa3,  à  divers  savants, 
particulièrement  ^Claudio  Menetrio  Vesun- 
tino,  rei  anliquarite  studioso'<. 

6*. 


/i92  LETTRES  DE  PEIRESG  [162i] 

accommoderay  jusques  à  deux  cent  toutes  rares.  Il  vous  pkira  m'en 
mander  vostre  volonté  n'ayant  faict  à  personne  cest  offre.  J'en  ay  en 
cuivre  de  l'Empire  soixante  non  nommées  parOcco  et  entre  aultres  j'ay 
une  femme  fort  rare  non  nommée  de  moyenne  grandeur  ayant  cesle 
inscription  OOTAOTIAN  II....  GEB  et  un  temple  auec  deux  figures. 
La  médaille  est  fort  conservée;  il  n'y  a  que  ce  peu  de  letre  que  je  ne 
pux  lire.  J'en  ay  refusé  dix  escus.  Il  vous  plaira  m'en  rescrire  vostre 
volonté  ne  faisant  suyte  [sic)  que  d'une  suylte  moyenne'.  Des  aultres 
j'en  faict  part  à  mes  amys.  J'ay  semblablement  une  aultre  de  FL.  CON. 
NEPOTIANVS  PF.  AVG.  pour  revers  VRBS  ROMA.  J'ay  apprins  de 
Monsieur  Aleandrc  que  desiriés  recouvrer  les  desseins  des  poids  et  me- 
sures antiques.  J'en  ay  recouvré  quelcuns  desquels  je  vous  envoyé  les 
desseins  et  par  le  premier  ordinaire  il  vous  en  envoyra  d'aultres  lesquels 
je  n'ay  finy  de  dessigner.  Si  désirés  quelques  desseins  des  choses  rares 
du  Pasqualini^  il  vous  plaira  m'en  advertircar  j'ay  cest  faueur  du  Car- 
dinal Bon  Gompagno  que  de  les  veoir  quand  je  veus  lequel  en  est  pos- 
sesseur pour  le  presant,  désirant  avoir  ce  bon  heur  que  de  vous  pouvoir 
servir  et  tesmogner  que  suis  et  seray, 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectionné  seruiteur, 
Cl.  Menktrie'. 
A  Rome,  ce  19  apvril  1624  '. 

Monsieur  Ghiflet  est  tousjours  en  Flandre^;  il  me  faict  par  [sic)  par 

'  Je  suppose  que  Menestrier  a  voulu  dire  :  tionneurs  qui .  pour  se  procurer  le  réciproque 

ne  faisant  compte  que  d'une  suytle  moyenne.  plaisir  de  s'instruire  par  la  vue  même  des 

'  L'antiquaire  Ldlio   Paschalini   fut  un  objets,  ne  craignaient  pas  de  faire  voyager 

des  premiers  amis  de  Peiresc  (voir  Gas-  si  loin  leurs  fragiles  trésors, 

sendi,  livre  I,  à  l'année  1600,  p.  89).  Le  '  Dans  toutes  ses  lettres  l'antiquaire  écrit 

registre  gSSg  du  fonds  français  contient  ainsi  son  nom,  mais  maigre  cette  signature 

])hisieurs  leltres  écrites  à  Peiresc  par  Lélio  constante ,  laissons  à  ce  nom  la  forme  que  lui 

Paschalini.  On  va  trouver  un  peu  plus  loin  donnent  Peiresc  et  tous  les  contemporains, 

(lettre  XV)  des  détails  sur   les  anlicailles  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

que  se  communiquaient,  de  Rome  à  Aix  et  vol.  gSii,  fol.  aoo. 

d'Aix   à  Rome,   les  deux   fervenU  collée-  '  Sur  le  docteur  Jean-Jacques  Chifllel, 


[1624]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  493 

touts  les  ordinaires  de  ses  nouvelles  et  faict  imprimer  son  de  linteis 
sepulchralibus  salvatoris'. 


III 

\  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Par  ma  dernière  letre  je  vous  promit  de  vous  envoyer  les  desseins 
de  certains  vases  et  mesures  antiques  lesquels  j'ay  copié  fidèlement  d'un 
manuscript;  je  vous  prie  les  recevoir  de  bon  cœur.  Je  vous  donna  advis 
de  certaines  médailles  qu'cstoint  en  ma  puissance  desquelz  je  vous  ac- 
commoderois  si  c'estoint  choses  de  vostre  curiosité  ne  cherchant  aultre 
que  de  perfectioner  une  suitte  moyenne.  Ces  jours  passés  j'ay  descou- 
vert un  Apollonius  Tyanaeus  grand  comme  un  médaillon  fort  conservé 
et  de  bon  maistre  ayant  une  quadrige  pour  revers,  duquel  l'on  prétend 
2  5  escus  ^;  si  cest  chose  qui  vous  duise  je  feray  en  sorte  de  vous  le  faire 
avoir;  si  désirés  quelques  aultres  choses  de  pardeça  me  le  faisant  à 
sçavoir  je  ne  mancqueray  d'i  apporter  toute  diligence  désirant  avoir 
ce  bonheur  que  d'estre  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  affectioné  serviteur, 
Cl.  Menetbie. 
A  Rome,  ce  a/i  may  i6a4'. 

compatriote  et  ami  de  Menestrier,  voir  le  du  latin  de  Jacques  (ihilflet ,  par  A.  D.  G.  P 

recueil  Peiresc-Dupuy,  jBrtisim.  (Paris,  j63i  ,  in-S"). 

'  Ce  Iraitd  fut  mis  eu  franç^iis  quelques  '  Les  mâlailies  du  thaumaturge  Apollo- 

aunëes  plus  tard  sous  ce  litre  si  bizarre  en  iiius  de  Tyane  sont  d'une  grande  rareté, 
sa  première  partie  :  Hierotoitie  de  J.  C,  ou  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français. 

discours  des  saints  suaires,  extrait  et  traduit  vol,  96 44,  fol.  197. 


/i94  LETTRES  DE  PEIRESC  [16-24] 

IV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 

Celle  cy  sera  pour  vous  faire  de  seconds  remercimens  des  seconds 
desseins  que  vous  m'avez  envoyez,  des  vases  et  mesures  antiques  que 
j'ay  veus  encores  plus  volontiers  que  les  premiers,  parce  que  j'y  en  ay 
trouvé  deux  qui  n'estoient  pas  aux  miens.  J'avois  bien  jugé  dez  la  pre- 
mière foys  que  cela  venoit  de  quelque  livre  ou  recueil  faict  autres  foys, 
car  je  crois  que  vous  n'eussiez  pas  obmis  de  cotter  les  noms  de  ceux 
chez  qui  se  trouvoient  cez  belles  singularitez.  S'il  s'en  trouve  encore 
quelqu'une  en  lieu  de  cognoissance  je  vous  prie  de  m'en  advertir  et  en 
toute  façon,  si  vous  pouvez  sçavoir  le  nom  de  celuy  qui  avoit  faict  le 
livre  MS.  d'où  vous  avez  tiré  les  dicts  desseins  vous  me  ferez  plaisir  de 
m'en  donner  ad  vis.  Quant  à  TAppoUonius  Tyanœus,  si  j'en  voyois  l'em- 
preinte, possible  que  j'y  entendrois,  mais  sans  la  voir,  il  est  mal  aisé, 
parce  que  j'en  ay  desja  vu  de  mesme,  lequel  n'est  pas  assez  bien  con- 
servé partout,  et  quant  il  est  question  de  payer  chèrement,  il  fault  que 
la  beauté  et  conservation  fasse  la  plus  part  du  marché  et  du  surhaulse- 
ment  de  prix,  autrement  les  plus  belles  médailles  et  les  plus  rares 
perdent  les  trois  quarts  de  leur  prix  si  elles  ne  sont  bien  conservées. 
Si  vous  rencontriez  quelque  bel  Homère  je  le  prendrois  volontiers 
encores  que  j'en  aye  plusieurs  de  diverses  sortes.  Mais  je  n'en  veux 
pas,  s'il  n'est  extrêmement  bien  net  et  bien  conservé.  Sur  quoy  je 
finiray  me  remettant  à  la  dernière  lettre  que  je  vous  ay  escritte,  et 
demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  aflectionné  serviteur, 
DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  Q  juillet  i6ai. 


[102/i|  À  CLAUDE  MENESTIUER.  495 

Vostre  P,  Raynaud  minime  a  receu  ses  hardes  long  temps  y  a  et  ne 
m'a  poinct  encores  voulu  faire  de  raison  du  livre  que  vous  luy  aviez 
baillé  pour  me  rendre,  encores  qu'on  l'en  aye  fort  sollicité  de  ma  part 
dans  Paris.  [Dites*]  luy  en  un  mot*. 


V 
k  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
J'ay  différé  à  faire  responce  aux  vostres  attandu  que  j'esperois  vous 
pouvoir  faire  atenir  en  bref  une  quantité  des  desseins  des  médailles 
non  donnés  que  désirés  et  auifant  de  celles  en  argent  pressés'  pour 
veoir  en  quel  manière  vous  plairon  davantage  et  à  cest  effect  j'ay 
prins  buict  escus  de  monoye  de  Rome  de  Monsieur  Eschinard  pour 
faire  Ijattre  de  l'argent  et  pour  payer  le  peintre  lequel  travaille  pour 
vous  espérant  par  le  prochain  ordinaire  vous  les  faire  atenir.  Vous  de- 
siriés  veoir  le  FL .  GON .  NEPOTIANVS.  Je  vous  l'envoy  pour  lequel  j'ay 
desboursé  trois  escus.  Quant  à  l'Appollonius  il  est  grand  comme  un 
médaillon  crotoniale  le  plus  conservé  qu'il  est  possible  de  dire.  Du  coslé 
de  la  teste  il  y  a  au  revers  un  quadrige.  De  mesme  conservation  est 
Apuleius  et  de  mesme  grandeur  el  de  bonne  manière  ayant  au  revei"s  un 
soldat  au  devant  d'un  pourlal  ou  bastiement  sur  lequel  il  y  a  trois  testes . 
le  soldat  faisant  une  action  semblable  à  Œdipe  parlant  à  la  sphinge. 
Si  les  désirés  touts  deux  il  y  aura  moyen  vous  en  faire  à  faire  (sic)  le 
service,  car  celuy  qui  les  a  entre  les  mains  n'est  pas  un  homme  né- 
cessiteux. 11  desiroit  en  avoir  vingt  cinq  escus  de  l'un,  n)ais  je  pense 
qu'on  les  pouroit  avoir  pour  vingt  la  pièce.  Les  desseins  des  vases  et 
mesures  que  je  vous  ay  envoyé  sont  tirez  d'un  manuscrit  jadis  de  Ful- 
vio  Orsino.  S'il  me  vient  par  les  mains  un  beau  Ilomere  je  ne  man- 

'  Le  mot  diten  a  élé  eiilevë  par  une  décliirure.  —  '  Bil)liotliè«iiie  de  Tlicole  de  minle- 
cine  de  MoiilpcUier,  vol.  H  ay» ,  fol.  aô.  —  '  Par  \h  Meneslrier  entendait  les  empreintes 
de  médailles. 


496  LETTRES  DE  PEIRESC  [162iJ 

queray  pas  vous  l'achepter  désirant  avoir  le  moyen  vous  pouvoir  tes- 
moigner  que  je  suis, 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  affectionné  serviteur, 
Cl.  Menetrie. 
A  Rome,  ce  a 6  Julef  i6a4  '. 

Monsieur,  ma  curiosité  ne  s'est  pas  seulement  estandue  aux  médailles 
et  graveures  antiques,  mais  aussi  des  choses  naturelles  :  c'est  le  sub- 
ject  que  je  vous  prie  s'il  y  a  moyen  de  recouvrer  par  delà  un  morceau 
de  coral  rouche  marquette  de  noir  (tel  que  j'en  ay  veu  une  pièce  au 
cabinet  d'un  notaire  fort  curieux  qu'avés  à  Aix)^  de  me  l'achepler  et 
me  mander  le  prix  à  envoyer  et  en  recompense  je  vous  faire  tenir 
quelques  médailles  dignes  de  vous. 


VI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  26  juillet,  ensemble  la  médaille  que  vous  y 
aviez  enclose  de  FL.POP.NEPOTIANUS  que  j'ay  veu  bien  volontiers, 
el  vous  en  remercie  par  un  million  de  foys,  en  ayant  trouvé  et  jugé 
par  là  que  vous  mesnagez  bien  l'argent  de  voz  amys,  dont  je  me  revan- 
cheray  volontiers  quand  je  pourray.  Cepandant  j'ay  recouvré  la  branche 
de  corail  rouge  tachettée  de  noir  que  vous  desiriez.  C'est  la  mesme 
que  vous  aviez  veiie.  L'homme  qui  la  vous  avoit  monslrée  s'est  un  peu 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  de  corail  ii"est  pas  mentionné,  c'est  que, 

vol.  90^4 ,  fol.  1 78.  comme  nous  le  verrons  plus  loiii  (lettre  VI  ) , 

'  Boniface  Boriilly.  Si  dans  l'inventaire  il  passa ,  grâce  à  l'intenentioii  de  Peiresc , 

de  la  collection  (fascicule  XVIII  des  Corres-  dans  la  collection  de  Menestrier. 
pomlants  de  Peiresc,  p.  ag-ôi),  le  morceau 


[162^]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  A97 

fait  tirer  l'oreille  parce  que  l'on  luy  en  avoit  faict  cas'.  Je  ne  sçay  si 
ce  n'estoit  poinct  vous  mesmes'*.  Tant  y  a  que  je  ne  la  luy  pouvois  ar- 
racher, mais  il  s'est  enfin  rendu.  Il  mouroit  d'envie  d'avoir  de  moy 
certaines  pièces  qu'il  n'eust  jamais  eues  s'il  n'eust  lasché  celle  là.  Je 
vouldrois  bien  vous  rendre  de  meilleur  service,  et  si  vous  me  man- 
dez en  quoy  consiste  vostre  curiosité  pour  le  regard  du  coral  (sic)  en 
particulier,  j'y  pourray  contribuer  possible  un  peu  plus  qu'un  autre, 
parce  que  j'ay  eu  la  curiosité  d'en  aller  voir  la  pesche  en  personc,  et  y 
remarquay  des  choses  notables  qui  n'ont  poinct  esté  touchées,  ne  co- 
gneûes  par  les  Naturalistes  ^. 

Je  trouvay  encore  dans  vostre  lettre  une  empreinte  de  cire  molle 
d'une  graveure  où  se  voyent  quelques  vases  de  mesures,  avec  la  Ro- 
maine, l'empreinte  s'est  gastée  en  pressant  le  pacquet  des  lettres  par 
les  chemins,  parce  que  la  cire  estoil  molle.  Je  veux  croire  que  vous 
m'en  envoyerez  quoique  empreinte  de  souffre,  ou  de  plomb,  pour  la 
pouvoir  mieux  considérer. 

Voilà  tout  ce  que  je  vous  puis  dire  pour  le  présent,  si  ce  n'est  que 
si  l'ordinaire  de  Gènes  ne  se  veult  charger  de  la  boitte  où  est  le  corail 
je  la  vous  envoieray  par  le  cordelier  qui  part  demain  et  qui  arrivera 
de  par  delà  peu  de  jours  aprez  l'ordinaire,  et  sur  ce  je  demeureray, 

Monsieur, 

vostre  irez  affectionné  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce *. 


'  Le  post-scriptum  de  la  lettre  précd- 
dente  nous  a  ddjà  appris  que  le  collection- 
neur qui  se  faisait  ainsi  tirer  l'oreille  u'dtait 
autre  que  Boniface  Borrilly. 

'  Peiresc  avait  devine  juste  :  c'était  cer- 
tainement l'admiration  que  laissa  voir  Me- 
neslrier  pour  celle  branche  de  corail  qui 
rendit  Boriilly  si  exigeant. 

'  Voir  ce  que  raconte  Gassendi ,  à  Tannée 
i6a4   (liv.  IV,   p.  agi),   des   recherches 


faites  sur  la  nature  du  corail  par  Pei- 
resc dans  la  Méditerranée,  aux  environs  do 
Toulon. 

'  La  date  est  rongée  par  l'usure  du  pa- 
pier, mais  comme  celte  lettre  répond  h 
de  celle  Menestrier  du  a6  juillet  i6a4, 
et  que  Menestrier  y  répond  le  3o  dé- 
cembre suivant,  nous  pouvons  l'attribuer 
sûrement  h  l'été  ou  h  rautomne  de  la  même 
année. 

63 


^98  LETTRES  DE  PEIRESC  [1624] 

Quand  voz  empreintes  seront  prestes  ou  autrement  quand  vous 
aurez  quelque  chose  à  ra'envoyer  (oultre  les  lettres  missives  qui  se 
mettent  à  la  poste),  pour  trouver  des  commoditez  extraordinaires  vous 
pouvez  vous  adresser  à  M'  de  Bonnaire,  frère  de  Mad"  de  Barclay,  qui 
est  de  mes  intimes  amys,  et  qui  sçait  plus  aisément  les  commoditez 
des  arays  qui  viennent  de  par  deçà  et  qui  sera  bien  aise  de  vous  ayder 
à  m'obliger  en  tout  ce  qu'il  pourra'. 


VII 
À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Le  sesjour  que  j'ay  faict  hors  de  Rome  tant  à  Naples  qu'ailleurs  a 
causé  que  je  n'ay  faict  responce  à  la  vostre  en  vous  remerciant  un  mil- 
lion de  fois  de  la  diligence  et  peine  qu'avez  heu  pour  mon  subject  tou- 
chant la  branche  de  coural  rouge  marqueté  de  noir.  Il  vous  plaira 
excuser  ma  trop  grande  curiosité  en  abusant  de  vostre  patience, 
mais  ayant  mis  beaucoup  de  chose  [sic)  naturelles-  ensemble  pour 
accompagner  les  antiques,  j'ay  faict  plusieurs  voyages  par  l'Italie  pour 
rechercher  toutes  sortes  de  pierres  tant  pretieuses  estravagantes  que 
naturelles.  Sçachant  vostre  dessein  touchant  les  poids  antiques  j'ay 
procuré  en  assembler  quelcuns  lesquels  je  vous  envoyé  non  qu'ils  soient 
considérables,  mais  il  vous  plaira  les  accepter  de  bon  cœur  attandant 
que  chose  digne  de  vous  me  vienne  par  les  mains.  Pour  accompagnei' 
les  six  poids  je  vous  envoyé  jusques  à  une  trentaine  de  plombs  tirés  des 
médailles  antiques  qui  me  sont  venus  par  les  mains.  Ayant  faict  une 
diligence  à  ramasser  tous  les  plombs  antiques  que  je  pourois  treuver  à 
celle  fin  d'en  tirer  quelque  érudition  je  les  treuve  si  différents  que  je 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  fort  à  désirer  tant  au  point  de  vue  de  la 

Montpellier,  ms.  H  371,  fol.  36.  clarté  qu'au  point  de  vue  de  la  correction,  a 

'  Menestrier,  dont  le  style,  comme  on  l'a  voulu  dire:  ayant  niis  beaucoup  de  temps  à 

déjà  remarqué  dès  la  première  lettre,  laisse  rassembler  des  curiosités  d'histoire  naturelle. 


[1626]  À  CLAUDE  MKNESTRIER.  499 

n'en  sçaurois  que  resouldre  en  ayant  mis  ensemble  jusques  à  deux 
cents  :  j'en  ay  choisy  six  differens  vous  priant  m'en  donner  quelque 
lumière.  Si  en  désirés  davantage,  je  ne  manqueray  vous  les  envoyer. 
J'ay  faict  semblablement  un  recueil  de  certaines  médailles  eslrava- 
gantes  et  difficiles  à  interpréter  comme  est  celle  dont  je  vous  en  envoyé 
une  antique  et  un  plomb  de  l'aultre  que  je  me  reserve  conserver.  Delà 
mesme  grandeur  j'en  ay  deux  aultres;  on  l'une  il  y  a  un  labarum  et  au 
revers  une  victoire  cheminant,  en  l'aultre  semblablemetitle  labarum  et 
aiu^eus  Mars  gradivus,  toutes  deux  sans  letres.  Ayant  prins  conseil  de 
Monsieur  Bonnaire,  j'ay  différé  au  premier  courrier  pour  estre  plus  as- 
seuré  à  vous  envoyer  la  pierre  avec  les  vases  de  mesure  et  la  romaine, 
ensemble  des  desseins  que  j'ay  tiré  en  argent  battus  de  certaines  mé- 
dailles gre[ques]  et  quelques  desseins  faicts  à  la  main.  J'ay  marqué  au 
plus  juste  qu'il  m'a  esté  possible  les  deux  pieds  romains  tirés  de  celuy  là 
du  cardinal  Boricompagno  et  de  celuy  du  s'  Cavaliero  Gualdi'  luy 
m'ayant  prié  les  marquer  pour  estre  plus  asseuré.  Si  jugés  que  je  vous 
puisse  servir  en  quelque  recherche  ou  curiosité  par  deçà,  je  vous  prie 
me  commander  et  cognoistrez  que  suis  et  seray  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  affectionné  serviteur, 
Cl.  Menetrie. 

A  Rome,  ce  3o  décembre  1696  '. 


VIII 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Sur  l'espoir  que  j'avois  de  ne  faire  si  longue  demeure  en  Italie  j'ay 
tousjours  différé  de  vous  faire  part  de  ce  que  c'est  trouvé  de  plus  rai'e 

'  Voir  sur  l'archéologue-coUeclionneur  le  chevalier  Francesco  Gunidi,  de  Himirti,  le 
recueil  Peiresc-Dupuy,  t.  11,  p.  233.  —  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  vol.  gS'iâ . 
fol.  179. 

63. 


500  LETTRES  DE  PEIRESC  [1626] 

pendant  mon  sesjour  à  Rome  ayant  tousjours  heu  cest  volonté  de  vous 
veoir  en  m'en  retournent  et  vous  communiquer  ce  que  j'aurois  de  plus 
curieux;  voyant  que  la  fortune  n'a  secondé  mon  dessein  j'ay  prins 
l'hardiesse  vous  addresser  ces  deux  lignes  pour  vous  donner  advis  que 
ces  jours  passés  l'on  a  reveu  les  médailles  de  l'eut  le  cardinal  Farnese  ' 
là  ou  on  a  veu  des  merveilles  et  en  grand  nombre  entre  aultre  un  mé- 
daillon de  toute  perfection  de  Pescennius  ayant  pour  revers  une  pro- 
vince comme  la  déesse  Ceres,  un  Olho  avec  S* G*  restitué  de  Tito 
hors  de  tout  soubson-.  Le  sig""  Ludovico  Gompagno^  a  esté  plus  d'un 
mois  à  reveoir  les  médailles  et  l'on  tient  que  Fulvio  Orsino  ne  les  avoit 
jamais  veues  du  tout,  car  les  siennes  sont  d'appart.  Il  y  a  quelque 
temps  que  je  vous  fis  asçavoir  que  je  taschois  de  mettre  ensemble 
toutes  les  médailles  de  colonies  que  je  pourois  recouvrer.  Je  suis  arrivé 
pour  le  presaiit  jusques  à  une  centinaire*"  toutes  de  l'Empire  entre 
lesquelles  il  y  a  plusieurs  Empereurs  rares  comme  Jul.  Caesar  avec  la 
col.  des  Ghorintiens,  Néron  avec  un  pont,  Galba  avec  un  temple, 
Macrin  Gol.  Hispal.  Diadumenian.  Tyro  Merro  (?)  avec  un  Hercule, 
Hostilian  avec  la  teste  Cybele,  Marc  Agrippa  avec  un  trophée,  iËmilian 
avec  provinc.  DAGIA.  J'ay  quasi  la  suytte  jusques  à  Gallien  de  mé- 
dailles non  donnés  exceptés  Laelius  Pescennius;  j'ay  Pertinax  d'ar- 
gent avec  Liberatis  civibus  figura  stans  dextra  tesseram  sinistra  cornu 
copias  fort  conservé.  Did.  Julian.  Glod.  Albin.  Les  deux  Gordian  Afr.  et 
Pap.  J'ay  de  plus  quasi  touts  les  postérieurs  non  donnés  ayant  confronté 
avec  Occon.  J'ay  mis  de  plus  ensemble  jusques  à  deux  cents  médailles 
grecques  de  l'Empire  entre  lesquelles  il  y  a  un  Hadrien  et  une  aultre 
d'Antin[ous]  ayant  quasi  un  mesme  revers  de  Deus  Lunus;  pour  la  cu- 
riosité je  vous  en  envoyé  les  desseins^.  Les  colonies  que  j'ay  desseignés 


'  Voir  sur  le  cardinal  Farnèse  le  recueil  lettres  suivantes  le  nom  de  ce  personnage 

Peiresc-Dupuy,  t.  II ,  p.  3oi.  qui  ne  se  contentait  pas  de  recueillir  des 

*  Menestrier  a  soin  de  constater  que  la  objets  antiques,  mais  qui  en  faisait  un  petit 

médaille  est  kors  de  tout  soupçon,  parce  que  commerce, 

beaucoup  d'Ollion  ne  sont  pas  de  bon  aloi.  '  Pour  centaine. 

'  Nous   retrouverons  souvent  dans  les  ''  Ces  dessins  sont  au  folio  181. 


[1626]  À  CLAUDE  MRNESTRIER.  501 

outre  celles  desquelles  j'ay  les  médailles  passeront  cent.  Si  je  sçavois 
vos  desseins  et  que  j'heusse  quelque  chose  qui  vous  puisse  servir  je 
vous  servirois  volontiers.  Monsieur  Aleaudro  demeura  dernièrement 
trois  ou  quatre  heures  en  ma  chamhre  pour  considérer  mes  {jraveures 
et  soulphres  en  ayant  quantité.  Vous  serés  desja  infourmé  de  la  mort 
du  cardinal  Ste  Suzanne  lequel  plusieurs  fois  m'avoit  parlé  de  vous' 
et  lequel  estoit  Bibliothécaire;  laquelle  place  aura  le  cardinal  Barbe- 
rin,  après  lequel  deces  mourut  le  sig'  Nicolas  Alemani  (juardian  de  la 
Bibliothèque^  et  quinze  iours  après  trespassa  le  jeune  homme  qu'estoit 
soubs  ledit  sieur  Nicolas  lequel  avoit  charge  en  ladicle  bibliothèque  de 
un  scriptoriat  de  la  langue  latine;  or  plusieurs  amys  m'ont  conseillé 
de  procurer  ladite  place  de  ce  jeusne  homme;  ayant  le  cardinal  Barbe- 
rin  à  conférer  Testât  du  custode  et  de  son  home,  m'imaginant  que 
peut  estre  Monseigneur  le  Légat  passera  à  Marseille  et  qu'aurés  ce  bon 
heur  de  le  veoir  come  avés  tousjours  faict  en  ces  aultres  voyages,  j'ay 
prins  l'hardiesse  vous  supplier  si  tel  estoit  vostre  bon  plaisir  de  me 
tant  obliger  que  de  me  recommander  audit  seigneur  Cardinal  et  al 
sig*^  cava""  de!  Pozzo  lequel  me  faict  cest  honneur  que  de  m'aymer. 
Excusés  moy  si  j'ay  prins  tant  d'hardiesse  de  vous  supplier  d'une  telle 
faveur,  je  vous  prie,  en  eschange  me  commandés  et  me  treuverés  et 
tout  ce  que  j'ay  de  rare  à  vostre  service  et  demeureray  à  perpétuité. 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectionné  serviteur, 
Cl.  Menestrie, 

A  Rome,  ce  h  septembre  1626'. 

'  Ce  fut  un  des  amis  et  correspondants  du  recueil  Peiresc-Dupuy,  p.  »oi  et  sui- 
de Peiresc.  Voir  les  trois  volumes  du  recueil  vantes. 
Peiresc-Dupuy,  passim.  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français, 

'  Sur  Nicole  Aiemanni,  voir  le  tome  I  vol.  ^bMt,  fol.  180. 


502  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 


IX 
À   MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 

11  y  a  desja  longtemps  que  j'esperois  vous  faire  part  de  ce  qui  se 
retreuve  à  Rome,  mais  j'attendois  la  responce  d'une  que  je  confia  à 
deux  jeunes  hommes  de  Langres  qui  s'embarquèrent  à  Rome  pour 
Marseille  par  laquelle  je  vous  remerciois  la  faveur  qu'il  vous  pleut  me 
faire  en  escrivant  pour  mon  subject  au  cardinal  Barberin,  laquelle  je 
[ne]  luy  ay  encore  délivré  attendant  quelque  bonne  occasion,  car  l'oflice 
de  la  Bibliothèque  estoit  ja  conféré.  Par  la  mienne  je  vous  envoyois 
la  liste  de  mes  colonies  et  aussy  desirois  sçavoir  en  quoy  consistoit 
principalement  vostre  curiosité  s'il  se  presantoit  quelque  chose  pour 
achepter  K  Par  ceste  je  vous  envoyé  un  Tiran  lequel  j'espère  qu'aurés 
à  cher  ayant  l'inscription  M.  Aur.  Julianus  D.  F.  Aug.  et  pour  le  revers 
Pannoniae  pour  lequel  j'ay  payé  deux  escus  lesquels  m'a  rendus  Mon- 
sieur Aubry  ^.  Par  la  première  comodite  que  ledit  Monsieur  Aubry  vous 
envoyra  une  caisse  je  vous  envoyrai  quelques  petites  curieuses  (sic)^^ 
la  plupart  grecques  et  entre  autres  un  médaillon  d'argent  d'Alexandre 
Severe  à  celle  fin  que  selon  icelle  je  puisse  sçavoir  ce  qui  sera  de 
vostre  volonté,  ayant  désir  vous  servir  et  tesmoigner  que  suis  et  seray 
à  jamais, 

Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  affectioné  serviteur, 
Cl.  Menestrie. 
Rome,  ce  26  janvier  1637. 


'  Peiresc  aurait  pu  répoudre  que  sa  eu-  '  Meneslrier,  qui  était  l'homme  du  inonde 

riosilé  s'appliquait  à  tout,  qu'elle  était  uni-  qui  écrivait  avecle  plus  de  négligence,  comme 

verselle  et  infinie.  je  l'ai  déjà  noté,  et  comme  on  ne  s'en  aper- 

'  G'est-à-dire  Aubery.  Voir  sur  cet  in-  cevra  que  trop  jusqu'à  la  fin,  avait  oublié  le 

scripteur  des  bulles  apostoliques  le  recueil  mot  médailles,    comme  plus  haut  il  avait 

Peiresc-Dupuy,  passim.  oublié  le  mot  ne. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  503 

Monsieur,  il  vous  plaira  in'excuser  si  je  ne  vous  escript  plus  ample- 
ment estant  pressé  Monsieur  Aubry  de  faire  son  pacquet'. 


À  MONSIEUR  DE  PEfRESC. 

Monsitîur, 
11  y  a  quinze  jours  que  je  voue  envoya  un  M.  Aur.  Julianus  avec  un 
mot  de  letre  seulement  estant  pressé  du  temps;  par  icelle  je  vous  es- 
crivois  que  dans  la  première  commodité  qui  se  presanteroit  que  je  ne 
mancquerois  vous  faire  tenir  quelque  chose  de  curieux  pour  sçavoir  en 
quoy  principalement  est  cnclinée  vostre  volonté.  Je  ne  vous  ay  envoyé 
aulcunes  medalles  latines  de  l'empire  croyant  qu'ayés  une  suytte  par- 
faitte  et  complie,  aultre  qu'un  medallon  d'argent  bas  d'Alexandi-e 
Severe  avec  trois  figures  au  revers  et  l'inscription  yEquitas  Aug.  pour 
lequel  j'ay  desboursé  V  5  de  monoye  romaine '^  Je  vous  escriray  par- 
ticulièrement le  prix  de  ce  que  j'ay  payé  les  medalles  que  je  vous  en- 
voyé à  celle  fin  que  puissiés  juger  si  je  les  ay  tropt  payé  et  suyvant 
vostre  advis  je  me  comporleray.  La  medalle  du  Taie  ?  avec  ceste  in- 
scription :  QVI  LVDlT  ARRAM-  DET-  QVOD-  SATIS-  SIT  de  laquelle 
je  vous  traitta  estant  à  Paris ^  je  i'avois  pour  unique,  mais  il  y  a  quel- 
ques deux  mois  que  par  bon  liazard  m'en  tomba  une  du  tout  sem- 
blable laquelle  je  paya  5  testons.  J'ay  vu  plusieurs  de  ces  asfragalles 
de  cuivre;  j'en  ay  un  d'ametiste  for  beau  se  confrontant  aux  fastes  (jui 
sont  représentés  dans  la  medalle.  Puis  un  Gomniodus  grec  avec  une 
couronne  et  des  poinctes  eminentes  au  revers  en  ayant  une  couronne 
semblable  dans  une  medalle  d'Hadrian  grec  et  veu  une  aultre  dans 

'  BiH.  iint. ,  fonds  fr. ,  vol.  (i5W  J'  t8a.  avaient  (Hi'  prt*cédées  de  quelques  entrevues. 

'  G'est-h-dire  cinq  écus.  Ce  fut  sans  doute  en  se  rendant  de  Paris  à 

'  On  voit  que  Menestrir  avait  fait  la  con-  Rome   par  la  Provence,   que   Menestrier, 

naissance  do  IViresc  pendant  le  sdjour  de  ce  s'arrêtant  à  Aix  on  l'absonco  de  Peiresc,  vil 

dernier  à  Paris.  Les  relations  tSpistolaires  le  cabinet  do  B.  Borrilly. 


50/1  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

Auguste.  J'ay  veu  une  aultre  sorte  de  couronne  en  Jeux  différentes 
medalles  dans  le  cabinet  du  cardinal  Boncompagno  ayant  sept  testes 
eminentes  alentour  de  la  couronne  et  les  courdons  en  bas  pour  la  lier. 
Le  Coramodus  n'est  pas  conservé,  mais  pour  la  curiosité  j'ay  jugé  que 
peut  estre  l'auriés  à  cher;  pour  iceluy  j'ay  payé  2  testons.  11  y  a  un  Marc 
Aurele  grec  fort  courieux  avec  une  figure  à  cheval.  8  Jul.  Geta  grec  avec 
un  fleuve.  3  testons.  Une  lex  Salonina  grande  fort  conservé  et  un  beau 
révère.  De  même  Vespas.  et  Tit.  grec  avec  un  fleuve  au  revers.  5.  Jul. 
Un  roy  avec  un  ornement  en  teste  comme  d'une  thiare  à  letre  inco- 
gneiie,  1  teston.  Une  médaille  de  province  fort  belle  avec  l'inscription 
de  AHMOC  BAGTNACAN,  au  revers  un  fleuve,  laquelle  j'ay  adjoinct 
pour  sçavoir  si  aurès  à  plaisir  d'avoir  quelque  province  par  la  récep- 
tion de  ces  medalles;  j'espère  que  me  ferés  la  faveur  de  me  donner 
une  note  de  ce  que  désirés  à  celle  fin  que  venant  occasion  que  je 
vous  puis  servir.  Avec  les  medalles  je  vous  envoyé  jusques  à  dix  ou 
douze  petits  plombs  antiques  de  grandeur  des  medalles  d'argent  en 
ayant  mis  ensemble  tous  ceux  que  j'ay  peu  recouvrer  à  Rome  qu'ar- 
riveront à  cent  cinquante.  Je  vous  supplie  comme  les  aurés  considérés 
que  de  m'honorer  tant  que  de  me  faire  participant  de  vostre  advis  et 
si  en  désirés  d'avantage  je  vous  en  envoyray  d'aultres.  Vous  treuverés 
avec  iceux  une  petite  medalle  de  bronze  ayant  d'un  costé  une  coronne 
dans  laquelle  sont  escriptes  ces  trois  lettres  A .  P .  P .  et  de  l'aultre  costé 
il  y  a  comme  un  sceptre  sur  lequel  il  y  a  une  petite  teste.  En  reguar- 
dant  ces  plombs  antiques  j'en  ay  treuvé  un  lequel  a  d'un  costé  '  une 
ape^  arme  du  pape^  et  de  l'aultre  deux  fourmis.  J'en  ay  encore  une 
aultre  ayant  comme  la  précédente  une  ape  et  au  revers  une  saute- 
relle. Dans  la  caisse  que  Monsieur  Aubery  vous  envoyé  vous  y  verrez 
des  médailles  représentant  l'ape  donnés  dernièrement  en  lumière  par 

'  Menestrier  a  écrit  :  du  costé.  '  Avec  ces  lettres  : 

'  Vapis,  abeille.  On  sait  que  les  aliégo-  OJAC  HPOCnAAYPINK  U^i 

riques  abeilles  d'Urbain  VIII  furent  l'occa-  C'est  ainsi  cpie  nous  croyons  pouvoir  lire 

sion  d'une  foule  de  pièces  de  vers  italiennes  la  légende  entourant  une  abeille  sur  le  cro- 

el  latines.  quis  que  Menestrier  a  tracé  de  son  plomb. 


[1627]  \  CLAUDE  MENESTRIER.  505 

un  Flamand.  Depuis  ce  temps  la  j'en  ay  recouvert  une  aultrc  ayant 
d'un  costc  un  cerf  couclié  et  de  l'aullre  une  ape  avec  ces  letres.  Lundy 
dernier  passé  je  présenta  un  anneau  d'or  antique  ayant  une  courna- 
line  dans  laquelle  estoit  gravé  une  ape  de  cette  forme  \ici  un  dessin 
représentant  une  abeille  avec  tête  humaine^  d'excellente  manière  (re- 
présentant l'arme  et  la  divise'  ou  impressa*  du  Pape)  à  Monsieur  le 
cardinal  Barhcrin  laquelle  il  lieut  fort  à  cher  et  me  dit  qu'il  vouloil 
que  moy  mesme  je  la  présentasse  au  pape  l'ayant  accompagné  d'une 
couple  d'epigrammes.  Avec  cette  mesme  commodité  je  luy  presanta 
la  letre  de  laquelle  il  vous  avoit  pleut  me  favoriser  à  celle  (in  que  ve- 
nant quelque  occasion  de  vacance  par  vostre  faveur  je  puisse  estre 
pourveu.  Je  luy  fis  aussy  avoir  un  petit  discours  que  j'ay  mis  ensemble 
sur  une  petite  statuette  d'Harpocrate  de  marbre  noir  d'vEgypte  repré- 
sentant soubs  une  mesme  figure  d'Arpocrate  le  soleil  ayant  sept  rayons 
eu  teste,  Bacrhe^  pour  la  couronne  de  lier\  Mercure  par  les  talares  •'' 
aux  pieds,  Cupidon  par  les  aisles  et  pharetre"  dépendant  de  son  col 
ime  bulle  et  ayant  aux  pieds  un  oyseau  et  pour  enrichir  ce  peu  de 
discours  je  l'ay  orné  de  diverses  figures  dudit  Harpocrate  de  bronze, 
plusieurs  graveures  et  jusques  à  quarante  medalles  du  mesme.  J'es- 
père y  insérer  plus  de  cent  medalles  tant  d'Isis,  d'Osiris  que  d'Anubis 
lesquelles  ne  sont  point  esté  données,  desquelles  j'ay  ma  bonne  part 
des  originaux. 

J'avois  une  petite  medalle  de  Trajan  fort  conservé''  laquelle  avoit 

j)onr  revers  dans  une  couronne  uor.)  laquelle  inscription  je  treuvois 
difficile,  mais  peut  de  jours'  j'en  ay  recouvré  une  aultre  de  la  mesme 
grandeur  d'IIadrian  ayant  hIï^  au  revers.  J'ay  mis  ensemble  quantité 

'  Dft  i'itaiien  (/(l'isa,  devise.  '  Talonnières,  brodequins  nvoe  dos  ailos, 

'  L'italien  !m/)resrt  signifie  emblème.  de/n/«m,cequieslrelalifàlachevilled«j>ie<i. 

'  Bacchus.  *  Carquois,  de  pharttra. 

'  Sic  pour  Iten-c.  Menestrier  é.ttih  peut-  '  Menostrier  nVmi)loic  prescjne  jamais  lo 

être  le  «eu!  de  son  temps  à  ëcrii-e  le  niol  féminin  des  participes. 
lierre  avec  cette  abréviation.  '  Menestrier  a  oublié  d'ajouter  :  <iprè». 

T.  64 


506  LETTRES  DE  PEIRESC  [16-27] 

de  petites  medalles  fort  curieuses.  Je  vous  envoyé  succinctement  une 
note  des  medalles  des  colonies  et  municipes  que  j'ay  mis  ensemble 
])remierement  : 

Jul.  moyen  avec  Aug.  avec  le  nom  du  II  VIR-  et  CORIN. 

Auguste  avec  un  labyrinthe  et  autres,  4  ou  5. 

TIB.  M- m-  ILERGA  VONIA  DERT.  Un  navire  avec  les  veilles. 

Un  uutre  ABDERA.  Temple  avec  4  colones.  U  ou  5  autres. 

CyESAR  autres  municipes. 

Claudius  col.  A-A.  PAT 'XXII.  Trois  signes  militaires. 

NERO.  EX  CONSEl  OCISl,  Un  taureau. 

NERO.  EX  CONSE.  Edifice  comme  aqueduc(|ue. 

Un  autre  avec  Bellerofon. 

GALRA-  un  AN-  AGRIPPA  II  VIR.  Un  temple  fort  conservé. 

VITELLIUS  petit  avec  S  G  ;  il  n'est  pas  de  colon. 

VESPASANTIOGHIA  avec  le  génie  d'Antioche. 

TITUS  petit  avec  ind.  capt.  différent  des  aultres. 

DOMIT.  GLIGOR.  chimera. 

Un  aultre  avec  le  Pégase. 

Trajan  figure  sur  une  basse. 

Hadrian  jusques  au  nombre  de  six. 

Anton.-Pius.  Temple  dans  lequel  est  assis  Mercure. 

M.-Aurcl.  jusques  à  g. 

L.  Verus  3. 

Gommodus  5. 

Severus  i. 

Garacal  6. 

Geta  li. 

Macrin  teste  de  Jove  Gapit. 

Diadum.  Tyrus  Métro.  Hercules. 

Elagab.  GOL.  IVL*  Gass.  sup.  Ammon. 

S.  Alex.  9. 

Maxiraus.  COL.  IVL.  Aug.  PELEA. 

Gord.  Pius  GOL.  ELP .  PT.  Deux  fleuves  fort  beaux  et  puis  U  aultres. 

Philip.  GOL -DAMAS,  avec  a  aultreô. 

Philip.  ANTIOGH-  GOL.  3  signes  militaires. 

Hostiliano  QUINTO  •  COL  •  AUREL.  Caput  turrit. 

yEmilian.  PROVINGIA  DAGIA. 


|1627|  A  CLAUDE  MENESTIUEK.  507 

TREb.  Gall.  AEL  municip.  lupa  a.  Gulty  ', 
Valeri  tyro  METRO  de  Tyro  deux  différentes  et  une  de  PTOL. 
SABINA  Aug.  col.  L-IVL-GOR. 
C0R2- SALON  ÏYRO. 
M -AGRIPPA  avec  un  trophée  H  VIR  PRA. 
Somme,  88  pièces. 

Je  vous  spécifie  seulement  les  noms  des  Empereurs  desquels  j'ay  des 
medalles  de  colonies;  j'ay  mis  Vilellius  et  Titus  encore  qu'ils  ne  soient 
de  colonies,  mais  à  cause  qu'ils  ne  sont  ordinaires.  Il  y  en  a  aulcuns 
conservés  et  aultres  non,  car  les  médailles  des  colonies  pour  la  plus 
part  sont  assez  mai  traitté.  Pendant  que  Monsieur  Joly  estoit  en  vie' 
plusieurs  fois  il  m'en  a  offert  8  jules  de  l'une,  mais  je  n'estois  en  vo- 
lonté de  m'en  défaire;  neantmoings  s'il  y  a  quelque  chose  qui  vous  duissc 
ou  en  partie  ou  le  tout  est  à  vostre  service.  Dans  la  caisse  que  vous 
addresse  Monsieur  Aubery  avec  son  advis  je  y  ay  mis  une  inscription 
de  bronze  antique  laquelle  nous  payasmes  douze  escus  de  Rome.  Je 
vous  l'envoyé  sans  sçavoir  si  ce  seroit  pièce  de  vostre  curiosité;  si  par 
hazard  elle  ne  vous  plaist  et  que  ne  la  desiriez  je  vous  supplieray  me  la 
conserver  jusques  à  ce  que  j'aye  ce  bonheur  que  de  passer  auprès  de 
vous  et  icy  je  rendray  l'argent  à  Monsieur  Aubery  ou  aultant  de  me- 
dalles; le  semblable  je  di  aussy  de  toutes  les  medalles  que  je  vous  envoyé; 
n'estant  à  vostre  satisfaction  je  les  rechangcray  contre  d'aultres  ou  gra- 
veures  antiques.  L'on  ne  Ireuve  pas  beaucoup  à  presanl  à  Rome  de- 
puis un  edict  qui  fut  publié  que  touts  les  cavateurs  '^  et  recbercheurs 
ayent  de  manifester  au  commis  de  la  chambre  tout  ce  qu'ils  treuveront 
qui  passent  la  valeur  [mots  effacés)  escus  soubs  peine  de  cinquante  escus 
et  la  corde.  Aulcuns  ayant  vendus  des  medalles  sans  les  manifester  sont 
estes  chastiés;  les  aultres  crainant  la  peine  ne  veullent  plus  fouyr  la 

'  F^  mot  cully  est  de  lecture  douteuse.  '  Il  s'agit  ici  du  collectionneur  nientiouué 

■  Peut-être  COL.  Toute  cette  liste  est  bien  dans  les  premières  lettres  de  Peiresc  à  Me- 

douteuse.  L'emploi  irri^ifidier  des  capitales  neslrier. 

et  l'absence  de  ponctuation  en  augmentent  *  De  carator,  qui  creuse. 

encore  l'obscuritë. 

64. 


508  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

terre  pour  rechercher  des  antiquités  comme  ils  faissoiiit  il  y  a  quelque 

temps;  neantmoings  le  peut  qui  s'en  treuve  j'en  ay  tousjours  ma  pari; 

si  désirés  quelque  chose  de  par  deçà  faictes  le  moy  seulement  sçavoir 

et  ne  manqueray  d'y  amploier  toute  diligence  pour  vous  donner  quelque 

chose  de  hien,  me  disant  à  jamais, 

Monsieur, 

vostre  très  humhle  et  très  affeclioné  serviteur. 

Cl.   Mknetrie. 
A  Rome,  ce  i3  febvrier  1627  '. 


Xi 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  n'ay  poinct  réceu  la  lettre  que  vous  dictes  m'avoir  escripte  par 
deux  jeunes  hommes  de  Langres,  ne  par  consequant  le  roolle  de  voz 
colonies.  Bien  ay-je  receu  celle  du  26  janvier  que  vous  aviez  baillée  jV 
M""  Aubery,  ensemble  la  médaille  de  M.  AVR  IVLIANVS  dont  je  vous 
lemercie  Irez  affectueusement  vous  asseurant  que  vous  m'avez  faict 
plaisir,  et  que  vous  l'eussiez  faict  bien  plus  grand  si  vous  y  eussiez  ad- 
jousté  ce  médaillon  que  vous  dictes  d'Alexandre  Severe  d'argent,  ou 
pour  le  moings  si  vous  me  l'eussiez  descripl  un  peu  plus  particulière- 
ment, pour  sçavoir  s'U  y  a  de  revers  qui  soit  autre  que  l'aigle  qui  se 
void  communément  à  la  plus  part  de  ces  médailles  impériales  d'argent 
plus  grosses  que  les  communes,  et  si  l'inscription  est  autre  que  du 
iiHMAPX  ESOTCIAC.  Que  s'il  vous  estoit  eschappée  des  mains  avant 
l'arrivée  de  la  présente,  envoyez  nous  en  au  moings  une  empreinte  car 
je  ne  doubte  pas  que  vous  n'en  ayez  retenu  quelqu'une.  Et  quand  vous 
serez  de  loisir,  faictes  nous  un  petit  roolle  de  tous  les  tyrans  que  vous 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  vol.  tjô^i,  fol.  i83. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTIUKR.  509 

avez  veus  acluellemenl,  et  de  touts  ceux  dont  il  se  peult  avoir  des  mé- 
dailles ou  des  empreintes.  Mais  quand  vous  aurez  quelque  chose  en 
estât  de  me  pouvoir  estre  envoyée,  ne  vous  amusez  poinct  à  en  attendre 
d'autres  pour  les  faire  venir  ensemble  ne  à  attendre  de  commodité  de 
barque.  Remettez  les  seulement  à  M'  Aubery,  qui  trouvera  bien  le  moyen 
de  me  les  faire  tenir  seurement  par  la  poste  mesmes,  en  les  faisant  bien 
garrotter  dans  des  boittes  pour  ne  se  pouvoir  céder  ou  frustrer  par  les 
chemins,  et  les  consignant  à  part  des  lettres  pour  n'en  payer  le  port  (jue 
à  tant  la  libvre,  comme  je  soulois  faire  souvent  quand  j'estois  en  Italie. 
Et  sur  ce  après  vous  avoir  remercié  de  rechef  de  vostre  affection,  je 
finiray  en  vous  asseurant  de  la  mienne,  et  que  je  suis  de  tout  mon 
cœur. 

Monsieur, 

voslre  Irez  allectionné  serviteur, 

BE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  1  (j '  febvrier  1627  '. 


xu 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  receus  dernièrement  vostre  lettre  du  i3  febvrier  par  un  mei>sager 
qui  passoit  oultre  d'Avignon  à  Gènes  si  precipitament,  qu'il  ne  me  donna 
loisir  que  d'escrire  un  mot  à  M'  d'Aubery,  sans  avoir  moyen  de  lisre 
seulement  vostre  lettre,  nomplus  que  plusieurs  autres  qui  esloienl  ve- 
nues ensemble  dont  je  me  contentay  de  voir  seulement  les  signatures 
et  les  dattes.  Mais  je  ne  laissay  pas  pourtant  de  jettcr  les  yeux  sur  le 
papier  oh  vous  aviez  transcripl  l'inscription  de  la  table  de  bronze,  la- 
quelle à  ce  premier  aspect  me  sembla  certainement  bien  belle  comme 

'  Bibliothèque  de  Tlicole  de  médecine  de  MonliMîllier,  ms.  Il  371 ,  fol.  117. 


510  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

il  fault  advoiier  qu'elle  l'est.  Mais  sitost  que  ce  messager  fut  party,  je 
me  voulus  asseurer  d'une  mémoire  confuse  que  j'avois  d'avoir  veu 
quelque  chose  de  semblable  dans  les  inscriptions  de  Grutberus  ',  où  je 
trouvay  qu'elle  estoit  toute  entière  de  mol  à  mot,  sans  qu'il  y  eust  une 
seule  syllabe  ne  lettre  à  dire.  Ce  qui  diminua  grandement  le  plaisir 
que  m'avoit  apporté  cette  nouvelle  et  quelques  jours  aprez  je  receus  la 
cassette,  et  quand  je  vis  la  table  mesmes  de  bronze,  je  me  trouvay  en- 
cores  un  petit  peu  plus  mortifié,  voyant  combien  l'ouvrage  en  est  gros- 
sier, eu  esgard  à  un  acte  publique  faict  aux  despans  et  par  une  am- 
bassade expresse  d'une  ville  toute  entière,  la  couronne  qui  est  dessus 
estant  si  mal  moullée  qu'on  ne  sçauroit  dire  de  quoy  elle  pouvoit  estre. 
Tant  y  a  que  je  vous  suis  tousjours  redevable  de  vostre  bonne  volonté 
et  la  pièce  peult  tousjours  servir  d'un  bon  meuble  de  cabinet.  Mais 
])uisqu'elle  a  esté  une  foys  publiée  comme  desterrée  à  Rome  soubs 
Pie  IIII  l'an  i56i  au  jardin  du  monastère  de  S.  Stepliano  Ritondo,  et 
rangée  dans  le  cabinet  d'Acliilles  Maffœus  ^  avec  quattre  autres  quasi  de 
mesme  temps  faictes  à  mesmes  fins,  en  faveur  du  mesmes  Q.  ARADIVS 
PROCVLVS,  par  quattre  autres  villes  aflricaines  comme  celle  là,  à  sça- 
voir  des  colonies  de  Zama  ^  HADRVMETVM  ',  THAEMTTM  et  du  mu- 
nicipium  CIVILITAN\  M,  il  ne  se  peult  plus  guieres  apprendre  de  cette 
pièce  icy,  qui  la  puisse  rendre  beaucoup  recommandable  au  moings  à 
proportion  de  ce  qu'elle  eust  esté,  si  c'eust  esté  une  pièce  nouvellement 
desterrée,  laquelle  de  soy  portoit  assez  de  petites  formules  et  curiositez 
bien  genliles  et  capables  de  la  tenir  en  quelque  prix  et  en  quelque  es- 
time, si  on  l'eust  peu  donner  au  jour  le  premier.  Je  vous  en  parle  avec 
cette  liberté,  puisque  vous  me  faictes  grande  instance  à  ce  que  j'en  use 
ainsin  avec  vous. 

'  Le  Corpus  inscriptionum  de  iean  Gvuler  '  Aujourd'hui  Zouarim,  ville  delà  Nu- 

(Heidelberg-,    i6o3,  in-folio)   a  été  déjà  iiiidie,  h  3o  kil.  deTagaste. 
souvent  mentionné  dans  celte  correspon-  ''  Adrumète,   ou   mieux  Hadi'umèle,  à 

dance.  i3o  kil.  de  Cartbage,  était  la  capitale  de 

Le  cabinet  d'Achille   Maffci  était  un  la  Dyzacène.  Près  de  ses  ruines  s'élève  une 

des  plus  célèbres  de  tous  les  cabioeLs  de  des  villes  les  plus  prospères  de  la  Tunisie, 

Piome.  Soussa. 


|IC271  A  CLAUDE  MKNESTRrRR.  511 

Quant  aux  médailles,  celle  que  vous  appeliez  du  talc  est  bien  de 
mon  goust,  et  je  n'y  plains  nullement  l'argent  qui  y  a  esté  employé, 
mais  je  l'estimerois  davantage  si  vous  n'y  eussiez  point  touché  du  tout, 
pour  ayder  comme  vous  avez  faict  les  lettres  de  la  fin  de  quelques  mots. 
J'eusse  beaucoup  mieux  aymé  avoir  la  peine  de  les  deviner  moymesmes, 
ou  de  les  suppléer  par  les  moindres  vestiges,  que  d'avoir  enfoncé  le 
champ  de  la  médaille  pour  y  espairgner  du  relief  aux  dites  lettres.  Je 
l'estimerois  le  double  sans  cela.  Mais  lousjours  la  tiens-je  à  singulière 
laveur  et  ne  vous  dis  cela,  que  pour  vous  servir  d'advis  à  l'advenir  que 
j'estime  les  medaglie  «cr^ùu  '  beaucoup  plus  sans  comparaison  que  celles 
qui  sont  tant  soyt  peu  aidées,  soubz  prétexte  de  les  nettoyer.  Car  je 
les  vouldrois,  si  besoing  estoit,  faire  nettoyer  moy  mespfies  en  ma  pré- 
sence pour  ne  pas  laisser  advancer  le  stecco,  ou  la  pietra  verde  plu» 
avant  que  ce  (|ue  je  permettrois  sans  y  laisser  toucher  par  burin  pour 
quelque  occasion  que  ce  peult  estre. 

Le  médaillon  que  vous  dictes  d'argent  d'Alexandre,  est  bien  une  belle 
pièce  à  mon  advis.  Plusieurs  de  mes  amis  qui  croient  s'y  cognoistre 
veullent  opiniastrer  qu'il  soit  moderne  et  mouUé,  mais  je  crois  qu'ils  se 
trompent  evidamment  et  que  la  pièce  est  antique.  11  est  vray  qu'elle  a 
esté  fort  mal  traictée  non  seulement  du  tanq)s,  mais  possible  de  l'artifice 
des  hommes,  et  j'ay  grande  peine  à  me  persuader  qu'elle  ayt  jamais  esté 
faicle  pour  une  pièce  d'argent.  Car  si  bien  en  ce  temps  là  desja  l'argent 
estoit  r'abbayddé,  toulefoys  les  monnoyes  qui  s'en  trouvent,  non  seu- 
lement des  ordinaires  romaines,  mais  des  grecques  plus  grosses  au  triple 
et  quaddruple  ne  sont  pas  de  si  mauvaise  matière.  Voire  je  doubte  s'il 
y  a  rien  d'argent  qui  soit  allié  avec  le  corps  de  la  médaille,  car  l'ayant 
faict  picquer  d'un  coup  de  poinçon  sur  le  bord,  il  me  semble  que  le  de- 
dans est  plus  rougeastre  ou  jaunastre  que  blanc,  et  les  orfèvres  ne 
tiennent  pas  qu'il  y  ait  de  l'argent  franc,  ains  plustost  quelque  blan- 
chiment ou  teinture.  Une  chose  ay-je  bien  vérifiée  indubitablement  (et 
c'est  ce  qui  seul  peult  garentir  la  pièce  antique),  c'est  qu'elle  a  perdue 

'  Mëdailles  vierges. 


512  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

et  s'est  despouillée  d'une  superficie  de  toutz  costez  de  l'espoisseur  de 
plus  qu'une  feuille  de  papier,  soit  qu'on  l'ait  mise  dans  quelque  eau 
forte  ou  dans  quelque  vinaigre,  ou  bien  qu'elle  se  soit  rencontrée  dans 
quelque  terrain  corrosif,  comme  il  n'en  manque  pas  autour  de  Rome, 
et  pour  preuve  de  cela,  il  est  resté  quelques  fragments  de  la  dicte  peau 
ou  superficie,  tant  du  costé  de  la  teste,  au  bas  du  chinon  du  col,  et 
dans  le  champ,  entre  les  liens  de  la  couronne,  que  du  costé  du  revers 
dans  le  champ  entre  les  figures,  et  entre  quelques  lettres  de  l'inscrip- 
tion ,  que  au  plus  bas  sous  les  pieds  des  dictes  figures.  Ce  recognoissant 
apparemment  que  ce  qui  reste  de  la  dicte  peau  retient  encores  quelques 
vestiges  du  poliment  primitif  que  pouvoit  avbir  laissé  le  coing,  car  tout 
le  reste  qui  est  pelle  ou  despouillé  est  demeuré  si  grenelle,  qu'il  n'y  a 
vestige  quelquonque  de  cogneure,  ains  plustost  imite  en  quelque  façon 
le  grain  de  la  moulleure  et  du  sable,  comme  il  le  fauldroit  juger  tel, 
sans  ce  qui  reste  de  la  primitive  peau  où  le  coing  avoit  imprimé  ses 
marques.  Et  qui  plus  est,  touts  les  vestiges  de  la  dicte  peau  sont  si 
jaulnes,  que  je  tiens  que  la  pièce  aye  esté  dorée,  soit  par  les  anciens 
ou  parles  modernes,  ce  qui  peult  bien  avoir  contribué  à  luy  faire  perdre 
sa  peau,  si  feau  avec  quoy  y  a  esté  appliqué  l'or  estoit  trop  forte  et 
trop  corrosive ,  et  possible  qu'avant  que  la  dorer,  l'a-t-on  voulu  blan- 
chir par  quelque  teinture,  possible  à  nous  incogneiie,  comme  il  est 
certain  que  les  anciens  en  avoient  qui  faisoient  du  cuivre  blanc  sans  qu'il 
eust  aulcune  qualité  d'argent,  ne  d'estain,  et  le  blanc  ou  teinture  ne 
laissoit  pas  de  pénétrer  bien  avant  dans  le  corps  du  metail ,  mieux  que 
font  noz  orfeuvres  quand  ils  argentent.  Ce  qui  me  confirme  en  cette  opi- 
nion, que  la  pièce  fut  antique,  est  que  le  bord  semble  fort  naturel  et 
tel  que  le  peult  avoir  laissé,  dans  son  air,  la  force  de  la  cogneure  agis- 
sant sur  le  plat.  Mais  cela  se  peult  contrefaire,  de  sorte  que  cela  seul 
ne  m'eust  pas  emporté  à  l'afTirmative.  Tant  y  a  que  vous  voyez  que  je 
faicts  bien  ce  que  vous  avez  voulu,  c'est  à  dire  je  vous  parle  bien  avec 
grande  liberté,  et  Dieu  sçaicl  si  cette  pièce  avoit  jamais  esté  examinée 
si  exactement  que  cela.  Je  seray  bien  aise  que  vous  m'en  disiez  vostre 
advis  avec  la  mesme  liberté.  Et  surtout,  je  vous  prie,  ne  vous  imaginez 


[1627]  À  CLAUDE  ME.XKSTRIKH.  513 

pas  que  je  sois  porté  eu  cela  d'aulcun  dessaiii  de  vous  despriser  voslnr 
niarcliaudise,  car  je  vous  déclare  que  je  n'y  plains  nullement  le  pri\ 
que  vous  en  avez  faict  bailler  de  cinq  escus,  attendu  que  le  seul  plaisir 
que  j'ay  prins  de  l'espluscher,  et  d'y  trouver  cez  fondements,  et  en  ga- 
rentir  l'antitpiité,  contre  l'advis  de  noz  anti([uaires,  vault  j)lu8  que  les 
cinq  escus  et  le  double,  et  puis  au  bout  du  compte  c'est  tousjoui-s  une 
belle  médaille,  et  qui  peult  tenir  ranjj  entre  les  grandes  et  les  belles, 
car  le  relief  et  la  manière  eu  est  noble.  Mais  de  le  tenir  pour  médaillon 
d'argent,  c'est  ce  que  je  n'oserois  pas  faire,  veu  que  pour  médaillon,  la 
grandeur  n'est  pas  jusques  à  ce  poinct  qu'il  fauldroit  pour  excéder  la 
grandeur  des  médailles  grandes.  Et  pour  la  matière  d'argent,  oullrc 
que  les  orfeuvres  n'en  sont  pas  d'accord,  et  qu'il  n'a  comparaison  quel- 
quonque  avec  toutes  les  autres  pièces  d'argent  du  mesme  prince,  non 
seulement  des  latines,  mais  des  grecques,  je  n'y  trouve  d'ailleurs  aul- 
cun  rapport  avec  la  proportion  que  debvroit  avoir  avec  les  autres  mon- 
noyes  courantes  de  ce  tenq)s  là  à  peu  prez,  car  il  fauldroit  que  ce  fusl 
ou  le  double  des  grecques  plus  grosses,  ou  le  quadrupple  des  petites, 
ou  bien  redoubler  ce  quadrupple  des  latines,  mais  il  n'y  a  rien  d'ap- 
])rocliant  à  cette  proportion  de  poids,  non  plus  qu'à  celle  de  l'alloy,  ne 
à  la  forme.  Tellement  qu'il  fault  conclure  que  c'ait  esté  une  belle  grande 
médaille  de  cuivre,  teinte  et  dorée,  pour  tenir  rang  possible  au  lieu 
d'une  pierre  précieuse,  comme  on  faisoit  anciennement  de  beaucoup 
d'autres,  dont  j'en  ay  quelques  unes  et  connue  estoient  tenues  cez  pe- 
tites medaillettes  de  cuivre  encbainées  bien  que  grossièrement  que  vous 
me  monstrastes  à  Paris,  et  que  je  prendrois  encores  volontiers,  si  vous 
ne  vous  en  estes  desfaict  depuis  lors,  comme  il  pourroit  estre,  puisque 
vous  me  monstrastes  en  mesme  temps  vostre  Astragale  d'ametliysle 
que  vous  me  dictes  maintenant  avoir  encores,  et  lequel  j'achepte- 
rois  pareillement  volontiers  si  le  prix  en  est  modéré,  pour  le  joindre 
à  trois  autres  que  j'ay  l'un  de  Corniole,  l'aultre  d'Agathe,  et  le  Iroi- 
siesme  de  Clirystal  antiques,  où  celluy  d'améthyste  ne  seroit  pas  mal 
apparié. 

Venant  donc  aux  autres  médailles  que  vous  m'avez  envoyées,  et  spe- 


G5 


5U  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627| 

cialement  les  Grecques,  je  vous  diray  que  quand  ii  y  a  quelque  chose 
à  apprendre  je  prends  plaisir  d'en  avoir,  et  bien  que  je  ne  veuille  pas 
négliger  jusques  aux  plus  mal  conservées,  faut  qu'il  y  reste  quelques 
vestiges  cappables  de  donner  quelque  lumière,  si  est-ce  que  quand  les 
inscriptions  ne  se  peuvent  commodément  lisre,  j'en  tiens  le  prix  gran- 
dement diminué  et  r'avallé  de  tout  quasi  en  tout.  Et  quand  les  lettres 
sont  retouchées  ou  reparées  avec  le  burin  ou  autrement,  tant  s'en  fault 
que  j'en  fasse  cas,  qu'au  contraire  elles  me  font  mal  à  veue,  attendu 
que  la  pluspart  du  temps  ceux  qui  se  meslent  de  ce  mestier,  ne  pou- 
vants pas  sçavoir  le  fonds  de  l'histoire  et  de  l'antiquité,  prennent  quasi 
tousjours  des  equivocques  et  font  desbesveiies  intollerables ,  par  exemple 
vous  avez  laict  quelque  cas  d'une  médaille  à  deux  testes  que  vous  dictes 
estre  de  Vespasian  et  de  Tite,  parce  qu'il  y  a  un  fleuve  au  revers.  Et 
ce  qui  faict  que  je  ne  la  prise  pas  tant  est  qu'on  l'a  reparée  en  sorte 
qu'on  y  a  refaict  touts  les  deux  profiles  des  visages,  et  au  lieu  d'un 
Titus  au  costé  où  vous  croyez  qu'il  sera  on  en  a  faict  quasi  un  Domi- 
tian,  ou  plustost  on  a  corrompu  le  visage  de  Domitian  pour  en  faire  un 
Titus,  et  au  lieu  d'un  Titus  qui  y  pouvoit  estre  de  l'autre  part,  on  en 
a  faict  un  Vespasian,  et  a-t-on  rebarbouillé  encores  les  lettres  en  sorte  ' 
qu'on  ne  sçauroit  plus  lier  les  vestiges  qui  y  restent  par  aulcunes  con- 
jectures de  mise  sans  estre  desmenty  par  les  faulx  coups  de  burin,  sans 
lesquels  possible  y  lisrois-je  le  nom  de  Tite  d'un  costé,  et  celuy  de  Do- 
mitian de  l'autre.  Et  au  revers,  si  le  nom  du  fleuve  ou  de  la  ville  se 
pouvoient  lisre,  j'en  ferois  estime,  mais  ne  se  pouvant  deschifl"rer,  c'est 
un  desplaisir  de  voir  un  fleuve  sans  sçavoir  dire  quel  il  estoit. 

Vostre  Geta  me  plaict  un  peu  davantage  bien  qu'il  soit  esfacé,  at- 
tendu que  l'art  n'y  a  rien  altéré,  que  la  conjecture  me  demeure  libre 
pour  conjecturer  hardiment  ce  qui  y  pouvoit  estre,  et  y  on  rechercher 
quelques  vestiges.  Mais  à  la  diflerence  du  prix  que  vous  y  mettez,  eu 
esgard  aux  autres,  je  vois  que  vous  avez  plus  considéré  la  teste  que  le 
revers,  à  cause  que  Geta  Narba  n'est  pas  si  commun,  mais  c'est  ce  que 
je  ne  considère  guieres  pour  ma  curiosité,  car  je  n'y  regarde  guieres 
que  l'histoire,  et  ce  qui  y  peult  servir.  C'est  pourquoy  je  ne  m'amuse 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  515 

pas  à  faire  des  suiltes  impériales  de  médailles  grecques,  ne  de  colonies, 
ains  je  les  range  selon  l'histoire. 

Pour  le  regard  du  Marc  Aurele,  celuy  qui  en  a  nettoyé  la  teste  a  cslr 
bien  discret  à  mon  gré,  et  n'y  a  rien  gasté,  mais  au  revers,  parce  qu'il 
ne  le  sçavoit  pas  deviner,  encores  y  a-t-il  corrompu  quelque  chose  et 
des  lettres  et  de  la  figure,  ce  qui  faict  que  je  ne  la  puis  priser  h  l'esgal 
de  ce  que  je  ferois,  s'il  n'y  eust  pas  louché  si  avant. 

Quant  à  celle  de  Conmiode,  elle  a  esté  si  mal  traictée  que  c'est  pitié 
et  n'y  est  resté  guieres  de  vestiges  par  lesquelles  on  puisse  distinguer 
({uelle  sorte  de  couronne  c'estoit,  car  les  rayons  que  vous  y  trouvez 
sont  bien  clairsemez,  et  bien  mal  rangez,  pour  en  tirer  grande  instruc- 
tion, et  qui  pis  est  l'inscription  reduicte  en  bien  mauvais  estât  pour  la 
lisre,  comme  il  fauldroil;  tant  y  a  que  vous  m'avez  faict  plaisir  de  me 
l'envoyer,  et  m'en  feriez  encores  davantage  si  vous  m'envoyiez  celle  que 
vous  dictes  avoir  de  l'Hadrian  avec  une  pareille  couronne,  aflin  d'es- 
sayer si  par  l'une  nous  pourrions  ayder  ou  suppléer  les  deffaults  de 
l'autre,  ou  pour  le  moings  qu'il  vous  pleust  nous  en  envoyer  une  em- 
preinte de  plomb,  et  si  aviez  l'empreinte  de  celle  que  dictes  avoir  veu 
d'Auguste  avec  une  semblable  couronne,  je  la  verrois  aussy  fort  volon- 
tiers, pour  avoir  de  quoy  appuyer  les  conjectures  qui  s'y  pourroient 
faire,  lesquelles  vont  à  vauleau,  quand  on  n'a  qu'une  seulle  pièce  si 
mal  conservée  et  si  corrompue  de  l'antiquité,  oii  l'on  peult  quelques 
foys  imaginer  d'aussy  diflerentes  figures  sur  un  mesme  corps  que  dans 
les  niies. 

J'ay  veu  volontiers  cette  pièce  barbare  bien  que  les  lettres  soient  in- 
cogneiies,  et  de  cette  sorte  là,  j'en  prendray  volontiers  tant  qu'il  s'en 
trouvera  à  vendre. 

Cette  médaille  grecque  avec  l'inscription  AHMOC,  est  de  celles  qui 
tombent  dans  ma  curiosité,  mais  je  plains  la  perte  de  l'inscription  du 
revers,  où  il  a  esté  touché  peu,  mais  encores  y  a  t'il  porté  quoique 
préjudice.  Gez  ouvriers  prepareurs  de  médailles  ne  debvroienl  jamais 
toucher  aux  grecques,  qui  leur  sont  moings  cogneues  et  moings  fami- 
lières que  les  latines. 

65. 


51G  LETTRES  DE  PEIRESC  [16-27| 

Reste  encores  la  Salonine  où  il  n'y  a  rien  d'extraordinaire  pour  une 
médaille  grecque,  et  si  bien  elle  est  grossière  cela  n'est  pas  mal  com- 
patible avec  son  siècle. 

Touchant  la  médaille  du  Labaruni  que  \oiis  aviez  mise  dans  vostre 
lettre,  j'en  avois  une  avec  le  niesme  Labarum  et  une  Victoire  au  revers, 
de  sorte  que  la  vostre  ne  s'accoupple  pas  mal  avec  la  mienne.  J'avois 
pareillement  une  de  cez  medaillettes  avec  le  sceptre  d'un  costé,  et  la 
couronne  et  lettres  de  l'autre,  oultre  la  semblable  que  vous  m'aviez 
envoyé  l'année  précédente,  et  pense  avoir  une  centaine  de  petites  mé- 
dailles latines  de  cuivre  battues  depuis  Auguste  jusques  à  Hadrian,  dont 
la  pluspart  appartiennent  aux  Empereurs,  et  sont  un  peu  plus  malai- 
sées à  deschifîrer  que  les  ordinaires  des  autres  grandeurs  qu'on  appelle 
petites,  mezzanes  et  grandes.  Et  souvent  si  bien  les  noms  des  enqje- 
reurs  y  sont,  leurs  images  n'y  sont  pas  estant  ains  des  Dieux  et  des 
Déesses,  ou  des  autres  choses  appartenantes  aux  deitcz.  11  y  en  a  parniy 
(juelques  unes ,  comme  cez  vostres  deux ,  et  une  douzaine  d'autres  sortes , 
bien  malaisées  à  deschilîrer.  Je  ne  les  ay  jamais  bien  exactement  exa- 
minées. Mais  en  rangeant,  s'il  plaict  à  Dieu,  mes  antiques  à  cet  esté, 
et  r'assemblant  celles  qui  doivent  estre  ensemble,  nous  verrons  si  nous 
en  pourrions  tirer  quelque  l'ruict  et  quelque  sens. 

Pour  les  medaillettes  de  plomb,  j'en  avois  a])porlé  de  Rome  une  cin- 
(juantaiue  où  il  y  en  a  de  plus  ou  moings  extravagantes,  mais  je  ne  les 
ay  pas  peu  trouver  maintenant  à  ma  main,  pour  les  comparer  avec  les 
vostres.  Je  vouldrois  avoir  veu  les  i  5o  que  vous  dictes  avoir  recueillies, 
pour  chercher  si  de  tout  cela  et  de  toutes  les  miennes,  il  ne  se  lireroit 
poinct  quelque  lumière,  pour  juger  à  quel  usage  elles  peuvent  avoir 
esté  i'aictes,  car  l'extravagance  y  est  si  grande  en  plusieurs,  qu  il  est 
lort  malaisé  de  les  réduire  soubs  aulcune  règle.  Toutes  foys  il  ne  lault 
désespérer  de  rien,  et  je  vous  remercie  bien  fort  de  la  douzaine  que 
vous  m'avez  envoyée  maintenant,  dont  je  ne  vous  diray  pas  mon  advis 
que  je  n'aye  retrouvé  le  fagot  des  miennes,  entre  lesquelles  j'en  avois 
mesmes  aulcunes  aussy  larges  que  les  médailles  ordinaires,  mezzanes 
et  plus. 


[1627]  À  CLAUDE  MRNRSTRIKR.  517 

J'oiihliois  (le  vous  dire,  k  propos  de  ces  petites  romaines  de  enivre, 
que  si  vous  en  rencontrez  une  bien  nette,  de  celles  rju'Ant.  Augustinus 
a  mises  dans  son  premier  Dialogue*,  où  il  y  a  deux  braaselets  et  un 
laurier,  je  l'achepteray  volontiers,  à  prix  nioderé,  car  celles  que  j'av 
sont  un  peu  mal  conservées.  J'en  ay  une  avec  l'inscription  MIÎTAR. 
DELM.  mais  il  n'y  a  poinct  de  nom  d'empereur  et  me  ferez  plaisir  de 
m'envoycr  empreinte  des  vostres  deux  où  est  le  MET.  NOR.  et  le  ME- 
TA H.  DELM.  avec  les  noms  de  Trajan  et  d'Hadrian ,  si  ce  n'est  que  vous 
venilliez  [vous]  desl'aire  <i  prix  médiocre  des  originaulx,  auquel  cas  je 
les  achepterois.  Sinon  je  me  contenteray  des  empreintes. 

Pour  en  venir  à  voz  colonies,  j'eusse  bien  mieux  aynié  voir  un  roolle 
pièce  pai-  pièce,  avec  les  inscriptions  desdictes  colonies,  pour  mieux 
juger  de  ce  que  peult  importer  le  recueil,  car  je  ne  considère  pas  la 
suitte  des  images  des  empereurs  qui  y  sont  représentez,  comme  ce  qui 
est  do  riiistoire  particulière  des  dictes  colonies.  Tant  y  a  que  je  verrois 
volontiers  ou  les  empreintes  ou  les  originaulx  des  colonies  de  TYHO 
et  de  COL.  TROAS  et  de  COL.  AER.  CAIMTOLINA,  de  COL.  FL. 
NEAPOLIS  grecque  ou  latine,  de  COL.  LI.  COR.  et  spécialement 
<le  celle  (|iïe  vous  mettez  toute  la  première  en  vostre  roolle  de  Jule 
moyen,  avec  Auguste  et  CORIN.  et  celle  (jue  vous  mettez  la  dernière 
de  M.  AGRIPPA. 

Au  surplus  povir  les  médailles  grecques  on  de  colonies  généralement, 
je  prends  plaisir  do  recueillir  toutes  celles  de  Marc  Aurele  et  d'Alexandre 
Severe,  qui  sont  des  plus  ordinaires,  car  elles  ne  sont  pas  rares  comme 
des  autres  empereurs  qui  ont  moings  vescu.  Et  oultre  ce,  toutes  les 
médailles  grecques  où  sont  représentées  des  Montagnes,  de  queltjue 
(!nq)ereur  et  grandeur  que  ce  soit,  comme  aussy  de  celles  de  BYZAN- 
TIVM,  et  particulièrement  -de  celles  qui  ont  des  fuseaux.  Et  finale- 
ment de  cez  médailles  soit  de  cuivre  ou  d'argent,  qui  ont  des  caractères 

'   Dùiloffos  du    medallas,    inscrkiones    ij  rKspagne  (ses  SOTijsflpvragwi  de  droit  retn- 

(itnw  uiiliirucdadex.  Ex  biblintheca  Anl.  Au-  plissent  dix  voluincsin-fol.),  naquit  h  Sara- 

(fiislini.  {Tnrrajjona,    1S87,   in-/r.)    Anl.  <;osseen  1  SiG,  fut  i-vt^iiup  de  l,<'rida,aiTlio- 

Auguslin ,  un  dos  plus  Itfconds  énidits  de  vé(iue  de  Tarragone  et  mourut  eu  t  bSC>. 


518  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

Samaritains,  excepté  cez  sicles  letradragmes  (?)  tels  que  celuy  qu'a  mis 
Ant.  Augustinus,  dont  j'en  ay  plusieurs. 

Voilà  maintenant  pour  vous  dire  en  gros  ce  qui  touche  ma  curiosité 
de  tout  ce  que  vous  m'avez  demandé.  J'oubliois  de  vous  dire  que  j'ay 
quelques  médailles  avec  la  couronne  de  Testes  et  quelque  dessein  de 
figure  antique  couronnée  de  cette  sorte.  Si  M?""  le  cardinal  Buoncom- 
pagni  estoit  homme  qui  voulust  bailler  empreinte  des  deux  médailles 
qu'il  a  avec  telles  couronnes,  il  y  auroit  moyen  de  luy  rendre  re- 
vanche. 

Il  ne  me  reste  plus  pour  satisfaire  à  toute  vostre  lettre  qu'il  me  sou- 
vienne si  ce  n'est  que  je  vous  félicite  des  beaux  présents  que  vous  avez 
faicts  à  Ms'  le  cardinal  Barberin.  Je  vouldrois  qu'ils  vous  vallussent 
quelque  chose  de  bon,  principalement  vostre  discoui-s  sur  la  figure 
d'Harpocrates,  de  laquelle  je  [recevrois]  volontiers  le  dessein,  atten- 
dant que  vous  mettiez  vostre  discours  au  jour.  Je  pense  avoir  plus  de 
2  0  figures  difîerentes  du  dict  Arpocrates  et  de  bien  différante  antiquité. 
Il  feroit  bon  voir  un  petit  rolle  des  figures  dudict  Arpocrates  que  vous 
alléguez  en  vostre  libvre,  si  vous  y  marquiez  les  differances  de  l'une  à 
l'aultre,  sur  quoy  je  finis  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur. 

DE  Peiresc 

D'Aix,  ce  dernier  mars  1697  '. 


XIII 
À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Avant  que  faire  responce  à  la  vostre  par  laquelle  accussés  avoir 
receu  le  M.  A.  IVLIANVS  je  me  croyois  tant  faire  auprès  des  antiquaires 

'  Bibliothèque  de  l'Kcole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  271 ,  fol.  28. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTUIER.  519 

qui  6ont  à  Rome  que  de  tirer  une  copie  de  touts  le»  Tyrans 
qu'ilz  ont  dans  leurs  cabinets  comme  desirez,  ce  que  je  n'ay  peut 
obtenir,  s'  Ludovico  Compagne  estant  malade,  un  aultre  nommé 
Gotifredi  estant  hors  de  la  ville,  lequel  m'a  asseuré  en  avoir  six  ou 
sept  hors  ceulx  que  sçavés  estre  ordinaire;  par  le  prochain  ordi- 
naire je  ne  mancqueray  vous  les  faire  tenir.  Je  tira  dernièrement  d'un 
cabinet  une  petite  medalle  de  la  forme  des  Cornelia  Salonina  grecques 
que  l'on  treuve  ordinairement  me  croyant  estre  icelle  du  premier 
abbord,  mais  la  considérant  j'apperceul  qu'elle  avoit  le  visage  plus 
rond  et  qu'il  y  avoit  moings  de  letre  lesquelles  disent  C-ElITIMrA 
(si  je  ne  me  trompe)  ZHNOBIA  C6B.  La  parole  OBIA  C6B.  estant 
fort  claire  ayant  au  revers  l'espérance  avec  L*  E*.  Je  ne  sçay  si  ce 
pouroit  estre  Zenobia  n'en  ayant  jamais  veu  aulcuries  médailles.  Sça- 
'chant  qu'avez  goust  es  médailles  Grecques  je  choisis  dernièrement 
entre  des  médailles  apportées  de  Naples  six  assez  curieuses  pour  le 
prix  de  sept  escus  y  ayant  un  Néron  avec  Poppœa  Grec  non  comme 
l'ordinaire,  mais  une  teste  sur  l'aullre  et  au  revers  une  teste  femine 
turrite  disant  BEAN  PiiMHN  puis  AOMITIA  CEBASTH.  au  revers 
une  Diane  efese'  et  deux  rangs  de  letre  toutes  deux  moyennes  et  assez 
conservé,  une  Julia  Domna  lOTAIA  C6BASTH  ayant  au  révère  une 
femme  comme  Gybeles  turrita  appuyant  la  main  droilte  sur  un 
^  Lyon  et  haussant  sa  robe  de  la  gauche  et  letres 

.i^°V        KAPlieûN ,  une  aultre  lOTAIA  ATrOTCTA  d'ar- 


^J^^^^^^^-^  gent  bas  de  la  grandeur  d'une  pièce  de  dix  solz 
I'  =^       ayant  une  aigle  et  l'inscription  comme  d'un  Em- 

pereur DHMAPX  eZOTCIAG.  Un  Commodus  avec 
A       ce  révère  et  Caracalla  crotonié  ^  avec  la  merque 


o 

a: 


vie  d'argent  ^  ayant  au  revers  une  figure  dans  un 

lectisterne  comme  de  Néron,  mais  celle  icy  a  escript  en  bas  REGINA. 
Je  desirerois  fort  sçavoir  ce  qui  seroit  de  vostre  délectation  à  celle  fin 


'  On  a  reconiui,  malgré  Ifi  Iraveslissemonl,  Diane  (rKphèse.  —  '  C"est-à-<lire  de  (ifo- 
toiie,  croloniala. 


520  LETTRES  DE  PEIRESC  [16'i7] 

que  venant  occasion  je  vous  puisse  servir  avec  aullant  d'alTeclion  que 
je  me  dis  à  perpétuité, 
j\Ionsieur, 

voslrc  très  humble  et  afl'eclionné  serviteur, 
Cl.  Me.nethie. 
A  Rome,  ce  7  avril  «607  '. 

Depuis  ceste  escriple  j  ay  descouverl  trois  médailles  curieuses  des- 
quelles je  vous  envoyé  les  desseins.  Le  premier  est  un  Antonin  de  la 
grandeur  d'un  médaillon,  verd  beau  et  conservé.  Le  second  Comode 
semblablenient  verd  et  conservé  et  de  bon  maistre;  l'aultre  est  un  mé- 
daillon d'Antonin  Pie  lequel  n'est  si  conservé  que  les  deux  premiers 
desquelles  on  désire  avoir  douze  escus  de  monoye.  Si  désirés  les  avoir, 
je  tascheray  incontinant  les  achepter  et  Monsieur  Aubery  vous  les  fera 
tenir. 


XIV 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Il  me  desplaict  fort  que  les  médailles  et  l'inscription  de  bronze  que 
je  vous  envoya  ne  sont  esté  entièrement  de  voslre  contantement  comme 
metesmognés  parla  vostre,  entre  aultres  la  médaille  grande  d'Alexandre 
Severe appelle  et  tenue  à  Rome  pour  médaillon,  n'ayant  le  S.  G.  comme 
les  médailles  ordinaires;  pendant  que  ladite  médaille  a  esté  en  vente 
dans  Rome  personne  n'a  jamais  doublé  de  son  antiquité,  ce  que  plusieurs 
pouvoint  faire  à  cause  que  cest  hyver  passé  l'on  en  treuva  trois  de  mesme 
grandeurs  et  revers  dudit  Alexandre  en  nettoyant  les  cloacques  autour 
de  la  Rotonde,  l'un  desquels  a  esté  vendus  aux  Gotifredi  huict  escus 
et  l'aultre  qu'est  quasi  tout  consommé,  est  entre  les  mains  d'un  nommé 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  gS/ii,  fol.  191. 


[1C-27J  À  CLAUDE  MENESTIUI^FJ.  521 

Hierosrne  ([ui  rcnottc  '  les  médailles  à  la  consolalioii  <;l  par  celle  qu'il 
a  entre  les  mains  l'on  recognoit  que  ce  n'est  pas  seulement  la  su- 
perficie qui  soit  blanche,  mais  encore  le  dedans  du  mctail  comme 
de  ccsfe  ligue  basse  de  laquelle  sont  forgées  toutes  les  médailles 
d'Alexandre  jusques  à  Gallien.  Quant  à  celle  du  Talc  ou  astragale  de  la 
sorte  que  je  l'acliepta  de  Ludovico  Conqiagne  je  l'ay  tousjours  conservée 
sans  y  avoir  rien  touché;  celle  qui  m'est  venue  par  les  mains  est  encore 
pire;  pour  vosire  satisfaction  si  la  désirés  je  ne  mancqueray  vous  l'en- 
voyer et  choisirez  celle  qui  vous  plaira  le  plus.  Voyant  que  pour  ac- 
compagner les  trois  astragales  qu'avez  desirez  le  mien  d'ametiste,  m'en 
estant  venus  un  de  paste  de  mesme  couleur,  je  n'ay  voulu  mancquer 
m'en  priver  (si  bien  je  me  souvien  je  le  paya  5  ou  6  Jules.  J'ay  un 
poid  en  ayant  un  passant  de  part  h  l'autre;  si  le  désirés  je  vous  le  feray 
tenir ^)  encore  que  plusieurs  fois  je  sois  esté  impouiluné  de  m'en  def- 
faire,  mais  tout  ce  (jue  j'ay  parmy  mes  curiosités  je  vous  prie  de  les 
demander  franchement  que  pour  le  prix  qu'elles  me  coustcnt  je  vous 
en  serviray  fort  volontiers  en  recompense  de  la  faveur  qu'il  vous  pleut 
me  tesmoigner  par  celle  que  je  délivra  au  cardinal  Barberin  encore 
que  l'office  fusse  desja  conféré  et  desirerois  fort  avoir  le  moyen  vous 
en  pouvoir  gratifier  si  mes  moyens  le  permettoint,  mais  dès  le  temps  que 
j'heu  ce  bonheur  de  vous  veoir  à  Paris  j'ay  faict  des  grands  frais  pour 
m'entretenir  à  Rome  en  espoir  d'avoir  quelque  bénéfice  et  nonobstant 
la  longueur  du  temps  je  n'ay  rien  pourchassé;  que  si  j'avois  et  ob- 
tenois  quelques  clioses  par  deçà  incontinant  je  m'embarquerois  pour 
passer  plus  à  l'aisse  mes  curiosités  en  France  là  où  les  pouriez  exami- 
ner et  choisir  ce  qui  seroit  de  vostre  contanlement.  J'ay  accepté  du 
s'  Ludovico  Compagne  la  médaille  donné  par  Ant.  Augustin  laquelle 
est  fort  bien  conservé  pour  le  prix  de  huict  Jules.  Je  luy  ay  presanlé 
aultres  huict  Jules  de  la  médaille  de  Trajau  avec  MET.  NOR.  laquelle 
il  ne  m'a  voulu  délivrer  moings  de  quatre  testons.  Je  vous  envoyé  la 
mieime  qu'est  un  Hadrian  lequel  me  couste  deux  escus.  L'aullrc  avec 

'  Nettoie.  —  '  Ce  qui  est  entre  parenthèses  est  en  renvoi  ù  ta  marge. 

T.  66 


522  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

METAL.  DELM.  je  croy  qu'elle  soit  semblable  à  celle  que  me  dittes  avoir 
n'ayant  aultre  au  revers  qu'une  teste  d'un  Mars  et  l'aultre  costé  une 
curasse.  A  ce  propos  il  me  monstra  un  petit  Trajan  ayant  pour  revers 
une  figure  et  inscription  semblable  à  celle  que  je  vous  envoie  DARDA- 
NlCi.  La  mienne  au  lieu  de  Trajan  ayant  ROMA  laquelle  j'ay  payé 
2  Jules.  J'ay  prins  aussy  auprès  d'un  revandeur  de  médailles  ceste  icy 
jointe  avec  letres  incogneues  pour  le  prix  d'un  teston.  Ce  mesme  en  a 
encore  deux  ou  trois,  mais  avec  differens  characteres.  J'ay  bien  quantité 
de  médailles  extravaguantes  lesquels  je  n'ose  vous  envoyer  craynant 
qu'elles  ne  soint  de  vostre  délectation.  J'avois  prolongé  de  vous  escrire 
espérant  d'avoir  les  imprants  des  Tyrans  qu'ont  les  sig"  Golifredi ,  ce 
que  je  n'ay  encore  peu  obtenir  d'eux;  par  le  procbain  je  vous  escriray 
plus  amplement  et  vous  envoyray  les  inscriptions  de  divers  plombs  des- 
quels je  ne  retreuve  les  originaulx  et  aussy  une  copie  de  ma  figure 
d'Harpocrate  en  ayant  jusques  à  quinze  médailles  designés  et  pour  les 
accompagner  je  y  adjoinct  jusques  à  cent  médailles  de  Serapis,  Isis  et 
Anubis  et  diverses  graveures  non  donnés.  J'accepta  dernièrement  d'un 
cabinet  de  Naples  pour  5  escus  un  médaillon  de  forme  crotoniate  ayant 
la  teste  si  ordinaire  d'Invicta  Roma  ',  mais  elle  me  semblable  (sic)  extraorr 
dinaire  de  grandeur  comme  verrez  par  ce  dessein  accompagnée  d'une 
de  Gonstantinopolis  ayant  au  revers  VICTORIA  AVG.  represantant  une 
victoire  assise  couronnée  comme  Antiochia  tenant  un  rameau  d'olive 
de  la  droite  et  un  cornu  copias  de  la  gauche  fort  conservé  et  virge.  Je 
vous  supplie  m'excuser  si  je  vous  ay  escript  la  presante  en  presse  n'ayant 
respondus  à  la  vostre  comme  mon  debvoir  m'oblige;  attendant  l'ordi- 
naire suyvant  je  me  diray  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectionné  serviteur, 

Cl.  Menetiue. 
A  Rome,  ce  5  may  1627. 

Je  me  retreuvois  encore  les  petites  médailles  enchaînées,  lesquelles 

'  A  la  marge  Menestrier  a  dessiné  tant  bien  que  mal  un  homme  luttant  contre  une  bête 
féroce.  Ce  dessin  ne  nous  a  pas  paru  mériter  l'honneur  d'être  reproduit. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  523 

je  vous  supplie  accepter  de  bon  cœur  me  desplaisaiit  qu'elles   ne 
soint  davantage.  Le  cardinal  Sacrati  en  avoit  une  chesne  de  plus  de 


soixante  ' 


XV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  d'Avignon  voz  deux  despesches 
du  7  avril  et  U  may,  ensemble  les  quattre  petites  medaillettes  joincles 
à  la  dernière.  Et  peu  de  jours  aprez  je  receus  par  un  bon  liermile  de 
cez  quartiers  icy  les  autres  six  médailles  grecques  mentionntk'S  en 
vostre  première  lettre  dont  je  vous  remercie  trez  aftectueusement.  J'ay 
prins  plaisir  à  celle  de  Néron  avec  Poppee,  mais  j'en  eusse  bien  prin.s 
davantage,  si  la  seconde  moitié  de  l'inscription  du  revers  se  fust  peu 
lisre,  pour  sçavoir  le  lieu  ofi  la  pièce  est  battue,  car  il  est  bien  cer- 
tain que  c'est  en  quelque  lieu  où  l'on  tenoit  Rome  au  rang  des  Dieux 
tutelaires.  Et  c'est  tout  le  principal  fruict  qui  s'en  pouvoit  tirer,  ne  se 
pouvant  pas  dire,  comme  des  médailles  Romaines,  que  ce  fussent 
pièces  battues  par  ordre  de  l'Empereur  ou  du  Sénat  Romain.  Cette  Do- 
mitia  a  estce  fort  gastée  par  l'ouvrier  qui  l'a  nettoyée  ;  je  l'eusse  mieux 
aymée  sans  nettoyer,  et  eusse  bien  plus  commodément  leu  l'inscription 
du  revers,  que  l'on  a  tellement  corrompue  avec  le  burin,  qu'il  est 
malaisé  de  la  suppléer.  Celle  du  Commode  avec  l'aultel  seroit  encores 
bien  meilleure  si  elle  fust  demeurée  vergine,  comme  on  dict,  car  on 
ne  luy  eust  pas  effacé,  comme  on  a  faict,  la  datte  de  l'année  de  l'em- 
pire dudict  Commode  laquelle  estoit  dans  le  champ  de  l'aultel.  Cette 
inscription  AHMAPX'EEOVCIAC,  au  revers  de  Julia  Domma,  regarde 
la  republique  Antiochene,  où  la  médaille  est  battue,  et  non  la  qualité 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  qS^/),  foi.  189. 

66. 


5-2/1  LETTRES  DE  PEIRESC  [16-27] 

(le  iiinperatiice.  Car  en  ce  temps  là  loutles  les  médailles  d'Antioche 
de  ce  metail  et  grandeur  (comme  d  ;  plusieurs  autres  grandeurs  et  de 
simple  cuyvre)  portoienl  la  marque  ou  aulliorité  du  Senatus  Consultum 
et  du  Tribun  populaire.  J'en  ay  grand  nombre  de  cette  sorte  de  divers 
empereurs  et  impératrices,  avec  la  mesnie  inscription,  et  souvent  se 
contenloient  [trois  mots  non  déchiffrés^  S.  C.  et  A.  E. 

L'autre  Jalia  de  cuivre  me  plaict  davantage  pour  estre  vci-gine. 
Aussy  n'ay-je  poinct  eu  de  peine  d'en  suppléer  l'inscription.  Pour  la 
Grotoniatc  de  Caracalla  (selon  que  vous  la  baptisez),  elle  est  bien 
fruste  ou  usée,  et  l'inscription  du  revers  est  imperfetle,  car  il  s'en  void 
d'autres  avec  mesme  revers,  qui  ont  l'inscription  toute  entière,  sçavoir 
est  0LA^^1PIA  REGINA.  C'est  pourquoy  de  cette  médaille  là,  je  n'en 
eusse  pas  tant  faict  de  cas,  et  pour  toutes  cez  six  médailles,  estants  les 
cinq  petites  et  retouchées  aulcunes  comme  elles  sont,  et  les  autres  im- 
perfectes  ou  usées.  Je  vous  sçay  neantmoings  fort  bon  gré  de  tant  de 
bonne  volonté  que  vous  me  tesmoignez,  mcsnics  des  petites  médailles 
dont  vous  vous  estes  privé  pour  l'amour  de  moy,  entr'antres  de  ce 
MET.  NOR.  qui  estoit  fort  à  mon  gré.  Et  ne  ferois  pas  didiculté  de 
payer  le  quantum  du  Trajan  de  M''  Lnd°  Compagni  qui  a  la  mesme. 
inscription,  parce  que  cela  est  des  deppendances  de  mon  recueil  de 
Ponderibus.  M'  Aubery  vous  baillera  les  h  testons  pour  la  prendre,  s'il 
vous  plaict. 

Quand  vous  m'aviez  cotté  vostre  médaille  avec  l'inscription  r"^!»!') 
vous  l'aviez  rangée  en  deux  lignes  comme  celle  que  m'avez  envoyée 

du  (koS)  ce  qui  me  faisoit  juger  que  c'estoit  chose  différante  des  autres 

([ue  j'ay,  où  l'inscription  METAL  DELM  est  à  l'entour  d'un  corcellet. 
C'est  pourquoy  je  la  vous  avoys  demandée,  car  j'ayme  cez  differances 
de  symboles  soubs  mesme  inscription. 

Pour  celle  de  ROMA  et  DARDANICI ,  j'en  ay  une  pareille ,  mais  il 
importe  peu;  si  le  Trajan  de  M"'  Lud"  Compagni  avec  mesme  inscription 
DARDANICI  est  à  vendre  pour  deux  ou  trois  testons,  je  m'y  laisrois 
aller,  mais  non  pas  davantage,  parce  que  je  ne  suis  pas  bien  asseuré 


[1027]  A  CLAUDE  MENRSTRIER.  525 

([ue  ce  soit  dépendance  de  mon  recueil  comme  les  autres.  Celle  dii 
TRIVMP  de  M''  Gompaffiii  estoit  bien  à  mon  gré,  je  vous  en  remercie, 
comme  aussi  de  l'autre  qui  a  ces  lettres  extravagantes,  laquelle  n'est 
que  de  cez  Espagnoles  qui  sont  assez  communes,  et  qui  ne  sont  pas 
comme  les  Orientales,  toiles  que  celle  que  m'aviez  envoyée  l'autre  fovs 
et  que  je  vous  demandois,  mais  il  n'y  a  pas  de  danger,  car  il  s'en 
Irouve  h  boisseaux. 

Quant  aux  trois  pièces  de  la  escus,  je  pourrois  bien  [ici  ligne  ojfa- 
rrh,  ml  urée  par  Peiresc^  sçavoir  celle  d'Antonin,  avecle  Temple  sur  un 
mont,  et  celle  de  Commode  avec  un  cbarriot,  dont  j'en  a  y  de  semblables 
d'autres  enq)ereurs.  Mais  pour  le  grand  médaillon  d'Antonin  Pie,  avec 
une  simple  figure  de  Juppiter  sans  inscription  d'où  il  se  puisse  ap- 
prendre de  nouveau,  je  plaindrois  liuict  escus  si  ce  n'estoit  que  j'eusse 
besoing  d'en  faire  présenta  quelque  amy  qui  en  eust  fantaisie,  de  ceux 
qui  aiment  plus  la  maestria  que  la  doctrine. 

L'autre  dessin  du  médaillon  contornito,  de  ROM  A  INVICTA,  avec 
la  REl'ARATIO  MVNERIS,  et  la  médaille  de  Constantinopolis  touche- 
roient  bien  aucunement  ma  curiosité,  mais  j'aymerois  mieux  me  coii- 
lenter  d'une  empreinte  de  plomb  de  cliascunc.  Tant  y  a  qu'en  toute 
façon  vous  me  feriez  bien  plaisir  de  me  l'envoyer,  car  si  me  mandez  de 
la  vous  rendre  et  restituer,  je  le  feray  fort  fidèlement  comme  j'ay  faict 
une  infinité  de  foys,  à  feu  Me''  Lelio  Pasquaiini,  qui  m'envoyoit  les  ori- 
ginaulx  de  ses  plus  extravagantes  anticailles,  et  je  luy  envoyois  dos 
miennes  que  nous  nous  r'envoyions  respectivement  par  aprez,  y  ayant 
certaines  choses  qui  ne  se  discernent  pas  sur  les  empreintes  comme 
sur  les  originaulx,  et  s'il  y  a  moyen  d'avoir  des  empreintes  des  Tyrans 
tant  dudict  s""  Ludovico  Compagni  que  dell.  sign.  Godifredi,  vous 
m'obligerez,  et  en  ung  besoin  M'  d'Aubery  les  on  pourroit  j)rier  de  ma 
part  pour  fournir  les  fraiz  de  la  moulleure.  Je  tasclieray  de  mon  re- 
vancher  en  leur  endroict. 

Quant  au  médaillon  d'Alexandre  Severe,  il  estoit  fort  à  propos  de 

^  sçavoir  ce  que  vous  me  mandez  qu'il  s'en  soit  trouvé  trois  tout  d'un 

coup,  et  cela  meritoit  d'examiner  s'il  y  a  apparence  qu'ils  fussent  touts 


526  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

trois  venus  d'un  mesme  coing.  C'est  pourquoy  je  verrois  volontiers 
l'empreinte  de  celuy  que  vous  dictes  avoir  esté  achepté  8  escus  par  le 
s''  Godifredi,  pour  voir  si  la  superficie  s'y  est  mieux  conservée  qu'au 
mien.  Et  si  le  troisiesme  que  vous  dictes  estre  en  main  de  ce  s""  Hiero- 
nymo  che  i*enetta  le  medaglie,  est  à  vendre  à  prix  modéré,  je  l'achep- 
terois  volontiers  pour  en  faire  la  comparaison,  puisque  vous  dictes  que 
ce  qu'il  y  a  de  rouillé  ou  rongé  par  le  temps  sert  à  recognoistre  la 
qualité  du  metail  et  de  son  alloy.  Ou  bien  s'il  le  vouloit  confier,  je  le 
luy  renvoyerois  fidèlement,  aprez  l'avoir  veu,  si  ce  n'est  qu'il  y  mette 
un  prix  que  j'estime  pouvoir  donner  sans  regret.  J'en  dirois  volontiers 
de  mesmes  de  vostre  seconde  médaille  du  Talc,  dont  j'accepte  l'offre 
qu'il  vous  plaict  m'en  faire,  c'est-à-dire  je  seray  trez  aise  de  la  voir,  et 
d'en  comparer  l'inscription  à  celle  que  je  tiens  de  vostre  main,  à  cause 
de  ce  qui  s'y  trouve  des  vestiges  du  burin ,  et  puis  je  la  vous  renvoyeray 
soigneusement  si  ce  n'est  que  je  la  puisse  retenir  de  vostre  bon  gré 
pour  faire  que  l'une  confirme  ce  qu'il  y  peult  avoir  de  suspect  en 
l'autre  pour  le  regard  de  la  supposition  des  lettres  une  pour  autre, 
car  de  l'antiquité  de  la  pièce  je  n'en  ay  pas  doubté.  Et  serois  bien  aise 
d'entendre  si  M'  Lud°  Compagni  n'en  a  poinct  quelqu'une  semblable, 
qui  soit  bien  vierge  et  bien  conservée. 

Il  me  reste  à  vous  remercier  comme  je  faicts  trez  affectueusement 
du  petit  Astragale  d'Amethiste,  dont  je  ne  vouldrois  pas  que  vous  eussiez 
regret  de  vous  estre  privé,  et  vous  asseure  que  pour  ne  vous  en  priver, 
je  me  contenterois  facilement  de  celuy  de  Paste  antique  tombé  nou- 
vellement entre  voz  mains,  parce  qu'il  m'assortiroit  tousjours  le  nombre 
de  quattre  pièces  de  différentes  couleurs,  pour  en  jouer  ensemblement 
comme  faisoient  les  anciens,  et  si  vous  en  recouvrez  d'autres  de 
quelque  matière  que  ce  soit  (si  ce  n'est  de  cuivre,  car  j'en  ay  bon 
nombre),  me  ferez  plaisir  de  les  achepter  pour  moy,  et  d'en  prendre 
vostre  rembourcement  de  M""  d'Aubery.  Tant  y  a  que  de  quelque  façon 
que  vous  fassiez,  je  ne  suis  pas  résolu  d'accepter  celui  d'Amethiste, 
que  vous  ne  receviez  par  mesme  moyen  dudict  sieur  d'Aubery  le  rem- 
bourcement de  tout  ce  qu'il  vous  couste.  Pour  le  poids  antique,  oi!l 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  527 

vous  dictes  qu'il  y  a  un  astragale  qui  passe  d'un  coslé  de  la  médaille 
à  l'autre,  j'en  ay  un  du  poids  d'une  once,  de  cuyvre.  Si  le  vostre  est 
])areil,  je  n'en  ay  pas  de  besoing,  mais  s'il  estoit  d'autre  grandeur  ou 
de  plus  grand  poids,  je  ne  serois  pas  [éloigné  de  l'accepter]'. 

11  vous  fault  encores  des  remerciments  de  ce  petit  chesnon  de  me- 
daillettes  de  cuyvre,  dont  il  fault  bien  que  vous  receviez  pareillement 
vostre  payement  de  M"'  d'Aubery,  avant  qu'il  me  les  envoyé  de  par  deçà. 
Je  n'entends  nullement  que  vous  me  fassiez  des  présents,  et  encores 
moings  que  vous  mettiez  en  ligne  de  compte  les  recommandations  qut- 
j'ay  faictes  pour  vous,  car  je  ne  l'ay  faict  que  par  amitié  et  pour  l'es- 
time en  laquelle  je  tiens  vostre  vertu  et  louable  curiosité,  marry  de 
n'avoir  plus  de  crédit  pour  assouvir  ce  qui  seroit  de  voz  souhaicts  pour 
vous  voir  logé  quelque  part  selon  vostre  génie.  Que  si  vous  vous  con- 
tentiez de  quelque  médiocre  bénéfice  en  ce  pais  icy,  possible  y  au- 
roit  il  quelque  moyen  de  vous  contenter.  Mais  il  fauldroit  sçavoir  de 
quelle  nature  vous  vouldriez  qu'il  fust,  à  sçavoir  si  pour  avoir  cure  d'ame 
vous  en  seriez  moings  satisfaict,  de  quel  revenu  vous  vous  contenteriez 
(ju'il  fust,  car  nous  avons  des  amys  qui  en  confèrent  quelques  foys. 
J'ay  bien  quelques  collations  de  mon  abbaye,  mais  elles  ne  sont  qu'en 
Guienne.  En  tout  cas  mandez  moy  vostre  volonté  et  si  y  entendez, 
escrivez  moy  vostre  nom,  surnom,  aage,  qualitez  et  cappacitez  néces- 
saires, car  s'il  arrivoit  quelque  vacance  nous  verrions  de  vous  faire 
remplir.  Et  puis  ce  qui  est  bon  à  prendre  est  bon  à  rendre  s'il  n'agrée. 
Sur  quoy  attendant  vostre  résolution  je  finis  en  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  3  juin  1627. 

M'  Aubcry  me  mande  que  vous  luy  aviez  parlé  d'une  autre  table 
d'yErain  escripte.  Je  m'imagine  que  ce  soit  de  celles  qui  furent  trouvées 

'  Je  rétablis  entre  crochets  le  sens  de  trois  ou  quatre  mots  qui  avaient  élé  ratura  par 
Peiresc  et  qu'il  n'avait  pas  song-d  à  remplacer. 


528  LETTRES  DE  PEIRESC  [1027] 

ensemblement  avec  la  mienne,  et  par  conséquent  que  l'inscription 
s'en  trouvera  dans  le  livre  de  Gruterus.  C'est  pourqnoy  je  seroys  bien 
aise  que  vous  m'eussiez  mandé  laquelle  c'est  de  celles  de  Grutherus, 
et  si  elle  n'y  estoit  pas,  comme  il  se  pourroit  faire,  envoyez  m'en 
l'inscription  entière,  et  me  mandez  si  les  médailles  enchaînées  du 
(eu  cardinal  Sacrati  estoient  de  mesme  grandeur  et  de  mesme  siècle 
que  les  vostres,  ou  si  vous  vous  souviendriez  de  quelle  qualité  elles 
estoient'. 


XVI 
À  MONSIEUR  m  PEIUKSC. 

Monsieur, 
J'esperois  avoir  tant  de  bien  et  de  faveur  des  Signori  Gotifredi  et  de 
Lud"^"  Compagni  que  d'avoir  ce  que  desiriez  d'eux  mentionné  par  les 
voslres ,  c'est  asçavoir  une  copie  des  Tyrans  qu'ils  ont.  Les  Gotifredi 
m'ont  asseuré  d'en  avoir  jusques  à  cinq  ou  six  oultre  les  communs;  je 
n'ay  tant  peu  faire  auprès  d'eux  que  d'en  avoir  une  veiie,  estant  si  soup-' 
sonueux  qu'ils  n'ont  jamais  monstre  leurs  medalles  à  personne  qui  fut 
en  Rome,  allegant  qu'ils  ne  les  monstreront  que  lorsqu'ils  auront  l'hon- 
neur d'avoir  le  plus  beau  cabinet  de  Rome;  ils  ont  ja  achepté  six  ou 
sept  estudes  ^.  Tout  ce  que  j'ay  peu  auprès  d'eux  est  une  veùe  de  la 
chesne  de  medalles  de  feu  le  cardinal  Sacrati  avec  occasion  de  con- 
fronter la  mienne  en  laquelle  il  y  a  plus  de  soixante  médailles  et  entie 
chascun  chaisnon  une  boucle  de  la  grosseur  et  largeur  de  la  médaille 
fort  bien  façonné.  Elle  commence  par  Gallien  et  y  sont  comprins  plu- 
sieurs empereurs  du  bas  Empire  sans  ordre.  Je  suis  esté  plusieurs 
fois  chez  le*  s'  Ludovico  pour  veoir  les  siennes  lequel  est  fort  difficile 
de  treuver  au  logis,  estant  faict  extraordinaire.  Je  le  pria  de  les  mettre 

'  Biljiiothèque  de  l'Écoie  de   médecine        de  livres,  de  manuscrits  et  d'objets  anti- 
de  Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  .Sa.  ques,  était  une  estude. 

'  Dans  le  sens  de  collections.  Un  cabinet  '  Meneslrier  a  écril  :  du  sieur  Ludovico. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  529 

sur  soy  ja  que  '  je  ne  ie  treuvois  jamais  au  logis.  Il  me  fit  veoir 
un  M.  Marcius  lequel  n'est  légitime  et  puis  quelques  aultres  ordi- 
naires comme  Martinianus,  Vetranio,  Nepotiano.  Il  a  bien  fort  beau  le 
Domit.  Domitiaims  avec  le  génie  de  la  fourme  des  Maximians.  Je  luy 
ay  oflert  de  la  petite  médaille  de  Trajan  ayant  une  figure  en  pied 
et  lettres  DARDANICI  comme  m'aviez  escrit,  jusques  à  trois  testons, 
laquelle  il  n'a  voulut  délivrer.  De  la  mesme  grandeur  j'ay  plusieurs 
Empereurs  comme  Auguste,  Tibère  et  Claude  tous  trois  avec  le  revers 
de  Rom.  et  Aug.  Le  Gai.  et  le  INeron  sont  ordinaires.  Un  Galba  avec 
un  temple  et  le  nom  d'Agrippa.  II  vir.  Le  Vitelle^  avec  le  SC.  Vespasiaii. 
Une  palme  et  pour  revers  l'aspergile ',  la  patere  et  le  litue*  et  SC.  Ves- 
pasian  avec  le  caducée  et  cest  inscription  de  la  teste  IMP  •  VESP  •  AVG. 
Au  revers  VESP-POINTRP-  sans  le  SC.  Le  Tite  semblablement  petit 
levant  la  teste  comme  Alexandre  au  revers  une  palme  et  la  figure  plo- 
rante  avec  P^ft  ou  quelque  chose  semblable  et  le  SC  et  IVD.CAP.  Le 
Domitian  CAES  •  AVG  •  F.  Au  revers  le  caducée  comme  Vespas.  et  letres 
DOMIT  •  COS  .  II  sans  SC  ayant  la  leste  comme  le  Vesp.  Nerva.  Il  n'y 
a  point  de  teste.  Trajan  avec  un  Hercules  en  majesté  comme  en 
argent  et  le  S  C.   Hadrian  avec  une  proue  de  navire  et  le  S  C.  Le 

mesme  avec   ^  comme  en  Néron  et  Trajan.  Une  aultre  avec 

une  lyre.  Une  autre  avec  une  aigle.  Trois  signes  militaires.  Antonin 
avec  un  caducée  et  la  clave**  croisse  et  S  C.  et  quelques  aultres  ordi- 
naires. J'ay  voulu  vous  spécifier  ces  petites  medalles  de  ce  coup  ayant 
taché  d'accomplir  une  petite  suytle  ce  que  je  pense  ne  puis  faire  que 
jusques  à  Pertinax.  Selon  que  desirez  veoir  l'aultre  médaille  de  l'aslra- 
galle  que  je  m'estois  réservé,  je  n'ay  voulu  mancquer  vous  l'envoyer 
telle  que  je  l'ay  accepté  la  médaille  de  ceste  couronne  avec  des 
pointes  quoyque  fruste  pour  confronter  avec  celles  que  je  vous  fis 

'  C'est-à-dire  :  puisque.  '  Ici  deux  mots  de  lecture  si  difficile  que 

'  Singulière  traduction  du  nom  Vilelltus.  je  n'ose  les  reproduire  dans  le  texte  {Cér. 

'  Ce  que  nous  appelons  i'aspersoir.  Quinq.)  et  que  je  me  dtkide  à  les  remplacer 

'  De  lituus,  bâton  augurai  courW  par  le  prudeunnenl  par  des  {)oinl8. 
baut.  '  Massue. 


67 


530  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

atenir.  Celle  que  je  vous  avois  mentioné  semblant  qu'elle  veulle  dire 
CEPTIMIA  ZHNOBIA  CEB.  Si  je  ne  me  trompe  l'on  Ireuve  plusieurs 
Col.  Sal.  de  la  mesme  forme;  mais  le  né  aquilin  et  les  letres  OBIA 
fort  distinctes  m'a  doné  à  juger  le  contraire,  me  remettant  du  tout  à 
vostre  goust  et  entière  cognoissance.  Une  teste  avec  characteres  in- 
cogneus.  J'av  pessé  le  poids  avec  l'astragalle  que  je  vous  avois  mandé 
lequel  pesé  une  once  manque  une  quarte.  Si  je  sçavois  vous  aggreer, 
je  ne  manquerois  vous  le  faire  tenir.  Parmy  une  quantité  de  medalles 
consulaires  j'en  treuva  deux  lesquelles  je  paya  qualres  Jules,  jugeant 
pouvoir  estre  de  vostre  curiosité  l'une  ayant  un  astragalle;  et  de  la 
mesme  famille  et  mesme  marque  j'en  vis  plus  de  quarante,  avec  toutes 
des  différantes  marques.  J'en  treuva  deux  avec  des  abeilles  lesquelles 
je  donna  à  Monsegneur  le  card'  Barberin.  L'aultre  m'a  semblé  curieuse 
ayant  une  balance  avec  son  pied,  bien  [que]  l'on  ne  la  voye  entière- 
ment. Si  je  jugeois  avoir  quelque  aultre  chose  de  vostre  curiosité,  je  ne 
manquerois  vous  l'envoyer.  Mes  colonies  sont  arrivé  à  présent  à  cent 
<]uinze  ;  il  y  a  plus  de  six  mois  que  je  fais  toute  diligence  auprès  du 
s'  Ludovico  pour  en  avoir  trois  ou  quatre  qu'il  a,  entre  aultres  un  Ma- 
crin  grand  avec  COL.  Hispal.,  mais  je  ne  le  puis  joindre.  Je  vous  eusse* 
ja  envoyé  un  inventaire  plus  exacte  que  celuy  que  je  vous  envoya  il  y 
a  quelque  temps,  mais  ayant  tousjours  heu  espoir  si  j'estois  pourveu 
de  quelque  chose  m'en  passer  par  delà,  là  où  auriez  la  commodité  de 
veoir  et  considérer  les  originaulx.  J'ay  vou  la  responce  que  Monsegneur 
le  cardinal  Barberin  se  degna  vous  faire  en  ma  faveur  touchant  la 
Vaticane,  mais  peut  estre  que  vivront  plus  que  moy  ceux  qui  ont  les 
offices  d'icelle  et  pour  moy  je  ne  puis  plus  beaucoup  icy  séjourné  pour 
le  grand  frais  estant  à  mes  despends.  Je  vous  remercie  fort  haultement 
l'offre  qu'il  vous  a  pleut  de  me  faire  touchant  le  bon  désir  qu'aviez  de 
me  procurer  quelques  bénéfices  en  vos  chartiers;  ce  me  seroit  tropl 
d'honneur  que  de  vous  pouvoir  rendre  quelques  services  par  delà. 
Mais  il  y  a  une  difficulté  laquelle  n'est  pas  petite  moy  estant  né  soubs 
une  aultre  courone  ',  encore  que  ma  mère  soit  de  France  et  y  ayons 
'  La  couronne  d'Espagne. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  531 

encore  son  bien  pour  le  presant  el  que  Monsieur  ie  baron  de  S' Georges 
appelle  Mardouin  de  Clermont  gendre  de  Madame  de  Montgias  gou- 
vernante jadis  des  Enl'anls  de  France  '  soit  mon  seigneur  temporel  et 
que  mes  parents  encore  pour  le  presant  iuy  rendent  service  lorsque 
ledit  seigneur  est  à  la  court  ou  en  Anjou;  neantmoings  estant  Bour- 
guignon Contois  je  ne  croy  pouvoir  obtenir  bénéfice  en  la  France,  ce 
que  j'heusse  receu  à  grandissime  faveur,  mais  il  lault  avoir  patience. 
J'ay  desja  demande  plusieurs  choses  par  deçà  et  n'ay  peu  rien  obtenir 
au  Conté.  Je  vis  tousjours  en  espérance  que  Monseg'  le  Cardinal  me 
favoriseray  et  que  j'auray  le  moyen  en  passant  vous  faire  veoir  el  offrir 
le  peu  de  raretés  que  j'ay  tout  ce  qui  sera  de  vostre  volonté  et  en 
estant  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre  plus  humble^  et  plus  obéissant  serviteur. 

Cl.  Menestrie. 
A  Rome,  19  juillet  16:17'. 


XVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  lettre  du  1 9  juillet,  dans  une  despesche  de  M'  d'Au- 
bery,  ensemble  les  six  médailles  qui  y  cstoient  joincles,  vous  remerciant 
par  un  million  de  foys  de  tant  de  marques  de  vostre  cordiale  bien- 
veUlanceen  mon  endroit,  dont  j'ay  regret  de  tant  tardera  me  revanclier 
comme  je  desirerois  selon  vostre  mérite,  si  je  ie  pou  vois,  ou  au  moins 
selon  mon  petit  pouvoir,  à  quoy  je  vous  prie  de  croire  que  je  ne  man- 

'  La  baroiiniede  Monlglas  ou Monglat  (car  sa  fille,  Jeanne  de  Harini,  marii^e  à  Hanlouin 

oa  trouve  les  deux  formes),  dans  la  Brie  de  Cleruionl,  seijfueur  de  Sainl-lieoi-ges. 
(Seine-el-Maine),  fut  éngée  en  maniuisal  '  Menestrier   a    («crit    deux   foi»  le  mol 

en  faveur  de  Robert  de  Harlai,  baron  de  humble. 

Monlglas.  À  la  mort  de  celui-ci  le  mai-quisnl  '  BibliotluM|ue  nalionale,  fonds  français, 

fut  contirmë  (décembre  1637)  en  laveur  de  9544,  fol.  187. 

O7 


532  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

queray  poinct,  l'occasion  s'en  présentant.  Et  pour  la  difficulté  que  vous 
faictes  sur  vostre  naisçance  hors  de  ce  Royaulme,  elle  seroit  bien  tost 
Vuidée.  Enquerez  vous  de  M""  Barclay  ^  et  il  vous  dira  que  je  luy  fis 
expédier  ses  lettres  de  naturalité,  et  pour  vous  il  seroit  beaucoup  plus 
facile  principalement  si  c'estoit  pour  ce  pais,  car  j'obtiendrois  fort  faci- 
lement des  lettres  de  naturalité  pour  vous,  et  y  mettant  l'adresse  en 
ce  paï?,  je  les  vous  ferois  vérifier  bien  plus  facilement  qu'à  Paris,  et 
aprez  elles  ne  laisroient  pas  de  vous  servir  pour  tout  le  Royaulme.  En 
un  besoing  sans  bouger  de  Rome,  vous  en  pourriez  bien  tenir  quelqu'un 
[c'est-àr-dire  quelque  bénéfice]  de  ceux  de  Bretaigne  ou  ailleurs,  avec 
un  peu  de  faveur  comme  M"'  Barclay.  Mandez  moy  si  le  trouvez  bon,  et 
puis  me  laissez  faire  le  reste.  Gela  ne  vous  sçauroit  pas  nuire  à  mon 
advis,  et  peult  servir  quelque  jour.  Mais  en  ce  cas  envoyez  moy  vostre 
nom,  vostre  naisçance,  le  nom  de  voz  père  et  mère,  et  leur  naisçance, 
vostre  aage  et  un  peu  de  mémoire  de  voz  facultez,  telles  qu'elles  sont 
et  ne  vous  sousciez  d'autre  chose.  Si  vous  avez  des  ordres,  mandez  moy 
jusques  oïl  vous  avez  esté  promeu.  En  un  besoing  nous  aurons  icy  la 
vérification  de  la  Chambre  des  Comptes  sans  que  vous  y  veniez  perso- 
nellement,  car  ils  ne  sont  pas  si  difficiles  en  cela  que  ceux  de  Paris  et 
j'ay  mon  frère  qui  y  est  premier  président-,  et  tant  d'autres  parents 
et  bons  amys  que  j'en  auray  tout  ce  que  je  vouldrois  en  justice  dans  la- 
quelle je  trouve  que  vostre  affaire  est  trez  asseurement. 

Venant  au  surplus  de  vostre  lettre,  je  trouve  certainement  un  peu 
estrange  la  procédure  de  Mess"  les  Godifredi,  mais  il  fault  laisser  un 
chascun  dans  son  humeur,  et  se  contenter  de  ce  qu'on  en  peult  avoir; 
si  pour  le  moins  ils  vous  disoient  les  noms  des  Tyrans  qu'ils  ont,  ce 
seroit  quelque  chose  pour  juger  s'il  y  en  auroit  aulcun  qui  fut  plus 
extraordinaire  que  le  commun. 

Je  vous  remercie  de  la  relation  que  m'avez  faicte  de  la  chaine  du  Car- 
dinal Sacrati  et  avois  creu  que  c'eust  esté  quelque  chose  de  meilleur  siècle. 

Pour  le  s'  Ludovico  Compagni,  il  tesmoignoit  autres  foys  d'estre  de 

'  L'abbé  Barclay,  fils  du  poète  romancier.  —  '  Henri  de  Seguir.m. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  533 

mes  amys,  el  m'a  cscript  quelque  foys^  S'il  mettoit  prix  à  son  Domi- 
tius  Domitianus,  el  qu'il  fust  à  quelque  raison,  je  l'acheplerois.  Parlez 
iuy  en  de  ma  part  et  m'en  escrivez  la  responce. 

Quant  à  vostre  petite  suitte,  je  trouve  cela  assez  curieux,  et  je  pense 
en  avoir  un  grand  nombre,  bien  que  sans  avoir  affecté  d'en  faire  aul- 
cune  suilte.  Mais  je  vouldrois  bien  que  m'eussiez  faict  voir  ce  petit 
Titus,  avec  le  revers  TVD.  GAPT.car  j'ay  quelque  chose  d'approchant 
et  je  n'ay  pas  bien  sceu  discerner  pour  n'estrc  pas  bien  net.  Au  reste 
je  vous  ay  bien  de  l'obligation  des  médailles  que  m'avés  envoyées,  tant 
des  deux  d'argent,  dont  il  vous  a  pieu  souffrir  que  Mons'  d'Aubery  vous 
aye  r'embourcé,  comme  j'ay  prins  plaisir  de  voir  cet  Astragale  (que  je 
n'avois  pas  autres  foys  recogneu  pour  tel  en  autres  pièces  quasi  pareilles) 
et  cette  balance  ou  qui  se  peult  benignenlent  interpréter  pour  telle, 
comme  des  quattre  de  cuivre,  lesquelles  je  pensois  vous  renvoyer  par 
cet  ordinaire,  mais  je  n'ay  pas  eu  le  loisir  de  chercher  deux  ou  trois 
pièces  que  j'y  voulois  comparer  et  j'ay  bien  creu  que  pour  un  ordinaire 
plustost  ou  plus  tard,  vous  ne  le  trouveriez  pas  mauvais  de  moy.  Car 
elles  ne  tarderont  pas  de  vous  eslre  fidellement  rendues.  Et  si  je  trouve 
ce  que  j'ay  sur  ce  subject,  possible  ne  serez  vous  pas  marry  d'eti  ap- 
prendre la  conferance.  Cependant,  pour  la  couronne,  elle  semble  fort 
celle  du  Commode,  dont  vous  m'avez  cy  devant  accommodé,  et  c'est 
grand  dommage  que  l'inscription  en  soit  si  effacée  comme  elle  est.  Celle 
des  caractères  incogneus  est  fort  bigearre,  et  bien  que  de  goffe  main 
ne  mérite  pas  d'estre  négligée  nom  plus  que  toutes  celles  où  vous  trou- 
verez des  caractères  extraordinaires.  Il  s'en  trouve  souvent  là  de  celles 
qui  ont  des  caractères  Samaritains,  comme  les  Sicles.  Quand  vous  en 
rencontrerez,  vous  me  ferez  plaisir  singulier  de  me  les  retenir,  s'il  vous 
plaict. 

Celle  des  Astragales  a  quelque  chose  de  meilleur  que  l'autre  sem- 
blable, principalement  en  ce  qu'elle  est  vergine,  mais  l'autre  a  aussy 
quelque  advantage  en  ce  qu'elle  semble  de  Métal  Corinlhicn,  ce  qui 

'  On  ne  liouve  aucune  lettre  de  Liulovico  Gonipag;ni  dans  les  recueils  d'Aix  et  de  Caqwn- 
tras.  Les  mêmes  recueils  ne  contiennent  aucune  lettre  de  Peiresc  b  ce  colleclionaeur. 


53i  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

peult  aussy  servir  pour  conjecturer  à  peu  prez  le  temps  que  l'une  et 
l'aiiltre  peuvent  avoir  esté  battues,  car  l'usage  de  ce  métal  n'a  pas  duré 
trop  long  temps  dans  Rome.  Et  pour  celle  de  vostre  ZHNOBIA  c'est  la 
vérité  que  la  faulte  ou  manquement  d'un  6  au  mot  de  CEIITIMIA  pour 
CEIITEIMIA  pourroit  ayder  l'ombrage,  avec  ce  peu  qu'il  y  a  de 
brouillé,  ce  semble,  aux  trois  premières  lettres  ZHN.  Et  sur  la  pre- 
mière veiie,  il  me  revint  en  mémoire  une  médaille  de  mesme  manière 
qui  estoit  autres  foys  passée  par  les  mains  [sic  pour  :  mes  mains]  d'6T- 
CEBIA,  femme  de  Constantin.  Mais  l'ayant  bien  considérée  je  ne  pense 
pas  que  ce  soit  la  mesme,  et  ne  vouldrois  pas  opiniastrer  que  ce  ne 
puisse  estre  véritablement  une  Zenobia.  C'est  pourquoy  vous  m'avez 
faict  un  singulier  plaisir  de  trouver  bon  que  j'en  eusse  la  veiie,  aussy 
je  vous  en  remercie  bien  fort  et  espère  de  n'en  demeurer  pas  ingrat. 

Au  reste  je  me  suis  apperceu  que  les  deux  médailles  consulaires 
d'argent  ont  esté  reblanchies  d'une  façon  que  tenoit  feu  M^"'  Lelio  Pas- 
qualini  en  la  pluspart  des  siennes,  et  que  je  practiquerois  volontiers 
en  aulcunes  qui  sont  trop  couvertes  d'ordeure  et  de  saletté,  et  vous 
prie  de  vous  enquérir  comment  se  faict  ce  blanchiment  sans  qu'il  y 
demeure  rien  de  la  farine  ou  couleur  de  piastre  qui  y  demeure  au  blan- 
chiment commun  des  orfèvres ,  et  de  m'en  donner  advis  à  vostre  pre- 
mière commodité. 

Reste  le  faict  de  voz  colonies,  sur  quoy  je  vous  prie  de  vous  mettre 
un  jour  à  en  faire  un  inventaire  pour  l'amour  de  moy,  estimant  que 
vous  l'aurez  faict  dans  moins  d'une  journée,  puisqu'il  n'y  eu  a  que  cent 
et  quinze.  Cela  n'empeschera  pas  que  vous  n'y  adjoustiez  du  jour  à  la 
journée  celles  du  s""  Ludov"  Compagni  et  autres  et  que  nous  ne  voyions, 
un  jour,  les  oi'iginaulx,  si  vous  passez  par  icy.  Je  me  promets  cette  fa- 
veur de  vous,  et  que  vous  nous  ferez  voir  cette  petite  médaille  deTite, 
et  je  finiray  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  bien  humble  et  affectionné  serviteur, 
DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  a6  aoust  1627. 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTIUER.  535 

J'oubliois  de  vous  remercier  de  l'offre  de  vostre  petit  poids  avec 
l'Astragale.  C'est  la  vérité  que  j'en  ay  un  pareil,  mais  comme  le  temps 
a  beaucoup  diminué  de  leur  qualité  durant  tant  de  siècles,  je  ne  suis 
pas  marry  d'en  avoir  plusieurs  d'une  mesme  sorte, ains  j'y  prends  plaisir 
pour  en  faire  la  comparaison,  principalement  quand  la  pièce  en  est  [inot 
surchargé  et  illmble^.  C'est  pourquoy  soit  pour  celuy  là  ou  pour  autres, 
vous  me  ferez  plaisir  de  m'ontretenir  ce  qui  vous  en  viendra  à  la  nie- 
moire.  Que  s'il  s'en  trouvoit  quelqu'un  avec  la  brebis,  je  le  payerois 
plus  chèrement  que  tous  les  autres'. 


XVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIËR, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  lettre  du  dernier  de  septembre  ensemble  les  deux 
médailles  de  Titus  et  de  Commodus  que  M"'  Aubery  y  avoit  jointes  dont 
je  vous  ay  bien  de  l'obligation,  et  pour  responce  je  vous  diray  que 
j'ay  envoyé  en  Cour  le  mémoire  pour  obtenir  voz  lettres  de  naturalité, 
dont  j'espore  favorable  responce  au  premier  jour.  Le  voyage  du  Rov 
pourra  reculer  plusieurs  expéditions  pour  quelques  jours  ^  mais  je 
crois  bien  que  M?""  le  G[arde]  d[es]  seaux  ne  tardera  pas  d'arriver 
auprez  de  sa  persone-^,  et  le  Conseil  de  suyvre  bientost,  et  incon- 
tinant  nous  aurons  Dieu  aydant  vostre  afl'aire,  et  possible  encora<î 
plustost.  Cependant  vous  pourrez  préparer  une  procuration  en  blanc 
pour  en  vostre  nom  faire  présenter  en  ce  parlement  et  Cour  des 
comtes  les  lettres  qu'il  plaiira  au  Roy  vous  octroyer,  et  en  requé- 
rir la  vérification,  et  spécialement  pour  jurer  en  vostre  ame  de  voz 
moyens,  et  envoyer  coppie  authentique  de  voz  lettres  de  clericalure 

'  Bibliotlièqup  de  i'Kcole  de  médecine  de  Montpellier,  mis.  H  '171,  fol.  34. —  '  Louis  XIIJ 
était  arrivé  devant  La  Rochelle  le  1  si  octobre.  —  '  Miclrel  de  Marillac  était  garde  des  sceaux 
depuis  le  i"juin  16a  6. 


536  LETTRES  DE  PEIRESC  [1627] 

pour  les  faire  enregistrer  aux  Insinuations,  afin  de  vous  habiliter  aux 
bénéfices. 

Quant  aux  médailles,  puisque  le  s''  Lud.  Gompagno  faict  tant  le  ren- 
chery  de  son  Domitius  Domitianus,  il  le  luy  fault  laisser.  Il  est  vray 
qu'il  m'en  a  autres  foys  envoyé  une  empreinte,  dont  je  luy  ay  de  l'obli- 
gation. Quand  je  voyois  qu'il  vous  vendoit  de  ses  pièces,  je  croyois 
qu'il  ne  fit  pas  plus  de  difficulté  de  vendre  les  unes  que  les  autres. 

Si  vous  faictes  le  voyage  de  Naples,  enquerez  vous  que  sont  deve- 
nues les  médailles  du  feu  s"'  Pietro  Ant°  Guiberti  autres  foys  vicaire 
gênerai  du  cardinal  d'Aquaviva,  archevesque  dudict  Naples.  Il  a  voit  un 
Domitius  Domitianus  meilleur  à  mon  gré  que  celuy  du  s'  Lud.  Gom- 
pagno. Vous  essayerez  si  vous  le  pourriez  arracher  des  mains  des  hé- 
ritiers à  quelque  prix  toUerable. 

Ce  que  vous  me  dictes  du  FL.  NEPOTIANVS  GONSTANTINVS  AVB. 
n'est  pas  à  mespriser.  Si  la  médaille  n'est  à  vendre,  voyez  que  nous  en 
ayions  une  empreinte  à  vostre  commodité. 

J'admire  l'humeur  de  ces  Mess"  Godefridi  de  s'estre  faicts  tant  prier 
pour  vous  monstrer  si  peu  de  chose.  Toutefoys  je  ne  sçay  si  ce  n'est 
pas  par  mesgarde  que  vous  avez  escript  NIGRIAAO  pour  NIGRINIANO,' 
car  l'un  seroit  bien  différent  de  l'aultre,  et  meriteroit  d'cstre  plus  es- 
timé de  beaucoup ,  le  Nigrinianus  estant  fort  commun ,  et  l'autre  m'estant 
du  tout  incogneu.  J'ay  prins  plaisir  au  dessein  de  la  médaille  de  Sep- 
timus  Severus  avec  la  couronne  Rayonnéc,  et  en  eusse  bien  prins  da- 
vantage, s'il  y  eut  eu  moyen  d'en  avoir  l'empreinte  pour  deschiffrer 
l'inscription,  laquelle  est  si  corrompue  sur  le  dessein  que  le  meilleur  y 
est  du  tout  inexplicable. 

J'ay  veu  fort  volontiers  vostre  Gomraode  avec  la  teste  du  Lunus  et 
sa  thiare  estoilée,  en  quoy  vous  avez  bien  rencontré  pour  mon  goust. 
Car  toutes  ccz  thiares  me  plaisent,  mais  principalement  celles  qui  sont 
plattes  par  dessus  plus  que  les  rondes  et  que  les  poinctùes.  C'est  dom- 
mage que  le  Titus  ne  soit  un  peu  plus  net  comme  vous  dictes,  mais 
encores  le  trouve  je  bien  gentil. 

M"^  Aubery  ne  m'a  pas  envoyé  le  poids  de  l'Astragale,  mais  je  ne  laisse 


[1627]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  887 

pas  de  vous  en  estre  aussy  obligé  que  si  je  l'avois  receu.  11  est  trop  gros 
pour  mettre  dans  une  lettre.  Mais  soit  que  vous  recouvriez  les  h  co- 
lonies que  vous  pourchassiez  ou  non,  qu'il  ne  tienne  poinct  à  cela,  je 
vous  prie ,  que  nous  ne  voyions  un  inventaire  exacte  de  tout  ce  que 
vous  avez  de  cette  nature. 

Si  vous  trouvez  Ms'  le  cardinal  Boncompagno  en  bonne  disposition 
de  vous  laisser  prendre  quelques  empreintes,  n'oubliez  pas  celles  de 
caractères  barbares,  et  principalement  où  il  y  aura  des  thiares  et  dia- 
dèmes et  cherchez  si  vous  n'y  rencontreriez  poinct  une  petite  médaille 
de  cuivre  de  moyenne  grandeur  fort  nette  ayant  son  vernix  fort  verd  et 
conservé,  oii  estoit  l'image  d'un  Roy  et  l'inscription  BA2IAET2 
KOT'*"E.  Elle  estoit  mince  et  je  vous  cotte  cette  qualité,  d'aullant  qu'il 
s'en  trouve  quantité  qui  ont  de  pareils  noms  de  Roys,  mais  fort  es- 
poisses,  fort  goffes  et  fort  confuses.  Et  celle  là  estoit  de  bonne  main.  Je 
vouldrois  bien  en  avoir  une  empreinte  si  faire  se  pouvoit,  et  en  aurois 
bien  de  l'obligation  à  ce  grand  cardinal  s'il  daignoit  m'en  faire  la  grâce, 
aussy  bien  que  des  empreintes  des  couronnes  ornées  de  Testes,  en 
revanche  de  quoy  je  luy  pourrois  fournir  quelque  chose  de  ce  mesme 
subject  qui  ne  seroit  possible  pas  hors  de  son  goust. 

Je  suis  estonné  qu'on  ayt  laissé  perdre  là  l'invention  de  blanchir  ou 
nettoyer  les  médailles  d'argent  si  proprement  comme  faisoit  le  feu 
sieur  Pasqualin.  Je  crois  que  l'invention  ou  la  façon  se  trouveroit  par 
escript  entre  les  mémoires  du  feu  s"'  Lelio  Pasqualini,  et  que  si  ledict 
seigneur  Cardinal  la  faisoit  demander  à  son  héritier,  on  la  luy  com- 
muniqueroit.  Ce  sera  dommage  si  on  la  laisse  perdre  tout  à  faict. 

J'ay  entendu  volontiers  que  les  deux  médailles  consulaires  que  m'avez 
envoyées  soient  venues  du  cabinet  du  feu  s'  Natalitio  Benedetti.  Je  voul- 
drois bien  sçavoir  en  quelles  mains  est  tombé  tout  son  cabinet  et  vous 
remercie  de  l'usage  de  la  limaille  d'acier. 

J'ay  peine  de  croire  que  le  Dragon  qu'avez  donné  à  Mf  le  cardinal 
Barberin  soit  véritablement  un  serpent  aislé.  Je  vous  prie  de  m'en  faire 
un  peu  de  descrij)tion  exacte  à  vostre  loisir. 

Il  me  reste  à  vous  dire  que  si  M'  de  Thou  persiste  en  son  dessein 
,.  «8 


i]irKiiit.ait  «AtMiAU. 


538  LETTRES  DE  PEIBESG  [1628] 

de  voyage  du  Levant,  et  qu'il  ne  soit  encores  en  chemin,  vous  debvriez 

practiquer  de  l'accompagner,  car  vous  y  descouvririez  des  merveilles, 

avec  la  cognoissance  que  vous  avez  de  l'antiquité,  soit  en  médailles 

grecques  ou  de  colonies  et  estrangeres,  soit  en  graveures  et  inscriptions 

antiques,  et  y  acquerriez  de  grandes  cognoissances  de  cez  pais  qui  ont 

esté  autres  foys  les  délices  du  monde.  Songez  y  et  y  employez  M'  d'Au- 

bery  si  en  avez  le  courage,  et  m'envoyez  vostre  procuration,  car  nous 

ne  laisrons  pas  ponr  cela  de  songer  à  vostre  naturalité  et  à  voz  affaires 

si  l'occasion  s'en  présente.  Sur  quoy  je  finiray  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  bien  humble  et  affectionné  serviteur, 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  a8  octobre  1637  '. 


XIX 
À  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  lettre  du  12  d'avril  par  un  extraordinaire  d'Avi- 
gnon, et  ay  esté  infiniment  aise  d'apprendre  vostre  heureux  retour  du 
voyage  de  Naples  oii  je  ne  pensois  pas  que  vous  deussiez  l'aire  si  peu 
de  sesjour.  Mais  je  crois  bien  que  vous  n'avez  pas  voulu  laisser  revenir 
le  sieur  Quarteron  sans  vous,  puisqu'il  avoit,  je  m'asseure,  besoing  de 
vous  dans  Rome,  avant  que  d'en  partir.  Je  vous  remercie  trez  allec- 
tueusement  du  soing  que  vous  avez  eu  de  me  faire  tomber  en  main  la 
médaille  d'Alexandre  Severe  d'argent  bien  que  mal  traictée  de  l'anti- 
quité (pour  ayder  à  la  garantie  de  l'autre  pareille,  qui  sembloit  un 
peu  doubteuse).  Ensemble  les  autres  quattre  ou  cinq  médailles  et  le 
poids  antique  marqué  d'argent,  que  M"'  Aubery  me  mande  avoir  receu 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  971 ,  fol.  38. 


[16-28]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  539 

de  vous,  et  m'avoir  envoyé  le  tout  par  un  marinier  de  Marseille  qui 
n'est  pas  ericores  arriv<'\  Mais  je  ne  laisse  pas  de  vous  en  demeurer 
tousjours  auitant  redevable  que  si  j'avois  desja  receu  le  tout.  Je  ne 
suis  marry  que  de  ce  que  vous  n'avez  eu  ])atiance  d'attendre  que  le 
cardinal  Boncompagno  eust  faict  creuser  et  fouiller  soigneusement  le 
lieu  où  s'est  descouvert  d'Agathe  vers  Pozzuolo',  croyant  fermement 
qu'il  s'y  trouvera  quelque  fragment  de  peincture  antique,  ou  de  bas 
reliefs  de  stuccho^et  autres  beaux  ouvrages  du  bon  temps,  comme  j'y 
en  ay  trouvé  en  quelques  lieux  lorsque  j'y  fus,  et  possible  bon  nombre 
de  belles  médailles  et  pierreries  ou  graveures  antiques,  vases,  statues 
et  autres  singularitez.  Cela  mérite  d'y  retourner  exprez,  et  je  vous  con- 
seille de  le  faire  plus  tost  que  plus  tard,  de  peur  qu'il  n'arrive  aprez 
d'autres  occasions  qui  vous  en  ostent  la  commodité,  soit  par  absence 
dudict  seigneur  Cardinal  ou  par  obligation  vostre  de  faire  quelqiie 
autre  voyage  ailleurs.  Je  vouldroys  bien  que  la  recommandation  du- 
dict seigneur  Cardinal  envers  le  cardinal  Barberin  vous  fnst  assez  efVi- 
cace  et  utile,  pour  vous  faire  obtenir  quelque  bonne  pièce  et  cappable 
de  vous  donner  de  l'entretien  honorable.  Et  me  confie  tant  en  la  bonté 
divine  que  d'un  costé  ou  d'autre  quelque  chose  pourra  vaquer  qui  soit 
à  vostre  bienséance. 

Quant  à  voz  lettres  de  naturalité,  elles  ne  nous  peuvent  pas  man- 
quer avec  l'ayde  de  Dieu,  mais  jusques  icy  [il  y]  a^  eu  tout  plein  de 
malheur  en  l'expédition  qui  en  a  esté  retardée,  avec  beaucoup  de  regret 
de  ma  part,  car  il  vacqua,  cez  jours  passez,  une  petite  pièce  qui  eusse 
peult  estre  bien  esté  vostre  faict,  si  toutes  choses  eussent  esté  bien  dis- 
posées de  vostre  part.  Le  malheur  est  procédé  principalement  de  ce 
que  depuis  quelque  temps  l'Inlante  avoit  faict  didiculté  de  laisser  na- 
turalizer  des  Françoys  dans  les  pais  de  son  obéissance,  pour  y  pouvoir 
posséder  des  bénéfices,  quoyque  cela  eust  esté  ainsin  réciproquement 
practiqué  de  tout  temps.  De  sorte  qu'en  revanche  de  ceste-  diflRcolté 
nouvellement  introduicte  de  la  part  de  l'Infante,  on  a  priTïs  résolution 

'   Pouzzoles,  à  10  kil.  de  Naples.  —  '  Stuc.  —  *  Petite  d<feliirupe  du  papirr. 

68. 


540  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

au  conseil  du  Roy  de  refuser  dezhorsniais  lettres  de  naturalité  avec  la 
clause  de  pouvoir  tenir  bénéfices  en  France,  à  tous  les  subjects  des 
Païs  bas.  Et  soubs  ce  prétexte  voz  lettres  furent  refusées  au  seau ,  lors- 
qu'elles eurent  esté  reformées  en  termes  de  déclaration,  comme  je 
vous  avois  cy  devant  faict  entendre.  Mais  depuis  ayant  faict  agir  mes 
amys  en  Cour,  on  fit  trouver  bon  à  M^  le  Garde  des  seaulx  de  vous 
excepter  vous  de  cette  rigueur,  attendu  que  le  Roy  vous  avoit  octroyé 
cette  grâce  avant  que  ledict  règlement  rigoureux  eust  esté  faict.  Et 
neantmoings  ledict  seigneur  Garde  des  seaux  trouva  encore  depuis  un 
autre  prétexte  pour  ne  pas  seller  vos  dictes  lettres  lorsqu'elles  luy 
furent  présentées  au  dernier  seau  qu'il  tint  à  Paris  avant  que  retourner 
à  la  Rochelle,  à  cause  qu'on  luy  avoit  dict  que  vous  estiez  maintenant 
à  Rome  et  non  encores  en  France.  Mais  on  me  mande  que  dans  peu 
de  jours  on  les  luy  représentera  avec  asseurance  que  vous  estes  dans 
le  Royaulme  et  nous  ne  laisrons  pas  de  vous  faire  obtenir  d'autres  lettres 
du  Roy  (qui  ne  passeront  pas  par  cez  mains  là)  pour  vous  dispencer 
de  la  residance  en  ce  Royaulme  pour  quelque  temps,  comme  si  vous 
estiez  là  par  commandement  du  Roy  et  pour  son  service.  Il  fauldra 
avoir  encor  un  peu  de  patiance.  Tant  y  a  qu'il  a  esté  résolu  au  conseil 
du  Roy  que  voz  lettres  seroient  sellées  avec  la  clause  pour  pouvoir 
tenir  des  bénéfices  en  France.  Seulement  ledict  seigneur  Garde  des 
seaux  dict  qu'il  vouloit  attendre  que  vous  fussiez  venu  de  Rome  et 
lors  il  les  selleroit.  Ce  qu'on  repoursuyvra  maintenant  au  camp  de 
la  Rochelle. 

Cependant  taschez  de  faire  un  peu  de  cognoissance  avec  quelques-uns 
des  Provençaulx  qui  sont  à  Rome,  soit  d'Avignon  ou  de  Provence,  Re- 
ligieux ou  Séculiers,  dont  il  y  a  tousjours  bon  nombre,  aux  fins  qu'il 
s'en  puisse  trouver  icy  quelques-uns  qui  puissent  estre  tesmoings  en 
l'information  qui  se  fera  icy  touchant  vostre  bonne  vie  et  mœurs,  pour 
la  vérification  de  voz  lettres  sitost  qu'elles  seront  venues.  Et  tousjours 
fauldra  il  une  procuration  vostre  pour  requérir  ladicte  vérification,  et 
jurer  en  vostre  ame,  sur  la  qualité  des  moyens  et  facultez  que  vous 
pouvez  avoir  à  peu  prez  par  devers  vous,  et  puis  nous  pourvoyrons 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTHIER.  541 

bien  au  reste.  Et  quand  vous  vous  resouldrez  de  venir  faire  une  pro- 
menade jusques  icy,  il  vous  sera  fort  aisé  de  le  faire  et  à  peu  de  fraiz 
sur  les  barques  des  Martegaulx  ou  Marseillois  qui  sont  d'ordinaire  à 
Porto  S  ou  à  Rome  mesmes. 

Gez  jours  passez,  le  sieur  Prieur  de  Revilladc  d'Avignon  s'embarqua 
à  Porto  le  sammedy  sainct,  à  22  heures  [sic),  et  arriva  à  Marseille 
sain  et  saulve  le  lundy  de  Pasques  à  heure  de  Vespres.  Et  si  vous  ve- 
nez icy,  vous  trouverez  tousjours  retraicte  céans,  où  vous  aurez  une 
chambre  et  tout  ce  qui  vous  sera  nécessaire,  tant  qu'il  vous  plairra,  sans 
qu'il  vous  faille  entrer  en  aulcune  despance. 

Au  surplus  je  suis  en  de  grands  arrérages  de  remerciments  envers 
vous  de  tant  de  belles  singularitez  que  vous  m'avez  faict  tenir  par 
M'  d'Aubery,  et  dont  vous  m'avez  non  seulement  baillé  la  preferance 
sur  les  autres  qui  les  eussent  peu  tirer  de  voz  mains,  mais  sur  vous 
mesmes,  dont  je  suis  bien  résolu  de  me  revancher  en  vostre  endroict 
de  bonne  sorte,  ou  je  ne  pourray,  ne  me  tenant  pas  pour  quitte  en 
vostre  endroict  pour  le  remboursement  que  vous  vous  en  estes  laissé 
faire  par  ledict  sieur  d'Aubery,  principalement  pour  cette  pièce  que 
vous  appeliez  du  Tallc  quoyque  double,  d'aultant  que  l'une  me  semble 
servir  de  beaucoup  pour  la  recommandation  de  l'autre.  Si  la  première 
se  fust  trouvée  vierge,  elle  eust  peu  suflire  pour  satisfaire  à  mes  con- 
jectures, mais  ayant  esté  retouchée,  il  y  avoit  beaucoup  à  redire,  et  la 
seconde  n'est  pas  telle  qu'elle  peust  si  bien  quadrer  auxdictes  conjec- 
tures comme  la  première,  mais  en  revanche  elle  sert  de  plaine  garantie 
de  l'antiquité  de  la  première  et  toutes  deux  ensemble  font  l'opération 
qui  s'y  pouvoit  désirer  à  mon  gré. 

L'autre  médaille  qui  vint  conjoinctement  avec  celle-cy  n'estoit  pas 
moings  curieuse.  C'est  pourquoy  vous  m'avez  bien  obligé  de  me  la 
vouloir  despartir  si  libéralement,  ensemble  celle  du  petit  Titus,  le 
Commode  avec  la  teste  de  Lunus,  l'Antonin  avec  le  Juppiter  assis  ac- 
compagné d'une  figure  couchée  et  les  autres  médailles  avec  des  carac- 

'  BoiM-{î  siliui  il  18  kilomèlres  sud-oucsl  de  Rome,  sur  la  rive  droite  du  Tibre,  près  de 
son  cniboucimre. 


542  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

teres  estrangers,  principalement  cez  Thiares  et  coiffeures  si  extra- 
vagantes, comme  aussy  les  poids  quarrez  et  principalement  celuy  de  la 
demy  livre,  et  si  de  cette  forme  quarrée,  avec  les  marques  d'argent, 
il  s'en  trouvoit  quelqu'un  du  poids  de  la  livre  entière,  je  le  payerois 
volontiers  et  des  plus  petits  jusqucs  à  la  sixiesme  partie  de  l'once ,  comme 
j'en  ay  veu  autresfoys  bien  souvent  lorsque  je  n'en  estois  pas  si  curieux 
comme  à  présent.  Je  vous  félicite  l'acquisition  des  petites  médailles 
grecques  de  l'empire  que  vous  avez  faicte  à  vostre  voyage  de  Naples. 
C'est  une  marchandise  où  l'on  ne  sçauroit  estre  mauvais  marchant,  car 
la  petitesse  faict  que  le  prix  en  est  modéré,  et  on  ne  laisse  pas  d'y  trouver 
bien  souvent  des  revers  ou  inscriptions  aussy  curieuses  qu'aux  grandes. 
J'aurois  bien  à  vous  entretenir  sur  vostre  précédante  despesche,  à  la- 
quelle j'ay  tant  différé  de  respondre.  Je  voulois  pour  cet  effect  revoir  les 
médailles  que  j'ay  en  assez  bon  nombre  de  GDL.  TYRO.  METROP.  etc., 
mais  j'ay  esté  longtemps  sans  trouver  le  loisir  de  les  chercher  et  quand 
je  les  ay  cherchées  en  leur  vraye  place,  j'ay  trouvé  que  je  les  en  avois 
tirées  autresfoys  pour  en  faire  des  empreintes  et  ne  les  avois  pas  re- 
mises en  place,  de  sorte  que  j'auray  bien  de  la  peine  à  remettre  la  main 
dessus.  Il  y  en  avoit  tout  plein  de  semblables  à  aulcunes  des  voslres 
que  vous  avez  desseignées,  et  autres  différantes  qui  neantmoings  eussent 
peu  servir  à  l'esclaircissement  des  vostres  selon  ce  que  vous  désiriez. 
Mais  il  ni'a  fsUu  souffrir  cette  mortification.  Cependant  cela  a  esté  cause 
du  long  retardement  de  ma  responce  sur  ce  subjecl,  dont  je  vous  prie 
me  vouloir  excuser. 

Pour  les  trois  premières  que  vous  dictes  avoir  tirées  sur  les  desseins 
d'^Eneas  Viens',  j'estimerois  bien  la  troisiesme  où  vous  marquez  cer- 
tains caractères  sur  les  deux  colonnes  qui  sont  deçà  et  de  là  de  l'Olivier. 
Car  cez  caractères  pourroienl  donner  de  l'exercice  à  ma  curiosité.  Mais 
l'inscription  TYRIORVM  ne  m'agrée  pas,  et  crains  fort  qu'iEneas  Vicus 
n'ayt  mal  leu  les  lettres  qui  pouvoient  estre  sur  cette  médaille,  aussy 
bien  que.surla  première.  Celle  que  vous  marquez  la  lo""  de  Valerian 

'  Sur  Enea  Vico,  le  célèbre  antiquaire  du  xvi*  siècle,  voirie  recueil  Peiiesc-Dupuy.  I.  I, 
p.  434. 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  543 

entre  les  vostres,  où  est  le  raesme  Arbre  entre  les  colonnes,  est  fort  de 
mon  goust,  et  si  celle  que  Monseigneur  le  cardinal  Barberin  a  eiie 
trouvée  en  la  Vigne  de  son  palais,  est  toute  pareille  à  la  vostre,  comme 
il  semble  qu'elle  doibve  estre  à  vostre  discours,  je  vous  payerois  fort 
volontiers  la  vostre  si  estiez  en  estât  de  m'en  octroyer  la  preferance. 
Sinon  je  me  contenteray  bien  d'une  empreinte,  ensemble  de  celle  que 
vous  marquez  la  7'"*'  du  mesme  Valerian,  où  est  l'Aigle,  avec  l'escritteau 
par  dessus.  Et  si  nous  pouvions  voir  l'original,  possible  trouverions  nous 
le  moyen  de  deschiffrer  ledict  escritteau.  Que  si  vous  vous  mettez  à  en 
faire  des  empreintes ,  vous  m'obligeriez  encores  davantage  si  vous  y  met- 
tiez toutes  celles  de  ladicte  Colonie  de  Tyrus,  pour  m'en  envoyer  des 
empreintes  de  toutes,  mesmes  d'une  autre  de  Diadumenian,  qui  n'est 
pas  représentée  en  voz  desseins,  laquelle  j'ay  trouvée  exprimée  dans 
le  roolle  gênerai  de  voz  colonies  avec  l'Hercule  sacrifiant  et  la  SALO- 
NINA  avec  la  Pourpre,  mais  principalement  desirerois  je  l'empreinte 
de  celle  d'Olacilia  cotlée  4,  où  vous  marquez  les  noms  deTYUO  et  de 
SIAON  ensemble. 

Je  n'ay  pas  veu  ce  livre  des  Antiquitez  de  Gades  en  espagnol  ',  et  s'il 
s'en  trouvoit  là  à  vendre,  vous  me  feriez  un  singulier  plaisir  d'en  donner 
advis  à  M""  Aubery,  afin  qu'il  me  l'acheptast.  Au  moings  vous  prie  je  de 
m'en  envoyer  le  tiltre  et  lieu  de  l'édition,  afin  que  j'en  envoyé  demander 
en  Espagne. 

La  balance  ployante  est  bien  gentile,  et  mérite  désire  conservée 
soigneusement.  Et  sur  ce  je  suis  constraint  de  finir  pour  ce  coup,  vous 


'  Peiresc  écrivait  à  PietTe  Dupuy,  un  mois 
plus  tard  (9  juin  ifiaS)  :  fil  y  a  un  aultre 
livre  de  médailles  que  je  n'ay  jamais  veu  el 
que  je  verrois  bien  volonliei's  si  par  kazard 
il  en  arrivoit  de  par  de  la  sur  le»  antiquitez 
de  la  ville  de  Gades  en  Hespagne ,  oîi  j'en  ay 
demandé  sans  en  pouvoir  recouvrer.»)  On 
connaît  deux  ouvrages  anciens  sur  les  anti- 
({niU^s  de  («idix,  l'un  de  1610  :  Grandetas 
y  antiffueiladeg  de  Li  kta  y  ciudad  de  Cadti 


par  J.  B.  Suarez  de  Salaiar,  clianoine  de  Ca- 
dix; l'autre  :  Hùtoiia  y  uHliguedades  de  Cadit 
par  le  dominicain  Thomas  de  Lima.  I>e8  ex- 
cellents bibliographes,  Antonio,  d'une  part. 
Quetif  et  Kcliard,  d'aulre  pnH.  n'indiquent 
pas  la  date  de  ce  dernier  ouvrage.  Serait-ce 
celui  dont  Peiresc  entretenait  ses  correspon- 
dants? 11  n'est  pas  probable  qu'il  n'rlamât 
le  livre  du  chanoine  Suarez  do  Salazar  publit' 
depuis  dix-huit  ans. 


544  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

asseurant  de  la  continuation  de  mes  bonnes  et  sincères  intentions  pour 

voslre  service  et  demeureray, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
D'Aix,  ce  h  may  1698  '. 


XX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Par  le  dernier  ordinaire  d'Avignon  je  receus  vostre  lettre  du  6  may, 
et  sammedy  dernier  je  receus  les  petits  fagots  que  M""  d'Aubery  m'avoit 
envoyez  par  mer  avec  les  bardes  de  M''  le  vicomte  de  Fourrières  où 
je  trouvay  les  six  médailles  et  un  petit  poids  que  vous  luy  aviez  remis 
à  vostre  retour  de  Naples  moyennant  vostre  rembourcenient  de  ce  peu 
que  vous  y  aviez  fourny  pour  l'amour  de  moy.  En  quoy  vous  m'avez 
grandement  obligé,  vous  advoiiant  ingénument  que  vous  avez  bien  ren- 
contré mon  goust  au  choix  de  toutes  cez  petites  pièces  si  extravagantes , 
mesmes  en  cette  grosse  médaille  d'Alexandre  Severe  quoyquc  mal  traic- 
tée,  non  seulement  de  la  rouille,  mais  aussy  des  burins  de  celuy  qui 
l'a  nettoyée.  Car  je  l'eusse  estimée  beaucoup  plus  toute  pucelle  et  avec 
sa  rouille  entière.  Mais  elle  ne  laisse  pas  d'opérer  ce  que  je  desirois, 
car  puisqu'elle  paroit  tousjours  indubitablement  antique,  elle  peult 
servir  de  garantie  de  l'antiquité  de  l'autre  précédante  que  vous  m'aviez 
envoyée  cy  devant,  qui  est  ce  dont  nous  pouvions  estre  en  peine.  Et 
si  par  hazard ,  il  vous  en  passoit  par  les  mains  d'autres  à  peu  prez  pa- 
reilles du  mesme  metail  soit  dudict  empereur  ou  autres,  et  soit  de  pa- 
reille grandeur,  ou  autre  plus  ou  moings  grande,  pourveu  qu'elle  ex- 
cède la  façon  commune  des  deniers  romains  de  ce  temps  là,  mesmes 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Moîitpellier,  ms.  H  271,  fol.  ho. 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  545 

s'il  s'en  trouvoit  de  plus  petites  que  les  deniers  d'argent  ordirinir«»s  du 
mesme  empereur,  vous  m'obligerez  infiniment  de  me  les  accaparer  et 
faire  achepter  encores  qu'elles  fussent  aultant  et  plus  gastées  ou  rouil- 
lées  que  celle  cy,  quelques  revers  ou  inscriptions  qu'elles  puissent 
avoir.  Et  si  pareillement  il  se  rencontroit  de  médaille  d'or  du  mesme 
empereur  Alexandre,  de  grandeur  ou  petitesse  de  poids  extraordinaire, 
je  les  acheplerois  irez  volontiers  et  je  m'asseure  que  M'  d'Aubery  vous 
fournira  librement  ce  qui  y  sera  nécessaire. 

Ce  petit  poids  quarré  escript  en  lettre  d'argent  m'a  estt^'  fort  agréable, 
et  je  vous  prie  de  ne  rien  laisser  eschapper  de  semblable  quand  vous 
en  rencontrerez,  La  médaille  avec  ce  nombre  XLïï,  me  semble  fort  extra- 
vagante. J'en  ay  autresfoys  veu  grande  quantité  dans  Rome  qui  ont 
d'autres  nombres  différants  placez  comme  celle  là  dans  une  couronne 
de  laurier  ou  de  myrthe,  et  de  l'autre  costé  y  a  voit  des  figures  fort  bi- 
gearres,  sans  y  avoir  jamais  trouvé  chose  qui  peust  faire  juger  du 
temps.  Si  ce  n'est  qu'aulcunes  a  voient  le  visage  d'Auguste  et  d'autres 
celuy  de  Tibère  sans  aulcune  inscription.  Mais  celle  cy  a  une  figure 
qui  sembleroit  à  l'habit  estre  d'un  sieele  bien  bas,  n'estoit  qu'elle  est 
mise  dans  une  couronne,  qui  ressent  une  plus  grande  antiquité.  J'au- 
rois  volontiers  des  empreintes  de  toutes  celles  qui  se  pourront  trouver 
avec  de  tels  nombres,  afin  de  pouvoir  essayer  par  la  conferance  des 
unes  aux  autres  de  deviner  à  peu  prez  ce  que  ce  pouvoit  nstre. 

La  médaille  de  Trajan  avec  la  teste  de  veau  et  les  lettres  capitales 
sera  possible  de  quelque  colonie  et  semble  bien  bigearre,  mais  il  y  en 
a  une  autre  encores  plus  bigearre,  avec  des  lettres  latines  assez 
malaisées  à  interpréter.  Celle  de  l'Escrevice  avec  des  caractères  puniques 
ou  autrement  extraordinaires  est  assez  curieuse.  Mais  l'autre  grossette 
où  est  le  palmier  et  autrçs  caractères  eslranges  est  entièrement  de  mon 
goust.  J'en  avois  une  semblable,  mais  elles  sont  toutes  deux  si  mal  coi- 
gnées  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  restaurer  litiscription  entière  de  tous 
les  deux  costez  sans  le  secours  de  quelque  autre  semblable.  C'est 
pourquoy,  si  vous  en  pouviez  rencontrer  quelqu'autre  et  m'en  procu- 
rer ou  l'acquisition  ou  la  veue,  ou  bien  l'empreinte,  vous  me  feriei 


MPMSti't    BirMSMK. 


546  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

un  singulier  plaisir.  Je  vous  supplie  d'en  faire  exacte  recherche  chez 
les  curieux  de  par  delà,  et  m'excHser  de  la  peine  que  je  vous  donne. 

Reste  maintenant  à  respondre  à  vostre  dernière  lettre,  et  ce  faisant 
vous  dire  que  ce  n'est  pas  le  cardinal  de  Berule  qui  demandoitles  des- 
seins des  sicles,  ains  un  autre  Père  de  sa  congrégation  de  l'Oratoire, 
qui  est  sur  le  poinct  de  se  resouldre  à  faire  imprimer  une  Bible  en  ca- 
ractère samaritain  oii  il  se  vouloit  servir  des  caractères  desdicts  sicles'. 
Mais  ce  n'est  pas  ouvrage  qui  soit  encores  si  prest,  et  ne  sçay  si  je  ne 
me  resouldray  poinct  moy  mesmes  de  donner  ce  que  j'ay  en  cette  ma- 
tière qui  consiste  en  plus  de  cinquante  pièces  entre  lesquelles  il  s'en 
trouvera  bien  quelques  unes  assez  curieuses.  C'est  pourquoy  vous  me 
ferez  grande  faveur  de  m'ayder  à  avoir  tout  ce  qui  se  trouvera  de  cette 
nature,  sinon  les  originaulx,  au  moings  les  empreintes.  Si  on  ne  pou- 
voit  avoir  cez  empreintes,  encor  y  aura  il  quelque  soulagement  à  voir 
les  desseins.  Et  seray  bien  aise  que  vous  m'envoyiez  coppie  des  desseins 
qu'avez  baillez  à  M'  Aleaiidro,  pour  voir  s'il  y  auroit  rien  qui  m'eust 
eschappé.  Et  aprez  si  nous  avons  icy  quelque  bon  graveur  en  taille 
doulce  nous  verrons  s'il  seroit  à  propos  de  faire  graver  tout  ce  mien  re- 
cueil. Et  à  la  suitte  de  cela  quelques  autres  curiositez  des  dépendances 
de  cette  sorte  d'antiquitez^.  Si  vous  ne  pouvez  envoyer  par  mesme 
moyen  une  empreinte  de  la  médaille  d'Heraclius  que  vous  avez  nou- 
vellement recouvrée  avec  l'inscription  INDIGTIONE..  («te),  je  vous  en 
seray  bien  redevable.  Mais  en  ce  cas  je  vous  supplie  d'avoir  soing  que 
l'empreinte  soit  bien  nette,  principalement  en  l'endroict  de  la  fin  de 
l'inscription  du  revers,  afin  de  pouvoir  donner  quelque  jugement  des 
nombres  qui  y  pouvoient  estre  cottez. 

Quant  au  sieur  Garteron,  nous  ne  l'avons  poinct  veu  en  cez  quar- 
tiers icy,  et  quand  bien  luy  se  laisroit  voir,  je  ne  pense  pas  que  nous 
peussions  avoir  la  veiie  de  ce  qu'il  emporte,  principalement  des  marbres 
qui  seront  emballez  et  s'en  iront  de  Marseille  à  Lyon  sans  passer  en 

'  Il  s'agit  du  P.  Jean-Baptiste  Morin  si  '  Le  projet  dont  il  est  ici  question,  comme 

souvent  mentionné  dans  les  trois  volumes        tant  d'autres  beaux  projets  de  Peiresc,  ne  fut 
du  recueil  Peiresc-Dupuy.  jamais  réalisé. 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  Ul 

cette  ville.  Mais  de  ce  qu'il  pourra  avoir  achepté  en  chemin ,  possible 
nous  pourroit-il  monstrer  ([uelque  choselte  principalement  des  mé- 
dailles oi!i  je  ne  vouldrois  avoir  veu  que  les  grecques,  dont  j'eusse  bien 
creu  qu'il  eust  deub  faire  meilleure  provision  que  ce  que  vous  me 
mandez.  Cependant  je  vous  remercie  bien  fort  à  l'advance  de  la  petite 
lunette  propre  à  considérer  les  graveures  diaphanes  que  vous  me  pro- 
mettez par  le  prochain  et  tasciieray  de  me  revancher  en  quelque  fa- 
çon de  vostre  courtoisie  en  mon  endroit,  estant  de  tout  mon  cœur, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  i"jain  i6a8'. 

Geluy  qui  s'est  chargé  de  voz  lettres  de  naturalité  est  allé  en  (ïour 
et  passe  par  Thoulouse  pour  affaires  du  Roy.  Je  crois  qu'à  son  arrivée 
il  vous  fera  expédier.  Il  me  tarde  bien  que  cela  soit  faict. 


XXI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  2  5  may,  et  suis  attendant  la  lunette  que 
vous  y  aviez  joincte  pour  examiner  des  graveures  antiques,  estimant 
que  M' d'Aubery  ne  l'a  pas  osé  bazarder  par  la  poste,  de  crainte  qu'elle 
ne  fust  cassée;  j'en  ay  pourtant  receu  d'autres  de  différente  sorte  par 
la  poste,  fort  bien  conditionnées  dans  des  petites  boittes  fortes  et  bien 
garnies  de  cotton.  Ce  pendant  je  vous  en  remercie  de  tout  mon  cœur 
et  ne  vous  en  demeure  pas  moings  redevable  que  si  elle  estoit  arrivée  à 
bon  port.  J'avois  autres  foys  employé  à  cet  usage  des  petites  lunettes 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  371,  fol.  63. 

69. 


5il8  LETTRES  DE  PÉIRESC  [1628] 

qui  servent  à  regarder  des  petits  animaulx,  ce  qui  ne  m'avoit  pas  mal 
reuscy,  mais  je  m'imagine  que  la  vostre  (comme  faicte  exprez  pour 
cela)  aura  d'autresplus  grandes  commoditez  et  aizances  que  celles  que 
nous  avions  desja  et  produira  de  bien  meilleurs  et  plus  agréables 
effects. 

Bien  ay-je  receu  la  médaille  avec  l'inscription  ASSORV  et  CRYSAS 
dont  je  vous  remercie  de  irez  bon  cœur.  J'en  avois  autres  foys  veu  une 
pareille  entre  les  mains  de  feu  Vincenzo  délia  Porta  à  Naples,  frère 
aisné  de  Gio  Bapt.',  parmy  un  grand  recueil  de  trez  rares  antiquitez 
qu'il  avoit,  et  en  avois  mesmes  prins  une  empreinte  de  son  adveu,  et 
se  trouve  peinte  dans  le  Paruta-,  et  mentionnée  en  divers  autres  au- 
theurs.  Mais  je  n'ay  pas  laissé  de  la  voir  trez  volontiers  et  vous  en  sçay 
trez  bon  gré,  comme  aussy  des  empreintes  que  vous  me  promettez  des 
médailles  de  Tyro,  ayant  esté  bien  marry  que  i'advis  qui  vous  avoit 
r'amené  de  Naples  soudainement  n'ayt  reuscy  à  vostre  advantage  et 
(ju'il  se  soit  trouvé  un  ajutante  di  camara  qui  l'ayt  emporté  par  dessus 
vous.  Il  fault  avoir  patiance  puisque  vous  avez  tant  faict,  sans  perdre 
courage,  et  espérer  que  vostre  heure  viendra  un  jour. 

Quant  à  voz  lettres  de  naturalité,  jay  grand  regret  d'en  voir  si- 
longuement  retarder  l'expédition,  mais  celuy  qui  en  avoit  la  principale 
charge  et  qui  estoit  allé  faire  un  voyage  pour  le  Roy  à  Thoulouse  en 
devoit  partir  le  1 5  de  ce  moys  pour  se  rendre  à  la  Cour,  où  je  crois 
qu'il  soit  à  cette  heure  et  qu'il  les  fera  enfin  sceller  Dieu  aydant.  Aussy 
bien  nous  auroient  elles  esté  quasi  inutiles  jusques  à  présent  à  faulte 
de  vostre  procuration,  laquelle  il  est  bon  que  vous  envoyiez  le  plustost 
que  pourrez  pour  jurer  en  l'ame  de  vous  constituant  vSur  ce  qui  peult 
estre  de  voz  facultez,  où  il  n'est  pas  de  besoing  que  vous  exprimiez  les 

'  Jean-Baptiste  Porta,  né  en  i5io, mort  ou  littéraires.  Plusieurs,  comme  Peiresc, 

en  1 6 1 5 ,  est  le  célèljre  auteur  des  traités  De  ont  appelé  les  deux  frères  Délia  Porta, 

humana  jihysiognomonia  libri  IV  (i586,  in-  '  L'antiquaire  Filip.  Paruta  est  l'auteur 

(o\.)  et  De  Moffiœ  naturalis  sive  de  miracuUs  de  La  Sicilia  descriUa  con  medagUe  (Pa- 

rerum  naturatium  libri  XX  (iSSg,  in-fol.)  lerme,  i6ia,  in-fol.).  Paruta  mourut  e«i 

et  de  divers  autres  ouvrages  scientifiques  1629. 


[16-28]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  549 

biens  qui  sont  au  pouvoir  de  vostre  père,  nompius  que  les  bénéfices, 
si  en  avez,  attendu  que  ce  n'est  pas  chose  sur  laquelle  puysse  escheoir 
le  droict  d'Aubayne,  au  cas  que  fussiez  decedé  en  France  sans  estre 
naturalizé.  Il  suffit  de  faire  exprimer  à  peu  prez  en  gros  la  valleur  de 
ce  peu  de  facultez  avec  lesquelles  vous  entendriez  venir  en  France,  si 
vous  vous  y  vouliez  retirer,  sans  dire  si  c'est  en  tableaux,  en  antiquitez, 
ne  autrement,  aiiis  seulement  à  peu  prez  des  facultez  pour  2  ou 
3oo  livres,  comme  vous  dictes. 

Je  suis  bien  aise  qu'ayez  faict  cognoissance  avec  le  P.  Maximilian 
Provincial,  et  sera  bon  qu'en  fassiez  aussy  un  peu  avec  quelque  autre 
dupais,  s'il  y  en  a  de  par  delà,  dont  M'  Suarez  d'Avignon,  qui  est 
chez  le  cardinal  Barberin,  vous  pourra  advertir,  et  procurer  la  co- 
gnoissance, afin  que  nous  en  ayions  tousjours  quelqu'un  de  par  deçà, 
qui  puisse  servir  de  tesmoing  en  cas  de  besoing.  Sur  quoy  je  finis  de- 
meurant. 

Monsieur, 

vostre  bien  humble  et  affectionné  serviteur, 

DE  Peibesc. 
D'Ais,  ce  af)  juin  i6a8  '. 


XXII 

À   MONSIEUR,   MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  receus  par  le  P.  Provincial  des  Cordeliers  la  boitte  que  vous  luy 
aviez  consignée,  oix  je  trouvay  la  petite  lunette  bien  conditionnée, 
mais  je  n'en  ay  encore  peu  faire  la  preuve^.  Je  vous  en  remercie  neant- 
moings  de  tout  mon  cœur,  et  encores  plus  des  medaillettes  de  cuivre 
«jui  accompagnoient  vostre  lettre  du  2»  du  passé,  dont  celle  qui  n'a 

'   Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Moiilpellier,  iiis.  H  971,  fol.  45.  —  '  Pour 
épreuve. 


550  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

qu'un  nombre  au  revers  m'a  bien  [agréé]',  et  m'a  faict  désirer  d'en 
avoir  d'autres,  aultant  que  vous  en  trouverez,  s'il  vous  plaict  de  me 
ies  reserver,  quoy  qu'elles  contiennent.  Mais  celle  d'Eraclius  m'a  bien 
donné  la  torture  sans  en  pouvoir  tirer  de  construction  qui  vaille,  et 
où  il  y  ayt  aulcun  moyen  de  s'arrester.  J'ay  en  quelque  coing  de  mon 
cabinet  un  plein  sac  de  médailles  de  cuivre  venues  de  Levant  entre 
lesquelles  il  me  semble  comme  en  songe  d'en  avoir  veu  quelqu'une 
semblable  à  peu  prez,  que  je  chercheray  durant  ce  qui  nous  reste  de 
grands  jours,  pour  voir  s'il  y  auroit  moyen  que  l'une  peut  ayder  à  trou- 
ver certainement  l'inscription  qui  y  peult  avoir  esté  mise  en  toutes  les 
deux. 

Quant  au  médaillon  d'argent  de  Gordien  111™%  c'est  la  vérité  que  je 
le  trouve  bien  cher  à  26  livres  sans  le  voir,  car  aulcunes  foys  la  veùe 
augmente  aulcunement  l'estimation,  comme  au  contraire  elle  peult  la 
diminuer  quelque  foys.  Rien  n'est  capable  de  m'y  embarquer  comme 
vostre  advis  si  vous  le  jugez  bien  asseurement  antique,  et  en  ce  cas  je 
vouldrois  bien  que  vous  eussiez  tasché  d'en  faire  ou  tirer  la  meilleure 
condition  que  vous  pourriez  avec  le  sieur  Gabrieli.  M'  d'Aubery  four- 
nira à  ce  qui  sera  nécessaire,  et  que  vous  ordonnerez  pour  ce  regard.- 

Quant  aux  sicles,  je  m'estonne  bien  que  vous  ayez  tant  de  peine  à 
trouver  un  ouvrier  qui  sçaiche  mouller  voz  sicles,  et  celuy  que 
M'  Aleandro  m'escript  vous  avoir  remis  en  main  du  cabinet  de  M^  le 
cardinal  Barberin ,  car  il  semble  que  toute  sorte  de  gents  s'en  meslent 
assez.  Mais  les  orfèvres  mesmes  ne  s'y  amusent  guieres.  Et  ont  entr'eux 
des  compagnons  qui  ne  font  autre  chose  que  leur  apprester  de  la  be- 
soigne  de  mouUeure. 

J'ay  advis  de  l'arrivée  en  Cour  de  celuy  qui  s'estoit  chargé  de  vostre 
naturalité,  mais  il  n'estoit  pas  encores  quasi  desbotté.  J'espère  au  pre- 
mier jour  avoir  vostre  expédition  en  bonne  forme  et  de  nous  prévaloir 
du  tesmoignage  du  R.  P.  Provincial  des  Gordeliers.  Mais  tousjours  au- 
rons nous  alfairede  vostre  procuration,  laquelle  vous  pourriez  envoyer, 

'  Mot  caché  par  une  déchirure  du  papier. 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  551 

ce  me  semble,  pour  gaigner  aultant  de  temps,  afin  que  nous  puissions 
faire  procéder  à  la  vérification  de  voz  lettres  à  mesure  qu'elles  arrive- 
ront, et  les  vous  envoyer  toutes  vérifiées  et  exécutées  de  par  deçà. 
Pleut  à  Dieu  que  j'eusse  moyen  d'y  joindre  quelque  bon  bénéfice  en 
mesnie  temps,  qui  meritast  de  vous  arrester  en  ce  Royaulnie,  plustost 
que  chez  vous,  pour  vous  faire  cognoistre  que  je  suis  et  seray  à  ja- 
mais, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

DE  Peiresc. 
D'Aix,  ce  27  juillet  1628  '. 


XXIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  xi  aoust  avec  les  petits  dessaiiigs  que  m'avez 
envoyez  tant  de  la  médaille  de  Kartago,  que  je  trouve  bien  jolie, 
croyant  d'en  avoir  une  qui  est  bien  approchante  de  celle  là,  que  de  cez 
autres  deux  que  vous  appelez  sicles,  dont  je  vous  remercie  trez  affec- 
tueusement. J'en  ay  trois  pareilles  à  celle  de  .M' le  chevalier  Gualdo. 
mais  comme  elles  sont  toutes  assez  mal  cognées,  il  y  a  quelque  lettre 
qui  n'est  pas  si  nette  qu'il  fauldroit.  C'est  pourquoy  l'empreinte  de 
celle  dudict  sieur  Gualdo  pourroit  peult  estre  ayder  à  la  suppléer.  H 
est  assez  de  mes  bons  seigneurs  et  amys  pour  ne  me  la  pas  reffuser. 
Quant  à  celle  d'argent  de  M»'  le  cardinal  Barberin,  il  n'y  a  que  la 
grandeur  et  grosseur  plus  ou  moings  grande  qui  y  puisse  ostre  de 
quelque  considération;  si  elle  est  des  plus  grosses  qui  pèsent  environ 
quattre  dragmes,  ce  n'est  rien  qui  soit  hors  du  commun,  mais  si  elle 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ras.  H  971,  fol.  k-j. 


552  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

est  du  demy  poids,  ou  du  quart,  elle  pourroit  servir,  et  en  ce  cas,  il 
en  fauldroit  prendre  une  empreinte  et  le  contrepoids  aussy  séparément. 
Ne  pouvant  me  persuader  que  la  difiiculté  soit  si  grande  à  trouver  des 
nioulieurs  de  médailles.  Je  crois  bien  que  pour  le  faire  si  parfaictement 
bien,  qu'il  n'y  manque  rien,  il  seroit  possible  difficile  de  trouver  des 
ouvriers  qui  en  eussent  la  patiance,  et  mesmes  pour  le  faire  en  or, 
argent,  ou  cuyvre.  Mais  je  me  contenteray  du  plomb.  Et  quand  bien  il 
y  aura  quelques  grains  de  sable,  je  ne  m'en  soucieray  guieres,pourveu 
principalement  que  les  inscriptions  se  puissent  bien  lisre,  et  bien  dis- 
tinguer ces  caractères  extraordinaires.  Pluslost  faictes  le  vous  mesmes 
avec  de  l'argille  ou  terre  grasse,  en  y  versant  dessus  du  souffre  fondu, 
incontinent  qu'elle  aura  esté  empreinte  sur  la  médaille.  Car  autrement 
elle  se  rappetisseroit.  Et  bien  que  l'argille  soit  froide  et  le  .souffre 
cliauld,  les  empreintes  ne  se  fout  pas  pour  cela  moins  bien.  Que  si 
n'en  avez  la  patience,  faictes  y  jetter  des  creux  de  piastre,  et  me  les 
envoyez  dans  une  boitte,  car  ils  ne  se  rappetissent  poinct,  et  je  feray 
bien  jetter  icy  dessus,  ou  du  plomb,  ou  du  souffre.  M"'  Aubery  me  fera 
la  faveur  de  faire  fournir  ce  qui  sera  nécessaire  pour  le  sculpteur  qui 
fera  lesdicts  fraix  de  piastre,  et  en  un  besoing.  M' Melan  le  graveur', 
en  fera  trouver  tant  qu'on  vouldra,  pour  l'amour  de  moy.  Vous  sçau- 
rez  de  ses  nouvelles  chez  M'  de  Bonnaire,  beau-frère  de  M""  Barclay. 
Je  me  promets  que  vous  me  ferez  cette  faveur,  et  que  plustost  vous  ne 
m'esconduirie/i  pas  de  me  prester  les  originaux  de  voz  médailles  de 
Tyre  [sic),  que  je  vous  renvoyeray  puncluelement  selon  vostre  ordre 
aprez  en  avoir  retenu  des  empreintes.  Je  suis  marry  de  vous  donner 
cette  peine,  mais  j'espere  avoir  un  jour  moyen  de  m'en  revancber  et 
de  le  faire  Dieu  aydant  en  sorte  que  vous  me  puissiez  recognoistre. 
Monsieur,  pour 

vostre  trez  affectionné  serviteur  et  meilleur  amy, 

DE  Peiresc. 
A  Boisgency,  ce  26  septembre  1638. 

'  Sur  Claude  Mellan,  voir  le  tome  I  du  recueil  Peiresc-Dupiiy  (p.  5i,  au  ).  Voir  aussi 
dans  notre  tome  IV,  les  lettres  à  Gassendi,  passim. 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  553 

Celuy  qui  s'esloit  chargé  de  vostre  naturalit/î,  et  qui  est  fraischement 
guary  d'une  longue  et  extrême  maladie  pour  laquelle  on  l'avoit  saigné 
xnii  foys  m'escript  de  l'armée  du  3  aoust,  que  M' le  Beauclerc,  secré- 
taire d'Estat,  avoit  parlé  de  vostre  affaire  à  M»'  le  Garde  des  seaux, 
qui  luy  avoit  faict  fort  favorable  responce.  Je  crois  que  nous  ne  tarde- 
rons plus  guieres  de  l'avoir'. 


XXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME*. 

Monsieur, 
Vostre  despesche  du  a  a  octobre  est  arrivée  saine  et  sauve  avec  les 
cinq  médailles  de  Tyrus,  que  j'ay  faict  mouller  en  plomb,  afin  de  vous 
renvoyer  voz  originaulx  par  la  première  commodité  asseurée;  si  elles 
fussent  venues  huict  jours  plus  tost,  je  les  eusse  envoyées  par  le  filz  de 
feu  M''  Mangot^  qui  passa  par  icy  avec  un  filz  de  M'  Pasquier*.  Mais  il 
se  présentera  quelque  anltre  Dieu  aydant,  et  plustost  je  les  envoyeray 
par  la  poste  bien  empacquettées,  pour  esviter  qu'elles  ne  se  gastent. 
Je  receus  par  l'ordinaire  ce  petit  poids  marqué  d'argent  dans  une  lettre 
de  M'  Aubery  du  3  novembre  où  il  dict  l'avoir  eu  de  vostre  main,  dont 
je  vous  rends  mes  remercimentz  trez  affectueux.  Marry  de  voir  accu- 
muler voz  bons  offices  en  mon  endroict  sans  que  je  puisse  user  de  la 
revanche  que  je  desirerois.  Mais  je  ne  désespère  pas  de  m'en  acquiter 
mieux  un  jour,  Dieu  aydant,  si  les  occasions  s'en  peuvent  présenter. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  inëdeciae  Suisse,  premier  pi-^ideiit  du  pnrlemeiil  de 

de  Montpellier,  ms.  H  Q71,  fol.  48.  Bordeaux,    secrélaire    d'Etal,    garde    des 

*  (.auprès  de  l'adresse,    en    un  coin:)  sceaux  (3o  novembre  1616). 

tfAvec  deux  lettres  patentes  en  parchemin  '  S'a{jit-il  \h  du  fils  du  célèbre  avocat 

sellées  et  un  autre  parchemin,  ensemble  Térudil  Ktienne  Pasquier  (mort  le  3o  août 

cinq  médailles  de  cuivre.  "  1 6 1 5  )  et  ce  fils  serait-il  celui  dont  M.  Louis 

'  Clniiile   Manjjot,   seigneur  de    Villar-  Audiat   s'est   occupé   dans   un    intéressant 

ceau,  fut  successivement  ambassadeur  en  yolamc  spécial  :  Nieolcu  Pasquter  ? 

V.  7* 


554  LETTRES  DE  PEIRESC  [1628] 

Au  reste  voz  lettres  de  naturalité  ont  enfin  esté  sellées  et  fort  ho- 
norablement expédiées  par  Monseign""  le  Garde  des  seaux  de  Marillac. 
cfui  s'est  daigné  déférer  à  la  bonne  relation  que  je  luy  avois  faict  de 
voz  mérites.  La  clause  pour  tenir  bénéfices  y  est,  soubs  la  restrinclioii 
à  la  rente  de  huit  cents  livres  dont  j'ay  esté  marry,  mais  fussions  nous 
à  la  peine  de  vous  en  faire  conférer  un  encores  meilleur  que  cela ,  car 
le  remède  y  est  bien  aisé.  Il  y  a  encores  une  condition  d'avoir  un  bref 
apostolique,  pour  la  disposition  des  bénéfices  qui  vous  pourroient  estre 
conférez  nonobstant  qu'ils  vinssent  à  vacquer  en  cour  de  Rome,  ce  qui 
ne  vous  sera  pas  difficile  à  obtenir.  Cette  clause  des  bénéfices  a  esté 
cause  de  l'adresse  qui  y  est  non  seulement  à  la  Chambre  des  comptes, 
mais  aussy  au  Parlement,  où  nous  ferons  poursuyvre  la  vérification  et 
enregistration  cette  semaine  Dieu  aydant,  et  en  ferions  de  mesmes 
par  devant  Mess"^  des  conqjtes,  si  nous  avions  la  procuration  que  je 
vous  avois  si  souvent  demandée.  Vous  avez  eu  un  peu  de  tort  de  ne  me, 
l'envoyer.  11  fauldra  faire  comme  nous  pourrons  en  aftendant  que  vous 
nous  la  fassiez  tenir  le  plus  tost  que  vous  pourrez.  Cependant  je  vous 
en  envoyé  une  coppie  attestée.  Et  ne  trouvez  pas  mauvaises  les  paroles 
de  la  narrative  concernant  vostre  retraicte  en  cette  province,  car  M^"^  le  ' 
Garde  des  seaux  ne  la  vonloit  poinct  seller  si  on  ne  luy  eust  dict  que 
vous  estiez  non  seulement  en  chemin  pour  y  venir,  mais  que  vous  y 
estiez  meshuy  arrivé.  Gela  ne  nuira  |)ourtant  poinct  à  vostre  droict,  nom- 
plus  que  les  clauses  ordinaires  qu'on  met  aux  bulles  de  dispance  de 
consommations  de  mariages  entre  parents,  bien  que  non  adveniies. 

Quant  à  voz  médailles  de  Tyre,  j'eusse  faict  quelque  cas  de  celle  de 
l'Aigle  :  plus  que  des  autres,  si  les  lettres  qui  monstrent  avoir  esté  gra-- 
vées  dans  l'aultel  se  feussent  peu  lisre,  mais  il  n'a  pas  esté  en  nmn 
pouvoir  de  les  deschiflrer.  Celle  de  Salonina  seroit  bien  gentile  aussy. 
si  elle  n'eust  esté  bescognée,  c'est-à-dire  passée  soubs  le  coing  par 
deux  diverses  foys,  sans  bien  rcmboitler  la  première  empreinte,  ce  qui 
faict  qu'on  ne  sçauroit  discerner,  comme  il  seroit  nécessaire,  la  figure 
qui  y  est  représentée  au  revers  ne  ce  qu'elle  tient  en  l'une  et  l'autre 
main.  Les  autres  trois  n'ont  rien  d'extraordinaire.  Celles  que  j'eusse 


[1628]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  655 

veiies  le  plus  volontiers  cusseiil  eslé  celle  de  l'arbre  de  Valerian  et  celle 
où  est  le  nom  de  XIAO,  d'Otacilia  et  colle  du  Serjjenl  de  Treb.  Gailu8. 
Mais  j'aymerois  bien  encore»  mieux  voir  i'orifrinal  ou  l'empreinte  de 
celle  de  Marc-Aurele,  que  vous  avez  porlraicte  des  desseins  d'yEneas 
Vicus  du  sieur  Hieronymo  de  Grandis,  et  à  faulte  de  l'empreinte  vous 
me  feriez  bien  plaisir  de  m'en  envoyer  un  dessein  au  net  bien  exacte 
tant  de  la  teste  que  du  revers,  pour  voir  si  c'est  de  Marc  Aurele  le  Philo- 
sophe ou  de  Garacalla,  ou  bien  d'Eliogabale,  <'t  fauldroit  estrc  un 
peu  exacte  à  la  représentation  des  colonnes  et  des  feuilles  de  l'arbre', 
s'il  y  en  paroit  aulcunes,  surtout  des  lettres  gravées  sur  lesdictes 
colonnes. 

Pour  le  regard  de  voz  autres  colonies  dont  il  vous  plaict  m'offrir  la 
communication,  vous  m'obligez  beaucoup,  et  je  ne  refuserois  pas  d'en 
voir  quelques  unesde  celles  que  vous  jugerez  les  plus  bigearresel  extra- 
ordinaires et  des  pais  orientauix,  plustost  que  des  autres.  Mais  de 
celles  de  Grèce  aussy  je  seray  toujours  bien  aise  d'en  voir  quelqu'une, 
niesmes  celle  de  Corinthe  de  Jules  Gesar.  Sur  quoy,  aprez  vous  avoir 
fclicité  la  rencontre  de  vostre  Arpocrates-que  vous  dictes  eslre  si  excel- 
lent, et  souhaicté  tousjours  de  plus  heureuses  rencontres  non  seule- 
ment en  antiquailles,  mais  en  quelque  bon  et  utile  bénéfice,  je  finiray, 
vous  asseurant  de  la  contiimation  de  mon  service  et  cordiale  alfection, 
comme. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  26  noveinl)re  1638. 

Depuis  avoir  escript,  voz  lettres  de  naturalité  ont  esté  iverifiées  et 
enregistrées  au  Parlement  comme  vous  verrez  par  l'arresl  sur  ce  ex-^ 
pedié,  et  par  les  lettres  exécutoires  dudict  arrest  cnregistré-es  en  la 
petite  Ghancellerie  du  Roy  establie  pour  cette  Province,  où  j'ny  faict 
par  mesme  moyen  expédier  un  vidimé  de  voz  lettres  patentes  deùe- 

'  On  voit  ptir  ce  reproche  discret  (ino  Poiresc  n'était  pas  très  content  de  l'exactitude  et 
de  la  netteté  des  dessins  de  son  correspondant. 

70. 


556  LETTRES  DE  PEIRESG  [1629] 

ment  scellé,  pour  vous  en  servir  de  par  delà,  au  cas  que  l'on  vous  y 
voulust  conférer  quelque  bénéfice  de  ce  Royaulme,  car  la  vérification 
du  Parlement  vous  suffiroit  pour  pouvoir  légitimement  accepter  des 
bénéfices.  Mais  pour  disposer  de  voz  biens  si  vous  en  aviez  en  France, 
il  fault  avoir  la  vérification  de  la  Chambre  des  comptes,  ce  que  nous 
ne  sçaurions  avoir  sans  la  procuration  que  je  vous  avois  demandée. 
Envoyez  nous  donc  en  diligence  ladicte  procuration ,  que  j'eusse  bien 
mieux  aymé  que  le  certificat  de  M'  Suarez,  lequel  ne  sert  à  rien,  car 
en  France  on  ne  croid  qu'aux  tesmoings  jurez  et  non  aux  attestations. 

Ce  3o  novembre  t6a8. 

Je  me  suis  résolu  de  vous  renvoyer  présentement  voz  cinq  médailles 
puisque  le  volume  de  voz  lettres  patentes  peult  aulcunement  com- 
pancer  le  poids,  sans  attendre  aultre  commodité  de  passage  d'amys 
qui  ne  seront  pas  plus  seures  que  celle  cy  '. 


XXV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Vous  estes  plus  heureux  que  vous  ne  pensez.  Je  n'esperois  poinct 
que  voz  lettres  de  naturalité  peussent  estre  vérifiées  en  la  Chambre 
des  comptes,  sans  que  nous  eussions  la  procuration  que  je  vous  avois 
si  souvent  demandée.  Encores  falloit  il  y  attendre  grande  faveur  pour 
estre  dispancé  de  la  présentation  personelle.  Mais  les  affaires  du  Roy 
l'ont  porté  à  y  faire  faire  une  vérification  d'autres  lettres  de  naturalité 
d'un  autre  personage  d'importance  avec  mandement  exprez  de  le  dis- 
pancer  de  toutes  formalitez,  de  sorte  qu'à  la  faveur  de  celles  là  Mess" 

'  Bibliothèque  de  rKooie  de  mëdeciae  de  Monlj>e11ier,  ras.  H  ayi,  fol.  5i. 


[1629J  À  CLAUDE  MENESTRIER.  557 

des  Comptes  à  ma  prière  vous  ont  faict  la  mesn)e  grâce,  et  se  sont  con- 
tentez de  mon  serment  de  moy  et  ont  passé  oultre  à  la  vérification  et 
enregislralion  de  voz  dictes  lettres  patentes  dez  le  22  décembre  si  ho- 
norablement et  si  libéralement,  qu'ils  ne  vous  taxèrent  qu'à  dix  francs 
de  finance,  et  six  francs  d'espices,  ce  qui  eust  monté  pour  le  moings 
quarante  ou  cinquante  escus  sans  la  spéciale  grâce  qu'on  vous  a  voulu 
faire,  ne  s'estant  jamais  veu  dans  leurs  registres  une  moindre  taxe  de 
finance  de  trente  francs  à  tout  le  moings.  De  quoy  j'ay  esté  bien  aise 
pour  l'amour  de  vous.  Et  veux  croire  que  ce  bonheur  ne  sera  pas  seul, 
et  qu'elles  ne  vous  seront  pas  infructueuses  quelque  jour.  Dieu  aydant. 
soit  là,  soit  icy.  J'ay  donc  faict  enregistrer  le  tout  aux  archives  du  Roy, 
et  retiré  l'original  de  voz  lettres  que  je  vous  envoyé  ensemble  l'extraict 
de  l'arrest  de  la  Chambre  des  comptes,  aprez  quoy  il  ne  vous  reste 
plus  aulcune  autre  formalité  que  d'avoir  un  brief  du  pape,  tel  qu'il  est 
énoncé  dans  lesdictes  lettres,  ce  qui  vous  sera  fort  facile,  et  M'  de 
Bonnaire,  qui  en  a  obtenu  un  semblable  pour  M'  Barclay,  son  neveu, 
vous  donnera  les  adresses  à  ce  nécessaires.  A  cette  heure,  au  lieu  de 
la  procuration  que  je  vous  avois  demandée,  il  en  fault  une  aultrc,  pour 
accepter  les  bénéfices  qui  vous  pourroient  estre  conférez  en  cette  pro- 
vince, et  pour  en  prendre  possession  actuelle  et  pour  affermer,  car 
aultrement  nous  ne  vous  pourrions  pas  servir  bien  à  propos,  attendu 
la  longueur  du  temps  qui  se  perdroit  entre  la  collation  et  la  mise  en 
possession,  dans  lequel  d'autres  pourroient  impetrer  et  prévenir  vostre 
mise  de  possession,  laquelle  desrogeroit  grandement  à  vostre  droict.  Je 
vouidrois  vous  y  avoir  desja  peu  servir  aussy  utilement  que  vous  le 
méritez  et  vous  asseure  que  j'y  veuilleray  (^sic)  soigneusement,  pour 
n'en  pas  laisser  peixlre  d'occasion.  Car  je  vois  bien  que  sans  cela  il  n'y 
a  pas  d'espérance  de  vous  attirer  icy.  Ce  qu'attendant  je  finiray,  de- 
meurant. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,ce  a 5  janvier  1629'. 
'  Bibliollièque  do  Tlicoie  de  inédecine  de  Montpellier,  m8.  H  371,  fol.  67. 


558  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


XXVI 
À  iMONSIKUR,  MOîNSIFiUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 

J'ay  receu  la  vostre  du  6  janvier,  ensemble  les  six  petites  médailles 
y  contenues  fort  bien  conditionnées,  dont  je  reprendray  quelque  em- 
preinte pour  les  vous  renvoyer  par  aprez,  vous  remerciant  trez  affec- 
tueusement de  la  faveur  qu'il  vous  a  pieu  m'en  faire. 

J'ay  esté  bien  aise  que  l'expédition  de  voz  lettres  de  naturalité  vous 
aye  donné  de  la  satisfaction.  Vous  aurez  à  cez  heures  icy,  je  m'asseure, 
eu  l'original  des  lettres  patentes  du  Roy,  dont  vous  aviez  receu  le  vidimé, 
le  tout  ayant  esté  envoyé  soubz  l'enveloppe  de  Monseigneur  le  Cardinal 
pour  le  faire  passer  plus  seurement,  et  le  volume  en  estoit  tel  qu'il 
estoit  raisonable  de  faire  sçavoir  ce  que  c'estoit  à  mondict  seigneur  le 
Cardinal  et  par  mesme  moyen  se  prévaloir  de  l'occasion  de  renouveller 
la  recommandation  de  vostre  persone  et  de  vostre  dévotion  en  son  en- 
droit. Je  serois  bien  plus  aise  si  cela  pouvoit  opérer  coniorniemont  à  voz 
souhaictz,  pour  vous  faire  obtenir  quelque  grâce  digne  de  vostre  mérite 
et  de  voz  labeurs.  Je  trouve  bien  gentile  celte  curiosité  dont  vous  ra'es- 
crivez,  et  l'exactesse  avec  quoy  vous  avez  observé  et  examiné  cez  co- 
quilles fossiles  de  Monte  Mario  ',  et  me  ferez  plaisir  de  m'en  envoyer  un 
peu  de  la  monstre  tant  des  plus  petites  collées  sur  du  papier,  pour  servir 
d'object  aux  petites  lunettes,  que  des  autres  moins  menues  et  capables 
d'estre  distinguées  sans  lunettes.  Voire  ne  seroispas  marry  se  présentant 
l'occasion  de  la  venue  de  quelque  cassette,  que  m'envoyassiez  quelques 
unes  des  plus  grandes  bien  accommodées  dans  une  forte  boitte,  afin 
qu'elles  ne  se  cassent  par  les  chemins.  Mais  je  vouldrois  les  voir  toutes 
pucelles,  comme  on  dict  des  médailles  non  ritocche"^,  c'est  à  dire  toutes 
closes  et  enveloppées  de  leur  argille  naturelle,  pour  avoir  le  plaisir  de 

'  Voilà  parmi  les  lettres  perdues  de  Menestrier  une  de  celles  qu'il  faut  le  plus  regretter! 
—  '  Non  retouchées.  ' 


[1629]  À  CLAUDE  MENKSTlilKH.  559 

les  en  desvelopper,  et  de  voir,  en  les  ouvrant,  en  quelle  disposition 
y  sont  cez  plus  menues  que  vous  y  avez  trouvées,  et  juger  si  c'est  jwr 
hazard  qu'elles  y  sont  entrées,  ou  bien  si  elles  y  pourroient  avoir  esté 
coiiceues  et  escloses,  ou  dévorées  par  l'animal  qui  se  norrissoit  dans 
les  dictes  grosses  coquilles. 

Je  verray  aussy  volontiers  vostre  discours  sur  cela  quand  l'aurez  mis 
au  net,  et  M' Aubery  le  fera  transcrire  sans  (pie  vous  y  consumiez  vostre 
temps  à  le  coppier  vous  mesmes,  pour  ne  vous  divertir  de  meilleures 
occupations.  Et  puis  je  vous  en  diray  mon  sentiment,  car  j'ay  bien 
autresloys  observé  des  choses  sur  ce  subject  qui  y  pourroient  servir, 
et  ay  un  grand  recueil  de  toute  sorte  de  coquillages  et  pétrifications'. 
N'oubliez  pas  de  marquer,  en  passant,  à  quelle  distance  de  la  mer  à- 
peu  prez  est  situé  ce  Monte  Mario  et  à  (|uelle  distance  de  Home.  Et, 
s'il  estoit  possible,  à  peu  prez  à  quelle  liaulteur  de  la  montaigne  se 
trouvent  cez  coquilles  fossiles,  et  quel  eu  peult  estre  rexliaulcement  au 
dessus  du  niveau  de  la  mer,  et  si  c'est  à  l'asjjcct  de  la  mer  ou  non. 
Tout  cela  pouvant  estre  de  quelque  usage  sans  rechercher  les  origines 
et  les  causes,  pour  s'ayder  à  en  descouvrir  la  manière  de  chemin  que 
la  Nature  y  peult  avoir  tenu. 

Au  reste  je  vous  félicite  l'acquisition  des  cent  graveures  que  vous 
avez  acquises  des  restes  du  cabinet  du  feu  sieur  Natalicio,  et  vouldrois 
que  les  eussiez  eiies  toutes,  car  il  y  en  avoit  plusieurs  dignes  de  quehjue 
remarque,  dont  je  n'estois  pas  tant  curieux  lorsqu'il  me  les  monstroit, 
luy  en  ayant  mesmes  despurty  plusieurs  de  cette  nature  à  peu  prez  des 
miennes  qui  estoient  plus  de  son  goust  que  du  mien  en  ce  temps  là,' 
en  revanche  de  l'amitié  qu'il  me  tesmoignoit'^  dont  je  vouldrois  bien 
avoir  retenu  des  empreintes  qui  m'eussent  possible  esté  de  quelque 

'  Gassendi  consacre  plusieurs  pages  à  une  seule  Ibis  |)ar  Gassendi.  Mai»  on  retrouve 

l'exposition  des  idées  et  des  recLcrches  de  son  nom  (N.  Benedelli)  parmi  les  corres- 

son  h(M-os  sur  les  pierres,  coquilles,  pcitri-  pondants  dont  les  letti-es  sont  conservées, 

fiçations,   olc.   (liv.  IV,  à   l'année  i63o,  dans  le  fonds  français  de  la  Uibliothètjucna- 

p.  .345-354).  lionale  (n"  i/yli-i .  fol.  i  6<j  il  i54). 

*  Cet  auii  de  Peiresc  n'est  pas  mentionné 


560  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

usage  à  l'interprétation  d'autres  choses  qui  me  sont  depuis  tombées  en 
main.  Enlr'aulres  deux  ou  trois,  où  il  y  avoit  comme  une  bource  ren- 
versée, accompagnée  de  diverses  figures  et  lettres  grecques  représentées 
sur  la  pierre  ^Ematite  qui  semble  du  plomb.  Et  une  Calcédoine  de  la 
grosseur  d'une  noisette,  où  y  avoit  d'un  eosté  cette   figure  ordinaire 
armée,  à  pieds  de  serpent,  avec  l'inscription  0O60N,  ce  me  semble, 
et  quelques  autres  lettres  au  doz  et  une  grande  corniole  blanche  où  il 
y  avoit  certaines  figures  de  goffe  main  fort  bigearres  en  nombre  de 
trois,  l'une  de  femme  voilée  sur  une  colonne,  une  autre  avec  des  aisles 
portant  un  trophée  et  un  flambeau,  la  troisiesme  nue  et  à  genoulx, 
avec  afl"orcc  lettres  grecques,  tant  devant  que  derrière.  11  avoit  desja 
une  Calcédoine  un  peu  moings  grande  où  estoient  les  mesmes  figures 
bien  que  diversement  disposées  et  afl'orce  lettres  grecques  aussy.  Il 
avoit  encores  un  autre  jaspe  verd  un  peu  plus  gros  qu'une  fcbve  (où 
osloit  la  mesnie  figure  à  pieds  de  serpent,  avec  divers  noms  d'anges  au 
revers)  qui  n'estoit  pas  à  négliger  nomplus  qu'un  autre  jaspe  verd,  ce 
me  semble,  d'une  femme  sans  bras  à  pieds  de  serpent,  et  encor  un  quasi 
«le  mesme  grandeur,  à  une  figure  à  sept  testes  et  deux  grands  jaspes 
verds  à  un  scarabée  dans  un  serpent  qui  mord  sa  queiie  avec  afforce 
lettres,  toutes  lesquelles  pièces  eussent  bien  donné  de  l'exercice  à  un 
curieux.  Mais  pour  mon  goust  particulier,  je  voudrois  bien  que  vous 
eussiez  rencontré  parmy  les  vostres  un  fort  petit  jaspe  verd  qu'il  avoit, 
où  est  gravée  d'un  costé  une  figure  assez  ordinaire,  d'un  jeune  garçon 
assis  sur  une  fleur  tenant  un  foit  [sic)  à  la  main,  mais  de  goff'e  maestrie, 
et  au  revers  n'y  a  que  six  ou  sept  caractères  qui  ne  sont  pas,  ce  semble, 
toutes  lettres  grecques.  Vous  me  feriez  un  singulier  plaisir  de  me  le 
faire  avoir,  si  vous  pouviez,  à  prix  honneste.  Ensemble  ces  vEmatites 
avec  la  forme  de  bource.  Je  sçauroys  volontiers  par  quelles  mains  à  peu 
prez  sont  passées  cez  cent  graveures  pour  parvenir  jusques  à  vous.  J'en 
a  vois  autres  fois  faict  un  assez  grand  recueil,  toutes  de  cette  nature, 
avec  figures  et  inscriptions  mystiques,  dont  il  m'en  reste  bien  encores 
soixsante  ou  quattre  vingts  qui  font  un  assortiment  assez  gentil,  et 
parmy  lequel  nombre  aulcunes  servent  à  donner  quelque  sorte  d'inter- 


[1629]  À  CLAUDE  MENESTUIER.  561 

pretatioii  pour  aulcuiies  des  autres.  Si  vous  avez,  un  jour,  le  loisir 
de  faire  jetter  des  empreintes  des  vostres,  soit  en  souffre  ou  eu  plomb, 
qui  est  encores  meilleur  et  plus  aisé,  je  les  verray  volontiers  pour  y 
apprendre  quelque  chose  de  plus  que  ce  que  j'en  ay  veu  jusques  à  cette 
heure,  ([ui  est  une  matière  bien  abstruse,  et  de  difïicile  examen. 

Vous  m'envoyastes,  il  y  a  environ  deux  ans,  une  Irenteine  d'em- 
preintes de  médailles  en  plomb  entre  lesquelles  y  en  avoil  une  petite 
que  je  recouvrerois  volontiers  pour  quelque  autre  chose,  si  l'avez  en- 
cores. Il  n'y  a  rien  qu'un  trident  d'un  costé  façonné  à  feuilla{;es  et 
comme  s'il  estoit  accompagné  de  deux  daulphins  qui  servent  d'orne- 
ment. Et,  de  l'autre  costé,  il  n'y  a  qu'une  teste  sans  barbe  coiffée  d'une 
certaine  peau  extravagante  qui  n'est  pas  de  lyon  ne  de  chèvre,  ains 
quasi  comme  si  c'estoit  de  poisson.  Le  mal  est  qu'il  n'y  a  poinct  de 
lettres,  mais  encores  seroit  elle  de  quelque  usage  pour  l'extravagance 
de  la  coillure.  Et  si  vous  avez  rien  observé  de  pareil  ou  d'approchant 
en  autres  médailles,  vous  me  ferez  faveur  de  me  l'escrire. 

Il  me  reste  à  vous  dire  que,  quand  j'estois  à  Home,  je  voyois  oi-di- 
nairement  les  bancs  de  toutz  cez  quinquailleurs  et  autres  vendeurs  de 
vieil  cuivre  et  de  médailles  qui  avoient  une  infinité  de  certaines  sortes 
de  médailles  de  cuivre  battues  à  Rome  devant  l'Enqiire  sans  autre  in- 
scription que  ROM  A ,  si  ce  n'est  parfoys  quelque  nom  de  famille  Romaine 
parmy  lesquelles  ont  souvent  les  marques  des  ballottes  ou  des  onces, 
aussy  bien  que  ÏM8  grave,  et  les  notes  de  l'S  et  de  I.  ou  de  IL.  En- 
cores que  leur  poids  soil  beaucoup  moindre,  et  fort  différent  entre 
celles  mesmes  qui  ont  les  mesmes  notes,  ou  pareil  nombre  de  ballottes. 
Mais  toutes  celles  icy  sont  de  fort  bas  relief,  là  où  celles  de  VMS  grave 
sont  de  grandissime  relief  et  quasi  de  ronde  bosse.  Je  n'en  avois  pas 
tenu  grand  conte  si  ce  n'est  d'aulcunes  où  se  rencontroient  nommez 
aulcuns  citoyens  Romains.  Et  toutesfoys  je  ne  pouvoissi  bien  faire  qu'en 
acheptant  souvent  quantité  de  médailles  antiques  assemblées  il  ne  s'y 
en  trouvasl  plusieurs  de  celte  sorte  là,  qui  demeuroient  comme  super- 
numeraires  et  au  rcject  hors  de  mes  suittes  et  assortimentz.  Or  ayant 
rencontré,  cez  jours  passez,  dans  mon  estude  une  boette  qui  en  estoit 


7« 


562  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

toute  remplie,  les  ayant  voulu  revoir  et  considérer  leur  diversité,  j'y 
ay  trouve  quelque  sorte  de  fondement  de  conjecture,  pour  la  plaine 
vérification  de  laquelle  je  vouldrois  bien  en  avoir  retenu  plus  grand 
nombre.  C'est  pourquoy  je  vous  prie,  quand  vous  en  trouverez  à  bon 
marché,  de  m'en  retenir  aultant  que  vous  en  rencontrerez,  principa- 
lement celles  qui  seront  bien  nettes  et  bien  conservées.  Et  de  ne  faire 
pas  difficulté  d'en  retenir  plusieurs  d'une  mesme  sorte  principalement 
de  celles  qui  ont  la  note  II.  Soit  qu'elles  ayent  le  Janus  et  la  proiie 
ordinaire  ou  autres  usages  et  symboles  quelconques.  Mesmes  encore» 
qu'elles  n'ayent  aulcune  desdictes  notes  de  valeur  de  monnoye  pourveu 
qu'elles  soient  un  peu  nettes  et  conservées  et  le  moings  retoucbées 
que  faire  se  pourra.  Sans  négliger  celles  qui  se  trouvent  parfoys  bes- 
cognées,  ou  mal  cognées,  et  à  deux  foys,  comme  si  la  première  n'a  voit 
pas  bien  achevé  l'empreinte,  et  l'avoit  doublée,  comme  il  s'en  trouve 
souvent  et  de  toutes  sortes. 

J'avois  eu  deux  ou  trois  de  cez  petites  medaillettes  d'argent  consu- 
laires qui  n'estoient  que  le  quart  du  denier  et  avoient  la  note  IIS,  que 
j'ay  laissé  confondre  et  esgarer  en  mon  estude  en  sorte  que  je  ne  les 
ay  sceu  retrouver  quand  je  les  ay  cherchées.  Vous  m'obligerez  bien  si- 
vous  m'en  pouvez  recouvrer  cinq  ou  six,  de  quelque  sorte  qu'elles 
soient  figurées,  et  de  me  les  envoyer  dans  la  première  lettre  que  vous 
m'escrirez.  M"'  Aubery  rerabourcera  tout  ce  que  vous  y  aurez  despendu. 
Je  vous  en  demeureray  redevable. 

Vous  aurez  icy  l'empreinte  d'une  médaille  que  j'ay,  battue  par  cez 
Grecs  avec  beaucoup  d'escripture ,  sans  toutefoys  qu'il  soit  facile  de 
recognoistre  la  ville  où  elle  a  esté  cognée.  J'en  ay  encoresdeux  autres 
différantes  au  subject  du  revers  et  de  la  teste  et  au  nom  de  celluy 
soubz  l'autliorité  du  quel  elles  ont  esté  faictes.  Mais  toutes  pareilles  en 
tout  le  restant  de  l'inscription  du  revers.  Je  vous  prie  d'adviser  si  vous 
n'en  auriez  poinct  encores  quelque  aultre  de  pareille  manière  à  peu 
prez,  et  dont  l'inscription  du  revers  se  terminast  en  mesmes  termes 
qui  eust  neantmoings  quelque  autre  differance,  auquel  cas  je  vous  prie 
m'en  envoyer  l'empreinte,  si  ne  voulez  bazarder  l'original,  aux  fins  que 


[1f)-29|  À  CLAUDE  MENESTRIER.  563 

je  voye  si  la  comparaison  ponrroit  fournir  quelque  adminicule  pour 
appuyer  la  conjecture  (|ue  j'en  ay  prinse.  Je  vous  en  envoyeray  les  ori- 
fjinaux  sans  faillir,  si  me  les  envoyez. 

J'oubliois  cncores  de  vous  dire  que  si  vous  rencontriez  de  cez  pelis 
sesterces  ou  medaillcttes  d'argent,  qui  au  lieu  de  la  note  IIS  avoient 
le  nombre  IIII,  et  des  demy  deniers  qui,  au  lieu  du  V,  avoient  le  nombre 
VIII  ou  IX,  je  les  aciietterois  tree  volontiers,  comme  aussy  de  cez  mé- 
dailles rjrec(|ues  qui  ont  l'inscription  APATMA  et  AIAPATMON.et  de 
celles  de  cuivre  qui  ont  l'inscription  O  BOAO(]. 

Voila  bien  des  commissions  importunes  tout  à  la  foys,  mais  si  l'une 
ne  rencontre,  l'autre  pourroit  réussir,  et  quoy  qui  en  vienne,  je  vous 
en  seray  tousjours  infiniment  obligé,  et  M'  Aubery  ne  laisra  pas  de 
rembourcer  toutes  voz  fournitures,  et  moy  d'estre  à  jamais. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  aa  lebvrier  1639  '. 


XXVII 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Depuis  celle  que  je  vous  escrij)vis  l'autre  jour,  je  trouvay  le  temps 
de  faire  mouller  quelques  médailles  en  plomb,  dont  je  vous  ay  envoyé 
les  empreintes  par  le  H.  P.  d'Ambruc,  inquisiteur  d'Avignon,  de  l'ordre 
des  Jacobins^.  Vous  trouverez  oscript  sur  chascune  ce  que  jedesii'ei'ois 
(ju'il  vous  pleut  de  rechorcber  pour  l'amour  de  moy.  J'y  ay  par  mesme 

'   Bibliothè(]ue  de  lÉcole  de  médecine  de  la  Table    al|)baWti(iue    (Hii    terminera    te 

Montpellier,  nis.  H  371 ,  fol.  87.  touie  VI  et  qui  embrassera  tous  les  aoms 

'  Déjà  menlionni'  dans  noire  tome  IV.  Je  propres    contenus  dans  la   seconde  sëric 

renvoie  [)Our  ce  porsonna^jo  et  |  our  tous  des  Letti-es  de  Peiresc,  c'est-à-dire  dans  les 

ceux  qui  figurent  en  ce  mt^mc  tome  IV,  à  tomes  IV,  V  et  VI. 

7«- 


564  LETTRES  DE  PEIRESC  [1G29] 

moyen  adjousté  quelques  empreintes  de  souffre  tirées  sur  des  graveures 
du  feu  sieur  Nalalicio  Beiiedetti,  pour  voir  si  elles  seroient  par  hasard 
parmy  celles  que  vous  avez  acheptées  fraischement  de  son  cabinet, 
auquel  cas  vous  me  feriez  plaisir  de  m'en  envoyer  de  bonues  em- 
preintes tant  du  droit  que  du  revers  de  chascune.  Et  avec  ce  pacquet 
vous  aurez  vos  cinq  médailles  de  Corinthe  et  une  empreinte  assez  mal 
l'aicte  d'une  autre  petite  graveure  en  jaspe  verd  dudict  sieur  Natalicio, 
avec  les  lettres  de  revers,  mais  trop  mal  nettes  pour  les  recognoistre. 
Si  vous  en  avez  l'original  vous  me  ferez  faveur  de  me  le  despartir  et 
tasclier  de  satisfaire  aux  recherches  cottées  sur  lesdictes  empreintes, 
lorsque  les  aurez  peu  recouvrer.  Cependant  je  finiray  demeurant. 
Monsieur, 

vostre ,  etc. 
A  Aix,  ce  9  mars  1639  '. 


XXVIII 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Avant  hier  seulement,  je  receu  celle  qu'aviez  donné  au  R.  P.  d'Am- 
bruc  accompagnée  d'une  petite  boitte  avec  quatres  souffres  tirés  sur 
des  graveures  du  feu  s''  Natalitio  Benedetti,  et  parmy  ceux  qui  me  sont 
venus  en  main  je  n  ay  treuvé  aultre  qu'un  original  de  cesl  figure  en 
pied  à  sept  testes  et  letres  liî  en  jaspe  verd  ayant  au  revers  les  sept 
voyelles  grecques  tant  de  fois  usitées  parmy  ces  graveures  égyp- 
tiennes )(^p  en  ceste  sorte  AEHIOTQ;  si  l'original  vous  aggrée,  il  est  à 
vostre  service.  Parmy  les  empreintes  que  m'avez  envoyé  il  y  a  une 
autre  figure  en  pied  barbue  ayant  des  aisles  comme  d'oyseau  de  la- 
quelle je  n'ay  pas  l'original.  Mais  bien  j'en  ay  une  en  lapis  lazuli  non 
guaire  dissemblable  ayant  une  teste,  une  aultre  teste  barbue  (comme 

'  Bibliothèjae  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier,  ins.  H  971,  fol.  53. 


[1629]  À    CLAUDE  MKNESTRIER.  565 

en  quelr|ues  médailles  d'Antonin  pie  l'on  voit  des  Janus)  estant  cou- 
ronné comme  Serapide  et  au  pied  il  y  a  le  serpent  mordant  sa  queue 
et  des  letres  dans  la  circumferance  dudit  serpent  n'ayant  aulcune  letre 
pour  revers  comme  n'a  semblablement  une  aiiltre  du  tout  semblable 
en  ametiste  quant  au  corps  et  au  serpent  en  bas  et  aux  ailes,  mais  il 
a  une  teste  de  lyon  et  au  lieu  que  les  aultres  ont  comme  deux  bas- 
tons  par  cbasque  costé  celuy-cy  en  a  seulement  un  pour  les  deux 
aultres.  Je  feray  diligence  auprès  de  ceulx  qui  ont  acheplé  des  gra- 
veures.  Par  mesme  voye  j'ay  receu  les  plombs  des  médailles  que  de- 
sirez que  je  vous  recouvre  plus  conservées  que  celles  que  m'avez 
envoyé  des  empreintes  pour  pouvoir  entendre  l'inscription  de  celles 
qui  sont  mal  conservées  comme  celle  là  où  est  un  lyon  auquel  il  ne 
me  souvient  pas  avoir  veu  rien  de  semblable.  J'ay  espluclié  toutes  les 
miennes  pour  veoir  si  j'en  treuverois  quelquunes  comme  celles  là  où 
sont  deux  testes  d'un  costé  et  de  l'aultre  une  [sic).  J'en  ay  encore  plu- 
sieurs de  semblable  qualité,  mais  si  ruinés  et  consumés  que  l'on  n  y 
cognoit  rien  que  la  forme  des  lestes.  Je  prieray  les  curieux  de  médailles 
de  faire  une  recberche  parmy  les  leurs  s'il  y  auroint  rien  de  semblable 
qui  fusse  conservé. 

J'ay  l'origiual  de  l'Hadrian  là  où  est  une  ligure  en  pied  ayant  un 
animal  avec  pied  coronné  une  Rome  sedente,  mais  il  n'y  a  moyen  d'en 
tirer  rien  d'avantage  que  du  plomb  que  m'aviez  envoyé  toutes  les  letres 
ayant  esté  ruinés  par  le  peu  d'intelligence  de  celuy  qui  l'a  nettoyé.  Je 
n'ay  encore  rencontré  le  s''  Holstenius  pour  luy  monstrer  la  médaille 
là  où  il  y  a  0EA  PîiMH.  Parmy  les  miennes  j'en  ay  treuvé  deux  sem- 
blables quant  à  l'inscription  de  la  teste.  L'une  ayant  une  semblable 
teste  armée;  en  l'autre  est  une  teste  turrite  laquelle  a  pour  revers  une 
figure  en  pied  tenant  de  la  gaucbe  un  sistre  et  letres  GTNNAAEQN. 
L'aultre  a  deux  mains  en  crois,  et  des  espies  de  bled;  l'inscription  n'est 
lisible.  Je  n'ay  point  recouvré  parmy  les  miennes  celle  qui  a  la  teste 
coilfée  de  peau  de  poisson.  Avec  la  prcsante  je  vous  envoyé  viuto  buirt 
médailles  Romaines  les  unes  avec  les  noms  des  fainiles  et  les  aultres 
avec  la  marque  che  (?)  L  S.  et  de  divers  points.  Je  n'en  ay  encore 


566  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

peut  treuver  d'aultres;  toutes  celles  que  je  pouiM-ay  Ireuver  semblables 
ou  approchantes  à  celles  desquelles  m'avez  envoyé  les  plombs,  je  ne 
inancqueray  vous  les  faire  tenir;  ayant  trouvé  la  commodité  d'un  Reli- 
gieux de  l'ordre  de  S'  François  de  Paul  lequel  s'en  passe  en  Avignon, 
je  l'ay  prié  me  tant  obliger  que  de  vous'  délivrer  les  icy  jointes  avec  la 
petite  boitte  que  m'avez  envoyé  dans  laquelle  j'ay  mis  quelqunes  des 
coquilles  que  je  treuva  à  Monte  Mario  n'ayant  peut  entrer  dans  l'antre 
ou  conduit  la  où  je  les  ay  treuvé  à  cause  de  l'eau  qu'est  à  la  bouche  du- 
(lit  trou  pour  les  grandes  pluyes  qu'avions  heu  ce  caresme.  A  la  pre- 
mière commodité  je  vous  envoyeray  de  ces  coquilles  grosses  là  où  sont 
contenues  et  encloses  les  aultres.  Ayant  des  quelque  temps  esté  occupé 
au  service  de  Monsegneur  le  cardinal  Barberin  à  dessigner  comme  je 
vous  mandois  par  mes  précédentes  toutes  les  figures  qui  sont  dans  un 
manuscript  de  S.  Climax,  et  du  depuis  j'ay  heu  ordre  de  dessigner 
d'aultres  livres  de  la  Vaticane  là  où  H  y  a  des  figures  tirées  des  mosai- 
ques  ou  peintures  antiques  et  de  la  primitive  Kglise  pour  satisfaire  à 
la  volonté  de  Monsegneur  le  Cardinal,  lequel  m'a  favorisé  de  me  faire 
donner  la  parle  en  son  palais  ',  je  n'ay  peut  vacquer  comme  j'heusse 
fort  désiré  à  la  recherche  de  quelque  chose  curieuse  et  digne  de  voz 
mérites,  mais  la  sepmaine  qui  vient  estant  plus  libre  je  ne  mancqueray 
pas  à  m'acquitter  de  mon  debvoir,  me  disant  à  perpétuité, 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  obligé  serviteur, 
Cl.  Menbtrie. 

A  Rome,  ce  21  avril  (ffap*. 

'   La  parte,  c'est-à-dire  la  pari  que  les  grands  de  Rome  donnaient  à  ceux  qui  étaieiil 
admis  chez  eux.  —  '  Biliiioll:ècjue  nationale,  fonds  français,  gSii,  fol.  i<(a. 


.16291  À  CLAUDE  MENESTRIER.  567 


XXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

m   COBTE  DELL' ILLUSTBISSIMO  SIGNOKE  CARDINALE   BARB8R1N0, 

À  ROHB. 
Monsieur, 

Je  receus  vostre  lettre  [du]  17  febvrier,  par  une  vove  extraordi- 
naire sans  avoir  le  loisir  de  vous  respondre,  comme  je  le  marquay  à 
M''  Aubery  par  mes  dernières,  et  par  le  dernier  ordinaire,  j'ay  receu 
ung  pacquet  vostre  que  j'estime  estre  de  la  fin  de  mars  bien  qu'y  ayiez 
oublié  la  datte,  ensemble  les  trois  (jraveures  et  la  medaillette  qu'y 
aviez  joinctes,  bien  conditionnées,  mais  non  pas  la  procuration  que 
promettiez  par  vostre  précédante.  J'ay  esté  bien  aise  que  soyez  df- 
meuré  satisfaict  de  voz  lettres  de  naturalité,  mais  pour  les  fournitures 
que  j'y  ay  laictes,  il  n'est  pas  de  besoing  que  vous  mettiez  en  aulcuiie 
peine.  Je  vouldiois  bien  en  pouvoir  faire  de  plus  considérables  pour 
vostre  service  et  qui  vous  fussent  plus  utiles,  et  si  l'occasion  s'en  pré- 
sente, les  effects  le  vous  tesmoigneront. 

Vous  me  faictes  plaisir  de  vous  souvenir  du  médaillon  d'argent  de 
Gordien,  et  je  pense  qu'il  seroit  bon  de  vuider  cette  affaire  si  le  pou- 
vez, tandis  que  M'  Aubery  est  de  par  deln,  pour  vous  fournir  le  prix 
qu'aurez  convenu,  puisque  sa  bource  est  tousjours  si  libéralement  ou- 
verte quand  il  est  question  de  m'obliger.  Car  aprez  son  départ,  je  suis 
en  peine  à  qui  je  pourray  recourir  pour  faire  pareilles  fournitures  à 
poinct  nommé  si  volontiers  comme  il  les  faisoit. 

Vous  m'avez  obligé  de  me  faire  part  si  courtoisement  des  trois  gra- 
veures  el  de  la  medaillette  que  m'avez  envoyées,  et  je  vous  en  re- 
mercie trez  affectueusement,  mais  vous  m'eussiez  encores  plus  obligé 
de  dire  librement  à  M'  Aubery  ce  quelles  vous  coustoicnt  à  peu  prez. 
et  d'en  recevoir  vostre  remboursement  comme  de  coustume,  et  comme 
je  vous  supplie  encores  de  vouloir  faire  sans  cérémonie.  Autrement 
vous  m'osteriez  la  liberté  de  recourir  si  librement  comme  je  faictz  à 


568  LKTTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

vostre  honnesteté,  pour  le  recouvrement  des  curiositez  qui  se  peuvent 
presanter  de  mon  goust,  lequel  vous  est  meshuy  assez  cogneu  pour  ne 
pas  craindre  de  vous  y  mesprendre.  Vous  asseurant  que  je  vous  en  ay 
plus  d'obligation  aprez  le  reniLourcemcnt  actuel  que  quand  il  fault 
demeurer  dans  des  cérémonies.  Et  de  faict,  quand  m'avez  envoyé  les 
trois  gros  poids  que  M'  Menestrier'  m'envoya  en  febvrier  de  vostre 
part,  aprez  vous  avoir  rembourcé  les  lo  Jules  qu'y  aviez  despendus, 
vous  m'avez  faict  un  singulier  plaisir  et  dont  je  vous  sçay  plus  de  gré 
au  centuple  que  si  vous  m'aviez  obligé  à  des  cérémonies  sur  ce  subjecl. 
Ayant  veu  fort  volontiers  ce  gros  poids  quarré,  voire  plus  volontiers 
que  s'il  eust  esté  desrouillé  et  nettoyé,  comme  celuy  où  estoit  le  coq, 
lequel  je  n'ay  pas  laissé  de  recevoir  de  bon  cœur  tel  qu'il  est,  mais  je 
l'eusse  encores  mieux  aymé  tout  virgine  ou  pulceau,  comme  on  dict,  et 
avec  toute  sa  rouille,  car  j'ay  ce  regret  qu'en  le  nettoyant,  on  y  ayt 
effacé  des  lettres  qui  y  avoient  esté  autres  fois,  je  m'asseure,  comme 
en  d'autres  semblables.  Mais  pour  celuy  qui  avoit  l'image  d'un  chien 
dormant,  ce  semblé,  avec  certaines  lettres  d'un  costé  et  un  visage  cou- 
ronné de  l'autre,  s'il  se  fust  rencontré  bien  asseuremeiit  antique,  vous 
m'eussiez  extrêmement  obligé  (combien  que  je  ne  laisse  pas  de  vous- 
estre  grandement  redevable  de  cette  empreinte),  car  vous  aviez  ren- 
contré mon  goust  tout  entier  en  cette  pièce  là.  Et  je  vouldrois  bien 
que  vous  m'eussiez  escript  si  vous  en  avez  janiais  veu  d'autre  à  peu 
prez  semblable,  et  qu'eussiez  mesmes  faict  un  peu  de  recherche  tout 
exprez  pour  cela  chez  les  curieux  pour  l'amour  de  moy,  mesmes  chez 
le  cardinal  Borghese,  où  j'entends  qu'il  y  a  une  pleine  chambre  de 
curiositez  de  bronze  entr'autres  grand  nombre  de  cez  vieux  poids  de 
toutes  sortes,  et  par  occasion  je  vouldrois  bien  un  peu  de  relation 
vostre  de  touts  ceux  que  vous  y  trouverez  en  forn)e  de  cez  grosses  mé- 
dailles, qui  auront  des  lettres,  et  de  ceux  qui  auront  des  Animaulx. 

La  medaillete   Hébraïque  ou  Samaritaine  m'a  esté  fort  agréable, 
nonobstant  que  j'en  eusse  desja  une  demy  douzaine  de  pareilles,  daultanl 

'  Lapsus.  Peirefc  a  voulu  ëciire  le  nom  d'Aubery. 


[1629]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  569 

qu'elles  sont  ordinairement  si  mal  cognées  qu'il  est  malaisé  d'en  lisre 
toutes  les  légendes  ou  inscriptions  sans  en  avoir  bon  nombre,  surtout 
en  cez  sortes  de  médailles  de  caractères  estranger8,i  ily  a  du  plaisir 
d'en  voir  plusieurs  ensemble  à  cause  qu'un  mesme  caractère  v  est  bien 
souvent  représenté  en  forme  aulcunement  différante  que  l'on  est  bien 
aise  de  recognoistre.  C'est  pour  cela  que  j'en  ramasse  volontiers  aul- 
lant  que  j'en  trouve  et  que  je  seray  bien  aise  aussy  d'avoir  celle  que 
vous  dictes  avec  la  galère  et  l'inscription  ZIAÙNIiiN  et  autres  charac- 
teres  Phœniciens,  bien  que  j'en  aye  sept  ou  buit  de  la  mesme  ville, 
avec  de  tels  caractères  '  et  différents  revers  tant  de  la  galère  que  de 
l'Europe  et  aultres.  Principalement  si  la  vostre  est  bien  nette  à  l'en- 
droit desdicts  caractères. 

Pour  les  graveures  avec  la  bourse  je  vous  en  suis  bien  redevable, 
mais  ce  ne  sont  pas  celles  mesmes  que  le  feu  sieur  Natalicio  avait  eu 
de  moy.  C'est  pourquoy  je  vous  prie  de  m'envoyer  l'empreinte  des 

autres  [ ]^  qui  vous  sont  demeurées  et  des  autres  graveures 

plus  bigearres  que  vous  aurez  de  ce  genre  là,  Mesmes  de  celles  où 
sont  cez  figures  à  pieds  de  serpent  le  corps  nud,  la  teste  de  Juppiter 
et  le  col  de  serpent.  Les  empreintes  de  souffre  sont  si  faciles  à  faire, 
qu'il  ne  fault  que  la  volonté'  d'y  employer  quelque  beiire  une  aprez 
disnée,  sans  qu'il  soit  de  besoing  d'aller  chercher  de  moulleur.  Que  si 
cette  peine  vous  est  encore  trop  griefve,  et  que  me  veuilliez  laisser 
voir  les  originaulx  dans  un  pacquct  de  lettres,  je  les  vous  rcnvoyeray 
fidèlement,  et  vous  sçaurcz  qu'il  n'y  a  danger  quelconque  par  les  che- 
mins quoy  qu'on  ayt  voulu  dire,  les  despesches  estant  tousjours  seure- 
ment  passées,  à  travers  mesmes  des  armées.  Le  feu  sieur  Natalitio  et 
le  feu  Monsignor  Lelio  Pasqualini  m'en  ont  autres  foys  envoyé  des 
plaines  boittes,  et  de  graveures  et  de  médailles,  sans  que  jamais  il  se 
soit  rien  perdu  Dieu  mercy,  non  plus  que  de  ce  que  je  leur  rendis  à 
eux,  ou  que  je  leur  envovois  monstrer  du  mien. 

'  Sic.    Piesque    dans    la    même   ligne  '  Mot  enlevé  par  une  déchirure  du  pa- 

nons trouvons  les  deux  formes  :  cciraclères        pier. 
et  characlères.  '  Peiresc  a  écrit  :  la  volohnië. 

T.  7» 


570  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

Je  suis  bien  aise  que  vous  ayez  recogneu  combien  est  mal  fondée  la 
superstition  de  cez  pauvres  gents  qui  pensent  que  cez  pierres  [avec] 
graveures  mystérieuses  puissent  avoir  des  proprietez  plus  grandes  que 
celles  de  raesme  nature  qui  n'ont  aulcune  graveure ,  ne  servir  à  autre 
chose  que  pour  faire  voir  la  vanité  de  la  superstition  des  anciens.  Ce 
qui  vous  en  rendra  moings  jaloux,  comme  je  pense. 

Je  vous  remercie  des  médailles  Romaines  et  autres  que  m'avez  ap- 
prestées,  raesmes  de  cez  Arabiques  et  d'autres  caractères  estrangers 
et  de  celles  qui  ont  les  notes  S  et  H  et  autres.  Vous  priant  de  me  les 
faire  tenir  le  plus  tost  que  vous  pourrez  aprez  en  avoir  relevé  vostre 
rembourcement  de  M'  Aubery. 

Il  m'escript  que  v<^us  luy  avez  présenté  un  Antinous  fort  extraordi- 
naire que  je  vouldrois  bien  avoir  veu  en  empreinte  ou  en  original,  et 
suis  marry  que  ne  m'ayez  faict  retenir  une  empreinte  aussy  de  cette 
médaille  de  Sidon,  dont  m'aviez  envoyé  le  dessein,  et  de  ce  médaillon 
d'Hadrian  cogijé  en  Bithynie,  avec  le  diadème  royal,  avant  que  vous 
desfaire  des  originaulx.  Et  m'estonne  que  vous  trouviez  tant  de  diffi- 
culté à  disposer  d'un  moullcur,  estant  chose  si  commune  partout,  et 
de  faict  M'  de  Bonnaire  vous  aura  peu  dire  que  le  sieur  Mellan,  gra- 
veur, en  avoit  trouvé  un  qui  eust  faict  tout  ce  qu'eussiez  peu  luy  or- 
donner pour  ce  regard  et  M'  Aubery  eut  volontiers  payé  les  fraiz  qui  y 
pouvoient  escheoir  aultant  de  foys  que  l'eussiez  voulu  employer,  comme 
il  fera  encores  aux  occasions  qui  s'en  présenteront,  où  je  vous  prie  de 
ne  le  pas  espargner. 

Il  fault  que  les  figures  que  M^  le  Cardinal  vous  a  faict  copier  du  MS. 
de  Jo.  Glimachus  ayent  quelque  chose  de  bien  singulier,  puisqu'il  vous 
y  a  donné  de  la  peine  pour  si  long  temps,  ne  doublant  pas  qu'elle  ne 
soit  trez  utilement  employée.  Mandez  moy,  je  vous  prie,  à  peu  prez 
ce  qui  peult  rendre  lesdictes  figures  si  recommandables,  et  si  m'en 
pouviez  envoyer  un  peu  de  griffonement  de  quelqu'une  de  celles  que 
vous  jugerez  plus  notables,  vous  m'obligerez  encores  plus. 

Cependant  j'ay  esté  infiniment  aise  qu'enfin  niondict  seigneur  le 
Cardinal  ayt  commencé  à  gouster  vostre  vertu,  et  à  vous  employer,  et 


[1629]  À  CLAUDE  MENESTRIRR.  57t 

qu'il  vous  ayt  faict  donner  la  parte  dont  je  vous  félicite  à  l'advance, 
espérant  que  cela  sera  suivy  de  quelque  meilleur  appoinctement,  el 
parceque  je  luy  avois  souvent  parlé  de  vous,  si  trouvez  bon  que  je 
pregne  subject  de  luy  faire  des  complimentz  et  remerciinentz  de  ce 
qu'il  a  desja  faict  pour  vous,  avec  une  rechargé  de  recommandation, 
je  le  feray  trez  volontiers.  Mais  je  ne  l'ay  pas  osé  faire  de  ce  coup,  ne 
sçachant  pas  cette  nouvelle  de  vostre  part,  ne  si  c'est  chose  dont  vous 
soyez  content  ou  non.  Ou  bien  si  aymez  mieux  n'agir  que  de  vous 
mesmes,  comme  je  ne  doubte  pas  que  vostre  seule  considération  ne 
soit  plus  que  suffisante,  pour  vous  acquérir  auprez  d'un  tel  seigneur 
tout  l'accez  et  le  crédit  que  vous  sçauriez  <lesirer. 

Quant  à  cez  petits  coquillages,  j'altendray  avec  impatianre  vostre 
discours,  mais  parce  que  je  sçay  que  telles  choses  peuvent  tirer  plus 
long  traict  quelque  foys  qu'on  ne  pense,  je  vouldrois  bien  qu'en  atten- 
dant que  cela  soit  (iny,  vous  ne  laissassiez  pas  de  m'envoyerau  moings 
un  peu  de  monstre  de  cez  plus  petites  coquilles  de  toutes  les  diflerentes 
sortes  plaquées  sur  un  peu  de  papier  ou  autre  matière  plus  forte  que 
du  papier,  le  tout  enfermé  dans  quelque  petitte  boitte  pour  avoir  le 
plaisir  de  lés  voir  avec  des  lunettes  de  longue  veiie. 

Ce  qu'attendant,  je  vous  remercie  bien  fort  de  la  description  (pie 
m'avez  faicte  de  ce  Monte  Mario,  et  verray  trez  volontiers,  avec  le 
temps,  quand  la  commodité  se  présentera,  de  voicture  plus  grosse  que 
des  lettres,  une  bonne  boitte  grosselte  remplie  de  cette  argile  noirastre 
pleine  de  cez  coquilliages  gros  et  petitz,  ensemble  de  cez  petites  bran- 
chettes  que  vous  appeliez  du  coral  blanc,  et  de  cez  petites  cheiles 
d'escrevice',  et  toutes  autres  choses  maritimes  qui  s'y  trouvent,  mesmes 
de  cez  poinctes  ou  arestes,  que  j'estime  estre  de  l'Echinus,  que  nous 
ap])elons  icy  des  ourcins,  estimant  qu'en  bien  cherchant  dans  cett« 
argiile,  aux  endroicts  où  il  se  trouve  de  toiles  espines,  il  se  trouveroit 
des  fragmentz  de  la  croustc  de  cet  animal,  aussy  bien  que  de  celle  des 

'  Nous  avons  di'jh  trouvé  (tome  IV)  celte  d'iiui,  le  mot  cheiles  ne  fi{pirant  dnns  aucun 
expression  que  nous  n'avons  pu  expliquer.  dictionnaire.  Et  [wurlant  le  mol  est  In^'s  lisi- 
Nous  ne  sommes  pas  plus  heiucux  aujour-        Uement  écrit  dans  deux  lettres  diiïérenles. 

7»- 


572  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

escrevices.  Lorsque  vous  nous  aurez  faict  voir  ce  que  c'est,  nous  vous 
en  dirons  nostre  advis,  et  si  nous  faictes  part  de  vostre  discours,  pos- 
sible aurons  nous  pius  de  moyen  de  vous  en  parler  plus  pertinem- 
ment, et  de  seconder  vostre  curiosité  en  quelque  chose.  Sur  quoy  je 
finiray  me  recommandant  à  voz  bonnes  grâces  et  demeurant. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
DE  Peiresc. 

A  Aix,  ce  aS  avril  1629'. 


XXX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  enfm  receu  par  le  P.  Germain  des  Minimes  vostre  despesche  du 
21  avril  avec  les  28  médailles  de  la  Republique  Romaine,  et  la  boitte 
de  coquillages  de  Monte  Mario  dont  je  vous  remercie  trez  affectueuse- 
ment, et  vous  prie  de  faire  sçavoir  à  M'  de  Bonnaire  ce  quy  avez  fourny 
à  peu  prez  afin  qu'il  vous  en  puisse  faire  le  rembourcement.  Lequel  il 
fera  trez  volontiers  de  cela  et  de  toute  autre  chose  que  luy  pourrez 
bailler  pour  moy  comme  souloit  faire  M''  Aubery.  Aultrement,  si  ne 
souffrez  qu'on  vous  rembource,  je  n'oseray  plus  rien  accepter  de  ce 
que  vous  m'envoyerez  et  vous  r'envoyeray  le  tout.  M' estimant  assez 
vostre  obligé  de  la  preferance  sur  les  autres,  quand  me  la  vouldrez 
accorder,  car  pour  l'accepter  sur  vous  mesmes  des  choses  de  vostre 
goust,  je  ne  le  veux  pas  faire  nomplus.  C'est  pourquoy  soit  de  médailles 
soit  de  graveures  ou  autres  curiositez,  quand  il  vous  en  tombera  en 
main  que  vous  ne  vouldrez  retenir  pour  vous ,  ou  bien  quand  des  vostres 
il  vous  en  arrivera  de  doubter,  ou  de  telles  qu'il  vous  puisse  esfre  in- 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ins.  H  271,  fol.  56. 


[1629]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  573 

différent  de  vous  en  priver,  plus  tost  que  de  les  bailler  à  d'autres,  me 
ferez,  faveur  singulière  de  me  les  despartir  à  nioy.  Et  cela  soit  dict  et 
entendu  ainsin  et  non  autrement,  au  cas  que  songeassiez  à  vous  des- 
faire quelque  jour  de  ce  jaspe  à  la  figure  de  sept  testes,  de  cez  lapis 
lazuli  et  yEmatite  à  la  figure  de  vieillard  Aristée  et  de  cette  médaille 
d'Adrian  où  est  la  figure  en  pied  avec  un  animal. 

Je  vous  remercie  aussy  du  soing  qu'il  vous  plaict  me  promettre  à  la 
recherche  des  autres  graveures  dont  je  vous  avois  envoyé  les  em- 
preintes chez  ceux  qui  les  peuvent  avoir  acquises  et  de  cez  médailles 
à  trois  testes  et  autres  curieuses  dont  je  vous  avois  aussy  envoyé  les 
plombs,  ensemble  des  grosses  coquilles  de  Monte  Mario,  remplies  de 
petites,  lesquelles  vous  me  promettez. 

Ayant  esté  bien  aise  d'entendre  le  bon  employ  que  commence  à 
vous  donner  Ms'  le  Cardinal  avec  la  parte,  et  désirant  que  cela  soit 
suivy  des  recognoissances  telles  qui  peuvent  estre  deiies  à  vostre 
vertu. 

M''  d'Aubery  m'cscrit  du  i  2  may,  que  vous  aviez  encores  parlé  de 
quelque  supplément  qu'aviez  trouvé  à  m'envoyer,  dont  je  vous  re- 
mercie à  l'advance,  et  vous  prie  de  le  remettre  à  M'  de  Bonnaire  et 
d'en  recevoir  vostre  rembourcement,  sans  oublier  de  disposer  de  moy 
en  revanche  avec  toute  liberté  comme  pouvez  faire  de  celuy  qui  est  et 
sera , 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

DE  Peihesc. 
\  Aix,  ce  10  juin  1629  '. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ras.  H  971,  fol.  56. 


576  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 


XXXI 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 
Monsieur, 
J'ay  recou  la  vostre  du  i  o"  du  presant  par  laquelle  me  mandez 
qu'avez  receu  par  le  P,  Germain  Minime  les  28  médailles  de  la  Re- 
publique Romaine;  du  depuis  j'en  ay  donné  aultretant  à  Monsieur  de 
Bonnaire  lequel  m'a  dit  les  avoir  donné  es  mains  d'un  patron  d'une 
Barcque  fort  asseuré,  estant  fort  marry  de  n'avoir  peu  recouvrer 
choses  plus  dignes  de  vostre  curiosité;  me  sentant  .estre  vostre  rede- 
vable et  obligé,  mon  intention  n'estoit  d'en  recevoir  aulcun  rembour- 
sement, mais  voyant  par  les  vostres  que  m'escrivez  que  me  renvoirés 
ce  que  je  vous  envoyé  si  je  ne  m'en  fais  rembourser  par  Monsieur  de 
Bonnaire,  puis  que  tel  est  vostre  volonté  j'en  recevray  ce  que  j'ay  em- 
ployé aux  medales  tant  du  premier  pacquet  que  du  second  qui  sont 
semblablement  28  ou  3o  aulcunes  desquelles  j'ay  payé  un  quart  de 
jule  et  telles  j'ay  payé  jusques  à  un  jule,  et  un  jule  et  demy,  de  sorte 
quelles  me  coustent  jusques  à  trente  cinq  jules,  les  revendeurs  de  la 
place  les  tenant  chères  voyant  que  je  les  recherchois.  Je  ne  sçay  si  je 
les  aurez  trop  payé  pour  estre  aulcunes  d'icelles  mal  conservés.  En 
suytte  de  la  vostre  je  n'ay  voulu  mancquer  vous  envoyer  le  jaspe  avec 
les  7  testes,  le  lapis  lazuli  avec  la  figure  de  l'homme  barbu  aislé,  ayant 
joint  aultres  quatres  l'une  desquelles  a  la  figure  avec  la  teste  de  coq  et 
les  pieds  de  serpents  à  cause  qu'il  a  force  letre,  puis  une  calcédoine 
ayant  aussy  plusieurs  characteres  et  ayant  remarqué  en  une  pierre 
d'hématite  un  D  à  l'usance  latine  fort  bien  formé,  ce  que  je  n'ay  veu 
en  aultres  graveures  des  ^Egyplians,  j'ay  pensé  qu'auriés  peut  estre  à 
cher  de  le  veoir,  l'ayant  encore  accompagné  d'une  aultre  petite  avec 
letres  de  relief  lesquelles  6  graveures  ayant  supputé  ce  que  me  cous- 
tarent  les  100  que  j'achepta  des  despoulles  de  feu  s'  Natalicio  me  re- 
viennent à  deux  escus.  Avec  les  pierres  j'ay  consigné  à  Monsieur  de 
Bonnaire  l'Adrian  duquel  m'aviez  envoyé  le  plomb  et  avec  iceluy  une 


[1629]  À  CLAUDE  MENESTIUER.  B?5 

médaille  grec  ayant  une  teste  de  province  fort  grande  eu  conformité 
d'une  petite  qu'est  auprès  de  Trajan,  lesquelles  deux  me  peuvent 
coustent  [sic  pour  œuster]  aultres  5  Jules;  ayant  designé  d'un  plomb 
tiré  sur  une  médaille  antique  de  bronze  de  feu  s'  Pasqualiuo  les  trois 
mages  avec  la  cydace  ou  thyare  en  toste,  je  vous  en  envove  ce  dessein. 
S'il  me  vient  par  les  mains  quelque  chose  digne  de  vous,  je  ne  manc- 
queray  vous  en  faire  part,  me  disant  à  perpétuité. 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  affectionné  serviteur, 
Cl.  Menetrie. 

A  Rome,  ce  a8  juin  lôag  '. 


XXXil 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 

11  y  a  huict  jours  que  je  donna  le  dessein  du  vase  de  Monseigneur  le 
Cardinal  à  Monsieur  Suarès  lequel  m'a  dit  vous  l'avoir  envoyé  :  je  prins 
la  haulteur  et  par  tout  le  corps  j'observa  la  forme  dudit  vase  en  pre- 
nant le  diamètre  esgalement  par  tout  conjme  aussi  la  grosseur  d'iceluy 
lequel  est  plus  espes  en  haull  qu'en  bas  nonobstant  qu'il  y  aye  depuis 
le  milieu  du  vase  l'esmail  blanc  duquel  le  graveur  c'est  servi  pour 
eslever  les  figures  restant  le  fond  bleu;  ayant  veu  par  la  vostre  que 
desiriez  fortsçavoir  la  vraye  couleur  de  la  coniposition  d'iceluy,  je  n'ay 
jugé  pouvoir  estre  rien  plus  à  propos  qu'un  morceau  de  semblable 
esmail  bleu  avec  le  blanc  dessus  encore  qu'il  ne  soit  si  blanc  comme 
celuy  du  vase  ny  le  bleu  si  obscur  à  cause  qu'il  n'a  tant  d'espesseur 
ny  de  corps  comme  le  vase. 

Je  n'ay  rien  descouvert  de  nouveau  ny  digne  de  vous  des  il  y  a 

'  Bibliothèque  nnlionalc,  fonds  français,  face  le  buste  du  Christ  avec  la  légende 
954/i,  fol.  ly/i.  A  celle  lettre  est  joint  le  EMMA.NVIlf.,  et  an  revers  radoration  de» 
dessin  d'une  médaille  représentant  sur  la        Mages. 


576  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

quelque  temps.  Il  y  a  seulement  un  orphaivre  qui  faict  profession  de 
revendre  des  choses  antiques  auprès  duquel  j'ay  treuvé  une  prasme 
d'esmeraude  juste  de  grandeur  que  je  vous  envoyé  le  dessein  avec  les 
letres  que  j'ay  copié  le  mieux  que  m'a  esté  possible  de  laquelle  il  me 
demanda  quinze  jules;  ayant  veu  le  prix,  je  me  suis  contante  du  des- 
sein; si  toutefois  elle  vous  aggreoit,  je  composerois  avec  iceluy. 

Si  parmy  vos  médailles  avés  quelques  abeilles,  je  vous  supplie 
me  faire  part  du  dessein,  m'ayant  commandé  Monseg''  le  Cardinal 
de  les  mètre  toute  ensemble,  en  ayant  desja  designé'  jusques  à  ab, 
et  si  avez  quelque  chose  de  particulier  sur  icellcs  abeilles,  vous  m'obli- 
gerez beaucoup  m'en  faire  part;  attandant  que  j'aye  l'occasion  de 
vous  servir  de  quelque  chose  de  vostre  contantement,  je  me  diray  à 
jamais. 

Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  affeclioné  serviteur, 

Cl.  Menetrie. 
A  Rome,  ce  i  a  juillet  1 629  '. 


XXXIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes  vostre  lettre  du  28  juin, 
accompagnée  d'autres  lettres  de  M'  de  Bonnaire,  avec  lesquelles  je  re- 
ceus  la  médaille  d'Hadrian  accompagnée  d'une  autre  deTrajan,  et  six 
graveures  escriptes  que  j'ay  trouvées  la  pluspart  fort  à  mon  goust.  C'est 
pourquoy  je  vous  en  suis  bien  redevable  et  de  la  modération  de  la  taxe, 
en  quoy  vous  me  faictes  cognoistre  que  vous  estes  bon  mesnager.  Je 
n'ay  pas  receu  les  médailles  Romaines  mises  en  roulleau,  encores  que 

'  C'est-à-dire  dessiné.  —  '  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  9544,  fol.  196.  Au 
fol.  196  bis  on  trouve  le  dessin  d'une  médaille  avec  inscription  grecque. 


I1629J  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  577 

le  patron  Vanedoz  qui  eu  est  char{][é  soit  arrivé  auprez  de  Marseille 
parce  qu'on  luy  faict  faire  quarantaine  comme  venant  de  Ligourne  et 
estant  mort  deux  passagers  sur  sa  barque  par  les  chemins  de  (iebvres 
chaudes  fort  malignes.  Hier  je  receus  un  pacquel  de  M^'  le  Cardinal 
dans  lequel  je  trouvay  le  dessein  de  son  vase  de  vostre  main  dont  je 
suis  demeuré  contant,  mais  je  vouldrois  pourtant  que  comme  vous  aviez 
nîarqué  les  mesures  des  espoisseurs  du  bord  supérieur  et  du  fonds, 
vous  eussiez  peu  semblablcment  prendre  celle  de  l'espoisseur  des  coslez, 
et  que  marquant  celle  de  la  haulteur  vous  eussiez  exprimé  si  c'esloit 
dans  œuvre,  ou  non,  et  que  n'eussiez  pas  obmis  la  largeur  en  divers 
endroicts,  tant  du  plus  large  que  du  plus  estroict,  et  des  interstices 
pour  pouvoir  calculer  sa  vraye  capacité.  J'ay  par  mesme  moyen  veu  le 
morceau  de  verre  blanc  et  bleu,  mais  si  la  mémoire  ne  me  tronqie,  il 
me  semble  que  le  vase  est  de  violet  beaucoup  plus  brun  et  plus  beau, 
et  le  blanc  beaucoup  plus  net  et  moings  grisastre  que  vostre  fragment. 
J'ay  veu  la  médaille  mesme  originale  des  trois  Roys  de  feu  M''  Lelio 
Pasqualini  dont  m'avez  envoyé  le  dessein  dont  neantmoings  je  vous 
remercie  bien  affectueusement.  U  en  avoit  encor  une  autre  de  diffé- 
rente manière,  que  je  vis  toutes  deux  ensemblement.  J'avois  receu 
quelque  temps  y  a  allant  en  Cour  une  autre  despesche  vostre  du  3 1  may 
avec  vostre  procuration,  un  petit  dessein  de  ce  libvre  de  Clymacus', 
que  j'ay  trouvé  bien  gentil,  un  fragment  d'esmail  rouge  bien  beau,  et 
deux  medaillettes  de  cuivre  dont  l'une  s'est  trouvée  de  mon  goust  et 
une  lettre  du  sieur  Boldoni  à  qui  je  ne  sçaurois  pour  le  présent  faire 
responce  à  mon  grand  regret,  estant  constrainct  de  la  remettre  à  mou 
voyage  des  champs  avec  toutes  les  autres  qui  restent  de  mes  bons  sei- 
gneurs et  amys,  ne  pouvant  pas  mesmes  revoir  voz  lettres  pour  y  res- 
pondre  par  le  menu  pacre  qu'on  me  vient  arracher  mon  pacquet,  pour 
ne  laisser  perdre  la  commodité  du  passage  du  pacquet  du  Roy,  afin 
(ju'il  aille  plus  seurement.  Seulement  vous  diray  je  ipie  je  suis  marry 
que  m'ayez  nommé  dans  vostre  procuration,  parce  qu'en  me  rendant 

'  Sur  Cliinaqiie  (Jean  Scliolasiiqiic)  voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy  (Il ,  689). 

73 


678  LETTRES  DE  PEIRESC  [1629] 

partie  en  voz  affaires  vous  m'ostez  le  moyen  de  vous  y  servir  en  autres 
qualitez  qui  m'en  peuvent  fournir  de  meilleurs  moyens  et  plus  advan- 
tageux.  C'est  pourquoy  je  suis  d'advis  que  m'en  envoyiez  une  autre  où 
laissiez  le  nom  du  procureur  en  blanc,  afin  de  le  pouvoir  remplir 
selon  les  occasions  (|ui  se  présenteront.  Et  de  faict  cez  jours  passez,  si 
je  me  fusse  trouvé  en  cette  ville,  on  m'envoya  l'advis  d'un  canonicat  de 
Digne  que  je  vous  eusse  faict  conférer,  la  maladie  y  ayant  faict  mourir 
afforce  supposts  de  cette  église.  Et  si  elle  faict  du  progrez  en  ce  païs, 
comme  nous  ne  l'appréhendons  que  trop,  il  ne  se  présentera  que  trop 
d'ocxiasions  de  vous  faire  plasser  (stc)  quelque  part.  C'est  pourquoy  ne 
perdez  poinct  de  temps,  et  plus  tost  m'envoyez  divers  extraicts  de  vostre 
dicte  pi-ocuration  par  diverses  voyes ,  afin  qu'en  ce  mauvais  temps  il 
en  vienne  quelqu'un  à  bon  port. 

Au  reste  j'ay  eu  la  mesme  curiosité  que  vous  de  cez  fragmentz  de 
verres  et  esmaux  antiques,  dont  j'emportav  venant  de  Rome  une  pleine 
boitte  entre  lesquels  y  en  a  d'assez  gros  morceaux  de  ce  rouge  que  vous 
dictes  et  entre  auitres  comme  une  grosse  mouHeure  ou  bordeure  de 
tableau.  Vostre  Camayeul  d'Isis  blanc  sur  rouge  doibt  estre  bien  joly. 
J'en  ay  bonne  quantité  de  beaucoup  de  différantes  couleurs,  et  en  ay 
mesmes  comme  le  vase  du  Cardinal  et  au  contraire  du  bleu  sur  blanc, 
et  sur  Janine,  et  du  jaulne  sur  bleu,  oii  il  y  a  de  belles  testes  et  aul- 
cunes  d'assez  bonne  main,  principalement  de  celles  qui  suyvent  les 
vrayes  couleurs  de  l'Agathe.  Mais  je  n'en  ay  poinct  et  n'en  ay  jamais 
veu  comme  vostre  Isis. 

Je  suis  marry  qu'ayez  laissé  eschapper  le  Gordian  d'Argent  que  je 
vous  avois  tant  recommandé  aussy  bien  que  l'Antinous  consacré.  Et 
tousjoiirs  m'eussiez  vous  bien  obligé  de  m'en  retenir  des  empreintes, 
et  du  médaillon  de  Gordian  je  vouldrois  bien  avoir  eu  l'empreinte  et 
le  contre-poids  à  part.  Si  le  pouviez  avoir,  j'en  payerois  encores  quelque 
chosette. 

Quant  à  l'Othon  de  cuyvre,  j'en  ay  troys  de  différantes  grandeurs 
touts  grecs,  l'un  grand,  l'autre  moyen,  le  troisiesme  petit,  et  un  qua- 
triesme  qui  est  d'argent,  mais  du  poids  du  quadruple  des  ordinaires 


[1630]  À  CLAUDE  MENESTIUER.  579 

et  est  pareillemeiil  grec.  Mais  je  suis  constraincl  de  ciorre.  Tenez  moy 
tousjours, 
Monsieur, 

pour  vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  6  aoust  iGay  '. 


XXXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR   MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Ce  mot  à  la  haste  ne  sera  que  pour  vous  sailuer,  et  vous  dire  que 
je  suis  en  peine  si  vous  aurez  eu  ou  non  les  autres  lettres  que  je  vous 
ay  escriptes  depuis  nostre  sortie  d'Aix  et  retraicte  en  ce  lieu  champestre, 
oi!i  nous  avons  eu  de  meilleures  rencontres  que  nous  ne  nous  serions 
osez  promettre  en  matière  de  libvres  MSS.  et  Anticailles,  de  toutes 
sortes,  mesmes.  .  .  '*'  [médailles]  grecques  en  nombre  de  plus  de  cinq 
cents  et  entr'autres  d'un  tripos.  .  .  de  bronze  antique  bien  entier  et  de 
trez  bonne  et  docte  architecture  sur  lequel  il  y  a  lieu  à  discourir,  pour 
mieux  entendre  une  infinité  de  passages  des  autlieurs  anciens,  qui  n'es- 
toient  quasi  poinct  intelligibles  sans  avoir  veu  cette  pièce,  laquelle  me 
taict  bien  regretter  de  n'avoir  veu  celuy  de  M'  le  Caval'  Gualdo,  dont 
on  m'a  autresfoys  envoyé  un  petit  dessein  imprimé  en  taille  doulce, 
mais  qui  n'est  guieres  bien  exacte.  C'est  pourquoy  je  desirerois  que 
vous  prinsiez  la  peine  de  l'aller  revoir  pour  l'amour  de  moy  et  de  m'es- 
crire  un  peu  de  relation  exacte  de  tout  ce  que  vous  y  pourrez  observer 
soit  pour  les  poids,  mesures  et  dimensions  de  la  pièce  entière  et  de 
chascun  membre  à  part  s'ils  se  peuvent  séparer,  aussy  bien  comme  on 
dict  qu'ils  sont  flexiles  et  ployants,  soit  pour  la  manière,  si  vous  pouvez 

'   Bibliothèque  de  ri'Icoie  de  mf'decine  de        quelle  a  enlevé  quelques  mots  dans  trois 
Montpellier,  nis.  H  uyi,  fol.  58.  lignes,  l'espace  brùlt'  formant  comme  un 

'  Ici  il  y  a  une  brùliu-e  du  papier,  la-        triangle  (V). 

78. 


580  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

distinguer  et  recognoistre  qu'elle  soit  grecque  ou  barbare,  soit  pour  le 
destail  des  ornements  et  enrichissements  qu'il  y  peult  avoir,  soit  pour 
la  qualité  du  metail,  si  celuy  du  bassin  est  semblable  ou  difl'erent  de 
l'autre  dont  sont  composées  les  jambes  et  le  soubsbassement(s'il  y  en  a), 
ou  bien  si  celuy  du  bassin  est  de  différante  couleur  et  durté,  s'il  est  en 
estât  de  pouvoir  rendre  quelque  '  [fonction]  et  s'il  estoit  espois  ou  bien 
tenue  et  dellié,  et  finalement,  pour  la  rouille  ou  Pattina,  si  elle  vous 
peult  servir  à  juger  de  quelle  antiquité  à  peu  prez  est  cet  ouvrage. 
Comme  aussy  seroys-je  aise  d'apprendre  (si  quelqu'un  s'en  souvenoit) 
en  quel  temps  il  a  esté  desterré;  si  c'a  esté  dedans  la  ville  de  Rome, 
ou  dehors;  si  ça  esté  dans  des  ruines  ou  masures  qui  se  peussent  re- 
cognoistre pour  avoir  esté  d'un  temple  ou  d'autre  fabrique,  et  choses 
semblables,  et  par  quelles  mains  il  avoit  passé  avant  que  tomber  en 
celles  dudict  s'  Gavai"'  Gualdo,  ou  bien  s'il  l'a  recouvré  à  mesure  qu'il 
a  esté  desterré. 

Je  suis  marri  de  vous  charger  de  tant  de  soing,  mais  je  vous  en  de- 
meureray  obligé,  et  de  tant  plus  que  vous  userez  de  diligence  pour 
m'en  advertir,  portant,  s'il  vous  plaict,  voz  lettres  à  M'  de  Bonnaire  ou 
à  Dom  du  Puy. 

Au  reste  j'avois  apprins  que  vous  m'aviez  destiné  quelques  petites 
medaillettes  de  ces  Romaines  de  cuivre  devant  l'Empire  et  de  cez  poids. 
Je  m'imagine  que  vous  les  aurez  depuis  remises  à  M'  de  Bonnaire  qui 
vous  en  aura  faict  rembourcer  les  fraiz,  et  qu'elles  pourront  venir  par 
quelqu'un  de  ceux  de  la  suitte  de  M""  de  Bethune-.  Que  si  cela  n'avoit 
pas  esté  faict,  je  vous  prie  de  les  porter  à  Mad''=  de  Barclay,  laquelle  y 
fera  satisfaire  et  chercher  les  moyens  de  me  les  faire  tenir  de  quelque 
costé;  plustost,  si  le  commerce  est  si  rompu  de  ce  costé  de  Gènes,  on 
les  pourroyt  adresser  à  Lyon  à  quelque  amy,  comme  pourroyt  estre  le 
sieur  Gardon,  marchand  libraire  %  qui  ne  manqueroit  pas  de  me  les 

'  Ici  un  mot  disparu,  dont  il  ne  reste  miiien,  duc  de  Sully,  souvent  menlionnédans 

que  la  dernière  syllabe  :  tion.  nos  précédents  volumes  (notamment  1,485). 

'  L'ambassadeur  Philippe  de  Béthune,  '  Sur  Jacques  Cardon,  voir  le  recueil 

cojnte  de  Selles  et  de  Charost ,  frère  de  Maxi-  Peii-esc-Dupuy  (  II ,  Sg/i  ). 


[1630]  A  CLAUDE  MENESTIUER.  581 

envoyer  icy,  où  nous  attendons  de  voz  nouvelles  et  cependant  je  seray 

tousjours, 

Monsieur, 

vostre  bien  humble  et  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
À  Boysgency,  ce  la  may  i63o'. 


\xxv 

À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROMK. 

Monsieur, 

Je  receus  avant-hier  vostre  lettre  du  98  septembre,  avec  la  boitte 
de  graveures  et  médailles  par  M'  deThou,  qui  dédaigna  de  passer  par 
icy  et  y  prendre  un  mauvais  disner  avec  M'  l'abbé  de  Ghasteliez,  et 
le  soir  mesmes  je  receus  une  autre  lettre  vostre  du  2  octobre  par  le 
sieur  Guibaut  qui  printla  peine  de  me  venir  voir,  avec  le  sieur  Bonnin. 
Auxquels  j'offris  tout  ce  qui  estoiten  mon  pouvoir  pour  leur  service,  mais 
je  n'eus  pas  assez  de  credict  en  leur  endroict  pour  les  faire  demeuror 
à  soupper  et  coucher  chez  nous.  Et  parce  qu'ils  s'excusoient  sur  la  com- 
pagnie de  l'Abbé  de  Goustances,  j'envoyay  offrir  nostre  maison  audict 
sieur  Abbé  et  fis  tout  ce  que  je  peus  pour  le  faire  condescendre  à  l'ac- 
cepter, mais  il  me  fut  du  tout  impossible,  à  mon  grand  regret. 

La  santé  est  maintenant  si  bonne  dans  cette  province  grâces  à  Dieu 
par  touts  les  lieux  oil  ils  pouvoient  prendre  leurs  routtes  tant  du  cost/- 
d'Aix  que  de  Marseille  et  Arles,  qu'ils  n'avoienl  rien  h  craindre  de  ce 
costé  là,  et  le  commerce  y  est  rcstably  partout  fort  heureusement  ex- 
cepté quelques  villages  de  la  frontière  des  terres  de  M' de  Savoye  vers 

'  Bil)liolh(!quc  de  l'École  de  mélecine  de  en  hasle»  (iTiirf.,  fol.  53)  et  où  Peiresc  in- 

MontpcUicr,  iiis.  H  971,  fol.  61.  J'ai  cru  diqiie  h  Mcnestrier  une  occasion  pour  IVn- 

devoir  m^ffliger  un  billet  d'une  douzaine  de  voi  des  in(f<lailles,  poids  et  auti-os  anliquilt's 

lignes  dcrit  yk  Boisgency,  ce  a 4  juin  i  G3o  recueillis  par  cet  obligeant  confrère. 


582  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

ia  Montagne,  qui  est  fort  loin;;  de  leur  chemin,  lis  avoient  faulte  de 
chevauk,  mais  ce  pais  en  est  fort  despourveu,  et  je  leur  eusse  fort  vo- 
lontiers baillé  les  nostres,  sans  l'appréhension  oii  j'estois  du  passage  de 
Ms'  le  Nonce  qui  vint  en  eiïect  ie  jour  d'aprez,  et  nous  fit  l'honneur  de 
disner  céans  \  lequel  il  fallut  aller  recevoir  et  conduire  aussy  loing  qu'il 
estoit  possible,  à  quoy  noz  chevauix  nous  estoient  absolument  néces- 
saires et  ne  pouvions  avoir  du  temps  pour  en  envoyer  chercher  d'autres 
ailleurs  chez  noz  amys.  J'en  eus  grand  regret  pour  cez  Messieurs  et 
sans  cette  occurrence  je  leur  eusse  trez  volontiers  baillé  noz  chevauix 
pour  tant  qu'il  leur  eust  pieu  pour  l'amour  de  vous.  Je  leur  baillay  une 
petite  lettre  pour  M'  Chifïlet  selon  ce  que  vous  me  mandiez,  afin  de 
profliter  cette  bonne  occasion.  Et  si  je  pouvois  servir  cez  messieurs  ou 
aultres  de  voz  amys,  je  le  ferois  tant  plus  volontiers  que  je  suis  en 
impatience  de  ne  vous  pouvoir  servir  vous  mesmes  comme  je  souhaic- 
terois ,  en  revanche  de  la  continuation  de  vostre  boime  volonté  en  nostre 
endroict  et  de  la  faveur  que  vous  me  faictes  de  me  faire  part  de  voz 
conquestes,  en  quoy  certainement  vous  m'obligez  bien  fort.  Et  particu- 
lièrement en  cez  médailles  et  graveures  que  m'avez  envoyées  en  dernier 
lieu,  qui  se  sont  la  pluspart  trouvées  fort  à  mon  goust,  et  je  vous  en . 
sçay  encores  plus  de  gré  puisque  m'en  avez  faict  sçavoir  la  despense 
qu'y  aviez  faicte  (des  36  Jules  que  M"^  de  Bonnaire  vous  fera  rem- 
bourcer),  que  si  m'aviez  faict  un  presant  de  vingt  escus,  pour  la  liberté 
que  vous  me  donnez  de  vous  prier  de  me  continuer  les  mesmes  faveurs 
et  preferances  aux  choses  que  vous  estimerez  de  mon  goust  et  qui  ne 
seront  pas  tant  du  vostre.  Je  n'ay  pas  eu  le  loisir  de  les  examiner  en- 
cores, à  ma  mode,  parce  que  je  le  veux  faire  conjoinctement  avec 
d'autres  que  j'ay  de  pareille  manière  à  peu  prez ,  et  que  cez  choses  si 
goffes  ne  se  deschiffrent  pas  facilement  sans  en  rencontrer  plusieurs  à 
peu  prez  semblables,  qui  s'entr'aydent  les  unes  les  autres.  J'en  ay 
mesmes  aulcunes  où  sont  les  mesmes  figures  que  vous  appeliez  sche- 
lettes  estendûes  aux  pieds  d'une  autre.  Et  passeray  volontiers  quelque 

'  C'était  Alexandre  Bichi,  évêque  de  Garpentras,  déjà  souvent  mentionné  dans  les  pré- 
cédents volumes. 


[1630]  À  CLAUDE  MENESTRFER.  583 

aprez  disnée,  un  jour  de  loisir,  à  cet  exercice,  ayant  80  ou  100  gra- 
veures  de  cette  nature  à  prix  tollerable.  C'est  pourquoy  quand  vous  en 
rencontrerez  vous  me  ferez  plaisir  de  me  les  retenir,  et  d'en  prendre 
vostre  rembourcement  du  sieur  de  Bonnaire. 

Quant  aux  médailles  estrangères,  il  y  en  a  une  Arabique  et  une  Se- 
lanone.  La  grosse  empreinte  du  bcuf  est  de  pareille  manière  à  plusieurs 
autres  qui  se  trouvent  marquées  d'un  crucifix  entre  deux  Anges,  qui 
a  possible  je  ne  sçay  quoy  de  l'Abyssin.  J'en  ay  bien  de  six  ou  sept 
diiïerantes  sortes  de  mesme  manière,  et  d'aucunes  ont  un  temple  au 
revers,  avec  une  croix  dedans.  J'en  ay  mesmes  une  fort  grande  à  deux 
lestes.  Celle  qui  n'a  qu'une  petite  teste  avec  un  caducée  d'un  coslé,  je 
l'eusse  prinse  pour  avoir  esté  auparavant  cognée  d'un  plus  grand  coing, 
comme  on  void  en  plusieurs  autres  grecques. 

Des  poids,  les  deux  de  la  famille  Marcia  m'ont  esté  bien  agréables, 
et  encores  plus  le  troisiesme  qui  a  un  S  et  quattre  ballottes.  Et  vouidrois 
bien  en  voir  quelque  autre  de  mesmes  un  peu  plus  nette  pour  voir  s'il 
n'y  avoil  pas  un  C  aprez  les  quattre  ballottes  pour  faii-e  le  S.  C.  ou 

bien  s'il  y  a  seulement  S Car  cela  fourniroit  de  la  matière  à  de 

jolis  discours,  mais  estant  mal  nette  en  cet  endroit  là  où  peult  avoir 
esté  le  C,  je  n'en  vouldrois  rien  avoir  déterminé.  Tant  est  que  vous  me 
ferez  plaisir  de  m'envoyer  tousjours  de  cez  sortes  de  médailles  là, 
quand  vous  en  trouverez  de  nettes,  et  à  prix  honneste,  n'estimant  pas 
qu'il  y  ayt  grande  presse  à  en  achepter  en  concurrance,  ayants  esté 
jusques  à  cette  heure  tant  négligées  pai-  les  antiquaires,  pour  le  grand 
nombre  qu'il  s'en  trouve,  comme  elles  ont  esté  de  toute  ma  souvenance, 
et  si  vous  ne  les  avez  mises  en  réputation  par  la  recherche  qu'en  avez 
faicte  pour  moy,  je  ne  pense  pas  qu'elles  y  soient  encores. 

Au  reste,  ayant  faict  voir  le  Trépied  à  M'  de  Chasteliez,  il  en  tint 
fort  peu  de  compte,  disant  en  avoir  veu  deux  chez  un  nouveau  curieux 
de  Rome  qu'il  ne  me  sceut  pas  nommer,  autre  toulelbys  que  le  sieur 
Cavalier  Giialdo,  et  M-^  de  Thou  dict  que  M«'  le  Cardinal  Barberin  en 
avoit  recouvré  un  de  je  ne  sçay  quel  marbre  ou  aultre  pierre  plus  pré- 
cieuse. Vous  seriez  bien  obligé  de  nous  en  rendre  un  peu  de  compt« 


584  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

et  nous  en  faire  un  peu  de  description.  Auquel  cas  il  ne  fauldroit  pas 
oublier  les  mesures  et  dimensions  des  principales  pièces,  et  surtout  de 
la  base  ou  soubsbassement ,  s'il  y  en  a,  et  du  bassinet.  11  se  trouve  tant 
de  choses  dans  Rome  de  jour  à  autre,  (ju'il  ne  lault  rien  descroire,  ne 
rien  négliger.  Enquerez  vous  en  un  peu,  je  vous  supplie,  soigneuse- 
ment, pour  l'amour  de  moy,  et  s'il  y  a  moyen  d'en  avoir  quelque  grif- 
fonnement,  vous  m'obligerez  fort.  Estant  bien  marry  que  ne  m'ayez 
envoyé  un  peu  de  description  exacte  de  celuy  dudict  sieur  Cavalier 
Gualdo,  en  attendant  son  modèle  qui  me  fera  possible  languir  bien 
long  temps,  et  cependant  les  dimensions  que  vous  m'eussiez  envoyées, 
eussent  ressaisie  (stc)  une  bonne  partie  de  mon  impatiante  curiosité. 

Si  dans  les  marbres  et  bas  reliefs  de  Rome,  vous  avez  observé  rien 
de  curieux  et  d'extraordinaire  touchant  lesTrepiez,  et  particulièrement 
touchant  la  concavité  de  leur  bassin,  ou  couverture  platte  (qu'aulcuns 
prétendent  y  avoir  esté  mise  parfoys  pour  servir  de  siège),  vous  me 
ferez  grande  faveur  de  m'en  faire  faire  les  desseins  et  M"'  de  Bonnaire 
fournira  les  frais  nécessaires,  comme  aussy  touchant  les  autres  corps 
qui  se  pouvoient  appliquer  dessus  lesdicts  Trepiez,  si  vous  y  en  avez 
veu  aulcuns,  soient  figures  entières,  ou  testes,  ou  fruicts,  ou  charbons- 
ou  autres  choses.  Et  touchant  la  forme  des  bases  et  soubsbassements  et 
la  forme  des  trois  consoles  qui  portoient  le  bassin.  Mais  surtout  con- 
cernant les  corps  que  vous  aurez  peu  voir  posez  au  mitan  des  trois 
jambages,  soubs  le  bassin  et  sur  le  soubsbassement,  comme  l'oyseau 
qui  se  void  dans  le  Trepié  de  la  médaille  de  Vitellius. 

Dans  les  médailles  mesmes  si  vous  rencontrez  rien  de  bien  reco- 
gnoissabie  et  extraordinaire,  vous  m'obligerez  bien  de  m'en  recouvrer 
ou  les  originaulx  ou  les  empreintes.  Comme  en  plusieurs  du  temps 
d'Auguste  et  de  Ciaudius,  il  s'en  void  où  se  distinguent  fort  bien  les 
testes  de  chèvre  au  chapiteau  de  chascun  des  jambages  et  autres  choses 
semblables.  Il  y  en  a  aussy  sui-  quoy  sont  posez  des  sy[mbo]Ies,  des 
esloilles,  des  Daulphins,  aulcuns  qui  sont  couverts  d'un  couvercle 
convexe,  comme  une  couppe,  qui  n'est  gueres  plus  propre  à  s'asseoir 
que  le  bassin  concave.  Mais  surtout  si  vous  avez  jamais  observé  aulcune 


[1630]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  585 

figure  assise  sur  un  Trepié  soit  en  marbre  ou  en  médaille,  vous  me 
feriez  un  singulier  plaisir  de  m'en  faire  avoir  quelque  empreinte,  ou 
griffonnement.  Et  beaucoup  plus  si  vous  rencontriez  aulcune  figure 
dans  ledict  Trepié  entre  le  bassin  et  le  soubsbassement,  au  lieu  oii  est 
l'oyseau  de  la  médaille  de  Vitellius,  vous  me  feriez  un  singulier  plaisir 
de  m'en  faire  avoir  ce  qui  s'en  pourroit  recouvrer,  soit  en  original  ou 
en  modèle  et  empreinte  ou  en  dessein.  Et  vous  supplie  d'y  veiller  avec 
soing,  et  ne  pas  espargner  de  m'en  escrire  souvent  selon  le  progrez 
que  vous  ferez  maintenant  que  les  ordinaires  d'Avignon  recommencent 
à  marcher  comme  l'on  m'a  asseuré.  Excusez  moy  de  cette  peine  et 
m'employez  en  revanche  plus  librement  que  vous  ne  faictes,  comme, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Boysgency,  ce  95  octobre  i63o  '. 


XXXVf 
k  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  vous  escrivis  dernièrement  par  le  P.  Toussain,  provincial  des  Mi- 
nimes,- en  responce  de  voz  lettres.  J'ay  depuis  recouvré  de  Toullon  une 
lettre  que  cez  Mess"  y  avoient  laissée  du  s'  Chartres  l'Angloys,  qui  me 
mande  comme  ii  avoit  esté  sur  le  poinct  de  s'en  venir,  s'il  eust  peu 
faire  embarquer  ses  balles  sur  les  galères,  et  que  peu  s'en  estoit  fallu 
que  vous  n'eussiez  esté  de  la  partie,  et  avons  apprins  par  mesme 
moyen  le  grand  progrez  que  faict  la  maladie  de  là  les  monts,  non  seu- 
lement dans  Venize  et  dans  Testât  de  Gènes,  mais  aussy  dans  la  Tos- 
cane, ce  qui  me  faict  grandement  appréhender  de  la  ville  de  Home,  et 
ay  grand  regret  que  vous  ne  vous  soyez  laissé  emmener  à  une  si  bonne 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mëdecine  de  Montpellier,  m».  H  471,  fol.  63. 


nipanitiii   !tiTi«Siia- 


586  LETTRES  DE  PEIRESC  [1630] 

compagnie  car  pour  la  santé  elie  est  Dieu  mercy  trez  bonne  en  ce  païs, 
encores  qu'en  Avignon  y  ayt  eu  quelque  petit  accez,  mais  on  ne  croid 
pas  qu'il  y  ayt  de  suitte,  ne  que  la  nouvelle  interdiction  qu'on  luy  a 
faicte  du  commerce  dure  guieres,  et  pour  le  surplus  il  y  a  eu  quelque 
esmotion  du  peuple  dans  la  ville  d'Aix  sur  la  menace  qu'on  leur  fay- 
soit  d'un  nouvel  establissement  d'Esleus  qui  brescheroit  les  privilèges 
et  libertez  de  la  province,  dont  on  s'est  prins  à  quelques  particuliers 
que  l'on  croyoit  responsables  de  celte  angarie  et  desja  le  peuple  com- 
mençoit  d'abuser  de  cette  licence,  et  menasser  indifferament  les  mai- 
sons de  plusieurs  persones  qualifiées,  soubs  espérance  de  desrober 
plustost  que  de  vanger  le  public.  Mais  Dieu  mercy,  les  gents  d'hon- 
neur ont  reprins  la  créance  et  se  sont  rendus  les  plus  forts,  de  sorte 
que  dez  hors  mais  il  fault  espérer  que  les  desordres  et  violances  cesse- 
ront, et  que  Mess"  les  Ministres  de  l'Estat  recognoistront  les  mauvais 
conseils  qu'on  leur  avoit  donnez,  et  disposeront  le  Roy  à  se  contenter 
de  la  raison,  et  à  laisser  vivre  le  monde  en  paix  et  tranquillité.  Pour 
moy  je  n'ay  bougé  de  la  campagne  où  je  suis  encores  et  je  vouldrois 
bien  vous  avoir  gouverné  à  souhaict,  et  rencontré  quelque  bon  moyen 
de  vous  servir,  et  de  vous  tesmoigaer  à  bonnes  enseignes  que  je  suis" 
véritablement , 
Monsieur, 

yostre  bien  humble  et  obligé  serviteur, 
DE  Peibesc. 

À  Boysgency,  prez  ToHod,  ce  7  novembre  [i63o]  '. 
'■  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  mt^decine  de  Moatpeiliei-,  ms.  H  271,  fol.  65. 


[UuM\ 


A  CLAUDE  MENKSTRIER. 


587 


XXXVII 
À  MONSIEUR  MENKSTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 

J'ay  receu  par  IVPde  Breton  allorce  lettres  de  noz  amys  de  Rome,  et 
pensois  y  en  trouver  des  vostres,  parce  que  M"^  de  Bonnaire  m'escrivoit 
de  vous  en  avoir  adverty  et  que  vous  i'aviez  asseuré  d'escrire  et  de 
bailler  voz  despesches  audict  s""  de  Breton,  comme  voslre  voisin  dans 
Rome.  M''  Suarez  adjoustoit  et  me  faisoit  fesle  de  certains  desseins  de 
divers  Trépieds,  que  vous  aviez  apprestezpour  uj'envoyer,  et  semhloit 
que  M'  de  Bonnaire  voulut  inférer  que  vous  eus.siez  apprestë  quelque 
anticaille  à  m'envoyer.  Mais  j'ay  esté  frustré  de  cette  attente,  et  ay  re- 
gretté la  perte  de  la  commodité  si  opportune  qui  sestoit  presantée  de 
vous  respondre  par  le  passage  de  l'Ein'"''  card"'  de  Bagni  '  et  de  ceux 
<le  sa  suitte.  Il  lauldra  voir  si  au  retour  de  sa  galère  ou  de  la  Tartane 
qui  a  porté  ses  bardes,  vous  ne  suppléerez  poinct  à  cette  obmission. 
Cependant  que  je  seray  attendant  que  vous  me  veuilliez  commander 
quelque  cbose  si  je  le  puis,  estant  tousjours. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
DE  Peiresc. 

.4  Toullon,  ce  aa  mars  1 63i  '. 


'  Le  cardinal  de  Bagni,  se  rendant  à 
Rome  avec  Gabriel  Naiid»',  sVtait,  comme 
nous  l'avons  vu,  arrêtd  quelque  temps  dans 
la  maison   de  campagne  de   Peiresc,  (jui 


l'avait  accompagna  ensuite  jusqu'à  TonJon 
pour  assister  à  son  embanpiement. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  miklecine 
de  Montpellier,  ms.  H  ayi,  foK  66. 


588  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631 1 

XXXVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Enfin  aprez  avoir  esté  dix  moys  touts  entiers  sans  voir  paroistre  de 
voz  lettres,  j'ay  receu  celle  qu'il  vous  a  pieu  m'escrire  par  le  sieur  Pierre 
Cuynet  de  Bourgogne  qui  la  remit  en  Avignon  à  M'  Alessandro  Doni 
pour  me  la  faire  tenir,  avec  la  boitte  de  médailles  Romaines,  qui 
est  venjie  fort  bien  conditionnée,  dont  je  vous  suis  grandement  rede- 
vable. Les  dernières  lettres  que  j'avois  eiies  de  vous  estoient  du  i  2  juil- 
let i63o  et  28  septembre  ensuyvant.  El  j  attendois  encores  vostre  res- 
ponce  sur  ce  que  l'une  et  l'autre  des  vostres  susdictes  m'avoit  donné 
occasion  de  vous  escrire,  dez  le  moys  d'octobre  ensuyvant,  par  des 
voyes  que  je  sçavois  trez  bien  estre  arrivées  à  bon  port.  Vous  ayant 
depuis  escript  trois  ou  quattre  foys,  seulement  pour  vous  supplier  de 
me  respondre  à  cez  lettres  là,  et  vous  asseurer  de  la  continuation  de 
ma  bonne  volonté,  sans  vous  charger  d'autre  importunité  de  crainte 
de  vous  estre  trop  à  charge.  Et  pensois  certainement  que  vostre  st 
long  silence  fust  une  vraye  marque  du  dessein  de  venir  de  vive  voix 
faire  la  responce,  qui  eust  esté  trop  importune  à  mettre  par  escript, 
ne  doublant  poinct  que  vous  n'eussiez  trouvé  beaucoup  de  choses  à 
escrire  sur  les  demandes  que  je  vous  avois  faictes  et  beaucoup  plus  à 
dire.  Mais  je  n'estois  pas  assez  heureux  pour  cela.  J'avois  mérité  cette 
mortiGcalion,  par  l'indiscrétion  avec  laquelle  je  vous  avois  trop  impor- 
tuné à  la  foys.  Bien  vous  diray  je  que  M""  l'Evesque  de  Gavaillon  '  avoit 
beau  temps  de  vous  donner  tant  d'allarme  de  la  maladie  de  Lyon,  car 
on  ne  s'en  est  gueres  mis  en  peine  que  pour  arrester  le  commerce  des 
marchandises  seulement,  s'estant  trouvé  des  ordres  fort  commodes, 
au  prix  des  années  dernières,  pour  conserver  le  commerce  des  per- 
sonnes avec  bonne  seurté  et  liberté.  Et  pour  cette  province  il  n'y  a  eu 

'  Fabrice  de  la  Boui-daisière ,  qui  si(*gea  de  i6j6  à  «646,  comme  nous  l'avons  déjà 
rappelé. 


|1631]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  589 

que  certains  villages,  dont  la  closture  a  laiss/-  tout  le  restant  en  plaine 
liberté  grâces  à  Dieu.  Ce  n'est  qu'à  Cavaillon  et  aux  environs  que  le 
mal  a  faict  quelque  progrez,  mais  fort  peu  ncanlmoings,  en  compa- 
raison des  années  passées,  par  ce  que  l'on  ne  sçavoit  pas  bien  remédier 
à  ce  mal  comme  l'on  faict  à  celle  iieure,  qu'on  en  tient  fort  peu  de 
compte,  et  dont  on  arreste  fort  facilement  le  progroz.  Cependant  M' de 
Cavaillon  m'a  faict  un  grand  tort,  puisque  vous  dictes  qu'il  est  cause 
que  vous  avez  rompu  vostre  voyage,  ce  qui  m'a  privé  d  une  si  grande 
consolation,  comme  eust  esté  celle  que  j'eusse  eu  de  vous  voir  et  gou- 
verner icy  quelque  temps,  et  de  vous  faire  part  de  ce  peu  qui  pou  voit 
estre  à  vostre  disposition. 

Pourveu  que  la  maladie  ne  gaigne  poinct  la  ville  de  Rome,  et  que 
vous  ne  vous  y  trouviez  engagé,  il  n'y  aura  pas  grand  danger  que  vous 
ayez  différé  de  vous  mettre  en  chemin,  mais  M' Suarez  m'a  bien  faict 
encores  du  tort  de  vous  avoir  doimé  tant  d'incertitude  du  lieu  de  ma 
résidence,  car  si  bien  je  n'avois  pas  escript  à  luy  qu'une  foys  depuis 
le  passage  de  M^  le  cardinal  de  Bagny,  il  pouvoit  bien  sçavoir  des 
secrétaires  de  l'eminentissime  seigneur  cardinal  Barberin  son  patron, 
que  je  luy  avois  escript  fort  souvent  dans  le  mesme  temps,  et  que  je 
n'avois  poinct  changé  ma  demeure  champeslre  comme  je  ne  suis  pas 
résolu  de  la  changer  encores  de  quelque  temps.  Et  quand  je  la  chan- 
gerois,  ceux  qui  me  feroient  l'honneur  de  me  venir  chercher  icy, 
y  trouvcroient  tousjours  fort  bon  accueil,  et  des  guides  pour  me  les 
amener  quelque  part  que  je  fusse  qui  ne  pourroit  pas  estre  si  loing 
que  dans  un  jour  on  n'y  peusse  aller  commodément,  et  encores  à 
moings  de  temps.  C'est  pourquoy  cela  ne  vous  doibt  pas  arrester  dez 
hors  mais,  quand  vous  aurez  quelque  chose  à  m'envoyer,  ou  quelque 
amy  à  me  recommander.  Que  si  j'eusse  peu  voir  M""  Cuynet,  ii  vous 
eust  mandé  ce  que  j'eusse  tasché  de  faire  pour  luy  à  vostre  considéra- 
tion. 11  m'a  escript  un  mot  de  lettre  d'Avignon  en  prenant  le  chemin 
des  Pais  Bas,  et  si  je  le  pouvois  encores  servir  là  oi!i  il  s'en  va,  je  ne 
m'y  e.spargnerois  pas,  y  ayant  encores  de  bons  amys,  comme  je  l'en 
ay  seraond  par  lettre  sur  les  adresses  qu'il  m'a  données  par  la  sienne. 


590  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

Mais  vous  ne  me  dictes  pas  que  vous  avez  dressé  maintenant  un  si 
beau  cabinet  et  l'avez  enrichy  de  si  grandes  raretez,  que  ce  vous  est 
une  bien  agréable  chaine  au  pied  pour  vous  arrester  là  à  recevoir  les 
guliiiits  bonnues  qui  vous  vont  visiter  journellement,  pour  y  apprendre 
les  belles  observations  qui  se  peuvent  apprendre  de  vous  et  y  jouyr 
de  la  veiie  de  tant  de  raretez.  Qui  est  un  divertissement  capable  de 
consumer  beaucoup  de  temps,  principalement  à  un  homme  d'estude 
comme  vous,  qui  veult  desrober  ses  heures  accousiumées,  et  ne  luy 
en  peult  guieres  laisser  de  reste,  pour  vacquer  à  respondre  à  tous 
ceux  qui  vous  peuvent  escrire,  et  encores  moings  pour  faire  les  re- 
cherches dont  je  vous  a  vois  trop  indiscrettement  surchargé  tout  à  coup, 
principalement  pour  cez  matières  des  Trépieds,  où  il  y  avoit  trop  à 
faire,  d'en  aller  faire  les  desseins  non  seulement  sur  celuy  du  cavalier 
Gualdo,  mais  sur  plusieurs  autres,  et  sur  des  marbres  anciens  de  dif- 
ficile recherche,  et  possible  mis  en  mauvaise  assiette  pour  en  tirer  des 
desseins  avec  l'exactesse  des  dimensions  que  j'y  demandois,  et  qui  sont 
importunes  à  prendre.  Vous  nous  en  ferez  part  quand  il  vous  plairra, 
et  tout  ce  qui  en  viendra  de  vostre  part  sera  tousjours  le  bien  verm, 
et  receu  avec  l'honneur  qu'il  mérite.  Surtout  j'eusse  désiré  d'avoir  les  • 
justes  mesures  et  dimensions  du  Trépied  de  l'illustrissime  cavalier 
Gualdo,  et  les  desseins  de  cez  aultres  Trépieds  dont  parloit  M' l'abbé 
de  Chastellier,  s'ils  sont  en  nature,  avec  leurs  mesures  aussy,  et  parti- 
culièrement le  dessein  d'un  marbre  antique  dont  on  m'a  faict  fesle,  où 
est  la  destruction  du  Temple  de  Delphes,  avec  la  représentation  du 
Trépied  fort  semblable  au  mien. 

Cependant  j'ay  bien  prins  plaisir  de  voir  les  desseins  de  voz  frag- 
menta de  Termes  ou  Pillastres,  avec  les  verges  quarrées  qui  s'y  en- 
chassoient,  et  que  vous  estimez  avoir  soustenu  vostre  Lebes.  Et  vous 
remercie  trez  affectueusement  des  offres  qu'il  vous  plaict  me  faire  par 
vostre  lettre  de  me  les  envoyer,  en  quoy  certainement  vous  m'obli- 
gez, car  possible  la  veiie  m'y  fera  trouver  de  quoy  resver,  et  si  vous  le 
faictes  vous  pourrez  estre  asseuré  que  je  vous  feray  rapporter  le  tout 
fort  fidèlement,  si  ce  n'est  que  ne  vous  soussiez  pas  de  vous  en  desfaire 


[1631]  À  CLAUDE  MKNESTRIKR.  591 

absolument,  et  qu'y  mettiez  le  prix  que  trouverez  à  propos,  il  n'y  a 
qu'une  chose  qui  m'est  un  peu  difficile  à  comprendre,  que  les  anciens 
eussent  estamé  ce  Lobes  par  dedans,  ne  sçachant  si  l'usage  en  estoit  si 
ancien,  et  en  ce  cas  si  avez  recouvré  du  fondeur  les  petits  morceaux  des 
ances  qu'il  avoit  appresté  pourfendre.  Ils  ne  pourront  pas  estre  decoup- 
pez  si  menus  qu'il  ne  s'y  puisse  eiicores  recoffnoistre  quelque  chose  de 
la  forme,  et  seray  Irez  aise  d'en  voir  tous  les  fragments,  et  nommément 
la  Zampa  Léonine  que  vous  dictes  avoir  esté  au  bas  de  la  vergt;  insérée 
soubs  la  demy  figure  de  Bacchante.  Ce  Dindarolo  de  terre  cuitte  avec 
ce  bas-relief  d'une  fleutteuse  ne  seroit  pas  à  négliger  nomplus. 

Mais  vostre  horologe  solaire  de  cuivre  concave  n'a  poinct  d»;  paran- 
gon, et  le  dessein  que  vous  m'en  promettez  me  fera  demeurer  en 
grande  impatience  jusques  à  ce  que  nous  le  puissions  voir.  ^Et  s'il  n'v 
a  pas  d'équivoque  au  discours  que  vous  m'en  avez  faict,  je  trouve- 
rois  bien  estrange  que  les  SOLSTICES  soient  mis  en  automne  et  en 
printemps,  et  que  la  Bruma  soit  opposée  à  l'yËquinoxe.  Si  vous  ne 
m'en  promettiez  si  libéralement  le  desseing,  je  le  demanderois  fort 
hardiment  à  l'eminentissime  cardhial  Barberin  à  qui  certainement 
une  telle  pièce  devoit  estre  desdiée  sans  controverse ,  ne  pouvant  eslre 
mieux  employée  ne  en  plus  dignes  mains,  puisqu'il  est  si  soigneux  de 
faire  voir  au  public  ce  qui  luy  tombe  en  main  de  plus  rare,  au  con- 
traire de  plusieurs  autres  qui  condamnent  ;\  des  ténèbres  perpétuelles 
tout  ce  qu'ils  ont  de  meilleur,  et  ne  prennent  pas  mesmes  plaisir  h 
rien  laisser  voir  aux  plus  curieux,  et  qui  en  pourroient  tirer  du  prollil 
pour  la  postérité  aultant  que  pour  eux  mesmes. 

Je  loue  fort  le  dessein  que  vous  avez  eu  de  recueillir  tant  de  belles 
médailles  du  pape  Grégoire  XIII'  et  que  les  ayez  si  opportunément 
présentées  à  l'eminentissime  cardinal  Buoncompagno,  son  neveu,  et 
vous  remercie  bien  fort  des  desseings  en  taille  doulce  que  m'en  avez 
envoyez,  en  attendant  si  nous  pourrons  un  jour  voir  le  libvre  entier 
du  Giacon  -  où  vous  les  avez  faict  insérer. 

'  Ni!  à  Bologne  en  i5oa,  pape  en  «579,  '  Sîijfil-il   là   du   dominicain   pspnffiioi 

inorl  eu  i585.  Alphonse  Ciacmniuii  (Chacon),  l'aulciir  du 


592  LETTRES  DE  PEIRESC  [1631] 

Quant  aux  autres  médailles  de  vostre  boitte,  il  s'y  en  est  trouvé 
jusques  à  62  en  comprenant  deux  ou  trois  de  cez  grosses  de  moulleure 
antique  de  la  façon  de  l'vES  GRAVE.  J'en  ay  veu  plusieurs  semblables  à 
ce  quadrans  marqué  du  sanglier  à  trois  pallottes  et  en  ay  quelques 
unes  de  celles  là  du  bœuf,  du  cheval  et  d'autres  animaulx,  mais  je 
n'en  ay  jamais  veu  du  bellier  ou  de  la  brebis,  comme  je  vouldrois,  et 
vouldrois  que  me  mandassiez  si  en  avez  jamais  veu  de  par  delà,  comme 
l'on  m'a  voulu  dire  qu'il  y  en  avoit  une  pièce  fort  pesante  au  cabinet 
du  cardinal  Borghese.  Et  parmy  le  reste  de  vostre  boitte  il  s'en  est 
trouvé  encores  quelques  unes  qui  me  servirent,  mais  vous  avez  oublié 
le  meilleur  qui  estoit  d'en  prendre  vostre  rembourcemenl  de  M""  de 
Bonnaire,  à  qui  je  vous  supplie  de  vous  adresser,  quand  vous  me 
vouldrez  escrire  ou  envoyer  quelque  curiosité.  Car  il  est  ordinaire- 
ment adverty  des  meilleures  commoditez  pour  me  faire  tenir  et  lettres 
et  autre  chose.  Et  il  ne  vous  eust  pas  renvoyé  si  loing  comme  ont  faict 
les  autres.  Au  contraire  il  vous  eust  peu  assurer  que  je  n'avois  pas 
bougé  d'icy.  Et  vous  eust  fort  librement  fourny  le  rembourcement  de 
tous  les  fraiz  que  vous  pouviez  avoir  faicts,  tant  pour  les  desseins  des 
Trépieds  que  pour  les  autres  curiositez  antiques  que  m'aviez  appres- 
tées  pour  me  les  envoyer  si  eussiez  eu  de  mes  nouvelles.  Ne  pouvant 
assez  m'estonner  que  n'en  ayez  pas  receu  comme  vous  dictes,  vous 
ayant  moy  escript  plus  de  six  lettres  sans  aulcune  responce,  et  par  des 
voyes  que  je  sçay  bien  estre  allées  à  bon  port,  soubs  l'enveloppe  la 
pluspart  de  M' de  Bonnaire  qui  vous  ayrae  et  honore  particulièrement, 
et  qui  ne  vouldroit  pas  avoir  manqué,  je  m'asseure,  de  les  vous  en- 
voyer incontinant  qu'il  les  a  receues.  Et  pour  M"'  Suarès  il  m'a  tousjours 
escript,  et  mesmes  cette  dernière  foys,  qu'il  ne  cessoit  de  vous  sollici- 
ter de  m'escrire  et  de  m'envoyer  tous  cez  desseins  des  Trépieds,  et  m'a 

recueil  si  cëlèbre  des  vies  des  papes  et  des  recueil    intitulé  :    Pétri   Ciaconei   Toletani 

cardinaux  (Rome,  i63o,  2  vol.  in-fol.),  ou  opuscula  in  columnœ  rostratœ  iiiscriplionem , 

de  rarchéologue   Pierre   Ciacconius,  clia-  de   ponderibus,    de    meimiris,    de   nummts 

noine  de  Séville,  né  en  i525  à  Tolède,  (Romœ,  lypogr.  Vaticana,  1608,  in-8°)? 
mort  en  1 58i  à  Rome,  dont  on  possède  un 


[1631]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  59» 

mesmes  mandé  que  vous  estiez  si  intime  du  sieur  Alessandro  de  Gran- 
dis, que  c'estoil  par  voslre  moyen  privativement  à  tout  autre  que  je 
debvois  attendre  une  coppie  du  beau  discours  qu'il  a  faict  des  Tré- 
pieds. Et  de  faict  je  vous  prie  de  l'en  supplier  si  jugez  qu'il  ne  l'ait  pas 
dezagreable,  et  de  le  faire  transcrire  par  quelque  bon  coppiste,  que 
M'  de  Bonnaire  payera  pour  moy.  Et  je  ne  laisray  pas  d'en  demeurer 
trez  redevable  à  l'aulheur  et  h  vous  tout  ensemble.  Mais  cncor  un  coup 
je  vous  supplie  de  porter  audict  sieur  de  Boiuiaire  toutes  lettres  et 
toutes  autres  cboses  que  me  vouldrez  envoyer,  sans  vous  arrester  à 
chercher  d'autres  voyes  de  ceux  qui  peuvent  aller  ou  venir  de  là  icy, 
si  ce  n«  sont  de  voz  amys  particuliers  que  vous  me  veuilliez  adresser 
pour  autre  chose,  car  je  tiendray  tousjours  pour  receu  comme  si  c'es- 
toit  en  mes  propres  mains,  tout  ce  que  vous  baillerez  audict  sieur  de 
Bonnaire  ou  à  Madame  de  Barclay  sa  sœur,  ou  bien  à  M'  de  Barclay, 
son  neveu,  au  doffault  les  uns  des  autres.  Et  faut  que  vous  croyiez 
que  les  lettres  ne  choument  pas  chez  eux,  ains  viennent  incontinant 
soit  par  la  poste  ordinaire  de  Gènes  ou  par  commoditez  asseurées 
d'amys  et  gents  de  cognoissance.  Et  ainsin  quand  vous  aurez  quelque 
chose  de  prest  ne  vous  amusez  poinct  à  attendre  de  commodité  extra- 
ordinaire. Ains  portez  le  tout  audict  sieur  de  Bonnaire  et  ne  faictes  pas 
de  dilhculté  de  vous  faire  rembourcer  de  tous  voz  fraiz,  sans  en  at- 
tendre d'autre  ordre  plus  exprez  de  moy,  car  il  vous  payera  tousjours 
ou  fera  payer  par  M'  d'Espiots  sur  mon  crédit  tout  ce  que  vous  trouve- 
rez bon  de  recevoir  de  leur  main  sur  mon  compte.  Et  m'excusez  de  la 
trop  grande  liberté  que  je  prends  en  vostre  endroict,  sur  la  confiance 
que  vous  m'avez  donnée,  mais  en  tirez  la  revanche  en  ce  que  jugerez 
dépendre  de  moy,  comme, 
Monsieur,  de 

vostre,  etc. 
DE  Peiresc. 

À  Boisgency,  ce  a5  aoust  i63i  '. 

'   Bibliolbèipie  de  l'Kcole  de  médecine  de  Montpellier,  ins.  (i  Î171,  fol.  67. 

.  V.  75 


594 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1631] 


XXXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIKR, 

À  ROMK'. 

Monsieur. 
S'estant  perdue  la  commodité  par  laquelle  debvoieut  aller  cez  lettres, 
il  s'en  est  présenté  une  beaucoup  plus  belle  de  la  Galère  du  Pape 
dont  le  cappitaine  m'a  courtoisement  faict  olliir  de  laisser  embarquer 
M'' d'Arène  avec  les  caisses  de  plantes  que  j'envoyeàMs'l'eminentissime 
cardinal  Barberin  dont  j'ay  esté  infiniment  aise,  espérant  que  cette  voye 
sera  plus  commode  et  plus  briefve  que  les  autres.  M"^  d'Arène  est  un 
de  mes  meilleurs  amys,  à  qui  vous  pourrez  confier  librement  tout  ce 
qu'il  vous  plairra  me  communiquer.  Il  vous  fera  payer  ce  que  vous 
ordonnerez  et  si  vouliez  venir  de  par  deçà  en  cez  quartiers,  il  vous  fera 
bonne  guide  et  bonne  et  fidelle  compagnie,  et  nous  vous  recevrons 
céans  comme  frère,  et  comme  si  estiez  de  la  maison  pour  tant  qu'il 
vous  plairra.  Et  puis  si  voulez  retourner  à  Rome  il  n'en  manquoia  pas 
de  commoditez  des  meilleures,  par  les  Galères  qui  y  vont  porter  le 
Cardinal  de  Lyon  à  ce  moys  de  mars,  lequel  m'escript  qu'il  s'en  vient 
tout  droict  céans ^.  Monsieur  Suarez  m'escript  qu'il  vous  fit  desseigner 
tous  les  Trépieds  qui  estoient  dans  les  volumes  des  dessains  de  Pyrro 
Ligorio,  de  Fui.  Ureino,  et  del  Ciaccone  dans  la  Vaticane'.  Cela  mérite 


'  Avec  celte  indication  sur  l'adresse  : 
fOn  apprendra  son  logis  chez  Mens'  de 
flonnaire.  i 

^  Nous  avons  déjà  vu  qu'Alphonse  de 
Richelieu  fut  l'hôte  de  Peiresc  à  Belgentier. 

'  Les  noms  de  Fulvius  Ursinus  et  de 
Giacconius  ont  été  déjà  plusieurs  fois  men- 
tionnés en  cette  correspondance,  mais  le 
nom  du  premier  des  trois  archéologues 
apparaît  ici  poiu-  la  première  fois  et  je 
reproduis  avec  reconnaissance  la  note 
qu'a  bien  voulu  me  donner  sur  ce  pei-son- 


nage  M,  Eugène  Miinlz,  membre  de  l'In- 
stilut  :  irPirro  (Pyrrhus)  Ligorio  s'est  fait 
à  la  fois  connaître  comme  architecte ,  comuie 
antiquaire  et  comme  faussaire.  Moinmseu 
a  démontré  qu'il  forgeait  de  toutes  pièces  des 
inscriptions  qu'il  publiait  ensuite  comme  an- 
tiques. Ses  travaux  sur  la  topographie  ro- 
maine ont  conservé  une  certaine  valeur. 
A  côté  des  dessins  de  la  Vaticane  il  faut 
surtout  citer  le  célèbre  recueil  de  Ligorio, 
consené  dans  la  bibliothèque  royale  de 
Turin.» 


[1632]  À  CLAUDE  MENESTRIEft.  595 

bien  d'en  faire  faire  d'autres  copies  pouimoy,s'il  vous  plaict,  par  quelf|iie 
peinctrc  que  M' d'Arène  payera,  si  l'ordonnez. 

Le  sieur  La  Cliesnaye  ni'avoit  offert  quelques  marbres  antiques.  Je 
luy  lis  dire  que  je  desirois  qu'il  ne  m'envoyast  rien  que  vous  ne  l'eussiez 
veu  préalablement,  car  vous  jugerez  bientost  s'il  y  a  rien  qui  vaille  la 
peine  de  le  faire  venir  de  si  loing.  Autrement  il  ne  m'envoyeroit  rien 
qui  vaille,  ainsin  que  j'ay  veu  de  la  coj)pie  des  inscriptions  qu'il  m'avoit 
apprestées  où  il  n'y  a  du  tout  rien  qui  ne  soit  trez  commun,  et  ofi  l'on 
no  sçauroit  apprendre  du  tout  rien. 

Le  pauvre  Claude  Petit  avoit  le  mesme  dessein  de  m'envoyer  quelque 
chose,  mais  il  avoit  le  mesme  ordre,  qu'il  n'a  pas  suyvy,  et  m'avoit  en- 
voyé une  gondole  de  marbre  rougeastre,  qui  est  assez  belle,  mais  elle 
n'est  pas  antique.  Et  puis  ne  m'en  avoit  pas  dict  le  prix  qui  est  la  cause' 
que  je  la  luy  renvoyé  avec  mille  mercys. 

Je  vous  supplie  pour  conclusion  d'aymer  M'  d'Arène  pour  l'amour  de 
nioy  et  si  rencontrez  chose  qui  ne  vous  duise,  et  que  jugiez  propre 
pour  inoy,  portez  la  luy  qu'il  vous  en  remboursera  trez  volontiers  et 
je  demeure. 

Monsieur, 


A  Boysgency,  ce  a  octobre  i63i  '. 


vostre,  etc. 


XL 
À   MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BESANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Vous  avez  bien  deviné  que  je  prendrois  plaisir  d'avoir  les  empreintes 
de  piastre  de  cez  vieux.  ïevertius  nouvellement  desterrez  in  piazza 
Montanara  que  j'attendray  en  bonne  dévotion  par  le  retour  de  Patron 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  47»,  fol.  69. 

7r,. 


596  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

Guill.  Gaultier  puisque  vous  les  aviez  desja  faict  inouller.  Car  je  croys 
que  le  pauvre  Patron  Guillaume  s'en  rendra  volontiers  le  solliciteur  en 
vostre  endroict,  et  vous  en  remercie  trez  affectueusement  à  l'advance. 
Mais  pour  les  autres  empreintes  du  Tevertin  du  Duc  Salviati,  et  des 
colonnes  de  Transtevere,  vous  me  permettrez  bien  de  doubter  que  le 
mesme  Patron  Gaultier  en  puisse  estre  le  porteur,  jusques  à  ce  que 
j'appraigne  que  les  empreintes  en  soient  effectivement  jettées,  vous 
estant  si  difficile  de  trouver  le  temps  d'y  vacquer.  L'advis  de  la  venue 
de  M?''Sforza  pour  Vice  Légat  m'en  laisse  pourtant  quelque  espérance', 
jugeant  qu'il  aura  faict  arrester  ledict  Patron  Gaultier,  pour  apporter 
ses  bardes,  et  que  ce  retardement  et  la  sollicitation  de  ce  bon  homme 
vous  pourront  tenter,  et  induire  à  l'exécution  de  cette  vieille  promesse 
ja  surannée  et  quasi  prescripte,  comme  d'autres  précédentes.  Que  si 
l'une  et  l'autre  commodité  vous  estoit  escbappée  sans  achever  voz  cha- 
ritables offices  en  mon  endroit  pour  ce  regard,  dont  je  ne  vouldroys 
pas  jurer,  dans  la  rencontre  présente  des  saints  jours,  qui  peuvent 
destourner  les  ouvriers  et  vous  mettre  hors  de  tort,  je  vous  supplie  d'y 
faire  travailler  incontinant  aprez  testes  à  la  première  commodité  et  je 
vous  conjure  de  vous  desrober  à  voz  autres  plus  utiles  occupations  et 
de  faire  incontinent  emballer  et  porter  le  tout  chez  M""  Despiots,  qui 
ne  laisra  pas  eschapper  de  commodité  de  nie  les  faire  tenir  soit  à  droic- 
ture  à  Marseille  ou  par  ses  correspondances  de  Livorne  et  Gènes.  Et 
si  l'horloge  en  marbre  a  esté  transporté,  je  n'en  verroys  pas  moings 
volontiers  l'empreinte  en  piastre,  pour  juger  icy  de  l'usaige  et  de  l'exac- 
tesse  de  l'antien  ouvrier,  aussy  bien  que  celuy  du  Scaphium. 

Si  avez  nombre  de  cez  grosses  médailles  de  Rhodes  de  Métal  soubs 
l'Empire,  comme  j'en  ay  de  Néron,  Domitian,  M.  Aurele  et  autres, 
vous  me  ferez  plaisir  de  me  les  despartir  toutes,  grandes  et  petites, 
et  de  celles  mesraes  au  delà  de  l'Empire  qui  auront  quelque  marque 
extraordinaire,  car  des  communes  il  s'en  trouve  à  boisseaux.  J'en  voul- 
droys aussy  de  celles  de  Philippe ,  d'Alexandre,  de  Lyzimachus  et  autres 

'  Voir  sur  Frédéric  Sforza,  cardinal  en  l'année  i645,  le  tome  IH  du  recueil  Peiresc- 
Dupuy,  p.  O87.  .  . 


[1632]  À  CLAUDE  MENESTRIKR.  597 

monarques  de  la  Grèce,  qui  ont  quelque  signe  de  la  Hose  ou  autres 
appartenances  de  la  republique  Hhodienne  ou  de  la  chouette  Athé- 
nienne. Ensemble  des  Empereurs  qui  ont  fait  battre  monoye  dans 
Athènes  dont  j'ay  quelques  pièces  d'Hadrian  et  d'autres. 

N'ayez  pas  de  regret  de  vous  estre  chargé  du  paquet  quoyque  grosset 
de  ce  bon  P.  Minime,  car  en  un  besoing  je  luy  ay  une  bonne  partie  de 
l'obligation  de  vous  avoir  engaigé  à  m'escrire,  car  j'avois  passé  quelques 
ordinaires  sans  avoir  cet  honneur  de  vous.  Tant  vous  avez  parfoys  de 
remors  de  consciance  des  arrérages  que  je  pourroys  prétendre  sur  un 
autre  qui  ne  fusse  pas  si  occupé  et  diverty  comme  je  sçay  que  vous 
estes.  C'est  pourquoy  je  préviens  volontiers  voz  excuses,  et  prends  en 
bonne  part  tout  ce  qui  me  vient  de  vous,  et  tout  ce  qui  ne  vient  pas 
aussy,  ne  désirant  en  façon  du  monde  vous  incommoder,  ne  avoir  de 
preferance  sur  vous,  de  ce  qui  pourra  estre  ou  devenir  de  voslre  goust. 

J'ay  recouvré  depuis  deux  joui"s  quelques  médailles  grecques  d'ar- 
gent battues  la  pluspart  dans  la  Magna  Grœcia  que  j'avoys  autres- 
foys  négligées  comme  assez  communes  plus  que  je  ne  feroys  à  presatit. 
Entr'autres  une  d'une  teste  de  Minerve  au  revers  du  Minotaure  avec 
l'inscription  ANIO"^  dont  je  seroys  bien  aise  de  voir  quelques  autres 
de  pareille  inscription  ou  bien  les  empreintes  si  les  originaulx  sont  en 
mains  trop  tenantes. 

Et  sur  ce  je  finis  priant  Dieu  pour  le  comble  de  voz  prosperitez  et 
contentements; ,  et  demeure. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix ,  ce  1  o  avril  1 633  '. 

'  Bibliothèque  de  l'hcole  de  iinklecine  de  Montpellier,  nis.  H  271,  fol.  71. 


598  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

XM 
À  MONSIEUR,  MO>SIEUR   MENESTRIER, 

GEMILIIOMME   DE   BOURGONGNE , 
DE   LA   MAISON  DE  MONSEIGNEUB   LE   CARDINAL  BARBEKIN, 

À  MARSEILLE. 

Monsieur, 

Je  n'ay  peu  différer  de  vous  féliciter  comme  je  faiclz  de  tout  mon 
cœur  le  recouvrement  de  voz  deux  caisses  '  aussytost  que  j'en  ay  receu 
la  nouvelle  de  la  part  de  Mons'  le  commandeur  de  Fourbin  par  un  des 
siens  qu'il  m'a  despesché  exprez,  en  quoy  certainement  il  m'a  grande- 
ment obligé,  car  j'estois  en  extrême  inquiétude  de  vostre  affliclion, 
mais  j'espère  que  vous  commencerez  à  vous  consoler  et  que  vostre  bon- 
heur ne  souffrira  pas  que  vostre  malle  ne  se  recouvre  encores  dans 
lacjuelle  je  me  pei*suade  que  ce  soient  les  lettres  et  papiers  dont  vous 
avoient  chargé  noz  amis  de  Rome.  Je  pense  qu'à  ce  soir  Mons'  Aycard^ 
me  pourra  donner  de  voz  nouvelles  que  j'attendray  en  bonne  dévotion 
et  encores  plus  que  vous  vous  résolviez  à  venir  icy  et  d'y  faire  apporter 
tout  vostre  faict,  car  vous  pourrez  accommoder  tout  à  vostre  ayse  ce 
que  voudrez  envoyer  à  Lyon  où  nous  trouverons  moyen  de  le  faire 
acheminer  aussy  bien  que  de  Marseille.  El  possible  que  la  main  de  mon 
rellieur  ne  vous  viendra  pas  mal  à  propos  pour  faire  relaver  en  eau 
douce  tout  ce  qui  en  aura  besoing  et  l'accommoder  le  plus  proprement 
que  faire  ce  pourra.  Toutesfois  je  m'en  rapporte  à  tout  ce  que  vous 
trouverez  de  meilleur  et  pourveu  que  vous  trouviez  vostre  compte  et 
vostre  satisfaction,  je  seray  tousjours  assez  comptant. 

Mons'  le  commandeur  de  Fourbin  me  mande  qu'il  renvoyé  demain 
les  ouvriers  de  ses  galleres  avec  leurs  outilz  reparez  pour  faire  un  autre 

'  L«s  deux  caisses  qui  avaient  ëté  jetées  '  Ami  et  correspondant  de  Peiresc,  à 

à  la  mer  pom*  allf^ger  le  navire  en  perdition  Toulon ,  plusieurs  fois  mentionné  dans  ie 

dont  il  a  été  parlé  dans  V Avertissement  du  tome  II  du   recueil  des  Lettres  de  Peiresc 

présent  tome  (notice  de  M.  Castan).  aux  frères  Dupuy. 


[163-2]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  599 

effort  au  recouvrement  de  ce  qui  est  demeuré  en  arrière  et  particuliè- 
rement pour  l'amour  de  vous.  Je  sçais  bien  qu'il  n'y  espargnera  rien 
qui  puisse  despendre  de  son  authorité  et  de  sa  bonne  volonté,  hono- 
rant comme  il  l'aict  Monsei»^  le  card"'  Barberin  et  tous  ceux  qui  sont 
à  son  service,  mais  particulièrement  les  gens  d'honneur  et  de  mérite 
comme  vous  et  me  tenant  comme  il  a  iaict  pour  son  serviteur  d'assez 
longue  main. 

Nous  attendrons  donc  le  succez  de  ceste  nouvelle  pesche,  priant 
Dieu  qu'il  luy  plaise  de  la  faire  réussir  à  vostre  contentement  et  de 
vous  garentir  tousjours  vous  et  tout  ce  que  vous  aymez  de  semblables 
ou  autres  plus  grands  dangers,  demeurant. 

Monsieur, 

vostre  Irez  humble  et  trez  obligé  serviteur. 

DE  Peiresc. 
A  Boysgency,  cfi  3  juillet  i63-j  '. 


XLII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER, 

GENTILHOMME   DE  BOUnCONCNE, 
DE  LA  MAISON  DE  MONSEIGNEUR   LE   CAIIDIN\L  B\ltBËRIN  , 

À  MARSEILLE. 

Monsieur, 
Je  vous  envoyé  voz  trois  caisses  h  l'emballagi^  desquelles  Mons' Lom- 
bard^ a  bien  trouvé  à  redire,  quand  il  les  a  venes  ou  pour  le  moins  à 
l'enveloppe  de  toille  cirée  qui  debvoit  estre  chauffée  en  l'appliquanl  sur 
les  caisses,  pour  les  pouvoir  delTeiidre  de  la  pluye  ou  de  la  inonilleure, 
mais  puisque  vous  n'estiez  point  icy  j'ay  foict  scrupule  d'y  laisser  tou- 
cher en  façon  quelconque,  et  me  suis  contenté  de  vous  en  donner  l'advis 
afin  que  vous  y  puissiez  faire  apporter  le  remède  à  Marseille  avant  que 

'   Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ins.  H  ayi.  fol.  73.  original  ;i\«r 
signature.  —  '  l/intcudant  de  la  maison  de  Peiresc. 


600  .LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

vos  dictes  caisses  en  partent  pour  prendre  le  chemin  de  Lyon.  Je  vous 
envoyé  par  mesme  moyen  les  lettres  que  vous  aviez  désirées  de  nioy 
tant  pour  Mons"^  du  Puy  que  pour  Mons''  Aubery,  y  en  ayant  adjousté 
trois  autres  pour  Avi{jnon  addressées  à  Mess"Suarez,de  Mondevergues' 
cl  le  prieur  du  Barroux^  et  une  quatriesme  pour  Mons""  de  Liergues 
de  Lyon  ^,  accompagnées  de  deux  ou  trois  médailles  que  je  luy  envoyé, 
que  je  voudrois  bien  se  trouver  de  son  goust  et  en  pouvoir  rencontrer 
d'autres  plus  dignes  de  sa  curiosité.  Si  par  hazard  il  vous  remettoit 
(|uelques  empreintes  pour  moy  et  qu'il  trouvast  bon  que  je  visse  les 
origiaaulx  de  quelqu'une  de  cez  pièces,  que  vous  pourriez  juger  estre 
de  mon  goust,  il  ne  laudroit  que  les  faire  remettre  à  Lyon  entre  les 
mains  de  Mons""  Roy,  l'un  des  plus  célèbres  marchands  de  Lyon,  avec 
charge  de  les  addresser  à  Marseille  à  M''  de  Gaslines  qui  prendra  le 
soing  de  me  les  faire  tenir  icy  ou  lettres  ou  autres  choses.  Vous  vous 
pourrez  servir  de  la  mesme  addresse  tant  de  M'  Roy  que  de  Mons'  de 
Gastines  par  laquelle  les  choses  pourront  aller  et  venir  seurement, 
comme  si  vous  avez  à  m'escripre  d'Avignon,  il  suffira  d'envoyer  voz 
lettres  chez  Mons'  de  Mondevergues,  et  si  vous  avez  quelque  chose  à  me 
commander  de  Paris,  il  suffira  d'envoier  voz  lettres  chez  M'  du  Puy 
ou  chez  M'  Aubery,  vous  asseurant  que  nous  les  recevrons  à  grand 
honneur  et  à  grande  faveur  quand  vostre  loisir  et  vostre  commodité 
vous  pourront  permettre  de  nous  donner  de  voz  nouvelles  principa- 
lement des  lieux  oij  vous  ferez  quelque  residance. 

Mon  frère  partira  d'icy  lundy  pour  aller  coucher  à  Aix,  s'il  peut,  le 
mesme  jour,  afin  de  se  trouver  à  vostre  passage.  Mais  si  vous  estiez 
plus  pressé  de  passer  outre,  n'oubliez  pas  de  laisser  à  Aix,  en  passant, 
une  procuration  vostre  pour  accepter  les  bénéfices  qui  vous  pourroient 

'   Un  parent  de  Peiresc,  mentionne  dans  Liergues ,  conseiller  du  roi  et  lieutenant  cri- 

Ic  recueil  des  Lettres  de  Peiresc  aux  frères  mine!  au  sièg^e  présidial  de  Lyon,  comme 

Dupuy,  t.  m, p.  !i54.  l'avait  été  son  père,  Pien-e  de  Monconys, 

'  Le  prieuré  de  Barroax  a  été  mentionné  sievu-  de  Liergues.  Voir  sur  Gaspard  et  sui- 

dans  notre  tome  IV,  p.  61.  son  beau  cabinet,  ie  Dictionnaire  des  iima- 

'^  C'était  un  frère  du  célèbre  voyageur  teurs  français  au  jvu' siècle,  par  M.  Ed.  \ion- 

Baltliasar  de  Monconys,  Gaspard,  sieur  de  naffé,  p.  187. 


[1632]  A  CLAUDE  MENESTIUER.  601 

estre  conférez  pour  en  prendre  possession  en  vostre  nom  et  pour  les 
pouvoir  adermer  à  la  chaqje,  si  vous  voulez,  de  rapporter  une  ratiifi- 
cation  vostre  dans  l'an  pour  pouvoir  exiger  et  faire  quittance  des  re- 
venuz,  sur  quoy  aprez  vous  avoir  supplié  d'excuser  la  mauvaise  chère 
que  nous  vous  avorjs  faicte  et  de  nous  commander  avec  entière  liberté 
et  sans  cérémonie,  je  liniray  demeurant. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Boisgency,  ce  5  aoiist  i63a. 

Vostre  despart  me  surprint  si  fort  que  j'oubliay  une  infinité  de 
choses  que  j'eusse  esté  bien  ayse  de  vous  monstrer  tant  de  vostre  cu- 
riosité que  de  la  mienne.  Vous  verrez  un  petit  mémoire  que  j'ay  dressé 
en  un  petit  papier  cy  joinct  de  certaines  médailles  du  bas  empire  que 
je  serois  bien  ayse  de  i-ecouvrer  par  vostre  moyen  si  vous  en  trouviez 
à  vendre  ou  à  Irocquer,  en  quoy  je  me  dispense  tant  plus  librement 
par  ce  que  je  vois  que  vous  estes  en  possession  de  rencontrer  et  de  nx- 
faire  avoir  ([uasi  toutes  les  choses  que  je  vous  ay  demandées  pour 
rares  qu'elles  feussent,  tant  vous  estes  heureux  toutes  et  quantes  foys 
que  vous  voulez  obliger  voz  amis  et  serviteurs'. 


XLIII 
À   MONSIEUR  MENESTRIER, 

(iKiSTILIIOMME   DE   L\  MAISON  DE  MONSEIGNEUR  LE  CARDINAL  BARBERIN, 

À   PARIS. 

Monsieur, 
J'ay  trouvé  en  arrivant  en  ceste  ville  la  lettre  qu'il  vous  a  pieu 
m'escripre  de  Lyon  du  4"  de  ce  mois,  où  j'ay  esté  bien  scandalizé 
d'apprendre  le  second  vol  qui  vous  a  esté  faict  dans  la  douane  de  Lyon 

'   Bibliothèque  de  lÉcole  «le  médecine  de  Monti)ellier,  ms.  H  971,  foi.  74.  Original, 
ï.  76 


602  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

qui  eusse  bien  mérité  une  punition  aussy  severe  qu'il  en  peut  eschoir 
contre  des  gentz  qui  ont  violé  le  respect  qui  estoit  deub  à  un  lieu  de 
cpste  nature,  dans  lequel  toutes  choses  debvoieiit  estre  conservées 
aussy  seurement  que  dans  un  lieu  sacré.  Si  vous  eussiez  faict  mettre 
les  toilles  cirées  comme  je  vous  avois  mandé,  vous  y  eussiez  peu  faire 
apposer  vostre  cachet  avec  de  la  cire  d'Espagne  sur  les  principaulx 
assemblages  de  la  toille  cirée  comme  aux  enveloppes  des  pacquetz  de 
lettres,  en  sorte  qu'on  ne  l'eusse  pas  peu  ouvrir  sans  que  vous  vous  en 
fussiez  aperceu,  lors  de  la  réception  de  voz  caisses,  auquel  cas  il  eust 
fallu  qu'on  vous  en  eusse  respondu  sur  le  champ.  On  ne  sçauroit  ap- 
porter trop  de  precaultion  en  la  voiture  de  choses  semblables,  et  si 
vous  n'eussiez  pris  si  soudainement,  comme  vous  feisles,  la  resolution 
de  partir  de  Boaugentier  du  soir  au  lendemain,  je  n'en  eusse  pas  laissé 
parlii'  voz  caisses,  saiLs  qu'elles  eussent  esté  accommodées,  comme  je 
faictz  accommoder  toutes  celles  que  j'envoye  dehors,  mais  en  vostre 
absence  j'eusse  faict  scrupule  d"y  faire  toucher  en  quelque  manière  que 
ce  fusse.  11  vault  quelquesfois  mieux  retarder  d'un  jour  que  de  tomber 
en  cez  inconvenientz,  qui  font  plus  reculer  qu'on  ne  sçauroit  avoir  ad- 
vancé.  Je  déplore  infiniment  vostre  perte,  et  encores  plus  que  vous 
vous  soyez  trouvé  absent  de  Home,  lors  de  tant  de  belles  vacances  qui 
pouvoient  estre  à  vostre  bienséance,  ne  pouvant  assez  admirer  le  mal- 
heur qui  vous  a  suivy  en  tout  cela,  non  plus  que  la  constance  avec 
laquelle  vous  vous  résolvez  à  le  supporter  qui  vous  rendra  digne  de- 
vant Dieu  de  plus  de  bonheur  à  l'advenir  comme  je  le  vous  souhaitte 
de  tout  mon  cœur,  estimant,  comme  je  vous  ay  dict  plusieurs  fois,  que 
le  tout  sera  pour  le  mieux  tost  ou  tard,  et  que  si  vous  n'avez  eu  part 
à  cez  vacances,  ce  sera  pour  vous  en  faire  trouver  en  d'autres  meil- 
leures et  plus  dignes  de  vous. 

J'ay  receu  des  lettres  tant  de  cez  Mess"  Roy  que  de  Mons"'  de  Liergues 
du  cinquiesrae  de  ce  mois,  avec  lesquelles  j'ay  i"eceu  de  la  part  du- 
dict  sieur  de  Liergues  une  couple  de  médailles  grecques  d'argent 
de  celles  dont  nous  avions  veu  les  empreintes  et  une  couple  de  cez 
espagnolles  de  cuivre,  dont  je  luy  suis  bien  redebvable  et  par  conse- 


[1632]  À  CLAUDE  MENESTHIKIi.  603 

quentà  vous,  puisque  c'est  j)ar  vostre  moyen  qu'elles  me  sont  lombées 
en  main.  Hz  ne  rae  disent  rien  ne  l'un  ne  l'aullre  de  vostre  vol.  Au 
contraire  Mons'  de  Gastines,  que  j'ay  veu  à  Marseille  en  revenant  de 
Beaujjentier,  m'avoit  dict  que  voz  caisses  vous  avoicnt  esté  rendues  bien 
conditionnées  comme  il  pensoit  avoir  occasion,  je  m'asseure,  de  le 
pouvoir  dire  ainsy.  Il  rae  tardera  d'apprendre  si  vostre  plainte  envers 
les  intendantz  de  la  Douane  aura  peu  rien  opérer,  pour  vous  faire  ob- 
tenir la  restitution,  sinon  de  tout,  au  moins  de  (juelque  chose.  Que  si 
cela  ne  vous  réussit,  il  fauldroit  voir  à  Paris  d'en  faire  faire  plainte 
à  M'  Chariot  de  qui  dépendent  tous  cez  commis  et  olliciers  de  la 
douane,  car  s'il  les  avoit  menassez  de  les  chasser  de  leur  employ,  pos- 
sible trouveroit-il  moyen  de  vous  faire  restituer  (juelque  chose.  A  quoy 
Mons'  Aubery  vous  pourra  donner  possible  quelque  bonne  addresse 
par  le  moyen  de  ses  amis. 

J'ay  veu,  en  passant  à  Marseille,  deux  grosses  pièces  /Egyptiermes 
arrivées  du  Levant  deux  jours  devant  mon  passage,  l'une  de  marbre 
noir  qui  rend  l'cflect  de  la  pierre  de  touche,  l'autre  de  pierre  blanche 
un  peu  moins  dure  que  le  marbre  faictes  en  forme  d'un  corps  humain 
emmaillotté  comme  les  momies,  creusées  ou  vuidées  par  le  derrière 
comme  pour  servir  de  couvercles  à  des  toml)eaux  ou  arches  sepulchrales, 
telles  que  celles  de  bois  où  sont  enfermées  la  plus  part  des  momies. 
Elles  sont  enrichies  l'une  et  l'autre  de  beaucoup  de  figures  et  lettres 
hyerogliphi(|ues,  mais  les  marchandz  qui  les  ont  croyent  que  ce  soient 
des  Trésors,  et  n'ont  pas  de  honte  d'en  demander  des  quinze  cens  pis- 
toles,  bien  que  si  j'y  avois  employé  plus  de  cinquante  escus,  je  n'es- 
timerois  pas  mon  argent  si  bien  logé  comme  si  je  l'avois  mis  en 
livres  ou  en  autres  curiositez.  Aux  moindres  de.squelles  il  y  auroit  aul- 
tant  ou  plus  à  apprendre  qu'en  tout  cela,  de  quoy  j'ay  bien  voulu  vous 
donner  advis  par  ce  que  possible  le  bruit  de  cez  figures  arrivant  jus- 
quesà  vous,  vous  pourriez  croire  que  ce  fusse  toute  autre  chose. 

En  passant  par  le  bois  de  Cujes,  je  taschay  de  jetter  les  yeux  sur 
tous  «ez  rochers  pour  lascher  d'y  rencontrer  de  cez  pierres  chryst<ilines 
dont  vous  m'aviez  escript  faictes  en  forme  de  branche  et  de  racines, 

7«. 


604  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632J 

mais  je  ne  fus  pas  si  heureux  que  vous  pour  en  rencontrer  aulcunes. 
Et  n'avois  pas  quant  et  nioy  le  laquay  qui  vous  accompagnoit  lors  pour 
me  pouvoir  mener  précisément  sur  les  lieux,  comme  il  eust  esté  re- 
quis. C'est  pour  quoy  si  vous  pouviez  prendre  la  peine  d'en  faire  un 
peu  de  griflonnement  sur  du  papier  afin  de  nous  faire  comprendre  ce 
que  peut  estre,  nous  tascherions  de  vous  en  faire  recouvrer  davantage. 
Mons'  Borrilly  m'a  donné  parolle  de  vous  accommoder  de  tout  ce  que 
vouldrez  de  son  Cabinet,  tesmoignant  bien  du  regret  de  ce  que  vous 
ne  voulustes  rien  prendre  de  luy.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion 
vostre  retour  et  prierons  Dieu  qu'il  vous  rameine  sauve  avec  plus  de 
contentement  et  de  satisfaction  que  vous  n'en  avez  peu  avoir  jusques 
à  présent  et  demeureray  à  jamais, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  20  septembre  i63a. 

J'oubliois  de  vous  remercier  comme  je  doibs  Irez  humblement  du 
soing  que  vous  daignez  prendre  de  me  reserver  de  cez  petites  mé- 
dailles que  vous  jugez  estre  de  mon  goust,  dont  je  vous  suis  trez  re- 
debvable,  et  si  vous  rencontriez  d'adventure  à  Paris  quelque  chose  que 
vous  jugeassiez  estre  bien  de  mon  goust,  et  qui  se  peusse  avoir  pour  de 
l'argent,  Mons""  Aubery  vous  fera  fournir  tout  ce  que  vous  ti'ouverez  bon  K 


XLIV 
À   MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

À  PARIS. 

Monsieur, 
Ayant  sceu  par  une  lettre  de  Mous""  Aubery  du  xi'=  de  ce  mois  vostre 
arrivée  dans  Paris  et  par  une  de  Mons''  du  Puy  du  landemain  l'accueil 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de  Monlpellier,  iiis.  H  jyi ,  loi.  76.  Original. 


[1632]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  605 

qu'on  vous  avoil  laict  dans  l'Académie  des  plus  {;alandz  liouimes  de 
Paris',  je  n'ay  pas  deub  niantjuer  de  m'en  conjoiiir  comme  je  faiclz 
avec  vous,  et  de  vous  dire  que  j'ay  appris  par  une  lettre  de  Mons"'  le 
card''  Bagni  escripte  à  Urbin  le  6"  de  septembre  que  les  nouvelles  que 
je  luy  avois  données  des  fortunes  par  vous  courues  l'avoient  bien  res- 
jouy  à  cause  qu'on  leur  avoit  voulu  faire  accroire  de  voz  nouvelles  bieei 
plus  mauvaises.  M'  Suarez  a  tesmoijjné  aussi  de  prendre  {grande  part 
au  bon  marché  (jue  vous  aviez  eu  de  ce  naufrage,  et  j'estime  que  si 
iMons""  d'Arène  estoil  arrivé,  il  ne  manqueroit  pas  des  lettres  sur  ce 
subject  de  la  plusparl  de  voz  bons  amis  et  congnoissants,  car  on  me 
mande  que  ledict  s'  d'Arène  m'apporte  une  plaine  malle  de  lettres, 
mais  il  n'est  point  encores  arrivé  et  par  les  derniers  advis  du  a 5*  sep- 
tembre, l'on  me  niandoit(|u'il  dcbvoit  partir  dans  8  jours.  Le  s' Chartres 
m'escripvoit  de  Naples  quelque  temps  y  a  qu'on  y  avoit  creu  que  vous 
fussiez  du  nombre  des  noyez,  non  sans  beaucoup  de  regret  de  tous 
voz  amis,  qui  eurent  bien  de  la  consolation  par  aprez  d'entendre  que 
vous  vous  fussiez  si  opportunément  trouvé  si  loing  comme  vous  estiez 
du  danger. 

J'avois  creu  que  vous  eussiez  pris  le  destour  des  Païs  bas,  quand 
j'avois  veu  que  vous  tardiez  tant  d'arriver  à  Paris,  d'où  je  ne  pense  pas 
qu'il  vous  soit  bien  facile  de  vous  desvelopper  sitost  comme  vous  pensiez 
puisqu'on  a  commancé  d'y  recongnoistre  voslre  mérite  et  vostre  vertu. 

On  m'a  escript  d'Avignon  que  Monsieur  frère  du  Hoy  s'entretini 
trois  grosses  heures  durant  dans  le  cabinet  du  s'  Zanobis-  au  lieu 
d'aller  vers  les  Dames  et  qu'il  y  marqua  i8  ou  20  pièces  avec  prière 
au  maislre  d'icelles  de  les  luy  reserver,  entre  lesquelles  le  s'  Zanobis 
me  mande  qu'il  print  ce  couteau  de  bronze  et  cestc  teste  en  forme  dti 
vaze  que  vous  y  aviez  veiie,  lesquelles  deux  pièces  il  n'a  pourtant  pas 
laissé  de  m'envoyer  icy.  Vray  est  que  je  faicLs  estât  de  les  luy  renvoyer 
au  premier  jour  et  de  me  contenter  de  la  communication  qu'il  m'en  a 

'  Nouvel  hommage  rendu  au  fameux  ca-  '  Connaissait-on   la  visite  faite   |Mir  le 

binet,  au  cercle  savant  dont  il  a  (<lé  si  souvenl         prince  amateur  au  collectionneur  Zanobis  ? 
<|ueslion  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  Sur  ce  dernier,  voir  noU-e  tome  IV,  p.  3. 


606  LETTRES  DE  PEIUESC  [1632] 

faicte  de  sa  grâce,  dont  je  luy  sçais  trez  bon  gré  et  lu  y  demeure  tous- 
jours  bien  obligé,  bien  que  d'autres  m'ayent  voulu  asseurer  qu'il  y  a 
un  peu  plus  d'artifice  en  son  faict  qu'il  n'en  fauldroit  avec  moy,  et  avec 
ceux  qui  vont  rondement  en  besongne. 

J'avois  oublié  de  vous  demander  si  Mons"'  le  card**  Barberin  n'avoit 
point  faict  examiner  par  quelque  bon  mathématicien  l'horloge  antique 
de  bronze  en  forme  de  scaphium  que  vous  luy  avez  faict  avoir,  pour 
en  recongnoistre  le  vray  usaige  et  l'utilité  qui  s'en  pourra  recueillir, 
et  si  vous  n'estes  résolu  de  revenir  bientost,  je  vous  prie  de  m'en  es- 
cripre  un  mot  à  vostre  première  commodité.  Que  si  vous  repassez  par 
Lyon  en  revenant  comme  je  pense  que  c'est  vostre  chemin,  je  vous  prie 
de  voir  M""  Pelot,  Trésorier  de  France,  si  je  ne  me  trompe,  chef  de 
l'une  des  principales  maisons  de  la  ville,  homme  si  curieux  ((u'il  a  porté 
ses  pérégrinations,  non  seulement  jusques  eu  la  terre  Saincte,  mais 
encore  jusques  en  ^Egypte  et  à  la  mer  Rouge'.  Il  me  disl  aulresfois  que 
de  ce  pays  d'Egypte  il  avoit  apporté  quelques  curiositez  et  entr'autres 
un  certain  vase  avec  son  bouchon  ou  tampon  eu  forme  de  meufle  de 
Lyon^  bien  extravagant.  S'il  se  rencontre  à  la  ville  lors  de  vostre  pas- 
sage, vous  prendrez  plaisir  de  gouster  sa  conversation,  et  me  ferez 
grande  faveur,  s'il  vous  ])laist,  d'observer  et  me  faire  un  peu  de  rela- 
tion de  la  forme  et  grandeur  de  ce  vase  à  peu  prez. 


'  U  s'agit  de  Claude  Pellot,  seigneur  de 
Port-David  et  de  Sandars ,  chevalier,  con- 
seiller du  roi ,  trésorier  général  de  France 
en  ia  généralité  de  Lyon ,  prévôt  des  mar- 
chands en  i63a  et  en  i633.  On  a  de  lui 
une  Remontrance  au  Conseil  du  roi  pour  main- 
lenir  le  commerce  et  trafic  de  la  ville  de  Lyon. 
H  mourut  à  Paris  en  i642  ,en  revenant  de 
Cologne ,  oii  il  avait  été  envoyé  par  le  car- 
dinal de  Richelieu.  Ce  fut  le  père  du  fameux 
intendant  Claude  Pellot,  qui  devint  premier 
président  du  parlement  de  Normandie.  Voir 
sur  les  Pellot  père  et  fils ,  l'abbé  Pernetly 
{Lyonnais  dignes   de  mànoire)  et   surtout 


l'ouvrage  en  deux  gros  volumes  in-S"  de 
M.  0'  Reilly.  Je  constate  que  l'abbé  de  Ma- 
rolles,  dans  le  Dénombrement  qui  suit  ses 
Mémoires  (t.  Hf,  p.  333),  donne  à  leur 
nom  la  même  orthographe  que  Peiresc. 
J'ajoute  que  le  bourgeois  de  Lyon,  Claude 
Pellot,  n'était  connu  ni  comme  voyageur  en 
Egypte,  ni  comme  curieux,  et  que  c'est  en- 
core là  une  des  mille  i-évélations  que  nous 
devrons  aux  lettres  de  Peiresc. 

*  Sic.  La  majuscule  a  été  donnée  par  Pei- 
resc au  mot  lion  comme  s'il  s'agissait  de  la 
ville  de  Lyon. 


1163-2]  A  CLAUDE  MENESTRIEH.  607 

Kxcnsez  inoy  de  laiil  de  courvées  que  je  vous  donne  el  me  cotu- 

maiidez  en  revanche, 

Monsieur, 

comme  vostre  trez  liumble  et  Irez  obligé  serviteur, 

DE  Peihesc. 
A  Aix,  ce  a5  octobre  i633  '. 


XLV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER, 

l'OlinVEU   D'UNE  CIIANOINIE  EN  L'EGLISE  METROPOLITAINE   DE  BEZANÇON, 
DE   LA   COUR   DU   CARDINAL  BARRERIN, 

À  BEZANÇOJN. 

Monsieur, 
J'ay  receu  voslre  lettre  de  Paris  du  27  du  mois  passé  pour  responce 
de  laquelle  je  me  contenteray  de  vous  remercier  comme  je  fais  trez 
humblement  de  l'honneur  de  vostre  souvenir  et  des  bons  odices  (|ue 
vous  m'avez  vouleu  rendre  partout  oi!l  vous  avez  esté,  vous  attendant 
icy  en  bonne  dévotion  pour  vous  en  faire  de  vive  voix  d'autres  remer- 
cieinens  pluseflicaces.  Cependant  si  cette  lettre  vous  rencontroit  encores 
chez  vous,  je  voudrois  bien  vous  supplier  de  me  faire  faire  un  peu  de 
{jriffonnement  de  cette  fiijurc  d'Apollon  que  vous  dictes  avoir  esté  trouvée 
à  Besançon  depuis  quelque  temps,  à  la  prendre  de  divers  aspectz  pour 
ne  rien  obmeltre  des  appartenances  soit  de  sou  siège  ou  de  ses  habit/, 
comme  aussy  de  la  fi(Ture  assise  de  Mercure''  et  de  toutes  ce8  autres 


'  Biltliolli^jno  (te  l'Kcolc  de  nif^deciiie  de 
Montpellier,  iiis.  H  971,  fol.  81.  Original. 

"  M.  E.  Roy,  professeur  au  lycde  de  Be- 
sançon ,  dont  j'ai  d(?jh  loue  rol)ii(;;eniicc  dans 
{'Anertissemenl ,  a  l)icn  voulu,  en  ri^ponse  k 
mes  questions,  me  dire  qne  l'on  ne  con- 
naît à  Besançon  aucune  statue  d'Apollon 
ni  de  Mercure,  ni  au  Musée  de  la  ville,  ni 


dans  des  colleclions  partiruliéi-es,  ijin  iut 
él6  trouvée  sous  le  rè{jn»>  de  Louis  Mil.  t<c 
Musée  de  Besançon  possède  l>ien  (n*  io«8^ 
une  cliarinanle  figurine  en  tirontc,  mais 
elle  a  été  «Uiconvertc  k  Mandenrc  {Epamaii- 
diwdurum)  dans  des  fouilles  relativement  r^ 
contes  et,  avant  d'enli-er  nu  Mus»!*,  ell»' 
taisait  partie  des  collections  (jti.  Duveruov 


008  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

f^allenteries  qui  feurent  trouvées  au  mesme  lieu  que  la  figure  d'Apollon 
(lesquelles  il  faudroit  essayer  d'observer  à  peu  prez  les  mesures  en  leurs 
desseins  autant  que  faire  se  pourra.  Je  ne  plaindray  pas  un  peu  d'ar- 
fjent  despendu  à  cela  si  vous  l'avez  agréable  et  si  cette  lettre  ne  vous 
trouve  qu'à  Lyon  et  que  vous  puissiez  employer  à  cela  quelqu'un  de 


p|  Morel-Macler.  Mon  cher  confrère  ajoute 
que  le  culte  de  Mercure  était  très  répandu , 
à  l'époque  gallo-romaine,  dans  la  région 
aujourd'hui  représentée  par  la  partie  de  la 
l'Yanciie-Comté  qui  environne  la  capitale  de 
la  province.  11  m'a  envoyé,  à  ce  sujet,  copie 
d'un  passage  d'un  manuscrit  de  la  Biblio- 
thèque municipale  de  Besançon  (Histoire  de 
la  Franche-Comté  de  Bourgogne  et  en  parti- 
culier de  la  cité  Boyale  de  Besançon ,  composée 
par  le  B.  P.  Lcopold  Prost,  de  la  C"  de  Jésus, 
livre  II ,  p.  63  )  :  «■  A  l'orient  du  mont  Gœ- 
lius,  en  est  un  autre  que  l'on  appelle  la 
montagne  des  trois  châteaux  et  au  dessus 
de  laquelle  est  une  plaine  qu'on  appelle 
champ  Mercuro  ou  champ  de  Mercure.  Et 
quand  César  dit  que  l'on  adoroit  particu- 
lièrement Mercure  à  Besançon,  il  confirme 
parfaitement  bien  la  seconde  fondation  de 
Besançon  par  les  Troyens.  [  Ici  je  supjirime 
quelques  lignes  de  divagations.]. . .  Au  moins 
est-il  seur  qu'à  Champ  Mercuro  il  y  avoit 
un  temple  de  Mercure  qui  fut  bâti  par  les 
Troyens  mêmes,  avec  quelque  château  entre 
le  temple  et  la  ville.  11  n'est  point  de  sortes 
d'idoles  qu'on  y  trouve  si  fréquemment  que 
celles  de  Mercure  quoique  toujours  sous  des 
figures  différentes,  ji  Le  naïf  historien  cite 
jme  inscription  trouvée  en  1 679  attestant 
que  le  temple  de  Mercure ,  qui  était  tombé 
de  vétusté,  avait  été  relevé  aux  frais  d'une 
certaine  Dubilalia  Castula.  Il  rappelle  que 
"le  docte  Monsieur  ChiQlet  donne  l'estampe 
d'une  image  de  vieux  jaspe  oi'i  Mercure  est 


représenté  comme  Guide  des  Voyageui-s ,  le 
casque  ailé  en  tête,  le  caducée  à  la  main 
et  les  ailes  aux  pieds n.  L'auteur  dit  qu'il 
possède  un  Mercure  rjetté  en  bronze»  qui 
a  deux  ailes  h  la  tête  et  que  M.  le  président 
Boiset  ren  a  un  de  même  à  la  reserve  que 
celui-ci  porte  h  la  main  gauche  une  bourse 
comme  patron  du  négoce».  11  mentionne 
encore  une  pierre  qui  fut  tirée  en  iSgi 
(td'un puits  delà  maison  du  comte  d'Achey» 
et  qui  portait  une  inscription  où  fraterni- 
saient les  noms  d' .Apollon  et  de  Mercure.  Le 
docte  Monsieur  Chifflet  cité  par  le  H.  P.  Prost 
avait  déjà  signalé  les  nombreuses  figures 
de  Mercure  trouvées  autour  de  Besançon  : 
ffMercurius  frequens  in  Bisontinorum  terris 
sub  variis  figuris  repertus,  priscœ  vetus- 
tatis  Bisontinx  ai-gumenta  raulta.  . .  etc.» 
(/o.  Jnc].  chijjleti  Vesuntio  civitas  impe- 
rialis,  monumentis  illustrata,  Lyon,  in-4°, 
1618,  ch.  xï,  p.  78.)  Gomme  le  P.  Prost, 
Chifllet  possédait  un  Mercure  dans  sa  col- 
lection ,  in  nieo  musœo ,  comme  il  nous  l'ap- 
prend lui-même  (p.  78).  M.  Roy  m'envoie 
encore  ces  éclaircissements  :  ir  H  est  probable 
que  l'Apollon  et  le  Mercure  de  168a  ont 
été  recueillis  par  la  famille  des  Ghifflet ,  qui 
avait  la  passion  des  antiquités.  Malheureu- 
sement il  reste  peu  de  chose  de  ces  collections 
dans  le  pays  :  elles  ont  été  vendues  pour  la 
plus  grande  partie  en  1719,  par  Claude- 
Nicolas  Chifllet,  à  un  amateur  anglais, 
nommé  Lyons.  » 


[1632]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  609 

voz  amis  sur  les  lieux  je  vous  en  auray  bien  de  l'obligation ,  et  tascheray 
de  vous  servir  en  revanche  et  encores  ceux  que  vous  y  aurez  employez 
s'ils  m'en  jugent  capable.  Cependant  je  vous  diray  que  dez  hier  j'es- 
crivis  à  M''  de  Gastines  pour  faire  payer  par  M'  Despiot  à  Rome  au 
sieur  Dominique  Merula  les  26  escus  que  vous  avez  desirez  selon  vostre 
ordre  et  outre  et  par  dessus  les  autres  précédents  ordres  qu'en  aviez 
donnez  durant  vostre  séjour  de  Marseille,  désirant  de  vous  servir  en 
quelque  meilleure  occasion  comme, 
Monsieur, 


A  Aix,  ce  8  novembre  i63a  '. 


vostre,  etc. 


XLVI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER'. 

Monsieur, 
Ayant  apprins  par  une  lettre  de  M"  de  Rossi  de  Lyon  du  27*  de  ce 
mois  que  vous  n'estiez  point  encores  repassé  par  Lyon,  j'ay  faict  ce 
billet  à  tout  hazard,  au  cas  qu'il  puisse  arriver  à  temps  avant  vostre 
passage  pour  vous  dire  que  M'  de  Gastines  a  escript  à  Rome  au  sieur 
d'Espiotz'  et  donné  les  ordres  nécessaires  pour  le  payement  que  vous 
desiriez  estre  faict  au  sieur  Domenico  Merula,  vostre  amy.  J'ay  escript 
aussy  au  sieur  d'Espiots  à  mesmes  fins,  et  crois  bien  qu'il  n'y  aura 
pas  manqué.  Vous  pouvez  estre  hors  de  regret  de  ce  costé  là.  Le 
sieur  d'Arène  est  arrivé  depuis  trois  ou  quatre  jours  et  m'a  apporté 
un  coffre  de  livres  et  autres  curiositez,  mais  il  n'a  point  apporté  de 
responce  du  sieur  Mellan,  ne  de  cez  autres  i\  qui  vous  aviez  prins  la 
peine  d'escrire  pour  l'amour  de  moy,  ne  m'ayant  pas  mesmes  sceu  rien 
dire  touchant  ce  pied  antique  que  vous  aviez  laissé  à  cet  horlogeur 

'  Bibliolhèijueciol'l'cole  de  iné<lecinede  '  Sans  autre  indication. 

Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  81,  orijpnal  '  Le  même  que  le  Despiot  d'un  peu  plus 

mais  non  aulo^jraphe.  haut. 

T.  77 


610  LETTRES  DE  PEIRESC  [1632] 

pour  le  rabiller.  La  maladie  de  M'  de  Bonnaire  ayanl  esté  cause,  je 
m'asseure,  de  tout  le  malentendu  qu'il  y  peut  avoir  eu  en  celte  aiïaire 
qui  meritoit  d'estre  réservée  à  vostre  présence. 

Je  vous  avois  escript  une  lettre  à  Paris  qui  n'y  arriva  pas  à  lenips 
pour  vous  y  trouver  et  vous  avois  prié,  en  passant  par  Lyon,  de  voir 
le  cabinet  de  M""  Pellot,  et  particulièrement  un  vase  antique  que  je 
pensois  y  estre,  mais  j'ay  depuis  apprins  qu'il  n'a  voit  point  le  vase, 
ains  seulement  une  teste  ou  meufle  de  Lion  de  bois  antique  qui  luy 
avoit  servy  de  bouschon  ou  de  couvercle  comme  celluy  que  je  vous  fis 
voir,  en  forme  de  teste  de  loup  ou  de  renard,  de  sorte  qu'il  ne  sera 
pas  de  besoing  de  vous  mettre  en  autre  peine  pour  ce  regard.  Toutes- 
fois  si  vous  prenez  occasion  de  visiter  ce  gentilhomme,  il  n'y  aura  pas 
de  danger  de  le  vous  faire  monstrer  et  de  remarquer  s'il  y  a  aulcung 
reste  de  peinture  ou  de  doreure  par  dessus  le  bois.  J'ay  depuis  ouy 
dire  que  le  sieur  de  Pontus  a  ung  grand  recueil  de  belles  curiositez 
dans  Lyon  et  entre  autres  choses  un  petit  vase  qu'il  croit  avoir  esté 
une  lampe  en  forme  d'une  teste  de  satyre  avec  son  couvercle  bien 
conservé.  Je  serois  bien  ayse  que  vous  l'eussiez  veu,  afin  d'estre  asseuré 
par  vous  s'il  est  antique  ou  non.  On  m'a  dict  aussy  qu'il  a  un  petit 
godet  de  verre  violet  de  la  mesme  forme  et  grandeur  à  peu  prez,  de 
l'un  des  miens  d'argent  dont  je  voudrois  bien  en  pouvoir  faire  la  com- 
paraison, à  quoy  je  vous  supplie  de  me  faire  office  de  bon  amy,  pour 
m'en  faciliter  la  communication,  s'il  peut  estre  loisible,  vous  suppliant 
de  m'excuser  de  tant  de  fascheuses  courvées  et  de  me  commander 
tant  plus  librement  en  revanche,  comme  celuy  qui  vous  attend  en 
aussy  bonne  dévotion  comme  doibt  faire, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

À  Aix,  ce  31  novembre  iGSa  '. 


'  Bibliothèque  de  l'Kcoie  de  imyecine  de  Montpellier,  nis.  H  ayi,  fol.  lay,  simple  ori 
ginal. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  Gll 

XLVII 
À   MOiVSIKUR   MENESTRIER,    CHANOINE   DE    BEZANÇON, 

GENTILHOMME  DE  MONSEIGNEUR  L'EMINENTISSrME  CABDfNAL  B\nBEI<l>  , 

EN   LA  COUR  DE  U^  L'EM.   CARD.   BARBERIN, 

AVEC  UN  FAGOT  HABQué  COMME  CY  DESSl'Z, 

À  ROME: 

Monsieur, 
Je  receuz  par  iiostre  dernier  ordinaire  de  Lyon  une  despesche  de 
M"'  de  Rossv  du  5"  de  ce  mois  par  laquelle  il  me  donnoit  advis  de 
deux  choses  dont  j'ay  deub  vous  advertir,  i'une  que  le  raesme  jour 
ayant  esté  adverty  par  M' Compain  de  la  commodité  de  faire  tenir  à 
Bezançon  le  balaust  ou  grenadier  à  fleur  double,  il  le  luy  avoit  remis 
en  main  en  fort  bon  estât,  et  en  saison  assez  adoucie  eu  esgard  à  la 
rigueur  du  froid  qui  s'estoit  faict  ressentir  auparavant,  de  sorte  qu'il 
aura  eu  loisir  d'arriver  sain  et  sauve  entre  les  mains  de  celluy  que 
vous  avez  ordonné.  L'autre  concerne  le  petit  fagot  que  vous  aviez  mis 
ordre  de  me  faire  addresser  que  je  receuz  sabmedy  dernier  avec  la 
cassette  des  vases  du  sieur  Gault  et  quelques  livres  et  autres  choses 
dont  ledict  sieur  de  Rossy  m'avoit  faict  faire  un  ballot  qui  est  venu  par 
les  mulletiers  ordinaires  de  ceste  ville.  Je  pensois  y  trouver  des  mar- 
cottes de  vigne  de  cez  raisins  barbuz  dont  vous  m'aviez  parlé,  mais  il 
n'y  avoit  qu'un  simple  petit  bouquet  addressé  à  vous  soubz  une  simple 
enveloppe  attachée  avec  un  peu  de  filet  sans  aulcun  cachet  et  layanl 
destaché,  suyvant  la  permission  que  vous  m'en  aviez  donnée,  je  n'y 
trouvay  que  des  greffes  d'une  seule  sorte  d'arbrisseau  que  je  pense  eslre 
de  ce  saule  odorant  dont  vous  parliez  qui  est  possible  celuy  que  nous 
appelons  l'arbre  du  Paradis,  et  le  mal  est  que  plusieurs  branches  sont 
desja  fort  advancées  en  germe,  ce  qui  me  faict  craindre  qu'elles  n'ayent 
esté  cueillies  un  peu  bien  tard  pour  cstre  bien  propres  à  grefler.  Tant 
est  qu'ayant  rencontré  aujourdhuy  la  commodité  du  passage  du  père 
Guillcm  Cotte,  prieur  des  Carmes  de  Nice,  qui  s'en  va  droict  à  Rome, 


612  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

je  n'a  y  pas  voulu  manquer  de  les  vous  envoyer  par  cette  voye  là, 
puisque,  comme  vous  sçavez,  cez  vénérables  courriers  de  la  poste  de 
Lyon  m'ont  refuzé  mes  pacquetz,  n'ayant  osé  en  retenir  aulcun  greffe, 
pour  ne  rien  diminuer  du  nombre  qu'on  vous  en  pouvoit  mander. 

Vous  aurez  par  mesme  moyen  une  lettre  que  je  pense  estre  dudict 
sieur  Compain,  car  elle  estoit  joincte  à  une  semblable  qu'il  m'en  es- 
cripvoit  à  moy,  à  laquelle  je  fis  responce  par  l'ordinaire  d'hier,  sans 
oublier  de  l'inviter  à  se  servir  de  moy  en  tout  ce  qui  le  concerneroit  et 
qui  vous  toucheroit  aussy  en  vostre  particulier. 

J'ay  receu,  ceste  sepmaine,  la  lettre  qu'il  vous  pleut  m'escripre  de 
Gènes  du  2  8®  décembre  avec  la  relation  de  la  bataille  de  Lutzen,  dont 
je  vous  remercie  trez  affectueusement,  ayant  esté  grandement  aise 
d'apprendre  vostre  arrivée  à  bon  port  jusques  là,  espérant  que  le  sur- 
plus de  vostre  voyage  ne  sera  pas  moins  heureux  Dieu  aydant  et  que 
la  nouvelle  charge  de  vice  chancellier  de  l'Eglise  qui  a  esté  si  meritoi- 
rement  conférée  à  Monseigneur  le  cardinal  Barberin  par  la  mort  du 
cardinal  Ludovisio^  luy  fournira  désormais  plus  de  moyen  de  faire 
du  bien  à  tant  de  galandz  hommes  qui  sont  à  son  service,  et  particu- 
lièrement à  vous  qui  avez  tant  contribué  à  ses  louables  curiositez. 

J'ay  mis  ordre  pour  faire  arracher  de  ceste  pierre  azurée  que  vous 
me  demandez,  dont  je  ne  manqueray  pas  de  vous  faire  tenir  bonne  pro- 
vision à  la  première  commodité,  avec  quelque  autre  petite  galanterie. 

Nous  vismes  icy  un  tapissier  Flamand  qui  est  au  service  de  Monsei- 
gneur le  cardinal  Barberin,  lequel  s'en  alloit  en  son  pais,  pour  eu 
ramener  d'autres  ouvriers  de  sa  vacation,  pour  travailler  aux  Tapisse- 
ries de  son  maistre,  comme  il  me  le  justiffîa  par  les  lettres  de  passe- 
port de  Son  Eminence  qui  fut  la  cause  que  je  ne  fis  pas  de  difficulté 
de  l'assister  de  ce  qu'il  désira  de  moy  pour  avoir  moyen  de  continuer 
son  voyage.  11  me  dict  qu'il  vous  avoit  veu  à  Marseille  beaucoup  plus 
tard  que  je  n'avois  creu  le  delay  ou  le  terme  de  vostre  embarquement. 
Ce  qui  me  fit  regretter  de  n'en  avoir  esté  adverty,  car  j'avois  receu 

'  Sur  le  cai-dinal  Louis  Ludovisio,  archevêque  de  Bologne,  voir  le  tome  II  du  recueil  Pei- 
resc-Dupuy,  p.  Saa. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  613 

du  Martigues  certaines  ])elites  chosettes  marines  de  voslre  goust,  si 
je  ne  me  trompe,  assez  à  temps  pour  les  vous  pouvoir  envoyer,  mais 
je  les  joindray  à  cez  pierres  azurées  que  vous  demandez. 

Au  reste  j'ay  receu  la  cassette  des  vases  du  sieur  Gault,  laquelle  m'a 
bien  fourny  de  la  matière  sortable  à  mes  petites  curiositez  et  de  l'exer- 
cice aussy  agréable  que  guieres  d'autres  que  j'eusse  rencontré  en  cette 
nature  d'antiquailles.  11  ne  m'a  pas  seulement  envoyé  les  deux  vases 
dont  vous  m'aviez  faict  le  griiïonnement,  mais  encores  un  troisiesme 
fort  entier  et  fort  conservé,  qui  n'a  pas  de  verny  comme  les  autres, 
mais  il  a  aforce  ouvrage  d'argent  de  rapport  et  des  ornemenlz  ou  en- 
richissementz  qui  servent  fort  à  l'esclaircissement  de  ceux  de  mon 
grand  Icctisternium  de  marbre,  comme  ceux  là  donnent  aussy  beaucoup 
de  lumière  à  ceux  de  ce  vase,  oii  je  trouve  toutes  choses  si  mystérieuses 
et  faictes  avec  tant  de  dessein  que  je  ne  sçaurois  assez  admirer  l'exac- 
tesse  de  cez  ouvriers  du  temps  passé  et  la  religieuse  punctualité  qu'ilz 
observoient  de  ne  rien  faire  inutilement.  H  m'a  par  mesme  moyen  en- 
voyé non  seulement  ceste  teste  de  bronze  à  double  visage  dont  vous 
m'aviez  parlé,  mais  encores  deux  autres,  dont  l'une  est  pareillement 
à  double  visage  qui  ne  sont  pas  moins  curieuses  que  celles  que  vous 
avez  veues,  et  de  plus  une  ance  d'un  grand  vase  de  proportion  à  peu 
prez  pareille  au  plus  grand  de  ceux  que  je  vous  monstray  à  Beau- 
genlier,  sur  laquelle  il  y  a  des  figures  d'Espargne  fort  gentilles,  repre- 
sentanlz  des  Provinces  captives  et  des  figures  barbares  pareillement 
captives  avec  des  trophées  fort  curieux,  et  pour  me  combler  d'obligation 
il  me  mande  qu'il  est  aprez  et  a  grande  espérance  d'avoir  tous  ceux  de 
feu  M""  Jolly  ou  pour  mieux  dire  de  feu  M""  de  Fontenay,  et  de  feu  M' le 
mareschal  d'Eflliat,  et  que  je  me  puis  tenir  asseuré  que  je  les  auray 
incontinant,  comme  il  a  recouvré  celuy  de  Vivot'  qui  est  desja  en 
chemin  bien  prez  de  .Lyon ,  de  quoy  M'  des  Nœudz  ayant  eu  quelque 
vent  a  voulu  que  je  luy  eusse  de  l'obligation  connne  aux  aultres,  et 
m'a  voulu  envoyer  tout  ce  qu'il  avoit  de  vases  et  escuellons  antiques, 

'  Ces  (juatre  colicclionneurs  ont  nié  ddjë  nienlionnt^s.les  uns  en  ce  volume,  les  antres  dans 
les  volumes  prccddcnts. 


6\à  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

que  le  prieur  de  Roumoules  me  debvoit  envoyer  par  la  première  com- 
modité, avec  un  autre  de  verre  violet  esmaillé  de  blanc  que  le  Marquis 
de  Sourdis  luy  a  donné  pour  me  faire  tenir,  qui  est  fort  conservé  et 
de  fort  bonne  manière,  à  ce  que  l'on  m'en  escript,  de  sorte  que  pour 
peu  que  vous  faciez  de  diligence  de  vostre  costé,  je  pense  que  nous 
debvrions  bientost  avoir  un  assortiment  grandement  complet  et  capable 
de  nous  faire  donner  à  l'advantage  du  public  et  parler  des  poidz  et 
des  mesures  beaucoup  ])lus  pertinemment  que  n'avoient  peu  faire 
jusques  icy  ceux  qui  n'avoient  pas  veu  les  pièces  qui  me  sont  tombées 
en  main,  mais  je  me  prometz  de  vous  avoir  l'obligation  à  vous  des 
principales  et  de  celles  sur  lesquelles  il  se  peut  prendre  plus  de  fon- 
dement d'érudition,  par  le  moyen  de  vostre  bonne  dextérité  et  de 
1  honnesteté  que  vous  avez  accoustumé  d'exercer  en  mon  endroict,  à 
laquelle  vous  trouverez  que  je  ne  manqueray  point  de  la  correspon- 
dance requise  et  que  je  me  revancberay  Dieu  aydant  des  obligations 
que  vous  avez  acquises  et  que  vous  voulez  acquérir  sur  moy,  si  Dieu 
me  preste  encor  tant  soit  peu  de  vie,  estant  de  tout  mon  cœur, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  XII  janvier  i633'. 


XLVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE   DE  BESANÇON, 
GENTILHOMME  DE  MONSEIGNEUR  L'EMI.NEMISSIME   CARDINAL   BARBERIX, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Venant  d'apprendre  tout  présentement  vostre  heureuse  arrivée  à 
Rome  par  une  lettre  de  M''  le  Cavalier  del  Pozzo  du  1 5"  janvier,  je  n'ay 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  nis.  H  971,  fol.  8a,  simple  ori- 
ginal. On  trouve  au  kl.  90  un  duplicata  de  cette  lettre. 


[1633J  À  CLAUDE  MENESTRIER.  615 

pas  voulu  manquer  do  vous  en  féliciter,  comme  je  faictz  trez  humble- 
ment, et  vous  faire  tenir  par  mesme  moyen  le  dessein  que  j'ay  faict 
faire  de  ce  monstre  dont  vous  aviez  ouy  parler,  ne  l'ayant  pas  voulu 
envoyer  à  d'autres  afin  qu'ilz  le  tiennent  de  vostre  main.  On  me  mande 
du  costé  d'Ieres  qu'on  a  tiré  un  plein  sac  de  cette  pierre  bleue  que 
vous  me  demandiez,  lequel  on  m'envoyera  icy  par  la  première  com- 
modité, et  je  tascheray  de  le  vous  faire  tenir  à  Rome  incontinent  que 
l'occasion  s'en  pourra  ])resenler  et  d'y  joindre  de  cez  poissons  et  autres 
choses  que  vous  desiriez.  Depuis  la  dernière  que  je  vous  ay  escripte 
tant  par  un  P.  Carme,  Prieur  du  couvent  de  Nice,  qui  vous  porte  voz 
greffes,  que  par  la  poste,  j'ay  receu  de  Lyon  une  cassette  de  pelitz 
vases,  lamperons  et  autres  ustancilles  de  bronze  antiques,  de  tous  les 
curieux  de  cez  quartiers  là,  à  quoy  M'  de  Pontus  a  voulu  joindre  à 
vive  force  tout  ce  qui  s'en  est  trouvé  chez  luy  ',  et  particulièrement  ce 
petit  lamperon  en  forme  de  leste  de  satyre  que  vous  aviez  fort  bien 
jugé  estre  moderne,  mais  j'estime  qu'il  ne  seroit  pas  incompatible  qu'il 
eust  esté  raoullé  sur  l'antique,  si  ce  n'est  pour  le  couvercle  et  pour 
les  cornes  qui  tiennent  plur.de  la  manière  moderne  que  de  l'antique. 
Il  m'en  a  esté  envoyé  de  Paris  une  grandement  semblable  en  la  propor- 
tion et  en  l'invention  principale,  mais  elle  est  pourtant  fort  différente 
pour  la  couronne,  laquelle  je  tiens  pareillement  moullée  possible  sur 
un  antique,  mais  non  pas  pour  le  couvercle  ny  les  cornes,  que  je  tiens 
de  manière  moderne  comme  les  autres.  J'ay  trouvé  à  prolliter  à  tous 
cez  petitz  lamperons  encores  plus  que  je  n'eusse  creu.  C'est  pour- 
quoy  quand  d  vous  en  tombera  en  main  de  ceux  de  metail  qui  se  soient 
bien  conservez,  et  qui  ne  soient  de  vostre  goust  particulier,  vous  me 
ferez  plaisir  de  les  retenir  pour  moy,  principalement  quand  ilz  seront 
de  forme  bien  bigearre,  et  dont  la  contenance  se  pourra  commodément 
mezurer.  Je  n'ay  pas  encores  receu  la  cassette  du  vase  de  Vivault, 
pour  ce  que  le  Grand  Vicaire  de  Mons'  le  cardinal  de  la  Valette  en 

'  M.  Ed.  Bonnaffc!  {Dictionnaire  des  amateurs  franeuis  au  irii'  siècle,  p.  a58)  n'a  con- 
sacré qu'une  seule  ligne  h  ce  collectionneur:  <t Pontus,  Voy.  lôig.  Bourgeois  de  Lyon. 
Curiositës.  » 


616  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

l'Abbaye  S'  Victor  de  Marseille  s'en  voulut  charger  et  de  deux  autres 
cassettes  pleines  de  vases  et  d'autres  curiositez  de  bronze  antique,  et 
il  ne  partit  de  Paris  que  le  98  janvier.  Mais  j'ay  advis  de  son  arrivée 
à  Lyon  en  bonne  santé  et  l'attendz  icy  dans  quatre  jours  Dieu  ay- 
dant. 

L'on  me  faict  feste  d'un  larmoir  d'Agathe  orientale,  dont  le  fondz  de 
couleur  de  sardoine  est  chargé  de  plusieurs  Ggures  en  camahyeul,  de 
couleur  blanche,  où  il  se  voit  des  satyres  et  des  centaures  dont  la 
partie  du  corps  qui  est  humaine  est  de  couleur  blanche,  et  de  la  cein- 
ture en  bas,  ce  qui  est  de  la  beste  a  de  la  correspondance  à  la  cou- 
leur du  poil  des  bestes.  11  y  a  une  Venus  avec  son  Cupidon  qu'on  dict 
estre  trez  excellente  et  plusieurs  autres  figures,  dont  j'attendz  le  des- 
sein et  un  modèle  d'estain  au  premier  jour,  et  je  descouvre  d'heure  à 
autre  à  mesure  que  cez  pièces  me  tombent  en  main  raille  secrelz  et 
mille  choses  trez  rares  à  observer  en  matière  des  mesures  et  mystères 
des  anciens  du  tout  incongneuz  en  ce  siècle,  de  façon  que  si  vous  me 
faictes  voir  les  pièces  que  vous  m'avez  faict  espérer  j'ose  me  promettre 
de  les  faire  valoir  quelque  chose  de  plus  que  devant,  et  qu'il  vous  en 
reviendra  vostre  part  de  l'honneur,  puisque  vous  avez  tant  contribué 
à  ma  curiosité  pour  ce  regard, 

Mons'  de  Boimaire  m'escript  qu'il  n'avoit  encores  rien  faict  concer- 
nant cez  quatre  busqués  sans  teste  dont  je  vous  avois  prié,  de  sorte 
que  vous  serez  arrivé  tout  à  temps  pour  m'y  faire  ressentir  des  eiïectz 
de  voz  bons  offices,  en  revanche  desquelz  vous  pourrez  vous  asseurer 
entièrement  de  mon  service  et  disposer  librement  de  moy,  comme, 

Monsieur, 

de  vostre,  etc. 

D'Aix,  ce  XI  febvrier  i633  '. 
'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  371 ,  foi.  86.  Original. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER;  617 

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XLIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE   DE   BESANÇON, 
GENTILHOMME  DE  MONSEIGNEUR  L'EHINENTISSIHE  CARDINAL  BARBERIN, 

À  nOME. 
Monsieur, 

Je  vous  cscripvis  par  le  dernier  ordinaire  sur  le  premier  advis  que 
j'avois  eu  de  vostre  arrivée  dans  Rome;  à  cette  heure  que  j'ay  com- 
mencé d'en  avoir  de  plus  amples  nouvelles,  tant  par  les  lettres  de 
Monseigneur  l'eminantissime  cardinal  Barbcrin  que  par  celles  de 
M'  Suarez,  j'ay  bien  esté  obligé  de  vous  en  renouveler  mes  félicitations 
irez  afTectueuses,  principalement  sur  ce  que  m'escript  M""  Suarez  que 
vous  estiez  non  seulement  de  retour  sain  et  sauve,  mais  grandement 
bien  veu  de  son  Eminencc,  dont  je  me  resjouys  bien  fort  pour  l'amour 
de  vous,  et  voudrois  bien  que  les  occasions  se  présentassent  si  oppor- 
tunes et  si  advantageuses  pour  vostre  fortune  et  pour  la  recongnois- 
sance  de  vostre  mérite,  que  vous  y  peussiez  trouver  le  contentement 
que  vous  souhaittent  voz  meilleurs  amys,  à  quoy  je  voudroys  bien 
avoir  peu  contribuer  quelque  chose,  pour  ma  satisfaction  particulière 
aussy  bien  que  pour  la  vostre,  mais  il  faudra  que  le  temps  en  ouvre 
les  moyens. 

Depuis  la  depesche  du  précèdent  ordinaire  j'ay  receu  une  troisiesme 
cassette  de  vases  de  bronze,  dans  laquelle  osloit  celuy  que  vous  aviez 
veu  chez  Vivot  que  j'ay  trouvé  fort  bigearre  en  la  forme  qu'il  a  d'un 
monstre  marin  bien  extravagant,  mais  j'ay  trouvé  que  vous  aviez 
eu  grande  raison  de  doubter  s'il  estoit  antique,  car  le  rouil  noir  qui 
couvre  la  pluspart  de  tout  son  corps,  n'a  rien  qui  ne  puisse  cstre  arti- 
ficiellement imité  de  l'anticjue,  et  encores  plus  quelque  reste  de  rouil 
vert  artificiel  qui  y  sont  demeurées  par  dcssoubz  le  cul  du  vase,  où 
c'est  qu'il  n'a  poinct  esté  enduict  de  noir,  les  yeux  ne  sont  point  d'ar- 
gent, et  la  manière  des  cornes  m'est  fort  suspecte,  aussy  bien  que  des 
f.  78 


618  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

oreilles  ou  feuillages  qui  luy  servent  d'ance  sans  lesquelz  inconvenientz 
et  difficultez  j'en  estimerois  bien  l'invention.  Encores  ay-je  bien  de  la 
peine  à  me  persuader  qu'il  n'aye  esté  imité  aprez  l'antique,  pour  ce 
qui  est  du  corps  principal  du  vase.  Auquel  cas  j'esliinerois  que  les 
cornes  et  oreilles  estanlz  rompues  par  l'antiquité,  l'ouvrier  qui  en  a 
voulu  restaurer  d'autres  n'aye  pas  sceu  se  contenir  dans  l'observance 
des  reigles  des  anciens.  C'est  pourquoy  je  sçaurois  volontiers  de  vous 
si  vous  n'avez  jamais  rien  rencontré  de  semblables  ou  approchantz  de 
cette  manière  d'ouvraige,  et  particulièrement  si  vous  n'avez  point  veu 
de  figure  antique  de  monstre  marin  qui  porte  de  telles  cornes  ser- 
pentées  comme  celles  que  vous  avez  veiies  en  celuy  cy.  On  m'a  voulu 
faire  accroire  qu'il  s'est  trouvé  d'autres  vases  depuis  peu,  dont  on  me 
faict  espérer  ma  bonne  part,  entre  lesquelz  y  a  un  gros  barillet  de 
bronze  de  la  haulteur  d'un  escabeau,  ce  dict  on,  lequel  je  suis  en 
attendant  en  bonne  dévotion,  mais  encores  plus  les  moyens  de  vous 
faire  paroistre  que  je  suis. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  23  febvrier  i633'. 


L 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Depuis  vous  avoir  escript  j'ay  receu  une  depesche  tant  du  s'  Com- 
para de  Lyon  que  du  s''  Anthoine  d'Alvyset -,  à  qui  vous  avez  prins  la 
peyne    d'escripre   d'icy,  lequel   m'a   envoyé   les  fragmentz   de  l'une 
de  cez  petites  sallieres  de  bronze  antique  dont  vous  m'aviez  parlé, 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mëdecine  de        de  M.  A.  Gastan)  qu'Antoine  Alviset,  parent 
Montpellier,  ms.  H  Q71 ,  fol.  98.  Original.        de  Menestrier,  était  cure'  de  Saint-Pierre ,  à 
'  Nous  avons  vu  {Avertissement ,  notice        Besançon. 


|1633]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  619 

mais  par  laallieur  il  les  avoit  mis  dans  une  fort  {jrande  boitte  avec 
un  peu  de  paille  si  mal  pressée  et  si  incapable  de  remplir  la  boitte, 
qu-'clle  estoit  la  moiclié  vnide,  tellement  que  quand  la  pierre  eusl  esté 
toute  entière,  le  mouvement  de  la  poste  dans  ce  vuide  l'eusse  deub 
fracasser  en  une  infinité  de  pièces,  qui  a  esté  la  cause  que  je  n'ay  pas 
trouvé  estrange  de  voir  qu'elle  s' estoit  despecée  en  quatre  diverses 
pièces,  qui  l'avoient  desfigurée  en  telle  sorte  que  sans  la  description 
que  vous  m'en  aviez  faitle,  je  n'aurois  pas  mesmes  sceu  comprendre 
quelle  en  pouvoit  avoir  esté  la  l'orme  primitifve,  mais  tousjours  ai-je 
apprins  quelque  chose  de  cez  petits  iVagmentz,  dont  je  n'ay  pas  laissé  de 
remercier  cez  Mess''  soubs  vostre  adveu  et  de  leur  offrir  mon  service 
en  revanche,  comme  je  l'employerois  de  bon  cœur  sy  je  pou  vois  aussy 
bien  pour  l'amour  d'eulx  que  pour  l'amour  de  vous,  à  qui  je  doibs 
neantmoins  les  principalles  actions  de  grâces  de  la  participation  que 
vous  m'en  avez  procurée,  dont  je  me  tiens  infiniment  redevable  à  vostre 
lionnesteté,  aprez  tant  d'autres  bons  offices  qu'il  vous  a  pieu  me  rendre, 
et  que  a'ous  ne  cessez  de  me  continuer,  dont  vous  tirerez  la  revanche 
sur  moy  quand  il  vous  plaira  me  commander  et  me  trouverez  tous- 
jours  porté  à  vous  obéir  et  servir. 
Monsieur, 

comme  vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  93  febvrier  i633\ 

Souvenez  vous  de  la  celada  antique  de  bronze,  et  autres  armes  ou 
instrumentz  militaires  de  mesme  metail,  dont  vous  m'avez  parlé,  et 
dont  je  desirerois  bien  un  peu  de  griffonement  tiré  aprez  les  origi- 
naulx  et  de  la  mesme  mezure  à  peu  prez  s'il  estoit  possible. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  inédecine  de  Montpellier,  ins.  H  971 ,  fol.  99.  Original. 


78. 


620  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 


LI 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUn  DE  L'EMINENTISSIME  SEIG^El'R  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Le  père  Sacquy ',  estant  venu  en  cette  province,  s'en  est  retourné  bh» 
Italie  sans  que  je  l'aye  veu,  tant  il  a  esté  pressé  d'aller  au  devant  du 
General  de  son  ordre,  mais  il  laissa  à  Marseille  à  son  Provincial  vostre 
lettre  du  7"  febvrier  avec  voz  deux  petites  boittes,  que  j'ay  depuis  re- 
ceues,  et  avoit  auparavant  faict  tenir  de  Canes  à  TouUon  l'empreinte 
que  vous  avez  faict  faire  du  Gongius,  et  ce  petit  vase  d'aibastre  que 
j'avois  pareillement  receu  de  la  part  du  sieur  Truillet,  le  tout  estant 
arrivé  fort  bien  conditionné,  dont  je  vous  remercie  trez  bumblement, 
ayant  pris  grand  plaisir  de  voir  toutes  cez  pièces  qu'il  vous  a  pieu 
m'envoyer,  et  particulièrement  cette  petite  graveure  en  Ametbiste  et 
l'empreinte  de  ce  Gongius,  en  quoy  vous  aviez  certainement  fort  bien 
rencontré  et  secondé  ma  curiosité ,  mais  vous  m'y  avez  laissé  un  peu  de 
mortification  en  ce  que  vous  avez  obmis  de  me  marquer  des  particu- 
laritez  du  Gongius  antique  sur  lequel  vous  avez  faict  mouler  ou  forger 
ce  modèle,  sur  le  bord  duquel  je  me  suis  aperceu  que  vous  aviez  faict 
escripre  quelques  lettres  avec  de  lajîeiuture  blanche,  sans  me  dire  s'il 
y  en  a  de  pareilles  gravées  sur  l'original,  ou  bien  si  c'est  de  vostre 
seul  mouvement  que  vous  les  y  avez  faict  peindre.  Vous  ne  m'avez  pas 
aussy  mandé  si  l'original  est  aussy  massif  et  aussy  pesant  que  vostre 
modelle,  car  cela  eusse  mérité  d'estre  contrepesé  et  examiné  aussy 
bien  que  la  mesure  de  sa  contenance,  et  le  pis  est  qu'en  m'apportant 
ce  modelle,  du  costé  de  TouHon  et  de  Boisgency,  le  fondz  d'iceluy  se 
desemboita  d'avec  le  corps  ou  barrillet  du  vase,  et  quand  je  le  voulus 
faire  de  rechef  emboiter  et  foncer,  je  m'aperceuz  que  le  vase  ne  se 

'  On  conserve  une  quinzaine  de  lettres  de  Peiresc  au  P.  Sacquy  dans  les  registres  des 
minutes,  à  l'Inguimbertine  de  Carpentras. 


[1633]  k  CLAUDE  MENESTRIER.  621 

pouvoit  pas  emboîter  assez  profond  pour  toucher  le  plan  de  ce  cou- 
vercle qui  luy  sert  de  fondz,  parce  que  les  bordz,  qui  environnent 
ledict  couvercle,  ne  sont  pas  assez  vuidez  pour  y  laire  entrer  si  avant 
comme  il  fauldroit  l'ouverture  inférieure  dudicl  harrillet,  laquelle  est 
un  peu  trop  large  pour  cela,  de  sorte  qu'il  y  reste  du  vuide,  entre  le 
plan  de  ce  fondz  et  le  plus  bas  du  corps  du  barrillet  de  plus  que  l'es- 
pesseur  de  deux  ducatons,  qui  emporteroit  beaucoup  de  liqueur,  sur 
la  juste  mesure  de  la  contenance  et  capacité  du  vase,  lequel  sembloit 
mériter  d'estro  faict  en  sorte  qu'il  ne  fusse  pas  ne  plus  ne  moins  hault 
l'un  que  l'autre;  et  si  ç'avoit  esté  pour  recouvrer  quel([ue  chose  de  la 
contenance  perdue  du  vase  en  le  mouslant  que  l'on  avoit  creusé  davan- 
tage ce  couvercle  qui  luy  debvoit  servir  de  fondz,  afin  de  les  ajuster 
l'un  à  l'autre  et  qu'ilz  n'eussent  pas  moins  de  capacité  et  de  contenance 
l'un  que  l'autre,  cela  avoit  besoing  d'une  note  spéciale.  Le  mal  est 
que  je  n'ay  pas  trouvé  que  la  mesure  et  contenance  de  vostre  modèle 
fusse  guieres  bien  proportionnée  à  celle  que  vous  m'avez  veu  du  Con- 
gius  Farnesien,  lequel  fut  examiné  sur  son  original  en  présence  de 
feu  M'"  Aleandre.  Tellement  (jue  je  suis  en  grand  ombrage  que  le  Con- 
gius  de  ce  gentilhomme  Anglois  ne  soit  pas  un  original  antique,  sans 
l'avoir  bien  ajusté,  et  de  faict,  bien  que  le  corps  gênerai  de  son  vase 
responde  à  la  forme  du  barrillet  de  celluy  du  cardinal  Farnese,  ce 
neantmoins  les  ornementz  sont  fort  differentz,  et  ne  sont  guieres  con- 
venables à  la  manière  antique,  tant  pour  les  monteures  du  dessus  et 
du  dessoubz  que  pour  celles  de  la  ceinture  qui  faict  le  tour  de  son 
ventre  plus  cnllé,  lesquelles  n'ont  rapport  quelconque  à  la  manière  du 
Farnesien,  et  principalement  la  corniche  ou  mouleure  qui  sert  de 
soubzbassement  au  modèle  du  vase  de  cet  Anglois  est  tout  à  faict  con- 
traire à  l'usaige  des  anciens  et  à  l'architecture  de  leurs  vases.  Ce  qui 
me  faict  doubter  que  ce  ne  soit  possible  de  l'invention  du  fondeur  que 
vous  avez  employé  à  la  fabrique  de  ce  nu)delle,  pensant  rendre  sa 
forme  plus  agréable  à  la  veiie,  car  aussy  bien  le  dessoubz  de  ce  fondz 
qui  sert  de  bazc,  et  qui  ferme  le  vase  par  on  bas,  n'a  rien  de  ce  qui  s»- 
trouve  soubz  le  fondz  de  tous  les  vases  antiques  que  j'aye  jamais  veur. 


622  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

La  vuidange  mesnies  des  lèvres  supérieures  de  vostre  modeie,  au  lieu 
d'estre  rapplaties  comme  en  celuy  du  cardinal  Farnese,  est  arrondie 
d'une  façon  toute  particulière  et  extraordinaire  aux  semblables  ou- 
vraiges  anciens,  pour  toutes  lesquelles  considérations  je  voudrois  bien, 
si  ce  genlilbomme  Anglois  est  encores  à  Rome ,  qu'il  vous  pleust  de  le 
disposer  à  trouver  bon  que  vous  fissiez  tirer  un  autre  modeie  sur  son 
original  qui  soit,  s'il  est  possible,  moulé  sur  iceluy,  et  qui  ne  contienne 
aulcuns  ornementz  differentz  de  son  original.  S'il  y  avoit  mesme  moyen 
d'en  imiter  la  polisseure  extérieure,  je  le  desirerois  et  n'y  plaindrois 
pas  la  despence  une  seconde  foys  que  j'estimeray  bien  beaucoup  moins 
que  s'il  falloit  vous  renvoyer  le  modeie  que  j'ay  receu  de  vous,  je  n'y 
plaindray  que  vostre  peine,  dont  je  n'oserois  pas  abuser  de  la  sorte  si 
je  n'estois  bien  asseuré  du  plaisir  que  vous  prenez  à  obliger  voz  amys 
et  serviteurs.  Si  vous  vous  y  résolviez,  il  faudra  prendre  un  soing  fort 
particulier  de  faire  que  le  corps  du  vase,  sans  estre  accompagné  de 
son  fondz,  ne  soit  pas  plus  ne  moins  hault  que  celuy  de  l'original  el 
fauldra  que  la  boite  et  couvercle  qui  luy  doibt  servir  de  fondz  se  puisse 
emboiler  si  justement  et  si  proprement,  que  les  bords  inférieurs  du 
vase  toucbent  le  plan  du  fondz  de  ce  couvercle  ou  de  celte  boite,  la-- 
quelle  debvra  estre  façonnée  tant  par  dessoubz  que  par  les  costez,  tout 
de  la  mesme  façon  que  celle  de  l'original  sans  y  rien  obmettre  des 
fijamentz  ou  mouleures  s'il  y  en  a,  et  fauldra  uzer  de  la  mesme  dili- 
gence pour  les  lèvres  supérieures  et  pour  leur  vuidange  et  leur  assem- 
blage sur  lo  corps  du  vase.  Surtout  il  faudra  avoir  grand  soing  d'ad- 
juster  exactement  non  seulement  le  vuide  et  contenance  du  corps  du 
vase,  jusques  à  atteindre  au  bord  de  son  goulet  plus  estroict,  mais 
aussy  la  juste  contenance  de  ce  qui  pourra  entrer  d'eau  par  dessus 
cela,  jusques  au  plus  bault  bord  de  ses  lèvres,  et  s'il  y  manquoit  quelque 
cbose,  il  faudroit  voir  de  le  regaigner  par  le  dedans  du  vase  en  le 
remettant  sur  le  tour  pour  le  vuider,  à  proportion  de  la  contenance 
qui  luy  pourra  manquer,  et,  ce  faict,  il  faudra  examiner  le  poids  du 
corps  du  vase  moulé  avec  celuy  du  corps  du  vase  original,  pour  les 
esgaler  et  adjuster.  s'il  est  possible,  mais  si  cela  ne  se  pouvoit  faire 


[1633]  \  CLAUDE  MENESTRIEH.  623 

commodément  sans  corrompre  la  juste  capacité  interne  du  modèle  ou 
sa  forme  extérieure,  il  lauldra  faire  un  petit  supplément  à  part  d'un 
morceau  de  bronze  qui  puisse  esgaler  le  poids  du  plus  léger  avec  le 
poidz  du  plus  pesant,  et  si  c'est  le  modèle  qui  est  plus  léger,  il  fauldra 
attacher  ce  petit  poidz  contre  ledit  modèle  avec  quelque  morceau  de 
corde  d'espinelte  ou  de  fil  de  laiton,  en  sorte  que  le  modèle  soit  de 
poidz  esgal  à  l'original  et  si  c'estoit  l'original  qui  fusse  plus  léger,  il 
faudra  ployer  ce  petit  poidz  dans  un  papier,  et  marquer  que  c'est  la 
différence  qu'il  y  a  de  la  légèreté  du  vase  original  avec  le  trop  grand 
poidz  du  modèle  moderne.  Et  s'il  y  a  des  lettres  gravées  sur  les  lèvres 
du  modèle  de  l'original  antique,  il  les  faudra  pareillement  faire  graver 
sur  le  modèle,  et  tascher  de  faire  imiter  la  forme  du  caractère  le  plus 
que  faire  se  pourra,  mais  surtout  il  fault  bien  esplucher  exactement  si 
vous  ne  verriez  point  paroistre  de  vestiges  au  fondz  de  l'original  qui 
vous  puisse  faire  conjecturer  qu'il  y  aye  aufresfois  esté  adjouslé  du 
])lonib  au  cul,  comme  j'en  ay  trouvé  dans  le  fondz  de  la  plus  part  des 
vases  antiques  qui  me  sont  passez  par  les  mains,  car  cela  serviroit  à 
recongnoistre  si  le  poidz  du  corps  du  vase  peut  estre  défectueux  ou 
non.  Vous  me  pardonnerez,  s'il  vous  plaist,  Monsieur,  si  je  vous  im- 
portune par  de  si  excessives  ponctualitez  que  les  miennes,  mais  c'est 
mon  naturel  que  je  ne  sçaurois  despouiller  et  qui  partant  me  doibt 
estre  tant  plus  pardonnable,  en  ceste  occurrence  principalement,  où  je 
me  suis  endossé  l'entreprise  d'un  règlement  des  poids  et  mesures  an- 
ciennes qui  ne  se  peut  recongnoistre,  sans  une  grandissime  exactesse  et 
punclualité,et  si  je  trouvois  une  douzaine  de  semblables  vases  antiques, 
bien  que  semblables  cntr'eux,  de  la  mesure  du  Congius,  je  ne  plain- 
drois  nullement  la  despense,  pour  en  faire  tirer  des  modèles  de  rbascun 
aultant  du  dernier  que  du  premier,  pour  pouvoir  parler  plus  asseu- 
rement  des  fondementz  de  cette  science  et  des  vrayes  proportions  qu'il 
y  a  des  unes  aux  autres.  C'est  pourquoy  je  vous  su[jplie,  quand  vous 
ouvrirez  vos  caisses,  de  vous  souvenir  de  m'envoyer  celuy  qu  il  vous  a 
pieu  me  promettre,  car  encores  qu'il  ne  soit  pas  tout  complet,  je  ne 
laisray  pas  de  trouver  le  moyen  de  m'en  servir  et  vous  asseure  que  ce 


62A  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

me  sera  une  des  plus  signalées  obligations  que  vous  puissiez  acquerii' 
sur  moy,  mais  il  ne  faudroil  pas  oublier  non  plus  cez  deux  petitz  vases 
de  bronze  en  forme  de  leste  de  fille,  l'un  plus  gros  que  l'autre  et  en- 
cores  ce  pied  ou  palme  que  vous  aviez  laissé  à  l'horlogeur  pour  y  res- 
taurer un  bout,  et  ce  petit  escuellon  d'une  pile  antique  semblable  à  la 
mienne,  et  si  vous  trouviez  bon  d'y  adjouster  ce  soubzbassement  de 
bassin  ou  autre  vase  en  forme  de  Trépied,  vous  m'obligeriez  bien  da- 
vantage, et  encores  plus  si  vous  y  joigniez  ce  grand  Lebes  ou  bassin 
dont  vous  m'aviez  faict  feste. 

Mons'  d'Espiotz  vous  fournira  tout  ce  que  vous  luy  demanderez  sur 
mon  compte  soit  pour  cez  pièces  là,  ou  pour  telles  autres  que  vous 
jugerez  de  mon  goust,  et  quand  il  y  en  auroit  quelqu'une  que  vous 
i eussiez  bien  ayse  de  vous  reserver  en  vostre  propre,  ne  faictes  pas  de 
difficulté  de  me  le  marquer  et  vous  asseurez  que  le  tout  vous  sera 
renvoyé  fort  fidèlement,  aprez  que  j'en  auray  tiré  les  preuves  qui  me 
pourront  estre  duisables,  comme  vous  sçavez  que  je  l'ay  praticqué  au- 
Iresfois  en  vostre  endroict,  ainsy  que  je  l'avois  faict  auparavant  à  l'en- 
droict  de  feu  Mons^"'  Lelio  Pasqualini ,  et  que  je  le  faictz  tous  les  jours 
envers  une  infinité  d'autres  de  mes  amys;  vous  m'aviez  aussy  parlé  de 
certaines  balances  avec  ses  escuellons  qui  merileroient  encores  d'estre 
examinées  de  ma  main,  si  vous  ne  l'aviez  point  dezagreable.  Je  seray 
affamé  de  toute  cette  sorte  de  marchandise,  jusques  à  tant  que  j'aye 
mis  par  escript  et  par  ordre  le  traicté  que  j'en  ay  projette,  mais  dez 
que  cela  sera  achevé,  je  n'y  songeray  plus  et  m'attacheray  à  quelque 
autre  entretien  moins  importun  que  celluy  là,  et  lors  je  feray  facile- 
ment bonne  part  à  mes  amys  de  tout  ce  que  j'en  achepte  à  cette  heure 
bien  chèrement,  et  dont  la  recherche  me  donne  tant  de  peine,  en  la- 
quelle je  suis  bien  ayse  de  ne  rien  négliger  de  toute  sorte  de  vase  ou 
escuelles  de  quelque  grandeur  ou  petitesse  qu'ilz  soient  et  de  toute 
sorte  de  cuilliers,  principalement  de  ce  qui  est  en  metail  ou  en  matière 
plus  précieuse  que  le  verre  ou  la  terre  cuite,  dont  la  matière  trop 
fragile  ne  requeroit  pas  une  si  grande  punctualité  des  anciens  pour  la 
mesure  comme  le  metail  ou  autres  matières  dures  et  solides  et  plus 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  625 

précieuses  fjiie  la  simple  pierre.  C'est  poiirquoy  vous  me  ferez  plaisir 
de  m'cnvoyer  cette  lasse  de  bronze  en  forme  de  panthère  que  vostre 
orfèvre  acliepta  quatorze  Julles,  cncorcs  qu'il  n'y  aye  aulcune  façon  el 
toutes  sortes  d'autres  ustencilles  capables  d'une  contenance  réglée  à 
quelque  mesure  quelle  que  ce  puisse  estre,  sans  négliger  toutes  cez 
sortes  àe  petilz  escuellons,  qui  peuvent  avoir  servy  à  des  piles  de  poidz 
antiques,  pour  pelitz  et  pour  simples  qu'ilz  soient. 

Il  me  reste  à  vous  remercier,  comme  je  faictz  trez  affectueusement, 
tant  de  ce  cancre  pétrifié  et  autres  curiosilez  que  vous  m'avez  daigné 
procurer,  que  du  soiiig  que  vous  me  promettez  pour  toutes  mes  autres 
petites  commissions,  de  vous  souvenir  que  vous  avez  de  cette  grosse 
médaille  de  Siracuse  d'argent,  et  de  la  relation  que  vous  me  faictes 
espérer  des  bronzes  du  cardinal  Borghese  que  je  priserois  plus  que  tout 
le  reste. 

Quant  à  cez  Termes ,  dont  vous  dites  que  les  testes  sont  mises  à 
fantaisies,  pourveu  que  les  trônez  soient  antiques,  je  ne  laisray  pas  de 
m'en  contenter,  car  je  n'y  cherche  que  les  inscriptions,  puisque  les 
testes  en  sont  perdues,  et  de  faict  je  leur  feray  ester  les  testes  qui  y 
peuvent  avoir  esté  entées,  de  sorte  que  la  question  n'est  que  de  s« 
défendre  du  prix,  sur  lequel  je  ne  considereray  que  les  simples  trônez, 
si  ce  n'est  que  les  testes  fussent  antiques  et  de  quelque  considération 
pour  autre  respect  que  celuy  de  la  place  qu'on  leur  faict  occuper.  Et 
par  ce  que  vous  m'avez  parlé  que  l'une  des  inscriptions  porte  le  nom 
de  Virgile,  ce  seroit  celle-là  principalement  que  j'achepterois  plus  vo- 
lontiers que  les  autres,  si  tant  est  que  vous  la  teniez  pour  antique 
véritablement,  et  ne  serois  pas  marry  d'avoir  encores  les  autres  trois 
Grecques  (supposé  qu'elles  soient  antiques),  quand  ce  ne  seroit  que 
pour  accompagner  celle  de  Virgile ,  pourveu  que  le  prix  n'en  soit  pas 
plus  grand  que  la  portée  de  ma  bourse  et  que  ce  que  vous  m'en  aviez 
dict  <i  peu  prez. 

Je  m'estonne  que  voz  hardes  eussent  tardé  en  leurs  purifications, 
mais  il  n'y  aura  pas  grand  mal,  pourveu  que  le  tout  vous  soit  fidèle- 
ment rendu  et  en  bon  estât,  mais  j'ay  esté  bien  plus  ravy  et  plus  fasché 


79 


626  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

tout  ensemble  d'entendre  qu'un  autre  puisse  avoir  esté  préféré  à  vous 
pour  le  prieuré  dont  M''  vostre  oncle  avoit  donné  le  premier  advis'.  Il 
se  donne  d'estranges  coups  de  ])ied  en  toutes  les  cours  du  monde  ^,  mais 
i'ay  encores  cette  ferme  espérance  que  Dieu  vous  fera  la  grâce  d'en 
tirer  la  raison  d'une  façon  ou  d'autre,  lorsque  vous  y  penserez  le  moins. 

Cependant  je  vous  doibs  encore  bien  remercier  des  marcottes  de 
raisins  bigarrez  et  de  saule  odorante  que  m'a  envoyé  M'  vostre  oncle, 
cez  jours  passez,  en  revanche  de  quoy  je  luy  ay  offert  des  marcottes 
de  noz  raisins  plus  curieux  et  de  tous  noz  autres  fruictz  ou  autres 
plantes  s'il  en  a  la  délectation,  désirant  de  le  servir  en  tout  ce  qu'il  me 
sera  possible  tant  pour  son  propre  mérite  que  pour  l'amour  de  vous. 

Au  reste  il  fault  que  je  vous  die  que  j'ay  receu  l'empreinte  et  le 
dessein  de  ce  vase  d'Agatlie  dont  je  vous  avois  cy-dcvant  parlé ,  à  l'en- 
tour  duquel  y  a  quatorze  ligures  de  trez  bonne  manière,  toutes  blanches 
sur  un  champ  de  sardoine  brun  excepté  celle  d'un  Satyre  qui  a  les 
cuisses  et  les  piedz  de  couleur  roussastre,  et  l'importance  est  qu'il  y  a 
de  bien  belles  choses  à  dire  sur  la  forme  et  contenance  du  vase  aussy 
bien  que  sur  le  mystère  des  hgures,  mais  cela,  requiert  trop  de  dis- 
cours pour  une  lettre.  Je  veriay  d'en  faire  copier  le  dessein  qui  m'a 
esté  envoyé  avec  toutes  les  couleurs  de  la  pierre  et  l'envoyeray  au 
cardinal  Barberin  avec  prière  de  le  vous  faire  voir.  On  me  faict  mesme 
espérer  que  je  verray  l'original  du  vase  sur  l'occasion  d'un  voyage  que 
vient  faire  icy  dans  un  mois  ou  deux  celuy  qui  en  est  le  maistre,  ou 
bien  un  sien  frère  qui  s'en  veut  charger  pour  l'amour  de  moy,  et  sur 
cette  bonne  bouche  je  finiray  demeurant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  q/»  mars  i633. 

Monsieur,  j'ay  faict  rembourser  à  M"'  de  Gastines  les  seize  escuz  et 
un  Julie  que  vous  aviez  pris  de  M"'  d'Espiotz  avec  les  charges  et  remises 

'  Gel  oncle  était  l'abbé  Du  May,  chanoine  de  Sainte-Madeleine,  à  Besançon. —  '  Etemelle 
vérité  qui  est  ici  bien  pitloresquement  exprimée. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIEll.  627 

et  feray  pareillement  acquitter  fort  punctueilement  tout  ce  que  vous 
prendrez  dudict  sieur  d'Espiotz  pour  mon  compte,  à  qui  je  feray  renon- 
vcller  les  ordres  de  vous  fournir  ce  que  vous  trouverez  bon  de  prendre. 
N'oubliez  pas,  je  vous  supplie,  cette  médaille  d'argent  Romaine  de 
la  Republique  qui  est  beaucoup  plus  pesante  que  les  deniers  ordinaires 
où  le  nom  de  Roma  est  escript  en  creux  soubz  une  Riga  '  et  y  a  une 
teste  sans  barbe  à  deux  visages  de  l'autre  costé,  et  cboisissez  des  plus 
pesantes^. 


LU 
À  iMONSlEUR  MENESTRIËR,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  vous  fis  une  assez  longue  et  importante  despesche  par  le  précè- 
dent ordinaire  en  responce  de  celle  que  le  P.  Sacqui  avoit  apporté  de 
voslre  part.  J'ay  depuis  receu  la  vostre  du  i  a  may  et  quelques  joui-s 
aprez  on  m'a  renvoyé  d'Avignon  deux  lettres  de  Monseigneur  le  car- 
dinal Barberin,  en  l'une  desquelles  il  me  parle  de  vous  en  si  bons 
ternies  que  j'ay  creu  de  vous  en  debvoir  envoyer  coppie  de  l'arlicle 
qui  vous  concerne,  auquel  je  respons  par  cet  ordinaire,  pareillement 
aux  meilleure  termes  dont  je  me  suis  peu  adviser,  pour  vostre  recom- 
mandation, désirant  avec  une  extrême  passion  de  vous  pouvoir  servir 
aussy  utilement  que  vous  le  méritez  et  qne  je  le  vous  doibs.  Et  espé- 
rant que  vostre  vertu  et  vostre  mérite  vous  feront  franchir  tost  ou  tard 
toutes  les  dillicultez  que  l'envie  et  la  jalousie  de  voz  malaffectionnez 
pourroient  opposer  à  vostre  fortune.  Ne  m'estant  guieres-ti*ouvë  trompé 
en  semblables  conjectures  et  souhaicts  que  j'ay  cy  devant  faicts  pour 
d'autres.  Et  tiens  que  M'  vostre  oncle  ne  tiendra  pas  ire  ;\  cœur,  et 
qu'il  se  laisra  porter  à  vous  donner  toute  sorte  de  satisfaction.  Osant 

'  Gliar  il  (ienx  chevaux.  —  '  Bil)liotlièque  de  YÉcok  de  nn'Hefine  de  Monlp-llicr, 

ms.  H  27 1 ,  loi.  96. 

79- 


628  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

me  faire  fort,  si  vous  me  permettez  de  iuy  en  escrire,  d'obtenir  de  Idy 
tout  ce  que  vous  pourrez  désirer,  pour  ce  regard.  Mais  ii  fault  avoir 
un  peu  de  patience,  comme  vous  le  practiquez  en  voz  autres  re- 
cherches pour  attendre  la  saison  plus  propice  et  plus  opportune  à 
fouiller  en  terre,  n'estimant  nullement  que  vous  deviez  croire  les  jac- 
tances de  voz  ennemys,  qui  seroient  bien  aises  de  vous  rebutter  et 
faire  despiter  d'appréhension  qu'ilz  ont  que  vostre  mérite  ne  soit  enfin 
recognu  et  que  vous  n'ayez  ce  qu'ilz  vouldroient  pour  eux.  Je  ne  suis 
pas  mesmes  tant  hors  d'espérance  de  vous  aller  voir  de  par  de  là, 
possible  plus  tost  que  vous  ne  croiriez',  auquel  cas  je  seroys  homme 
pour  frapper  bien  hardiment  un  coup  pour  vous,  plustost  que  pour 
moy,  quand  je  le  debvrois  faire  mettre  sur  mon  compte  et  en  porter 
la  parole  au  Pape  mesmes.  Mais  je  vous  prie,  n'en  dictes  rien  à  per- 
sonne, et  pour  cause. 

J'ay  eu  grand  regret  du  retardement  de  ce  Carme  pour  vos  mar- 
cottes. Gez  moines  ont  grand  tort  de  se  charger  ainsin  de  commissions 
de  cette  nature,  ou  ceux  qui  les  coiitremandent,  aprez  leur  avoir  donné 
espérance  d'agréer  leurs  voyages.  11  fauldra  voir  de  suppléer  à  ce  def- 
fault  la  prochaine  année.  Si  cez  courriers  de  Lyon  n'eussent  tant  laict 
les  besles,  je  les  eusse  envoyez  par  cette  voye  là.  Et  me  repents  bien 
que  je  n'y  en  hazarday  quelqu'un  des  derniers  venus  que  j'envoyay  à 
Boysgency. 

La  Signora  Felice  et  Monsieur  son  mary  m'obligent  trop,  d'avoir 
receu  de  si  bon  gré  ce  peu  que  vous  avez  daigné  leur  présenter  de  ma 
part  ^,  à  quoy  je  tascheray  d'adjouster  un  jour  Dieu  aydant  quelque 
pièce  plus  digne  d'eux  et  quelque  bon  service. 

Pour  l'eminentissime  cardinal  Boncompagno,  je  vous  diray  qu'il 
m'est  venu  des  pensées  depuis  peu,  pour  la  vérification  précise  des 

'  La  maladie,  les  affaires,  ies  chagrins  dans   les   letli-es   suivantes.   Ces  aimal)les 

domestiques  firent  abandonner  ce  projet  de  ëpoux  rivalisèrent  de  soins  généreux  pour 

voyage  à  Rome.  les'  collections  de    Peiresc.   Ils   paraissent 

''  La  Signora  Felice  et  son  mari  (  Aies-  avoir  été  eux-mêmes  quelque  peu  coUec- 

sandro  Rondenini)  vont  reparaître  souvent  tionneiu^. 


[1633]  \  CLAUDE  MENESTRIEIJ.  629 

persones  représentées  en  la  {jraveure  (jue  j'ay  prins  la  hardiesse  de 
luy  envoyer  soubs  voslre  adveu,  qu'il  en  sera  possible  bien  satisfaict, 
mais  j'estime  ([u'il  vauldra  mieux  attendre  des  nouvelles  que  la  pièce 
luy  ayt  esté  remise  ez  mains,  tosl  ou  tard,  car  pourveu  qu'il  la  reçoive, 
lo  temps  importe  peu.  Et  ce  sera  un  honneste  prétexte  de  luy  r'escrire. 

Je  suis  bien  aise  du  retour  de  M'  Chartres,  et  le  seray  encores  plus 
de  le  voir  icy,  car  j'en  estoys  en  peine  jusques  à  l'autre  jour  que  M'  Vi- 
gnon  me  donna  advis  de  Paris,  qu'il  s'en  revenoit  par  icy.  Mais  je 
crains  bien  que  son  voyage  ne  soit  fort  long,  car  il  ne  peult  s'em- 
peschcr  de  s'arrester  partout  où  il  passe,  et  sa  vacation  l'y  oblige.  C'est 
pourquoy  je  crains  bien  que  si  vous  le  chargez  de  vostre  cassette,  je 
ne  soys  bien  longtemps  à  l'attendre,  et  à  faulte  d'autres  commoditez 
des  Martegaulx  qui  viennent  aprez  Pasques  ou  d'autres  qui  viennent 
à  droicture  à  Marseille,  il  n'y  auroit  pas  grand  danger  de  la  remettre 
à  M'  Despiots  qui  me  la  peult  faire  facilement  tenir,  soubs  l'adresse  de 
M'Tridi  à  Gènes  où  le  commerce  est  plus  fréquent,  lequel  l'envoyera 
à  Marseille  à  M'  de  Gastines.  Mais  je  regretteray  l'incommodité  que 
vous  pourrez  avoir  en  tout  cela,  dont  ledict  sieur  Despiots  vous  des- 
charpera  d'une  partie  pour  vous  laisser  vacquer  à  de  meilleures  occu- 
pations et  plus  dignes  de  vous  et  de  vostre  curiosité.  Sur  quoy  je  finiray 
demeurant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  C  (ipvril  lO.'JS. 

J'ay  eu  de  la  part  de  M'  de  Royssy  une  placque  de  bronze  antique 
escripte  du  temps  de  Septime  Severus  à  Langres  et  un  fragment  de 
lamperon  antique  en  forme  de  couronne  à  porter  sur  la  teste,  conqiosé 
de  vingt  lumignons.  Je  ne  vis  jamais  rien  de  plus  bigearre*. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  ayi,  fol.  98. 


630  LETTRES  DE  PEIRESC     .  [1633] 


LUI 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 
Monsieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  i  2  mars  par  laquelle  accusés  la  réception 
(lu  modelle  du  congie,  extrememenl  merry  de  ce  qu'il  n'a  esté  de  vostre 
goust  et  de  ce  que  le  fond  c'est  sesparé  du  fond  (sic);  la  fauite  est  venue 
du  fondeur  qui  pour  espargner  sa  peinne  y  aura  mis  quelque  mas- 
tique lequel  par  le  chemin  se  sera  séparé  du  corps  du  vase.  J  avois 
usé  toute  la  diligence  qu'il  estoit  possible,  pour  le  faire  imiter  exacte- 
ment en  le  mesurant  plusieurs  fois  et  le  faisant  remettre  sur  le  tour; 
il  me  sembloit  qu'il  ne  pouvoit  estre  plus  juste;  vous  m'escrivés  que 
sur  le  bord  y  avoit  marqué  des  letres  blanches.  Il  n'y  avoil  aullres 
letres  sinon  P.  X.  escrites  avec  de  l'encre  lesquelles  estoint  gravées  sur 
l'antique  sur  le  bord  en  dedans.  L'original  n'estoit  point  si  massif  el 
pesant  que  ceiuy  que  je  fis  faire,  estant  iceluy  fort  prins  de  l'espesseur 
de  ma  botticelle  laquelle  je  vous  envoyray  à  la  première  comodité. 
Quant  à  la  haulteur  elle  est  du  tout  esgalle,  mais  non  la  grosseur. 
Vous  treuvés  que  les  ornements  dudit  congius  ne  sont  semblables  aux 
antiques;  pour  ceux  du  corps  je  les  fis  imiter  le  mieux  qu'il  fut  pos- 
sible; pour  ceux  du  fond  je  n'y  usa  pas  tant  de  diligence.  Je  vous  en- 
voyé la  forme  de  ma  botticelle  en  attandant  que  je  voos  envoyé  l'ori- 
ginal avec  le  dessein  du  fond;  la  profondeur  dudit  vase  est  marqué  à 
costé  n'estant  libre  le  fond  ayant  prins  ladite  aulteur  avec  un  baston  le 
mettant  dedans  iceluy  de  sorte  que  le  fond  resté  libre  qui  est  fort 
délie.  L  Anglois  qui  avoit  ledit  congius  se  partit  de  Rome  }>our  aller  à 
Venize  incontinant  après  le  Carneval  et  impourta  tout  ce  qu'il  avoit 
ramassé  d'antique  par  l'Italie.  J'attend  avec  grand  désir  les  galères  de 
France  pour  vous  envoyer  le  mienne  accompagné  de  ces  deux  vases 
desquelz  je  vous  parla,  comme  aussy  de  l'escuellon  de  l'orfaivre,  d'un 
aultre  plus  petit  fort  beau  et  bien  tourné,  un  aultre  avec  trois  pieds 
les  jambages  de  ceste  forme  de  tripied  ayant  un  chacun  en  hault  une 


[1633]  \  CLAUDE  MENESTRIER.  631 

teste  de  femme  avec  des  corps  d'animaux  avec  des  aislcs  (ourmant  une 
sphinge  avec  deux  corps  et  uneseule  leste  estant  posé  sur  une  Lampe(?) 
quatre  aultres  petits  jambages  dilTerents  de  ces  petits  insilegues.  Une 
lacerne  laquelle  je  peut  messurer  faitte  en  forme  d'un  oyson  tenant 
une  balle  dans  le  bec.  J'ay  aussy  achepté  la  médaille  consulaire  plus 
pesante  de  beaucoup  que  l'ordinaire  comme  aussy  une  de  fort  beau 
métal  d'un  monétaire  Gallus  avec  le  S.  G.  et  la  corone  au  revers  et 
ob  cives  servatos  laquelle  est  faitte  comme  un  médaillon  estant  exac- 
tement ronde  et  un  bord  tourné  alentour  et  pesé  quasi  une  once  et 
demye.  J'ay  aussy  achepté  la  moitié  d'un  petit  escuellon  d'Agate  ayant 
une  oreille  comme  le  dessein  icy  joinct,  quatre  petits  vases 
et  aultres  petites  curiosités  lesquelles  je  vous  envoyra  avec 
l'occasion  du  retour  que  feront  les  galères  en  France.  Par 
mesme  voye  je  vous  envoyray  la  responce  de  la  Senora  Felice 
Rondeuina  avec  les  curiosités  qu'elle  désire  vous  envoyer; 
son  mari  a  rescript  à  Gennes  pour  avoir  les  armes  de  ces  familles  que 
désirés.  Je  croys  aussy  que  pour  ce  temps  la  j'auray  la  responce  de 
Monseg''  le  card.  Boncompagne.  Il  escrivy  dernièrement  à  son  Agent 
pour  sçavoir  quel  tiltre  il  vous  debvoit  donner,  qu'est  le  subject  que 
je  n'ay  pas  encore  heu  la  responce  de  la  vostre.  Monsieur  il  vous  plaira 
m'excuser  si  j'escris  la  presante  de  la  sorte  n'ayant  heu  le  temps.  Je  ne 
mancqueray  par  le  premier  de  vous  escrire  plus  amplement  demeu- 
rant à  perpétuité, 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  obligé  serviteur, 
Glauue  Menetrie. 
A  Rome,  ce  19  avril  i633  '. 

Je  prendray  selon  que  m'escrivés  ce  que  j'ay  desbouné  au[)rès  de 
Mons""  d'Espiot. 

'  Bib1iothè(iue  nationale,  fonds  français,  n"  gSii,  foi.  aoi. 


632  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 


LIV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUR  DE   L'EMINENTISSIME  SEIGNEUR   CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Depuis  celle  que  je  vous  avoys  appresté  par  le  précèdent  ordinaire 
qui  ne  fut  pas  d'humeur  de  prendre  ma  despesche,  le  P.  Guillem 
Cotte,  prieur  des  Carmes  de  Nice,  a  renvoyé  les  despeschea  dont  il 
s'estoit  chargé,  au  P.  Fezaye,  provincial  des  Carmes  en  cette  ville, 
avec  une  lettre  qui  sera  cy  joincte  que  j"ay  retirée  dudict  P.  Fezaye 
pour  vous  laire  voir  les  excuses  de  ce  pauvre  Prieur  de  Nice,  qui  n'a 
retenu  que  voz  greffes  pour  les  faire  tenir  comme  il  pourra,  dont  il 
luy  sera  bien  difficile  de  s'acquitter  en  temps  et  lieu,  que  tout  ne  soit 
gasté  avant  qu'arrivez  là.  C'est  pourquoy  j'ay  envoyé  reprendre  à 
Boysgency  quelques  uns  des  greffes  de  pareille  nature  que  M''  vostre 
oncle  m'avoit  envovez  en  dernier  lieu  et  suis  résolu  de  les  hazarder 
par  le  courrier  qui  doibt  passer  ce  jourd'huy,  s'il  s'en  veult  charger; 
sinon  je  les  baiileray  à  un  Jacobin  qui  doibt  partir  dans  deux  ou  troys 
jours,  pour  aller  porter  au  gênerai  de  son  ordre  les  délibérations  de 
leur  chapitre  provincial  afin  d'en  avoir  la  confirmation.  Espérant  qu'il 
aura  de  meilleures  adresses  que  le  Carme  pour  pouvoir  passer  oultro 
et  se  rendre  à  Rome  bientost.  En  escrivant  à  Me'  le  Cardinal,  je  luy  en 
toucheray  un  mot,  aux  fins  de  vous  ayder  à  obtenir  voz  excuses,  ei! 
me  chargeant  d'une  partie  de  la  coulpe  comme  il  est  juste,  puisque 
j'avoys  si  mal  choisy  le  porteur  de  voz  greffes,  combien  que  nous 
n'avions  pas  lors  d'autres  meilleures  commoditez  à  choisir.  Cependant 
il  fault  que  je  vous  rende  encores  de  nouveaux  remerciements  de  ce 
que  le  sieur  de  Montrivel,  à  vostre  recommandation,  m'a  envoyé,  cez 
jours  passez,  deux  autres  desseins  de  sa  grande  figure  de  Bronze  de  sa 
propre  grandeur,  en  troys  grandes  feuilles  de  papier  chascun,  l'un  de 
la  veiie  du  devant,  et  l'autre  de  la  veue  du  derrière,  qui  sont  des- 


[16331  À  CLAUDE  MENESTRIER.  633 

seignez  d'assez  bonne  main ,  de  quoy  je  vous  suis  bien  redevable,  aussy 
bien  qu'à  luy,  et  n'ay  pas  manqué  de  l'en  remercier,  et  voyant  qu'il 
avoit  faict  tout  plein  de  despence  pour  cela,  je  me  suis  dispencé  de  luy 
envoyer  un  peu  de  noz  fruicts,  soit  prunes  de  Brignole,  raisins  de  Da- 
mas, dattes  et  eau  naffe,  l'ayant  prié  d'en  faire  part  à  M'  Du  May, 
vostre  oncle ,  à  qui  j'ay  escript  par  mesme  moyen.  L'occasion  m'ayant 
semblé  si  opportune,  que  je  me  suis  dispencé  de  l'exhorter  aultant  que 
j'ay  peu,  à  vous  continuer  les  effectz  de  sa  bienveillance,  quasi  pater- 
nelle, et  à  m'honorer  de  quelques  siens  commandementz  dont  j'espère 
qu'il  ne  me  vouldra  pas  esconduire,  et  que  Dieu  me  fera  la  grâce  de 
vous  pouvoir  servir  quelque  jour  tant  en  sa  persone  qu'en  la  vostre, 
estant  de  tout  mon  cœur, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

À  Aix,  ce  21  avril  i633 '. 


LV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  REZANÇON, 

EN  LV   COUR  DE   L'EMINENTISSIMB   SEIGNEUR  CARDIN\L  BARBERIN, 

À  ROME. 

RECOHMANDÉ  À  LA  COURTOISIE  DE  Bl'  SDAREZ. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  lettre  du  9  du  passé,  où  j'ay  apprins  le  souvenir 
que  vous  avez  eu  de  moy  en  me  retenant  cez  petits  vases  et  escuellons 
de  bronze,  et  m'en  voulant  procurer  d'autres  avec  le  dessein  de  ce 
Trépied  que  vous  avez  trouvé  sur  une  base  de  la  vigne  du  cardinal 
Borghese  dont  je  vous  suis  bien  redevable,  aùssy  bien  que  de  ce  mé- 
daillon de  Gordian  si  extravagant  dont  je  plains  bien  le  revers,  pour 
les  notices  qu'il  nous  eusse  peu  fournir,  tant  en  ses  figures  qu'en  l'in- 

'  BiWinthèquo  de  lÉcole  de  médecine  de  Monl|)ellier,  ins.  H  971,  fol.  aoa. 

y.  80 

t«»U«ll)t    •«TlOtttt. 


G34  LETTRES  DE  PËIRESC  [1633] 

legrité  (lu  poids  de  la  pièce,  à  laquelle  j'eusse  volontiers  renoncé  à  ce 
prix  là  d'en  pouvoir  tirer  cez  notices,  auquel  cas  elle  eusse  esté  trop 
belle  pour  un  homme  de  si  peu  de  considération  que  moy,  mais  ce  ne 
nous  sera  pas  une  petite  consolation  en  cette  perte,  ou  ignorance,  de 
voir  un  jour  les  fragmentz  ou  reliques  que  vous  nous  en  avez  voulu 
faire  avoir.  Tandis  que  nous  attendrons  si  nous  serions  assez  heureux 
pour  avoir  cez  vases  de  bronze  de  bonne  main  ausquelz  vous  faictes 
l'amour  de  si  bonne  grâce  pour  l'amour  de  moy,  et  particulièrement 
celuy  que  vous  jugiez  à  l'œuil  de  la  contenance  du  quart  du  Congius, 
qui  sera  vrayserablablement  ou  plus  ou  moings  grand  et  capable  que 
le  quart,  d'aultant  que  les  anciens  n'avoient  pas  de  vase  en  commun 
usage  qui  fusse  le  vray  quart  du  Congius  (qui  n'eust  esté  que  d'un  ses- 
tier  et  demy),  au  moings  les  Romains,  car  les  autres  nations  avoient 
d'autres  proportions  de  leurs  mesures.  Toutefoys  il  fauldra  voir  ce 
que  ce  peult  estre  et  vous  me  ferez  un  singulier  plaisir  de  me  le  pro- 
curer soit  en  propriété,  ou  en  communication  de  la  veue,  s'il  ne  se 
peult  mieux,  afin  de  le  pouvoir  examiner  avec  mon  exactesse  accous- 
tumée.  Je  seray  merveilleusement  aise  que  vous  puissiez  voir  les 
bronzes  du  cardinal  Borghese,  mais  en  ce  cas  je  vous  supplie  et  con- 
jure de  m'en  faire  une  relation  la  plus  exacte  que  vous  pourrez,  non 
seulement  de  tout  ce  qui  peult  concerner  les  vases  de  quelque  sorte 
qu'ils  soient,  et  les  poids,  mais  de  toute  autre  sorte  d'ustenciles  et  ma- 
chines que  vous  jugerez  de  mon  goust,  ou  extraordinaires. 

Nous  attendrons  la  venue  de  ce  jeune  orfèvre  apprentis  de  feu  Quar- 
teron. Mais  sans  vous  assujectir  à  telle  rencontre  de  passagers,  il  ne 
fault  que  remettre  à  M'  d'Espiots  tout  ce  qu'il  vous  plairra  m'envoyer, 
car  il  a  souvent  des  commoditez  asseurées  pour  faire  tenir  à  Marseille 
tout  ce  qu'il  veult  à  M'  de  Gastines,  et  je  tiendray  pour  receu  tout  ce 
qu'il  vous  plairra  luy  bailler,  luy  ayant  faict  rembourcer  tout  ce  que 
vous  avez  eu  de  luy.  N'oubliez  pas,  je  vous  prie,  quand  vous  me  ferez 
quelque  cassette  ou  fagot,  de  m'envoyer  de  cez  ances  ou  manches  et 
tenons  de  vases  de  bronze  antiques  et  particulièrement  de  celles  qui 
estoient  faictes  à  pendre,  ou  à  porter  pendus  ceux  qui  estoient  en  forme 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  635 

de  seaux,  comme  ma  pille,  ou  des  vieux  cliaisnons  de  bronze  et  de 
diverse  grosseur,  car  je  vouldrois  bien  en  trouver  quelque  fragment 
qui  peusse  estre  propre  à  suspendre  la  teste  de  bronze  que  j'ay  eue 
du  sieur  Zanobis  à  peu  prez,  et  une  autre  pour  la  vostre  d'Antinous 
et  pour  celle  à  deux  visages  du  sieur  Gault. 

J'ay  autreslbys  eu  mille  sortes  de  fragments  antiques  qui  eussent  peu 
servir  à  cela  et  dont  les  façons  et  ouvraiges  ont  parfoys  du  rapport  aux 
pièces  auxquelles  on  les  veult  appliquer.  Je  pense  qu'en  cez  bouttiques 
de  la  place  Navone,  il  s'en  trouvera  bonne  quantité  de  toutes  grandeurs 
et  k  choisir.  Je  vous  ay  envoyé  par  un  P.  Jacobin  d'autres  greffes  pa- 
reils à  ceux  du  P.  Carme,  et  il  m'a  promis  de  faire  mettre  le  pacquet 
à  la  poste  de  Gènes,  sitost  qu'il  y  abordera,  cez  vénérables  courriers 
de  Lyon  faisants  les  renchéris,  et  ne  voulants  pasaulcune  foys  recevoir 
jioz  despesches  pour  Gènes. 

J'escriray  Dieu  aydant  mardy  prochain  à  Paris  pour  avoir  de  voa 
chastaignes  des  Indes  et  vouldrois  bien  vous  rendre  de  meilleur  et  plus 
utile  service. 

Au  reste  il  s'est  trouvé  deux  autres  vases  antiques  des  plus  précieux 
qui  se  peussent  imaginer,  brun  di;  vraye  onyce  orientale  de  la  grosseur 
du  poing  de  couleur  de  Sardoine  entouré  de  dix  flgures  en  camayeul 
de  blanc  bleiiastre  comme  l'onyce  dont  l'ancienne  forme  estoit  quasi 
comme  ce  petit  d'Alebastre  du  cardinal  Patron.  L'autre  n'est  que  de 
verre  bleu  avec  trois  figures  seulement  en  camahieul  d'esmail  blanc  de 
laict  comme  celuy  du  cardinal  del  Monte,  qui  est  maintenant  de  l'enii- 
nentissime  cardinal  Patron,  mais  cez  3  figures  sont  accompagnées  de 
tant  de  festons  et  autres  enrichissementz,  et  le  tout  de  si  excellente 
manière  qu'on  ne  l'estime  pas  moings  que  le  précèdent  d'Onyce, 
encores  qu'il  ne  soit  pas  de  plus  grand  volume.  Je  ne  vis  jamais  rien 
de  si  exquis  et  sur  quoy  j'aye  trouvé  de  si  jolies  observations  à  faire, 
ne  à  discourir  de  plus  gentiles  conceptions  et  inventions  de  cez  an- 
ciens ouvriers,  m'en  ayant  esté  octroyé  toute  la  plus  advantageuse 
communication  que  j'en  pouvois  désirer.  On  dict  que  celuy  d'esmail 
est  venu  de  Rome,  auquel  cas  vous  le  pourriez  bien  avoir  veu,  et  ad- 

8o. 


636  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

jouste  t'on  que  le  sieur  cavalier  del  Pozzo  en  avoit  retenu  une  em- 
preinte, mais  je  me  double  qu'on  aye  faict  équivoque  sur  l'empreinte 
de  celuy  du  cardinal  del  Monte. 

J'attends  encore  un  grand  escuellon  de  bronze  antique  tout  enrichy 
de  Mascarons  à  peu  prez  semblables  à  celuy  d'argent  que  vous  m'avez 
veu.  Touts  mes  amys  de  toutes  parts  se  mettent  en  peine  plus  que  je 
ne  vaulx,  pour  augmenter  mes  assortiments  desdicts  vases  en  toutes 
manières  et  proportions,  et  je  finis  demeurant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  5  may  i633. 

M""  Aycard  de  Tollon  a  esté  icy  et  m'a  laissé  un  mémorial  dont  il 
vous  avoit  parlé  et  dont  il  vouloit  vous  escrire ,  concernant  la  continua- 
tion d'un  P.  Observantiii  en  la  charge  de  gardien  du  couvent  de  S'  Hie- 
rosme  au  territoire  de  Marseille,  jusques  à  la  tenue  du  chappitre  qui 
est  d'environ  un  an  de  plus  que  son  trienne.  Il  y  a  des  voisins  si  ho- 
nestes  gentz  qui  se  louent  infiniment  de  ce  bon  père,  et  M""  l'Evesque. 
de  Marseille'  en  a  si  bonne  relation  qu'il  le  désire  avec  passion.  Gez 
banquiers  font  bien  souvent  de  cez  coups  là  plus  facilement  qu'il  ne 
semble.  Vous  pourrez  prendre  de  M'  Despiots  tout  ce  qu'il  vous  plaira 
pour  ce  regard  que  je  luy  feray  soigneusement  rembourcer.  Si  vous 
en  parlez  à  M'  Marchand,  il  vous  donnera  les  addresses  pour  y  par- 


'  Fraaçois  de  Loméoie.  —  '  Bibliothèque  de  i'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  37 1 , 
foi.  io3. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  637 


LVl 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUR  DE   L'EMINENTISSIUE  SEIGNEUR   CARDINAL  BARBERIN, 

À  HOME. 

Monsieur, 

J'ay  receu  la  vostre  du  ig™  avec  le  griffonement  de  vostre  botti- 
cella,  qui  me  donne  subject  d'en  attendre  l'orifjinal,  en  bonne  dévotion, 
ensemble  toutes  cez  autres  belles  curiositez  dont  vous  me  faictes  le  des- 
nombrement,  et  dont  je  vous  seray  grandement  redevable.  Et  ne  man- 
queray  pas  de  faire  punctuellement  rembourcer  à  M'  de  Gastines  tout 
ce  que  vous  fournira  M'  Despiots.  La  relation  que  vous  m'avez  faicle 
de  la  différence  des  ornements  extérieurs  du  congius  antique  de  vostre 
Angloys,  avec  le  modelle  que  vous  m'en  avez  faict  faire,  m'a  donné 
quelque  consolation,  et  me  fera  faire  plus  d'estat  du  modelle  que  je 
ne  faysois,  où  l'ouvrier  n'avoit  poinct  employé  de  ciment,  pour  atta- 
cher le  fonds  ou  le  cul  au  corps  du  vase,  ains  l'avoit  seulement  arresté 
avec  quelque  coup  de  marteau  qui  le  faisoit  entrer  par  iorce  dans  le 
cercle  extérieur  dudict  fonds  sans  arriver  tout  au  plus  bas  du  champ 
dudict  fonds.  C'est  pourquoy  en  l'apportant,  il  ne  fallut  pas  grand 
effort  pour  le  desemboitter.  Et  quand  je  vis  que  le  corps  du  vase  ne 
pou  voit  pas  s'emboitter  assez  avant  pour  toucher  au  fonds  du  cui,  ce 
fut  ce  qui  me  donna  plus  de  mortification,  à  cause  que  le  mesurage 
ne  pouvoit  avoir  gueres  de  certitude. 

J'ay  receu,  cez  jours  passez,  une  lettre  de  M'^du  May,  vostre  oncle, 
du  27  avril,  en  response  de  ce  que  je  luy  avois  mandé  pour  l'induire 
à  vous  donner  contentement.  Il  me  mande  qu'il  vous  a  escript  pour 
vous  encourager  à  la  patiance,  attendant  quelque  bonne  fortune  et 
pour  sesjourner  encores  à  Rome  tant  que  vous  le  trouverez  à  propos, 
de  sorte  que  de  ce  costélà,  vous  n'avez  rien  h  appréhender. 

Je  suis  bien  fasché  de  ne  vous  avoir  peu  envoyer  voz  pierres  bleues 
par  les  galères,  mais  il  y  eustdu  mal  entendu  de  ceux  qui  a  voient  esté 


638  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

employez  pour  les  faire  porter.  La  première  barque  les  vous  portera. 

Estant  pressé,  je  finis  demeurant  de  tout  mon  cœur, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  3  juin  i633. 

Je  vous  prie  de  faire  fournir  ce  que  mon  homme  dict  vous  avoir 
prié,  et  d'en  prendre  vostre  rembourcement  du  sieur  Despiots. 

Adolphus  Occo  faict  mention  page  269  d'une  médaille  d'Antoniii 
Pie  ABOiNOTEIXEI  TQN  PAATK^N,  que  je  serois  bien  aise  de  re- 
couvrer, mais  encores  plus  une  autre  d'Hadrian  page  289  qui  a  pour 
revers  un  cheval  sur  une  colonne  avec  une  inscription  BOPYSHENEI K 
Voyez,  je  vous  supplie,  d'en  retirer  des  empreintes,  si  ne  pouvez  avoir 
des  originaulx,  et  priez  en  de  ma  part  cez  Mess"  les  plus  curieux  qui  les 
peuvent  avoir,  d'aultant  que  je  désire  m'en  servir  en  mes  recherches,  et 
le  feroy  bien  plus  volontiers  si  j'avois  les  médailles  ou  les  empreintes  ^. 


LVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BEZANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
Depuis  la  despesche  que  je  vous  fis  par  le  dernier  ordinaire  j'ay 
faict  mettre  dans  une  caisse  les  fragments  de  la  pierre  bleiiastre  dont 
vous  m'aviez  parlé,  et  l'ay  adressée  à  M'  de  Gastines,  pour  la  faire 
envoyer  à  Rome  conjoinctement  avec  d'autres  caisses  appartenants 
au  seigneur  Mazzarini.  La  caisse  est  marquée  du  chiffre  X  et  pèse 
260  livres  de  ce  poids  icy,  et  sera  recommandée  à  M' Despiots.  Je  ne  suis 

'  Voir  plus  haut  (Lettres  à  Holslenius)  l'inscription  composite  en  l'honneur  du  cheval 
de  l'empereur  Adrien.  —  '  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  nis.  il  971 . 
fol.  loô. 


[1633]  X  CLAUDE  MENESTRIER.  639 

marry  que  de  ce  que  la  pierre  n'est  plus  haulte  en  couleur,  mais  les 
choses  qui  se  font  par  procureur  et  sans  la  présence  do  personiifs  in- 
telligentes, ne  peuvent  pas  jamais  réussir  bien  h  souhaict;  si  pariny 
toute  cette  quantité  il  s'y  trouve  quelque  morceau  d'où  vous  puissiez 
tirer  de  quoy  faire  vostre  preuve,  en  m'en  envoyant  la  monstre,  il  y 
aura  moyen  d'en  faire  arracher  et  choisir  de  la  mesme  sorte  ce  qui  se 
pourra.  Cependant  j'ay  creu  que  possible  les  grosses  pièces  vous  pour- 
roient  servir  à  faire  travailler  quelques  vases  puisque  vous  avez  là 
tant  d'ouvriers  de  loisir,  et  que  possible  cela  vous  seroit  aultant  et  plus 
duisable  que  l'Azur  que  vous  eti  pensiez  tirer.  Je  fus  bien  fasché  que 
cez  pierres  ne  pcurent  arriver  à  temps  pour  aller  sur  les  galères.  Il 
y  eust  du  malheur  et  du  malentendu  qui  l'empescha;  pourveu  que 
vous  y  trouvassiez  quelque  contentement,  la  perte  du  temps  ne  seroit 
guieres  à  regretter.  Mais  je  crains  fort  que  vous  n'y  trouviez  rien  qui 
vaille,  si  la  grosseur  des  deux  plus  gros  morceaux  ne  vous  donne 
moyen  d'en  faire  former  quelque  vase.  Sur  quoy  j'attendray  impatiem- 
ment le  succcz. 

Cependant  je  vous  diray  qu'on  m'escript  de  Paris  que  des  chas- 
taignes  des  Indes  on  n'a  pas  eu  honte  d'en  demander  ùo  francs  du 
cent,  et  qu'ils  en  tiennent  de  deux  sortes,  les  unes  entières,  qu'ils 
disent  ne  vouloir  laisser  à  moings  de  6  sols  pièce,  les  autres  qu'ils 
appellent  percées  ou  creuxses,  qui  sont  les  plus  belles  et  les  mieux 
choixsies  dont  ils  ne  veullent  pas  moings  de  huicts  sols  pièce.  Toute 
foys  celuy  qui  m'escript  dict  qu'on  luy  en  avoit  indiqué  ailleurs,  qu'il 
les  verroit  et  m'en  resouldroit  par  nostro  prochain  ordinaire  et  qu'il 
tascheroit  de  me  donner  contentement,  s'il  estoil  possible.  Je  suis 
homme  pour  en  escrire  à  Amsterdam,  et  pour  en  faire  escrire  à  Lis- 
bonne par  quelque  marchand  de  Marseille,  d'où  il  y  aura  moyen  d'en 
tirer  à  bon  prix  telle  quantité  qu'on  vouldra. 

M'  Aycard  de  Toullon  m'a  chargé  de  vous  faire  ses  recommanda- 
tions trez  humbles,  et  M'  Aubery  m'a  tesmoigné  d'en  désirer  aultant  de 
son  chef,  estant  en  peine  de  n'avoir  eu  aulcunes  nouvelles  depuis  vostre 
despari  ou  arrivée  chez  vous. 


640  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Au  surplus,  je  vous  félicite  comme  estroictement  attaché  d'aiïection 
aux  interests  de  M''  Suarez,  de  sa  digne  promotion  à  i'Evesché  de  Vai- 
son,  dont  je  me  resjouys  infiniment  et  vouidroys  bien  ouyr  dire  qu'à 
vostre  tour  vous  eussiez  eu  quelque  digne  recognoissance  de  voz  la- 
beurs et  de  vostre  vertu.  Il  fault  attendre  qui  veult  réussir,  et  s'armer 
de  patience.  Si  M'  Suarez  se  fust  retiré  l'année  dernière,  cette  pièce 
n'eust  pas  esté  pour  luy.  Car  la  présence  a  un  grand  advantage  sur  les 
absants. 

J'ay  recouvré,  cer  jours  cy,  un  beau  vase  antique  de  pierre  avec  son 
couvercle  en  forme  de  teste  de  cinge  et  tout  son  ventre  escript  en  ca- 
ractères Hiéroglyphiques  comme  ceux  des  Obélisques. 

Vous  avez  maintenant  à  Rome,  comme  je  pense,  M?'  le  duc  de 
Crequy  et  toute  sa  suite  qui  vous  donnera  de  l'exercice  et  je  demeure, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  16  juin  i633  '. 


LVIII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  REZANÇON, 

EN  LA  COCR  DE  L'EMINENTISSIME  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  retour  des  galères  de  M' le  duc  de  Crequy  vostre 
lettre  du  2  de  ce  moys,  avec  les  desseins  du  vase  de  M"'  le  Cavalier 
Gualdi ,  à  qui  j'en  ay  bien  de  l'obligation  comme  à  vous ,  et  avec  vostre 
cassette,  qui  est  arrivée  fort  bien  conditionnée,  ne  pouvant  vous  rendre 
d'assez  dignes  remerciraents  à  mon  gré,  tant  de  ce  à  quoy  il  vous  a 
pieu  employer  mon  argent  avec  le  mesme  advantage  que  vous  eussiez 
peu  faire  le  vostre,  que  de  ce  qu'il  vous  a  pieu  me  communiquer  de 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  971 ,  fol.  106. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  641 

vostre  cabinet,  qui  ne  vous  sera  pas  nioin{îs  soigneusement  conservé, 
tant  que  vous  trouverez  bon  que  je  le  retienne,  que  s'il  n'en  eust  jamais 
bougé,  ainsin  que  vous  l'avez  autres  foys  esprouvé  aux  autres  ciirieu- 
sitez  que  je  vous  ay  fidèlement  renvoyées,  après  en  avoir  tiré  les  desseins 
ou  modelles  nécessaires  et  les  avoir  examinées  selon  l'exigence  du  cas. 
J'ay  trouvé  dans  la  cassette  tout  ce  que  vous  aviez  designé  en  l'inventaire 
que  vous  en  avez  dressé,  et  y  ay  trouvé  de  l'exercice  beaucoup  plus  que 
je  n'ay  eu  de  temps  à  y  employer  en  cette  conjecture  où  nous  sommes 
de  la  fin  de  nostre  Parlement,  mais  j'espère  que  nous  en  serons  bientost 
quittes  Dieu  aydant,  et  que  durant  noz  prochaines  vacations  nous  aurons 
plus  de  moyen  de  nous  y  entretenir  à  souhaict,  à  examiner  la  conte- 
nance et  qualité  de  tout  ce  qui  est  subject  à  proportion  réglée.  Ensemble 
cez  modelles  des  vases  de  M''  le  Chevalier  Gualdi  à  qui  je  ne  nianqueray 
pas  d'escrire  par  mesme  moyen. 

Je  receus  lors  du  passage  des  Princes  de  Vendosme  la  boitte  des 
greffes  d'oUives  d'Ascoli,  que  M'  de  l'Estrade  leur  gouverneur'  me  ren- 
dit sans  aulcune  lettre  ni  autre  addresse  ou  instruction  si  ce  n'est  que 
M""  le  comte  de  Chasteau  Villain  l'en  avoit  chargé.  De  sorte  que  j'avoys 
eu  crainte  qu'il  n'y  eust  de  l'équivoque,  ne  me  souvenant  plus  que  vous 
vous  tussiez  chargé  de  m'en  faire  tenir.  Elles  estoient  dans  le  miel,  mais 
neantmoings  fort  seiches  d'humidité  autre  que  ce  que  le  miel  y  pouvoil 
contribuer.  Je  ne  laissay  pas  d'en  faire  anter.  Je  ne  sçay  encores  s'il  au- 
ront reprins.  Estant  marry  que  les  greffes  de  M'  vostre  oncle  n'eussent 
peu  faire  le  voyage  plus  brièvement  pour  arriver  plus  frais,  mais  ce  fut 
un  autre  religieux  Jacobin  qui  en  fut  le  porteur  et  qui  se  promettoit  d'aller 
aussy  viste  d'icy  à  Gènes  que  l'ordinaire  et  toutefoys  il  sarresta  longue- 
ment par  les  chemins.  Il  fauldra  suppléer  Dieu  aydant  l'année  prochaine. 

J'ay  faict  sçavoir  à  M'  Aycard  le  soing  que  vous  voulez  prendre  de 
ce  bon  P.  Gardien  de  S'  Hierosme,  son  parent,  dont  il  vous  aura  de 
l'obligation,  et  moy  quand  et  luy,  attendant  de  vous  pouvoir  servir  en 
revanche. 

'  Le  {fonveriieur  des  jeunes  princes  de  VendAnie  était  François  d'Kstrades,  le  père  du 
maréclial  de  Fiance  Godcfroy  d'Estrades.  Voir  le  recueil  Peii-esc-Dupuy,  t.  ili,  p.  73a. 

V.  8i 


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642  LETTRES  DE  PEIIIESC  [1633] 

Je  suis  bien  heureux  de  ce  que  vous  me  dictes  de  l'honnesteté  du 
seigneur  Aless.  Rondenioi  et  de  la  signera  Felice,  qui  me  veullent 
comble!-  d'obligation,  ne  pouvant  vous  dissimuler  que  je  seray  trez 
aise  de  voir  et  examiner  la  capacité  de  ce  godet  ou  vase  de  chrystal 
antique  que  vous  appelez  sympulum,  mais  aprez  en  avoir  retenu  des 
mémoires  ou  modelles  s'il  y  escheoit,  il  sera  bien  raisonable  d'en 
faire  la  restitution  pour  ne  pas  priver  des  persones  si  curieuses  de 
chose  si  digne  de  leur  curiosité.  Me  tenant  trop  redevable  des  autres 
effects  de  leur  bienveiliance,  et  de  cette  paste  antique  de  la  teste  coif- 
fée d'une  thiare,  dont  vous  me  parlez,  et  dont  il  me  tardera  de  voir 
la  couleur  et  la  qualité  de  la  matière,  puisqu'il  leur  plaict  de  me  la 
despartir  si  libéralement.  H  me  tardera  bien  aussy  de  voir  ce  qu'ils 
auront  eu  des  familles  de  Gènes.  Mais  puisque  la  commodité  des  Ga- 
lères de  M''  le  duc  de  Crequy  est  eschappée  soudainement,  il  se  pas- 
sera peult  estre  bien  du  temps  avant  qu'il  s'en  présente  d'autre,  ne 
sçaichant  si  M'  le  duc  de  Crequy  sera  sitost  prest  de  revenir.  Cepen- 
dant si  pour  cela,  ou  pour  autre  chose,  vous  avez  rien  à  me  faire  te- 
nir, à  faulte  de  commoditez  qui  viennent  à  droicture  icy  ou  à  Marseille, 
il  ne  faudroit  que  vous  servir  des  addresses  de  Gènes  de  M'  Oratio 
Tridy  qui  est  une  voye  aussy  asseurée  qu'aulcune  autre,  car  il  a  tous 
les  jours  des  commoditez  fort  opportunes  de  Gènes  à  Marseille  où  il 
escript  d'ordinaire  à  M"^  de  Gastines,  et  quasi  par  tous  les  courriers 
ordinaires  à  moy.  Tellement  que  vous  ne  pourriez  pas  tenir  une  meil- 
leure banque  que  celle-là. 

Quant  à  cette  matière  bithumineuse  que  vous  dictes  avoir  tirée  d'une 
lampe  antique,  et  dont  vous  dictes  avoir  joint  des  morceaux  au  syni- 
pule  du  seigneur  Alessandro,  j'auray  de  la  peine  à  me  persuader  que 
ce  soit  chose  qui  puisse  estre  demeurée  d'antiquité  dans  la  dicte 
lampe,  si  je  ne  la  vois  originellement,  pour  juger  de  la  qualité  de  la 
rouille,  et  de  la  correspondance  qu'elle  pourroit  avoir  avec  celte  ma- 
tière, car  s'il  n'y  en  a  voit  poinct,  je  craindroys  que  cette  matière  ne 
peusse  avoir  esté  récemment  infusée  dans  la  lampe  antique,  ainsin  que 
j'en  ay  trouvé  dans  une  lampe  antique  de  terre  rouge  qui  me  fut  en- 


|1633]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  643 

voyée,  cee  joui-s  passez,  du  costé  de  Thuuis.  Et  celle  que  vous  aviez 
veue  à  M'  de  Pontus  à  Lyon,  en  estoit  toute  empeschée  par  dedans 
lorsque  ledict  sieur  de  Pontus  me  l'envoya  par  M'  de  Rossi,  avec  les 
autres  que  je  luy  ay  toutes  fldelemeiit  renvoyées,  sans  en  avoir  re- 
gretté si  ce  n'est  une  qui  estoit  en  forme  d'un  poisson  ([u'il  m'a  olîerle 
plusieurs  foys,  mais  j'eusse  faict  scrupule  de  l'accepter  sçaicliarit  le 
goust  qu'il  avoit  à  toutes  cez  galanteries,  et  reputant  à  assez  de  faveur 
d'en  avoir  eu  la  communication  si  libre.  Si  cependant  vous  trouvez 
bon  de  mettre  quelque  petit  morceau  de  cette  matière  bitbu mineuse 
dans  la  première  lettre  que  vous  m'escrirez,  il  n'y  aura  pas  de  danger 
pour  voir  si  de  l'odeur  de  la  fumée  il  se  tireroit  aulcune  plus  certaine 
conjecture  de  la  matière,  et  de  l'elTect  qu'elle  pouvoit  produire. 

Un  de  mes  aniys,  qui  a  esté  en  Levant,  m'estant  venu  voir,  et  ayant 
trouvé  sur  ma  table  les  bronzes  de  vostre  cassette,  ma  asseuré  qu'en 
ce  pais  là  les  Turcs  et  autres  peuples  se  servent  communément  de 
caisses,  cofl'res,  ou  bahuts  enrichis  de  ferreures  et  serrcures  de  bronze 
damasquiné,  et  enchâssé  dans  le  boys  en  forme  de  marquetterie  de 
diverses  façons,  où  il  croid  avoir  esté  employées  toutes  cez  grandes 
placques  de  bronze  que  vous  estimiez  avoir  esté  des  appartenances 
du  harnoys  d'un  Eléphant,  et  je  trouve  grande  apparence  à  son  dire. 
Comm'aussy  concernant  cette  grande  escuelle  de  bronze  que  vostre 
orfèvre  paya  i/»  Jules,  qu'en  Levant  cez  peuples  en  tiennent  do  toutes 
pareilles  en  leur  commun  usage.  Et  finalement  qu'une  certaine  ance 
vuidée  en  forme  d'un  canal  avec  deux  anneaux,  est  une  bride  de  celles 
qu'on  applique  sur  le  nez  des  asnes.  Ce  que  je  n'eusse  pas  si  facile- 
ment deviné  sans  luy.  Sur  quoy  attendant  de  vous  pouvoir  entretenir 
plus  à  souhaict,  et  de  voir  à  vostre  commodité  le  fragment  du  Pied 
Antique  Romain,  et  ce  quart  de  Congius,  je  finiray  un  peu  à  la  haste, 
demeurant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  dernier  juiu  i63.3. 

Je  cherchoys  dans  vostre  cassette  ce  u)odaillon   de  Gordian  dont 

8i. 


6M  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

vous  m'aviez  faict  feste,  mais  estant  arrivé  au  fonds  de  la  caisse  sans 
le  trouver,  je  verifiay  sur  l'inventaire  que  vous  aviez  oublié  de  l'y 
mettre.  Je  ne  sçay  si  ce  petit  escuellon  de  bronze  faict  autour  est  ce- 
luy  mesmes  dont  vous  m'aviez  parlé,  car  il  semble  que  vous  me  disiez 
que  c'estoit  le  second  de  la  pille,  ce  qui  ne  peult  pas  convenir  à  celuy 
que  m'avez  envoyé,  qui  semble  bien  en  avoir  peu  contenir  d'autres 
plus  petits,  mais  non  pas  avoir  esté  emboisté  dans  un  autre  plus  grand, 
à  cause  du  pied  ou  base  qu'il  a  par  dessoubs. 

Si  vostre  vase  à  teste  de  louve  se  pouvoit  mesurer,  j'en  verrois  vo- 
lontiers le  modelle  en  fer  blanc  pour  ne  vous  priver  de  vostre  ori- 
ginal '. 


LIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BEZANÇON , 
À  ROME. 

Monsieur, 
Je  receus  hier  soubs  une  enveloppe  de  M' le  Vice  Légat  d'Avignon  une 
despesche  vostre  du  2  de  ce  moys,  avec  celle  de  la  Signora  Donna  Felice 
et  du  seigneur  Alessandro,  son  mary,  du  a  juin,  ensemble  la  Paste  à 
l'antique  de  cette  teste  de  femme  voillée  garnie  d'or,  dont  vous  m'aviez 
monstre  un  souffre,  et  troys  empreintes  en  cire  d'Espagne  d'une  gra- 
veure  de  balance  dont  vous  me  faictes  espérer  l'original,  avec  le  pied 
de  bronze  antique,  en  quoy  vous  m'obligez  beaucoup  certainement. 
J'avoys  si  peu  loisir,  à  cause  de  la  presse  du  passage  de  l'ordinaire, 
qu'à  peine  ay-je  peu  lisre  bien  à  mon  aise  toutes  cez  belles  lettres  et 
instructions  que  vous  m'avez  envoyées  de  la  part  de  celte  Dame  et  de 
son  mary.  C'est  pourquoy  je  n'ay  peu  leur  respondre  que  bien  à  la 
haste.  Vous  m'ayderez  à  estre  excusé,  s'il  vous  plaict. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  nis.  H  271 ,  fol.  107. 

/ 


|IC33]  A  CLAUDE  MENESTIUEIl.  «A& 

Cependant  si  ce  vase  de  chryslal  arrivoit,  nous  aurions  possible  plus 
de  moyen  de  nous  estendre  à  les  entretenir,  comme  j'ay  faict  Mif  le 
cardinal  Barberin  de  son  petit  vase  d'Albastre.  Vous  dictes  que  vous 
m'envoyiez  le  dessain  de  ce  vase  de  cbrystal,  mais  il  fault  que  vous 
l'ayiez  oublié,  car  vostre  pacquet  estoit  Tort  bien  cachette  d'une  teste 
de  graveure  atitique  sur  du  fil  d'assier,  et  il  ne  s'en  est  rien  troiivr 
dedans.  Si  j'eusse  ven  le  dessein,  possible  en  eusse  je  peu  dire  quelcnic 
chose,  et  cncores  plus  si  j'en  eusse  eu  le  modelle  de  sa  juste  mesure  ou 
contenance.  J'ay  cscript  en  termes  qu'ilz  peuvent  présumer  que  je  l'aye 
receu  comme  les  mémoires,  puisque  vous  le  desiriez  aitjsia,  et  la 
presse  de  l'ordinaire  s'est  rencontrée  tout  à  poinct  pour  me  servir  de 
deschargo  de  ce  costé  là. 

J'ay  aussy  remercié  M""  le  Cavalier  del  Pozzo  de  son  libvre  du  Ciaccon. 
On  m'avoit  parlé  d'un  autre  qu'il  ])cnsoit  m'envoyer,  qui  n'eust  pas 
esté  moings  curieux  que  celuy  là,  s'il  fust  venu.  Mais  je  pense  qu'il 
l'auldra  attendre  le  retour  de  M' le  duc  de  Crequy  et  de  Messieurs  de 
sa  suitte.  Ne  pressez  pas,  je  vous  prie.  M»'  le  cardinal  Boncompagno 
de  me  respondre.  Ce  sera  tousjours  assez  à  tenqjs  quand  il  y  trouvera 
sa  commodité.  La  matière  bruslante  de  vostre  lampe  sera  tousjoui-s 
bonne  à  voir,  comme  je  le  vous  ay  cy-devant  mandé,  et  encores  plus 
la  toille  incombustible,  si  vous  en  avez  quelque  lambeau.  Et  cela  seroit 
fort  bon  à  demaiîder  à  ce  cardinal  Boncompagno,  aussy  tost  qu'autre 
chose,  mais  je  ne  verray  pas  moings  volontiers  le  dessain  de  ce  mor- 
rion  de  bronze. 

Au  reste  j'ay  examiné  la  mesure  de  voz  vases  et  ay  vérifié  que  voslre 
Barrillet  n'a  aulcun  rapport  ne  proportioii  avec  la  mesure  du  Congius 
ou  d'autre  mesure  Homaine.  La  teste  de  femme  a  plus  de  rapport  avec 
celle  que  vous  m'avez  veiie,  mais  l'autre  d'homme  n'a  aussy  aulcnne 
proportion  bien  réglée,  non  sans  beaucoup  de  mortification  mieime. 
Le  petit  escuellon  torné  va  bien  prcz  de  la  contenance  que  vous  en 
aviez  jugé.  Mais  il  ne  semble  pas  avoir  esté  faict  pour  eslre  contenu 
dans  un  autre  escuellon.  Ce  qui  me  faict  croire  que  c'est  un  autre  difl'e- 
rent  de  celuy  que  vous  m'aviez  dict  estre  le  second  d'une  pille  sem- 


646  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

blable  à  la  mienne.  Celuy  qui  a  troys  pieds  est  si  rouillé  par  dedans,  et 
a  ses  lèvres  si  rouges,  qu'il  a  perdu  toute  proportion  de  mesure. 

Quant  à  voz  modelles  de  fer  blane,  je  craias  fort  que  vous  n'ayez 
pas  marqué  bien  exactement  les  trous,  au  lieu  de  la  vraye  haulteur 
que  leur  eau  pouvoit  occuper,  principalement  ceux  que  vous  avez 
ajustez  sur  le  modèle  rond.  Le  quarré  n'estant  pas  si  faultif  pour  le 
moings  en  ceux  que  vous  avez  cottez  A  et  B.  L'A  est  une  grosse  cueiller 
ou  un  petit  poislon  et  le  B  un  vase  de  forme  commune  avec  une  ance 
aboultissante  à  un  Mascaron.  Et  &  le  seigneur  Cavalier  Gualdi  estoit 
homme  à  vouloir  troquer  cez  deux  là  pour  quelque  autre  chose  qui 
fusse  plus  de  son  goust,  je  lascherois  d'y  contribuer  pour  avoir  le  plaisir 
de  les  examiner  sur  l'original.  Car  cez  modelles  n'ont  guieres  de  seu- 
reté ,  si  l'ouvrier  n'y  est  grandement  punctuel ,  et  si  dez[hor]mais  vous 
m'en  faictes  faire,  n'espargnez  pas  d'en  faire  faire  aultant  chascun  à 
part  comme  vous  aurez  examiné  de  vases  antiques.  Je  n'examinay  pas 
voz  plus  petits  vases,  parce  que  je  fus  surprins  de  compagnie  qui  me 
destourna.  Et  j'ay  trop  peu  de  temps  à  cette  heure  pour  y  songer.  Il 
fauldra  de  nécessité  remettre  la  partie.  Et  je  demeureray  cependant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  a8  juillet  i633. 

Mon  homme  vous  a  bien  de  l'obligation  du  soing  que  vous  prenez 
de  la  petite  expédition  de  son  amy  •. 

'   Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  971,  fol.  1 10. 


[16331  À  CLAUDE  iMENESTRIER.  6A7 


LX 
À  MONSIKUR,  MONSIEUR  MRNESTRIKR, 

CHANOINE  DB  BEZ^ÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 

Vostre  des|)csche  me  fut  hier  apportée  d'Avijjnon  sans  datte,  mais 
celle  de  M""  de  Vaison  qui  l'accompaynoit  esloit  dattée  du  16  juillet.  Je 
receus  par  mesme  moyen  le  cahier  de  l'Epistre  de  Paule  Pansa  de  la 
maison  de  Fiesco,  que  je  seray  infiniment  aise  de  voir  un  peu  plus  à 
bisir  que  je  n'en  ay  présentement,  et  aprez  je  feray  une  recharge  à  la 
Senora  Donna  Felice  et  à  M''  son  mary  et  si  vous  m'eussiez  envoyé  le 
dessein  de  leur  vase  de  crystal  que  vous  me  promettiez  par  voz  précé- 
dantes, possible  y  eusse  je  trouvé  quelque  chose  à  dire,  en  façon  qu'ils 
peussent  comprendre  que  je  l'eusse,  sans  neantmoings  leur  dire  for- 
mellement que  j'aye  receu  la  pièce,  car  je  ne  sçay  pas  mentir  à  mon 
esciant,  mais  pour  ne  faire  tort  à  ce  que  vous  leur  pouvez  avoir  dict, 
je  ne  gasteray  rien,  et  ne  leur  diray  pas  de  ne  l'avoir  poinct  receu, 
attendant  de  voir  la  pièce  que  vous  aurez  bon  moyen  de  me  faire 
tenir  seurement  par  les  galères  du  Pape  qui  viennent  à  Marseille  à  ce 
moys  de  septembre  soubs  le  commandement  du  grand  prieur  Nary,  à 
qui  vous  le  pou  riez  faire  bailler,  avec  une  addresse  ou  recommandation 
à  M' le  baillyf  de  Fourbin  qui  commande  les  galères  du  roy  en  ab- 
sence du  gênerai,  qui  est  foi't  de  mes  amys  et  qui  s'en  chargera  volon- 
tiers pour  l'amour  de  moy.  Car  de  vous  amuser  à  des  pauvres  prebstres 
comme  vous  aviez  faict  l'autre  foys,  ce  seroit  le  bazarder  et  luy  faire 
courir  fortune  de  quelque  vol  soit  dans  les  galères  mesmes  ou  dans  les 
barques.  Je  le  liendroys  bien  mieux  pour  receu  (]uatid  vous  le  remet- 
triez à  M'  Despiots,  qui  en  fera  charger  les  patrons  de  barque  lorsqu'il 
en  viendra  soit  pour  Marseille  ou  pour  Gènes,  oii  il  a  bonne  corres- 
pondance à  M'  Tridi. 

J'ay  faict  tenir  il  M'  Aycard  à  Tollon  vostre  lettre  et  celle  du  Procu- 


648  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

reur  gênerai  de  l'ordre  des  Observantins.  Si  vous  eussiez  envoyé  la 
supplique  renvoyée  à  la  congrégation  et  celle  de  la  congrégation  ren- 
voyée au  gênerai,  c'eust  esté  plus  de  contentement  à  ccz  moynes,  qui 
ne  se  payent  pas  facilement  de  raison.  Je  vous  ay  de  l'obligation  de  la 
peine,  comm'  aussy  de  l'extraict  qu'aviez  comniancé  de  faire  du  roolle 
des  familles  Pisancs.  Mais  vous  m'eussiez  bien  obligé  au  centuple  si 
vous  m'eussiez  achepté  le  libvre,  car  puisque  vous  le  pouviez  avoir 
pour  quattre  escus  et  demy,  il  ne  le  falloit  pas  laisser  eschapper,  at- 
tendu que  quand  je  n'en  vouldroys  faire  portraire  qu'une  douzaine 
d'armoiries,  il  ne  m'en  eust  gueres  moings  cousté,  et  si  vous  le  pouvez 
encor  avoir  vous  me  ferez  plaisir  de  l'acbepler,  et  le  remettre  incon- 
tinant  ez  mains  dudict  sieur  Despiots,  qui  vous  remboursera  les  U  es- 
cus 1/2  et  davantage  quand  il  seroit  besoing.  Et  quand  rencontrerez 
de  semblables  livres  de  recueils  d'armoiries  de  familles  d'Italie  à  prix 
honnesle,  n'en  laissez  poinct  eschapper  quelqu'ils  puissent  estre.  Et 
toute  sorte  de  recueils  de  mémoires  de  familles  qui  ayent  tenu  quelque 
rang  aux  bonnes  villes  d'Italie.  On  m'a  dict  qu'il  en  a  esté  faict  un  de 
celles  de  Vercello,  que  je  seroys  bien  ayse  d'avoir,  et  de  celles  de 
Luques.  Enfin  quelles  que  ce  soit  que  vous  rencontriez  je  les  recevray 
trez  volontiers,  et  M''  d'Espiot  vous  rembourcera ,  mais  vous  m'oblige- 
riez fort  de  luy  remettre  ce  que  vous  acliepterez  pour  moy  aussytost 
que  vous  l'aurez,  car  comme  vous  estes  d'un  naturel  trop  bon  et  trop 
facile,  vous  pourriez  estre  souvent  pressé  et  importuné  d'en  gratifier 
d'autres,  comme  vous  voyez  qu'il  est  advenu  de  ce  grand  médaillon 
d'argent  de  Gordian,  et  de  cet  autre  médaillon  du  mesme  empereur 
d'argent  et  cuyvre  meslé,  dont  ceux  qui  les  peuvent  avoir  eus  ne  vous 
sçavent  peult  estre  pas  le  gré  que  vous  auriez  eu  de  moy.  Y  ayant 
mesmes  de  la  mortification  et  diminution  du  bon  gré  quand  il  fault 
attendre  les  moys  et  les  demy  années  là  où  M'  Despiots  faict  des  des- 
pesches  trez  asseurées  à  M'  de  Gastincs  quasi  toutes  les  semaines.  Pre- 
nez cette  voye  là  et  ne  vous  amusez  poinct  à  en  attendre  d'autres.  J'ay 
escript  pour  avoir  de  cez  chastaignes  d'Amsterdam  d'où  l'on  m'en 
promet  grosse  provision  avec  d'autres  curiositez  dont  vous  aurez  part, 


[1633]  \  CLAUDE  MENESTRIEH.  649 

entr'autres  d'une  pièce  de  soye  d'herbe  veniie  des  Indes,  fort  bigearre, 
avec  des  escheveaux  de  la  mesme  soye,  sur  quoy  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  9  aoust  i633  '. 


LXI 
À  MONSIEUR  MKNESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN    LA   coin  DE   L'ËMINENTISSIHË   CARDINAL  BARBERIN, 
À  ROME. 

Monsieur, 
En  recevant  vostre  despesche  du  i3  du  passé,  où  vous  m'accusiez 
la  réception  de  la  mienne  du  dernier  juillet,  je  me  trouvay  surprins 
de  voir  tout  au  commencement  que  vous  parliez  d'avoir  monstre  à  la 
senora  Donna  Felice  et  k  son  cher  espoux  ce  que  je  vous  escrivoys  de 
leurs  belles  curiositez,  et  qu'ils  attendirent  impatiemment  mes  res- 
ponces  à  leurs  lettres,  car  j'avois  Irez  bonne  souvenance  que  je  leur 
avoys  escript  certainement  sur  la  fin  de  juillet.  Mais  depuis  considérant 
de  plus  prez  vostre  lettre,  j'ay  veu  que  vous  debvez  avoir  faict  équi- 
voque de  datter  la  mienne  de  juillet  au  lieu  de  juin,  car  il  me  semble 
véritablement  que,  comme  par  les  vostres  du  commencement  de  juin, 
vous  me  parliez  non  seulement  du  contenu  en  vostre  cassette,  mais 
aussy  de  ce  que  m'avoit  destiné  cette  dame,  je  me  trouvay  obligé  de 
leur  en  rendre  un  compliment  dans  vostre  lettre,  qui  doibt  estre  ce 
que  vous  dictes  leur  avoir  monstre.  Espérant  que  vous  n'avez  gueres 
tardé  de  recevoir  les  lettres  que  je  leur  escripvis  à  tous  deux,  les  der- 
niers jours  de  juillet,  en  mesme  temps  que  j'eus  receu  les  leure,  où 
je  leur  accusay  la  réception  de  la  Paste  ou  Smalto  A  l'antiqua  do  cette 
femme  voilée,  et  de  quelques  mémoires,  en  termes  qu'ils  n'auront  pas 

'  Bibliothèque  de  i'^culc  de  lui'decine  de  Montpellier,  lus.  H  371,  foi.  1 1 1. 

81 


■■«MMBUI    ■4tl««*M. 


650  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

facilemenl  cogneu  que  je  n'aye  pas  receu  le  vase;  au  contraire  ils 
pourront  présumer  que  je  l'aye,  afin  de  satisfaire  au  désir  que  vous  eu 
aviez.  Et  de  demeurer  aiissy  dans  l'observance  oi!i  je  suis  de  ne  pas 
mentir  à  mon  essiant.  N'ayant  peu  faire  de  mention  bien  spéciale  du 
vase  sans  en  voir  à  tout  le  moings  le  dessin  que  vous  avez  tousjours 
oublié  de  m'envoyer,  encores  que  me  l'eussiez  accusé,  tant  vous  avez 
de  divertissements  d'ailleurs,  pour  estre  trop  bontif  et  defferer  possible 
trop  à  voz  amys,  qui  vous  desrobent  le  temps  contre  vostre  gré  et  ne 
vous  laissent  penser  aux  absents  qu'à  la  desrobée,  ainsin  qu'il  m'arrive 
souvent  à  moy  mesmes. 

J'ay  receu  à  ce  coup  d'hier  tant  seulement  par  la  voye  d'Avignon, 
avec  vostre  dicte  despesche  du  iS""*  aoust,  la  lettre  de  l'eminentissime 
cardinal  Bonconipagno  du  5  febvrier  à  laquelle  je  respondray  Dieu 
aydant  par  le  prochain  ordinaire,  me  trouvant  un  peu  trop  pressé  pour 
cette  heure  du  passage  de  l'ordinaire  et  de  la  rencontre  de  la  bonne 
Feste.  J'admire  ce  que  vous  me  mandez  touchant  les  prétentions  des 
héritiers  de  feu  M^  Lelio  Pasqualini  qui  se  sont  advisez  bien  tard  de 
former  la  plainte  que  vous  dictes,  dont  on  se  moqueroit  bien  en  France, 
où  les  choses  mobiliaires  n'ont  pas  de  suitte,  principalement  aprez  tant 
d'années,  car  je  pense  qu'il  n'y  a  gueres  moings  de  i  5  ou  20  ans  que 
tout  leur  cabinet  est  passé  entre  les  mains  de  ce  cardinal.  Mais  possible 
n'ont-ils  pas  de  phis  grand  fondement  que  la  bonté  du  naturel  de  ce 
Prince  de  laquelle  ils  pensent  pouvoir  abuser,  et  extorquer  par  impor- 
tunité  des  choses  indeues  par  la  raison. 

J'ay  par  mesme  moyen  receu  le  griffonement  de  ce  vase  que  vous 
avez  enfin  acquis  de  ce  difficile  vieillard,  et  dont  je  seray  bien  aise  de 
voir  et  examiner  l'original,  puisqu'il  vous  plaict  me  le  promettre  par  le 
sieur  Chartres,  et  lors  je  vous  pourray  dire  si  c'e.st  comme  vous  le 
croyez  le  quart  du  Gongius  ou  non.  ce  que  je  ne  sçaurois  juger  sur 
le  seul  griffonement  qu'à  tastons  et  avec  trop  d'incertitude.  Vous  nous 
terez  attendre  bien  im.palierament  ce  vénérable  M'  Chartres,  de  nous 
r'cnvoyer  à  luy,  pour  ce  vase  de  chrystal,  pour  ce  pied  romain,  cet 
anneau  de  la  balance,  l'escuellon  d'une  pille  comme  la  mienne,  ce  vase 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTHIEH.  651 

que  vous  jugez  le  quarteron  du  Congius,  et  cet  Astragale  aver  la  figure 
d'un  vieillard,  que  vous  avez  fort  bien  devini';  estre  toutes  choses  de 
mon  goust,  et  spécialement  cet  Astragale.  El  vouldroys  bien  que  M'  le 
Cavalier  del  Pozzo  me  vouleust  envoyer  un  peu  de  grillonemcnt  faict 
à  peu  prez  comme  celuy  qu'il  avoit  donné  au  cardinal  del  Monte,  avec 
le  Carris,  pour  me  faire  comprendre  eu  ([uollo  forme  il  estoit  (iguré 
à  peu  prez.  Mais  je  double  fort  que  si  le  sieur  Clwirtres  n'a  sceu  prendre 
la  commodité  des  Galères  du  Pape,  qui  viennent  à  Marseille  dans  le 
moys  de  septembre  où  nous  sommes,  qu'il  ne  soit  encores  long  temps 
à  délibérer  s'il  viendra  ou  non.  C'est  pourquoy  vous  feriez  mieux  de 
vous  descharger  de  tout  ce  qu'il  vous  plaict  me  despartir,  et  le  consi- 
gner bien  empacquetlé  à  M'  Despiots,  qui  a  journellement  des  com- 
moditez  asseurées  de  me  faire  tenir  la  cassette  ou  boitte  que  vous  luy 
avez  mise  en  main,  soit  à  droicture  à  Marseille,  ou  par  l'adresse  de 
M"'  Tridy  de  Gènes. 

J'ay  un  piilon  de  marbre  antique  tout  pareil  à  celuy  que  vous  avez 
figuré  dans  vostre  lettre,  et  sçauroys  volontiers  la  gi-osseur  du  vostre, 
ensemble  du  mortier,  que  je  ne  vouldroys  pas  négliger  d'achepter,  s'il 
est  encores  en  estât,  le  prix  n'en  estant  pas  considérable,  comme  je  le 
croys  bien  ainsin.  Je  n'estime  pas  moings  bonne  à  avoir  la  bride  que 
m'avez  envoyée  semblable  à  celles  dont  se  servent  les  Turcs  pour  leurs 
asnes,  puisqu'elle  n'est  pas  de  si  peu  d'anticpiité,  (ju'elle  n'en  face 
|)aroislre  l'usaige  plus  ancien  que  l'on  ne  s'imagineroit.  Et  ne  prise  pas 
moings  aussy  les  ferreures  de  bronze  que  m'avez  envoyé,  pour  avoir 
quelque  semblance  à  celles  dont  les  Turcs  se  servent  aussy  pour  les 
ornements  de  leurs  coffres  et  bahuts.  Car  si  bien  l'ouvraige  ne  semble 
pas  de  la  bonne  antiquité,  il  n'est  pourtant  pas  moderne  et  monstre 
que  l'usage  en  est  assez  vieil.  Si  vous  teniez  cez  pièces  quant  et  mo\, 
vous  seriez  constrainct  d'advouer  (ju'ils  ont  plustost  servy  à  des  coffres 
quà  des  barnoys,  pi'incipalement  cez  grosses  plaqutîs  rondes  attachées 
à  des  poinctes  de  fiches  bien  longues,  ensemble  certeines  demy-fleurs 
de  lis,  ou  autres  fleurons.  Et  pour  cez  petites  plaques  enrichies  d'ar- 
gent, il  dict  qu'il  se  void  quelque  chose  de  sead)lable  ou  de  bien 

8*. 


652  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

approchant  rornement  des  coffres  et  caisses  Turquesques.  Or  il  fauit 
que  vous  sçaichiez  que  comme  les  Turcs  ont  opiniastrement  conservé 
l'usaige  des  Bains  à  la  Romaine,  ils  ont  conservé  beaucoup  d'autres 
choses  dans  l'usaige  des  principaulx  ustenciles  nécessaires  à  la  vie  hu- 
maine. Et  cet  amy  venu  du  Levant  m'asseura  encores  qu'ils  ont  cer- 
tains engins  à  rostir  leur  viande  et  à  chauffer  de  l'eau,  de  forme  gran- 
dement approchante  à  celle  de  vostre  grosse  incitega  en  façon  de 
Trépied  à  troys  zampes',  dont  vous  m'en  avez  envoyé  troys  de  plus 
d'un  demy  pied  de  hault,  et  dict  que  les  femmes  les  charrient  partout, 
jusques  sur  leurs  tapis  plus  précieux,  encores  qu'il  y  ayt  du  feu  dessus 
et  de  l'eau  tout  ensemble,  tant  ils  s'en  servent  diversement. 

Il  me  reste  à  vous  dire  pour  la  matière  bruslante,  que  j'en  ay  faict 
l'essay,  et  que  j'y  ay  trouvé  ce  que  vous  dictes  de  la  disposition  à  con- 
cevoir le  feu  comme  la  mesche,  mais  qu'elle  se  resoult  par  aprez  en 
cendres  un  peu  plus  terrestres  que  celles  de  boys  et  que  je  ne  trouve 
pas  qu'elle  résiste  gueres  au  feu  sans  se  consumer.  C'est  pour  quoy  j'ay 
bien  de  la  peine  à  me  persuader  que  c'ayt  esté  ce  qu'on  dict  commu- 
nément, et  si  vous  ne  nous  laissez  voir  la  lampe  mesmes,  pour  juger 
de  la  conformité  de  la  rouille  avec  cette  matière,  ou  de  sa  différence,  je 
ne  sçaurois  vous  en  rien  dire  qui  vaille,  ne  qui  puisse  mériter  aulcune 
considération.  Cependant  je  vous  remercie  bien  fort  du  soing  qu'avez 
eu  de  m'en  faire  part,  et  des  autres  curiositez  que  vous  nous  faicles  es- 
pérer par  voz  précédentes  lettres,  lesquelles  attendant,  et  vous  réité- 
rant les  asseurances  de  ma  fidelle  affection,  et  correspondance  à  voz 
honnestetez  selon  que  je  pourray  m'acquiter  le  mieux  de  mon  debvoir 
en  vostre  endroict,  je  finiray,  demeurant, 

Monsieur,  vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  8  septembre  i633. 

Si  vous  trouviez  bon  que  je  peusse  voir  originellement  vostre  grosse 
incitega  ou  Trépied,  encores  que  vous  m'ayez  envoyé  troys  zampes  sem- 

'  De  l'italien  zampa,  patte,  griffe. 


[1633]  À  CLAUDE  MKNBSTUIKU.  M3 

blables  aux  vostres,  jo  verroys  pourtant  volontiers  comment  elles  sont 
basties,  comment  y  est  enchâssé  le  cercle  qui  les  assemble,  et  de  quelle 
{^aiulcnr  il  est.  N'y  ayez  pas  de  regret,  car  je  vous  r'envoveray  fidèle- 
ment et  cela  et  tout  le  reste  que  vous  vouldrez,  n'entendant  nullement 
que  vous  desfassiez  pour  moy  de  rien  qui  vous  fust  A  regret  tant  soit  peu. 
Je  n'en  useroys  pas  si  privement  avec  vous  si  ce  n'estoit  que  pour  mes 
seuls  inlcrests,  mais  vous  scavez  que  c'est  pour  en  ayder  le  public,  et  y 
descouvrir  des  choses  que  toute  sorte  de  genlz  n'y  vont  pas  chercher 
comme  moy,  ainsin  que  vous  m'y  avez  veu  procéder.  En  un  besoing  je  feray 
monter  les  troys  zampes  que  vous  m'avez  envoyé,  comme  les  vostres'. 


LXII 

X  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Incontinant  que  j'eu  apprins  par  la  vostre  le  désir  qu'aviez  de  ce 
livre  des  familles  Pisanes  je  fus  treuver  celuy  qui  l'avoil  en  main  le- 
quel m'avoit  donné  parolle  de  ne  s'en  point  defl'aire  que  je  n'eusse  eu 
de  voz  responce.  Je  luy  donna  les  d  escus  et  demy  selon  que  je  vous 
avois  mandé.  Je  mis  ledit  livre  en  main  de  Mons'  d'Espiot,  le  priant  de 
vous  le  faire  tenir  à  la  première  occasion,  et  ne  s'en  estant  presanté 
aulcunc  il  l'a  mis  en  main  de  Mons'  Chartres  comme  j'ay  faict  aussy  le 
vase  de  crystal  de  la  signora  Felice  l'ayant  accommodé  dans  une  cas- 
sette dans  laquelle  j'ay  mis  la  moitié  du  pied  ancien  romain  ayant  faict 
rapporter  l'aultre  pièce  comme  je  vous  fis  entendre  par  ce  faisseur 
d'orlôge  solaire  lequel  me  la  entretenus  tant  de  temps  que  je  croyois 
qu'il  l'eusse  esgaré.  Vous  pourés  observer  sur  la  part  antique  la  divi- 
sion d'iceluy  par  des  petis  poins.  Il  y  a  aussy  dens  ladite  cassette  cest 
escuellon  qui  selon  [ce  que]  je  conjecture  peut  eslre  le  second  sem- 
blable à  celuy  qu'avez  auprès  de  vous;  il  n'est  pas  des  plus  conservé; 

'  Bibiiotlièque  de  l'École  de  inddecine  de  Monipollier,  ms.  H  971,  fol.  1  la. 


6bà  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

celuy  de  qui  je  l'eut  y  a  voit  faict  mettre  un  manche  antique  pour  repre- 
santer  un  simpiere  (?)  ^  lequel  j'ay  faict  desouder  comme  verres  encore 
par  l'estain  qui  y  est  demeuré;  dans  l'escuelloii  il  y  a  l'astragale  de 
bronze  avec  la  figure  d'un  qui  peut  represanter  un  Senio  lequel  j'ay 
payé  li  testons  pour  l'avoir  tiré  des  mains  d'un  rechercheur  lequel  en 
avoit  demandé  une  pistoHe  à  la  Signera  Felice.  L'extravagant  me  le  Ut 
payer  si  chèrement.  J'achepta  aussy  d'iceluy  une  pièce  de  bronze  avec 
une  petite  chaine  avec  lequel  il  se  serroit;  je  ne  sçay  s'il  auroit  point 
servi  pour  un  cadenat,  n'en  ayant  encore  point  veu  de  semblable.  Je  luy 
en  donna  un  teston.  Voila  ce  que  j'ay  achepté  que  j'ay  peu  juger  estre 
de  vostre  goust.  Le  livre  estant  payé  U  escus  et  demi  et  5  testons  tant 
l'astragale  que  le  cadenat  sont  5  et  2  escus  que  je  donna  au  solliciteur 
pour  l'expédition  de  Mons' Perrot  laquelle  somme  je  reprandray  auprès 
de  Monsieur  d'Espiot.  J'ay  aussy  donné  en  main  de  Monsieur  Chartres 
le  sexlaire  du  congius  lequel  je  vous  prie  de  recepvoir  de  bon  cœur  et 
de  m'excusser  si  je  ne  l'ay  peu  avoir  plustost.  Vous  verrez  que  Tance  a 
esté  rapporté  modernement;  nonobstant  je  vous  l'ay  voulu  envoyer  en  la 
forme  que  je  l'ay  receu.  Je  luy  ay  aussy  consigné  l'anneau  d'or  avec 
la  balance  pesant  comme  je  vous  fis  à  sçavoir  35  jules  et  le  paya  un 
escus  plus  du  poid.  Je  receu  lundi  les  pierres  qu'il  vous  a  pleii  m'en- 
voyer  tirées  des  montagnes  de  Tolon  de  quoy  je  vous  demeure  infini- 
ment obligé.  Je  les  fis  veoir  avant  hier  au  segn'  Claude  Petit  lequel 
sçaict  bien  tirer  l'azur  des  pierres  lazuli  lequel  me  dit  qu'il  y  a  tropt 
de  blanc  et  que  les  frais  impourteroint  davantage  que  ce  que  l'on  en 
pouroit  tirer.  Il  treuva  bon  un  morceau  qu'est  de  la  grosseur  des  deux 
poingts.  Elle  est  toute  pleinne  de  petits  caloux  blanc  et  fort  salineuse  qui 
cause  que  l'on  ne  peut  mettre  en  travail  ladite  pierre.  J'ay  faict  veoir  à 
Monseig''le  Cardinal  le  morceau  qu'est  bien  coloré  de  quoy  il  a  heu  plai- 
sir. J'en  ay  faict  venir  aussi  d'une  pierre  quasi  semblable  de  la  Calabria. 
mais  icelle  pareillement  est  tropt  chargé  de  blanc  et  noir.  Je  continue 
tousJQurs  a  faire  un  amas  de  toutes  sortes  de  pierres  extravagantes;  la 

'  Dans  ce  mot  à  peu  près  illisible  faut-il  reconnaître  ie  raot  sympule  très  lisiblement  ëcrit 
par  Peiresc  dans  la  lettre  suivante? 


[1633]  À  CLAUDE  MKNKSTRIEH.  056 

sepmaine  passée  le  sig'  Piètre  délia  Valle'  fut  tout  cslonné  de  veoir  si 
grandes  variétés  de  ])ierre8  que  j'ay  mis  ensemble.  J'eu  ce  bon  heur  que 
Monsieur  l'abbé  de  Thou''  et  Monsieur  de  St  Amant'  acconipagnés  de 
plusieurs  messieurs  de  la  nation  ce  retreuvarent  prenants  lesquels  dis- 
coururent longtemps  en  mon  cabinet  avec  ledit  sieur  délia  Valle. 
Monsieur, 

vostre  plus  humble  et  obligé  serviteur, 

Cl.  Mbnetrib. 

Rome,  ce  18  f  t633*. 


LXIII 
À   MONSIEUR  MENESTUIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

BN  LA   COUR  DE  L'EMINENTiSSIHE   SBIO^IEUR  CARDINAL  RARBBRl?!, 

À  ROME. 

Monsieur, 

J'ay  receu  par  la  voye  de  Avignon  depuis  a  jours  seulement  tosira 
lettre  du  ay  aoust,  toute  seule  et  sans  enveloppe  d'aulcun  autre,  qui 
me  faict  estonner  qu'elle  ne  se  soit  perdue  à  faulte  d'adresse  et  me  faict 
vous  prier  de  porter  dez  hors  mais  voz  lettres  à  l'illustrissime  cavalier 
del  l'ozzo,  craignant  (|ue  les  gentz  de  M""  l'Evescpui  de  Vaison  n'ayent 
meshuy  trop  d'occupation  pour  prendre  le  soing  de  me«  lettres  qui  ne 
leur  sont  que  trop  souvent  importunes. 

J'ay  esté  infiniment  aise  d'entendre  que  l'illustrissime  9'  Alessandro 
Rondenini,  et  la  signora  Donna  Felice  soient  demeurez  satisfaictz  de  me» 
premiers  remercimentz.  Et  me  tarde  bien  fort  de  voir  au  moings  le  des- 

'  Le  célèbre  voyageur  Pierre  délia  Valle  Gi*raril  de  Saint-Amant  figure  dans  le  re- 

a  éU'  plusietirs  fois  inentionnf!  dans  chacun  curil  Poireso-Dn|niy  (pastm,  surtout  t  III) 

des  trois  volumes  du  recueil  Peiresc-IXipuy.  et  dans  notre  tome  IV  (corrMpondanOe  ate« 

*  C'était  Jacques-Auguste  de  Thou,  fliW  Gassendi), 
de  Bonneval,  ui»  des  fils  du  graml  historien.  *  Hihliollièque  nationale,  fonds  frança». 

Voir  yM.s-.sim  le  recueil  Peiresc-Dupuy.  gô/i'i,  fol.  ao4. 

'  Le    poète   académicien   Marc-Antoine 


656  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

sein  de  leur  sympule  de  crystal ,  pour  leur  en  pouvoir  dire  quelque  chose 
de  plus  que  des  simples  complimentz,  et  puisque  vous  voyiez  retarder 
si  longuement  le  sieur  Chartres,  je  ra'estonne  que  ne  m'ayez  envoyé  ce 
griffonement  que  vous  m'aviez  promis  dez  la  première  despesche  sur  ce 
subject,  et  que  je  vous  ay  demandé  beaucoup  de  foys  depuis  lors. 

Quant  à  la  Paste  dont  vous  croyez  que  j'aye  révoqué  en  double  l'an- 
tiquité, je  ne  pense  pas  que  vous  ayez  interprété  mes  paroles  selon 
mon  sens  et  mon  intention.  Car  comme  je  croys  indubitablement  que 
cez  Messieurs  m'ont  voulu  doimer  l'original  qu'ils  en  avoient,  je  croys 
bien  aussy  que  vous  n'avez  pas  esté  moings  scrupuleux  en  cela,  et  que 
vous  ne  vouldriez  pour  rien  du  monde  m'avoir  donné  le  change.  Je 
vous  fieroys  mon  ame  et  ma  vie  sans  regret.  C'est  pourquoy  vous  pouvez 
demeurer  en  repos  d'esprit  de  ce  costé  là.  Et  avez  fort  bien  faict  de 
ne  pas  communiquer  vostre  soubçon  à  cez  personnes  là,  que  vous  ne 
trouverez  pas  bien  fondé,  si  vous  examinez  bien  les  paroles  de  ma 
lettre.  Mais  je  ne  vous  dissimuleray  pas  que  je  l'eusse  estimée  beau- 
coup davantage,  si  vous  ne  l'eussiez  pas  faicL  repolir,  à  tout  le  moings 
du  costé  de  la  graveure,  car  pour  le  doz  je  l'eusse  plus  facilement  par- 
donné et  souffert  plus  patiemment,  mais  du  costé  de  la  teste  c'est  une 
espèce  de  sacrilège  d'y  laisser  jamais  toucher,  attendu  que  le  polisse- 
raent  moderne  de  matière  si  tendre  emporte  tousjours  certaine  espois- 
seur,  qui  couvre  la  figure,  et  luy  augmente  le  relief  en  l'empreiiicte 
plus  qu'il  ne  fault,  ce  qui  est  irréparable,  et  ne  se  peult  pas  comprendre 
et  suppléer,  comme  le  deffault  de  polisseure;  cl  il  est  bien  véritable 
que  si  je  ne  sçavois  asseurement  qu'elle  est  passée  par  des  mains 
fidèles,  et  possible  tout  autre  qui  la  verra  polie  comm'elle  est,  sans 
avoir  les  mesmes  assurances  que  nioy,  auroit  de  l'appréhension  aultant 
et  plus  que  moy,  que  ce  ne  peusse  estre  une  empreinte  moderne- 
ment  faicte  aprez  l'antique,  ainsin  que  j'en  ay  veu  faire  plusieurs  foys 
à  Paris,  et  de  la  mesme  couleur  d'esmail  ou  de  verre  que  l'on  nomme 
couleur  de  sardoine.  Et  ce  qui  seroit  capable  d'augmenter  grandement 
le  soubçon  seroit  un  grain  de  sable  de  la  moulleure,  plus  gros,  mais 
plus  plat  que  la  teste  d'une  espingle  au  moings  plus  large  et  plus  long. 


[1633J  À  CLAUDE  MENESTRIEli.  857 

sinon  de  tant  de  reliel',  qui  est  soubs  la  pointe  de  ce  petit  capuchon, 
un  peu  plus  hault  et  plus  avant  que  le  front.  Mais  j'estime  qu'il  peult 
estre  demeuré  sur  l'antique ,  dont  la  patena  argentine  seroit  un  bon 
ftcsmoigriafje]'  si  elle  s'cstoil  consei-vée,  ce  qu'il  ne  fauldroit  pas 
craindre  si  vous  l'eussiez  laissée  avec  la  rudesse  que  le  temps  et  la  mol- 
lesse de  la  matière  y  nvoit  faict  contracter.  C'est  pourquoy  vous  ne 
sçauriez  estre  jamais  trop  scrupuleux  en  cela  quand  il  s'en  présentera 
d'autres  occasions,  et  fault  que  les  verres  et  pastes  antiques  soient 
conservées  avec  les  deffectuosités  de  pollisseure  que  le  temps  y  a  rongée, 
autrement  elles  perdent  tout  leur  credict.  Les  pierres  fines  mesmes 
ont  de  la  peine  de  conserver  le  leur  quand  on  les  laisse  repolir,  et  sou- 
vent sont  grandement  détériorées  par  la  polisseure  moderne,  si  elle 
n'est  faicte  avec  discrétion  extraordinaire. 

Quant  à  l'examen  que  vous  avez  faict  du  mesurage  de  ce  vieil  vase 
de  bronze  que  vous  appeliez  sextarius,  si  les  xxun  onces  de  vin  que 
vous  y  avez  trouvées  ne  sont  trop  foibles  et  trop  légères  d'une  sixiesme 
partie  de  leur  gravité,  ce. ne  pourra  pas  estre  le  sextarius  romain 
nomplus,  daultant  qu'il  ne  peult  contenir  que  vingt  onces  de  cette 
liqueur,  si  on  demeure  à  l'autliorité  des  anciens,  et  la  contenance  de 
deux  onces  que  vous  donnez  à  vostre  cyathe  est  bien  esloignée  aussy 
de  sa  jusle  proportion,  entre  les  Romains.  C'est  pourquoy  il  y  fauldra 
regarder  de  plus  prez  Dieu  aydant  lorsque  nous  pourrons  tenir  l'ori- 
ginal. Mais  puisque  vous  avez  trouvé  du  plomb  au  fonds  comme  cal- 
ciné, gardez  bien  de  i'ostcr,  je  vous  supplie,  car  vous  corrompriez 
toute  la  justesse  qui  se  peult  colliger  de  sa  mesure,  s'il  y  en  a  eu 
aulcune  d'affectée,  comm'il  est  vraysemblable.  Ne  craignez  pas  (|ue  je 
trouve  trop  cher,  à  deux  escus,  l'escuellon  de  verre  jaulne  ou  de  cou- 
leur de  Sardoine  ou  d'Ambre,  que  vous  dictes  estre  de  la  largeur  quasi 
de  celuy  de  l'orfèvre.  Au  cas  que  vous  le  jugiez  antique,  ainsin  que 
je  pense  ([u'il  doibt  estre  puisque  vous  y  avez  recogneu  des  marques 
esvidantes  du  four  par  dedans  especialemeut  en  ses  mouleures.  Et  me 

'  Déchiiiire  du  papier. 

f.  83 


658  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ferez  plaisir  singulier  de  me  le  retenir  et  remettre  à  M'  Despiolz.  Et 
non  seulement  celuy  là,  mais  tous  autres  vases  ou  escuelles  de  verre 
de  couleur,  qui  paroistront  avoir  esté  passez  sur  le  four,  quand  ils  se- 
ront entiers  et  bien  conservez,  et  les  estimeray  bien  davantage  s'ils 
ont  conservé  leur  rouille  et  argenteure  antique  en  quelques  lieux  que 
s'ils  sont  tout  à  fait  escurez  comme  celuy  de  Lyon  et  despouillez  de 
toute  sorte  de  rouille  ou  pattino  qui  tient  de  l'argent  ou  de  l'opaHe 
eommiineraeut.  Si  toutefoys  vous  en  jugez  le  prix  toHerable  «t  propor- 
tionné à  peu  prez  à  «ette  eseuelle  que  vous  dictes,  car  e'il  les  falloit 
payer  bien  chèrement,  non  portarebbe  la  spesa',  attendu  mesmes  le 
danger  de  les  transporter  de  si  loing,  et  de  les  laisser  par  les  chemins. 
Pour  ce  qui  est  de  cez  Termes  ou  Troncs  antiques,  vous  m'aviez 
bien  tousjours  protesté  que  vous  n'y  teniez  rien  d'antique  sinon  les 
Troncs  et  que  les  testes  estoient  supposées.  Aussy  n'estoit-ce  que  les 
Troncs  que  je  laisois  estât  de  mettre  en  compte  en  les  acheptant.  Mais 
puisque  celuy  qui  les  a  est  si  riche  qu'il  ne  les  veult  pas  veiidt^,  il  s'en 
fault  passer.  Seulement  vouldrois-je  avoir  les  inscriptions  en  papier 
mouillé  et  placquré  sur  le  marbre  pour  tirer  quasi  l'enqireinte  de 
la  figure  des  caractères  et  juger  de  leur  manière  et  de  leur  antiquité!. 
4  quoy  il  n'y  a  pas  si  grande  façon  comme  à  tiXMiver  des  moulleurs  qui 
jettent  les  médailles  en  sable.  N'estant  question  que  d'appliquer  sur 
cez  marbres  une  feuille  de  bon  papier  mouillé  et  de  la  presser  discrè- 
tement avec  un  mouchoir,  pour  enfoncer  un  peu  le  papier  dans  le 
creux  des  lettres.  Et  puis  le  retirer  quand  il  est  quasi  see.  Si  le  papier 
est  trop  mince,  il  le  fault  mettre  double  ou  tripple.  Et  «'il  est  trop 
petit,  il  en  fault  joindre  plusieurs  feuilles  ensemble,  comme  quand  on 
assemble  des  cartes  de  géographie  de  plusieurs  feuilles.  Et  cette  mesme 
invention  m'a  souvent  reussy  pour  des  empreintes  mesmes  de  médailles, 
quand  elles  ne  sont  pas  de  trop  grand  relief.  El  me  feriez  plaisir  de 
m'en  envoyer  de  telles,  quand  il  vous  ea  passera  de  curieuses  par  les 
mains.  Et  des  camayeuls  aussy.  Maie  pour  les  graveures  il  ne  réussit 

'  Gela  ne  vaudrait  pas  la  de'|jense. 


tl633]  À  CLAUDE  MENESTHIER.  0»9 

pas  si  facilement,  si  ce  n'est  qu'on  le  face  sur  les  empreintes  de  relief 
et  avec  du  papier  plus  mince. 

Au  reste  je  ne  voids  pas  que  le  sieur  cavalier  Gualdo  ayt  esté  si  reli- 
gieux, comme  il  dict,  de  ne  rien  desmembrer  de  son  cabinet.  Puisque 
j'ay  appriiis  ])ar  les  images  qu'il  m'a  luy  mesmes  faict  envoyer  de  cer- 
taines vieilles  bulles  des  Papes,  qu'il  les  a  domiées  à  la  Vaticane,  ou  à 
l'eminentissime  cardinal  Barberin,  si  bien  me  souvient,  ne  trouvant 
pas  que  sa  maxime  soit  te[nable]  ne  qu'il  aye  jamais  de  quoy  se  laver 
du  refus  de  cette  corniole  de  Marc  Aurele  comme  cliose  qu'd  eust  eu 
raille  foys  plus  d'Ijormeur  de  donner  [à]  un  tel  cavalier,  qu'il  n'en 
sçauroit  jamais  avoir  d'advantage  de  la  retenir  en  son  cabinet.  Car  ce 
n'est  pas  cbose  où  il  y  ayt  rien  à  apprendre,  comme  je  pense,  et  dont 
son  cabinet  ne  se  pousse  Irez  bien  j)asser.  Mais  nous  sommes  touts 
hommes,  cl  tous  subjectz  à  quelque  maladie  d'esprit  aussy  bien  que  de 
corps,  principalement  ceux  qui  ont  de  telles  curiositez,  et  qui  se  laissent 
emporter  à  la  jalousie  d'icelles  oi\  ils  sortent  aussy  facilement  des  bornes 
de  la  raison,  comme  ceux  qui  sont  amoureux  et  jaloux  de  leur  mais- 
tresse,  plus  souvent  à  tort  qu'à  bon  droict,  parce  que  la  jalousie  les 
aveugle.  Je  loue  Dieu  d'estre  gary  de  ce  mal,  encores  que  je  sois  bien 
aise  de  conserver  ce  qui  le  mente.  Voicy  tantost  revenir  vostre  temps, 
auquel  vous  pourrez  agir  et  rencontrer  quelque  chose  de  plus  que  l'or- 
dinaire. El  cez  grandes  pluyes  debvroient  bien  avoir  descouverl  des 
auticailles  en  lieu  où  l'on  ne  les  iroit  pas  fouiller.  Si  vous  avez  rien  veu 
du  libvre  des  médailles  du  sieur  Angelone,  mandez  moy,  je  vous  prie, 
ce  qui  est  de  son  dessein  à  peu  prez,  et  de  quelle  nature  de  médailles 
il  prend  à  parler,  si  c'est  des  Grecques  ou  des  Romaines  ou  de  quelles 
espèces'.  Et  faictes  estât  de  mon  service  comme, 

Monsieur, 

de  vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  90  octobre  i633'. 

'  J'ai  vainement  cherche  des  renseiguonieni»  8or  Je  livre  et  sur  l'aulMir,  nn'ine  pu 
m  adressant  à  un  des  premiers  bibliograplu's  do  notre  temps.  —  '  Bibliothèque  de  l'ivcole 
de  médecine  de  Montpellier,  nu.  U  371,  fol.  116. 

89. 


660  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633J 

LXIV 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Par  i'ordinaire  passé  je  n'eu  la  comodité  de  vous  addresser  les 
miennes  n'ayant  peu  rencontrer  Monsieur  de  Veson  '  pour  luy  délivrer 
celle  que  je  vous  escrivois.  Je  tiens  pour  asseuré  qu'aurez  receu  à  pre- 
sant  ce  que  j'ay  mis  en  main  de  Mous'  Chartres  pour  vous  délivrer;  du 
depuis  j'ay  recouvré  quelques  graveures  et  entre  aultres  une  extrava- 
gante en  une  pierre  jaune  de  laquelle  verres  le  dessein  icy  joinct  là  où 
il  y,  a  une  figure  avec  deux  testes  comme  l'on  peiuct  Janus;  le  reste 
du  corps  humain  est  avec  un  pied  seul.  Dans  une  aultre  en  Elio- 
trope  il  y  a  ceste  figure  ordinaire  ici  designé'-,  me  semblant  l'inscription 
extraordinaire,  je  ne  l'ay  voulu  délaisser  accompagnée  de  deux  aultres 
lesquels  je  vous  envoiray  à  la  première  commodité;  avec  icelles  je 
joincdray  une  placque  de  cuivre  de  la  forme  icy  joincte  avec  des  cha- 
racteres  fort  antiques  telles  que  l'on  void  dans  les  graveures  des  Basi-r 
lides;  de  plus  m'estant  donné  advis  d'un  mercier  qui  court  les  villes  à 
l'entour  de  Rome  qu'il  y  avoit  un  orfaivre  à  Peruse  '  lequel  avoit  une 
romaine  antique  l'ayant  prié  de  me  l'achepter  il  me  l'apporta  avant 
hier.  L'on  dit  que  dans  peu  de  jours  Mons'  de  Crequi  se  doibt  partir; 
je  consigneray  le  tout  à  quelque  de  cognoissance  pour  vous  pourter 
le  tout  fidèlement  si  quelque  occasion  ne  se  presante  plustot.  Je  ne 
mancqueray  aussi  de  vous  envoyer  ceste  lampe  de  bronze  antique  dans 
laquelle  estoit  ce  bethume  duquel  je  vous  en  envoya  il  y  a  deux  mois 
puis  que  j'apprend  par  les  vostres  qu'aurez  contantement  de  l'avoir. 

'  L'évêque  de  Vaison ,  Joseph-Marie  Sua-  sont  joints  à  la  lettre  sur  deux  polils  pa- 
rez, dont  il  a  élé  si  souvent  question  dans  piers  colos  206  et  907; 
nos  tomes  précëdents  et  aussi  dans  celui-ci,  '  F'éroiise,  à  i.36  kilomètres  de  Rome, 
parmi  les  lettres  à  Luc.  Holstenius,  son  ir-  en  italien  Periiffia  et  en  latin  Peritsia.  Me- 
récoiiciliable  adversaire,  sinon  ennemi.  nestrier,  on  bon  antiquaire,  a  reproduit  la 
Les  croquis  indiques  dans  ce  passage  forme  ancienne. 


[1C33|  \  CLAUDE  MENESTRIKH.  6«1 

Non  seulement  ladite  lampe,  mais  aussy  tout  est  à  vostre  service  (e 
peii  de  receuil  que  j'ay  faict  dans  mon  cabinet'.  Pour  l'Insitega  que 
j'ay,  il  n'y  a  que  les  trois  lampes  qui  soint  antiques  ayant  faict  jetter 
de  cuivre  deux  cercles  de  bronze  pour  les  conjoindre  et  attacher  par 
ensemble  l'un  sur  lequel  sont  possés  les  pieds,  et  l'aultre  cercle  coii- 
joinct  les  trois. pièces  par  en  liault  entre  le  col  et  la  teste.  Les  sphinges 
sont  du  tout  semblables  à  celles  que  je  vous  ay  en- 
voyé; s'il  y  eusse  heu  quelque  chose  de  différent  je 
n'eusse  manc([ué  aussy  de  vous  l'envoyer.  Far  les 
voslres  précédentes  m'escrivés  que  desirez  avoir  ce 
pislon  de  marbre  antique  formé  comme  un  poulce 
humain  comme  je  vous  avois  figuré  dans  les  miennes 
avec  le  mortier.  Pour  le  pislon ,  je  l'ay  achepté;  quant 
au  mortier  il  est  en  granit  lequel  est  fort  pesant,  il  n'est  incavé  en  de- 
dans que  d'un  doigt  la  forme  estant  semblable  :  [o] ,  il  est  entre  les  mains 
d'un  sculpteur  mien  amy.  Si  par  hazard  j'en  puis  treuver  un  plus  léger 
comme  j'en  ay  veu  d'aultres  fois  (comme  estoit  celuy  là  de  ce  jeune 
homme  qu'avoit  l'escuellon  de  bronze),  je  ne  mancqueray  de  l'achepter. 
Un  levantin  a  apporté  deux  pierres  curieuses  parmy  quantité  d'aultres; 
n'en  ayant  encore  point  veu  de  semblable  je  les  ay  achepté  toute  deux 
pour  ';!5  Jules  la  pièce.  La  pierre  est  rouge  en  apparance  tirant  à 
l'orangé  toute  pleinue  de  paille  dor  et  faissant  des  esclats  et  brille- 
mants  comme  de  toille  d'or  à  fond  rouge.  L'on  void  plusieurs  yeux  de  chat 
qui  brillent  en  les  mouvant,  mais  de  la  sorte  de  ces  deux  icy  personne 
n'en  a  encore  veu  à  Rome.  Si  ne  l'avez  et  avez  curiosité  de  la  veoir  je 
vous  en  fairay  tenir  une.  Je  recherche  tousjours  de  mettre  ensemble 
toutes  les  sortes  de  pierres  estravagantes  que  je  puis  recouvrer.  J'ay 
faict  plusieurs  petites  curiosités  avec  la  pierre  aymant;  en  6  ou  7  ans 
j'ay  mis  ensemble  dix  livres  de  médailles  de  métal  [de]  (lorynlhe  j'en- 
tend  celles  qui  sont  marquettées  de  rouge  et  jaune  (desquelles  il  ne 

'  Il  ne  faut  pns  prendre  nu  mot  Menestrier  qui  fait  ici  de  In  fausse  inndeslie,  cunune 
beaucoiij)  de  collectionneurs.  La  vérilé  est  (|ue  son  cabinet  de  curiosités  était  un  de»  |ilus 
riches  de  In  ville  de  Rome. 


662  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

s'en  treuve  que  soubz  Auguste,  Claude  et  Galigula).  En  ayant  faici 
jetter  un  vase  il  est  feusy  fort  beau  la  pluspart  le  tenant  doré.  Aultre 
n'ayant  pour  le  presant  digne  de  vous  je  me  dis  à  jamais, 
Monsieur,  — .«  -^l  .^.-. 

vostre  pJUs  huinble  et  obligé  serviteur. 
Cl.  Menetbie. 
À  Rome,  ca  3Q  S'"'  i633. 

Il  VOUS  plaira  de  faire  tenir  les  icy  jointes  à  Mons'  Aycard.  J'ay  faict 
tenir  la  vostre  à  Monseg"'  le  card'  Boncompagno  lequel  m'escrivit  ces 
jours  passés  qu'il  auroit  à  cher  de  veoir  ce  qu'avez  recherché  sur  l'an- 
neau qu'il  vous  pleii  lui  envoyer.  .le  luy  ay  supplié  encore  de  vous 
procurer  un  peu  de  ceste  toile  incombustible.  J'en  ay  escripl  par  plu- 
sieurs ibis  à  un  amy  lequel  n'en  a  peu  recouvrer  disant  que  l'Evesque 
de  Puzolo  avoit  fait  une  excomnmnication  a  ceulx  qui  la  tiendroint. 
Le  card'  Barberin  en  [possède  quelques]  morceaux  desquelz  j'en  ay 
peu  faire  la  preuve  '. 


LXV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,   CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Enfin  j'ay  apprins  par  vostre  lettre  du  a  à""*  septembre  que  vous 
aviez  chargé  le  sieur  Chartres  du  vase  de  Crystal  et  des  autres  petites 
curiositez  que  vous  avez  trouvé  bon  d'y  joindre.  Mais  j'ay  en  mesme 
temps  apprins  un  bruict  venu  du  costé  de  Marseille,  qui  m'a  mis  en 
grande  peine  et  sollicitude  parce  que  l'on  dict  que  ledict  sieur  Chartres 
faict  quarantaine  à  Gènes,  ce  que  je  ne  sçaurois  imputer  qu'à  quelque 
bien  grand  malheur,  si  sa  barque  a  touché  à  Ligourne,  ou   receu 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  9544,  foi.  fio5.  Aux  folios  ao6  et  907  sont  les 
deux  dessins  dont  il  est  parié  dans  la  lettre  ci-dessus. 


[1633J  À  CLAUDE  MElSESTRIEIl.  Ht 

quelque  persoiie  suspecte  de  maladie.  Craigoant  que  «lurant  la  Jon- 
{jueur  et  incommodité  d'une  quarantaine  il  oe  coure  lortuue  de  tomber 
malade  iuy  niesjnes,  comme  il  est  asseï:  mal  liabitué,  el  que  tout  ce 
qu'il  porte  ne  soit  eu  danger  de  périr.  Et  prijici|)al<'menl  des  plantes 
dont  M'  de  Bonnaire  et  autres  amys  l'avoient  chargé,  y  ayant  desja  uu 
inoys  et  deiny  qu'il  est  party  de  Rome  sans  qu'il  nous  ayt  point  donné 
de  ses  nouvelles,  et  le  temps  s'eslanl  desja  r'all'roidy  beaucoup  plu» 
que  ne  comporte  la  saison  pour  l'ordinaire.  Cependant  je  ne  me  timê 
pas  nioings  redevable  à  vostre  courtoisie,  que  si  desja  le  tout  eetoit 
parvenu  sain  et  sauve  entre  mes  mains  comme  je  doibs  esjjerer  qu'il 
sera  bientost  avec  l'ayde  de  Dieu.  Ne  pouvant  assez  [vous]  louer  et 
vous  remercier  de  voz  favorables  offices  et  liberalitez,  et  que  vous 
m'ayiez  voulu  préférer  à  tant  d'autres  personagee  plus  dignes  que  nioy 
sans  comparaison  de  jouyr  de  cer  belles  singubritcz,  voire  à  vou^ 
mesmes,dont  le  goust  me  doibt  estre  nullaiit  et  plus  clier  que  le  mien 
propre,  mais  je  tascheray  de  m'en  revanclier  ou  je  ne  pourray  tost 
ou  tard,  soit  de  mon  chd",  ou  de  celuy  de  mes  aroys.  Ek  vouldroy» 
bien  que  vous  eussiez  peu  trouver  quelque  participation  à  toutes  ce/. 
vacances  qu'on  dict  estre  advenues  par  le  decez  de  ce  cardinal  Bor- 
ghese,  soit  en  quelque  bon  petit  bénéfice,  ou  en  quelque  pension 
équivalante  à  ce  qu'il  >ons  fauldroit.  Il  fault  que  je  pregne  occasion 
d'en  retoudier  quelque  mot  à  l'oniincMilissime  cardinal  Barbcrin  sur 
le  subjcct  de  robeli8(|ue  qu'il  a  eu  par  voslre  moyen  et  que  Ion  dict 
(ju'jl  faicl  relever  devant  sa  maison  '.  En  attendant  quelque  autre  oc- 
currence de  chose  rare  qu«  vous  Iuy  fassiez  recouvrer,  dont  vous  deve» 
avoir  soiag  de  me  tenir  adverty  de  temps  à  autre,  afin  que  je  m'«n 
prevaille  à  vostre  favwir,  et  quiC  je  tasche  de  l'engager  au  combat. 


'   (Addition  h  la  marge  :)  eJ'ay  fbictl'of-  Iuy  mesuies,  pgtimnnt  tju'il  yoiw  impMic 

tice  en  esci'iv.-ait  oe  soir  h  Son  Ëininencc,  et  aulcuneuient  qu'il  nek  laisse  |ias  ti>tro  «Vm 

si  «luel qu'un  •des  secrétaires  est  «s««  de  vo»  qu'il  nepeul  pas  ilisrc.  Ce  qui  arrive,  je  m'a»- 

amys  pour  vous  moiisbvr  uta  Icttn',  vous  seure.  nsser.  souvent  selon  la  surrhftiijo^  [ici 

verrez  do  quel  biaiz  je  le  prends.  Pour  le  manque  une  ligne  emportée  par  l'aawe^H 

moings  rnquoroz  vous  s'il  aura  leu  ma  lettre  papier]. 


66A  •  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Au  reste  je  vous  remercie  encores  du  soing  qu'avez  eu  de  vous  in- 
former du  sieur  Minatoli  concernant  le  recueil  des  familles  de  Luques, 
qui  n'a  pas  esté  imprimé  que  je  sçaiche.  Mais  on  m'a  asseuré  qu'il  s'en 
trouve  quelqu'un  escript  à  la  main  qui  se  descouvrira  lorsqu'on  y  pen- 
sera le  moings,  en  y  tenant  la  main.  Ayant  cogneu  un  gentilhomme 
fort  veridique  de  cette  Republique  lequel  l'avoit,  mais  il  est  decedé, 
et  tous  ses  papiers  ont  esté  dissipez.  J'ay  cogneu  un  gentilliomme  Al- 
leman,  qui  en  avoit  un  autre  de  la  mesme  ville,  que  j'eusse  peu  avoir 
bien  facilement,  si  cela  eusse  lors  touché  tant  soit  peu  ma  curiosité, 
mais  elle  en  estoit  encores  trop  esloignée. 

Il  s'est  trouvé  en  ce  païs  un  grand  poeslon  de  bronze  antique  fort 
bien  conservé,  tout  remply  de  médailles  d'argent  de  billon  du  siècle 
de  Gallien,  où  je  pensoys  trouver  des  merveilles  pour  les  3o  Tyrans, 
mais  il  n'y  en  a  poinct  eu  qui  ne  fust  bien  commun.  Il  est  vrav  qu'en 
revanche  il  y  a  eu  de  celles  de  Gallien ,  qui  sont  assez  extraordinaires 
et  curieuses,  principalement  pour  les  régions  et  les  images  ou  enseignes 
légionnaires  dont  il  s'y  en  est  trouvé  de  plusieurs  sortes  différantes  et 
grandement  bigearres. 

On  m'escript  de  Paris  que  le  pauvre  Vivot  est  mort',  à  qui  j'avoys 
r'envoyé  son  vase  en  forme  de  Monstre  marin,  pour  ne  l'avoir  pas  jugé 
moings  moderne  que  vous.  Il  y  a  deux  autres  cabinets  à  vendre,  assez 
riches,  l'un  du  sieur  Viguier,  et  l'autre  de  feu  Mad'""*' de  Victry^  fort 
copieux  en  vases,  mais  je  ne  sçay  s'ils  seront  bien  authentiques.  M'  Au- 
bery  me  mande  qu'il  y  tiendra  la  main.  Mais  tout  cela  n'est  rien  au- 
prez  des  singularitez  du  Cabinet  de  Bavière,  qui  se  sont  vendues  par 
les  soldats  et  cappitaines  Suedoys  à  Auspourg,  ce  prince  n'ayant  rien 
saulvé  que  ses  médailles  d'or,  toutes  celles  d'argent  et  de  cuyvre  ayant 

'  Le  Dictionnaire  des  amateurs  français  de  tableaux,  était  peut-être  le  fils  du  Vivol 

mentionne  seulement  un  Jean  Vivot,  mort  mort  en  i633. 

avant  1673  à  Paris,  qm  était  gentilhomme  ^  Ni  le  cabinet  de  Viguier,  ni  c^iui  de 

ordinaire   du   roi  et    auqpiel,  en    1670,  M"* de  Vitry  ne  sont  mentionnés  par  M.  Ed- 

Louis  XIV  confia  ia  garde  du  magasin  des  mond  Bonnalfé  dans  son  précieux  Diction- 

antiques ,  où  il  eut  Félibien  pour  successeur.  naire. 
Ce  Jean  Vivol,  collectionneur  d'estampes  et 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  665 

esté  exposées  au  pillage.  Je  croys  que  vous  y  feriez  bien  voz  affaires  si 
vous  y  faisiez  un  voyage,  et  si  m'en  donniez  advis  à  J'advance,  je  vous 
y  donneroys  de  bonnes  addresses  à  de  mes  amys  qui  vous  y  adsiste- 
roient  de  bon  cœur  pour  l'amour  de  moy.  Il  y  a  mesmes  des  cabinet» 
entiers  à  vendre  fort  assortys,  ce  dict  on,  et  des  autres  singularilez  de 
nature  du  Cabinet  de  Bavière  qui  sont  d'importance,  et  qui  se  pour- 
roient  avoir  à  pi-ix  fort  modéré. 

Monsieur  de  Montrivel  m'envoya,  cez  jours  passez,  dans  nn  petit 
barrillet  fort  bien  conditionné,  non  seulement  cette  petite  Salière  en 
forme  de  Trépied,  plus  conservée  que  l'autre  pareille,  mais  aussy  son 
Mercure  assis  contre  un  tronc  d'arbre  (ce  semble)  aboultissant  à  trois 
bouts  ou  tronçons  de  branches,  sur  lesquels  vous  disiez,  comme  luy, 
que  l'on  avoit  trouvé  un  certain  petit  bassin  ou  escuellon,  d'un  metail 
blanc  fort  mince,  fort  aigre  et  fort  cassant,  comme  celuy  des  timbres 
ou  des  clochettes  des  petites  horloges  sonnantes.  Mais  ayant  moy  faict 
rassembler  les  fragmentz  dudict  escuellon  fort  proprement,  je  trouvay 
qu'il  avoit  esté  trop  approffondy  pour  se  tenir  en  assiette  sur  cez  troys 
petits  tronçons  de  branches  et  pour  en  estre  supporté,  de  façon  qu'il 
y  lault  chercher  quelque  autre  usage.  Il  m'a  aussy  envoyé  l'une  de  ses 
petites  pommes  de  pin  de  bronze  que  je  n'ay  pas  veiie  moings  volon- 
tiers que  le  reste  et  par  ainsin  il  m'a  donné  beau  moyen  de  m'esrlaircir 
de  tout  plein  de  choses  que  je  n'avoys  peu  bien  comprendre  sur  les 
desseins.  J'ay  faict  faire  des  modelles  de  ce  qui  me  pouvoit  le  plus 
servir,  et  espère  luy  renvoyer  son  barrillet  par  le  prochain  ordinaire 
Dieu  aydant,  avec  mille  obligations  trez  estroictes  de  la  confiance  avec 
quoy  il  m'a  daigné  communiquer  le  tout.  Et  suis  bien  marry  de  vous 
presser  possible  par  trop,  mais  il  fault  que  vous  me  fassiez  la  faveur  de 
m'octroyer  la  veiie,  (jue  je  vous  avois  cy  devant  demandée,  et  que 
j'avois  attendue  par  M""  Chartres,  de  ce  gros  Trépied  bas  couqjosé  de 
troys  consoles  aboutissantes  à  des  Sphynges,  connue  celles  que  vous 
m'avez  cy  devant  envoyées,  afin  que  je  voye  la  mesure  et  la  proportion 
de  la  largeur  du  cercle  auquel  elles  sont  aflichées,  et  de  quelle  façon 
est  faict  leur  assemblage,  car  vous  sçavez  comme  je  lire  proftit  de 
T.  84 


666  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633J 

toutes  choses,  vous  asseurant  que  je  le  vous  r'envoyeray  fort  fideie- 
ïiient,  et  par  voye  asseurée,  et  que  je  me  contenteray  de  faire  faire  un 
niodeile  du  cercle  semblable  au  vostre,  pour  faire  bastir  de  mesmes 
les  troys  consoles  que  vous  m'aviez  cy  devant  envoyées.  Et  non  seule- 
ment cela,  mais  toutes  les  autres  pièces  que  vous  vouldrez  retirer  de 
mes  mains  du  nombre  de  celles  que  j'ay  eiies  de  vous,  à  quelque 
filtre  que  ce  puisse  estre  que  vous  me  les  ayez  desparties  ou  confiées. 
Me  promettant  que  vous  excuserez  ma  liberté,  comme  je  vous  en 
supplie,  et  que  vous  ne  laisrez  pas  de  me  tenir  tousjours  comme  je 
suis  véritablement. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  3  novembre  i633  '. 


LXVl 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
A  ce  coup  l'ordinaire  de  Gènes  m'apporta  un  paquet  de  M'  de  Vai- 
son,  oij  je  trouvay  vostre  lettre  du  22  octobre,  et  depuis,  le  sieur 
Chartres,  estant  arrivé  à  Marseille  sain  et  saulve,  m'envoya  vostre  lettre 
du  18  septembre  avec  la  boitte  ou  cassette  dont  vous  l'aviez  chargé, 
et  lelibvre  des  familles  Pisanes,  ayant  retenu  par  devers  luy  l'anneau 
d'or  pour  me  l'apporter  luy  mesmes  à  ce  soir  ou  demain  Dieu  aydant. 
Je  trouvay  dans  ladicte  boitte  la  Patere  de  Crystal  antique  bien  con- 
servée (hors  d'une  felleure  qu'il  y  a,  ce  semble,  oultre  les  pailles  du 
naturel  de  la  veine  de  la  pierre)  et  regrettay  bien  de  voir  que  le 
manche  ou  le  tenon  du  vase  se  soit  perdu  par  l'injure  du  temps,  mais 
e  ne  laisse  pas  de  l'estimer  bien  pour  mon  humeur,  et  pour  l'amour 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  271 ,  fol.  1 1 8. 


|1«33)  À  CLAUDK  MEMiSTHfEH.  667 

de  la  persone  qui  me  l'a  daigne  despartir';  vous  pourrez  voii- en  quels 
termes  je  luy  en  escripts,  où  c'est  que  sans  luy  dire  de  l'avoir  seule- 
ment receue  présentement,  je  ne  laisse  pas  de  luy  en  rendre  les  plus 
humbles  actions  de  grâces  que  je  puis,  et  de  lesmoigner  le  grand  capi- 
tal que  j'en  faicts  pour  l'assortiment  de  mon  cabinet,  que  je  feray  son- 
ner le  plus  haiilt  qu'il  me  pourra  estre  loisible,  pour  le  renom  et  ta 
recommandation  de  la  personne  qui  s'en  est  vonlu  priver  pour  l'amour 
de  nioy.  Et  si  vous  m'en  eussiez  envoyé  le  dessein  que  m'en  aviez  pro- 
mis, je  n'eusse  pas  tant  diiïeré  de  luy  en  dire  mon  advis,  et  eusse 
bien  jugé  dez  lors  à  peu  prez  la  contenance,  que  je  devinay  à  l'ouver- 
ture de  l'estuy  avant  mesmes  que  l'avoir  mesurée,  tant  j'ay  acquis  de 
practique  en  cette  sorte  de  recherches.  Dans  la  mesme  boittf»  quarrée 
je  receuH  le  petit  Astragale  avec  la  figure  du  senio,  que  j'estime  bien 
«l  que  jo  liendray  bien  chèrement  pour  l'amour  devons,  comme  aussy 
ce  petit  cadenat,  en  ayant  d'autres  qui  en  approchent  fort,  et  l'escuel- 
lon  où  je  trouvay  un  peu  estrange  que  la  mesure  soit  si  courte  comme 
elle  est,  car  il  ne  semble  pas  chargé  de  rouille  par  dedans  ne  con- 
sumé ou  altéré  comme  par  le  dehors.  Mais  tel  qu'il  est,  il  ne  me  sera 
pas  inutile  et  je  vous  en  sçay  trez  bon  gré.  Et  beaucoup  plus  du  vase 
que  vous  appelez  sextaire  encores  qu'il  n'ait  pas  de  rapport  précis  à 
la  vraye  mesure  du  sextaire  des  Romains  qui  debvoit  faire  la  juste 
sixiesme  du  congius  de  vin,  de  douze  cyathes,  et  celluy  cy  en  faict 
plus  de  li.  Je  n'y  ay  poinct  trouvé  de  cul  de  bronze.  Ains  seulement 
le  plomb  qui  y  avoit  esté  adjousté  par  le  dedans,  pour  le  rendre  plus 
pesant  et  plus  propre  à  se  tenir  debout  et  tout  droict  estant  vuide 
sans  courir  tant  de  danger  de  se  renverser.  Ne  sçaichant  si  ce  cul  ou 
ce  fonds  extérieur  de  bronze  s'est  perdu  j)ar  les  chemins  de  Home  à 
Marseille,  ne  se  pouvant  estre  perdu  de  Marseille  icy,  parcequ'il  estoil 
dans  un  bon  sac.  Mais  encores  y  trouverav  je  à  discourir,  et  l'employer 
à  (juelque  chose  qui  ne  sera  pas  inutile,  en  attendant  que  vous  nous 
rencontriez  un   vray  sextaire,  ou  un  vray  congius  Romain,  tel  que 

'  La  Seuora  Felice  déjà  souvent  iioinmëe. 

Si. 


668  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

celuy  de  Fainese,  dont  je  ne  désespère  pas  si  vous  y  tenez  la  main. 
Cependant  je  vous  en  suis  très  redevable,  mais  je  vous  prie  de  trou- 
ver bon  que  je  vous  en  indamnise  pour  le  moins  de  ce  qu'il  vous  «en 
a  fallu  bailler  à  cet  homme  qui  vous  a  tant  faict  haletter  aprez  cette 
proye.  Ensemble  de  ce  que  vous  a  cousté  d'achept  et  de  reparer  vostre 
moiclié  de  pied  antique,  où  j'avois  creu  qu'il  ne  manquast  sinon  un 
bout  de  l'une  de  ses  branches,  ne  pouvant  assez  m'estonner  de  l'ines- 
galité  que  j'ay  trouvée  aux  divisions  des  onces  et  des  doigts  qui  n'y 
semblent  cottées  que  par  manière  d'acquit  ou  pour  la  forme  seule- 
ment, et  dicis  causa  ^  (comme  les  lampes  des  tombeaux,  incappables 
de  tenir  de  l'huille)  plus  tost  pour  servir  d'indice  du  mestier  de  celuy 
qui  en  avoit  de  besoing  en  sa  profession,  que  pour  en  régler  la  me- 
sure d'aulcune  autre  chose. 

J'ay  par  mesme  inoyen  receu  le  livre  des  familles  Pisanes  dont  je 
vous  ay  de  l'obligation,  espérant  qu'il  s'en  rencontrera  quelque  joui- 
d'autres  exemplaires  où  l'on  pourra  apprendre  le  nom  de  l'aulheui- 
qui  les  a  compilées.  Estant  marry  que  les  pierres  bleuastres  ne  soient 
trouvées  plus  chargées  de  couleur.  Il  fauldroit  un  homme  du  mestier 
pour  choisir  sur  les  lieux  ce  qui  luy  seroit  le  plus  duisable  et  laisser 
le  reste. 

Quand  à  vostre  autre  dernière  lettre  du  29  octobre,  je  ne  puis  que 
vous  remercier,  comme  je  faicts  trez  affectueusement,  du  soing  que 
vous  avez  eu  de  me  retenir  et  reserver  cez  graveures  extravagantes  en 
pierre  jaulne  et  héliotrope  et  en  plaque  de  cuyvre,  avec  cez  inscrip- 
tions barbares,  comme  aussy  de  la  Romaine  antique  de  Peruse,  et  de 
l'offre  de  l'une  de  cez  pierres  rouges  semées  de  pailles  d'or,  dont  j'ac- 
cepteray  l'une  trez  volontiers,  en  vous  indamnisant.  Et  ne  refuserav 
pas  le  pislon  de  marbre,  et  si  ne  trouvez  de  petit  mortier  comme  ce- 
luy qu'avez  laissé  eschapper,  je  ne  laisray  pas  d'achepter  celuy  que 
me  dictes  quoyque  gros,  car  puisqu'il  n'est  que  de  granito-,  je  ne 
pense  pas  qu'd  puisse  estre  de  prix,  comme  s'il  estoit  de  marbre  blanc 

C'est  un  terme  de  droit  qui  signifie:  pour  la  forme,  par  manière  d'acquit.  —  *  Sorte 
de  pierre,  gi-anit. 


[1633]  À  CLAUDE  MENESTIUEH.  6«9 

bien  solide  et  bien  uiiyTorme.  Attendu  que  les  barques  qui  vont  por- 
ter le  vin  à  Rome,  le  pourront  charger,  au  lieu  de  soulfre,  à  bord  de 
Ripa  Grande,  ot  apporter  à  Marseille  à  petitz  frais.  J'ay  prins  plaisir 
d'entendre  qu'ayez  veu  faire  l'espreuve  du  linge  incond)U8tible  du 
cardinal  Barberin,  et  vouldroys  bien  en  avoir  esté  comme  vous  tes- 
moing  occiilaire,  m'estonnant  que  ce  bon  evesque  de  Pozzuolo  aye 
fulminé  tant  d'excommunicalions  pour  cola,  s'il  n'y  a  quelque  estrange 
abbus  ou  superstition  meslée.  Je  vouldrois  bien  cncores  avoir  veu 
l'espreuve  de  voz  vases  de  metail  corynthien,  et  s'il  vous  advient  d'en 
faire  jetter  une  seconde  foys,  vous  me  ferez  plaisir  de  m'en  faire  jetter 
un  petit  escuellon  à  l'antique,  ayant  les  bons  ouvriers  que  vous  avez 
de  par  delà  beaucoup  plus  duicts  et  expérimentez  à  telle  sorte  d'ou- 
vrages que  les  nostres.  Vous  remerciant  irez  humblement  de  l'oflre  de 
la  lampe  oi!l  estoit  le  bithumc,  que  je  n'acceple  pas  absolument,  pour 
ne  vous  priver  de  ce  qui  est  de  vostre  goust,  mais  je  n'en  refuse  pas  la 
veûc,  puisqu'il  vous  plaict.  Et  pour  l'Incitega,  je  pensoys  vous  avoir 
ouy  dire  que  l'aviez  trouvée  avec  le  cercle  antique  d'en  hault  qui  fai- 
soit  l'assemblage  des  troys  consoles,  qui  estoit  principalement  ce  que 
j'avoys  désiré  de  voir  pour  juger  de  la  proportion  de  la  distance 
que  les  anciens  y  laissoient  d'un  jambage  à  l'autre,  et  de  la  grosseur 
et  qualité  du  cercle,  pour  juger  de  la  forme  du  bassin  qui  se  pou- 
voit  mettre  dessus,  ou  plus  tost  de  la  forme  du  vase  qui  se  devoit 
enchâsser  dans  l'ouverture  dudict  cercle.  Mais  je  ne  vouldroys  pas 
vous  estre  à  charge  pour  cela  nomplus  que  pour  autre  chose,  ne  dé- 
sirant pas  que  mes  amys  fassent  de  violance  à  leur  humeur,  pour 
l'amour  de  moy,  qui  ne  suis  que  trop  importun.  Sur  quoy  je  fmiray, 
demeurant. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  17  novembre  i633. 

J'ay  recouvré  de  Gènes  un  vieil  exemplaire  MS.  des  mémoires  del 
Gaflaro,  qui  est  un  fort  gros  volume  de  l'histoire  particulière  de  celle 


fi70  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

ville,  continuée  par  un  Stella'.  Et  m'en  faict  on  espérer  encor  un 
troisiesme,  et  que  j'auray  mesmes  une  coppie  du  livre  du  vieil  Palla- 
vicino,  le  sieur  Giulio  Pallavicino  mesmes  s'estant  offert  de  m'y  aider, 
luy  qui  en  a  compilé  une  plus  grande  histoire  dont  j'attends  des  nou- 
velles par  le  prochain  ordinaire'-,  de  quoy  j'ay  bien  voulu  vous  don- 
ner advis  à  celle  fin  que  si  vous  entendiez  que  l'illustrissima  Senora 
Donna  Felice  s'en  voulusse  mettre  en  peine,  comme  elle  m'avoit 
mandé  d'avoir  escript  à  Gènes  pour  le  Gaffaro,  que  vous  luy  fassiez 
soubs  main  sentir  qu'il  ne  sera  pas  de  besoiug,  puisque  j'en  suis  prou- 
veu  d'ailleurs, 

vostre,  etc. 
À  .Aix,  ce  17  noveinbre  i633'. 


LXVII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Enfin  M'  Chartres  nous  est  venu  voir  icy  depuis  le  passage  du  der- 
nier ordinaire  et  m'a  apporté  la  bague  d'or  oh  est  enchâssée  la  statera , 
qui  estoit  tout  ce  qui  restoit  de  ce  dont  vous  l'aviez  chargé,  car  de 
Marseille  il  m'avoit  envoyé  la  boitte  carrée  du  vase  de  chrystal  avec 
le  vase  de  bronze  et  le  libvre  des  familles  de  Pise,  dont  je  vous  accu- 
say  la  réception  par  ledict  courrier.  Il  m'a  depuis  accommodé  d'une 
graveure  en  vEmatite  dont  vous  m'aviez  parlé,  et  de  quelques  tailles 
doulces  et  livrets,  comme  il  est  leur  homme*  ^t  y  a  mesme  adjousté  de 

'  Les  Annales  de  Cafaro,  avec  les  conti-  il  ne  paraît  pas  venir  du  cabinet  de  Peiresc. 

niiatioiis.  ont  élé  publiées  dans  les -WoHwwenfa  (Communication  de  M.  Léopold  Delisle.) 
Qermaniœ  histoi^ica,   Scriptores,    t.  XVIII,  ^  Ces  deux  Pallavicino  n'ont  pas  (^t^  men- 

p.  1 1  et  suiv.  Il  y  a  à  la  Bibliothèque  natio-  tionnés  dans  le  Manuel  du  libraire. 
nalo,  fonds  latin,  n"  SSgg,  un  manuscrit  '  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de 

du  xv'  siècle  qui  contient  en  partie  les  chro-  Montpellier,  ms.  H  37 1 ,  fol.  1 28. 
niques  de  Cafaro  et  de  Georges  et  Jean  Stella  ;  *  C'est-à-dire  :  iV  en  est  grand  connaisseur. 


[1633J  À  CLAUDE  MENESTRIliH.  671 

cez  petits  pots  de  terre  antique  de  Malte  ou  de  Sicile,  et  de  cez  pierre» 
dont  on  faict  le  PetroHio',  mais  il  n'y  paroit  que  du  souflre,  et  en  voul- 
droys  bien  voir  quelque  morceau  de  celles  qui  prodiiysent  de  Tliuille. 
Sur  quoy  en  vous  réitérant  mes  humbles  remerciments  je  demeure, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aiï,  ce  I  décembre  i633  '. 


LXVIII 

À  MONSIEUR   DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Par  cest  ordinaire  j'ay  recen  deux  vostres  l'une  du  3'  et  l'aultre  du 
17*=  novembre;  par  la  première  m'escrivés  qu'il  vous  a  pieu  me  tant 
obliger  que  de  me  recommander  de  nouveau  à  l'eminentissime  car- 
dinal Barberin,  de  quoy  je  vous  ay  beaucoup  d'obligation  pour  tant  de 
fois  qu'il  vous  a  pieu  me  favoriser  par  toutes  celles  que  luy  avez  e»- 
cript.  Toutefois  me  pardonneras  et  ne  prandrés  de  mauvaise  part  si 
j'ose  vous  escrire  que  Monsieur  de  Vaison  me  dit  un  jour  que  Son  Em" 
n'avoit  à  plaisir  dos  si  fréquentes  recommandations.  Je  ne  sçay  s'il  le 
disoit  pour  le  subjcct  de  Monsieur  Holsteuius  ou  de  moy,  car  Son  Em*^* 
pour  ordinaire  luy  remet  en  main  les  vostres.  Jamais  je  n'avois  prins 
l'hardiesse  de  vous  le  faire  asçavoir.  Je  ne  sçay  de  quels  termes  user 
pour  vous  remercier  assez  le  désir  qu'avez  de  mon  avancement  de  quoy 
je  demeureray  éternellement  obligé.  Mais  pour  vous  dire  franchement 
je  croy  que  ne  ce  [sic)  sera  pas  de  ceste  saison  icy.  Car  quant  bien 
qu'il  y  vacqueroit  quelque  chose  du  pays  ce  ne  seroit  pas  pour  moy. 
Vous  sçavés  Tanné  passé  comme  j'en  ce  bon  heur  de  repasser  auprès 
de  vous  et  non  d'i  sesjourner  selon  que  mon  debvoir  m'y  obligeoil, 
atlandant  vos  commandements,  que  je  vous  fis  h  sçavoir  que  j'a  vois  laissé 

'  Pélrole.  —  '  Bibliotlièqiie  (le  l'École  de  mëdeciiie  de  M(mt|)eBier.  ms.  H  *7i,  fol.  ««*. 


672  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

toutes  mes  affaires  imperfaicles  au  pays  pour  repasser  en  diligence  à 
Rome  pour  solliciter  un  Prioré  lequel  estoit  vacqué  lors  que  j'estois 
par  delà  et  que  pour  en  donner  le  premier  l'advis  j'avois  envoyé  un 
courrier  à  Nancy  addressant  mes  leti'es  à  Monsieur  le  chevalier  dei 
Pozzo  lequel  de  sa  grâce  fit  incontinant  faire  une  suplique  et  un  mé- 
morial lequel  il  recommanda  à  Son  Em™;  il  eut  la  nouvelle  i5  jours 
avant  touts  aultres,  il  avoit  eu  la  parole  pendant  que  l'affaire  n'estoit 
divulgée,  à  mon  arrivée  un  certain  en  présenta  5o  ducats  de  pension 
lequel  il  emporta  et  2 5  ducats  furent  concédé  à  ce  mien  compatriot 
(duquel  je  vous  ay  parlé  aultres  fois)  et  les  aultres  26  à  un  aultre 
serviteur  et  moy  qu'estois  arrivé  à  temps  et  m'estois  mis  en  grand 
danger  je  n'eu  n'y  bénéfice  ny  pension.  Croyant  facilement  que  je  le 
pouvois  obtenir  pour  avoir  envoyé  exprès  et  de  plus  qu'il  n'y  avoit  que 
deux  mois  que  ce  mien  compatriot  avoit  eu  un  aultre  prioré  de  six 
cens  escus  d'or  au  pays  et  depuis  peu  en  a  obtenu  un  aultre  sans  les 
aultres  simples  bénéfices  de  sorte  qu'il  faut  que  je  m'arme  de  patiance; 
attandànt  il  vous  plaira  m'excusser  si  je  vous  ay  tant  entretenu  de  ce 
discours  sçachant  le  peu  d'espoir  que  j'ay  d'estre  pourveu. 

Je  suis  extrêmement  mary  de  ne  m'estre  pas  treuvé  à  Paris  lorsque 
l'on  a  vendu  de  si  beaux  cabinets.  Monsieur  Aubery  de  sa  grâce  m'en 
a  donné  advis;  si  j'ay  mancqué  ceux  îà  j'ay  aussi  mancqué  plusieurs 
bonnes  occasions  par  la  Lombardie  et  à  Mantoue  pour  les  despoulies 
de  ce  precieu  cabinet  des  ducs  de  Mantoue,  car  plusieurs  en  ont  faict 
venir  des  pièces  jusques  icy.  Mais  ceste  poursuite  de  prioré  me  fit 
rompre  le  dessein  que  j'avois  de  passer  de  Gennes  à  Milan  et  de  là  à 
Vérone  et  à  Venise.  Là  où  j'aurois  treuvé  des  merveilles  pour  la  grande 
mortalité  qu'il  y  a  régné  si  longtemps.  Monsieur  du  Buisson  et  aultres 
curieux  m'ont  aultresfois  faicts  des  recis  admirables  du  cabinet  du  duc 
de  Bavière  lequel  vous  m'escrivés  avoir  esté  exposé  au  pillage;  je  suis 
fort  merry  que  ma  fourtune  ne  me  permit  d'arriver  jusques  là. 

La  vostre  2"  m'a  levé  de  l'anxiété  dans  laquelle  j'estois  du  retarde- 
ment de  Mons"'  Chartres,  mais  Dieu  soit  loué  de  ce  qu'il  est  arrivé  sain 
et  sauve  et  qu'il  vous  a  mis  en  main  les  choses  desquelles  je  l'avois 


[1633J  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  673 

chargé ,  principalement  le  vase  de  chryslal ,  ayant  délivré  les  deux  voslres 
tant  au  sig'  Alessandre  Rondenini  qu'à  la  sig"  Felice  sa  consorlae, 
lesquclz  les  ont  receu  avec  grand  conlantement.  11  me  desplait  d'aultre 
costé  grandement  pour  vous  avoir  faict  si  longues  fesles  de  ce  vase  que 
j'appellois  sextaire  ne  soit  estre  ce  que  je  croyois.  La  forme  d'iceluy 
estant  du  tout  semblable  au  congius  m'y  avoit  faict  donner  ce  nom  là. 
Il  n'y  avoit  point  le  cul  au  fond  dudit  vase  lors  que  je  l'eii  et  le  premier 
possesseur  m'a  dit  ne  l'avoir  veu  aultrenient. 

Le  sculpteur  tient  tousjours  à  ma  réquisition  ce  mortier  de  granito, 
si  en  cas  il  n'en  treuve  un  aultre  plus  léger,  lequel  je  vous  envoyray 
par  l'occasion  de  la  première  barque  que  se  partira  avec  le  pislon,  l'es- 
cuellon  de  paste  jaune,  les  médailles  d'or  et  la  pierre  parsemmée  comme 
de  pailles  d'or.  Je  feray  aussi  diligence  de  faire  jetter  au  plus  tost  un 
petit  vase  après  l'antique  des  médailles  de  métal  corynthien  ne  s'en 
treuvant  comme  sçavés  que  soubz  l'Empire  d'Auguste,  Tibère,  Caius 
et  Glaudius  et  plus  bas  je  n'en  ay  jamais  veû  aulcune,  j'entend  celles 
qui  sont  comme  marbrées,  c'est  asçavoir  une  tache  jaune  et  une  rouge 
comme  cuivre  et  airain,  vulgairement  icy  tout  le  métal  icy  («»c)  on 
l'appelle  métal  Goryntbe  (c'est  à  sçavoir  l'antique)  qui  est  jaune  comme 
sont  plusieurs  médailles  et  les  portes  et  architraves  jadis  de  la  Ro- 
tonde. Il  y  a  environ  un  mois  que  j'escriis  [sic)  de  nouveau  à  mon 
oncle  le  prieur  de  m'envoyer  de  nouveau  des  greffes  de  reste  saulce 
et  le  supplie  de  vous  les  addresser  au  plus  tost  à  celle  lin  que  par  vostre 
diligence  Sou  Em"  en  puisse  avoir,  n'ayant  reprins  ceulx  qu'il  vous  a 
pleii  luy  envoyer. 

J'ay  donné  i\  Son  Em"  une  petite  lame  de  bronze  espoise  d'un  duca- 
ton  de  la  forme  et  grandeur  et  avec  l'Inscription  que  verres  icy  joincte  '. 
Je  ne  sçay  à  quoy  elle  auroit  peii  servir,  si  par  hazard  n'estoit  quel- 
ques  responces   comme   de  ces  sortes  prœnestinae.  Une  aultre  que 

'  La  copie  de  l'inscription  que  Menestrier  au  dos  de  la  lellre  de  son  com>spondaut  : 

avait  joiiile  h  sa  lettre  ne  se  trouve  pas  dans  irOracula    a-ri    incisa.   Q\'\\   PETIS    WS. 

le  manuscrit  ç^^Mi  ;  nuiis  le  texte  nous  en  a  TKMPVS  CO.NSILIVM  QVOU  UO(!AS  NON 

élé  conserve  par  Peiresc  qui  a  mis  cette  note  EST.  » 

T.  86 


674  '  LETTRES  DE  PEIRESG  [1633] 

j'avois  designé  il  y  a  quelque  temps  je  vous  l'ay  designé  la  première 
laquelle  est  du  tout  semblable  de  forme  et  grandeur.  J'en  ay  encore 
veu  une  aultre  de  mesme  façon  et  de  différente  inscription.  Les  vases 
de  terre  que  l'on  m'envoye  sont  par  mer.  Lorsque  je  les  auray  receu, 
si  je  juge  quelque  chose  de  vostre  goust,  je  ne  mancqueray  de  vous 
l'envoyer  et  tout  ce  que  je  pourray  recouvrer  ou  sçavoir  que  vous  puis 
estre  aggreable,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  très  obligé  serviteur, 
Claude  Mexetrie. 
A  Rome,  ce  17  décembre  i633'. 


LXIX 
A   MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BEZANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
Je  viens  de  recevoir  de  Lyon  vostre  despesche  du  ig"*  du  passé, 
trop  tard  pour  vous  respondre  par  l'ordinaire  de  Gènes,  par  qui  l'ex- 
pédition fut  faicte  dez  avant  hier.  Mais  je  viens  d'apprendre  qu'il  passe 
un  extraordinaire  par  lequel  j'ay  esté  bien  aise  de  vous  pouvoir  accuser 
la  réception  de  vostre  lettre,  et  vous  faire  un  peu  de  reproche  le  plus 
modestement  neantmoings  que  je  puis  de  ce  que  vous  ne  m'avez  nommé 
celuy  à  qui  vous  avez  consigné  la  boitte  dont  vous  me  parlez.  Car  il 
y  a  plus  de  huict  jours  que  le  train  de  M"'  de  Grequy  fut  desbarqué  à 
S'  Troppez,  et  qu'il  est  desja  presque  tout  passé,  ayant  receu  par  deux 
diverses  personnes  deux  pacquets  tant  de  M""  de  Fontenay  Bouchard, 
que  de  M'  Despiots  qui  m'a  envoyé  des  cordes  de  Luct  par  un  neveu 
de  M''  de  Gastines,  qui  eust  esté  bien  aise  de  se  charger  de  tout  ce 

'  Bibliothèque  nationale,  fonds  français,  gô/ii,  fol.  908. 


[1633J  À  CLAUDE  MENESTRIER.  675 

que  vous  eussiez  voulu,  et  de  tout  ce  que  vous  eussiez  remis  à  M'  Des- 
piots,  et  n'auroit  pas  laissé  en  arrière  l'escuellon  de  paste  jaulne  et 
vous  eust  deschaigé  du  soinjj  de  chercher  d'autres  comraoditez.  J'avoys 
apprins  par  ledict  sieur  de  Gastines,  à  l'arrivée  de  son  neveu,  qu'il 
avoit  receu  vostre  récépissé  des  i  o  escus  et  apprins  de  M'  Despiots  le 
payement  des  8  escus  d'autre  part.  Ce  qui  me  fesoit  juger  qu'il  y  avoit 
quelque  fagot  en  chemin  sur  cette  galère  où  vous  pourriez  avoir  ad- 
jousté  quelque  chose  pour  moy.  Mais  voyant  que  tout  ce  monde  estoil 
passé  si  longtemps  y  a,  j'avoys  perdu  espérance  qu'il  y  eust  plus  rien 
pour  moy.  Et  crains  bien  que  tout  cela  n'ayt  eu  de  mauvaises  adresses, 
car  cez  sortes  de  gents  se  trouvents  desbarquez  si  loing  de  Marseille, 
et  possible  en  peine  de  voitture,  se  trouvant  bien  empeschez  et  impor- 
tunez de  telles  commissions  et  fagots,  et  sont  parfoys  constraincts  de 
les  confier  à  des  gents  (jui  ne  s'en  acquittent  guieres  bien,  et  vous  eus- 
siez esté  descliargé  de  tout  cela,  si  vous  eussiez  remis  vostre  boitte  à 
M"^  Despiots,  ensemble  l'escuellon  de  pasto  jaulne,  dans  une  autre 
boitte  à  part  bien  conditionnée  avec  du  cotton,  suyvant  la  prière  que 
je  vous  en  avois  faicte,  car  M'  Despiots  ne  laisse  gueres  eschapper  de 
commoditez  d'escrire  et  envoyer  à  M""  de  Gastines  tout  ce  (ju'il  veult, 
et  par  des  mariniers  gents  de  leur  commune  cognoissance,  qui  pour 
rien  ne  vouidroient  avoir  failly  de  les  rendre  fidellement.  C'est  pour 
quoy  je  vous  supplie  de  remettre  ledict  escuellon  audict  sieur  Despiots 
dans  une  boitte  bien  forte,  sans  y  rien  mesler  qui  la  peusse  casser  ou 
gasler.  Et  si  pouvez  y  joindre  la  patere  de  bronze  dont  vous  me  parlez 
qui  a  des  lettres  Etrusques,  je  n'y  plaindray  pas  les  six  escus,  si  tant 
est  que  vous  la  jugiez  antique  asseurement,  et  qu'elle  soit  honneste- 
ment  bien  conservée.  Mais  il  la  fauldroit  mettre  en  une  boitte  ou  estage 
de  cassette  à  part  de  l'autre  de  verre  de  peur  que  l'une  ne  rompe 
l'autre  et  le  tout  acconunodé  proprement  avec  du  cotton  et  vous  en 
descharger  sur  M""  Despiots,  qui  me  l'envoyera  soubs  les  adresses  de 
M'  de  Gastines  par  des  barques  Marseilloises  qui  vont  maintenant  en 
mer  avec  du  vin  et  ne  seront  pas  si  tost  expédiées  que  vous  ne  puissiez 
avoir  receu  mes  lettres  présentes. 

«5. 


67G  LETTRES  DE  PEIRESC  [1633] 

Quant  aux  médailles  d'or,  j'ay  bien  du  regret  qu'on  y  ayt  voulu  ei- 
i'acer  l'inscription  de  ROMA,  mais  pourtant  encorcs  les  aymeray  je 
mieux  ainsin  que  de  ne  les  avoir  pas.  C'est  pourquoy  ne  faittes  pas  de 
difficulté  de  les  prendre,  ensemble  toutes  celles  tant  d'or  que  d'argent 
ou  autre  metail,  des  consulaires,  que  vous  rencontrerez  n'avoir  esté 
dépeintes  au  libvre  des  familles  de  Fulvius  Ursinus,  mais  pour  l'hon- 
neur de  Dieu,  en  les  prenant  envoyez  les  à  M'  Despiots  et  tout  le  reste 
que  prendrez  pour  moy,  afin  de  ne  me  laisser  en  ce  desplaisir  des 
commoditez  qui  vous  eschappent  de  me  les  envoyer,  lesquelles  ne  luy 
eschapperont  pas  à  luy.  Et  quand  vous  eussiez  ramassé  quelques  frag- 
mentz  quoyque  rompus  des  ornements  d'ivoyre  dont  estoit  enrichy  le 
coffre  où  vous  dictes  avoir  prins  la  serreure  et  des  clouds,  vous  n'eus- 
siez que  bien  faict  pour  me  faire  voir  que  c'estoit. 

.T'escriray  demain  à  Marseille  pour  faire  demander  à  touts  les  ma- 
telofzs  qui  ont  apporté  le  train  de  M""  de  Grequy  de  S'  Tropez  à  Mar- 
seille, s'ils  ont  une  boitte,  et  s'il  est  demeuré  personne  en  arrière, 
espérant  qu'elle  se  retrouvera  quelque  jour  et  vous  suppliant  d'excuser 
ma  liberté  et  me  tenir  tousjours. 

Monsieur, 

pour  vostre ,  etc. 
A  Aix,  ce  17  décembre  i633  '. 


LXX 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 

Je  suis  esté  fort  aise  d'apprendre  par  la  vostre  dernière  qu'avés 

receu  la  boette  que  vous  porta  maistrc  Jehan  le  Tailleur  et  suis  marri 

d'aultre  costé  que  n'avés  eu  telle  satisfaction  que  je  desirois  de  la  lampe 

de  bronze,  voyant  que  faites  quelque  reflexion  sur  les  cliaisnons  à  quoy 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  97 1 ,  fol.  1  l'è. 


[1G3/)]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  677 

elle  est  pendue.  J'acliepla  des  Gontadins  laditte  lampe  en  la  mesme 
forme  que  1  avcîs  receue  ormis  le  crochet  à  quoy  elle  estoit  suspendue, 
lequel  se  rompit.  Et  les  chaisnons  estant  touls  pleins  de  roullie  ne 
pouvoint  joiier  ny  se  manier,  mais  je  deflis  toute  la  roullie  qu'em- 
peschoit  leurs  fonctions.  J'ay  un  aultre  crochet  du  tout  semblable  à 
celuy  qu'est  rompus;  si  le  désirés  je  vous  l'envoiray.  Quant  à  ce  qu'est 
de  la  matière  bilhuniineuse  (ju'esloit  dedans,  je  tiens  asseuremfut  qu'il 
n'en  est  point  rost«3  dans  icelle,  car  estant  matière  secque  et  aride, 
elle  n'esloit  attaché  au  métal  ains  batloil  en  icelle  et  j'eù  la  curiosité 
de  la  tirer  toute  hors  d'icelle.  Je  vous  en  fairay  tenir  d'aullres  pièces 
que  me  sont  demeurées.  Pour  les  bouches  (que  m'escrivés)  des  lu- 
A  mignons,  je  n'en  ay  jamais  veu  qui  usf  des  covercles,  mais 

i  bien  souvent  le  trou  par  lequel  on  meltoit  Ihuile  lesquels 

Ç^  esloint  attachés  par  le  haull  avec  un  chaisnon  de  la  forme 

que  verres  icy  en  la  mar^je;  j'en  ay  un  entre  aultre  sur 
lequel  il  y  a  un  oyseau.  En  toutes  les  lampes  que  j'ay  veii 
jusques  à  prcsanl  j'ay  tousjours  observé  que  les  chaisnons 
estoint  fort  grossiers.  Ayant  appriiis  par  la  vostre  que  le  morceau  de 
ferrure  vous  avoit  esté  quelquement  à  cher  et  que  desiriés  s'il  estoit 
possible  d'avoir  les  doux  enrichis  de  teste  de  femmes,  j'ay  faict  en  sorte 
que  je  les  ay  retiré  de  la  main  d'un  curieux  ({ui  h\s  avoit  avec  un  petit 
quarré  d'une  des  pièces  d'yvoire  de  quoy  le  rollVe  estoit  orné,  dans 
lequel  il  y  a  gravé  une  figure  d'une  femme  de  relief  et  un  petit  enfant 
encore  qu'ilz  ne  soint  point  de  tropt  bonne  manière.  Les  Gontadins  ont 
un  vice  entre  eux  que  lorsqu'ils  trouvent  quelques  choses  en  foucyanl 
la  terre  ils  ne  le  révèlent  jamais  aux  compagnons  qui  travaillent  en 
leurs  compagnies  de  peur  que  les  aultres  n'en  veullenl  leurs  parts 
comme  est  l'ordinaire.  Et  lorsqu'ils  treuvent  quelques  choses  de  com- 
pagnie ils  le  partagent  entre  eux;  aulcuns  d'iceux  le  vendent  à  la  pnv 
miere  occasion  et  d'aultres  font  amas  de  plusieurs  choses  pour  vendre 
tout  ensemble  ce  qu'ils  ont  treuvé  en  deux  ou  trois  mois.  J'ai  fairl 
toute  la  diligence  que  m'a  esté  possible  pour  retreuver  les  aultres  pièces 
dudit  coflVe  et  n'ay  sceu  descouvrir  qui  les  aura  eu,  car  les  paysans 


678  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

vendent  par  les  places  à  divers  rechercheurs  qui  font  la  recherche 
auprès  de  ces  paysans  lesquels  ne  les  recognoissent  plus,  et  puis  les 
vont  distribuant  aux  curieux. 

J'ay  prins  la  patere  avec  les  letres  étrusques,  n'estant  point  un  es- 
cuelion  ains  comme  une  patere  laquelle  n'est  pas  beaucoupt  fondé  seu- 
lement de  la  concavité  de  l'espesseur  d'un  demy  doigt  ayant  un  manche 
ouvragé  long  demy  palme;  au  milieu  d'icellc  il  y  a  gravé  un  grand  cheval 
ayant  devant  iceluy  une  figure  niie  affoiblée  d'un  manteau  lequel 
semble  luy  vouloir  donner  d'une  pierre,  et  à  costé  une  aultre  figure 
vestue  avec  un  bonnet  phrygien  luy  menace  d'un  marteau.  Ledit  cheval 
est  attaché  contre  un  rocher  par  le  pied  droit  et  par  le  gauche  dernier 
à  une  aultre  en  pasture;  les  characteres  sont  semblables  2HIX/0.  Sur  la 
leste  de  celuy  qu'a  le  marteau  il  y  a  escript  EXflAK  et  sur  l'aultre  figure 
13033 MaOdAHZ.  Il  y  a  puis  alentour  un  chappeau  de  fleur  et  en  bas 
une  victoire.  Le  sig'  Frac"  Angeloni  en  a  une  quasi  semblable  et  dans 
icelle  il  y  a  gravé  Paris  avec  son  bonnet  phrygien  et  letres  AAEXANDROS. 
Je  prandray  la  graveure  avec  les  letres  AlAOT  et  tacheray  s'il  y  a 
moyen  d'en  lever  quelque  chose  des  six  escus  et  parleray  à  ce  banc- 
quier  lequel  s'appelle  il  banque  de  Ceri.  Je  ne  sçay  pas  son  propre 
nom  et  ne  luy  ay  peu  encore  parlé  n'ayant  que  deux  jours  que  j'ay  receu 
la  vostre  estant  Monsieur  de  Bonnaire  hors  de  la  ville.  Je  croy  que  je 
pouray  retirer  des  mains  du  sig"^  Fran'=°  Frachino  la  médaille  d'Hadrian 
avec  le  tripied  ja  que  je  cognois  par  la  vue  qu'en  recevrés  grand  plai- 
,sir.  Iceluy  se  délectant  sur  tout  de  médailles  fort  conservées  et  verdes. 
A  cest  effect  j'achepta  hier  pour  un  escus  une  médaille  d'Hadrian  avec 
une  restitution  le  plus  beau  qui  se  puis  veoir,  car  pour  argent  il  ne  la 
donneroit  nullement.  J'ay  veii  la  letre  qu'avez  escript  au  sig*^  Gavai"" 
del  Pozzo  touchant  le  mesurage  des  vases  du  sig""  Angeloni.  Je  me  treuva 
presant  lors  que  son  frère  les  mesura.  La  demye  fogliette  arrivée  jus- 
tement au  signe  jaune  d'en  hault  lequel  est  faict  par  un  olficier  du 
Campidoglio  lequel  seul  a  ceste  authorité  de  la  chambre  et  le  con- 
tenus doibt  arriver  jusques  au  dessus  de  la  marque  jaune;  les  vases 
fureiit  mesuré  avec  ladite  demye  foghette  et  leur  arriva  tousjours  an 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIKH.  679 

la  superficie  ou  bourd  d'eu  liault  d'une  marque  jaune,  et  puis  ce  que 
contenoint  de  plus  lesdits  vases  est  noté  par  les  nombres  qui  sont  au 
bas  de  ladite  deniye  fogliette  commençant  à  la  raye  d'en  liault  mar- 
quée A  et  ainsy  consequtivenient.  Mons"  de  Bonnaire  c'est  voulu 
charger  de  la  letre  du  sig'  Lud'"  Compagno  lequel,  k  ce  que  j'ay  ap- 
prins,  est  dès  il  y  a  quelques  jours  détenus  dans  le  lict  de  la  podagre. 
Je  le  verray  au  plus  tost  qu'il  me  sera  possible.  Je  donna  il  y  a  en- 
viron un  mois  voz  Ictres  à  la  signo™  Felice  par  lesquelles  accusiés 
le  vase  de  chryslal  lesquelles  elle  receut  volontiers.  Il  y  a  environ 
dix  jours  que  le  card'  Boncompagno  est  arrivé  en  cest  court,  mais  le 
malheur  est  qu'il  n'a  apporté  avec  soy  aulcunes  de  ces  curiosités,  dési- 
rant de  s'en  retourner  bien  tost  à  Naples.  Faissant  ces  jours  passez  une 
reveue  dos  mcdalles  du  sig'  Piètre  Stcplianoni,  je  (reuva  parmy  icelles 
quatres  médailles  de  bronze  avec  des  trépieds  conservés  et  qualres 
aultres  avec  des  deités  Aegyptianes,  lesquelles  je  luy  paya  a  jules  pièces. 
Je  vous  les  envoyray  par  la  première  barque  qui  se  partira  et  con- 
signeray  la  cassette  bien  accommodé  au  sieur  Guillaume  d'Espiot.  J'ay 
escript  à  mon  oncle  le  prieur  de  vous  renvoyer  au  plus  tôt  des  greffes 
de  saulces  à  cause  que  Monseg'  le  card'  Barberin  me  les  demande 
souvante  fois.  J'ay  poursuyvis  ces  quinze  jours  passez  une  chapelle  de 
la  valeur  de  hoo  livres  de  mon  pays  et  nonobstant  ce  mien  compatriot 
qu'est  aUvSsy  au  service  de  Son  Emin'^'^  l'a  empourlo.  Je  la  demanda  avec 
toute  instance  à  Son  Emin'^%  luy  disant  que  moy  seul  entre  touts  les 
compatriots  depensoits  ^  ou  5oo  escus  de  mon  patrimoine  et  que  touts 
les  aultres  estoint  mercenaires  en  cest  court,  et  que  je  le  suppliois  de 
me  donner  quelque  chose  pour  pouvoir  maintenir  le  cabinet  de  curio- 
sités que  j'avois  dressé  à  Rome  là  où  venoint  touts  les  jours  des  cardi- 
naux et  segneurs  curieux.  Il  ne  mo  repondit  aultrc  si  je  Pavois  montré 
à  des  Anglois  (ju'il  m'avoit  envoyé,  luy  disant  que  je  [l'avois]  faict,  il  me 
dit  que  je  luy  donne  le  nom  de  touls  les  curieux  de  Home  et  ne  me  ' . . . 

'  I-e  reste  inanq\ie.  Goiiime  la  date  fai-  rlierché  h  l'en  raiipnH;licr  le  plus  possible, 
sait  partie  de  ce  reste,  je  n'ai  pu  sûre-  l'attribuaul  aux  pivmiers  jours  de  lannAî 
ment  placer  celte  lettre  îi  son  rang;  j'ai         i63'i. 


680  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

J'ay  achepté  une  petite  inscription  de  marbre  assez  curieuse  à  cause 
du  nom  Pansariorum  de  laquelle  je  vous  envoyé  la  copie  '. 

J'ay  achepté  une  plaque  ronde  de  bronze  grande  comme  une  pa- 
tène, ayant  deux  bords  qu'avancent  de  l'espesseur  d'un  ducaton  tant 
d'un  costé  que  d'aultre,  enrycliie  de  moullure  et  ornement  tant  d'un 
costé  que  d'aultre  et  ornée  encore  tout  alentour  ayant  un  morceau 
d'une  cbesiie  attaché  par  laquelle  elle  a  esté  aultrefois  suspendue.  Je 
ne  sçay  si  ce  seroit  point  de  celles  que  les  anciains  dedioint  aux  temples, 
ou  bien  si  elle  aura  point  servi  de  base  aux  vases  que  l'on  mettoit  sur 
la  table,  comme  l'on  use  encore  à  presant  en  Italie,  desquelles  parle 
Trebat^  Jure  cons.  de  Légal,  lib.  5.  Je  vous  l'envoiray  avec  le  reste. 


LXXI 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUR  DE  L'EMINEMISSIME  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 
Monsieur, 

J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  par  vostre  lettre  du  17  décembre 

que  la  Senora  Donna  Felice  et  Monsieur  Rondenini,  son  cher  marry, 

ayent  tesmoigné  quelque  satisfaction  de  mes  lettres;  si  vous  me  faisiez 

cognoistre  à  peu  prez  en  quoy  je  pourroys  rencontrer  leur  curiosité,  je 

tascheroys  de  m'acquitter  un  peu  mieux  de  mon  debvoir  en  leur  en- 

droict.  Et  vous  supplie  d'y  veiller  et  m'en  tenir  adverty.  J'entends  que 

'  Voici  cette  iascription  qui  est  repro-  On  trouve  au  fol.  21  3. un  dessin  au-des- 

duile  au  fol.  212  :  sous  duquel  on  lit  :  «Grandeur  et  forme  du 

PRO  SALVTE  DOMVS  AVGVSTAE  ^"^""'^  d'y  voire  »,  et  un  autre  dessin  sous  le- 

EX  CORPORE  :  PAVSARIORVM  :  ET  ^""1  On  lit  :  -rFigure  d'un  des  II  doux.  » 

ARGENTARIORVM  :  ISIDI  ET  '  C'est  Trebalius  Testa,  jurisconsulle  ro- 

OSIRI  :  MANSIONEM  main,  né  en  Lucanie  vers  89  avant  J.-C, 

AEDIFICAMVS  ami  de  Cicéron,  qui  lui  adressa  plusieurs 

fc"^  lettres,  et  d'Horace,  qui  lui  de'dia  la  pre- 
mière satire  de  son  livre  II. 


ft634J  À  CLAUDE  MENESTRfER.  681 

vous  aurez  luaiiiLoiiaiil  afforcc  barques  de  Marlijjues  et  de  Marseille, 
qui  me  pounout  apporter,  si  vous  voulez,  et  le  petit  escuellon  de  verre 
jaulnc,  et  les  vases  de  terre  de  Naples,  et  le  mortier  mesmes  pour  gros 
qu'il  soit.  Aussy  bien  que  le  vase  moderne  jette  sur  quel((ue  antique 
de  metail  de  Corintlie  damasquiné,  ou  ondoyé  de  Jaulne  et  de  rou- 
geastre,  duquel  je  ne  sçay  si  je  n'en  ay  point  veu  quelque  médaille  de 
Claudius  véritablement,  mais  restituée  par  Tite,  et  possible  (pielqu'uiie 
de  Tite  mesmes;  ce  ([uc  je  ne  vouidrois  pourtant  pas  asseurer  si  opi- 
niaslremont,  comme  d'une  d'Hadrian  que  j'ay,  mais  elle  est  grecque. 
Je  ne  seray  plus  en  peine  du  fonds  extérieur  de  ce  petit  vase  de  bronze 
que  vous  aviez  nommé  sextaire,  puisqu'il  a  esté  trouvé  en  Testai  que 
je  l'ay  receu.  Mais  comme  il  s'en  trouve  fort  souvent  de  séparez 
d'autres  vases  fracassez,  je  vous  prie  de  m'en  garder  toutaullant  que 
vous  en  rencontrerez,  de  quelque  {jrandeur  qu'ils  puissent  estre,  car 
dans  le  nombre  de  vases  que  je  me  trouve  à  présent,  plusieurs  des- 
quels ont  perdu  leur  fonds  extérieur,  j'en  pourroys  rencontrer  quel- 
qu'uii  proj)re  à  refoncer  de  ceux  que  j'ay  (comme  il  m'est  desja  ad- 
venu) beaucoup  plus  proprement  qu'avec  des  fonds  modernes.  Kl  si 
bien  vostre  vaze  n'est  pas  le  vray  sextaire  du  Congius  de  x  libvres,  je  ne 
laisray  pas  de  m'en  servir  Dieu  aydant  et  de  vous  en  sçavoir  tout  aul- 
tant  de  bon  gré  que  si  c'eust  esté  ce  que  vous  et  moy  desirons,  ipii 
sortira  quelque  jour  de  quelque  autre  costé,  s'il  plaict  à  Dieu.  Mais 
vous  m'avez  faid  un  singulier  plaisir  de  m'envoyer  les  inscriptions  de 
cez  troys  petites  plaques  de  bronze.  Et  si  m'eussiez  retenu  une  em- 
preinte de  celle  qui  est  fraischement  passée  par  voz  mains,  vous  m'eus- 
siez obligé  au  double.  Car  encores  que  je  ne  doubte  pas  que  vous  n'ayei 
bien  imité  la  forme  du  caractère,  ce  m'eust  esté  une  bien  meilleure 
garentic  en  main,  si  j'en  eusse  peu  monstrer  l'empreinte,  pour  peu 
que  l'escritlure  y  eusse  peu  paroislre.  Car  je  ne  l'oseroys  pas  demander 
à  l'eminentissime  cardinal  Barberin  depuis  qu'il  n'a  pas  trouvé  bon 
que  je  lui  renvoyasse  son  petit  vase  d'alabastre  que  je  garde  certaine- 
ment avec  grand  honneur,  comme  chose  veniie  de  si  bonne  raaiu,  et 
grandement  curieuse  à  mon  gré,  mais  avec  grand  regret  aussy  d'avoir 

«6 


682  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634J 

esté  cause  qu'il  soit  sorty  de  son  cabinet.  Que  si  les  autres  deux  dont 
vous  m'envoyez  les  inscriptions  estoient  en  main  de  persones  qui  m'en 
voulussent  accomoder  des  empreintes,  je  le  recevroys  à  singulière 
faveur,  et  si  vous  en  rencontriez  jamais  quelqu'une  à  vendre  ou  à  tro- 
quer, vous  m'obligeriez  bien  de  me  la  procurer,  approuvant  fort  vostre 
conjecture  et  la  pluralité  de  choses  semblables  y  ayde  grandement, 
vous  priant  de  ne  rien  négliger  de  toutes  cez  pièces  extravagantes. 

Mesmessi  vous  rencontriez  de  cez  petits  bastons  quarrez  tant  d'ivoyre 
que  de  metail  sur  lesquels  sont  communément  gravées  diverses  pa- 
roles, je  vous  prie  de  m'en  faire  avoir  tant  que  vous  pourrez.  Voire 
mesmes  de  cez  clouds  de  bronze  qui  sontauicune  foys  chargez  d'escrit- 
ture,  et  aulcunes  foys  de  figures  d'hommes  et  d'animaulx,  et  d'autres 
ornements  et  enrichissements  cappables  de  me  fournir  de  la  matière 
de  discourir.  Ayant  autres  foys  négligé  d'en  acquérir  un  que  je  vis  à 
Padoiie  ez  mains  de  feu  sieur  Sylvio  Doni,  que  je  n'eusse  pas  laissé 
eschapper  si  j'eusse  lors  creu  qu'il  me  peusse  servir  comme  il  feroit 
maintenant,  si  je  l'avoys,  car  encores  que  j'en  aye  plusieurs,  ils  ne  sont 
pas  chargez  de  besoigne  si  curieuse  comme  estoit  celuy  là,  sur  lequel  on 
avoit  gravé  une  vingtaine  de  figures  fort  mystérieuses.  Les  curieux  de 
medaglias  négligent  le  plus  souvent  toutes  cez  pièces  si  extravagantes 
et  si  inutiles  à  leurs  suittes,  et  moy  au  contraire  comme  vous  sçavez 
je  m'y  amuse  quasi  plus  volontiers  qu'aux  médailles.  Si  M'  vostre  oncle 
m'envoye  voz  greiïes,  je  les  pourray  faire  tenir  pins  commodément 
que  l'année  passée  Dieu  aydant,  parce  que  les  courriers  de  Lyon  ne 
font  plus  difficulté  de  se  charger  de  mes  despesches  tant  au  retour  qu'à 
l'aller.  Et  vont  plus  diligemment  et  plus  règlement  qu'ils  ne  souloient 
faire.  J'ay  oublié  de  demander  à  mon  frère  si  celles  que  nous  avons  faict 
anter  à  Boysgency  ont  bien  reprins  ou  non,  car  il  en  est  reveim  depuis 
peu,  et  n'est  pas  maintenant  à  la  ville,  me  doubtant  que  ce  soit  un 
arbre  que  nous  avons  là,  d'ailleurs,  auquel  cas  il  vous  seroit  bien  plus 
commode  et  plus  asseuré  de  ne  les  prendre  pas  plus  loing  que  d'icy, 
mais  il  en  faut  estre  esclaircy  au  préalable.  J'en  escriray  à  noz  gentz 
de  Boysgency.  Et  vous  asseure  que  j'ay  esté  bien  fasché  d'apprendre 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  683 

le  mauvais  succez  de  vostre  [)Oursuitte  pour  le  [)rioré  de  voz  cartieis, 
et  que  n'ayiez  rien  obtenu  sur  tant  de  nouvelles  vacances,  vous  exhor- 
tant neantmoinys  tant  que  je  puis  à  la  paliance.  Car  j'ay  ouy  dire  que 
Rome  ne  fui  jamais  si  ingrate,  que  tost  ou  tard  elle  ne  donnast  quel- 
que chose  à  toiils  ceux  ([«i  pouvoicnl  attendre  leur  temps  et  les  bonnes 
heures.  Cependant  je  feray  mon  prollil  de  l'advis  dont  je  vous  remercie 
et  demeure, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  la  janvier  t63â. 

Nous  avons  veu  icy  le  sieur  Huffe,  fils  d'un  apoticaire  de  Bedarrides 
lez  Avignon',  <jui  nous  a  laissé  de  ses  Essences,  Baulmes  et  Pouidres 
fort  suaves.  Il  dict  qu'il  a  faict  l'eau  de  Jassemin  trez  odorante,  et  m'en 
a  promis. 

Vous  ne  m'avez  rien  mandé  de  cez  caveaulx  descouverls  à  Pozzo 
Pantaleone,  enrichiz  de  slucco  et  de  couleurs  rouge  et  bleue,  où  il 
y  avoit,  ce  dict  on,  200  pots  de  terre  pleins  de  cendres  et  quelques 
corps  morts,  avec  une  infinité  d'ii»scriptions  qui  eussent  esté  bien  bonnes 
à  avoir  par  escript,  pour  en  examiner  le  rapport  des  uns  aux  autres 
pour  la  parenté  ou  alliance  qui  pouvoit  estre  entre  toutes  les  personnes 
qui  y  avoienl  leur  sépulture,  ou  leurs  esclaves.  Dict-on  qu'il  y  avoit 
afforce  larmoirs  qui  eussent  esté  bons  à  conter,  et  en  examiner  la 
disposition  si  elle  estoit  uniforme  et  de  mesme  nombre  en  chasque 
Loculus,  ou  en  chasque  trou  ou  Niche,  dans  quoy  estoient  logez  cez 
vases,  ou  accouplez  ou  uniques.  Et  s'ils  estoient  louts  droicts,  ou  ren- 
versez. J'eusse  bien  volontiers  recouvré  quelque  morceau  de  ce  slucco, 
des  figures  ou  enrichissements  de  feuillages  ou  de  moulleures  d'Archi- 
tecture qui  y  pouvoient  estre  avec  cette  peinture  bleue  ou  rouge,  dont 
j'eusse  faicl  mon  prollil.  Il  en  faudroit  faire  une  bonne  relation  bien 
exacte.  M'  de  Bonnaire  a  esté  sur  les  lieux  '-'. 

'  Bi^dnirides,  chef-lieu  de  canton  du  dt'parlement  de  \aucluse.  est  Ji  i5  kilonièUv>  d'Au- 
gnon,  iiu  coTilluent  de  l'Ouvèzo  cl  d'une  branche  de  la  Sorgue. —  '  Bibliolhù<|ue  de  l'bcole 
de  niddecine  de  Montpellier,  ms.  H  ayi,  fol.  t38. 

8fi. 


684  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 


LXXII 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Par  ceste  ordinaire  passé  je  n'ay  point  apprins  que  personne  aye 
receu  des  vostres;  je  tiens  d'ors  en  avant  que  les  aurons  avec  plus  de 
dilficulté  à  cause  que  les  courriers  ne  passeront  plus  vers  vous,  car  ils 
reprendront  leurs  chemins  ordinaires.  Est  arrivé  à  Ripa  Grande  une 
barche  de  Martègue^  laquelle  a  apporté  du  vin  pour  Son  Eniin".  J'ay 
desja  faict  faire  la  caise  propre  pour  vous  envoyer  desegnant  de  s'en 
retourner  en  bref.  Depuis  les  curiosités  que  je  vous  ay  donné  advis 
j'ay  allafin  receus  deux  beau  vases  de  Naples,  lesquels  sont  de  la  forme 
et  grandeur  du  plus  grand  qu'a  le  sig'  Angeloni,  ayant  chascun  deux 
anses.  Ils  sont  de  terre  fort  espes  avec  la  vernis  noire  et  historié  tout 
autours  avec  des  figures  quasi  d'un  palme  d'auteur,  le  champ  estant  de 
la  couleur  de  la  terre  jaunastre  et  la  vernis  noire.  Le  seg""  Pasqualino 
en  avoit  de  semblable  quasi  lesquelz  sont  venus  en  main  de  Mon- 
seg''  le  card'  Patr".  La  sepmaine  passé  estant  député  du  card'  Ginetli 
vicaire  du  Pape,  pour  aller  lire  des  inscriptions  qu'estoint  sur  des  corps 
de  martyres  dans  le  cemetyere  de  S^"  Lucina  proche  S.  Paul,  je  vis  en 
plusieurs  lieux  que  les  fidelles  de  la  primitive  Eglise  usoint  fort  de 
mettre  des  lampes  auprès  des  corps  des  saints;  nous  treuvasmes  entre 
aultre  un  lieu  là  où  estoit  gravé  dans  la  chaux  qui  serroit  l'ouverture 
d'un  trou  dans  lequel  estoit  le  corps  d'une  sainte,  le  P  et  puis  LN  GOND. 
IVSTINA  POSITA"  si  mal  escript  que  demeurasmes  un  bon  quart 
d'heure  avant  que  de  pouvoir  déchiffrer  ladite  inscription.  Vu  milieu 
estoit  attaché  une  lampe  de  terre  sur  laquelle  il  y  avoit  relevé  le  chan- 
delier du  temple  de  Salamon  [sic).  J'en  vis  une  aultre  sans  aulcun  sym- 
bole au  dessus  de  laquelle  il  y  avoit  une  petite  clochette  de  cuivre  at- 
taché dans  le  touffe  (?).  Nous  treuv&smes  un  aultre  corps  saint  au  dessus 

'   Une  barque  de  Martiffues.  On  a  presque  besoin  do  fraduire  le  langage  de  Meneslrier. 


[idU]  À  CLAUDE  MENKSTHIKH.  685 

duquel  y  avoit  gra\6,  une  palme  et  ABVNDIVS,  il  y  en  avoit  puis  les 
Centinaires  (?),  sans  aultre  si{;ne  que  le  P.  J'heu  un  grand  contante- 
nient  de  veoir  ces  saints  lieux  que  l'on  avoit  descouverts  un  peu  au- 
paravant estants  touts  remplis  de  terre. 

Le  sig""  Alessandro  Rondonini  et  la  signo"  Felice  vous  saluent  et 
m'ont  prio  de  vous  escrire  si  auriez  point  aulcune  notice  d'une  co- 
lonne grande  que  l'on  dit  estre  en  France  de  marbre  blanc  et  noir  an- 
tique, car  iceulx  auroint  à  cher  de  le  sçavoir.  On  leurs  a  aussi  dit 
que  l'on  treuve  en  Languedoc  dudit  marbre  blanc  et  noir  fort  beau; 
ilz  désirent  faire  une  chapelle  pour  leur  famille  et  n'ont  de  besoing  que 
de  marbre  blanc  et  noir.  L'on  en  treuve  en  quantité  auprès  de  Luc, 
mais  il  n'est  beau.  Attendant  le  depart[ement?]  de  la  barque,  je  me 
dis  à  jamais. 

Monsieur, 

vostre  très  humble  et  très  obligé  serviteur. 

Claude  Menetrie. 
Rome,  ce  i"  febvrier  i634. 


Lxxm 

À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUR   DE  L'EMIINENTISSIME   SEIGNEUR  CARDINAL  BARRERLy. 

À  ROME. 

Monsieur, 
Sur  vostre  lettre  du  i  ^"*  du  passé  je  vous  diray  que  par  le  patron 
Faulconier  de  Marseille  fraischement  revenu  de  Rome,  je  receus  der- 
nièrement une  boitte  de  M'  de  Bonnaire,  où  je  pensoys  trouver  vostre 
escucllon  de  verre  jaulne,  mais  au  lieu  d'iceluy,  j'y  trouvay  un  simple 
larmoir  do  verre  avec  un  plat  de  terre  percé,  dont  je  demeuray  bien 
mortifié;  si  vous  eussiez  baillé  dez  loi*8  vostre  dict  escuellon  el  palere 
étrusque  à  M""  Despiols,  nous  l'aurions  ja  receu  et  vous  en  pourrions 
dire  nostre  advis.  Mais  puisque  M'  Despiols  vous  a  dict  qu'il  y  avoit 


686  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

eiicores  des  barques  Françoises  à  Ripa  Grande,  nous  ne  sommes  pas 
hors  d'espérance  de  voir  bientost  le  tout.  Et  si  vous  y  vouliez  adjouster 
cez  escuellons  de  balance  antiques,  vous  nous  obligeriez  bien,  et  pos- 
sible y  trouverions  nous  quelque  usage  de  plus  que  ce  que  vous  en 
pouvez  avoir  descouvert  de  par  delà.  Je  tascheray  d'escrire  un  mot  à 
reminentissime  cardinal  Boiicompagno  par  cet  ordinaire  ou  par  le 
prochain  au  plus  lard  Dieu  aydant,  et  de  luy  envoyer  quelque  clio- 
sette,  puisqu'il  s'en  vienl  à  Rome,  où  je  vouldroys  bien  qu'il  Csse  plus 
de  sesjour  qu'il  ne  faict. 

Au  reste  vous  me  despartistes  une  petite  graveure  en  Agathe  d'une 
figure  assise  environnée  de  Termes  dont  vous  vistes  que  j  en  avoys 
deux  ou  troys  semblables,  mais  en  toutes  il  manque  je  ne  sçav  quoy 
qui  empesche  de  bien  recognoistre  tout  le  contenu ,  et  particulièrement, 
un  certain  corps  informe  et  irregulier  qui  est  aux  pieds  de  ladicte 
figure  au  costé  gauche  d'icelle,  car  au  costé  droict  y  a  un  corbillon  de 
fruicts,  ce  semble.  J'en  ay  foi't  souvent  rencontré  de  pareilles  en  mes 
voyages,  et  en  ay  laissé  perdre  ou  esgarer  une  en  mon  estude,  qui 
estoit  plus  nette  que  toutes  celles  qui  me  restent,  et  que  je  vouldroys 
bien  retrouver  maintenant  que  la  fantaisie  m'est  veniie  d'y  songer.  Je 
ne  doubte  pas  que  vous  n'en  ayez  afl'orce  de  pareilles  de  par  delà,  chez 
les  curieux,  et  vous  supplie  d'y  en  faire  la  recherche,  et  de  m'en  en- 
voyer tout  aultant  que  vous  en  pourrez  acquérir,  ou  à  tout  le  moings 
des  empreintes  en  souffre  ou  autre  matière  bien  propre  à  bien  repré- 
senter le  contenu  d'icelles.  Et  m'excusez  de  la  peine  que  je  vous  donne 
si  souvent,  estant  tousjours  de  tout  mon  cœur, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  9  febvrier  i634. 

Si  durant  le  sesjour  que  fera  dans  Rome  le  R.  P.  Athanase  Sacchi 
des  Minimes,  il  avoil  occasion  d'employer  l'eminentissioie  cardinal 
Boncompagno,  je  vous  prie  de  le  luy  présenter  et  recommander  de  ma 
part,  car  il  est  bien  de  mes  amys,  et  je  luy  seray  redevable  de  ce  que 


[163/i|  \  CLAUDE  MENESTRIEH.  687 

Son  Eminenco  jnfjcra  ])ouvoir  faire  pour  luy  «t  à  vous  aussy.  Il  a  un 
peu  de  curiosit*'!  pour  l'amour  de  nioy,  et  en  un  besoing  vous  soula- 
geroit  volontiers  de  la  poursuitle  de  quelque  recherche  de  curiositez 
si  vous  luy  en  donniez  les  addresses.  J'ay  chaqjé  mon  homme  de  laisser 
à  cachet  volant  la  despesche  de  l'emincntissimc  cardinal  Boncompagno, 
afin  que  la  puissiez  voir  et  clorre,  s'il  vous  plaict,  comme  de  coustlime 
avant  que  la  rendre. 

J'ay  depuis  cscript  à  l'eminenlissinit;  cardinal  Boncompajrno  el 
suyvant  ce  que  vous  me  mandastes  dernièrement  je  luy  envoyé  par 
mesme  moyen  la  coppie  tirée  d'un  mien  livre  MS.  bien  ancien  de  ce 
que  dict  d'Auguste  un  historien  de  son  temps  dont  les  œuvres  sont 
perdues ',  ensemble  la  version  que  j'en  ay  faicl  faire  en  latin  par  Hugo 
(irotlius,  puisque  ce  ne  sont  pas  choses  qui  se  trouvent  communément 
dans  les  livres  imprimez,  «fin  <|u'il  ne  croye  pas  «[ue  je  veuille  rien 
imposer  par  dessus  ce  qui  est  de  la  veriti^. 

L'on  im])rime  à  presant  f^i  Paris  mon  volume,  nu  moings  tout  ce  qu'il 
y  avoit  de  Polybe  et  aultres  aulheurs  anciens  non  encores  imprim»^.  Et 
parceque  l'édition  tirera  possible  encores  un  peu  long  traict,  j'ay  ce- 
pendant voulu  envoyer  cette  coppie  à  l'advance,  et  quand  l'édition  sera 
achevée,  je  ne  laisray  pas  d'en  envoyer  un  exemplaire  complect  à 
Son  Eminence,  si  vous  me  mandez  qu'il  ne  l'aye  pas  désagréable. 
Conservez  moy  tonsjours  en  l'honneur  de  ses  bonnes  grâces,  comme 
aussy  en  celles  de  l'Illustrissima  Senora  Dona  Felice  et  de  l'illustris- 
sime senor  son  espoux.  Je  suis  en  cherche  de  quelque  chose  de  leur 
goust. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  si  vous  rencontriez  quelque  part  de  cei 
vieilles  médailles  pesantes  de  la  République  Romaine  du  juste  poids  de 
leurs  notes  comme  celle  qui  est  imprimée  la  dernière,  au  feuillet  to"* 
de  l'édition  d'Anlonius  Augustinus  d'Otlaviano  Sada  in  fol°*  qui  repre- 

'  Nicolas  de  Damtis.  1599,  in-foi.  L'ouvrage  fut  réiniprim<<(kin> 

'  La  Irailiiction  ilalioonc  des  Dialo/fos  de  la  iii(*me  ville  et  dans  le  même  formiil  en 

Medellas,  par  Denis-Octave  Soda,  fut  iin-  1600.  en  iCof).  en  i65o. 
primée  pour  la  preiniùre  Ibis  à  Home,  en 


688  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

sànte  d'un  costé  un  vase  et  de  l'autre  une  faulcille  avec  une  pallolte 
de  chasque  costé  pour  la  marque  de  l'once,  vous  me  feriez  uu  singulier 
plaisir  de  me  la  faire  avoir.  Ensemble  celle  des  deux  pâlottes  qui  est 
au  mesme  feuillet  qui  represante  d'un  costé  une  teste  avec  le  Petasus, 
et  de  l'autre  une  proue  de  Navire  pourveu  qu'elle  soit  à  peu  prez  du 
poids  de  deux  onces.  Car  il  s'en  trouve  assez  de  petites  avec  la  mesme 
marque  des  deux  pâlottes  qui  ont  la  mesme  teste  et  le  mesme  revers. 
Mais  j'en  demande  de  celles  de  la  primitive  origine  qui  estoient  ou 
debvoient  estre  du  poids  des  deux  onces. 

Il  se  trouve  aussy  d'autres  grosses  et  goffes  médailles  qui  ont  des 
vases  comme  le  Cantharus  de  Bacchus,  et  des  lettres  Hetrusques.  J'en 
ay  desja  quelques  unes^  mais  s'il  s'en  trouvoit  d'autres,  je  ne  seroys 
pas  marry  d'en  avoir  quantité  de  toutes  les  sortes  différantes  qui  se 
pourront  trouver,  avec  des  vases.  J'en  ay  mesmes  plusieurs  de  celles 
qui  ont  l'Astragale  comme  vous  sçavez  avec  la  marque  de  l'once,  mais 
je  seray  neantmoings  bien  aise  que  vous  m'en  reteniez  tout  aultant  que 
vous  en  rencontrerez  et  que  me  les  envoyiez. 

Il  me  semble  mesmes  que  vous  m'aviez  faict  feste  d'une  de  cez  mé- 
dailles avec  un  Taureau,  que  vous  avez  depuis  oublié  de  m'erivoyer, 
vous  suppliant  de  ne  l'oublier  plus,  s'il  est  possible.  Et  de  clierclier  si 
vous  n'en  trouveriez  pas  encor  une  qu'on  m'a  dict  se  trouver  de  par 
delà  quelque  part,  de  cette  grosse  et  goffe  forme,  qui  a  d'un  costé  le 
Modius  ou  mesure  du  bled,  comme  cez  petites  du  temps  de  Claudius 
et  de  Néron,  et  s'il  s'en  trouve  d'autres  avec  des  vases  de  quelque  forme 
et  grandeur  qu'elles  soient,  je  vous  supplie  de  m'en  procurer  des  em- 
preintes et  contre  poids,  si  ne  pouvez  m'acquerir  les  originaulx. 

Je  vouldroys  bien  apprendre  aussy  bien  au  vray  s'il  s'en  trouvoit 
mémoire  dans  Rome,  de  quelle  forme  et  de  quelle  mesure  à  peu  prez 
estoient  les  quattre  Astragales  ou  Gnocoli  de  bronze  qui  furent  trouvez 
soubs  l'aiguille  du  Vatican  lorsque  le  Pape  Sixte  la  fit  transporter  de- 
vant S*  Pierre,  car  le  cavalier  Fontana  a  bien  remarqwé  dans  son  libvre  ^ 

'  Dom.  Fontana  :  Délia  transportatione  dell'  obeltsco  Vaticano,  e  delle  fabnche  di  papa 
Sixto  F  (Rome,  1690,  in-fol.). 


|163/tJ  À  CLAUDE  MENESTRIEK.  «589 

que  chacun  des  deux  (|ui  estoient  simples  pesoit  six  cents  libvres,  mai» 
il  n'en  représente  {juercs  bi(!n  la  figure,  et  n'en  doiint;  pas  les  mesures 
et  dimensions,  ([ue  j'estime  debvoir  avoir  esté  mar<juée8  par  quelque 
curieux  du  temps,  dans  ce/  libvres  de  vieux  desseins  du  Vatican,  el 
possible  chez  les  héritiers  dudict  cavalier  Fontana.  Ayant  apprins,  ce 
me  semble,  qu'il  en  fut  lon{;  temps  conservé  l'un  tout  entier.  Mais  ce 
que  je  désire  principalement  de  sçavoir,  est  s'ils  n'estoient  pas  i'ormel- 
lement  de  la  lijjurc  d'un  Astragale,  car  le  mesmc  Fonlana  au  8  fonillel 
de  son  libvre,  represantant  lesdicls  Astragales  en  leur  ancienne  place 
soubs  ladicte  Aiguille,  leur  donne  la  figure  d'un  cyj  couchée,  et  neant- 
moings  luy  mesmes  se  contredisant  au  feuillet  i5""-'  luy  donne  une 
autre  figure  <r-^  qui  n'a  rien  de  commun  avec  l'Astragale,  en  quoy  je 
trouve  qu'il  a  un  peu  de  tort.  Et  n'eusse  pas  esté  inutile  de  sçavoir  eu 
quelle  posture  estoient  placez  lesdicls  Astragales,  sur  quelle  de  leurs 
faces,  si  c'estoit  par  le  ventre  et  par  la  convexité  (pi'ils  posoienl  sur  la 
base,  comme  je  l'estime  par  conjecture,  et  par  les  desseins  (|ui  s'en 
voyent  imprimez,  ou  au  contraire,  et  si  touts  les  quattre  estoient  posez 
sur  une  mesme  face,  ou  s'il  y  avoit  aulcune  diversité.  Informez  vous 
en  un  peu  des  curieux,  et  s'il  n'y  auroit  plus  persone  de  vivant  entre 
les  architectes  ou  autres  ouvriers  qui  se  souvinsse  de  les  avoir  veus  en 
place.  Excusez  moy  de  tant  de  peine.  Mais  cela  peult  servir  de  quelque 
chose  de  meilleur  qu'il  ne  semble.  Possible  que  le  Stephanoni  s'en 
souviendra,  ou  bien  le  sieur  Ludovico  Compagni,  lesquels  estoient,  je 
m'asseure,  de  ce  temps  là. 

Et  si  bien  M'  le  Cavalier  del  Pozzo  n'en  pou  voit  pas  eslre,  je  pense 
qu'il  en  aura  ouy  parler  à  d'autres,  ou  qu'il  en  aura  veu  des  desseins 
quelque  part.  C'est  pourquoy  je  vous  supplie  de  luy  communiquer 
cette  mienne  feuille  à  vostre  commodité,  pour  en  apprendre  ce  que 
vous  pourrez  de  sa  bouche  el  de  m'en  escrire  tout  ce  tpic  vous  en  aurea 
descouvort,  sans  oublier  la  ligure  de  l'Aslragale  où  estoit  represanté  le 
chien  à  peu  prez,  dont  je  vous  escrivys  dernièrement. 

J'oublioys  de  vous  dire  que  j'ay  recouvré  une  de  cez  plaques  de 
bronze  antiques  de  forme  quarrée  appelée  l'Abacus  avec  des  hanaulx  [sic 


87 


690  LETTUES  DE  PEIRESC  [1634] 

pour  anneaiu]  ou  coulchoires  dans  quoy  sont  passées  des  testes  de 
douds  mobiles  pour  le  calcul  des  anciens,  telle  mais  bien  plus  belle 
que  celle  que  M''  Velserus  fit  imprimer  en  son  Histoire  d'Auspourg' 
et  que  Gruteriis  a  depuis  inséré  parmy  ses  inscriptions.  Je  vous  prie 
me  mander  si  vous  en  avez  jamais  veu  et  chez  qui,  et  s'il  s'en  trouve, 
je  vouldrois  bien  avoir  coppie  bien  exacte  de  la  figure  des  notes  nu- 
mérales y  apposées,  car  les  miennes  ne  sont  pas  comme  celles  du 
Gruterus  et  sont  bien  plus  légitimes,  et  plus  conformes  aux  anciennes. 
Surtout  je  vouldroys  les  notes  des  fractions  ou  jjortions  de  l'once^. 


LXXIV 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE   DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 
Monsieur, 

Avec  la  dernière  despesche  de  M'  de  Vaisoii  du  26  janvier,  je  receus 
une  lettre  vostre  sans  datte  et  sans  signature,  oii  vous  aviez  inséré  le 
griffonnement  de  la  plaque  d'ivoire,  et  la  coppie  de  vostre  nouvelle 
inscription  PAVSARIORVM  et  ARGENTARIOR'  que  j'ay  trouvé  bien 
gentile  à  mon  gré,  et  si  elle  n'est  guiercs  grande  vous  me  ferez  plaisir 
d'y  placquer  dessus  du  papier  mouillé  pour  prendre  l'empreinte  de  la 
figure  du  charactere,  car  comme  j'estime  que  ce  soit  du  bas  siècle, 
plus  tost  que  du  hault,  je  verroys  volontiers  si  la  forme  du  charactere 
pourroit  ayder  ma  conjecture  ou  non. 

J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  que  m'ayez  retenu  la  patere  Etrusque, 
et  que  le  sieur  Angeloni  en  aye  une  quasi  seniblablc  en  lettres  bien 
plus  intelHgibles,  de  laquelle  je  verroys  bien  plus  volontiers  l'empreinte 
que  de  touts  cez  autres  vases,  s'il  estoit  loisible,  et  s'il  y  avoit  moyen 
d'y  remarquer  la  vraye  figure  du  caractère  du  mol  AAEXANDROS, 

'  Rerum  augustarum  vindelicar.  iibri  oclo  (Venise,  iSgi,  in-fol.).  —  ^  Bibliolbèque  <lc 
l'École  de  médecine  de  Montpelliei-,  nis.  H  971,  fol.  lâs. 


1163/4]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  (") 

et  de  rhabilloinerit  de.  la  figure,  pour  juger  dn  siècle  de  rouMii-f. 
Vous  m'avez  l'aict  plaisir  de  me  retenir  cez  médailles  des  Trépieds  dn 
sieur  Stepliaiioni  et  m'en  ferez  encore  davantage  si  vous  trouvez  moyen 
de  recouvrer  celle  d'Hadrien  du  sieur  Francesco  Frnncin'no,  que  je 
tascheray  de  servir  aussy  de  mon  costé,  si  je  le  puis,  trez  volonlien» 
en  revanche  de  l'Iionnesteté  dont  il  pourra  user  en  mon  endroit  et 
encores  M""  le  Banquier  de  Ceri ,  s'il  a  agréable  que  nous  ayons  quelque 
communication  de  sa  graveure  avec  l'inscription  AIAOT. 

Je  verray  trez  volontiers  cette  placque  de  bronze  pcndiie  à  un  cliais- 
non,  que  vous  me  voulez  despartir,  pour  la  joindre  aux  autres  que 
j'ay  de  mesmes,  et  y  chercher  quelque  lumière  de  plus  qu'aux  miennes, 
pour  nous  en  faire  comprendre  le  vray  usage.  Ce  chaisnon  n'y  sem- 
blant pas  si  nécessaire,  si  elle  ne  debvoit  servir  qu'à  soubstenir  des 
vases,  toutefoys  il  fauldra  voir  si  ce  n'est  poinct  chose  adjoustée  longues 
années  aprez  sa  première  fabrique,  comme  les  chaisnons  de  la  lampe, 
l(3squels  n'ont  pas  eiupcsché  que  je  naye  bien  ou  de  la  satisfaction  de 
voir  ladicte  larn[)e,  au  contraire  j'ay  jugé  par  là  que  le  primitif  usage 
n'estoit  pas  si  fréquent  de  les  pendre  comme  aux  siècles  postérieurs, 
et  plus  goffes.  Et  ay  prins  plaisir  de  voir  ce  que  rae  mandez,  que  n'y 
avez  jamais  trouvé  gueres  de  chaisnons  que  fort  grossiers.  Et  ce  que 
me  dictes  du  petit  couvercle  aboutissant  à  un  oiseau,  m'a  pareillement 
esté  bien  agréable.  Et  le  seroit  bien  davantage,  s'il  se  trou  voit  quelque 
lampe  avec  son  vray  couvercle  approprié  à  sa  vraye  ouverture  et  de 
la  mesme  qualité  et  anti([uité.  Mais  pour  la  matière  combustible  y 
contenue,  je  ne  refuseray  pas  les  morceaux  que  me  promettez,  ayant 
trouvé  fort  estrange  ce  que  m'escripvez,  qu'elle  battoit  dans  la  lanq>e 
et  que  l'en  ayez  toute  tirée.  Car  j'eusse  creu  qu'il  y  en  deust  avoir  de- 
meuré quelque  portion  attachée  au  vase,  estant  malaisé  de  comprendre 
qu'une  matière  grasse  telle  que  doibt  estre  toute  matière  cond)U8lible. 
se  puisse  ainsin  destachei-  de  son  vase  en  se  congelant  et  durcissant, 
et  craindroys  bien  que  quelqu'un  ne  se  fust  donné  le  |tas8eteuq)s  d'y 
jeter,  depuis  l'avoir  desterrée,  par  sou  orifice,  le  morceau  que  dictes  \ 
avoir  trouvé  qui  se  seroit  mieux  conservé  dans  quelque  fiolle,  que 

87. 


692  LETTRES  DE  PEIIIESC  [1634J 

dans  le  metail  dont  la  ronillo  est  bien  corrosive,  pour  l'y  laisser  durer 
tant  de  siècles,  mais  dans  des  fioles  ou  gros  larmoirs  il  n'y  auroit  pas 
tant  d'inconveniant,  et  de  faicl  j'en  ay  deux  trouvez  depuis  peu,  dont  la 
matière  semble  quasi  de  la  poix,  et  est  fort  bien  combustible.  Tant  est 
que  si  m'envoyez  le  crochet  entier  semblable  à  celiiy  qui  s'est  rompu, 
vous  me  ferez  plaisir  et  faveur,  marry  de  vous  estre  tant  à  charge. 

Je  vous  cscrivis  par  le  dernier  ordinaire,  mais  il  fallut  que  mes 
lettres  fissent  le  destouf  de  Lyon,  de  sorte  que  vous  les  recevrez  plus 
tard  que  de  coustume,  et  seroys  bien  marry  que  ne  les  eussiez  à  temps 
avant  que  l'eminentissime  cardinal  Boncompagno  s'en  soit  retourné  à 
sa  residance'.  Je  vous  prioys  de  me  r'amasser  toutes  cez  grosses  mé- 
dailles que  vous  pourriez  de  la  plus  ancienne  fabrique  pesant  ou  du 
juste  poids  h  peu  prez  avec  la  marque  de  l'once  et  de  l'Astragale.  Je 
vous  en  reprie  encores  et  d'y  joindre  toutes  celles  que  trouverez  de 
celte  manière  là,  qui  auront  des  grains  de  bled  ou  d'orge,  comme  il 
s'en  trouve  assez  souvent  de  différantes  grosseurs.  On  m'a  dict  qu'il 
s'en  trouve  avec  un  croissant  de  lune  d'un  costé,  et  un  visage  de  front 
de  l'autre,  rayonné,  comme  le  soleil,  dont  j'en  ay  aulcunes,  mais  elles 
ne  sont  pas  de  cette  vieille  manière,  ne  de  ce  juste  poids  de  l'once 
comme  je  les  vouldroys.  J'en  ay  aussy  avec  un  gland  de  la  vieille  ma- 
nière, plus  petites  que  celles  de  rx\slragale,  dont  j'en  vouldroys  avoir 
quantité  s'il  s'en  trouvoit.  Je  vous  prie  de  m'en  envoyer  aultaiil  que 
vous  pourrez  et  de  toute  sorte,  principalement  celles  qui  seront  bien 
nettes  et  bien  conservées.  Et  r'amasseroys  volontiers  encores  quantité 
de  cez  gros  astragales  de  bronze  à  jouer  comme  les  petits  enfants,  qui 
sont  de  la  grosseur  naturelle  des  osselets  de  l'esclanche  de  mouton  à 
peu  prez,  comme  j'en  ay  autresfoys  veu  bonne  quantité,  dont  je  ne 
tenoys  lors  compte,  comme  je  feroys  à  presant,  et  pense  que  vous  en 
trouverez  partout  chez  les  curieux,  ou  vendeurs  de  vieux  cuivre. 

Si  M'  vostre  oncle  envoyé  les  greffes,  je  ne  manqueray  pas  de  les 
faire  tenir  incontinent.  De  ceux  qu'il  m'avoit  adressées,  l'année  passée, 

'   À  Naples. 


[163/iJ  À  CLAUDE  ME\ESTHIi: II.  893 

pour  mon  conte,  j'en  avoys  faict  anler  à  Boysgency,  où  il  en  estoit  iv- 
prins  un  pied,  mais  les  grands  ravaiges  des  rivières  de  l'aulomne  der- 
niei-  couporent  la  hianclie  à  fleur  de  terre,  de  sorte  qu'il  est  encor 
nicertain  si  elle  repoussera,  et  n'y  est  rien  demeuré  qui  puisse  servir 
à  antor  ailleurs,  l'année  prochaine.  Sur  cpioy,  aprez  mes  coiidolrauces 
de  ce  que  n'avez  peu  obtenir  la  cliappelle  <|ue  demandiez,  où  je  prends 
grande  part  ù  vostrc  disjjrace,  bien  l'asclié  de  n'y  pouvoir  apporter  du 
remède,  je  finiray  demeurant, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  22  fohvrier  j63â  '. 


lAXV 
À  MONSIEUR  MENESTRIEH,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA   COUB  DE  L'EMINENTISSIMK   SEICNEUH   CABDINAL  BARBERI\, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Il  est  vray  que  les  courriers  du  Roy  ne  passent  plus  par  icy,  et  que 
cela  a  causé  un  peu  de  desordre  en  son  changement,  pour  faire  arriver 
quelques  despesches  plus  tard  que  de  coustume,  ayant  esté  constrainri 
d'en  envoyer  une  par  Lyon.  Mais  h  l'advenir  j'espère  (pie  tant  s'en 
fault  que  cela  nous  produise  de  la  difliculté  de  faire  tenir  noz  lettres, 
qu'au  contraire  j'estime  qu'elles  iront  beaucoup  plus  règlement  et  pins 
asseurement  de  beaucoup,  et  je  me  fieray  beaucoup  plus  aux  messa- 
gers de  pied  d'Avignon  qui  sont  gents  de  cognoissance,  que  à  tant  de 
différentes  persones  de  cez  Franchimenls"  qui  se  remplissoieni  la  leste 
de  vin  et  de  fantaisie  la  plusparl  du  tenq)S.  Mais  poSvsible  n'en  aurons- 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  nu'decine  du  sans  une  It^gère  poinle  d'ironie.  Misbtil  (  Imh 

Monlpellier,  iiis.  H  971,  foi.  iltli.  Tretor  dou /elibrige)  rapporte  sou»  ce  mol 

'  On  nomme Frnnc/iim«i/,  et  plus  souvent  deux  curieuses  citations  de  d'Asaoucv  el  de 

Franchimand ,  en  Provence,  le  Français  du  i'ahbi,'  Gi'<<j;oire. 
Nord. Ce  mot  ne  va  pas,  pour  l'ordinaire. 


69i  LETTRES  DE   l'EIRESC  [1634] 

nous  ia  commodité  que  de  moys  en  moys  une  foys,  en  quoy  mes  amys 
ne  perdront  rien  de  par  de  là,  car  ils  n'en  auront  pas  de  si  fréquentes 
importunitez  de  ma  part.  Et  vous  entr'autres. 

Le  premier  desdicts  messagers  de  pied  d  Avignon,  revenant,  cez 
jours  pasFez,  de  Gènes,  commança  de  m'apporter  céans  les  lettres  qu'il 
y  avoit  trouvées  soubs  une  enveloppe  de  M'  de  Vaison,  avec  lesquelles 
l'en  eus  une  vostre  du  lo  de  lebvrier,  où  je  fus  infiniment  aise  d'ap- 
prendre le  peu  de  relation  qu'il  vous  a  pieu  me  faire  de  vostre  descente 
au  cimetière  de  S'*"  Lucine,  desterré  nouvellement.  Et  si  eussiez  peu 
prendre  la  patiance  de  copier  la  forme  des  lettres  barbares  de  l'in- 
scription IN  CONO.  IVSTINA  POSITA  il  n'eust  pas  esté  inutile,  prin- 
cipalement si  cela  s'est  rompu,  pour  ouvrir  la  sépulture,  puisqu'il 
n'estoit  escript  que  dans  la  cliaulx  ou  le  mortier.  Et  pour  vous  des- 
cliarger  de  la  peine  de  coppier  et  portraire  la  mauvaise  escripture  de 
cez  deux  mots,  il  ne  falloit  que  placquer  dessus  une  feuille  de  papier 
mouillé,  pressée  avec  un  mouchoir  pour  y  faire  prendre  l'empreinte  du 
charactere.  Et  si  vous  y  retournez,  je  vous  conseilleroys  de  le  practi- 
quer  ainsin.  Car  la  figure  du  charactere  ayde  grandement  à  conjec- 
turer le  temps  qu'il  peult  avoir  esté  escript,  aussy  bien  que  du  Mono- 
gramme ou  Signum  Salutare  qui  s'y  void  tousjours  en  teste,  comme 
vous  dictes.  Mais  je  n'ay  pas  sceu  comprendre  ce  que  vous  adjoustez 
par  aprez  qu'au  milieu  de  cette  sépulture  westoit  attachée  une  lampe 
de  terre  sur  laquelle  estoit  relevé  le  chandellier  du  temple  de  Salo- 
mon.n  Et  encores  moings  ce  que  vous  dictes  encores  «d'en  avoir  veu 
une  aultre  sans  aulcun  symbole  au  dessus  de  laquelle  il  y  avoit  une 
petite  clochette  de  cuyvre  attachée  dans  le  Touf.  t  Ce  sont  les  paroles 
de  vostre  lettre.  Car  j'estime  bien  que  vous  avez  voulu  dire  qu'en  l'une 
de  cez  lampes  estoit  represanté  le  chandelier  du  Temple  de  Salomon, 
mais  comme  estendu  en  relief  dans  le  creux  qui  forme  le  dessus  de  la 
lampe,  auquel  endroict  les  anciens  mettoient  communément  leurs 
symboles  de  toute  sorte,  et  qu'en  l'autre  lampe  il  n'y  avoit  aulcun' 

'  Le  mot  aulcun  a  élé  dcrit  deux  fois. 


[IÙU\  À  CLAUDK  MENESTRlIiH.  695 

symbole,  cl  qu'elle  devoit  estre  toute  lize  en  cet  eudroicl  là.  Mais  j»- 
n'entends  pas  comment  cette  lampe  de  terre  de  Justina  poiivoit  estre 
attachée  dans  son  sepiilclire  puisque  vous  ne  dictes  poiuctsi  elle  esloit 
.sus])endue,  ou  fichée.,  ou  lo{;ée  dans  quel(|ue  trou.  Et  j'entends  encores 
moin{{8  ce  que  vous  dictes  de  la  petite  clochette  d«  cuyvre  attachée 
dans  le  touf  au  dessus  de  l'autre  lampe.  Et  vous  supplie  de  me  mander 
nn  peu  plus  précisément  ce  ([ue  c'esloit,  si  c'estoit  (|ue  la  cloch(;llf 
eusl  esté  placée  sur  la  lampe,  et  qu'elle  s'y  fusse  attachée  par  sncce»- 
sion  de  temps  avec  la  crousle  de  Toul",  qui  s'y  pouvoit  estre  engendré 
par  l'humidité,  ou  bien  si  l'un  avoit  faict  un  trou  dans  le  Touf,  pour  \ 
lourrcr  ladicte  clochette  à  l'endroit  du  dessus  du  lieu  où  esloit  ladicle 
seconde  lampe,  car  si  la  clochette  s'estoit  trouvée  attachée  sur  le  corps 
mesmes  de  la  lampe,  j'y  Irouveroys  bien  à  dire  quehjue  chose  de  jolj, 
et  en  tout  Ciis  je  vous  prie  de  me  faire  un  peu  de  jjrilïonnement  ou 
dessein  en  papier,  de  la  forme  de  cette  sépulture  et  spécialement  du 
lieu  où  fistoit  cette  lampe,  el'de  celuy  où  esloit  la  clochette,  comme 
aossy  de  l'autre  sépulture  de  Justina,  et  du  lieu  où  estoit  logée  sa 
lampe,  et  ne  plaignez  pas  vostre  peine  d'y  retourner  une  seconde  ibys 
pour  l'amour  de  moy. 

Au  reste  je  vous  félicite  le  lecouvremcnt  de  voz  deux  beaux  vases 
de  Naples,  dont  la  grandeur  et  les  figures  peuvent  bien  mériter  un 
peu  plus  d(!  particulière  description  à  vostre  loisii',  si  vous  jugez  (juil 
y  ayt  rieji  d'extraordinaire.  Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  la  caisse 
dont  vous  voulez  charger  ce  patrou  de  Martigues,  et  eucores  plus 
(juelque  bonne  occasion  de  vous  servir  en  revanche  de  voz  honncstetez 
et  de  voz  bienfaicts.  Il  me  tardera  de  voir  cez  médailles  avec  des  Tré- 
pieds dont  vous  me  faictes  feste.  Et  vouldroys  bien  qu'en  eussiez  ren- 
contré une  pareille  à  celle  (jue  j'ay  autresfoys  veu  au  feu  sieur  M.  An- 
tonio del  Monte  de  Vérone,  de  celles  qu'on  appelle  Contorniate,  qui 
esloit  deTrajaji,  et  au  revers  y  avoit  une  grande  figure  toute  mie 
comme  couchée  ou  appuyée  sur  des  rochers,  devant  laquelle  y  «voit 
un  grand  zodiaque  soubstenu  sur  un  Tiepied.  J'en  ay  une  euqireinte  (jue 
m'en  donna  ledict  del  Monte,  mais  sa  médaille  estoit  mal  conservée 


696  LETTHES  DE  PEIRESG  [1634] 

à  l'endroict  du  Trépied.  Et  s'il  s'en  trouvoit  là  (comme  je  ne  double 
nullement  qu'il  n'y  en  ayl  en  plusieurs  lieux  qui  ayent  ie  mesme  revers 
quoyque  possible  avec  d'autres  testes  que  celle  de  Trajan),  vous  me 
feriez  plaisir  de  m'en  procurer  des  empreintes  de  toutes  celles  qui  se- 
ront ez  mains  de  personnes  assez  honnestes  pour  m'en  octroyer  la 
communication.  Et  si  en  rencontrez  jamais  à  vendre  à  prix  modéré, 
me  ferez  plaisir  de  m'en  retenir,  non  seulement  une,  mais  plusieurs, 
pour  peu  de  differance  que  vous  y  trouviez  en  cette  particularité  du 
revers  et  du  Trépied. 

Je  vous  ay  desja  prié  par  mes  dernières  de  me  ramasser  encores 
quelque  nombre  de  cez  grosses  médailles  Romaines  et  Etrusques  du 
grand  poids  oili  se  trouvent  represantez  des  vases,  des  Astragales,  des 
grains  de  bled  ou  d'orge,  et  autres  de  pareille  nature.  Maintenant  am- 
pliant  la  commission  ou  trez  bumble  prière,  je  vous  diray  que  j'en  ay 
et  des  Romaines  et  des  Etrusques  avec  des  mains  humaines  quelques 
unes,  et  que  si  vous  en  rencontrez  d'autfes  avec  des  mesraes  symboles, 
vous  me  ferez  plaisir  de  m'en  retenir.  Et  que  si  vous  trouvez  aussy  des 
médailles  paredlement  Romaines  et  Etrusques,  de  la  moindre  sorte 
de  poids,  avec  les  marques  des  onces  et  autres  de  leur  valleur  (comme 
plusieurs  autres  que  m'avez  cy  devant  envoyées),  lesquelles  ayent  des 
vases,  des  Astragales,  des  grains  d'orge,  et  des  mains,  vous  m'obligerez 
de  me  les  retenir,  et  si  c'est  en  main  de  personnes  qui  ne  s'en  veuillent 
desfaire  et  qui  en  veuillent  octroyer  l'empreinte,  je  les  recevray  à  sin- 
gulière faveur.  Excusez  moy,  je  vous  supplie,  de  tant  de  peine  et  me 
tenez  tousjours, 

Monsieur, 

pour  vostre,  etc. 
\  Ai\,  ce  3  mars  iG'ih. 

Pour  ce  qui  est  de  la  colonne  que  vous  dictes  de  marbre  noir  et 
blanc,  si  vous  ne  nous  donnez  d'autres  adresses  plus  particulières,  il 
est  malaisé  que  j'y  puisse  servir  la  Senora  Donna  Felice,  comme  je 
desireroys,  n'en  ayant  poinct  ouy  parler.  On  a  en  France  de  certain 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  697 

marbre  noir  dont  se  faisoient  deux  ou  troys  cents  ans  y  a  les  tombeaux 
de  la  plus  part  des  grands,  mais  encores  (|u'il  pragne  fort  beau  lustre, 
il  craint  l'ort  l'bumidité  et  l'air,  et  se  reduict  facilement  en  pouldre.  Du 
marbre  meslé  de  blanc  et  de  noir,  je  n'en  ny  guieres  veu  qui  fusse  bien 
hault  en  couleur,  c'est  à  dire  que  le  noir  y  lusse  bien  noir,  et  ie  blanr 
bien  blanc,  ains  y  avoit  de  la  confusion,  et  comme  le  blanc  en  estoit 
salle  ou  grisastre,  le  noir  y  estoit  pasle  et  tirant  aussy  sur  le  grisastre. 
11  y  a  des  montagnes  prez  de  Narbonne  et  de  r.'\bbaye  de  (îaunes',  où 
il  s'esl  tiré  d'assez  beau  marbre  meslé  de  rouge  cl  de  blanc,  et  du  gri- 
sastre ondoyé  de  blanc  salle,  ce  me  semble,  mais  du  beau  blanc  et 
non-,  je  n'y  en  vis  poinct  quand  je  fus  sur  les  lieux  où  le  delluiicl 
abbé  ^  m'avoit  invité.  Mais  il  s'en  pourroit  estre  depuis  lors  descouverl 
quelqu'autre  carrière.  J'en  escriray  à  des  amys  de  ce  costé  là,  et  s'il  j 
avoit  moyen  de  servir  cette  digne  dame  et  tous  les  siens,  vous  croyez 
bien  que  je  ny  espargneray  pas  mon  petit  crédit,  et  vous  supplie  de 
l'en  asseurer  aussy  bien  (jue  do  la  continuation  de  ma  devolinii  ;i  toute 
sa  famille. 

J'oublyois  de  vous  dire  que  j'ay  de  cet  As  grave  des  médailles  Ro- 
maines marquées  de  pâlottes  mentionnées  en  l'autre  page  de  celle 
lettre,  dontaulcunes  ont  pour  symbole  un  gland  ou  fruict  du  Quercus, 
avec  la  marque  d'un  S.  Et  vouldroys  bien  en  avoir  quantité  de  pa- 
reilles pour  m'asseurer  mieux  de  leur  poids  que  je  ne  puis  l'aire  sur 
les  miennes.  Jay  aussy  des  clouds  de  bronze  touts  façonnez  et  figurez 
depuis  la  teste  jusques  à  la  poincte,  et  vouldroys  bien  en  voir  plu.s 
grand  nombre  si  vous  en  rencontrez,  comme  j'en  ay  autreslôys  veu 
plusieurs  lorsque  ma  curiosité  n'alloit  pas  à  cela  \ 

'  L'al)l)aye  l)ëiiédictine  de  Cannes  était  dants  de  Peireac.  On  conserve  à  l'inguini- 

située  à -jo  Itilonièlres  de  Carcassoime.  En-  t)ertiue  (Carpcnlias).  dans  le   registre   1 

core  aujourd'hui,  la  commune  de  Cannes  des  miiuites,  seize  lettres  adressa  à  cet 

est  célèbre  par  ses  l)eaux  marbres  de  cou-  ablié. 
leur  varide.  '  Bii)iiotli<^iie  de  l'École  de  inAlecine  de 

'  Doni  d'Alibort  fiit  iin  des  correspon-  Montpellier,  ms.  H  1171,  fol.  \hù. 


6*fê  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634J 


LXXVI 
\   MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

Ei\  LA  COUH  DE  L'EMINBNTISSIME   SEIGNEUR  CARDIKAL  BA'RBERIIS, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Depuis  i'expedition  du  dernier  ordinaire  d'Avignon  à  Gènes,  j'ay 
receu  par  Lyorl  deux  lettres  vostres  du  a  5  mars  et  g  avinl  et  par  les 
galères  une  troisiesme  du  lû"*"  avril,  ensemble  la  caisse  que  vous 
n'espériez  pas  de  pouvoir  faire  embarquer,  lorsque  vous  m'escriviez,  la- 
quelle «st  arrivée  bien  conditionnée  selon  la  pollisse  de  chargement 
qu'en  avoit  faict  faire  à  Givita  Vecchia,  le  ig  avril,  un  certain  qui 
signe  :  P.  Egidio  Rossi,  lequel  m'escript  d'en  avoir  receu  l'ordre  de 
vous.  Et  s'il  est  habitant  à  Givita  Veccliia  il  fauldroit  prendre  corres- 
pondance ôvec  luy,  car  il  y  trouveroit  journellement  des  commoditez 
de  voitture  pour  Marsedle,  qui  ne  peuvent  pas  arriver  jusqu'à  Rome. 
Vo«s  m'escrivi«2  que  M'  Melan  avoit  faict  embarquer  une  caisse  sonbs. 
le  nom  de  quelqu'un  de  cheï  M""  de  Grequy  avec  mon  adresse,  et  M'^  de 
Bonnaire  m'escript  par  Lyon  sans  datte  que  ledict  sieur  Melan  avoit 
prins  le  soing  de  faire  emballer  une  caisse  du  bas  relief  du  marquis 
Justinian,  mais  je  ne  l'aye  poinct  receiie,  et  quelque  diligente  perqui- 
sition que  j'en  aye  sceu  faire  je  n'en  ay  scen  apprendre  nouvelles  quel- 
conques, à  faulte  de  m'avoir  nommé  celuy  qui  avoit  voulu  prester  son 
nom  à  M'  Melan.  Comme  je  n'ay  sceu  rien  apprendre  de  tout  ce  que 
vous  aviez  tiré  de  vostre  caisse  pour  le  bailler  à  d'auUres.  sans  me 
nommer  persone.  En  quoy  vous  m'avez  laissé  en  grande  peine  pour 
plaisir  soubs  correction  et  non  sans  quelque  tort,  puisque  je  vous  avoys 
si  souvent  prié  et  i-ecommandé  les  adresses  de  M""  Despiots  qui  vous 
eust  descliargé  de  tout  ce  soing  et  de  toute  cette  peine  que  vous  vous 
donnez  à  chercher  des  commoditez  de  voiture,  qui  fuyenl  les  genls  de 
vostre  profession,  pour  aller  chercher  les  gents  de  négoce  comme  luy. 
Que  si  vous  luy  eussiez  envoyé  vostre  caisse  et  voz  boittes  ou  autres  fa- 


|lt)3ij  À  GLAUDK  MENËSTRIKH.  G»9 

gots,  sans  vous  en  mettre  plus  en  peine,  je  le  tenois  dez  loi-s  pour  receu , 
et  ie  tout  seioit  arrivé  à  bon  port  avec  une  1 5*  de  balles  que  M'  de 
Gaslines  a  receues  sur  lesdictes  {jalcres.  Que  si  vous  en  eussiez  cliargi* 
le  P.  Théophile  Mitiuli',  il  auroit  bien  prins  cette  peine  volontiers, 
et  les  seroil  allé  prendre  jusques  chez  vous.  Mais  je  suis  ainsin  malheu- 
reux, puis(|u'il  plaict  à  Dieu  et  à  nies  amys,  à  quoy  il  £anlt  que  je  me 
conlornic.  Je  n'ay  pas  mesnie  trouvé  dans  cotte  caisw;  les  papiers  pla- 
quez sur  cez  busqués  escrpitz,  noniplus  (jue  le  mortier  de  (îranito  que 
vous  disiez  y  avoir  mis,  mais  bien  deux  grands  vases  de  terre  noircie 
avec  quelques  ouvrages  de  figures  par  dessus,  deux  de  bi-onse  assez 
mal  conservez  et  tout  plein  de  petites  pièces  de  potterie.  Ën8eail)le 
deux  boittes  en  l'une  destjuelles  esloit  l'escuellon  de  verre  jaulne  fort 
entier,  mais  fort  dcspouillé  de  sa  rouille  ou  pattina,  et  dans  l'autre  le 
plastie  de  la  patcrc  du  sieui-  Angcloui  que  j'ay  esté  bien  aise  de  voir, 
comme  aiissy  un  fragment  d'une  autre  patere  de  verre,  et  la  petite  in- 
scription de  marbre  Pansariorum  dont  je  vous  remercie  trez  humble- 
ment comme  aussy  de  quelques  petits  desseins  d'anticaill«s  où  U  y  a 
tout  plein  de  chosettes  de  mon  goust. 

Je  n'ay  pas  aussy  trouvé  dans  vostre  caisse  le  fer  de  lance  ne  le  pom- 
meau d'epée,  esperon,  et  ne  le  dessein  de  l'Abacus  du  sieur  Angeloni 
que  vous  disiez  y  vouloir  insérer.  Mais  dans  vostre  lettre  vous  avez  faicl 
la  représentation  des  nombres,  touts  conformes  à  ceux  d'un  modèle 
que  j'avoys  apporté  de  Rome  du  cabinet  de  C.iaccon,  qui  avoit  esté  faict 
sur  celuy  du  cardinal  Farnese,  ce  qui  me  faict  doublei-  qu'ils  n'ayenl 
touts  esté  contrefaicts  sur  celuy  dudict  Farnese,  avec  les  mesmes  faultes. 
C'est  pouiquoy  lorsque  vous  irez  voir  le  sieur  Angeloni,  je  vous  prie 
de  bien  considérer  le  sien  pour  voir  s'il  est  indubitablement  antique, 
ou  s'il  ne  pourioit  pas  estre  imité  sur  l'antique  de  Farnese. 

Pour  respondre  maintenant  au  restant  de  voz  lettres,  il  fault  que  je 
vous  die  encores  que  je  n'ay  pas  nomplus  trouvé  en  vostre  caisse  le 
vase  que  vous  disiez  avoir  faict  jetter  en  melail  corinthien,  dont  vou> 

'  Sur  ce  religieux  si  dévoué  à  Peiresc  voir  ie  torae  II  des  Lettres  aux  frire*  Dupug,  p.  ïtù-j. 
et  le  tome  lli.  passiin. 

88. 


700  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

disiez  avoir  esté  quitte  de  la  façon  pour  16  Jules,  mais  que  j'ay  esté 
bien  estonné  d'entendre  que  la  meslange  des  deux  couleurs  des  me- 
taulx  ne  s'y  soit  pas  conservée,  ce  que  je  n'avoys  pas  comprins  la  pre- 
mière foys  que  vous  m'en  aviez  entretenu.  Croyant  bien  que  la  cou- 
leur d'or  que  vous  dictes  avoir  trompé  un  orfèvre  soit  très  belle  et 
agréable,  et  cappable  de  payer  le  prix  de  la  pièce,  mais  vous  sçavez 
qu'il  y  a  des  inventions  en  Allemagne  avec  quoy  l'on  met  le  lotton 
en  couleur  fort  approchante  de  l'or.  Il  falloit  qu'il  y  eust  quelque  arti- 
fice pour  faire  entretenir  cez  deux  couleurs  séparées  et  distinguibles. 
nonobstant  que  les  deux  mettaulx  fussent  unis  en  un  seul  corps.  Et  y 
a  quelque  apparance  que  le  secret  n'en  fusse  pas  si  commun  puisque 
l'usage  n'en  fut  pas  continué  gueres  ordinairement  au  dessoubs  de  l'em- 
pire que  vous  cottez  de  Claude.  J'ay  bien  quelques  médailles  restituées 
par  Titus  qui  sont  de  ce  metail ,  et  en  ay  mesmes  une  d'Hadriam  qui 
est  fort  bien  ondoyée,  de  cez  deux  couleurs  de  bronze  et  de  cuivre. 
Mais  je  pense  qu'elle  soit  battue  en  Grèce,  ne  me  souvenant  pas  où 
j)our  le  presant.  Je  vous  remercie  encores  bien  fort  de  la  peine  qu'avez 
prinse  au  choix  des  vases  du  Prince  Borghese  et  de  celle  que  me  pro- 
mettez pour  l'examen  d'iceulx,  et  pour  faire  mouller  les  principaux  en 
cuivre,  en  quoy  vous  me  faictes  grand  plaisir,  car  ce  que  j'avoys  parlé 
d'estain  au  P.  Saquy  n'estoit  que  pour  faciliter  et  abréger  la  besoigne, 
craignant  d'estre  à  trop  de  charge  et  d'importunité  à  cez  messieurs  là. 
Et  quant  au  travail  sur  le  tour,  je  ne  m'en  soussierois  pas  par  le  dehors 
des  vases,  si  ce  n'estoit  pour  bien  nettoyer  les  barbes  de  la  nioulleure 
ou  de  l'assemblage  des  moulles,  afin  que  la  vraye  forme  des  ornements 
et  de  la  superficie  de  l'antique  y  paroisse  plus  fidèlement  sans  estre 
corrompue  par  le  tourneur  moderne.  Mais  pour  le  dedans,  si  en  fai- 
sant mettre  les  modclles  modernes  sur  le  tour  on  les  pouvoit  vuider 
en  sorte  qu'ils  fussent  bien  esgalement  justes  à  la  contenance  des  an- 
ciens, je  n'y  plaindroys  pas  la  despance. 

Au  reste  vous  m'avez  faict  un  singulier  plaisir  en  la  recherche  des 
architectes  qui  pouvoient  avoir  veu  sur  pied  l'aiguille  du  Vatican  sur 
ses  quattre  Astragales,  mais  il  me  les  falloit  nommer,  s'il  vous  plaict. 


[1634]  À  CLAUDE  MENKSTRIKll.  701 

et  leur  faire  exprimer  leur  aage,  pour  voir  s'ils  en  avoient  peu  estre 
bons  juges,  et  me  dire  si  le  sieur  Ludovico  Compagni  ne  les  avoit  pas 
veus  de  son  temps,  car  il  pourroit  bien  estre  assez  vieil  pour  cela,  et 
en  parler  plus  pertinemment  que  d'autres.  J'ay  esté  bien  aise  d'ap- 
prendre la  matière  noire  d'iceluy  de  M-^  le  Cavalier  del  Pozzo ,  mais  ce 
ne  m'est  rien  dire,  si  vous  ne  luy  exhibez  un  Astragale  réel,  antique 
de  bronze  (dont  il  se  trouve  si  grand  nombre)  ou  au  moings  un  na- 
turel, de  ceux  d'os  qui  se  tirent  du  bout  de  l'esclancbe  de  n)oulton 
pour  luy  faire  recognoistre  lequel  costé  il  appelle  concave,  et  de  quelle 
façon  A  peu  prez  estoit  represantée  cette  figure  de  femme  qui  y  estoit 
gravée,  si  elle  estoit  entière,  ou  non;  si  elle  estoit  assise,  ou  debout, 
et  quelque  particularité  qui  nous  puisse  un  peu  ayder  à  l'esclaircisse- 
ment,  mesmes  en  quel  lieu  il  avoit  esté  trouvé,  s'il  s'en  peult  resou- 
venir. 

Mais  je  m'estonne  grandement  ([ue  n'ayez  peu  trouver  chez  les 
curieux  aulcune  graveure  semblable  à  colle  des  Termes  de  vostre  Agathe 
noire,  dont  j'ay  veu  si  grand  nombre  autres  foys,  ce  que  je  ne  trou- 
veroys  pas  estrange  chez  ceux  qui  se  meslent  de  revendre  ou  qui  n'ont 
pas  leur  principal  but  au  recueil  des  graveures  antiques.  Mais  j'ay  bien 
de  la  peine  à  me  persuader  qu'il  n'y  en  ayt  poinct,  par  exemple,  chez 
la  Senora  Donna  Felice  ou  chez  l'Kminenlissime  Cardinal  Boncom- 
pagno,  puisqu'il  me  semble  d'en  avoir  veu  une  à  feu  M'  lielio',  dans 
une  grande  Ametliiste,  de  fort  bonne  main,  ou  chez  cez  autres  per- 
sonnes qui  ont  une  particulière  curiosité  des  intaglies*. 

J'ay  veu  fort  volontiers  la  relation  que  m'avez  faicte  de  la  forme 
des  tombeaux  de  cez  anciens  cimetières,  et  de  l'appendice  des  clo- 
chettes, lampes,  et  autres  cliosettes  dont  on  les  accompagnoit.  Et  seray 
bien  aise  d'avoir  le  gros  poids  de  pierre  avec  l'inscription  M-IVNIO 
CASTRENSl,  etc.  quand  vous  y  trouverez  de  la  disposition,  romme 
aussy  ce  médaillon  de  Trajan  avec  l'Apollon,  et  celuy  d'argent  de 
billon  de  Salonina,  avec  toutes  cez  autres  pièces  que  vous  aviez  tirées 

'  Lelio  Pascalini.  —  '  De  l'italien  inlnglio,  gravure,  ciselure. 


702  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

de  vostre  caisse  pour  en  charger  quelque  ainy.  Vous  suppliant  de  les 
bien  empaquetter  et  remettre  à  M'  Despiots  quand  ce  sera  vostre  com- 
modité sans  différer  davantage,  attendu  que  si  vous  en  rencontrez 
piustost  que  luy,  un  mot  d'advis  luy  sera  bientost  donné,  et  cez  gents 
ont  tant  d'occupation  au  train  de  leur  négoce  qu'ils  ne  se  peuvent  pas 
donner  la  sollicitude  d'envoyer  chercher  ailleurs  ce  qu'ils  veulent  mettre 
dans  leurs  balles.  J'oublioys  de  vous  dire  que  je  n'ay  pas  trouvé  dans 
la  caisse  l'empreinte  de  vostre  petite  plaque  de  cuivre.  Mais  que  j'ay 
veu  trez  volontiers  le  docte  discours  que  vous  y  avez  faict  dessus,  dont 
je  vous  rends  grâces  trez  affectueuses,  ensemble  du  ieuillet  d'inscrip- 
tions, entre  lesquelles  y  en  auroit  bien  quelqu'une  digne  de  reserve, 
principalement  celle  que  vous  aviez  mise  la  première  en  rang  de  ce 
M.  Ulpius  Erastus,  si  elle  se  pouvoit  bien  distinctement  lire  aux  en- 
droicts  plus  difficiles  à  accommoder  à  l'usage  des  anciens.  Sur  quoy 
je  finiray  demeurant. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  AÏK,  ce  3  may  »  689. 

Nous  avons  icy  veu  et  gouverné  M'  le  nonce  Bologneti  et  ceux  de 
sa  suitte  ' . 


I,\XVJ1 
À   MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZAIVÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
En  voulant  hier  vous  respondre  et  revoir  voz  lettres  mon  jjomme 
avoit  oublié  de  mettre  dans  la  liasse  celle  que  vous  m'aviez  escripte  du 
XI  mars  soubs  l'enveloppe  de  M"  Gompain  sur  laquelle  je  vous  diiay 

'  Voir  le  recueil  Peiresc-Dupuy ,  t.  III,  p.  99  el  suiv.  —  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  mé- 
decine de  Montpellier,  ms.  H  971,  fol.  1/49. 


[Ifi3/i)  A  CLAUDE  MENIÎSTRIER.  703 

que  je  suis  bien  niarry  de  n'avoir  quelque  bel  Aufjustc  de  bronze  de 
la  qualité  que  vous  dictes  j)Our  satififaire  à  la  curiosité  de  la  Senora 
Donna  Felice.  Si  j'eusse  eu  piuslost  cet  advis,  je  l'eusse  bien  j)eu  sa- 
tisfaire; il  n'y  a  que  six  moys  ou  tflul  qu'il  m'en  passa  un  par  les  mains 
lequel  je  ne  sceus  garder,  un  de  mes  amys  en  ayant  eu  envie  à  qui  je 
ne  sceus  refuser,  mais  j'y  liendray  la  main,  et  ne  désespère  pas  de 
rencontrer  un  jour  quelque  chose,  principalement  si  on  met  en  vente 
un  cabinet  où  je  pense  (ju'il  y  en  ayt  un  fort  beau.  Vous  vistes  celuy 
de  M'  du  Perier',  nostre  voisin^  et  ne  pense  pas  qu'il  soit  assez  net 
pour  le  subject  dont  est  question. 

L'on  m'a  parlé  d'une  autre  carrière  de  marbre  blanc  et  noir  prez 
des  bains  d'Encausse  vei-s  Tlioulou.se  '';  j'en  attends  la  monstre  et  s'il  y 
avoit  lieu  d'en  tirer  des  pièces  considérables  on  pourroit  negotier  la 
chose,  et  moyenner  qu'elles  fussent  ti-ansportées  par  la  rivière  jus([nes 
à  Bordeaux,  et  leur  faire  faire  le  tour  du  destroictde  Gilbaltîir  par  les 
navires  Angloys,  qui  viennent  à  Marseille.  Car  autrement  la  voitlurc 
de  terre  seroit  de  trop  gi-ands  fraiz.  Knfin  je  ne  cesseray  que  je  ne 
trouve  quelque  moyen  de  servir  cez  personnes ,  sinon  romineje  doibs, 
au  moings  comme  je  le  pourray.  Et  trouve  que  vous  avez  trez  pru- 
demment faict  de  ne  leur  rien  dire  de  cette  empreinte  des  petites 
plaques  de  bronze,  pour  ne  trop  esmowvoir  leur  surabondante  lionnes- 
teté.  Il  eust  sufly  d'y  |)lac(|U('r  dessus  un  morceau  de  pajtier  mouillé 
as.sez  mince  pour  bien  ])rcndr<^  l'impression  du  caractère  soubs  prétexte 
de  le  mieux  lisre,  ou  de  le  transcrire  plus  punclùellement,  afin  de 
pouvoir  juger  du  siècle  k  pou  prez,  dont  je  ne  vous  diray  rien  que  je 
ne  voye  l'empreinte  de  la  vostre,  pour  examiner  la  forme  du  caractère. 

La  description  que  vous  m'avez  faicte  de  cez  deux  cryptes  soubs- 
lerraines  de  la  vigne  du  sieur  Haby  à  Pozzo  Panlalcon  m'a  esté  gran- 
dement agréable  et  principalement  de  celle  qui  estoit  payenne,  et  cei 

'  Le  cabinet  de  l''rauçois  du  Périer  était  '  I^  famille  du  IVrier  avait  m  luaisoii 

un  dos  |ihis  riclies  de  in  ville  d'Aix.  Voir  ce  sur  la  place  des  Pnîchpurs. 
qii'en  dit  M.  E.  lioiuiaffé  dans  son  Diclim-  '  A    10   kiloniilres   de  Saint-GaiMleus 

nairc  des  amateurs  français,  p.  ij'S-g'i.  (Hsute-Goronne). 


704  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

figures  de  stucco  en  bas-reliefs  eussent  bien  peu  mériter  d'estre  des- 
seignées  avant  que  les  laisser  périr.  Vostre  relation  de  ce  corps  pétrifié 
est  bien  considérable  aussy,  et  plus  vray semblable  que  tout  ce  que 
l'on  m'en  avoit  voulu  dire  d'abbord.  Mais  si  vous  pouviez  mesnager  que 
j'eusse  le  petit  Trépied  de  marbre  que  vous  avez  descouvert,  vous  me 
feriez  le  plus  signalé  plaisir  que  vous  me  puissiez  faire,  et  oultre  la 
façon  du  moderne  à  r'eriqîlacer  et  le  bas  de  soye  que  vous  avez  offert, 
je  payeroys  bien  volontiers  quelque  chose  de  plus  à  vostre  discrétion, 
et  vous  asseure  que  je  ne  vous  en  seroys  pas  ingrat.  Que  si  vous  faisiez 
le  voyage  de  Naples,  il  fauldroit  négocier  la  permutation  de  celuy  de 
Santa  Maria  Rotunda  dont  le  dessein  est  imprimé  dans  le  Cappacio  ', 
duquel  je  payeiois  de  bon  cœur  une  cinquantaine  de  bons  escus  s'il 
estoit  en  commerce,  et  possible  quelque  chose  de  plus.  M'asseurant 
que  vous  y  trouveriez  des  expediajits  plus  que  vous  ne  vouldriez  pour- 
veu  que  vous  fussiez  sur  les  lieux,  et  me  semble  que  vous  ne  debviez 
pas  refuser  à  l'eminentissime  cardinal  Boncompagno  un  moys  de  vostre 
sesjour  chez  luy  pour  luy  remettre  en  ordre  son  cabinet.  J'ay  esté  bien 
aise  d'entendre  ce  que  vous  me  mandez  de  sa  délectation  en  la  langue 
grecque.  Il  est  en  lieu  où  il  peult  avoir  faict  et  continuer  de  grands 
recueils  de  livres  Grecs  MSS.  et  si  j'avoys  le  roolle  de  ceux  qu'il  a, 
possible  trouverions  nous  un  jour  le  moyen  d'y  en  adjouster  quelqu'un 
de  plus. 

L'édition  de  mon  Nie.  Damascenus  et  autres  autheurs  Grecs  est  fort 
advancée ,  mais  non  encores  du  tout  achevée.  Si  tost  qu'elle  le  sera ,  je 
ne  manqueray  de  luy  en  envoyer  un  exemplaire.  Cependant  je  demeu- 
reray  tousjours, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  U  may  i634. 

Le  R.  P.  Saquy  vous  serviroit  peult  estre  bien  en  la  négociation 

Guiliaume-Gésar  Capaccio  est  l'auteur  d'un  traite  sur  les  emblèmes  qui  est  oraé  de 
3oo  petites  gravures  sur  bois  {DeUe  imprese,  Naples.  1592,  in-4°). 


[163/il  À  CLAUDE  MENESTHIIÎR.  705 

pour  lo  Trépied  de  marbre  de  Ilomc,  pour  vous  descharjjer  d'envie,  et 
je  ne  laisroys  pas  de  vous  en  avoir  tousjours  auitant  d'obli|;ation.  si 
vous  trouviez  bon  de  la  luy  communiquer  et  l'y  employer. 

Si  vous  trouviez  à  vendre  un  exemplaire  des  familles  d'Ursinus  ' 
([uoyque  frippé,  vous  obligeriez  quant  et  moy  un  de  mes  amys  qui  me 
In  demande  et  M'  Despiots  le  payera  comme  vous  ordonnerez. 

Depuis  avoir  escript  M' le  Baillif  de  Fourbin  m'a  envoyé  icy  le  sieur 
do  Seva,  escrivain  de  la  galère  de  M'  de  la  Valette,  qui  avoit  rec3u  la 
consigne  de  voslre  caisse,  pour  me  rendre  compte  de  ce  qui  s'y  estoit 
passé,  lequel  ne  m'a  rien  sceu  dire  de  la  veritté  que  vous  en  aviez  lire, 
mais  il  m'a  descript  entre  les  balles  de  M""  de  Crequy  une  si  longue, 
si  large  et  si  haulte,  et  de  si  peu  de  poids  pour  la  grosseur  que  j'es- 
time que  ce  puisse  estre  celle  de  M'  Melan,  du  bas  relief  du  M[arqui8] 
Justinian,  mais  on  l'a  portée  à  Grenoble  puisqu'il  plaict  à  Dieu.  Il  m'a 
dict  que  les  sieurs  Gioan.  Batt.  Rossi  et  Egidio  Rossi  de  Civita  Vecchia 
font  tous  les  jouis  des  voitures  de  balles  qu'ils  envoyent  en  ce  pais  icy 
pour  conte  des  sieurs  Blavel  et  Faulconiera  de  Rome,  et  du  sieur  Gio. 
de  la  Saigne,  marchand  François  à  Rome,  et  pour  le  sieur  Despiots, 
à  (|ui  il  sufiit  d'envoyer  tout  ce  que  vous  me  voudrez  faire  tenir*. 


LXXVin 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  REZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Le  jour  mesmes  que  l'ordinaire  d'Avignon  estoit  passé  par  Gènes, 
par  qui  je  vous  avois  escript  assez  amplement,  aussy  bien  qu'à  plusieurs 

'   Fuliii  Ursiui  familiw  romaïup  quif  re-  coin  en  haul,  h  gauche,  du  même  folio,  au 

petiuiUur  iu  uniiquis  luimismntibiii  (Honip,  verso, se  trouve  cr  renvoi  :<■  Sans  vous  lour- 

1577,  in-fol.).  menter  de  chercher  des  curiositei  d'amy« 

'  Bil)liolliô(|ue  de  l'Hcole  de  niddeciiie  de  qui  ont  trop  d'autres  afluircs  pour  te  sou- 
Montpellier,  nis.  H  971,  fol.  i48.  Dans  le  venir  des  noslres. » 

•« 


im  LETTRES   DE  PEIRESG  [1634] 

autres  de  noa  meilleurs  arays,  voulant  faire  loger  en  mon  cabinet  le 
contema  de  vostre  caisse,  que  j'y  avoys  faict  remettre  à  l'instant  mesmes 
qu'elle  fust  ouverte,  pour  en  débarrasser  ma  chambre,  à  cause  que 
M' le  Nonce  y  voulut  venir',  sans  que  j'eusse  depuis  eu  le  loisir  de  le 
mieux  revoir,  pour  les  affaires  qui  m'estoient  survenues  et  le  peu  de 
temps  que  j'avoys  eu  peine  à  desrober,  pour  escrire  à  Rome,  je  me 
trouvay  bien  plus  heureux  que  je  n'avoys  pensé  quand  aprez  avoir  faict 
de  rechef  tirer  dehors  de  la  dicte  caisse  touts  cez  vases  que  j'avoys 
desja  veus,  un  de  mes  gents  s'apperceut  qu'au  fonds  de  l'un  des  es- 
tages  il  sembloit  qu'il  y  eust  quelque  secret,  lequel  je  fis  incontinent 
deffoncer,  et  y  trouvay  la  plus  part  de  ce  qui  nous  manquoit  et  que 
vous  m'aviez  escript  en  avoir  tiré,  pour  me  l'envoyer  par  quelqu'un 
de  cognoissance  en  attendant  autre  commodité  que  celle  des  galères 
pour  la  caisse  entière,  dont  je  fus  grandement  consolé  et  marry  tout 
ensemble  de  ne  m'en  estre  plus  tost  apperceu  pour  ne  vous  laisser  en 
peine  de  ce  costé  là,  combien  que  je  croys  que  vous  songerez  facile- 
ment que  tel  secret  aye  trompé  la  veiie  de  gents  qui  y  alloient  à  la 
bonne  foy  et  simplicité  comme  nous.  Attendu  l'advis  que  vous  m'aviez 
donné  d'avoir  tiré  hors  de  la  caisse  tout  ce  que  nous  n'y  trouvions  pas 
d'abbord,  et  que  nous  n'avions  pas  d'autre  lettre  vostre  postérieure, 
car  sans  cela  nous  eussions  esté  plus  curieux  de  fouiller  jusques  au 
dessoubs  de  la  paille.  Mais  il  n'y  a  pas  grand  mal  à  tout  cela,  puisque 
tout  ce  que  vous  aviez  trouvé  bon  de  nous  envoyer  est  arrivé  à  bon 
port  et  bien  conditionné,  dont  je  vo«s  suis  bien  redebvable  de  la  pre- 
ferance  que  vous  m'en  avez  réservée  non  seulement  sur  voz  autres  amys 
et  serviteurs,  mais  aussy  sur  vous  mesmes,  ce  que  je  tiens  à  singu- 
lière faveur,  et  dont  je  ne  pense  pas  mourir  ingrat  si  Dieu  favorise  mes 
vœux  et  les  petits  desseins  que  j'en  ay  faict.  Avec  cette  protestation 
que  tout  ce  que  j'ay  receu  maintenant,  et  que  je  puis  avoir  receu  cy 
devant  ou  recevoir  à  l'advenir  de  vostre  part,  à  quelque  tiltre  que  ce 
soit,  et  mesmes  ce  que  je  puis  avoir  eu  d'ailleurs,  sera  tousjours  à 

'  Le  nonce  Bolognetli ,  dont  il  a  été  question  plus  haut. 


LlC3iJ  À  CLAUDE  MKNESTHIEH.  f«7 

vostre  disposition  absoiiie,  quelque  rembourceniciit  que  j'en  peuase 
avoir  faict  ou  non,  et  vous  sera  fidèlement  envoyé  et  restitué,  à  la 
moindre  cognoissance  que  je  puisse  avoir  de  voz  intentions  pour  ce 
regard.  Vous  priant  de  me  les  faire  entendre  librement  et  sans  aulcune 
cérémonie  et  vous  verrez  par  les  ellectz  avec  quelle  franchise  j'y  pro- 
cederay  et  de  combien  boa  cœur  je  contiibueray  à  voz  contentements 
et  à  vostre  service  tout  ce  qui  pourra  dépendre  de  raov. 

J'ay  donques  trouvé  dans  cette  cache  (que  vous  aviez  faicte  bien  à 
propos  à  cause  du  danger  qu'il  y  a  sur  les  galères  de  laisser  voir  des 
choses  trop  subjectes  à  la  pince)  une  petite  boitte  rouge,  où  estoient 
les  U  médailles  d'or,  l'Hadrien  de  Delpiies,  le  médaillon  d'argent  de 
Salonina,  et  le  camayeul  de  nacre  que  j'ay  veu  aussy  volontiers  qu'aul- 
cune  des  autres  pièces.  Car  j'avoys  une  vinlaine  de  graveures  en  cette 
matière,  trouvées  en  un  niesme  lieu,  que  je  ne  me  pouvoys  persuader 
estre  antiques,  bien  que  la  manière  n'en  fusse  pas  incompatible  à 
l'antique,  à  faultc  d'avoir  rien  veu  de  semblable  ailleurs.  Oultre  la 
boitte  je  trouvay  la  paterc  de  bronze  avec  lettres  étrusques,  la  grosse 
plaque  quar.rée  du  taureau  ou  de  la  vache,  une  autre  plaque  ronde 
avec  un  chainori  à  la  suspendre,  la  queue  à  crochet  d'une  lampe,  des 
fragments  d'ance,  une  vingtaine  de  cez  monnoyes  pesantes  ou  garnies 
des  marques  de  leur  poids,  comme  vous  m'en  proposiez  aultant  en 
vostre  lettre,  l'Apollon  au  revei-s  de  Trajan,  le  Domitian  en  metail  de 
Corynthe,cinq  ou  six  petites  pièces  /Egyptiennes, quatre  ou  cinq  autres 
médailles  avec  des  Trépieds  et  sept  ou  huict  bulles  grecques  de  |)lonib, 
un  cloud  ([uarré  en  forme  de  serpenteau  et  possible  encores  quelque 
autre  chose  que  j'oublie,  comme  j'avoys  oublié  le  va.se  de  metail  jaulue, 
et  l'empreinte  de  la  placque  de  voz  sortilèges  antiques.  Laquelle  m'a 
esté  grandement  agréable,  la  figure  du  charactere  y  pouvant  paroistre 
quasi  aussy  bien  comme  sur  l'antique,  si  je  [ne]  me  Ironjpe.  Et  sçau- 
roys  bien  volontiers  si  les  autres  deux  de  la  Senora  Donna  Felire  sont 
de  pareil  charactere  ou  non. 

J'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  que  la  sisailleure  de  l'une  des  rae- 
dailletles  d'or  y  aye  faict  conserver  l'inscription  UOMA  que  l'on  avoit 


708  LETTRES  DE  PEIRESC  [16U\ 

effacée  sur  l'autre,  n'estant  pas  marry  d'en  avoir  plustost  deux  qu'une 
seule,  et  s'il  vous  en  tomboit  en  main  une  troisiesme,  oîi  la  figure  des 
notes  ou  chiffres  adjoustées  du  costé  de  la  teste  fusse  bien  nette,  je 
l'achepteroys  encores  bien  volontiers.  La  petite  de  Tibère  d'or  qui  n'est 
que  du  dcmy  poids,  m'a  encores  bien  satisfaict,  et  si  vous  en  ren- 
contrez d'autres,  quelles  que  ce  soient,  de  ce  qualibro  à  peu  prez,  vous 
me  ferez  faveur  de  me  les  retenir  et  de  me  mander  si  vous  en  avez 
veu  d'autres  empereurs,  et  avec  quels  revers  à  peu  prez  et  chez  qui. 
Mais  je  vous  prie  de  ne  le  pas  mettre  en  oubly. 

L'Hadrian  m'a  pareillement  bien  esté  advisable,  et  l'eust  esté  au 
double,  si  l'on  n'eusse  gasté,  comme  l'on  a  faict  en  le  nettoyant,  les 
troys  bases  ou  piedestaulx  ou  patturons  qui  soubstenoient  la  machine 
triangulaire,  dont  l'une  a  saulté  tout  à  faict  hors  de  la  médaille,  l'autre 
est  bien  endommagée,  et  la  troisiesme  bien  fondue.  Mais  tousjours  la 
vault  il  bien  mieux  avoir  comme  cela  que  de  ne  l'avoir  poinct. 

Je  n'ay  pas  encor  examiné  le  poids  de  ce  médaillon  d'argent  de  Sa- 
lonine,  qui  sera  à  mon  advis  le  demy  de  celuy  d'Alexandre  Severe.  Ce 
poids  de  l'once  avec  le  vase  n'est  gueres  bien  conservé,  mais  je  ne  laisse 
pas  de  vous  en  avoir  bien  de  l'obligation,  pour  l'assortiment  de  mes 
petites  fantaisies.  Comme  de  touts  les  autres  de  pareille  nature,  et  de 
cette  plaque  mesmes  quarrée  qui  monstre  certainement  estre  de  pa- 
reille manière  et  antiquité,  à  quoy  que  ce  soit  qu'elle  aye  peu  servir. 
Car  il  n'y  a  poinct  de  notes  qui  ayent  du  rapport  au  poids,  comme  en 
toutes  les  autres  pièces  qui  esloient  véritablement  de  VMS  GRAVE 
monoyé.  N'estimant  pas  que  puisque  vous  voyez  passer  par  voz  mains 
une  si  grande  multiplicité  d'anticailles,  il  ne  vous  tombe  quelque  jour 
en  main  quelque  pièce  de  cette  vieille  monnoyc  avec  ie  mouton  ou  la 
brebis.  Attendu  mesmes  qu'il  me  semble  avoir  ouy  dire  à  feu  Alexandro 
Borgianni  et  à  d'autres  qu'ils  en  avoient  veu  plus  d'une  i'oys.  J'avoys 
troys  autres  pièces  de  mesmes  devises  à  celle  que  m'avez  envoyées 
avec  une  main,  et  deux  Claves  d'Hercule.  Mais  le  poids  de  la  vostre 
est  beaucoup  plus  légitime  que  celuy  des  miennes,  et  la  figure  ra'ayde 
aussy  à  recognoistre  quelque  chose  de  plus  qu'aux  miennes.  Ce  qui  me 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIK [{.  709 

faict  ressouvenir  que  de  toutes  les  pièces  que  vous  rencontrerez  es- 
criptes  en  lettres  étrusques,  vous  me  ferez  plaisir  de  me  retenir  tout 
ce  que  vous  ne  vouldrez  pas  pour  vous,  car  bien  (jue  j'en  ave  desja  un 
assez  bon  nombre,  je  les  recevray  tousjours  trcz  volontiers  soit  (|ue  ce 
soient  des  pièces  de  Y/E^  grave  (dontj'ay  un  assortiment,  comme  pour 
c.ez  Romaines,  de  toutes  les  pièces  ordinaires  de  la  libvre,  demy  libvre, 
triens,  quadrans,  et  de  l'onco  avec  lettres  Elruscjues,  mais  je  n'en  ay 
poinct  de  sexlans  avec  de  telles  lettres,  qiioy([ue  j'aye  plus  de  3o  pièces 
avec  la  note  du  sextans),  soit  ({ue  ce  soit  des  autres  pièces  de  meilleure 
manière,  mais  plus  petite  et  moings  ancienne,  dont  j'ay  pareillement 
plus  de  ao  pièces. 

Enfin  nous  avons  trouvé  en  cette  cache  quasi  tout  ce  que  vous  nous 
aviez  promis  par  voz  précédantes  dernières  lettres,  je  dicts  ((uasi  d'aul- 
tant  que  je  n'y  ay  pas  trouvé  celte  petite  pierre  rougoastre  que  vous 
disiez  estrc  remplie  de  paillettes  d'or,  dont  vous  mandiez  à  M'  Aubery 
de  m'en  avoir  envoyé  une  pareille  à  celle  qu'il  a  eu  de  vous.  Je  n'y  ay 
poinct  aussy  trouvé  le  petit  poids  avec  le  Taureau,  que  vous  dictes  estre 
environ  du  poids  de  l'once,  ne  les  balances  ou  escuellons  de  balances 
antiques,  que  vous  m'aviez  faict  espérer,  et  que  je  ne  retiendray  poinct, 
si  vous  trouvez  bon  que  je  vous  les  renvoyé  incontinant,  à  quoy  je  ne 
manqueray  poinct  de  suyvre  voz  ordres  punctuellement,  mais  je  vous 
jiuray  de  l'obli^jation  si  j'en  puis  avoir  la  veiie  et  les  examiner  i^  ma 
mode.  Et  pour  la  pierre  rougeastre  je  pense  bien  qu'il  n'y  auroit  pas 
grand  danger  quand  vous  la  mettriez  dans  un  pacquet  de  lettres,  ne 
pouvant  pas  estre  chose  de  grand  volume.  Voire  mesmes  quand  cette 
médaille  du  Taureau  ne  pesant  pas  plus  d'une  once,  seroit  mise  dans 
un  paquet  soubs  l'enveloppe  de  l'Eminentissime  Cardinal  ou  de  quel- 
qu'un des  siens,  et  soubs  l'addresse  à  Gènes  de  l'illustrissime  seigneur 
Gir.  Spinola,  gênerai  délie  poste,  je  n'estime  pas  qu'elle  pousse  courir 
de  fortune,  à  celte  heure  que  les  pedons  d'Avignon  sont  restablis,  les- 
quels me  cognoissent  et  m'apporteront  tousjoui-s  fort  seuremenl  tout 
ce  que  me  vouldrez  envoyer  par  celte  adresse.  Et  si  vous  affectez  de 
la  recouvrer,  je  la  vous  renvoyeray  si  tost  que  je  l'auray  veiie.  Craignant 


710  LETTRES  DE  PEIRESC  [163/i] 

que  vous  n'ayez  de  long  temps  des  commoditez  de  voiture  de  Rome 
icy.  J'adresseray  cette  lettre  à  Lyon  à  tout  hazard  au  cas  qu'elle  y 
puisse  arriver  à  temps  avant  que  l'ordinaire  de  Paris  en  soit  party, 
sinon  vous  l'aurez  une  semaine  plus  tard.  Et  sur  ce  je  finiray  atten- 
dant vostre  bordereau  dans  une  quinzaine  de  jours  pour  satisfaire 
punctuellement  à  voz  ordres,  et  demeurant, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  8  may  i634. 

Si  vous  pouvez  sçavoir  asseurement  le  lieu  où  a  esté  trouvée  la  pa- 
tera  Etrusque  que  vous  m'avez  envoyée,  el  en  quel  temps  à  peu  prez, 
vous  me  ferez  plaisir  de  m'en  advertir,  comme  aussy  de  celle  du  sei- 
gneur Angeloni,  lequel  je  prie  de  me  vouloir  octroyer  un  modelle 
entier  de  la  sienne,  où  je  puisse  examiner  sa  grandeur  et  mesure  et 
touts  les  ornements  et  enrichissements  qui  y  peuvent  estre  comme  en 
la  mienne.  H  la  fauldroit  faire  mouller  en  bronze  de  mesme  couleur  à 
peu  prez,  et  marquer  ce  que  pesé  l'antique  et  la  differance  du  poids 
de  ce  modèle,  comme  aussy  fauldra  examiner  si  le  modelle  contiendra, 
beaucoup  moings  que  l'original  antique  ou  non.  Car  il  y  fauldra  laisser 
les  figures  délivrées  comme  elles  sont  sans  en  augmenter  le  vuide  ou 
cappacité  de  la  cueiller.  L'ouvrier  qui  travaille  au  Trépied  du  Prince 
Borgliese  fera  bien  cela,  et  le  P.  Saquy  le  solicitera  et  fera  payer  son 
salaire  comme  de  raison. 

Si  vous  sçaviez  que  sont  devenues  toutes  cez  Tables  Etrusques  trou- 
vées à  Eugubia  '  dont  ii  en  fut  imprimé  quelqu'une,  je  l'apprendroys 


'  Autrefois  Eugubium,  aujourd'hui  Eu- 
gubio ,  dans  TOmbrie.  On  sait  qu'en  l'an- 
née 1  i  4  4  on  y  découvrit  sept  tables  d'airain 
couvertes  d'inscriptions  fort  anciennes  en 
caractères  étrusques  et  latins.  Le  meilleur 
travail  que  l'on  possède  sur  les  Tables  Eu- 
gubines  est  celui  de  M.  Michel  Bréal  (de 
l'Institut),  publié  en  iSyô.  Gassendi  nous 
apprend  (livre  I,  h  l'année  i6oo,  p.  54) 


que  Peiresc  se  rendit  à  Eugubium  tout'  ex- 
près pour  voir  le  lieu  où  avaient  été  trouvés 
ces  antiques  monuments.  Il  nous  apprend 
aussi  (livre  V,  à  l'année  i635,  p.  4.33) 
qu'il  demanda  une  copie  ti'ès  soignée  des 
inscriptions  d'Engubio  à  l'archéologue  Doni . 
voulant  essayer  de  les  expliquer  et  de  com- 
pléter ainsi  les  recherches  de  Bernardin 
Baldi. 


[163/1]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  711 

aussy  bien  volontiers.  Et  s'il  se  pourroit  avoir  empreinte  du  ciiaractere 
de  quelqu'une,  sinon  en  Lronze,  au  nioings  en  papier  mouillé'. 


LXXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BEZiISÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 

Ayant  esté  surprins  par  le  pedon  d'Avignon,  tandis  que  je  i'ay 
envoyé  desjeuner,  j'ay  escript  un  mot  à  Son  Eminence  et  vous  accu- 
seray  encores  la  réception  de  vostre  lettre  du  6  may  avec  le  contereau 
de  la  despcnce  que  vous  avez  faicle  pour  moy,  où  je  trouve  tant  de 
bon  mesuage  que  je  ne  vous  en  sçaurois  rendre  assez  de  remerciraent*. 
ne  de  service  en  revanche  qui  puisse  satisfaire  à  mes  vœux,  mais  je 
n'y  espargneray  rien  si  jamais  je  le  puis. 

Je  viens  de  recevoir  présentement  les  fagots  que  M'  de  Bonnaire 
avoit  consignez  à  Patron  Guillem  Faulconnier,  dont  vous  m'aviez  faict 
feste,  et  avec  lesquels  je  pensoys  trouver  la  graveure  .\IAOT  avec  la 
pierre  de  drap  d'or  et  autres  chosettes  demeurées  en  arrière,  mais  il 
ne  s'y  en  est  rien  trouvé.  Et  pense  qu'il  n'y  aura  pas  de  danger  quand 
me  les  envoyerez  par  la  poste  du  costé  de  Gencs,  soubs  l'cnvelopp*- 
de  l'illustrissime  Evesque  de  Vaison,  ou  de  l'illustrissime  sieur  Cavalier 
del  Pozzo,  et  l'addresse  du  sieur  G.  Spinola,  General  des  Postes  à 
Gènes.  Voire  si  de  cez  pierres  de  drap  d'or  vous  ne  m'en  pourriez 
envoyer  une  coupple  au  lieu  d'une  seule,  je  la  payerois  volontien». 
Atlendant  impatiemment  le  succez  de  vostre  traiclé  avec  l'Abbé  de 
S^  Grégoire  pour  le  Trépied  de  marbre,  (pie  je  vous  supplie  de  ne  pas 
négliger  et  de  le  conduire  discrètement  pour  n'esventer  la  cha.sse.  et 
ne  vous  faire  oster  la  curée  de  la  bouche.  Car  il  me  taixie  bien  de  Voir 

'   Bibliotlièfpie  de  l'École  de  iniklecine  de  Montpellier,  ms.  U  «71,  fol.  i5». 


712  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

cette  pièce  et  vous  ne  me  sçauriez  obliger  en  occasion  qui  me  soit 
plus  sensible. 

Pour  les  gros  poids  du  sieur  Stephanoni,  si  vous  me  les  aviez  à 
peu  prez  descripts,  soit  des  figures  et  notes  qui  y  sont,  soit  de  leur 
poids,  grave  ou  léger  à  peu  prez,  telle  chose  ce  pourroit  estre  que  je 
n'y  plaindroys  pas  l'argent.  Tout  au  contraire  ce  pourroit  estre  chose 
de  fort  peu  de  conséquence.  Entre  ceux  que  m'avez  envoyez  du  poids 
léger  il  y  en  a  un  comme  la  figure  faicte  icy  contre.  J'en  avoys  deux 
autres  semblables  sans  que  j'aye  peu  recognoistre  ce  que  c'est.  Si  vous 
en  trouvez  d'autres  soit  à  achepter  ou  à  mouUer,  je  vous  prie  de  m'en 
faire  avoir  tout  ce  que  vous  pourrez,  pour  voir  si  nous  sçaurions  de- 
viner que  peult  estre  cette  figure  qui  m'est  si  incogniie.  11  fault  que  la 
quantité  de  pareilles  pièces  nous  fournisse  les  occasions  de  conjecturer 
ce  que  c'est. 

J'ay  recouvré,  cez  jours  icy,  une  lanterne  de  terre  antique  la  plus 
bigearre  que  j'aye  jamais  veue  en  forme  d'une  teste  humaine,  laquelle 
au  lieu  de  chevelleure,  de  barbe  et  de  moustache,  a  des  feuillages 
comme  de  l'Achanthe,   et  la   lumière  paroit  par  l'ouverture  de  la- 
gueule,  des  ieulx  et  des  cornichons. 

Je  vous  prie  de  me  mander  si  avez  rien  veu  d'approchant  à  cela,  soit 
dans  les  bronses  ou  bas  reliefs  de  marbre.  Et  si  avez  rencontré  des 
visages  ou  Mascarons  antiques  revestus  de  tels  feuillages,  au  lieu  de 
chevelleure.  Car  j'en  avoys  veu  que  j'avois  creu  modernes,  mais  cette 
lanterne  me  met  en  suspens,  estant  de  trez  bonne  maestrie  et  avec 
de  grandes  marques  de  l'Antique.  Ne  me  souvenant  pas  d'avoir  veu  de 
cez  feuillages  qu'aux  tritons  et  autres  monstres  marins,  pour  servir 
d'union  delà  partie  du  corps  humain  à  celle  du  poisson,  comme  il  y 
en  a  entre  les  camayeuls  du  patriarche  d'Aquilée  imprimez  dont  j'ay 
veu  les  originaulx  à  Venise.  Une  petite  médaille  dont  vous  m'aviez 
autres  foys  envoyé  un  plomb,  avoit  une  leste  armée  d'une  despouille 
que  je  jugeoys  marine  avec  de  telz  feuillages.  Il  me  semble  avoir  veu 
une  teste  coiffée  d'une  cheveleure  de  feuille  de  chesne,  au  lieu  d'une 
simple  couronne,  mais  je  n'en  ay  pas  trop  bien  conservé  la  souvenance. 


[1634]  A  CLAUDE  MENESTRIER  713 

Songez  y  et  y  prenez  garde  plus  exactement  à  l'advenir.  J'ay  vu  le  des- 
sein de  l'Abacus  du  sieur  Angeloni  qui  semble  estre  prins  à  rebours 
et  à  contre  sens  avec  quelque  confusion.  Mais  cela  s'examinera  une 
autre  foys,  et  je  demeureray, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  9  juin  i63i  '. 


LXXX 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHAÎVOINE  DE   BEZANÇON, 

EN  L\  COUR  DE  L'EMINENTISSIME  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  soubs  l'enveloppe  de  M' l'Evesque  de  Vaison  vostre  lettre 
du  2  de  ce  moys  par  l'ordinaire  de  Gènes  avec  les  deux  petites  mé- 
dailles d'or  y  contenues,  dont  je  vous  remercie  trez  affectueusement  et 
du  bon  mesnage  qu'y  avez  faicl,  pour  me  les  procurer  et  les  arracber 
de  la  main  de  ceux  qui  les  avoient,  ayant  certainement  prins  grand 
plaisir  de  voir  la  plus  petite  avec  la  teste  d'un  Mars  et  l'inscription 
ROMA,  et  de  voir  qu'elle  soit  de  si  peu  de  poids.  Mais  j'ay  bien  esté 
mortifié  quand  j'y  ay  trouvé  des  vestiges  ou  fragments  des  mcsmes 
notes  qui  sont  aux  autres  plus  grosses,  et  que  la  pièce  n'a  pu  fournir 
un  peu  plus  de  matière  soubs  le  coing  de  ce  costé  là  pour  ne  laisser 
aulcune  occasion  de  doubter  si  c'estoient  les  mesmes  notes  des  grosses 
ou  bien  des  autres  différantes  à  celle  fin  d'y  chercber  par  aprcz  l'occa- 
sion de  diversité  au  poids.  Ce  qui  me  fera  vous  supplier  de  bien  reclier- 
cber  curieusement,  et  tous  les  curieux  de  vostre  cognoissance,  si  vous 
n'en  trouverez  pas  quelque  autre  pareille  à  peu  prez,  pour  nous  csclair- 
cir  de  la  vraye  figure  et  qualité  desdictes  notes.  Nfasseurant  (jue  vous 

'  Bibliollièque  de  l'École  de  médecine  de  Monli>ellier,  iiis.  H  971,  fol.  iS&. 

T.  9" 


714  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

y  en  trouverez  quelqu'une,  ou  qu'il  s'en  desterrera  de  nouvelles  de 
quelqu'aulre  coslé,  qui  ne  vous  eschapperont  pas  si  vous  y  veillez  tant 
soit  peu.  L'arrivée  de  celle  cy  m'a  faict  peser  les  autres  plus  grosses 
que  m'aviez  envoyées  cy  devant,  où  j'ay  trouvé  un  peu  estrange  que 
celle  oh  l'inscription  ROMA  est  effacée ,  ne  laisse  pas  de  peser  encores 
davantage  que  l'autre  qui  n'a  qu'un  coup  de  cisaille  sans  emporter  la 
pièce.  Mais  c'est  peu  de  chose  que  cette  differance,  les  anciens  n'ayants 
pas  esté  si  scrupuleux  au  contre  poids  qu'ils  regardassent  à  de  si  pe- 
tites minuties  en  cez  vieulx  temps  là.  Ce  neantmoings  je  verroys  vo- 
lontiers un  contre  poids  bien  exactement  adjusté,  sur  le  vray  poids  de 
celle  que  vous  dictes  estre  au  cabinet  de  la  Senora  Dona  Felice,  car  je 
m'imagine  qu'elle  debvra  estre  beaucoup  mieux  conservée  que  toutes 
les  autres  que  nous  avons,  pour  voir  si  elle  sera  de  poids  plus  fort  ou 
plus  foible  que  les  miennes.  Mais  il  ne  sera  pas  de  besoing  que  vous 
m'alléguiez  pour  cela,  s'il  vous  plaict,  pour  esviler  toutes  occasions  de 
cérémonies.  Et  le  pourrez  faire  par  occasion,  comme  pour  vostre  curio- 
sité propre.  Ainsin  que  vous  avez  si  bien  mesnagé  pour  les  empreintes 
de  cez  deux  plaques  de  bronze,  que  j'altendray  en  bonne  dévotion 
puisqu'il  vous  plaict  m'en  avoir  procuré  la  communication  con  si  bel 
modo  '.  Et  recevray  à  faveur  la  troisiesme  médaille  d'or  des  grossettes 
qu'on  vous  avoit  offerte  en  eschange  du  Claude,  principalement  si 
elle  est  bien  conservée  et  bien  pucelle  et  non  touchée  comme  les  autres 
deux  par  des  cisailles,  ou  par  la  pierre  ponce,  afin  de  bien  juger  de 
leur  poids  ordinaire.  Et  suis  marry  que  n'ayez  retenu  la  bague  d'or  où 
estoit  la  medaillette  d'Auguste,  car  une  couple  d'escuz  ne  me  com- 
mandent pas,  en  pure  perte,  en  ces  occurrances  de  bigearries.  Et  si 
elle  n'est  vendue,  me  ferez  plaisir  de  me  l'achetter  encores.  M""  Despiots 
fournira  tousjours  ce  qu'il  vous  fauldra. 

Vous  m'avez  encores  faict  plaisir  de  m'escrire  le  desnombrement 
des  autres  petites  médailles  d'or  que  vous  avez  veiies,  ou  que  Mess"  cez 
Godifredy  vous  ont  dict  avoir  en  leur  pouvoir,  et  encores  plus  de  m'en- 

'  De  si  belle  façon. 


[163/1]  A  CLAUDE  MENESTRIER.  715 

voyer  le  petit  M.  Aurele  dont  je  vous  remercie  bien  fort  aussy,  et 
quanti  en  rencontrerez  d'autres  à  prix  tollerable,  j'y  tiendray  mon 
argent  bien  employé,  et  vous  en  auray  de  l'obligation.  Mais  pour  re- 
venir auxdicts  sieurs  Godifredi,  je  suis  quasi  résolu  de  les  attaquer 
pour  tascher  de  noiicr  quelque  commerce  avec  eulx,  qui  ne  sera  pos- 
sible })as  si  impossible  de  loing  que  de  prez,  à  cause  dos  jalousies  qui 
peuvent  plus  agir  sur  les  lieux,  mais  il  fauldroit  que  je  sceusse  de  vous 
souhs  main  ([u'est  ce  qu'on  leur  pourroit  envoyer  ou  proposer  qui 
fusse  bien  de  leur  goust.  Nous  sommes  venus  à  bout  de  tjjul  d'autres 
choses  difliciles,  que  malaisément  des  gents  si  honnestes  se  pourront 
deffendre,  eulx  prenant  du  costé  de  l'honnesteté,  par  lequel  il  y  a  si 
peu  de  choses  imprenables.  Et  mandez  moy  leurs  tiltres  et  qualitez 
tant  de  l'un  que  do  l'aultre  des  frères,  et  par  qui  vous  jugeriez  que  je 
leur  densse  faire  presanter  mes  lettres,  qui  fusse  hors  de  soubçon  de 
jalousie. 

J'ay  esté  bien  aise  d'apprendre  que  ma  patere  étrusque  soit  venue 
du  costé  d'ORVIETO  ',  et  que  celle  de  M"^  Angeloni  soit  veniie  du  ca- 
binet de  feu  M''  Natalizio  de  Foligni^  et  encores  plus  qu'il  y  en  aye  une 
troisiesme  à  Pise,  dont  je  vous  auray  bien  de  l'obligation  et  à  M'  Doni, 
si  j'en  puis  voir  le  dessein,  et  vous  remercie  de  tous  cez  bons  advis, 
et  de  la  peine  qu'y  avez  prins,  comme  du  passage  de  Macrobe,  qui 
semble  bien  convenable  à  vostre  conception,  ot  du  livre  d'IIrsinus', 
et  du  soing  que  vous  prenez  de  faire  solliciter  les  ouvriers  des  vases, 
et  de  les  faire  emballer  et  adresser  au  sieur  Egidio  Rossy. 

Quant  à  la  despence,  véritablement  elle  est  un  peu  bien  grande  et 
ce  serbit  peu  csviter  pour  quelques  pièces  de  celles  qui  cstoient  le 
moings  considérables,  dont  il  eust  peu  suflire  de  voir  les  empreintes 
de  cire,  avec  des  modelles  de  fer  blanc  ou  d'estain,  mais  pour  les  prin- 
cipales, je  n'y  plaindray  pas  la  despence,  comme  peuvent  estre  le  Tré- 
pied ot  la  patere  du  sieur  Angelony.  Seulement  je  regrette  qiie  la  gra- 
veure  du  Paris  et  du  Mercure  n'y  ayent  peu  paroistre,  ce  qui  me  sera 

'   Dans  l'Ombrie.  à  5-j  kilomèti-es  de  Pdrouse.  —  '  Foligno  esl  nussi  dans  l'Orahrie  el  h 
.1 1  kilomètres  de  Pt'muse.  —  '  Les  famUlex  roiimiuM. 

90. 


716  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

d'une  grande  mortification,  et  s'il  y  avoit  moyen  d'en  faire  jetter  une 
d'estein  (sic)  ou  de  plomb  plustost,  voire  de  piastre  raesmes  sur  le 
moulle  d'une  cire,  je  le  verray  encores  trez  volontiers  pour  pouvoir 
goder  l'empreinte  et  l'image  à  droict  sens  de  ce  qui  est  gravé  sur  cette 
patere.  Et  cependant  je  m'imagine  que  vous  aurez  faict  ajuster  le  mieux 
qu'il  aura  esté  possible  l'empreinte  que  vous  en  avez  tirée  de  cuivre, 
à  son  origine,  pour  y  pouvoir  examiner  les  mesures  de  sa  cappacité  et 
de  touts  les  bords  de  ses  lèvres.  Espérant  que  le  plaisir  de  voir  deux 
ou  troys  des  principales  empreintes  des  vases  bien  exactes  me  guérira 
facilement  tout  le  regret  de  la  despance  des  autres,  quoyque  moings 
nécessaire.  Ne  trouvant  pas  estrange  qu'un  si  long  et  pénible  ouvrage 
couste  de  l'argent,  ce  que  j'avoys  assez  preveu  en  dressant  les  mémoires 
du  P.  Sacquy  où  je  n'affectoys  des  modèles  de  cuyvre  et  de  quelques 
pièces  plus  importantes,  me  contentant  de  simples  comparaisons  de 
mesure  des  autres  avec  les  desseins  ou  modellcs  de  piastre  ou  de  cire, 
mais  la  perte  n'est  pas  si  grande  qu'elle  mérite  d'y  avoir  du  regret,  veu 
mesmes  que  possible  la  veiie  des  modelles  me  satisfera  assez,  pour  les 
uns  comme  pour  les  autres,  pour  mériter  cette  despance,  et  tousjoui-ç 
cet  essay  ne  sera  pas  inutile  à  l'advenir  pour  sçavoir  comme  nous  au- 
rons à  y  procéder.  Cependant,  quand  vous  m'envoyeriez  par  la  poste 
cette  pierre  de  toille  d'or,  comme  les  medailletles  d'or,  il  n'y  auroit 
pas  de  danger  nomplus  que  des  autres  ])etites  graveures  et  de  toutes 
autres  menues  choses  qui  se  peuvent  enfermer  dans  de  petites  boittes 
avec  afforce  cotton  et  adresser  à  Gènes  à  l'illustrissimo  Senor  Giro  Spi- 
nola,  gênerai  délie  poste,  qui  sera  bien  aise  de  les  recevoir  et  me  les 
faire  tenir  seurement,  si  ne  les  voulez  bailler  à  M''  de  Bonnairé  ou  à 
quelqu'un  de  cez  Messieurs  du  Palais.  J'attendray  donc  en  bonne  dé- 
votion la  caisse  de  touts  cez  modelles  de  vases,  avec  le  Trépied  de 
marbre,  soubs  les  adresses  du  Senor  Egydio  Rossi  de  Civita  Vecchia, 
soubs  lesquelles  j'ay  faict  tenir  à  l'Eminentissime  Cardinal  Patron  un 
livre  qui  estoit  demeuré  en  arrière  à  Marseille,  lors  du  despai't  des 
galères,  dont  Son  Eminence  m'a  desja  accusé  la  réception,  bien  qu'on 
ne  l'eusse  faict  partir  de  Marseille  que  plus  d'un  moys  après  le  départ 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTllIKH.  717 

desdictes  galères.  Estimant  que  cette  voye  là  sera  trez  bonne  dez  hors 
mays  et  quasi  meilleure  que  toutes  autres  pour  eslre  bien  réglée  et 
bien  fréquente  et  moings  casuclle  que  la  veniie  des  barques  à  droiclure 
et  tant  en  allant  que  revenant,  principalement  à  cette  heure  que  h- 
commerce  est  libre  à  Florence  et  le  sesjour  si  agréable.  Enfin  je  m'en 
vay  finir  en  vous  réitérant  mes  remercimenls  et  rccognoissances  de 
gratitude,  de  tant  de  peine  que  je  vous  donne,  avec  mes  protestations 
d'un  extrême  désir  de  vous  bien  servir  en  revanche  quelque  jour  Uieu 
aydant.  Et  demcureray, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  a8  juin  j63/i. 

Je  ne  pense  pas  que  le  R.  P.  Athanase  Saquy  puisse  veiiii'  situsl  qu  il 
se  promettoit,  estant  bien  marry  de  l'indisposition  qui  l'a  empesché  de 
passer  les  chaleurs  hors  de  l'air  de  Rome,  en  celuy  de  Florence.  J'ay 
faict  payer  à  M'  de  Gastines,  pour  M""  Despiots,  toutes  les  parties  qu'il 
avoit  desbourcées,  tant  à  vous  (ju'à  luy,  dez  que  j'en  eus  l'advis'. 


LXXXI 
\   MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BEZAISÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  l'ordinaire  de  Gènes  voz  lettres  du  dernier  juin  et 
7"  juillet,  et  fus  bien  aise  d'apprendre  par  icelles,  el  par  celles  que 
le  P.  Saclii  m'a  escrites  de  Marseille  depuis  son  arrivée,  (juc  la  caisse 
des  modelles  ayt  esté  nn'se  ez  mains  du  sieur  Egidio  Ro.ssi,  aprez  cpioy 
il  n'y  a  rien  à  appréhender  pour  ce  regard.  Je  ne  suis  marry  que  de 

'  Bib!iolliè(iue  de  l'École  de  mëdecine  de  Monl|)cllier,  rus.  H  M71.  fol.  i4o. 


718  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

ce  qu'il  soit  emballé  et  consigné  audict  sieur  Egidio,  je  ne  seray  pas  con- 
tent (stc).  Si  j'eusse  sceu  le  nom  de  ce  procureur  gênerai  et  de  cet  abbé, 
et  de  quelle  congrégation  ils  sont,  possible  me  seroys  je  bazardé  de 
leur  en  escrire  un  mot  à  tout  hazard,  principalement  s'ils  estoient, 
comme  je  le  conjecture,  de  la  congrégation  du  Mont  Cassin,  où  je  co- 
gnoysfort  familièrement  afforce  braves  hommes.  Il  fauldra  se  contenter 
de  ce  qu'il  plairra  à  Dieu  que  nous  en  obtenions,  et  croys  bien  que 
vostre dextérité,  qui  viendroit  à  bout  de  choses  plus  difficiles,  achèvera 
celle  là  heureusement  puisqu'elle  a  esté  si  bien  commencée.  Mais  de 
grâce  ne  différez  jamais  au  lendemain  ce  que  vous  aurez  moyen 
d'achever  le  jour  mesmes  que  vous  en  traicterez,  ne  de  vous  deschar- 
ger envers  le  sieur  Egidio  de  tout  ce  que  vous  me  vouldrez  despartir, 
car  il  arrive  des  interruptions  d'un  jour  à  autre,  qui  nous  ostent  sou- 
vent le  moyen  d'accomplir  ce  que  nous  eussions  fort  bien  peu  faire  le 
jour  précédant. 

Au  reste  j'ay  veu  le  dessein  des  poids  qu'avez  retirez  dudict  Pietro 
Stephanoni,  dont  je  vous  remercie  de  fort  bon  cœur,  y  ayant  prins  un 
plaisir  particuher;  mais  pour  celuy  où  il  s'imaginoit  qu'on  eusse  voulu, 
représenter  une  Heur  de  lis,  je  vous  asseure  que  c'est  une  équivoque, 
on  ayant  3  semblables  parmy  les  miens,  où  il  se  void  que  c'est  un  vase 
avec  deux  ances  ou  maiiitiers,  dont  je  vous  pourrai  donner  plus  d'as- 
seurance  quand  je  le  verray.  Que  si  vous  ne  les  avez  ja  engagez  en 
quelque  caisse  avec  le  marbre  de  S'  Grégoire,  il  a  esté  despesché  de 
par  delà  un  messager  d'Avignon  qui  se  nomme  Françoys  Clôt  autre- 
ment Merindol,  à  qui  mou  homme  donna  un  billet  d'adresse  à  M"^  de 
Bonnaire,  lequel  m'apporteroit  volontiers  à  son  retour  une  boitte  avec 
louts  lesdicts  poids  ou  telle  autre  chose  dont  le  vouldrez  chargei-. 

Pour  tout  le  restant  de  voz  lettres,  nous  attendrons  l'arrivée  de  la 
caisse,  afin  d'y  pouvoir  respondre  plus  punctuellement  à  chascun  ar- 
ticle, attendu  que  sans  voir  les  pièces  il  est  mal  aisé  d'en  juger  saine- 
ment. C'est  pourquoy  je  finiray  la  présente.  Aussy  bien  le  courrier 
d'Avignon  vient  d'arriver,  qui  ne  me  donneroit  pas  loisir  de  vous  entre- 
tenir plus  longuement,  remettant  le  tout  à  une  autre  foys,  et  vous 


[163i]  À  CLAUDE  MENESTHIER.  719 

remerciant  trez  liumblement  et  affectueusement  de  la  continuationde 
voz  bons  ofiices,  dont  vous  tirerez  la  revanclie  quand  il  vous  plaira, 
Monsieur, 

de  vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  U  aoust  i6.3â  '. 


LXXXU 
\  MONSIEUR,   MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE   DE   BEZANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 

Ce  n'est  que  pour  accompagner  un  exemplaire  que  vous  m'aviez 
faict  promettre  k  l'eminentissime  cardinal  Buoncompagno,  des  Eclo- 
gues  de  Nicolas  Damascenc ,  Polybe  et  autres  autheurs  Grecs  dont  cez 
frajjments  n'avoient  encores  veu  le  jour,  impatiant  de  n'avoir  d'assez 
dignes  occasions  de  tesmoigner  à  Son  Kminence  combien  je  luy  suis 
acquis  et  desvoué  serviteur,  et  à  combien  d'honneur  je  tiens  d'estre 
advoué  pour  estre  du  nombre  de  ses  plus  fidèles  serviteurs  et  admi- 
rateurs de  tant  d'eminentes  qualitez  ([ui  sont  en  sa  personne,  et  par- 
ticulièrement de  rallcction  qu'il  a  aux  bonnes  lettres.  Vous  le  luy 
ferez,  s'il  vous  plaict,  tonir  à  la  première  commodité  asseurée,  et  je 
serai  à  jamais, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  a5  aoust  t63&. 

Ayant  trouvé  Patron  Paschal  (qui  se  charge  de  la  conduitte  de  l'Al- 
zaron  de  l'Eminentissime  Cardinal  Patron)  en  bonne   volonté  de  se 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Monlpeilier,  ms.  H  971,  fol.  i65. 


720  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

charger  aussy  d'une  cassette  de  plantes  marines  et  de  quelques  queues 
de  poissons  et  croustes  de  testacées,  j'y  ay  faict  mettre  tout  ce  qui  s'y 
est  peu  fourrer,  que  Corberan  dict  consister  en  deux  queues  de  Pesca 
Spada,  deux  branches  pierreuses  comme  corail,  une  ligneuse  née  sur 
un  caillou,  et  plusieurs  autres  pareilles  arrachées  de  leur  assiette  na- 
turelle entre  lesquelles  y  en  a  une  couverte  d'une  pelure  ou  mousse 
rouge  comme  laque,  deux  frisées  comme  esponges,  un  champignon  de 
mer  fort  semblable  à  ceux  de  terre,  mais  plus  ligneux,  troys  coqs  ou 
Galli,  espèces  de  cancres,  une  cigale  grosse,  velue,  un  poisson  volant 
ou  Arondelle,  cinq  ou  six  échines,  des  griffes  de  Ligombault  ou  plus 
grosses  langoustes  ^ 


LXXXIH 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,   CHANOINE   DE  BEZÂNÇON, 

EN  LA   COUR  DE  L'EMINENTISSIHE  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  n'ay  point  receu  de  voz  lettres  par  les  ordinaires  de  Lyon,  non 
plus  que  par  ceiuy  de  Gènes,  par  lesquels  j'en  ay  receu  de  tout  plein 
de  mes  bons  amys,  et  n'ay  pas  eu  d'advis  que  la  caisse  des  empreintes 
soit  partie  de  Givita  Vecchia  pour  Ligourne,  non  plus  que  pour  Mar- 
seille à  droicture,  ce  qui  me  faict  croire  qu'elle  aura  attendu  les  ga- 
lères ou  la  barque  de  Patron  Dalle  et  de  Patron  Paschal ,  par  laquelle 
je  vous  ay  escrit  et  envoyé  une  cassette  de  cez  brouilleries  de  nostre 
mer  que  vous  aviez  tesmoigné  estre  plus  de  vostre  goust  qu'elles  ne 
peuvent  mériter.  Et  par  la  mesrae  barque  je  vous  ay  adressé  un  libvre  ^ 
pour  l'eminentissime  cardinal  Boncompagno,  soubz  l'adresse  de  l'emi- 
nentissime  cardinal  Barberin  et  recommandation  de  M"'  l'Evesque  de 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  me'decine  de        grecs  publié  par  Adrien  de  Valois  et  ex- 
Montpellier, ms.  H  371,  fol.  i56.  Irait  des  manuscrits  de  Constantin  Porphyro- 
'  Il  s'agit  ici  du  recueil  des  écrivains        génète. 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTIIIER.  721 

Vaison.  Si  (sic)  le  P.  Sacqiiy  eust  sans  double  pressé  en  sorte  que  ladirle 
caisse  eust  esté  portée  à  Civita  Vecchia  comme  les  siennes,  et  seroit 
arrivée  à  Marseille  deux  mois  y  a  comme  les  siennes,  mais  les  frate  ont 
tousjours  peur  qu'il  leur  manque  une  heure  quand  ils  ont  ert  teste  de 
marcher,  dont  je  luy  ay  bien  faict  des  reproches  et  dont  il  a  bien  esté 
mortifié,  car  il  a  esté  à  Marseille  plus  d'un  moys  entier  sans  oser  ve- 
nir devant  moy  tant  il  avoit  do  honte  d'une  si  chettive  précipitation  et 
impatiancc  d'attendre  un  jour  vostro  commodité.  Je  m'imagine  que 
vous  avez  voulu  y  joindre  et  faire  attendre  le  marbre  de  S'  Gr[egoire] 
que  j'attends  encore  plus  impatiemment  que  le  reste,  et  si  le  tout  n'est 
party  avant  l'arrivée  de  Patron  Pascal,  je  vous  supplie  et  conjure  de 
ne  le  pas  laisser  venir  sans  qu'il  m'apporte  et  l'un  et  l'autre,  ayant  creu 
que  vous  n'avez  pas  eu  le  courage  de  m'escrire  par  le  dernier  ordi- 
naire d'un  peu  de  regret  que  vous  pouviez  avoir  sur  le  cœur  d'avoir 
tant  tardé  de  me  faire  envoyer  le  marbre,  qui  ne  viendra  d'un  an  si 
l'on  ne  vous  presse  sur  l'occasion  de  quelque  commodité  de  l'envoyer 
tant  vous  avez  d'occupations  journalières  qui  pressent  tousjours  plus 
les  unes  sur  les  autres  plus  elles  sont  fraisches,  car  dez  que  les  choses 
s'envieillissent  un  peu,  il  y  a  trop  de  peine  d'y  donner  le  moindre  temps 
du  monde.  C'est  pourquoy  je  vous  supplie,  quand  vous  aurez  quelque 
chose  pour  moy,  de  vous  en  descharger  sur  M'  de  Bonnaire  ou  sur 
M''  Despiots,  qui  prendront  mieux  les  commoditez  de  nous  les  faire 
tenir,  et  excusez  mes  libertez  puisque  je  suis  tousjours, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

Ce  7  septembre  i634. 

Vous  me  ferez  plaisir  de  m'envoyer  encore  un  autre  exemplaire  du 
livre  des  familles  d'Ursinus  par  la  première  commodité,  et  s'il  est  pos- 
sible par  le  retour  du  Patron  Pascal,  pour  en  acconmioder  un  autre  de 
mes  amys  qui  me  le  demande  '. 

'  Bibliothèque  de  l'Ecoie  de  mi'deciae  de  Montpdlier,  ms.  H  171,  fol.  167. 


9> 


72Î  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

Lxxxrv 

À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EIN  LA  COUR  DE  L'EMISEîiTlSSIME  SEIGNEUR   CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Le  dernier  ordinaire  d'Avignon  qui  revint  de  Gencs  à  la  my  sep- 
tembre, ne  m'apporta  point  de  voz  lettres  nomplus  que  le  précédant 
de  la  my  aoust.  Ce  qui  me  faisoit  craindre  que  vostre  santé  ne  fusse 
pas  en  bon  estât.  Cependant  la  caisse  des  vases  ou  modelles  est  enfin 
arrivée  avec  lettre  du  sieur  Egidio  Rossi  du  5  aoust.  Les  plantes  que 
vous  y  aviez  mises  du  P.  Sacchy  avoient  fort  humecté  ce  qui  estoit  ez 
environs,  et  spécialement  la  boitte  où  vous  aviez  enfermé  les  médailles 
et  autres  choses  plus  curieuses,  qui  en  patissoient  desja  bien  à  telles 
enseignes,  que  le  papier  du  mémoire  et  lettre  que  vous  y  aviez  en- 
fermé, estoient  quasi  pouiris.  Mais  je  n'ay  pas  laissé  de  le  pouvoir  lisre. 
Et  y  ay  trouvé  l'examen  que  vous  y  aviez  faict  du  mesurage  de  tous 
les  modèles  de  vases  de  la  caisse  excepté  de  l'un  de  ceux  qui  ont 
long  bec,  lequel  vous  aviez  cotté  IN.  Possible  est-ce  celuy  dont  l'original 
lut  esgaré,  ce  que  je  vous  prie  de  me  mander,  ou  bien  lequel  ce  fui. 
Ayant  trouvé  fort  estrange  cet  inconveniant  dans  une  telle  maison  puis- 
que c'estoit  là  mesmes  que  les  ouvriers  alloient  travailler.  11  estoit  vray- 
semblablement  de  pareille  contenance  à  celuy  de  mesine  forme  qui 
estoit  cotté  B  que  vous  dictes  estre  la  juste  moitié  de  celuy  de  mesme 
figure  aussy  cotté  F.  J'ay  trouvé  dans  la  caisse  tout  le  contenu  au  dé- 
nombrement que  vous  m'en  faictes  par  vostre  lettre  du  3o  juin,  ex- 
cepté une  paste  jaulne  de  la  teste  d'un  philosophe,  ce  dictes-vous,  qui 
sera  par  mesgarde  restée  en  arrière.  Et  y  trouvay  de  plus  la  médaille 
du  bœuf  demeurée  auparavant,  et  l'escuellon  de  la  balance  d'un  petit 
trebuchet  et  un  fer  de  balance  antique  mentionné  en  vostre  borde- 
reau. Mais  j'ay  trouvé  l'un  et  l'autre  bien  esloigné  de  ce  que  je  m'en 
estois  promis,  car  j'avoys  creu  de  voir  les  deux  escueilons  d'une  ba- 


[lG3/i]  À  CLAUDI-:  MKNESTRIKK.  723 

lance  de  moyeniio  grandeur,  avec  leur  propre  brandie  (jui  les  avoit 
portez,  sans  qu'il  y  nianqnast  rien  que  les  fdiets  à  les  pendre, 

J'ay  plusieurs  morceaux  de  lironse  antiques  de  diiïerantes  gran- 
deurs et  de  figure  pai-eillc  à  celuy  que  vous  appeliez  Trochus  ou 
Piciolo.  Mais  je  n'avois  jamais  creu  qu'ils  eussent  peu  servir  j'i  cet 
usage,  comme  il  seroit  malaisé  qu'il  pcusse  servir  aux  petits  enfants, 
au  moings  ])onr  les  foicier  conmie  ils  font  leurs  sabots,  aprez  les  avoir 
jeltcz  en  terre.  Car  il  y  auroit  trop  peu  de  prinse  pour  le  foirt.  J'avois 
creu  (|uc  ce  fussent  des  Pesons  do  Homaine  ou  de  statei'e  et  s'en  trouve 
encores  de  pareils  en  des  stateres  mesmes  de  fer,  assez  vieilles,  comme 
de  plusieurs  autres  fort  différantes  ligures  et  proportions  plus  ou  moings 
grandes.  En  ayant  mesmes  d'anicuns  antiques  de  bronze  comme  lo 
vostre  pendus  à  un  anneau,  altacbé  à  un  crochet,  qui  seroit  inutile  à 
l'usaigc  des  ])asse  temps  des  petits  enfants. 

Pour  cette  espèce  de  hache,  il  y  a  beaucoup  plus  d'apparance  qu'elle 
puisse  avoir  servy  au  labourage  comme  vous  dictes  qu'aux  sacrilires.  il 
en  fut  trouvé  la  charge  de  troys  mullets  au  terroir  de  Lizieux  du  temps 
de  feu  M^'  le  Garde  des  seaux  du  Vair'  dont  j'en  choisys  deux  ou 
troys,  pour  faire  voir  qu'elles  avoient  une  petite  oreillette  ou  boucle 
pour  le  retenir  de  crainte  qu'il  ne  se  perdist  en  labourant  parniy  la 
terre.  Au  moings  ce  fut  mon  advis  conforme  au  vostre  en  cela.  Ce 
petit  couvercle  avec  un  oiseau  peult  avoir  servy  à  rouvrir  quehjue  pelil 
vase  aussy  lost  qu'une  lampe.  J'ay  pourtant  esté  bien  aise  de  le  voir. 

Les  médailles  de  Néron  sans  revers,  et  du  revers  de  Faustine  sans 
leste  ne  sont  pas  à  négliger,  nomplus  que  cez  poids  gros  et  petits,  quoy- 
que  j'en  eusse  de  pareils.  Mais  j'attends  bien  plus  impatiemment  ceulx 
du  sieur  Stephanone.  Et  ay  grand  regret  que  ne  les  aviez  envoyés  à 
Civita  Vecchia  dez  que  vous  les  eustes,  car  ils  seroicnl  A  cette  heure 
venuz  aussy  bien  que  la  canisse,  et  je  ne  soroys  pas  en  l'appréhension 
que  je  suis,  s'ils  arriveront  aussy  seurement  par  autre  voye,  comme  ils 
eussent  faict  par  celle  là. 

'   On  sait  que  Guillaiimc  du  Voir  fui  ëvAque  de  Lisicux  de  t6i8  k  i6<t. 


724  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

Quant  à  touts  cez  vases,  j'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  celuy  qui 
est  en  forme  de  soulier  et  le  petit  [mot  illisible]  et  celuy  du  Trépied, 
mais  non  sans  grande  mortification  de  ce  que  le  fondeur  n'a  sceu  faire 
paroistre  les  façons  des  figures,  feuillages,  nioulleures  et  autres  orne- 
ments tant  des  ances  que  des  lèvres,  et  spécialement  des  ances  du 
Bassin  du  Trépied,  dont  le  premier  dessein  que  j'en  eus  les  faisoit 
abouttir  chascune  en  une  teste  de  serpent  ou  d'autre  animal.  Ce  qui 
me  faict  bien  regretter  la  despeuce,  non  de  la  moulleure,  car  tous- 
jours  eusse  je  esté  bien  aise  d'en  voir  la  figure,  mais  je  l'eusse  quasi 
mieux  aimé  faire  jetter  en  cire  ou  en  piastre  qu'en  bronze,  pour  y  pou- 
voir examiner  et  gouster  la  beauté  desdictes  figures,  feuillages,  nioul- 
leures ou  fillets,  d'où  il  se  pouvoit  tirer  plus  de  fruict  que  de  tout  le 
reste,  car  en  toute  façon  la  mesure  ne  s'y  rencontre  gueres  pour  la 
contenance.  De  sorte  que  le  simple  dessein  bien  prins,  et  ui^  simple 
inodelle  de  fer  blanc  pour  la  contenance  de  chascun,  eusse  quasi  esté 
de  plus  d'usage  que  cez  modèles  de  cuivre  qui  ne  sont  que  l'ombre  ou 
le  noyeau  de  ce  qui  estoit  en  l'antique  et  sur  quoy  on  pourroit  ima- 
giner des  ornements  touts  autres  que  ceux  que  les  anciens  y  avoient 
mis  avec  tant  d'affectation  et  de  punctualité.  Il  y  a  si  peu  de  temps 
qu'ils  sont  venuz  que  je  n'en  ay  encores  peu  examiner  la  mesure  et 
cappacité.  Oîi  je  crains  bien  qu'il  n'y  ayt  encore  beaucoup  à  redire, 
car  aulcuns  de  cez  vases  sont  encores  fort  pleins  d'argille  ou  de  sable 
de  la  moulleure,  cappable  de  bien  altérer  sa  vraye  mesure  légitime. 
Certainement  pour  les  vases  qui  eussent  contenu  quelque  inscription 
ou  marque  particulière  authentique  relative  à  leur  mesure  et  conte- 
nance, je  n'y  eusse  rien  voulu  espargner  à  les  faire  exactement  mouUer, 
mais  pour  des  vases  qui  pouvoient  estre  faicls  à  plaisir  sans  observer 
de  mesure  réglée,  et  la  plus  part  desquels  sont  desgarnis  de  leurs 
vrays  manches  ou  tenons,  ils  n'en  valloient  pas  la  peine.  Aussy  n'es- 
toit  ce  que  de  ceulx  là  que  je  demandoys  des  empreintes,  et  du  Trépied, 
croyant  qu'il  fusse  plus  asseurement  ce  qu'on  en  disoit,  mais  quand 
j'en  ay  veu  le  modelle,  je  n'y  ay  veu  aulcune  marque  bien  expresse  ne 
concluante  que  ce  bassin  ayt  jamais  esté  faict  pour  estre  logé  sur  ce  pil- 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  725 

lastre,  nomplus  qu'au  vase  A,  pourestrc  logé  dans  ledicl  bassin,  ne  sur 
le  dict  pillastic.  Au  contraire  j'y  trouve  quelque  sorte  d'incompatibi- 
lité et  tiens  que  ce  pillastrc  n'ayt  esté  faict  que  pourpourter  une  lampe 
ainsin  que  celuy  qui  est  en  la  graveure  d'un  colier  en  Onyce  que  vous 
me  donnastes  à  Boysgency.  Toutefoys  je  ne  suis  pas  marry  d'en  avoir 
veu  le  modelle  que  m'en  avez  envoyé,  mais  je  n'en  sçauroys  rien  déter- 
miner, sans  en  voir  un  dessein  cappable  de  me  donner  au  vray  les  fil- 
lets,  moulleures  et  touts  autres  ornements.  Et  feray  une  despesche 
pour  cela  à  ce  Prince  aussytost  que  j'auray  peu  examiner  le  mesurage 
de  cez  vases.  Ce  qu'attendant  et  qu'il  vous  plaise  nous  faire  avoir  ce 
Trépied  de  marbre,  et  vous  priant  de  bien  adviser  que  l'on  ne  nous 
donnasse  pas  le  change,  et  qu'on  nous  envoyas!  pour  l'antique  celuy 
[lie  vous  aurez  faict  faire,  je  finiray,  demeurant, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  4  octobre  iC3'i. 

Je  ponsoys  trouver  dans  la  caisse  les  empreintes  des  deux  Tablettes 
de  bronze  de  la  Senora  Doua  Felice  que  vous  disiez  avoir  faict  mouller, 
mais  cela  aura  esté  oublié'. 


(\ 


LXXXV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Le  cœur  me  disoit  bien  que  les  longueurs  dont  vous  usiez  me  porle- 
roient  malbeur,  concernant  cez  pièces  que  vous  aviez  eu  du  sieur  Stepha- 
noni,  ;\  faulte  de  me  les  avoir  envoyées  soubs  l'addresse  du  sieur  Egidio 
Rossi,  atissytost  que  les  eustes  recouvrées,  ou  de  les  avoir  consignées 
au   bureau  de  la    poste  de  Gènes  soubs  l'adresse  de  l'illustrissime 

'  Bibliotlièqiie de  l'École  de  mt^deciiK' (le  M<)n(|i(ilitM-,  iiis.  H  •i7i,  fui.  i58. 


726  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

Gior.  Spinola,  gênerai  des  Postes,  comme  vous  aviez  faict  autres  fovs, 
et  comme  je  vous  avoys  tant  prié  de  faire.  Car  je  les  auroys  mainte- 
nant comme  la  caisse  des  vases,  puisqu'elle  n'en  est  partye  que  six 
semaines  aprez,  et  par  disgrâce  je  receus  hier  soir  voz  lettres  du 
iS  aoust  sans  que  le  pacquet  couvert  de  toille  marqué  X  soit  venu. 
Kt  le  pis  est  que  l'on  me  mande  d'Avignon  que  le  porteur  qui  s'en 
estoit  chargé  est  mort  en  chemin,  sans  que  l'on  aye  recouvré  que  les 
dictes  lettres  que  j'ay  receues.  Et  celuy  qui  m'en  a  apporté  les  nouvelles 
dict  qu'il  est  mort  à  Pavie,  ce  qui  ne  peult  estre,  mais  il  aura  vray- 
semblablement  prins  Pavie  pour  Pise,  tellement  que  ce  sera  grande 
merveille  si  j'en  recouvre  jamais  rien.  C'est  la  vérité  que  j'ay  faict  une 
bonne  partie  de  la  faulle,  en  faisant  donner  un  mot  d'adresse  à  ce 
messager  pour  M"^  de  Boniiaire,  mais  ce  n'a  esté  que  d'impatiance,  et 
pour  vous  donner  un  coup  d'esperon,  voyant  la  peine  qu'il  y  a  de  vous 
faire  resouldre  à  mettre  la  main  à  la  plume,  et  à  m'envoyer  ce  que 
vous  me  destinez,  si  ce  n'est  que  l'opportunité  extraordinaire  du  pas- 
sage de  quelqu'un  vous  importune,  et  vous  desrobe  du  temps  pour  cela 
que  vous  employeriez  mieux  ailleure.  J'en  suis  si  mortifié  que  je  ne  le 
vous  sçaurois  exprimer,  et  fault  que  je  vous  supplie  et  conjure  de  ne 
plus  garder  ce  que  vous  m'aurez  une  foys  destiné,  ains  de  l'envoyer 
incontinant,  s'il  vous  plaict,  à  M""  de  Bonnaire,  lequel  je  prieray  d'en 
vuider  quant  et  quant  ses  mains,  et  d'envoyer  le  tout  au  sieur  Egidio 
Rossy  à  Civita  Vecchia,  si  ce  n'est  qu'il  aye  de  meilleures  commoditez, 
ou  que  ce  soient  choses  de  si  peu  de  volume,  qu'on  les  puisse  envoyer 
par  la  poste  de  Gènes  soubs  l'adresse  dudict  sieur  Spinola  auquel  cas 
il  ne  fault  que  les  consigner  là  au  bureau  de  la  poste  de  Gènes  au 
sieur  Girolamo  Mayno,  son  correspondant,  qui  s'en  chargera  volontiers 
pour  l'amour  de  moy  en  ayant  ordre  particulier  dudict  sieur  Spinola  et 
estant,  comme  j'entends,  fort  honneste  gentilhomme  et  fort  obligeant, 
et  par  cette  voye  il  ne  fault  pas  appréhender  que  rien  se  puisse  perdre 
en  temps  de  paix. 

Je  plains  bien  cez  poids  dont  vous  m'aviez  envoyé  les  desseins,  et 
cette  graveure  du  Cupidon  sur  sa  fleur,  mais  je  me  doubte  que  ce  ne 


[163A]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  7-27 

soit  un  Harpocrales  plustost  qu'un  simple  Cupidon.  La  manière  le  feroil 
mieux  jujjer,  pour  voit-  s'il  est  chose  yE|;yplienue,  ou  de  cez  siècles  bar- 
bares ou  non.  Et  suis  en  plus  d'appreliension  (pie  jamais  qu'à  la  suilte 
de  ce  malheur  là,  nous  n'attendions  encore  si  lon{]  temps  «juc  la  plu\« 
l'ace  revenir  ù  Rome  ce  vénérable  Abbé  de  S'  G[réj{oire],  qu'enfin  l'on 
embarque  ce  marbre  sur  quelque  barque  destinée  à  tomber  cz  mains 
de  quel({ues  pyrates,  si  Dieu  ne  nous  ayde  et  si  ne  vous  prévalez  du 
retour  de  Patron  Pasclial  et  de  Patron  d'Aile  '  avec  leur  barque.  Ce- 
pendant si  Stephanoni  avoit  encores  d'autres  poids  pareils  à  quelques 
uns  de  ceux  que  m'aviez  marquez  (je  dictz  de  ceux  qui  ont  esté  mo- 
noye)  ou  s'il  en  avoit  retenu  quelque  enij)reinte  de  hazard,  do  ceux 
dont  il  m'avoil  accommodé,  vous  me  feriez  bien  plaisir  de  me  les  faire 
avoir,  car  je  n'ay  guieres  d'espérance  de  ravoir  jamais  ceux  là,  et  ce 
avec  un  grand  crevé  cœur,  je  vous  en  respons.  Et  si  vous  en  ])ouviez 
voir  mon  sentiment,  vous  ne  feriez  plus  de  difficulté  devons  descharger 
sur  le  champ  de  tout  ce  que  vous  acquerrez  pour  moy  cy  aprez,  afin 
de  ne  me  laisser  plus  de  tel  regret.  Je  trouvoys  le  marché  fort  raiso- 
nable  de  la  coronc  de  Scarabei  pour  six  escus.  Et  ne  laisray  pas  de  vous 
en  faire  volontiers  le  rembourcement  (juoyqu'elle  soit  perdue,  comme 
des  autres  graveures  que  vous  m'aviez  aclieptées  en  mesmc  temps  et 
en  niesme  lieu. 

Quant  à  M""  Mazarini,  il  m'a  escript  en  parlant  de  Rome  une  fort 
honnestc  lettre,  et  dez  qu'il  sera  en  Avignon,  ou  arreslé  à  la  Cour,  je 
ne  manqueray  pas  de  luy  respondre  et  de  le  servir,  avec  toute  la  ror- 
rcspondancc  ([ui  y  peull  escheoir'^ 

Pour  la  Diane  d'Ephese,  je  vous  remercie  du  dessein  que  m'avez 
<;nvoyé,  et  suis  bien  aise  ([ue  vous  vous  mettiez  à  y  faire  un  discours, 
ne  doublant  pas  que  vous  n'y  trouviez,  si  vous  voulez,  touts  les  plus 
grands  mystères  de  la  religion  des  payons,  et  quasi  sans  exception.  Jeu 
ay  veu  plusieurs  semblables  en  Italie  et  à  Paris  mesmes  et  une  iulinilé 
de  desseins,  en  la  pluspart  desquels  j'ay  tousjours  trouvé  les  Abeilles 

'  Ailleurs  ce  nom  est  dcrit  Dalle.  —  '  Voir  sur  le  fiilur  cardinal  Maxarin  le  recueil  Pei- 
resc-Dupuy,  passim. 


728  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

en  nombre  de  neuf,  pour  represanter  les  neuf  Muses,  soubs  les  images 
d'aultanl  d'Abeilles.  Et  fault  s'asseurer  que  touts  les  autres  animaulx 
qui  y  sont  représentez,  et  le  nombre  niesme  de  chascun,  sont  affectez 
à  de  pareils  mystères.  Mais  il  en  fauldroit  une  description  exacte,  tant 
du  devant  que  du  derrière  et  des  costez,  et  y  faire  bien  distinguer  les 
lyons  d'avec  les  léopards,  et  ainsin  de  touts  les  autres  animaulx.  J'en 
ay  le  fragment  d'une  figurette  enrichie  de  diverses  pierres  fines  de 
différentes  couleurs,  que  j'en  ay  sceu  retrouver  maintenant,  sur  lequel 
j'avoys  autres  foys  un  peu  resvé,  quand  il  fut  desterré  en  cette  pro- 
vince. Je  le  feray  mieux  chercher,  pour  voir  s'il  vous  pourroit  de  rien 
servir  en  cette  occurrence.  Et  si  par  hazavd  il  s'en  desterroit  là  quelque 
pareille  figure,  où  les  neuf  mouches  à  miel  se  fussent  conservées,  je 
l'achepteroys  volontiers.  Il  m'en  a  esté  apporté  de  Smyrne  une  triple 
figure,  composée  de  troys  corps  adossez  comme  à  une  colonne,  chas- 
cun desquels  ne  représente  qu'une  simple  fille  vestiie  ayant  un  chien 
par  dessoubs.  De  sorte  qu'il  y  a  troys  chiens,  comme  troys  filles,  et 
troys  flambeaux.  Ce  que  j'y  ay  trouvé  de  plus  estrange  estant  de  voir 
cette  patere  en  la  main  de  chascune  de  cez  troys  figures,  et  que  la 
stole'  ou  l'habillement  de  cette  fille  soit  si  long,  et  plus  bas  que  les 
talions,  si  ce  doibt  estre  une  Diane,  comme  le  flambeau  et  le  chien 
sembloit  le  pouvoir  faire  induire.  Mais  comme  ce  n'est  que  du  jour- 
d'huy  que  j'ay  recouvré  cette  pièce,  je  n'y  ay  pas  encore  bien  pensé, 
pour  m'en  pouvoir  resouldre.  Cependant  j'ay  creu  que  vous  ne  seriez 
pas  peult  estre  marry  que  je  vous  en  aye  donné  l'advis,  croyant  qu'il 
y  aura  dans  Rome  afforce  choses  pareilles  qui  vous  seront  passées  par 
les  mains,  et  que  vous  en  pourrez  tirer  de  bien  meilleures  consequances 
que  moy,  ayant  la  notice  que  vous  avez  de  cez  raretez  et  des  lieux  où 
vous  les  pouvez  aller  voir  à  toutes  heures,  pour  vous  y  resouldre  de 
toute  sorte  de  difficultez,  sur  quoy  je  demeure. 

Monsieur,  * 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  5  octobre  i634. 

'  De  l'italien  stola,  habit,  vêtement. 


[163â]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  759 

Je  viens  eiicores  tout  présentement  de  recevoir  des  lettres  de  Mar- 
seille de  M'  do  Gastines  et  autres  qui  me  donnent  advis  de  l'arrivée 
des  galères  du  Pape,  sur  lesquelles  il  ne  s'est  rien  trouvé  chargé  pour 
mon  compte,  et  qu'ils  ont  lettre  du  sieur  tlgidio  Rossi  du  at  se|)- 
tembre,  qui  avise  d'avoir  envoyé  parle  patron  Pierre  Cavalier  un  petit 
fagot  d'un  quadre  envoyé  par  M'  de  Bonnaire,  sans  qu'il  y  ayt  aulcune 
mention  de  caisse  d'aulcun  marbre  de  vostre  part,  qui  est  une  marque 
indubitable  que  le  Trépied  dort  encores,  ce  qui  a  bien  rengregé  le 
desplaisir  que  j'avoys  dcsja  de  la  perte  de  cez  pièces  du  sieur  Stepha- 
noni,  voyant  perdre  de  si  bonnes  commoditez  et  si  asseurées,  qui  ne  se 
présentent  pas  que  rarement  et  dont  le  sieur  Egidio  Rossi  auroit  bien 
sceu  se  prévaloir,  si  vous  le  luy  eussiez  faict  tenir.  Car  cela  seroit  arrivé 
dans  dix  ou  douze  jours  de  passage.  Et  ne  puis  me  persuader  que  vous 
n'ayez  eu  là  des  pluyes  avant  le  a  i  septembre,  veu  que  nous  en  avons 
tant  eu  de  par  deçà  qu'elles  nous  ont  gasté  toute  nostre  vendange'. 


LXXXVI 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  REZANÇON, 

EN  LA  COUR  DE  L'EMINENTISSIME  SEIGNEUR   CARDIN  AI.  RARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Ce  sera  par  l'ordinaire  d'Avignon  que  je  respondray  A  voz  lettres 
plus  particulièrement,  mais  je  n'ay  pas  deub  laisser  aller  le  patron 
Pascal  de  reclief  en  ce  pais  là,  sans  le  charger  d'un  billet  pour  vous 
servir  de  la  commodité  de  son  retour,  au  cas  qu'ayiez  rien  à  m'en- 
voyer  de  gros  volume  comme  pourroit  estre  ce  gros  caillou  escript,  et 
ce  gros  mortier  de  granité,  ou  autre  chose.  Cependant  je  vous  remercie 
bien  humblement  de  ce  que  m'avez  envoyé  par  ledict  patron  Pascal. 
Et  spécialement  du  Trépied  de  marbre  que  j'eusse  trouvé  bien  plus 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mddecine  de  Montpellier,  m».  H  «71 ,  foi.  nà. 

Y.  9* 


730  LETTRES  DE  PEIRESG  [163ù] 

beau,  s'il  eust  esté  en  son  entier,  car  il  y  manque  à  mon  ad  vis  plus 
de  la  moitié  de  sa  juste  haulteur  et  ce  qui  eust  esté  le  principal,  à 
sçavoir  les  pieds  et  la  base,  et  ce  qui  y  debvoit  estre  inclus.  Mais  tous- 
jours  y  aura  t-il  de  quoy  tirer  quelque  fruict,  de  ce  qui  s'est  saulvé 
de  l'injure  du  temps  en  sa  partie  supérieure,  dont  la  manière  ne  ressent 
pas  la  bonne  antiquité  primitive,  ains  celle  du  plus  bas  siècle  de  l'Em- 
pire, si  je  ne  me  trompe.  Tant  est  que  je  vous  suis  tousjours  bien  re- 
devable de  l'advis  et  de  la  preferance  et  n'oublieray  jamais  voz  bons 
offices,  et  si  M""  Mazzarini  vous  tient  parole,  il  ne  tiendra  pas  à  moy 
que  je  n'y  contribue  tout  ce  que  je  pourray,  pour  vous  faire  emporter 
quelque  pièce ^  digne  de  vous  et  de  vostre  mérite,  que  je  vouldroys 
bien  estre  telle  qu'elle  vous  peusse  attirer  en  ce  pais,  estant  de  tout 
mon  cœur, 
xVIonsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  a8  octobre  i634  '. 


LXXXVII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOIIVE  DE  BEZANÇOÎV, 

EN  LA  COUB  DE  L'EMINENTISSIHË   SEIGNEUR  CAllDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
L'arrivée  inopinée  du  pedon  ordinaire  d'Avignon  qui  me  vient  de 
surprendre  au  lict  trop  matin,  ne  me  permet  pas  de  vous  respondre 
punctuellement  à  troys  de  voz  lettres  que  j'ay  receues  tant  par  le  pa- 
tron Pascal,  que  par  l'ordinaire  en  date  du  98  septembre  et  6  octobre, 
à  quoy  je  verray  de  satisfaire  par  la  voye  de  Lyon.  Cependant  je  vous 
diray  que  je  fis  incontiuant.  .  .  \^ici  quelques  mots  surchargés  et  indéchif- 
frables] et  que  vostre  cassette  arriva  fort  bien  conditionnée,  avec  le 

'  C'est-à-dire  quelque  bénéfice.  —  ''  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier, 
ms.  H  371,  fol.  160.  ^ 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  7S1 

Trépied  de  marbre  que  j'eusse  bien  prisé  au  centuple,  s'il  n'eusse  esté 
tronqué  comme  il  est  de  plus  de  sa  moitié  inférieure,  où  nous  eussions 
peu  voir  ce  qu'il  y  avoit  de  principal  on  la  base.  Mais  je  ne  laisse  pas 
de  vous  en  demeurer  bien  obligé  et  profliteray  encores  de  quelque 
chosette  en  ce  fragment  qui  s'en  est  conservé.  J'ay  trouvé  bien  gentile 
la  petite  lampe  en  forme  de  limasson,  comme  aussy  la  pierre  qu'avez 
faict  cier,  oii  estoit  ce  prétendu  serpent  ou  ligne  blanche  spirale.  J'au- 
roys  bien  volontiers  veu  la  surface  extérieure  de  la  crouste  de  ladicte 
pierre  soit  du  dessus,  ou  du  dessoubs,  pour  mieux  juger  de  la  qualité 
d'icelle,  et  si  l'avez  conservée,  je  vous  prie  de  me  la  faire  voir,  avant  que 
je  vous  en  die  ma  conjecture,  où  il  m'est  difficile  de  trouver  assez  de 
fondement  sans  voir  cela.  J'ay  veu  bien  volontiers  la  pierre  d'Aigle  en 
sa  naturelle  forme  sans  poliment,  ce  qui  m'a  faict  trouver  moins  es- 
trange  la  blancheur  du  sable  que  nous  avions  trouvé  dans  le  cœur  de 
celle  que  nous  avions  cassée  ensemblement.  Celte  pierre  de  Malthe 
n'est  que  le  noyeau  de  l'un  des  estages  creux  de  ce  limasson  de  mer, 
represanlé  en  taille  doulce  dans  le  libvre  d'Ânimaulx  de  Basileus 
Besler'.  La  figure  des  Grisolites*  est  naturelle  comme  celle  du  rubis 
dont  je  vous  remercie  trez  humblement.  On  me  constrainct  de  clorre, 
le  pedon  ayant  desjuné  et  voulant  partir.  Et  je  demeure  tousjours, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  3  novembre  i63i. 

M''  Mazarini  m'a  escript  et  moy  à  luy.  Il  est  allé  en  Cour  et  h  son 
l'etour  il  ne  tiendra  pas  i\  moy  qu'il  ne  vous  pourvoye  bien  Dieu  ay- 
dant,  comme  je  croys  qu'il  le  vouldra.  Je  nay  pas  de  nouvelles  des 
médailles  ou  poids  restez  à  Pise  lors  de  la  mort  du  porteur  dans  l'hos- 
|)ilal.  Bien  ay  je  sceu  que  les  vostres  qu'il  portoit  furent  renvoyées  i^ 
Rome,  et  mises  dans  les  grosses  envelo])pes  d'Avignon,  et  qu'elles  ne 
furent  pas  adressées  de  Pise  à  Gènes.  C'est  pourquoy  il  fault  sçavoir 

'   Basile  Besler,  pharmacien  h  Nuremberg ,  est  lauleiir  de  VHortus  ei/sMlensis  (  Nuremberg . 
161 3,  grand  iu-folio).  —  '  C'est  U  pierre  pr^euse  appelée  dayMHA*. 

9*- 


732  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

qui  les  a  receues  à  Rome  de  Pise,  car  celuy  là  sçaura  dire  de  la  part 
de  qui  elles  sont  venues  de  Pise'. 


LXXXVIII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER, 

GENTILHOMME  DE  BOURGONGNE  , 
DE   LA  COUR   DE   MONSEIGNEUR   LE   CARDINAL  BARBERIN, 

À  LYON. 

CHEZ   LE  SIEUR  COHPAIN. 

Monsieur, 
J'ay  esté  plus  marry  d'apprendre  par  vostre  lettre  du  3  de  ce  moys, 
que  vous  ayez  esté  fasché,  comme  vous  dictes,  de  la  perte  de  mes 
pauvres  médailles,  et  de  ce  qu'il  y  pou  voit  avoir  à  dire  en  la  moul- 
leure  de  la  caisse  des  vases,  que  je  n'avoys  esté  d'abbord  quand  j  ap- 
prins  le  succez  tant  de  l'un  que  de  l'autre.  Et  si  j'eusse  creu  que  cela 
vous  deubt  estre  si  grief,  je  me  serois  abstenu  de  vous  rien  faire  pa- 
loistre  de  mes  sentimcntz  pour  ce  regard.  Mais  je  me  laissay  porter  à 
vous  en  dire  ma  pensée  avec  ma  franchise  accouslumée,  seulement 
pour  extorquer  de  vous  cette  petite  sollicitude,  lorsque  vous  auriez 
délibéré  de  me  despartir  quelque  curiosité,  de  l'envoyer  incontinant  à 
cez  Messieurs  qui  me  la  pouvoient  faire  tenir,  afin  d'esviter  les  incon- 
veniants  que  l'on  peut  rencontrer  dans  l'eiitretemps,  et  de  prévenir 
toutes  occasions  d'y  avoir  du  regret.  Et  vous  asseure  que  pour  l'advenir 
je  n'oseray  pas  vous  parler  si  librement,  crainte  de  vous  desplairre, 
ce  que  je  ne  feroys  jamais  à  mon  essiant,  vous  honorant  comme  je  faicts 
jusques  au  dernier  poinct,  et  m'advoiiant  tellement  redevable  à  voz 
honnestetez,  que  je  ne  pense  pas  vous  pouvoir  jamais  rendre  d'assez 
digne  recognoissance  de  vos  bienfcicts,  quoyque  je  puis  bien  vous  as- 
seurer  que  je  ne  m'y  espargneray  pas,  et  que  si  je  ne  m'en  acquitte 

'  Bibliothèque  de  i'hcole  de  m^ecine  de  Montpellier,  nis.  H  ayi,  fol.  i6i. 


[1634]  \  CLAUDE  MENESTRIRR.  733 

selon  mon  devoir,  vous  y  verrez  pourtant,  s'il  plaict  h  Dieu,  des  effects 
conformes  à  tout  ce  qui  pourra  estre  de  mon  petit  credict.  Ne  pouvant 
vous  dissimuler  que  je  ne  compatisse  beaucoup  de  voir  si  peu  de  [)ro- 
grez  en  vostre  fortune.  Mais  vous  sçavez  ce  que  je  vous  ay  dict  autres 
foys  à  Boysgency,  sur  les  plaintes  que  vous  me  faisiez  en  cas  pareil, 
de  la  part  de  M''  Suarez,  qu'il  ne  falloit  poinct  se  lasser  de  poursuvvre 
sa  carrière  quand  on  y  estoit  embarqué  si  avant,  qu'il  n'estoil  plus 
temps  de  reculer,  que  Rome  n'estoit  poinct  ingratte  tost  ou  tard  à  ceulx 
qui  avoient  le  don  de  persévérance,  et  de  s'abstenir  d'eu  venir  aux 
reproches,  qui  ne  pouvoient  estre  divulguez  sans  faire  un  grand  tort. 
J'attends  icy  dans  peu  de  temps  M""  de  Vaison  avec  qui  nous  «■» 
Iraictcrons,  et  croys  bien  que  M""  Mazzarini  ne  sçauroit  pas  tarder  de 
revenir  en  Avignon,  avec  qui  nous  taschcrons  de  concerter  quelque 
bon  moyen  de  vous  adsister.  Cependant  l'eminentissime  cardinal  de 
Bagni  m'escript  qu'il  s'en  retourne  en  cour  de  Home,  où  il  ne  vous 
abandonnera  pas  si  l'occasion  se  présente  de  vous  faire  ofTwe  de  bon 
patron.  Il  ne  fault  jamais  mal  espérer  de  la  repnbli<|ue,  ne  de  nostre 
fortune,  pour  ne  nous  procurer  du  mal,  qui  peidt  advenir  par  cez  dos- 
plaisirs  anticipez.  Il  vault  mieux  favorablement  augurer  pour  l'advenii-, 
et  ne  pas  tant  blasmer  tout  le  passé,  quand  il  y  peult  avoir  quelque 
chose  de  nostre  faict  ou  de  nostre  obmission.  La  collation  que  je  lis 
lorsque  vous  estiez  à  Boysgency,  n'a  pas  peu  sortir  son  effect,  celuy 
qui  avoit  eu  un  vicariat  de  moy  m'ayant  prévenu,  avec  un  peu  de  mau- 
vaise foy,  sans  laquelle  vous  y  eussiez  Irouv»^  un  peu  de  place;  il  fault 
se  donner  patiance  qne  les  oyseaux  de  pa.ssage  repassent  et  tenir  Joutes 
choses  bien  prestes  pour  tirer  son  coup  bien  as-seurcment  <'n  captant 
la  benevolance  de  ceux  qui  vous  y  peuvent  porter,  par  toute  sorte  de 
defferance  et  de  lesmoignage  de  gratitude  anticipée.  Je  n'y  trouve  point 
de  plus  grand  secret  non  seulement  en  telles  matières,  mais  rpiasi 
en  toutes  aultres  oi!i  il  se  peult  vaincre  quelque  chose  par  honncstet*'. 
Il  vous  souviendra,  par  exemple,  de  ce  que  vous  me  dictes  avoir  apprins 
qu'à  Autun  il  sestoil  trouvé  des  cueillers  et  fuseres  d'argent  anti<|ues 
figurées.  J'escrivis  à  de  mes  amys  pour  en  apprendre  des  nouvt'll»'<.  «-t 


734  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

ay  esté  deux  ans  entiers  en  la  poursuitte  la  plus  doulce  que  j'ay  peu 
d'en  avoir  les  desseins  et  quelque  empreinte,  sans  que  persone  en  fust 
encores  peu  venir  à  bout.  Encores  que  des  gentz  de  grande  considé- 
ration s'en  fussent  meslez,  tant  en  estoit  jaloux  le  gentillioniuie  qui 
en  avoit  la  possession  d'une  bonne  partie,  car  l'autre  a  esté  dissipée 
et  despaisée.  Enfin  lorsque  je  m'y  atlendoys  le  moirigs  il  a  prins  une 
humeur  à  ce  gentilhomme  de  s'en  venir  exprez  faire  un  voyage  eu  cette 
province  pour  me  voir  et  ne  s'y  est  laissé  gouverner  que  deux  jours 
seulement',  dans  lesquels  il  a  tesmoigné  tant  de  correspondance  à  la 
syncerité  qu'il  a  recogneue  en  raoy,  qu'il  m'a  laissé  à  toute  force  en 
propriété  les  deux  cueillers  d'argent  d'où  il  se  pouvoit  tirer  plus  de 
fruict  pour  le  public,  sans  que  j'aye  peu  faire  qu'il  les  ayt  emportées, 
et  qui  l'eust  laissé  faire,  il  m'eust  pareillement  laissé  des  brasselets, 
chaines,  carcants,  et  auli'es  bagues  dor  antiques  pour  plus  de  5o  pis- 
toles  pesant,  qui  avoient  esté  trouvées  au  mesme  lieu  et  au  mesme 
temps  que  lesdictes  cueillers,  dans  l'une  desquelles  y  a  une  figure 
assise  d'assez  bonne  main  toute  niie  qui  tient  une  bource  à  la  dextre, 
et  s'appuye  de  la  senestre  sur  le  caducée  comme  sur  une  crosse  ou  . 
pottance  de  malade,  le  petase  estant  par  terre  à  ses  pieds,  et  y  ayant 
encor  un  coq  et  un  bouq  devant  luy.  Comme  si  Mercure  avoit  affecté 
de  se  desguizer,  et  jouer  le  personnage  d'un  homme  malade  et  comme 
stroppié.  L'autre  cueiller  est  enrichie  d'ouvrage  d'esmail  noir  (que  les 
orfèvres  appellent  du  ne!)  et  n'y  a  que  l'image  d'un  monstre  marin, 
mais  j'y  trouve  de  si  belles  choses  à  dire  que  de  long  temps  il  ne  me 
tomba  rien  en  main  qui  ayt  donné  plus  d'exercice  à  ma  curiosité.  Ce 
que  je  ne  vous  ay  pas  deub  celer,  pour  vous  tesmoigner  par  mesme 
moyen  le  bon  gré  dont  je  vous  doibs  une  bonne  partie,  puisque  vostre 
advertissement  me  r'affraischit  la  memoiie  de  ce  que  j'en  avoys  ouy 
dire  autres  foys,  et  que  j'avoys  desja  oublié  pour  lors.  El  fut  cause 
que  je  m'aheurtay  à  cette  poursuitte,  qui  a  si  heureusement  reussy. 
Aussy  bien  que  celle  de  la  communication  des  vases  du  prince  Bor- 

'  Sur  la  visite  à  Peiresc  du  sieur  de  Montaigu ,  lieutenant  en  la  chancellerie  d'Autun ,  voir 
Gassendi  (livre  V,  à  l'année  i63i,  p.  ^27). 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  9gS 

ghese,  dont  je  ne  laisray  pas  de  me  bien  prévaloir,  et  de  professer  les 
obligations  que  je  vous  en  aye  de  tant  de  peine  que  vous  y  avez  prins, 
et  de  voz  bons  advis  sur  ce  suhject,  dont  j'estime  bien  le  dernier  que 
vous  nie  donnez  par  vostre  dernière  lettre,  que  son  Tre|)ied  avt  esU* 
trouvé  de  vostre  temps,  car  j'avoys  creu  qu'il  l'eust  achept/*  avec  le 
cabinet  des  bronzes  d'un  certain  curieux  que  je  ne  vous  sçaarovs 
nommer  à  cette  beure.  Et  pense  que  ce  que  vous  marquez  de  la  parité 
de  la  rouille  ou  vernix  tant  du  bassin  que  du  vase  et  du  pied,  est  nn 
des  plus  grands  arguments  qu'on  sçauroit  apporter  pour  inférer  que 
l'un  ayt  esté  faict  exprez  pour  çstre  ap|)ropnY!  à  l'autre.  Car  sur  l'em- 
preinte je  ne  trouvoys  pas  que  les  monlleures  du  ctd  du  bassin  se 
rencontrassent  trop  bien,  pour  s'enchâsser  précisément  dans  celles  du 
chappiteau  de  cette  colonne,  si  ce  n'est  le  seul  bord  extérieur.  Tant  est 
que  je  verray  volontiers  les  moulles  de  piastre  que  vous  en  avez  re- 
tenus, et  que  dictes  avoir  remis  à  patron  Faulconier  avec  d'autres  ances 
dont  je  vous  remercie  bien  humblement,  et  si  aviez  conservé  les  treus 
des  autres  vases,  principalement  des  petits,  et  de  ceux  qui  ont  quel- 
ques moullcures  ou  enrichissements,  vous  me  feriez  plaisir  de  me  les 
faire  avoir,  quand  il  se  présentera  quelque  barque,  jugeant  que  lonc- 
tion  de  graisse  dont  se  plaint  ce  prince  est  ca[)able  de  porter  assez  de 
corps  pour  empescher  que  le  piastre  ne  puisse  si  bien  exprimer  les 
arestes  ou  fdletz  des  moidcures  qui  paroissent  si  peu  dans  les  em- 
preintes de  metail.  Et  toutefoys  c'est  de  là  quasi  principalement  que 
je  tire  les  plus  jolys  argumentz  de  mes  petites  conjectures.  Je  n'ay  pas 
encores  peu  les  bien  examiner  et  suys  constrainct  d'en  n-mettre  la 
partie  à  cez  prochaines  festes  de  ÎNoel,  auquel  temps  Dieu  a\dant  j'y 
pourray  mieulx  vacijuer,  et  escriray  !\  Son  Excellence  pour  obtenir  des 
desseins  de  quelque  pièce  plus  cappable  de  servir  h  mes  petits  desseins. 
Et  luy  feray  des  excuses  de  cette  onction  de  graisse,  croyant  que  si 
vous  les  faisiez  bouillir  dans  de  l'eau  claire  avec  tant  soit  peu  de  cen- 
dres, toute  cette  onctuosité  se  perdroit  comme  je  l'ay  prartiqué  en 
plusieurs  pareilles  pièces,  où  il  ne  paroit  plus  que  nous  ayons  faict 
verser  de  l'huille  comme  il  falloit  pour  les  mesurer  exactement.  i\e  qui 


736  LETTRES  DE  PEIRESC  [i63i] 

sembloit  certainement  les  avoir  diffamées,  et  leur  avoir  altéré  toute  la 
couleur  et  le  lustre  de  leur  vernix  ou  de  la  j)atina.  Mais  je  n'ay  pas 
bien  peu  entendre  ce  que  vous  a  dict  son  garde  robbe  qu'il  avoit  caché 
un  autre  vase  pour  sçavoir  si  l'on  luy  rendoil  le  nombre  entier.  Et 
voudroys  sçavoir  au  vray  si  c'estoil  celuy  dont  vous  plaigniez  tant  la 
perte  ou  non.  Et  mesme  si  je  pouvoys  sçavoir  lequel  précisément  estoit 
celuy  qui  se  trouva  perdu,  vous  me  feriez  plaisir  de  me  le  mander,  et 
vous  en  supplie,  et  pour  cause. 

Cependant  je  vous  remercie  du  petit  griffonement  de  cette  lampe 
suspendue  sur  un  trépied  du  sieur  Cavalier  Gualdo,  et  de  ce  Cupidon 
estudiant  sur  une  fleur  (dont  je  ne  me  tiens  pas  moings  vostre  rede- 
vable que  si  je  pouvoys  recouvrer  un  jour  la  graveure  originale,  puisque 
vous  me  l'aviez  despartye  avec  tant  de  franchise).  Comme  aussy  du 
soing  qu'avez  prins  de  faire  escrire  à  Pise  par  M' le  cavalier  del  Pozzo , 
et  d'escrire  vous  mesmes  à  Florence  à  ce  cavalier  Passigniani,  regret- 
tant leur  peine  et  sollicitude  et  ayant  depuys  apprins  que  ce  pauvre 
homme  entra  malade  en  l'hospital  de  Pise  le  7  septembre  et  en  sortit 
convalescent  le  2  5"''  du  mesme  moys,  de  façon  que  puisqu'il  n'est  arrivé 
de  par  deçà,  il  fault  qu'il  ayt  eu  quelque  recheutte,  et  qu'il  soit  mort 
en  quelque  autre  hospital  sur  le  chemin  de  Pise  à  Gènes,  dont  nous 
n'avons  encores  sceu  apprendre  aulcunes  autres  nouvelles.  Et  puisque 
vostre  fagot  ne  pesoit  pas  plus  de  troys  libvres  et  demy,  si  vous  l'eus- 
siez présenté  au  sieur  Girolamo,  commis  de  l'illustrissime  Girolamo 
Spinola,  au  bureau  de  la  poste  de  Gènes  dans  Rome,  vous  l'eussiez 
trouvé  bien  disposé  de  le  recevoir  quand  il  auroit  pesé  jusques  à  dix 
et  douze  libvres,  quand  ce  n'est  que  pour  une  foys  ou  deux  l'année 
seulement.  Mais  j'en  suis  meshuy  tout  consolé  et  n'y  songe  plus. 

L'on  m'envoye  de  Paris  une  cassette  011  il  y  a  jusques  à  60  poids  gros 
ou  petits,  où  M"'  Aubery  dict  en  avoir  recogneu  de  plusieurs  sortes  qui 
ne  luy  estoient  encores  passez  par  les  mains,  et  possible  y  en  aura-t-il 
quelqu'un  de  ceux  que  je  plains  le  plus  entre  ceux  del  Stefanoni.  Et 
puisque  vous  avez  un  vieillard  qui  en  a  bon  nombre,  si  m'en  pouviez 
dresser  un  petit  bordereau ,  je  jugeroys  facilement  ceux  qui  pourroient 


|163/i|  À  CLAUDE  MENESTIUER.  737 

mériter  d'estre  mouliez,  et  recevray  sans  double  à  faveur  singulière 
d'en  avoir  les  empreintes,  ne  pouvant  prétendre  aulx  originaulx.  Ce- 
pendant si  vous  y  en  trouvez  de  pareils  à  ceux  des  Stefanoni  dont  vous 
m'aviez  envoyé  le  gnironement,  il  n'y  auroit  pas  de  danger  de  me  les 
faire  raouHer  et  m'envoyer  les  empreintes  au  plus  tost.  Je  luy  escriray 
quand  vous  vouldrez  me  dire  son  nom  et  ses  quaiitez  particulières,  si 
besoing  est^ 


LXXXIX 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BEZANÇON, 
EN  LA  COUR   DE  l/EMINENTISSIME  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBBRIN, 

À   nOME. 

Monsieur, 

Nous  avons  eu  le  bien  de  voir  icy  M'  le  Conte  d'Ysinghen  avec 
M""  le  Chevalier,  son  frère,  et  le  s''  Simonin,  leur  gouverneur,  mais  ce 
n'a  esté  que  bien  à  la  desrobée,  car  ils  ne  se  voulurent  pas  arrestcr 
icy  un  jour  entier.  Je  leur  fis  voir  la  momie  comme  vous  désiriez  et 
quelques  autres  petites  curiositez.  Ce  sont  de  trez  braves  seigneurs  et 
grandement  méritants, 

M'  Simonin  nous  fit  voir  quelques  cahiers  de  sa  rose  et  de  son 
Atrium,  qui  méritent  de  luy  sçavoir  bon  gré  de  cette  curiosité,  mais  je 
ne  sçay  si  les  imprimeurs  do  Lion  les  vouldront  imprimer,  si  ce  n'est 
par  correspondance  authorisée  avec  M'  Prost,  comme  il  me  disoit.  Ils 
allèrent  ù  Marseille  pour  recevoir  leurs  bardes,  et  de  là  prendre  la 
routte  d'Arles,  Nismes,  Avignon  et  Orange,  s'ils  m'en  croyent,  et  pen- 
soient  trouver  à  Marseille  le  patron  Faulconnyer  arrivé,  mais  je  ne 
le  croys  pas,  ayant  régné  de  trop  grands  vents  du  Mistral  quelques 
jours,  qui  luy  sont  contraires,  et  M' de  Gastines  ne  m'en  a  rien  mandé, 

'  Bibliothèque  de  l'Écoie  de  mëdecinc  de  Monlpcllior,  nis.  H  971,  fol.  198.  La  lettre  wt 
sans  signalure  c(  sans  dolc.  On  a  inscrit'au  sommet  du  folio  198:  3o  novembre  i63â. 

T.  93 


738  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

comme  il  eust  faict,  je  m'asseure.  J'escrips  en  grande  haste  et  y  a  un 

mot  pour  le  sieur  Stephanoni  que  j'avoys  oublié  cy  devant,  et  son 

livre  des  familles  d'Ursinus,  sur  quoy  je  demeure  en  vous  remerciant 

de  si  bonnes  adresses, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  5  dëcembre  i63â  '. 


XG 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
Pendant  que  j'eus  ce  bonheur  d'estre  avec  vous  il  me  semble  vous 
avoir  dict  comme  l'on  trouvoit  de  l'ambre  en  Sicile  auprès  de  Catane 
laquelle^  ne  cède  en  rien  à  celle  de  la  Prussie  ny  de  la  mer  Baltique, 
la  nature  estant  pleine  (je  ne  sçay  si  ce  sera  point  à  cause  de  la  cha- 
leur plus  grande  qui  règne  en  Sicile  qu'en  ces  pays  septentrionaux 
d'en  produire),  en  ayant  veu  des  morceaux  aussi  beaux  en  couleui- 
que  de  chrysolites,  d'autres  chargées  de  diverses  couleurs,  c'est  h  sça- 
voir  de  bleu,  rouge,  jaulne  et  vert,  ressemblant  du  tout  à  des  opalles. 
Et  je  regrette  et  regretteray  à  jamais  une  occasion  d'un  marinier  le- 
(juel  en  avoit  apporté  en  ceste  ville  un  grand  sacq  tout  brutz  et  sans 
estre  polis,  mais  en  particulier  il  avoit  jusques  à  cinquante  pièces  for- 
mées et  façonnées  en  cœur,  entre  lesquelles  il  y  en  avoit  de  diverses 
couleurs  et  entr'autres  un  petit  coeur  que  s'il  ne  m'eusse  dict  estre 
ambre  comme  les  autres  je  l'eusse  tenu  pour  une  hyacinthe  la  belle. 
11  vouloit  vendre  le  tout  ensemble;  à  grand  peine  me  laissa  prendre 
trois  petites  pièces  comme  des  noix  lesquelles,  estant  arrivé  au  logis, 
je  polis  moy  mesme,  et  voyant  qu'ils  estoient  réussis  si  beaux,  le  jour 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de        feurs  (jui  ont  fait  du  mot  ambre  un  mot 
Montpellier,  ms.  H  971,  fol.  169.  féminin.    C'est    la    désinence    qui    l'aura 

■  Meneslrier  est  un  des  très  rarps  au-        trompé. 


[163ÛJ  À  CLAUDE  MENESTRIER.  7S9 

suyvant  je  m'achemina  à  Ripe  Gi-ande  et  trouva  que  la  harque  avoit 
l'ait  voile.  Il  y  a  pour  le  présent  à  Home  un  |;eoiier  lequel  est  de  meame 
pays  (Inquel  je  me  suis  informé  de  la  naissance  et  nature  de  ladile 
ambre;  il  m'assenra  (ju estant  en  Sicile  que  plusieurs  foys  il  en  a  fairi 
besclier  dans  la  terre,  et  en  a  trouvé  des  morceaux  aussi  gros  que  les 
deux  poings  et  en  d'aulcuns  y  a  rencontré  des  animaulx  comme  en 
celle  du  septentrion  assez  profonds  dans  des  terres  parmy  des  mon- 
tagnes. Et  lorsque  survenoienl  de  grands  desbords  d'eau,  alors  les 
torrents  en  descouvroient  en  abondance,  les  portoient  dans  les  rivières 
et  de  là  dans  la  niei-,  lesquids  puis,  connne  la  mer  estoit  agitée,  elle 
les  rejetoit  sur  le  sable  comme  clic  a  la  coustume  de  faire  les  autres 
légèretés.  De  quoy  je  m'estonne  que  les  Romains  n'ayent  jamais  des- 
couvert telles  curiosités,  veu  qu'ils  en  faisoient  anciennement  du 
conte  (sic),  et  non  s'amuser  à  des  fables  comme  ils  font  touchant  l'ori- 
gine de  ladite  ambre  '.  Jusques  à  présent  il  n'y  a  eu  personne  qui  en 
aye  fait  mention.  J'en  ay  faict  la  mesmc  espreuve  soit  à  tirer  la  paille, 
papier,  lierbage  et  autres  petites  chosetles,  et  à  l'odeur  qu'elle  rend 
en  la  bruslant  et  en  icelle  n'y  trouve  aucune  dilVcrence.  11  y  a  ici  des 
naturalistes  à  qui  je  l'ay  communiqué  lesquels  ont  pensé  sçavoir  le 
lieu  d'où  je  l'avois  eu,  lesquels  j'ay  renvoyé  aux  Apennins.  Si  la  for- 
lune  eusse  voulu  que  j'eusse  esté  pourveu  comme  d'aulcuns,  et  non 
obligé  d'attendre  la  miséricorde  et  occasion  à  Rome,  j'aurois  faict  un 
voyage  par  la  Sicile,  là  où  je  tiens  que  j'aurois  descouvert  des  mer- 
veilles de  la  nature,  mais  il  fault  que  j'aye  contre  mon  grand  regret 
patience  et  croupisse  en  ma  misère.  Entre  aultres  je  n'eusse  rien  plus 
désiré  que  de  m'esdairer  des  ossements  de  géants  qui  se  retrouvent  en 
Sicile,  et  de  quoy  j'ay  bon  tesmoignage,  ayant  un  morceau  de  la  mâ- 
choire avec  une  dent  grosse  comme  le  poing,  laquelle  fut  envoyée  par 
Dom  Vicenze  Mirabella  au  prince  Gesis*,  luy  descrivant  le  lieu  là  où 

'  Co  n'est  pas  seulomenl  dans  les  Mêla-  *  Snr  li'  prince  PrAlôrir  (^»,  pré«iilcn( 

morphoses  dOvido ,  c'est  aussi  dans  \' Histoire  <le  l' Aradt'inie  des  l.yiicei  i  Rome ,  »  oir.  dans 
naturelle  de  Pline  que  ion  trouve  beaucoup  le  fascicule  XIll  de»  CorrttpoHdunti  de  ftt- 
de  rëcits  fabuleux  au  sujet  du  siiceinum.  me,  LtUru  dt  Gabriel  IVamU  (p.  6»  ),  an* 

93. 


740  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

il  l'a  trouvé  en  y  adjoustant  ung  morceau  d'un  os  de  la  jambe  avec 
spondite  ou  le  dernier  os  d'un  doigt,  et  l'invitoit  par  sa  lettre  d'aller 
veoir  un  tel  prodige  lequel  il  tenoit  secret  jusques  à  ce  que  passeroit 
par  de  là  quelque  personnage  digne  de  luy  faire  voir  tout  entier.  J'ay 
appris  d'autres  Siciliens  qu'ils  ont  veu  des  carquasses  humaines  si 
grosses  qu'à  peine  un  homme  les  eusse  peu  embrasser. 

J'ay  notice  aussi  d'une  montagne  laquelle  n'est  point  composée 
comme  la  nostrc  de  Rome  de  coquillages,  ains  toute  de  dents  d'élé- 
phants et  de  mâchoires  que  les  affronteurs  vendent  par  l'Italie  pour 
licorne,  mais  c'est  ebur  fossile.  J'en  ay  veu  des  morceaux  qui  pesoient 
des  quarante  livres,  et  l'on  m'asseure  que  toute  la  montagne  est  com- 
posée de  semblables  dents. 

A  Rome,  ce  19  décembre  i634  '. 


XGI 
À   MONSIEUR  MENESTRIER,   CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  L\  COUR   DK  L'EMINEMISSIME  SEIGNEUR   CARDINAL  BARBERIN , 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  ne  laisray  pas  eschapper  la  commodité  de  M""  Bouche,  docteur 
eu  Sainte  Théologie  de  noz  meilleurs  amys,  sans  m'en  prevalloir  pour 

curieuse  citation  tirée  du  Mascurat.  En  cette  cile.  Ebur  fossile.  Gigantum  ossa.  Peiresc  a 

même  citation,  comme  j'ai  déjà  eu  i'occa-  aussi  fait  quelques  menues  corrections.  En 

sion  de  l'indiquer  (t.  IV,  p.  ^79),  Naudé  se  tout  cas  ce  n'est  pas  lui  qui  a  donne  au  cha- 

moque  avec  impertinence  de  la  crédulité  noine  Menestrier,  à  l'abbé  Mencstrier,  ce 

itd'nn  certain  Claude  Menestrier  de  Besan-  titre  répété  par  le  bibliothécaire  Lambert  en 

çon ,  que  l'on  disoit  avoir  été  grand  natu-  son  Catidogue  des  manuscrits  de  Carpentras 

raliste  ou  plustost  grand  fabuliste ti.  (t.  II,  p.  3i5)  :  r^du  P.  Menestrier. »  A  la 

'  Bibliothèque  d'Inguimbert ,  collection  page  ioi  du  même  catalogue,  on  a  eu  tort 

Peiresc,  registre  LUI,  fol.  70.  Copie.  Pei-  de  faire  du  prétendu  pèce  le  (rbibliothécaire 

resc  a  de  sa  main  mis  en  tête  de  cette  copie  du  cardinal  Barberin  ". 
en  gros  caractères  :  Succinum.  Ambre  de  Si- 


[1634]  À  CLAUDE  MENESTRIKR.  741 

vous  faire  tenir  une  petite  boitte  d'autres  petits  poissons  qui  ne  vous 
seront  pas,  je  m'asseure,  nioings  ajjreables  (si  n'en  avez  desja  provi- 
sion d'ailleurs)  que  peuvent  eslre  les  autres  plus  grosses  pièces.  Au 
contraire  il  semble  que  cez  petites  cliosettes  se  goustent  mieux  que  le» 
grandes,  pour  estrc  plus  maniables.  Je  suis  marry  de  n'avoir  rien  de 
plus  digne  de  vous  présentement,  mais  à  l'advenir  j'espère  que  ceux 
que  j'ay  enfin  mis  aprez  celte  recherche  et  sollicitude  pourront  ren- 
contrer de  plus  curieuses  pièces  Dieu  aydant. 

Au  reste  je  vous  prie  d'adsister  partout  oii  vous  pourrez  M'  Bouche 
pour  l'amour  de  sa  vertu,  et  pour  l'amour  de  moy,  et  de  l'introduire 
partout  oiî  besoing  sera  auprez  de  cez  Messieurs  de  la  Cour  de  Son 
Eminencc,  auxquels  je  ne  puis  escrire  présentement  comme  j'eusse  dé- 
siré en  sa  faveur.  .Te  l'ay  prié  de  me  faire  luy  mesmes  des  empreintes 
de  papier  mouillé  de  quelques  incriptions  antiques  dont  je  désire  exa- 
miner le  caractère,  non  seulement  des  Grecques  et  en  langues  orien- 
tales Barbares  anciennes,  mais  des  plus  anciennes  Latines,  entr'autre» 
celle  de  la  colonne  Rostratade  Duillius  du  Capitole,  celle  de  L.  SCIPIO 
BAHBATVS,  celle  d'HEllODES  de  Farnese,  et  la  PALMYRENIENiNK 
in  hortis  Carpensibus.  Je  vous  prie  de  luy  en  faciliter  les  moyens  aul- 
lant  que  vous  pourrez,  et  si  par  occasion  m'envoyez  les  oni|)reintes 
des  escrileaux  de  cez  Etrusques  quarrécs,  elles  viendront  encor  à 
temps,  car  vous  avez  tousjours  oublié  de  les  faire  mettre  dans  voi 
caisses. 

Si  vous  avez  veu  quelque  inscription  bien  antique  en  (juelque  langue 
que  ce  soit,  principalement  des  Barbares,  qui  se  puissent  mouller  de  la 
sorte,  je  seroys  infiniment  aise  de  les  voir,  et  qu'on  me  les  apportas! 
roullées  comme  un  tableau  autour  d'un  baston  si  elles  ne  se  peuvent 
loger  eslendiies  dans  ([uelque  caisse.  M'  Bouche  en  sera  volontiers  le 
porteur  à  son  retour,  s'il  ne  se  présente  plustost  de  commodité  asscu- 
lée  par  le  sieur  Egidio  Bossi,au  cas  que  Patron  Pascal  soit  desjà  parlv. 
Je  vous  respondray  par  l'ordinaire  de  vendredy  prochain  à  celles  qu'il 
m'avoil  apportées  de  vostre  part,  oi!i  je  fus  bien  aise  de  voir  l'acquisi- 
tion quaviez  faicte  de  cez  3o  pièces  de  poids  ou  monoyes  marquées  de 


742  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

leur  valeur  apportées  de  TAquila',  et  me  tardera  de  voir  s'il  y  aura 
rien  qui  puisse  suppléer  la  perte  des  autres  dont  je  ne  me  promets 
plus  de  ressource  aprez  tant  de  temps  escoulé  depuis  que  ce  misérable 
porteur  sortit  de  l'Hostel  Dieu  de  Pise  sans  qu'il  ayt  paru  en  aulcun 
lieu  ne  donné  de  ses  nouvelles.  J'ay  receu  la  boitte  de  celles  deM"' Au- 
bery,  oii  j'en  ay  trouvé  d'assez  jolyes,  entr'autres  une  du  Taureau  sem- 
blable à  la  vostre,  mais  grandement  nette  et  conservée,  comme  aussy 
celle  d'un  petit  vase  avec  la  note  et  un  crocbet,  dont  m'en  aviez  en- 
voyé une  assez  mal  conservée  tant  de  poids  que  d'empreinte.  Elles  m'ont 
pourtant  laissé  en  cette  mortification  de  n'y  en  avoir  trouvé  qu'une 
seule  de  celles  dont  m'aviez  envoyé  le  dessein  où  vous  parliez  d'une 
fleur  de  liz,  dont  je  ne  demeure  pas  d'accord.  Et  si  ne  trouvez  bientosl 
de  bonne  commodité  soit  par  le  patron  Pascal  ou  autre,  c'est  que^  le 
poids  ne  soit  pas  considérable,  je  m'asseure  qu'au  bureau  de  la  poste 
de  Gènes,  le  respondant  du  sieur  Spinola  se  chargera  volontiers  de  la 
boitte  que  vous  lui  pourriez  consigner.  En  un  besoing  pourriez  faire 
marché  du  port,  h  raison  de  tant  la  lettre,  que  je  feray  bon  audict 
sieur  Spinola. 

J'ay  esté  bien  aise  aussy  d'apprendre  vostre  acquisition  de  ce  petit 
vase  d'Agathe  à  si  bon  marché.  Il  ne  fault  rien  négliger  en  cez  ma- 
tières là  quand  on  s'y  engage,  elfauldra  voirsi  la  mesure  ne  sera  bonne 
à  rien  quoyque  si  petite.  Je  pensois  vous  avoir  mandé  que  par  malheur 
l'inondation  de  la  rivière  nous  avoit  emporté  le  greffe  du  saule  odori- 
férant, et  y  estoit  demeuré  je  ne  sçay  quel  petit  fragment  qui  avoit  de- 
puis poulcé  un  autre  beau  rejecton,  mais  une  autre  inondation  de  ce 
moys  d'octobre  dezracina  la  plante  et  l'emporta  tout  à  faict.  De  sorte 
qu'il  n'y  aura  plus  de  resource  que  de  chez  vous.  Je  feray  accommoder 
des  plantes  de  l'Ilex  Gocciger  pour  Son  Eminence. 

Au  reste  M''  de  Vaison  est  passé  par  Sisteron  droict  chez  luy  sans  se 
laisser  voir,  dont  je  suis  un  peu  mortifié,  bien  aise  toutefoys  qu'il  soit 
arrivé  et  sain  et  sauve  en  sa  maison.  Je  luy  ay  escript  et  envoyé  de- 

'  Ville  d'Italie,  dans  les  Abruzzes,  sur  l'Aterno,  à  gS  kilomèlres  de  Rome.  —  '  Et  tjue 
le  poids  ne  soit  pas  considérable ,  pourvu  que  le  poids ,  etc. 


|l63i]  À  CLAUDE  MENESTIUER.  743 

mander  s'il  avoit  poinct  de  lettres  de  noz  bons  seijjneurs  et  aniys, 
croyant  Lien  que  quelqu'un  l'en  aura  chargé,  à  touts  le  rnoings  ceux  qai 
n'escrivent  pas  par  la  poste. 

Il  m'est  venu  en  fantaisie  d'examiner  à  ma  mode  les  médailles  de 
XIOG,  dont  il  se  trouve  si  grand  nombre,  et  parliculieremcnt  de  cellen 
qui  sont  les  plus  grandes,  dont  j'ay  plus  de  /io  ou  f)©  pièces,  mais 
neantmoings  tant  que  vous  en  trouverez  à  bon  compte,  me  ferez  plai- 
sir de  me  les  retenir  et  envoyer.  Principalement  quand  elles  seront 
bien  nettes  et  bien  conservées,  et  pucelles,  sans  que  le  burin  les  aye 
gastées,  de  quelque  grandeur  ou  petitesse  qu'elles  soyent  et  de  toutes 
les  autres  sortes  d'où  qu'elles  soient  qui  porteront  des  marques  de  la 
valeur  ou  du  poids  de  la  pièce,  mais  surtout  de  celles  qui  ont  les  six 
pallottes  m  ou  les  Astragales.  Sur  quoy  je  demeure,  Monsieur,  eu 
vous  souhaictant  les  bonnes  festes  et  la  bonne  année, 

voslre,  elc. 
A  Aix,  ce  a5  décembre  i634  '. 


XCII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA   COUn  DE   L'EMINENTISSIHE  SEIGiSBUII   CARDINAL   ll\KIIERIN, 

À   KUME. 

Monsieur, 
Je  vous  ay  escript  depuis  deux  jours  par  le  sieur  Bouche,  prevost 
de  S'  Jaume,  que  je  vous  ay  recommandé  d'accompagner  en  quelque;» 
lieux  pour  ma  curiosité,  et  par  luy  vous  ay  envoyé  une  petite  boitte 
de  petites  estoiles  marines  et  autres  aniniaiilx  et  curiositez  de  mer.  eu 
attendant  qu'on  m'en  fasse  avoir  meilleure  provision,  comme  j'espère 
à  cette  heure  qu'ils  ont  commancé  à  sçavoir  recueillir  et  acconimiKler 
cez  petites  choses,  auxquelles  ils  ne  vouloient  pas  s'amuser.  Le  patron 

'  BibliothtVfue  de  l'École  <lc  médrciiio  de  Mont|)t!llier,  ras.  H  «71.  fol.  i63. 


llxU  LETTRES  DE  PEIRESC  [163A] 

Faidconier  n'est  pas  encor  arrivé,  par  qui  disiez  dernièrement  de 
m'avoir  envoyé  quelque  pierre. 

Bien  ay  je  receu  par  le  dernier  ordinaire  d'Avignon  vostre  lettre  du 
'ik  novembre  concernant  les  plantes  de  l'Ilex  Coccigera,  dont  je  feray 
cueillir  et  arracher  quelques  unes  de  celles  qui  sont  en  port  du  Ver- 
millon, et  les  feray  loger  en  un  vase  pour  les  envoyer  par  la  première 
commodité.  Et  si  je  puis  par  les  galères  du  Cardinal  de  Lyon,  et  en 
feray  tenir  d'autres  en  des  vases  pour  prendre  terre  plus  à  loisir  afin 
de  les  envoyer  en  meilleure  saison  si  celles  là  meurent,  comme  je  le 
crains  si  elles  n'ont  prins  terre  à  leur  aise  sur  les  lieux.  Pour  le  saule 
odorant,  la  rivière'  nous  a  enfin  emporté  la  plante  mesmes  sur  quoy 
a  voient  esté  faicts  les  greffes,  dont  les  rejettons  avoient  esté  emportez 
l'année  passée  à  mon  trez  grand  regret  pour  l'amour  de  vous  et  en- 
cores  pour  l'amour  et  le  respect  de  l'eminentissime  cardinal  Patron 
puisque  c'estoit  pour  son  service  que  vous  les  demandiez. 

J'ay  veu  la  lettre  que  vous  escript  le  sieur  Passignani  pour  raison  de 
ce  misérable  messager  d'Avignon,  dont  je  vous  ay  bien  de  l'obligation 
et  par  mesme  moyen  à  luy  et  à  l'illustrissime  cavalier  del  Pozzo.  Le 
mal  est  que  ce  pauvre  homme  n'est  jamais  comparu,  et  fault  qu'il  ayt 
eu  quelque  recheutte  qui  l'ay  faict  demeurer  en  quelque  autre  lieu  et 
possible  dans  quelque  fossé,  s'il  ne  s'est  peu  accueillir  en  quelque 
autre  hospital.  Dont  j'ay  envoyé  faire  toute  la  perquisition  que  j'ay 
peu.  Et  en  ay  chai'gé  le  sieur  Bouche  partout  où  il  passera  en  allant 
à  Rome.  Car  s'il  n'a  esté  tué  et  voilé  par  quelques  bandis,  on  en  deb- 
vroit  sçavoir  quelques  nouvelles  dans  les  hospitaux  sur  le  chemin  qu'il 
pouvoit  tenir,  parce  qu'on  y  tient  registre  de  ceux  qui  meurent.  11  faul- 
dra  se  donner  encor  un  peu  de  peine  de  ce  costé  là,  pour  voir  si  elle 
nous  pourroit  faire  trouver  des  nouvelles  de  noz  pauvres  médailles  et 
autres  curiositez  que  vous  y  aviez  jointes. 

J'en  ay  receu  quelques  unes  de  cette  nature  à  peu  prez  que  M"^  Au- 
bery  m'a  acheptées  à  Paris  de  sa  grâce,  en  nombre  d'une  soixsantaine, 

'  Cette  rivière  est  le  Gapeau ,  qui  parfois  arrosait  trop  les  jardins  de  Belgenlier. 


[1634]  A  CLAUDE  MENESTRIER.  745 

entre  lesquelles  il  y  en  a  deux  qui  ont  d'un  costé  un  Trident,  et  de 
l'autre  je  ne  sçay  quoy  que  je  n'ay  peu  bien  descliiffrer  à  mon  gré.  Ce 
qui  me  faict  bien  regretter  la  perte  de  celle  que  vous  aviez  eue  du 
sieur  Stefanoni,  qu'il  croyoit  estrc  une  fleur  de  lys.  Car  pour  certain 
c'cstoit  la  mesme  sorte  de  médaille  que  vous  m'avez  desseignée.  Mais 
il  est  trez  asseuré  aussy  que  ce  que  vous  y  mettez  comme  une  Heur 
de  lys  est  indubitablement  un  Trident  dont  l'antiquité  ou  l'indiscrétion 
de  l'ouvrier  qui  avoit  nettoyé  la  médaille  avoit  retranché  le  manche  du 
Trident  et  les  pentes  des  deux  costez  dudict  manche,  qui  paroissent 
fort  bien  en  celle  que  M' Aubery  m'a  faict  avoir.  Mais  le  revers  ne  pa- 
roit  pas  assez  bien  à  mon  gré  dans  ma  médaille  ne  dans  le  dessein  que 
vous  aviez  faict  de  la  pareille  du  Stefanoni,  pour  en  pouvoir  rien  dé- 
terminer sans  avoir  le  secours  de  quelque  autre  pareille. 

Il  me  souvient  d'en  avoir  veu  deux  semblables  à  feu  M'  Joly  qui 
vendit  aprez  tout  son  cabinet  à  feu  M'  de  Fontenay  Olivier,  des  suc- 
cesseurs duquel  le  Mareschal  d'Efliat  les  achepta,  mais  Dieu  sçaict  ce 
que  le  tout  sera  devenu. 

.T'en  ay  autresfoys  veu  de  semblables  encores  en  Flandres,  mais  je 
n'avoys  pas  lors  tant  de  curiosité  à  cez  choses  là ,  comme  à  cette  heure. 
Et  croys  que  si  dans  Rome  il  y  a  des  curieux  qui  en  ayent  faict  tant 
soit  peu  de  recueil,  vous  y  en  trouverez  plusieurs  seniblables,  auquel 
cas  je  vous  prie  d'essayer  de  m'en  faire  avoir  des  empreintes  si  ne 
pouvez  leur  troquer  les  originaulx,  car  j'en  verroys  volontiers  plus 
d'un  semblable,  à  cause  que  de  cez  ouvrages  si  gofies,  si  la  multij)licité 
ne  faict  bien  discerner  ce  que  ce  peult  estre,  mal  aisément  un  seul  y 
peut  sullire.  Avec  ceux  que  M""  Aubery  m'a  faict  avoir  j'ay  encor  eu  une 
douzaine  de  cez  poids  quarrez  avec  des  lettres  dargonl  de  ra|)port  dont 
j'avoysdesja  une  trentaine,  et  dont  le  nombre  m"a  faict  prendre  plus  de 
goust  que  je  n'en  avoys.  C'est  pourquoy  je  vous  prie  de  m'en  retenir 
tout  aultant  que  vous  en  trouverez  gros  et  petits,  principalement  de 
ceux  qui  seront  bien  conservez.  Et  si  le  sieur  Stefanoni  me  veull  faire 
bon  marché  de  tout  ce  qui  leur  peult  estre  demeuré  de  reste,  je  ne 
feray  pas  de  difliculté  de  les  faire  touts  prendre. 

T.  9* 


7/i6  LETTRES  DE  PEIRESG  [1634] 

Vous  m'aviez  parlé  d'un  bon  vieillard  qui  en  a  quantité  dont  il  ne  se 
veult  pas  delTaire.  11  fauldroit  luy  faire  trouver  bon  que  vous  en  fissiez 
un  peu  de  rolle  ou  inventaire  et  qu'en  fissiez  mouller,  puisque  croyez  en 
avoir  le  crédit,  ceux  que  jugerez  pareils  à  ceux  que  m'aviez  desseignez 
du  Stefanoni,  et  quand  j'en  auray  veu  le  rolle,  s'il  se  vouloit  mettre  à  la 
raison,  possible  luy  en  pourroys-je  bailler  une  pièce  d'argent.  N'oubliez 
pas  de  faire  mouler  ceux  que  trouvez  marquez  5oooo  comme  cez  deux 
qui  se  sont  perduz  et  ceux  qui  sont  marquez  <^~^,  et  ceux  qui  ont  le 
glan  des  deux  costez,  ou  d'un  seul,  et  touts  les  Etrusques  ou  qui  ont 
le  gros  relief,  avec  quelque  sorte  de  lettres  que  ce  puissent  estre. 

Mais  pour  les  poids  quarrez,  s'il  s'en  trouve  de  vostre  temps,  retenez 
les  touts  tant  qu'il  vous  en  passera  par  les  mains,  principalement  plus 
petits,  sans  les  faire  nettoyer  ou  descouvrir  avec  des  fers  ou  burins,  car 
on  leur  a  osté  ou  esmoussé  les  figures  de  relief  qui  y  estoient  enchâs- 
sées d'ouvraige  de  marquetterie,  non  seulement  d'argent,  mais  aussy 
de  cuyvre  rouge  pour  imiter  la  couleur  des  visages  et  quelquefoys 
mesmes  du  nel  ou  espèce  de  métal  noir  quasi  comme  esmail.  Oultre 
qu'on  leur  oste  souvent  de  leur  juste  poids  et  je  les  ayrae  mieux  avec, 
toute  leur  rouille  que  de  les  voir  si  desfigurez  comme  estoient  aulcuns 
de  ceux  que  m'apportastes  à  Boysgency.  Surtout  soyez  jaloux  de 
ramasser  touts  les  plus  petits  qui  vous  pourront  passer  par  les  mains 
depuis  le  poids  de  l'once  en  bas  jusques  aux  moindres  scrupules  inclu- 
sivement, de  quelque  forme  et  qualité  qu'ils  puissent  estre. 

Cela  me  faict  souvenir  de  ce  gros  poids  de  bronze  de  dix  libvres  que 
les  PP.  Jesuistes  ont  mis  en  leur  Bibliothèque  où  vous  me  disiez  qu'il 
y  avoit  tant  de  lettres,  figures  et  enrichissement  d'argent,  dont  je 
vouldrois  bien  avoir  le  dessein,  et  si  possible  estoit  l'empreinte  en 
piastre  ou  autrement,  voire  j'en  payeroys  volontiers  un  modelle  du 
contrepoids  bien  juste  faict  avec  quelque  morceau  de  marbre  bien  dur, 
ou  en  ung  besoing  du  porphyre  puisqu'on  en  travaille  là  maintenant, 
s'il  se  peult  faire  sans  de  grands  fraiz.  Le  sieur  Bouche  le  feroit  pour- 
suivre sans  vous  en  entremettre  beaucoup  et  y  employera  le  P.  Atha- 
nase  Kircher  ou  autres. 


[\CyU\  À  CLAUDE  MENESTRIER.  747 

J'oublioys  de  vous  dire  que  parmy  un  si  grand  noml)rc  de  poids  que 
j'ay  de  plus  de  aoo  pièces  je  n'en  ay  pas  un  qui  ayc  l'inscription  de  la 
note  de  la  drachme  |aP.A|  ou  bien  |APK.B|  ,  que  le  Pyrrhus  Ligorius 


a  mis  dans  ses  recueils.  Et  me  feriez  bien  plaisir  de  m'en  faire  avoir 
quelqu'un,  à  la  rencontre.  Cependant  j'attendray  cette  trentaine  de 
petits  poids  qu'avez  eu  do  cet  homme  de  l'Aquila.  Et  coz  médailles  avec 
des  Nombres,  et  si  dans  cez  graveures  qu'on  vous  promet  de  Naples, 
vous  n'aurez  rien  qui  vaille.  Vous  y  debviez  estre  allé  faire  un  tour, 
car  c'est  sans  doubte  qu'il  s'y  trouve  d'aussy  belles  choses  que  dans 
Home.  Je  verray  volontiers  aussy  ce  petit  menu  vase  d'agathe  pour 
examiner  ce  que  ce  peult  estre.  Ensemble  le  morceau  qu'avez  recouvré 
de  la  pierre  façonnée  en  ligne  spirale.  Et  ne  croiroys  pas  si  facilement 
(|u'eHe  puisse  avoir  esté  un  serpent,  et  pense  que  quand  j'auray  veu 
ce  morceau  où  vous  dictes  estre  la  teste,  je  vous  en  pourray  beaucoup 
mieux  resouldre. 

Quant  au  Trépied  de  marbre  de  S'  Grégoire,  je  n'avoys  garde  de 
m'imaginer  que  la  partie  inférieure  se  puisse  estre  conservée,  depuis 
avoir  esté  fraquassée  et  séparée  de  la  supérieure,  car  les  fragments 
qui  y  paroissent  par  dessoid)s  sont  trop  menus  et  trop  irreguliers.  Je 
m'asseure  que  le  tout  a  esté  brisé  longtemj)s  y  a.  Il  fault  songer  à  en 
trouver  d'autres  qui  puissent  ayder  à  le  restaurer  d'ailleurs,  et  sur  ce 
je  finis  me  reconuuandant  à  voz  bonnes  grâces,  et  demeurant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
À  Aix,  ce  ag  décembre  iC34. 

Je  vous  avoys  demandé  de  cez  médailles  «le  XIOC  de  toutes  gi-an- 
deurs  tant  qu'il  vous  en  viendra,  principalement  quand  elles  seront 
bien  nettes.  Et  entr'autres  eu  voudroys  bien  une  qui  est  dans  le  sup- 
plément de  la  Grèce  de  Golzius,  au  premier  rang  de  celles  de  cette 
ville  là,  qui  a  d'un  coslé  deux  claves  d'Hercule  enti-ecroisées,  où  les 
lettres  de  l'inscription  fussent  bien  nettes  et  conservées. 

Puisqu'avez  faict  si  grand  recueil  de  pierres  précieuses  et  autres, 

»*• 


748  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

mandez  moy  si  avez  d'une  sorte  de  pierre  de  nature  de  celles  qui 
servent  à  ayguiser,  laquelle  est  pesante  quasi  comme  du  cuir  de  beufile. 
Et  s'il  s'en  trouve  en  ce  pais  là,  s'il  s'en  trouve  à  vendre  à  prix  hon- 
neste,  j'en  achepteroys  volontiers,  quoyqu'on  m'en  a  envoyé  de  Paris 
un  morceau,  mais  il  est  fort  petit.  Et  s'il  s'en  trouve  d'une  pierre  fort 
solide,  qui  nage  sur  l'eau  comme  la  pierre  ponce. 

Depuis  avoir  escript,  l'ordinaire  d'Avignon  ayant  esté  retardé  à  la 
semaine  prochaine,  j'ay  receu  par  Lyon  vostre  lettre  du  5  décembre 
soubs  l'enveloppe  de  M''  de  Rossy,  à  qui  M''  Compain  l'avoit  remise. 
Cette  voye  là  ne  pouvant  estre  que  bonne  quand  l'autre  de  Gènes 
manque,  mais  elle  est  tousjours  plus  longue,  et  arrive  parfoys  à  contre 
temps  et  sans  nous  donner  moyen  de  respondre  par  Gènes  sans  attendre 
des  moys  entiers,  comme  il  eusse  fallu  à  ce  coup,  si  l'ordinaire  d'Avi- 
gnon n'eut  esté  retardé.  La  voye  de  Gènes  est  tousjours  la  meilleure. 
Et  quand  mesmes  vous  auriez  des  médailles  à  envoyer,  vous  trouve- 
rez, je  m'asseure,  aultant  de  courtoisie  du  costé  du  sieur  Gir.  Mayno, 
commis  au  bureau  de  la  poste  de  Gènes  estably  à  Rome  par  le  sieur 
G"  Spinola,  comme  en  voz  courriers  François,  qui  ne  sont  pas  tousjours. 
d'humeur  d'estre  si  courtoys  les  uns  que  les  autres,  comme  je  i'avoys 
souvent  esprouvé  quand  ils  passoient  par  icy.  Et  l'importance  est  que  . 
du  costé  de  Gènes  il  me  fault  tousjours  payer  grassement  soit  qu'il  y 
aye  des  lettres  ou  non.  C'est  pourquoy  il  n'y  a  pas  d'espargne  pour 
moy,  et  au  contraire  par  Lyon,  il  me  fault  passer  par  les  mains  de 
gents  qui  ont  bien  quelquefoys  de  la  jalousie.  J'ay  cependant  esté  bien 
aise  d'apprendre  que  le  messager  de  Pise  eust  eu  ce  jugement  d'en- 
voyer quérir  le  gouverneur  pour  renvoyer  les  lettres  à  Rome,  et 
m'estonne  qu'ils  ne  s'apperceussent  que  vostre  pacquet  faisoit  mention 
sur  la  couverture  de  vostre  fagot  de  médailles,  car  je  pense  que  le 
pauvre  homme  l'eust  aussy  bien  remys  que  les  lettres.  Et  tousjours 
est-ce  quelque  chose  de  voir  que  son  cachet  luy  fusse  deiiieuré  en  main. 
J'ay  faict  faire  toutes  les  diligences  imaginables  du  costé  de  Gènes  pour 
voir  si  cet  homme  est.  .  .  [^trois  mots  ejfacés^  et  jusques  à  Casai  pour 
voir  s'il  y  seroit  allé  par  desbauche  parmy  les  troupes  françoises. 


llG3/i]  A  CLAUDE  MENESTRIEU.  749 

J'ay  esté  bien  aise  de  ce  vase  en  forme  de  sabot  qu'avez  recouvré, 
marry  qu'H  ne  soit  plus  conservé,  et  »jue  le  manche  y  défaille,  mais 
il  se  fault  contenter  de  ce  qu'on  peult  avoir  pour  ce  repard.  L'empreinte 
de  celuy  que  m'avez  envoyé  du  Borghese  est  encores  fort  pleine 
d'argille  ou  de  sable  qui  me  faict  prendre  peu  de  certitude  en  la 
mesure  qu'y  aviez  prinse  de  la  contenance  et  verray  volontiers  la 
mesure  de  celuy  là,  si  ne  voulez  m'envoycr  l'original.  Je  vous  remercie 
de  l'advis  de  la  figure  ^Egyptienne  qu'avez  trouvée  chez  le  sieur  cava- 
lier Gualdo,  et  du  soing  (jue  voulez  prendre  de  la  faire  mouller,  et  en 
attendray  l'empreinte  en  bonne  dévotion.  Mais  j'ay  esté  inliniment 
aise  du  contentement  qu'avez  receu  du  bon  P.  Kircher,  qui  vault  plus 
qu'il  ne  monstre  et  qui  est  certainement  fort  bontif,  et  pourroit  se 
laisser  quelque  foys  surprendre  de  ce  costé  là,  mais  il  est  aisé  de  le 
ramener  à  la  raison  et  quoyqu'on  veuille  dire  il  y  aura  tousjours 
grandement  à  apprendre  et  à  prolHtter  en  ses  observations  pour  les 
curieux. 

Je  loue  bien  vostre  dessain  de  la  Diane  d'Ephese  '  et  des  Abeilles  et 
encores  plus  de  voz  observations  les  plus  précieuses  où  il  y  a  bien  plus 
à  dire  et  y  contribueray  volontiers  ce  que  je  pourray  si  m'en  faictes 
voir  vostre  project'^ 

'  La  dissertation  de  Meneslrier  sur  la  épistolaire  de  Holstcnius  est,  comme  celle  de 

Diane  d'Éphèse  a  éhi  sifjnalde  dans  YAver-  Meneslrier,  adressée  au  cardinal  F.  Barbe- 

tissement  du  présent  tome ,  notice  de  M.  Cas-  rin ,  le  commun  patron  des  deux  ardiéo- 

tan.  On  peut  rappeler,  h  ce  propos,  (juc  logucs. 

L.  Holslenius  s'occupa  aussi  du  même  sujet  '  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  d» 

(De  verubus  Dianw  Ephesice  dans  le  tome  VII  Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  1 34. 
dti  Thésaurus  de  Gronovius).  La  dissertation 


750  LETTRES  DE  PEIRESC  [163i] 

XGIII 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOIIVE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA   COUR  DE  L'EMINENTISSIME  SEIGNEUR   CARDINAL  BARBEHIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 

Depuis  le  départ  du  dernier  ordinaire  par  qui  je  respondis  à  vostre 
lettre  du  1 9""=  novembre  j'ay  receu  celle  que  m'avez  escripte  du  h  de 
ce  moys,  et  par  Maistre  Jean  le  Tailleur,  celle  du  i/i°"^  du  passé  et 
ensemble  la  boitte  qui  y  estoit  joincte,  et  pour  laquelle  j'avoys  bien  mis 
du  monde  en  peine  pour  trouver  ce  porteur  Anonyme,  qui  de  bonne 
foy  m'est  venu  remettre  son  depos  le  propre  jour  de  la  Noël  avec  tout 
plein  de  courtoisie.  La  boitte  estoit  un  peu  brisée  du  tracas  du  cheraiu, 
mais  le  contenu  d'icelle  n'estant  pas  délicat,  rien  n'a  esté  endommagé 
grâces  à  Dieu.  Je  luy  offris  tout  ce  qui  pouvoit  dépendre  de  moy  pour 
son  service,  et  il  me  fit  voir  un  petit  roulleau  de  desseins  qu'il  disoit 
estre  deMichelange  (sic)  et  de  son  maistre,  mais  comme  je  n'y  cognoiç 
rien,  je  ne  luy  pouvoys  pas  donner  de  grande  satisfaction  pour  ce  re- 
gard. Il  avoit  deux  balles  qu'il  avoit  laissées  à  Marseille  pour  Lyon  où 
il  s'est  acheminé,  et  m'a  asseuré  que  s'il  s'en  retourne  par  icy,  comme 
il  espère  faire  au  printemps,  avec  M""  de  Nouailles,  il  se  laissera  voir 
eu  passant,  et  si  je  le  puis  servir,  puisqu'il  est  de  voz  amys,  je  le  feray 
trez  volontiers. 

J'ay  donque  prins  plaisir  de  voir  cette  grosse  lampe  de  bronze  avec 
tout  son  attirail,  mais  je  n'estime  pas  que  cez  chaisnons  à  quoy  elle  est 
pendue  soient  ceux  qui  avoient  esté  faicts  en  mesme  temps  qu'elle,  car 
ils  sont  un  peu  plus  goffes  qu'il  ne  fauldroit  pour  avoir  du  rapport  à  la 
manière  de  la  lampe  qui  n'est  pas  des  pires.  Et  la  queue  ou  crochet 
pour  la  pendre  tout  de  mesraes.  Aussy  ne  crois-je  pas  que  l'intention 
du  fondeur  qui  la  forgea  eust  esté  d'y  mettre  trois  chaisnons,  et  d'en 
attacher  le  troisiesme  à  ce  fleuron  qui  luy  sert  d'entonnoir;  je  tiens  au 
contraire  qu'il  n'y  devoit  avoir  que  deux  chaînons  aultant  que  d'orillons 


\1&U]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  751 

à  la  pendre,  mais  pour  la  tenir  en  son  équilibre,  j'estime  que  les  deux 
bouches  des  lumignons  avoient  des  couvercles  assez  pesants  pour  e»- 
galler  le  contrepoids  de  la  queue  du  derrière  terminée  en  fleuron.  Car 
il  y  a  par  les  costez  du  ventre,  deux  petits  modillons  pour  servir  de 
soubstien  ausdicts  couvercles,  qui  sont  en  lijjne  continuée  de  l'ouver- 
ture desdictes  bouches,  et  parallèle  à  celle  de  la  base  ou  du  pied  du 
vase.  Et  vous  dicts  cette  particularité,  à  celle  Gn  que  vous  preniez 
garde  si  vous  ne  rencontreriez  poinct  d'autres  lampes  de  bronze  qui 
eussent  des  couvercles  sur  leurs  bouches,  comme  on  le  pratlique  en- 
cores  parmy  nous  bien  souvent. 

Que  si  ladicte  lampe  a  esté  véritablement  desterrée  avec  lesdicls 
chaisnons,  ils  y  auront  esté  adjoustez  pour  l'usage  de  genfz  de  deux 
ou  troys  siècles  nioings  anciens.  Et  aprez  la  perle  desdictz  couvercles, 
pour  en  j'ouyr  en  Testât  qu'elle  se  trouvoit.  Mais  ce  m'a  esté  une  grande 
mortification  de  n'y  poinct  avoir  trouvé  attachée  de  cette  matière  bv- 
thumineuse  susceptible  de  feu  sans  flamme  dont  vous  m'aviez  envoyé 
un  peu  de  monstre.  Au  contraire  j'y  apperceu  par  dedans  certaine 
rouille  vcric  farineuse  fort  différante  de  celle  du  dehors,  et  de  beau- 
coup moings  de  credict.  Mais  je  feray  faire  un  crochet  pour  gratter  le 
dedans  du  viiide  de  son  ventre,  et  tascher  d'en  arracher  quelque  menu 
fragment,  pourvoir  s'il  sera  de  mesmes  que  les  autres  que  nous  avions 
veus  cy  devant.  Je  regrette  qu'ayez  laissé  perdre  le  petit  morceau  qui 
formoit  le  crochet  de  la  queiie  à  suspendre  cette  lampe,  puis({u'il  ne 
s'est  cassé  qu'en  l'accommodant,  ce  dictes  vous.  Ce  morceau  de  fer- 
rure n'a  pas  laissé  de  me  donner  du  plaisir,  quelque  grossièreté  qui 
paroisse  en  sa  manière,  et  m'en  eust  bien  donné  davantage,  si  vous 
n'eussiez  pas  négligé  de  recueillir  les  autres  fragmentz,  tant  de  fer 
que  d'ivoyre,  et  spécialement  cez  clouds  enrichys  de  testes  de  leinme  de 
si  hault  relief,  comme  vous  dictes,  lequel  a  du  rapport  avec  la  haul- 
teur  du  relief  du  Lyon  et  du  Terme  qui  restent  sur  le  fragment  que 
m'avez  envoyé. 

La  Romaine  ou  statcre  sembloit  estre  si  massive  et  si  forte,  que  je 
m'estonne  qu'elle  ne  se  soit  mieux  conservée  avec  touls  ses  crochet» . 


752  LETTRES  DE  PEIRESC  [1634] 

mais  le  temps  vient  à  bout  de  toutes  choses,  et  tousjours  seroit  il  bien 
mal  aisé  d'en  trouver  une  toute  complette  avec  son  peson,  estant  dif- 
ficile que  dans  de  telles  ruines,  des  pièces  séparées  et  non  joinctes 
comme  sont  celles  là,  se  puissent  retrouver  en  mesme  lieu.  J'en  ay 
bien  pour  le  moings  sept  ou  huict  que  grosses  que  petites  \  mais  il  y 
manque  tousjours  quelque  chose.  Il  est  vray  que  par  les  règles  des 
proportions  il  y  a  quelque  moyen  de  restaurer  le  peson  quand  les 
crochetz  sont  conservez.  La  plaque  ronde  de  cuyvre  est  bien  extrava- 
gante avec  ses  troys  trous^  aultant  qu'en  la  bigeai-rie  des  caractères  qui 
y  sont  gravez,  mais  en  la  nettoyant  on  l'a  toute  descouvertc  assez  mal 
discrètement,  ne  croyant  pas  que  ce  soient  choses  faciles  à  deschiffrer. 
Toutesfois  il  ne  se  fault  pas  desdire  de  rien,  y  ayant  parfoys  aulcuns 
pareils  characteres  dans  ces  graveures  égyptiennes  fantasques.  L'autre 
placque  d'argent  quarrée  n'est  pas  à  négliger  et  c'est  daumage  (sic) 
que  l'annellet  à  le  pendre  se  soit  cassé.  Je  feray  nettoyer  la  petite 
médaille  d'argent  du  Trépied  et  vous  sçay  bon  gré  de  me  l'avoir  en- 
voyée ainsin  avec  toute  sa  crasse,  plus  que  si  l'aviez  faicte  nettoyer. 
Je  vouldroys  bien  qu'on  se  fust  aussy  peu  dispencé  de  nettoyer  celle  de 
cuyvre,  avec  quoy  je  me  doubte  qu'on  ayt  altéré  l'inscription  qui  y 
estoit.  Il  fault  que  j'en  trouve  une  pareille  que  je  doibs  avoir,  qui  a 
esté  aussy  reparée,  pour  voir  si  entre  toutes  deux  je  pourroys  conjec- 
turer ce  qui  est  le  plus  vraysemblable.  Des  cinq  graveures  la  plus 
grande  de  cette  figure  à  un  seul  pied ,  est  assez  extravagante  pour  me 
donner  de  l'exercice  à  parler. 

En  somme  je  vous  doibs  bien  des  remerciments  de  la  preferance 
qu'il  vous  a  pieu  me  donner  sur  voz  amys  aussy  bien  que  sur  vous 
niesmes,  pour  la  participation  de  toutes  cez  petites  pièces,  qui  se  ren- 
contrent communément  de  mon  goust  possible  un  peu  plus  avant  que 
de  celuy  de  cez  autres  messieurs,  qui  veuUent  des  suittes  si  accom- 
plies et  négligent  cez  bigearries  qui  ne  sont  de  gueres  de  parade  ne 
peult  estre  de  gueres  de  fruict,  mais,  comme  vous  sçavez,  je  me  con- 
tente de  peu,  et  pour  peu  que  j'appraigne  aux  moindres  fragments  de 

'  C'est-h-dire  :  tant  grosses  que  petites.  —  '  Peiresc  a  ëcrit  :  ses  troys  troys. 


[163/1]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  753 

l'antiquité,  je  suisaultaiit  et  plus  salisfaict  que  ceux  qui  ont  acquis  des 
pièces  d'excellance  superlative,  et  tasche  de  faire  mon  pioRit  de  tout 
et  lie  dédaigne  rien. 

Pour  le  surplus  je  vous  ay  jà  escript  des  médailles  d'or  et  de  l'es- 
cuellon  de  bronze  escript  en  Etrusque,  pour  vous  prier,  comme  je 
faictz  encores,  de  n'y  espargner  pas  mon  argent,  et  comme  j'ay  esté 
bien  aise  du  mesnage  que  vous  avez  faict  en  l'achept  des  médaille» 
d'or,  je  trouveray  aussy  trez  bon  celuy  que  vous  pourrez  depuis  avoir 
faict  sur  le  dict  escuellon  de  bronze  si  en  pouvez  rogner  quelque  cbose, 
ensemble  des  six  escus  de  l'Ainelhiste  de  cet  orfèvre  avec  les  lettres 
AIAOT,  et  de  toutes  autres  cboscs  de  pareille  qualit*'  que  vous  pourrez 
rencontrer  à  vostre  chemin,  car  c'est  une  de  mes  curiositez  d'avoir 
des  pièces  où  les  ouvriers  ayent  mis  leur  nom,  quels  qu'ils  soient,  et 
bien  qu'incogneux  comme  sont  la  pluspart,  quand  l'ouvrage  est  tant 
soit  ])eu  de  la  bonne  manière.  Vous  avez  bien  aussy  deviné  que  ce 
fragment  de  vase  de  verre  avec  ce  visage  de  Saulveur  tombcroit  dans 
mon  goust  aultant  et  plus  que  le  reste.  Mais  c'est  de  cette  medaglie 
d'Hadrian  avec  le  Trépied  que  vous  m'avez  laissé  un  peu  de  sub- 
ject  de  me  plaindre  de  vous,  de  ne  me  l'avoir  procurée  sur  le 
champ,  puisque  dictes  l'avoir  veiie  dans  une  bouttique  ez  mains  d'un 
curieux  (jui  ne  la  voulut  vendre.  Car  cela  suppose  (puisque  ne  l'avez 
nommé)  que  ce  n'est  pas  une  personne  relevée,  ains  qui  doibt  faire  pro- 
fession de  vendre.  C'est  pourquoy  il  ne  la  falloit  pas  laisser  eschapper 
de  voz  mains  puisque  la  teniez,  sans  luy  en  donner  plustost  le  triple 
et  le  quadruple  de  tout  ce  qu'elle  peult  valloir,  ou  à  tout  le  nioings  (si 
c'estoit  un  homme  si  opiniastre),  saris  en  prendre  une  empreinte  plus- 
tost en  payant.  Je  vous  prie  de  le  faire  encores  si  pouvez,  car  je  voul- 
droys  bien  voir  si  l'empreinte  me  fourniroit  rien  de  plus  que  le  grilïo- 
nement,  en  ce  qui  est  de  la  base,  comme  vous  sçavez  que  j'y  avoys  de 
l'interest,  si  tant  est  quelle  aye  du  rapport  à  la  mienne  en  quelque  façon 
comme  il  ne  seroit  pas  impossible,  ne  inconvénient.  C'est  pourquoy  je 
vous  pne  d'y  tenir  la  main,  et  de  n'y  pas  espargner  ma  bource,  sinon 
pour  l'original  en  propriété,  au  moings  pour  la  veiie.  ou  pour  i'em- 


iwkiaïut   «»,,•«■«(. 


754  LETTRES  DE  PEIRESC  [163i] 

preinte,  et  s'il  ne  se  peult  avoir  d'empreinte  de  plomb  en  prendre  une 
en  papier  mouillé,  ponr  me  pouvoir  oster  de  la  fantaisie  l'impression 
qui  m'en  pourroit  demeurer.  Sinon  faicles  au  moings  que  je  sçaiche  le 
nom  de  ce  curieux  ou  de  celuy  qui  l'aura  tirée  de  ses  mains,  et  sa 
qualité. 

Je  seroys  bien  aise  aussy  de  sçavoir  le  nom  de  ce  banquier,  à  ([ui 
vous  dictes  avoir  veu  cette  cornaline  gravée  d'une  figure  à  cheval  avec 
un  bouclier  espargné  d'une  couleur  différante,  et  la  mesme  inscription 
AIAOT,  car  si  c'estoit  homme  à  en  traitter,  pour  autres  choses  qui 
feussent  à  ma  disposition,  je  le  feroys  fort  volontiers,  et  encores  plus 
si  l'Amethiste  me  demeure,  sinon  il  fauldroit  tousjours  tascher  d'en 
obtenir  une  empreinte,  et  possible  telle  persone  sera  ce  qui  ne  sera 
pas  marrie  de  m' obliger  ou  d'une  façon  ou  d'autre  pour  ne  retomber 
en  cet  inconveniant.  Je  vous  prie  dez  hors  mais  de  me  nommer,  s'il 
vous  plaict,  les  persones  chez  qui  vous  rencontrerez  quelque  pièce 
de  mon  goust,  de  quelque  qualité  qu'elles  soient,  et  si  appréhendez 
que  je  vous  nomme,  ne  le  craignez  pas,  car  je  ne  nomme  jamais  mes 
autheurs  sans  en  avoir  ordre  exprez  et  y  apporte  tousjours  toutes  les 
circonspections  et  defferances  requises  par  les  loyx  du  respect  et  du 
debvoir  et  pour  courir  sur  vostre  marché  quand  vous  y  auriez  du  des- 
sein, vous  jugez  bien  que  je  ne  le  vouldroys  non  plus  que  je  ne  le  deb- 
vroys  seulement  penser. 

Il  me  reste  à  vous  remercier,  comme  je  faicts  trez  affectueusement, 
de  la  peine  qu'avez  prinse  à  faire  plaquer  du  papier  mouillé  sur  les 
inscriptions  de  cez  Termes,  que  nous  attendrons  en  bonne  dévotion  par 
la  première  barque  qui  revienne" de  par  deçà,  dont  M'  Despiots  vous 
deschargera,  s'il  luy  plaict,  du  soing  d'en  trouver  la  commodité,  en 
estant  party  deux  depuis  peu  pour  Rome,  à  ce  qu'on  m'a  dict.  Mais 
vous  m'avez  faict  un  singulier  plaisir  de  me  mander  la  qualité  des 
plombs  que  dictes  avoir  veus  chez  le  sieur  Ludovico  Compagni  lesquels 
il  a  eus,  je  m'asseure,  de  la  despouille  du  pauvre  feu  sieur  Natalitio 
Benedetti  de  Foligni,  qui  m'en  avoit  faict  feste,  et  me  les  avoit  donnez 
par  la  dernière  lettre  qu'il  m'en  escrivit  de  sa  main,  que  je  trouveroys 


[1634]  À  CLAUDE  MEIVESTIUKH.  755 

encores,  si  besoiiig  esloit,  ensemble  d'autres  pièces  du  nicsnie  siècle, 
dont  il  ni'apprestoit  une  boitte  qu'il  disoit  vouloir  remettre  à  feu  M'  de 
Fontenay  Ollivier  à  son  retour,  et  ne  double  pas  qu'il  ne  l'eusse  faict, 
mais  M""  de  Fontenay  print  une  autre  routte,  et  tandis  qu'il  s'amusoil  à 
l'attendre,  la  mort  le  surprint,  de  sorte  (jue  ce  m'est  une  jtarticuliere 
consolation  d'entendre  qu'ilz  soient  tombez  ez  mains  d'une  pei-soue 
qui  m'a  autresfoys  tesmoiijné  d'estre  de  mes  amys.  Et  de  qui  j'ose  me 
promettre  qu'il  ne  me  vouldra  pas  desdire  d'une  empreinte  à  In  chai-ge 
de  telle  revanche  qu'il  vouldra  tirer  de  moy.  Voire  possible  ne  seroit-il 
pas  n)arry  de  m'octroyer  plus  que  cela,  mais  je  ne  luy  en  escriray  pas 
que  dans  les  termes  que  vous  trouverez  bon,  et  sans  vous  nommer, 
et  si  ne  voulez  luy  rendre  vous  mesme  ma  lettre.  M' de  Bonnaire  vous 
en  deschargera.  Que  si  trouvez  meilleur  de  la  supprimer,  il  ne  fauldra 
que  la  jetler  dans  le  feu  sans  autres  formalilez  et  je  vous  asseure  que 
je  n'y  penseray  plus.  Car  je  sçay  bien  me  vaincre  de  ce  costé  là  Dieu 
mercy.  Sur  quoy,  en  vous  remerciant  du  soing  que  vous  avez  encores 
prins  du  mesurage  des  vases  du  sieur  Angeloni,  et  de  faire  venir  ceux 
de  Naplcs  dont  nous  aviez  faict  feste  icy,  il  est  temps  que  je  finisse, 
demeurant. 
Monsieur, 

vostre,  etc. 

Je  ne  m'estonne  pas  que  le  k  décembre  la  Senora  Donna  Felice 
n'eusse  receu  mes  lettres  sur  son  vase  de  chrystal,  car  je  ne  l'avois  pas 
receu  qu'à  la  my  novembre  et  l'ordinaire  ne  passa  que  le  17  ou  18 
dudict  moys.  Voire  le  pis  est  qu'il  regnoit  loi-s  de  si  grandes  pluyes 
qu'il  faillit  à  se  noyer,  son  cheval  nagea  et  ses  despesches  furent 
mouillées,  de  sorte  qu'il  les  fallut  faire  seicher  à  Gènes  la  plus  part, 
et  r'afliaischir  les  enveloppes.  Je  seroys  bien  fasché  que  mon  pacquet 
eust  esté  lors  de  ce  nombre  là,  dont  nous  debvrons  estre  bien  losl 
esclaircys  et  en  ce  cas  nous  reconunencerons  noz  complimenta.  Le 
sieur  Chartres  ne  partit  d'icy  que  samedy  dernier  pour  Lyon,  encore> 
que  j'aye  faict  à  la  prière  de  ses  amys  de  Paris  tout  ce  que  j'ay  peu  pour 


756  LETTRES  DE  PEIRESG  [1635] 

ie  chasser  d'icy  honnestement.  S'il  ne  s'arreste  à  Lyon  il  debvra  estre 
à  Paris  dans  la  my  janvier  ou  environ.  Ses  balles  sont  toutes  parties 
quant  et  luy.  Le  neveu  de  M'  de  Gastines  y  est  desja  et  s'est  excusé  de 
voslre  boitte  sur  ce  que  vous  en  estiez  advisé  trop  tard,  et  lorsque  sa 
malle  estoit  toute  remplie.  Quand  on  veult  se  prévaloir  de  telles  oc- 
casions, iifault  de  bonne  grâce  faire  les  fagots  ou  les  boittes.  Mais  aux 
choses  fragiles  il  ne  fault  pas  espargner  deux  boittes  l'une  sur  l'aultre, 
ou  l'une  dans  l'autre,  afin  que  la  première  se  rompant,  l'intérieure 
puisse  plus  facillement  résister  au  tracas  du  chemin  et  au  changement 
de  main  des  vallets  de  ceux  qui  s'en  chargent'. 


XCIV 
À  MONSIEUR  MENESTIUER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  Lyon  soubs  une  enveloppe  de  M'  de  Lyergues  Monl- 
conys  vostre  lettre  du  1 9  décembre  où  j'ay  prins  grand  plaisir  de  voir 
la  relation  que  vous  me  faictes  de  l'Ambre  de  Sicile,  dont  le  sieur 
Chartres  dict  l'Angloys  que  vous  cognoissez  mavoit  dict  quelque  chose 
lorsqu'il  passa  par  icy,  aussy  bien  que  cez  os  de  géants,  dont  il  avoit 
trouvé  des  fragments  en  divers  lieux.  Mais  il  ne  m'avoit  jamais  parlé 
de  cet  Ebur  fossile,  qui  est  assez  commun  en  divers  lieux,  mais  je 
n'avoys  jamais  ouy  dire  qu'il  s'en  trouvast  des  montaignes  quasi  toutes 
entières,  comme  on  faict  des  coquillages  et  autres  choses  maritimes. 
Et  si  j'estoys  aussy  portatif  que  vous,  c'est  la  vérité  que  je  ne  me  sçau- 
roys  tempérer  de  la  curiosité  de  l'aller  voir.  Et  pense  que  si  vous  vous 
y  résolviez,  la  peine  ne  vous  en  seroit  pas  perdue,  et  que  vous  y  trou- 
veriez assez  facilement  une  indamnitté  pour  les  fraiz  du  voyage  aux- 
quels voz  patrons  ne  feroient  pas,  je  m'asseure,  de  difficulté  de  contri- 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de  Monlpellier,  ins.  H  271,  fol.  i36.  La  dale 
manque.  On  a  inscrit  au  sommet  du  fol.  i36  :  i634. 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTIIIK U.  757 

buer.  El  bien  que  je  ne  soys  pas  digne  d'entrer  en  concurrence  avec 
eux,  j'auroys  quasi  le  coura{;e  de  le  faire  de  ma  bourse  quoyque 
chettive,  pour  i'araour  de  vous,  et  pour  flatter  en  cela  vostre  curiosité 
louable,  m'asseurant  que  vous  y  descouvririez  de  trez  belles  sinjjula- 
ritez  tant  de  la  nature  (juc  des  nionunients  de  l'antiquité,  dont  le 
public  se  pourroit  un  jour  prévaloir,  aussy  bien  que  voz  patrons  et 
amys  et  serviteurs  particuliers. 

Il  y  a  (pielques  années  qu'un  bour^jcois  de  celte  ville  trouva,  ce 
dict  il,  en  un  champ  qu'il  a  assez  près  d'icy,  un  tronçon  qui  se  desjjagea 
d'un  morceau  de  rochei",  dont  la  matière  semble  véritablement  de 
l'ebur  fossile  ou  de  l'ivoire  pétrifié.  Mais  la  forme  ne  s'y  accorde  pas 
trop  bien,  car  le  tronçon  est  de  la  longueur  de  plus  d'un  pied  de  Hoy 
et  n'a  poinct  de  marque  d'avoir  esté  courbé  comme  nous  voyons  estre 
la  poincte  des  dents  d'elcphant  ou  d'ivoyre,  ains  est  si  droict  qu'on  l'a 
jugé  estre  plustost  d'alicor.  Et  de  faict  le  noyeau  de  roc  qui  reniplis- 
soit  le  vuide  du  dessoubs  ou  de  la  racine  de  celte  dent  ou  de  celte 
corne  est  droict  comme  une  quille  et  (juasi  de  la  mesme  grosseur.  Car 
l'ivoyre  ou  la  corne  ou  l'oz  qui  avoit  couvert  ce  noyeau  a  perdu  sa 
forme  par  la  qualité  pétrifiante  qui  la  faict  escailler  eu  petits  nior- 
ceaulx. 

Je  n'estoys  pas  en  cette  ville  quand  cela  fut  descouvert,  car  j'auroys 
eu  le  soing  de  voir  la  suilte  de  cette  pièce  dans  le  mesme  roc,  pour 
voir  si  la  forme  pouvoit  estre  compatible  à  la  racine  d'une  dent  dele- 
pliant,  ou  à  celle  d'une  corne,  me  souvenant  que  celle  du  Tlnesor 
S'  Dcnys  est  vuide  par  le  fonds  comme  celle-cy.  Mais  je  n'ay  ])as  eu  la 
curiosité  de  faire  remarquer  si  le  creux  de  la  racine  d'une  dent  d'élé- 
phant des  plus  grosses  maintient  aullant  de  courbeure  ou  de  circula- 
tion (pie  la  dent  mesme,  ou  bien  si  ce  ne  pourroit  pas  eslro  de  quol(|ue 
dent  d'byppopotame,  lesquelles  sont  plus  droictesque  celles  d'elepliant, 
si  je  ne  me  trompe.  C'est  pourquoy  je  vous  prie  de  me  faire  un  peu 
de  relation  la  [)lus  exacte  que  vous  pourrez  avec  tous  les  tenants  et 
abouttissants  que  vous  me  pourrez  manjuer  tant  des  lieux  ([ue  dos  per- 
sonnes particulières  et  de  tout  ce  peu  que  vous  aurez  peu  apprendre 


758  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

concernant  ce  grand  amas  de  vostre  ebur  fossile  de  Sicile  ou  d'ailleurs. 
Et  si  c'est  en  niveau  bien  bas  ou  bien  hauit  sur  la  montagne,  et  sur- 
tout des  autres  choses  pétrifiées  qui  se  peuvent  trouver  avec  telles 
dents  d'ivoire,  et  s'il  y  auroit  rien  de  maritime  parmy,  comme  coquil- 
lages, plantes,  ou  autres  choses  aquatiques  ou  autres.  Afin  que  nous 
puissions  attendre  plus  patiemment  que  vostre  commodité  vous  porte 
d'aller  sur  les  lieux,  ou  bien  si  quelque  autre  curieux  de  noz  amys  en 
entreprendroit  la  courvée  pour  l'amour  de  nous,  principalement  de  ceux 
qui  en  peuvent  estrn  voisins  et  qui  n'ont  pas  de  mer  à  passer  pour 
cela.  Que  si  vous  y  alliez  il  fauldroit  bien  remarquer  la  qualité  de  tout 
le  terrain  et  toutes  les  sortes  de  rocher  dans  quoy  se  trouvent  cez  os 
de  geantz,  et  s'il  n'y  a  aulcune  meslange  d'autres  pétrifications  mari- 
times, car  le  sieur  Chartres  me  disoit  que  les  montagnes  de  sel  minerai 
n'estoient  pas  esloignées  d'un  lieu  oiî  il  en  avoit  veu  tout  plein  de  frag- 
ments. Il  s'en  est  trouvé,  comme  vous  sçavez,  autres  foys  Iroys  corps 
à  l'entour  de  Valence  en  Dauphiné  ou  Vivarez,  entr'autres  celuy  qu'on 
avoit  tenu  pour  Teutobochus  trouvé  dans  du  sable',  et  depuis  peu,  à 
deux  lieues  de  celuy  cy,  s'en  est  trouvé  un  autre  dont  j'ay  eu  des  os  ■ 
une  pleine  caisse,  mais  il  n'y  a  rien  de  la  carcasse  de  la  teste,  qui  estoit 
ce  que  j'attendoys  le  plus  de  voir,  pour  en  examiner  la  forme  et  la 
figure  à  ma  mode.  11  a  pareillement  esté  desterré  en  simple  terre  sa- 
blonneuse. Si  vous  voulez  faire  ce  voyage,  en  un  besoing  j'escriray  à 
l'eminentissime  cardinal  Barberin  de  le  vous  commander,  et  vous 
bailler  l'adjuto  di  Coffre  ^,  avec  des  recommandations  en  ce  pais  là  et 
partout  où  vous  pourrez  passer,  sur  quoy  j'attendray  vostre  response 
et  resolution. 

Quant  à  l'Ambre ,  je  pense  vous  avoir  dict  qu'il  s'en  est  trouvé  comme 
du  jayet  en  cez  païs  icy,  qui  tire  la  paille,  et  est  aussy  beau  et  aussy 
jaulne  que  celuy  de  la  mer  Balthique.  Et  si  recouvrez  de  celuy  de 
Sicile  me  ferez  faveur  de  m'en  reserver  quelque  petit  morceau,  de 

'  Voir  sur  les  os  du  prétendu  géant  Theutoboclius  les  récits  de  Gassendi  (livre  III,  à 
i"année  i6i3,  p.  9o6,  et  livre  IV,  à  l'année  i63i,  p.  366).  —  ^  Cest-à-dire  l'aide  du 
coffre .  «ne  subvention  en  argent. 


[1635]  À  CLAUDE  MKNESTHIER.  759 

cliascune  des  différantes  couleure  que  vous  y  trouverez.  L'on  m'a  dict 
qu'en  quelque  village  de  ce  pais  icy  il  s'en  trouve  qui  tire  la  paille,  et 
qui  brusle  comme  une  chandelle,  mais  qui  est  salle  comme  de  la  poix 
résine,  et  dont  les  paisans  se  servent  à  brusler.  J'en  feray  un  peu  de 
perquisition,  et  si  la  chose  le  mérite,  vous  en  feray  part  en  son  temps. 
Cependant  si  vous  avez  coppie  de  la  relation  de  Viiic"  Mirabclla  '  en- 
voyée au  Prince  Gesy  en  luy  adressant  les  os  de  géant  (jue  vous  avez, 
je  vous  prie  me  la  faire  transcrire  et  toutes  les  relations  que  vous  en 
pourrez  r'amasser,  car  j'en  tireray  possible  un  jour  des  consequances 
assez  curieuses  pour  mériter  la  peine  d'en  faire  le  recueil.  Et  ne  ver- 
roys  pas  mal  volontiers  des  fragments  de  la  teste  de  cez  geaulz  et  des 
dents  mesmes  comme  la  vostre,  lorsque  vous  en  rencontrerez  à  vendre 
à  prix  lionneste.  Car  il  y  a  bien  à  examiner  h  tout  cela  plus  qu'on  ne 
s'imagine. 

Au  reste  j'ay  grand  regret  que  vous  ayez  rompu  si  mal  à  poiucl 
avec  la  Senora  Donna  Felice,  et  avec  le  seigneur  Rondenini,  son  mary. 
Ce  sont  des  adventures  du  monde  qu'il  fault  supporter  comme  les  inon- 
dations et  tenqjestes  sans  murmurer. 

J'attendray  puisqu'il  vous  plaict  ce  petit  Petase,  ou  couvercle  de 
vase,  et  vostre  mémoire  des  poids  de  ce  vieillard  que  vous  ne  me 
nommez  poinct,  et  vous  serviray  partout  où  je  pourray,  comme, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
À  Aix,  ce  1  febvrier  i635'. 

'  Sur  l'anliquaire  V.  Miraliella,  voir  le  recueil  Peiresc-Dapay  (t  I,  p.  68a).  —  '  Bi- 
bliollièiiue  de  Ilicole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  ayi,  fol.  i65. 


760  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 


XCV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 

Je  receus  hier  au  soir  de  Marseille  voslro  cassette  accompagnée  de 
voz  lettres  du  a /i°"=  janvier  le  tout  fort  bien  conditionné,  comme  j'avoys 
receu  quelques  jours  auparavant  par  l'ordinaire  de  Gènes  vostre  sub- 
sequante  depesche  du  9  febvrier,  et  par  la  voye  de  Lyon  une  précé- 
dente du  1 9""=  du  passé.  J'envoyay  incontinant  à  M""  de  Vaison  la  lettre 
que  vous  luy  adressiez,  lequel  se  porte  fort  bien,  et  n'entend  pas  que 
cez  faulces  prophéties  de  Turin  sortent  leur  effect  de  longues  années, 
.le  luy  fairay  tenir  son  fagot  de  livres,  aussy  tost  que  nous  aurons  com- 
modité de  voicture  pour  Avignon,  qui  eust  esté  dez  hier  mesmes  si  la 
caisse  de  Marseille  eust  peu  arriver  deux  heures  plus  tost.  Mais  cela  ne 
lardera  pas  plus  que  jusques  à  la  semaine  prochaine  Dieu  aydant. 

J'ay  prins  plaisir  de  voir  ce  bas  relief  d'Isis,  et  ce  vase  en  forme  de 
sabot  et  encores  plus  cet  escuellon  de  grandeur  si  extraordinaire  et  que  ■ 
je  n'ay  encores  peu  examiner,  comme  aussy  ce  petit  Petase  de  Mercure 
accompagné  non  seulement  de  ses  ailerons,  mais  d'un  col  d'oison,  qui 
me  donnera  entrée  à  la  cognoissance  d'autres  chosettes  qui  m'a  voient 
esté  grandement  incogneûes  jusqu'à  cette  heure.  C'est  pourquoy  je 
vous  en  ay  bien  de  l'obligation.  L'autre  petit  Mercure  couronné  de 
liairre  m'a  bien  esté  agréable  aussy,  et  si  vous  avez  faict  servir  la  pièce 
de  rapport  qui  paroit  soubs  le  buscq,  vous  m'eussiez  faict  plaisir  de 
me  mander  ce  que  vous  y  avez  trouvé,  car  je  tiens  qu'il  ne  soit  rempiy 
que  de  plomb  et  me  doubte  qu'il  aye  autresfoys  servy  de  pezon  ])our 
quelque  Romaine,  et  qu'il  aye  eu  un  anneau  sur  le  sommet  de  sa  teste 
pour  le  suspendre,  ou  qu'il  aye  en  toute  façon  servy  de  contrepoids 
de  balances  et  de  pezons  de  Romaines  ou  stateres  à  peser.  Et  quand 
vous  en  rencontrerez,  comme  je  tiends  qu'il  vous  en  passe  touts  les 
jours  par  les  mains,  vous  me  ferez  plaisir  de  me  les  retenir  [ainsi  que] 
toute  sorte  de  corps  solides  en  forme  de  vases,  ou  de  pommes,  ou  de 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  761 

poires,  ou  de  fjlands  et  de  barques  et  d'animaux  avec  des  anneaux  h 
les  suspendre,  ayants  peu  servir  à  cet  usaige.  Je  n'ay  pas  encore  exa- 
miné la  contenance  du  petit  vase  d'Agathe,  mais  je  m'en  j)romeLs 
quelque  joli  esclaircisscment  Dieu  aydant.  Cette  petite  Bulle  d'argent 
avec  le  Cupidon  est  bien  gentile  h  mon  gré ,  et  l'extravagance  de  cea 
nombres,  gravez  sur  cez  deux  médailles  de  Julia  et  de  Néron.  Ce  qui 
me  faict  souvenir  de  vous  dire  qu'entr'autres  bigearrcs  curiositez  ou 
maladies  d'esprit  que  j'ay,  comme  d'autres,  je  recueilleroys  volontiei*» 
de  cez  médailles  consulaires  ou  deniers  d'argent  qui  ont  des  nombres 
parmy  lesquels  sont  meslez  des  caractères  extraordinaires.  Comme  en 
un  de  la  famille  Crepusia  que  le  Gorlœus  a  inséré  en  ses  suppléments 
de  l'Ursinus  en  la  Table  1 5  num.  nu.  où  il  se  void  une  lettre  grecque 
du  Tbela,  joincte  au  nombre  de  treize  escript  en  lettres  lalines  en  cette 
sorte  0XIII.  M'imaginant  que  si  vous  y  prenez  garde  vous  en  rencon- 
trerez de  pareilles,  ou  autres,  dans  les  nombres  des([uelles  entreront 
de  semblables  caractères  du  Thêta  grec,  ou  autres  quasi  plus  estranges, 
comme  j'en  ay  plusieurs  avec  un  T  renversé  en  cette  sorte  X  et  avec 
un  "^  grec  ou  fer  de  dard  ou  de  flesche  en  cette  manière  4',  dont  le 
mesme  Gorlœus  en  accompagne  d'autres  lettres  latines  numérales.  Et 
pense  que  si  vous  cherchez  bien,  vous  en  trouverez  quelqu'un  avec  la 
lettre  P  des  Grecs,  aussy  bien  que  avec  le  «I>  ou  le  0  ou  le  ^.  Et  vous 
supj)lie  d'en  faire  exacte  recherche  pour  l'amour  de  moy,  et  de  m'en 
retenir  quantité,  à  la  rencontre,  mais  surtout  de  celles  qui  seront  ac- 
compagnées d'autres  lettres  latines  ensuitte  soit  devant  ou  derrière, 
qui  puissent  composer  l'assemblage  d'un  nombre,  car  pour  dos  lettres 
uniques,  quoyqu'elles  puissent  avoir  servy  à  mesme  dessein,  elles  ne 
peuvent  pas  sulFire  pour  prouver  les  conjectures  que  j'en  ay  conceiies. 
Voire  si  dans  les  marbres  et  vieilles  inscriptions,  vous  y  en  rencontrez 
comme  dans  la  colonne  Rostrata  de  Duillius  au  Capitule  la  lettre  <l>  y 
est  réitérée  plusieurs  foys,  et  en  une  que  l'Appian  a  transcripte  du 
clocher  de  Cori  entre  Terracine  et  Cajeta  ',  où  il  réitère  Iroys  foys  la 
lettre  0  0  0,  et  y  joinct  la  ■*".  vous  me  ferez  grande  faveur  de  m'en 
'  Gaële. 

V.  96 


ravuBcua  11 


762  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

envoyer  des  copies  et  les  marbres  mesmes  quand  ils  se  pourront  achepler 
à  prix  honneste. 

Cez  petites  médailles  avec  des  noms  de  familles,  données  ou  non, 
m'ont  esté  bien  agréables,  et  puisque  vous  en  maniez  tant,  je  vouldroys 
bien  qu'en  poussiez  rencontrer  une  de  cuivre  donnée  par  l'Li'sinus  en 
la  famille  Kubria  toute  la  dernière  de  la  planche  qui  a  d'un  costé  une 
teste  de  Janus  composée  des  visages  de  Mercure  et  d'Hercule  assemblez 
ïivec  le  revers  d'un  Temple,  ou  autre  quelconque  qui  y  puisse  escheoir, 
car  l'assemblage  de  cez  deux  visages  si  differamment  coiffez  me  fournit 
bien  de  la  matière  à  discourir.  Et  de  cez  choses  si  extravagantes,  je 
prends  plaisir  de  pouvoir  monstrer  les  pièces  mesmes  originelles,  ou 
du  moings  des  empreintes.  C'est  pourquoy,  si  vous  en  rencontrez  chez 
cez  curieux,  je  vous  prie  de  me  les  faire  mouller  quand  vous  le  pour- 
rez, ou  du  moings  de  les  faire  desseigner. 

Gela  me  faict  encores  souvenir  que  vous  avez  oublié  de  m'envoyer 
une  petite  medaillelte  d'or  plus  entière  et  plus  conservée  que  celles 
que  m'avez  ja  envoyées  avec  une  aigle  et  le  nom  de  ROM  A  d'un  costé, 
et  de  l'autre  une  teste  de  Mars  avec  deux  lettres  "^X  de  cette  nature  là, 
pour  laquelle  disiez  avoir  baillé  je  ne  sçay  quelle  bague  ou  autre 
médaille.  Si  je  suis  un  peu  aydé  de  vostre  part,  j'espère  de  venir  à 
bout  de  celte  recherche  plus  heureusement  que  l'on  ne  se  l'imagine- 
roit,  et  d'y  trouver  une  bonne  partie  du  mystère  que  les  anciens  y 
peuvent  avoir  affecté,  et  qui  semble  si  casuellement  faict  à  l'arbitrage 
de  gents  peu  exactes,  et  sans  qu'ils  y  voulussent  affecter  de  rime,  ne 
de  raison.  Mais  il  ne  fault  pas  aussy  négliger  les  vieilles  inscriptions  des 
tables  de  bronze  aussy  bien  que  des  marbres.  Et  ne  pouvant  avoir  les 
originaulx,  il  fault  prendre  la  peine  de  les  faire  mouller  en  papier 
mouillé  ou  eu  piastre  pour  desrober  la  viaye  forme  et  iigure  du  carac- 
tère, et  le  sens  ou  situation  diceluy,  et  vouldroys  bien  avoir  un  piastre 
de  l'empreinte  de  l'inscription  de  Duillius  qui  est  au  Capitole,  et  de 
quelque  morceau  de  cez  Fastes  consulaires  où  peussent  paroislre  les 
lettres  numérales  des  années,  quand  le  nombre  de  cinq  cents  y  entre, 
pour  voir  si  c'est  un  D.  Latin  purement  faict,  ou  s'il  n'est  poinct  diver- 


[1G35]  À  CLAUDE  MENESTIUER.  763 

sifié  en  divers  endroicts.  Mesmes  si  vous  faisiez  voslre  voyage  de  Naples, 
je  vous  prie  de  voir  ce  clocher  de  Cori  et  y  chercher  ou  ailleurs  l'inscrii)- 
tion  de  l'Appian,  où  sont  cez  troys  0  0  B  et  le  '^,  pour  bien  ju{»er  de 
leur  vraye  fijjure  et  situation,  et  en  prendre  une  empreinte  en  pa|)ier 
mouillé,  ou  en  piastre,  si  faire  se  peult. 

Cette  pelleure  d'ar(i[ent  en  la  médaille  de  Clodius  est  tant  plus  hi- 
gearre,  que  j'en  ay  desja  une  autre  qui  a  une  pareille  pelleure  de 
l'autre  costé  de  la  teste.  C'est  pourquoy  vous  m'avez  faict  plaisir  de  me 
retenir  celle-là  et  la  medaillette  aussy  du  Daulpliin,  (pioyqu'elle  ne  soit 
pas  de  Byzance,  ains  de  Kysicus '. 

Mais  parmy  voz  petits  poids,  j'ay  trouvé  troys  ou  quattre  pièces  qui 
m'ont  grandement  agréé  et  suppléé  le  deiïault  de  toutes  les  autres, 
mesmes  celuy  de  la  grenouille  dont  j'avoys  plusieurs  semblables,  mais 
beaucoup  plus  foibles  de  poids,  et  par  consequant  moins  convenables 
à  mon  dessein,  quoy[quo]  je  ne  les  néglige  ])as.  Il  y  en  a  ung  petit 
avec  une  espèce  de  bulbe  et  la  marque  d'une  palolte,  dont  je  vouldroys 
bien  que  vous  eussiez  rencontré  un  pareil,  pour  avoir  mieux  de  quoy 
juger  de  ce  que  ce  peult  eslre.  Il  y  en  a  semblablement  un  autre  petit 
fort  rouillé  qui  a  esté  un  peu  gasté  en  le  voulant  nettoyer,  que  je 
vouldroys  bien  avoir  veu  tout  vierge,  car  en  le  nettoyant  avec  le  fer, 
je  crains  qu'on  aye  corrompu  les  ligmx's  qui  y  estoient  d'un  demy 
gland,  d'un  costé,  et  d'un  caractère,  de  l'autro.  Voyez  si  en  poun-iei 
rencontrer  quelque  autre  à  acquérir  ou  mouller. 

Les  gravcures  ne  sont  pas  à  négliger  nomplus  que  la  pierre  spirale 
dont  je  vous  remercie  bien  fort  et  du  bon  mesnage  de  l'achept  du  livre 
de  Fulvius*  et  des  suppléments  du  recueil  des  graveures  du  sieur  Pielro 
Stepbanoni,  que  je  n'avoys  pas  veu  si  ample  quasi  de  la  moitié'.  Mais 
il  est  imprimé  en  bien  petit  et  chetif  papier  au  prix  des  autres  espreuves 
qu'il  m'en  avoit  envoyé  cy  devant. 

S'il  a  oncorcs  les  pièces  originales  qu'il  a  faict  graver  en  cuivre,  ji-ii 

'  Cynique,  ville  ninrilimc  de  Mysio,  en  Asie  Mineure.  —  '  Lts famillrs  romamrs  <le  Kiil- 
viiis  Ureiiuis.  —  '  Gemimv  niiliqiiitus  sciilptw,  n  P.  Slei>liiinoni'  mii..,.',,.  ,,  ,h^r , ,,>:.,„. i„y 
illustraiœ  (Rome,  iCii7,  ir.-'i"). 

9f- 


764  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

acliepteroys  volontiers  quelques  unes,  si  le  prix  en  estoit  proportionné 
à  leur  valleur  dont  il  ne  demeure  pas  tousjours  bien  d'accord.  Sinon 
j'en  verroys  volontiers  les  empreintes,  entr'autres  de  ce  petit  char 
trainé  par  deux  Cupidons,  et  de  cet  oyseau  qu'il  nomme  pliilomousos, 
au  cas  que  dans  le  roulleau  qu  il  tient  en  ses  grifl'es,  il  paroisse  aulcunes 
notes.  Vous  m'avez  un  peu  mortifié  de  ne  me  poinct  envoyer  encore 
ce  gros  poids  de  marbre  escript,  lequel  se  seroit  peu  mettre  hors  de 
la  caisse,  pour  ne  rompre  le  restant  du  contenu  d'icelle,  en  le  faisant 
insérer  au  bordereau  du  nombre  des  caisses  ou  en  la  lettre  de  char- 
gement ou  de  voicture,  comme  aussy  le  gros  mortier  de  granito,  et 
vous  prie  de  ne  le  plus  oublier,  ne  les  papiers  que  vous  aviez  placquez 
sur  cez  inscriptions  des  busqués  de  cez  quattre  Hermès,  dont  m'aviez 
tant  faict  de  feste  autres  foys.  Gomme  je  vous  supplie  trez  humblement 
de  ne  pas  laisser  envieillir  l'espérance  que  me  donnez  des  empreintes 
et  modelles,  tant  des  poids  de  la  bibliothèque  des  PP.  Jesuistes,  puisque 
le  monde  y  est  de  si  bonne  volonté,  et  ceulx  du  sieur  cavalier  Gualdo 
qui  s'y  est  si  courtoisement  offert  de  sa  grâce,  que  ceux  des  sieurs  Go- 
difredi,  sans  vous  amuser  à  attendre  des  occasions  de  troque  avec  eux 
pour  les  médailles,  afin  que  je  puisse  jouyr  du  plaisir  des  empreintes, 
ce  qui  n'cmpcscliera  pas  qu'aprez  les  avoir  veiies,  nous  no  poussions 
eu  choisir  quelque  pièce  des  principales,  et  y  chercher  de  quoy  entrer 
en  eschange  avec  eux.  Je  ne  pense  pas  aussy  que  ceux  de  ce  vieillard, 
qui  a  faict  un  si  grand  recueil,  soient  si  communes,  qu'il  n'y  aye 
aflbrce  pièces  curieuses,  puisque  parmy  celles  que  m'avez  envoyées  en 
dernier  lieu ,  j'en  ay  trouvé  troys  ou  quattre  que  j'ay  prins  tant  de  plaisir 
de  voir,  car  la  seule  differance  du  poids  me  paye  et  me  contente,  et  à 
plus  forte  raison  quand  il  y  a  de  la  differance  aux  symboles  ou  aux  mar- 
ques. C'est  pourquoy  je  vous  prie,  tant  que  vous  en  trouverez  et  des 
poids  quari'ez,  je  vous  prie  de  me  les  retenir  et  envoyer  aussylost  que 
le  pourrez  et  d'excuser  mes  importunitez.  Vous  aurez  une  lettre  de 
M'  Aycard  de  Toullon  et  je  demeure. 

Monsieur,  vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  25  febvrier  i635. 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  765 

Du  26""'.  J'ay  faicl  ce  jourd'huy  arraclier  quantité  de  plant  de  l'il«;x 
coccigora  ',  pour  le  faire  embarquer  sur  les  galères  qui  portent  YKiui- 

iioutissime  Cardinal  de  Lyon "^  Dolla  pictra  flexile  des  Indes 

dont  je  vous  parloys  cy  devant,  puisque  cez  Messieurs  n'en  ont  pas 
veu,  je  vous  en  cnvoyeray,  un  jour,  la  relation  Dieu  aydant,  mais  je 
vouidroys  bien  que  celuy  à  qui  elle  est  me  voulust  permettre  de  l'en- 
voyer à  Rome  à  tout  le  moings  pour  l'y  faire  voir  aux  plus  curieux, 
comme  il  a  enfin  permis  qu'elle  fusse  portée  jusques  icy  pour  me  la  faire 
voir,  mais  je  suis  aprez  d'en  faire  quel(jues  autres  experiances  pour 
confirmer  tousjours  de  tant  mieux  les  conjectures  que  j'en  ay  prinses. 

J'ay  depuis  faict  empacquetter  le  plan  de  l'ilex  coccigera  et  distin- 
guer par  faisseaux  le  menu  d'avec  le  plus  gros,  pour  les  mieux  condi- 
tionner en  cbemin.  Il  y  eu  a  à  part  ([uelques  ])lanles  oi!i  le  vermillon 
est  encore  dessus  enveloppé  dans  du  cuir  pour  les  conserver  et  discerner 
et  faire  voir  ce  que  c'est.  Il  en  fault  planter  à  divers  aspects  du  soleil 
levant  et  couchant. 

II  a  esté  cueilly  à  Ventabren  à  deux  lieues  d'icy  où  il  s'en  recueille 
du  vermillon  des  bonnes  années  plus  de  3o  et  60  quintaulx,  ce  dict  on, 
mais  j'en  prendray  information  plus  exacte  sur  les  lieux  au  premier 
jour  et  en  feray  dresser  un  peu  de  relation'. 


XCVl 

k  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 
chanoine:  de  Besançon, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Ce  mot  n'est  que  pour  accompagner  les  arbrisseaux  de  l'ilex  cocci- 
gera,  que  vous  m'aviez  demandez  par   commandement  de   l'Em""" 
Gard"'  Patron ,  lesquels  nous  apellons  en  ce  pais  en  vulgaire  provençal 

'  Oii  qiiercus  coccifera  (Linnd),  chtfne  h  kermès ,  rhêae  nain.  —  '  Ici  ([iielqucs  moU  qiH> 
la  dëchiriire  du  papier  rend  illisibles.  —  '  Bibliothèque  de  l'I^kole  de  médecine  de  Monlprl- 
lier,  H  371,  fol.  167. 


766  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

des  avaulx^,  oii  avalces^,  selon  ia  diversité  des  dialectes  des  diverses 
contrées  de  la  Province,  d'où  l'on  recueillit^  annuellement  le  ver- 
millon, que  les  païsans  nomment  vermeil'',  ou  venncan^,  et  ceux  du 
Languedoc,  du  granel^.  Ceux  cy  ont  esté  tirez  du  territoire  de  Ven- 
tabren,  à  deux  lieues  d'icy,  où  le  Seigneur^  arrentc  annuellement  le 
droict  de  permettre  la  cueillette  de  ce  fruicl  ou  plustost  excrément 
de  cet  arbre,  et  en  retire  un  notable  revenu,  car  il  s'en  recueillit  quasi 
touts  les  ans  grande  provision  de  plusieurs  quintaulx,  et  tous  les  fagots 
que  vous  verrez  ont  esté  arrachez  d'une  petite  motte  de  terje  entre  des 
rochers  d'environ  deux  pas  de  dianiettre  seulement  sur  laquelle  il  s'en 
cueilloit  tous  les  ans  règlement*  de  trois  à  quattre  livres  de  cette  graine 
et  vermillon.  Et  y  en  trouverez  à  part  deux  ou  troys  plantes  sur  les- 
quelles estoit  demeurez  cachez  certains  grains  dudict  vermillon,  dont 
l'escorce  subsiste  encores,  car  les  brouillards  avoient  gasté  la  substance 
intérieure,  afin  que  vous  puissiez  faire  voir  à  S.  Em"  en  quels  en- 
droicts  se  produisent  parfoys  cez  petites  vessies,  qui  en  son  temps 
sont  pleines  de  liqueur  grasse  et  rouge,  et  puis  on  la  faict  seicher  au 
soleil,  en  l'arrosant  de  vinaigre  pour  y  tuer  le  germe  de  la  petite  ver- 
mine rouge  qui  s'y  engendre  naturellement  et  le  consume  tout  si  l'on 
n'y  veille  soigneusement. 

M""  le  Baillyf  de  Fourbin  s'est  voulu  charger  de  la  conduitte  de  cez 

'  La  forme  la  plus  correcte  et  la  plus  '  Peiresc   francise   ici   le   mol  vermeu, 

usitée  est  n«au«  (du  roman  fl^n«i).  forme  moderne  du  roman  vermel,  de'rivé 

'  /IrniMse  en  dialecte  marseillais,  et  flf«/«  lui-même  du  latin  iwm('c«/u«. 
en  languedocien.  Cette  dernière  forme  donne  '  Lisez  g-rnnelo.  Peiresc  aurait  pu  ajouter 

au  pluriel  Vavalsses  de  Peiresc.  Voir  dans  le  les  synonymes  pousset,  freisset.  En  langue 

tome  IV  des  Mémoires  de  l'Académie  d'Aix,  gasconne    le   kermès   est   a|)[wlé   cnborro. 

un  travail  du  comte  de  Montvalon  :  Notice  —  Je  dois  celte  note  et  les  quatre  ou 

sur  l'Avaux  ou  Avaoussé,  qui  ramène  h  une  cinq  prdcëdentes  à  M.  I>éon  de  Berlue  Pe- 

soule  les  deux  espèces  d'avaus  que  les  deux  russis,  dont  l'erudilion  en  pliîlologie  égale 

grands  bolanistcs  provençaux,  Garidel  et  lYrndition  en  histoire  liUdraire  el  biblio- 

Toiu'nefort,  avaient  cru  recennallro.  graphie. 

'  Sic  pour  recueille.  I\ous  retrouverons  '  L'abbé  Michel  Borrilly,  fils  du  notaire 

la  forme  recueillit  un  peu  plus  loin.  archéologue  et  collectionneur,  fut  prieur  de 

''  Ou  mieux  vertneioun.  C'est  le  kermès,  Vonlabren. 
ou  cochenille  du  chêne  noir.  '  Régulièrement. 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  767 

arbrisseaux  dans  ses  gaieres,  pour  l'amour  de  Son  Em"*,  ensemble  de 
quelques  libvres  dans  un  fagot,  et  d'un  autre  volume  à  part,  qui  avoit 
esté  envoyé  à  Boysgency  à  l'advance,  quand  mon  frère  y  alla  faire  ap- 
prester  le  logis  à  rEniinentissimc  Cardinal  de  Lyon,  ceux  du  fagot 
n'eslanlz  arrivez  de  Paris  que  du  jourd'huy,  et  en  mcsme  temps  je  les 
ay  faict  partir  pour  Toullon  à  droicture,  afin  de  ne  laisser  eschapper 
l'occasion  des  gaieres,  estant  marry  de  ne  les  avoir  peu  faire  relier. 

Si  vous  trouvez  bon  de  vous  charger  de  retirer  tant  lesdicts  livres 
que  arbrisseaux,  je  m'asseure  que  l'Kuj'"''  Gard''  Barberin  vous  en 
sçaura  bon  gré,  et  ce  sera  grande  descbarge  à  M' le  Baiilif,  et  obliga- 
tion à  moy,  car  vous  aurez  soing  de  leur  faire  mouiller  les  racines  en 
chemin,  et  de  ne  les  pas  laisser  gaster  du  halle.  Je  vous  feray  en  un 
besoing  payer  les  fraiz  de  vostre  voyage,  combien  que  je  veux  croire 
que  de  Civita  Vecchia  i\  Rome  l'on  pourra  envoyer  des  esquilles  ou 
barques  pour  aller  porter  à  Bipetta  tout  plein  de  bardes,  parmy  les- 
quelles cez  arbrisseaux  pourront  aller.  Enlin  vous  y  ferez  ce  que  trou- 
verez à  propos,  et  je  demeureray, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  7  mars  i635  '. 


XGVII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BES.\JiOON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
Si  vous  pouviez  desbaucher  M-^  de  la  Perrière  pour  faire  le  voyage 
de  Sicile  S  vous  y  descouvririez  tout'ideux  des  merveilles  dans  lesmon- 

■  Bibliothèque  de  l'École  do  médecine  de  '  Sur  le  mAiecin  Jacques  de  la  Ferrière. 

Montpellier,  ms.  H  971,  fol.  169.  voir  ie  tome  III  du  recueil  Peiresc-Du|Hij 


768  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

tagnes  jonchées  de  voslre  ebur  fossile,  et  de  cez  carcasses  de  Géants 
et  de  tant  d'autres  choses  estranges  et  extraordinaires  à  la  cognoissance 
desquelles  M"'  de  la  Ferriere  pourroit  contribuer  de  trez  excellentes 
pensées,  comme  vous  aux  mazures  et  reliques  de  la  meilleure  anti- 
quité. Si  vous  l'en  pressez  guieres,  vous  le  ferez,  je  m'asseure,  aller 
partout  où  vous  vouldrez,  pourveu  que  vous  esvitiez  les  grandes  chal- 
leurs,  et  que  durant  icelles  vous  vous  cantoniez  dans  les  lieux  où  elles 
sont  tollerables.  Vous  ne  fistes  jamais  un  meilleur  coup  que  celuy  là 
si  vous  luv  donnez  ce  branle  et  m'en  remercirez  toute  vostre  vie,  car 
j'ay  recogneu  ce  personage  d'une  si  belle  humeur  et  d'une  si  louable 
curiosité,  mais  accompagné  de  si  grandes  lumières  d'esprit,  qu'il  y  a 
de  quoy  grandement  apprendre  auprez  de  luy  \  et  croys  que  vous  y 
ferez  vostre  proffit  tout  aussy  bien  que  moy,  qui  le  suyvroys  comme 
un  barbet  quelque  part  qu'il  volust  aller  ^,  si  j'avoys  assez  de  santé  et 
de  vigueur  pour  le  faire  sans  l'incommoder.  Je  ne  le  vous  recomman- 
deray  pas,  car  vous  en  serez  amoureux  à  la  première  veiie,  mais  je 
m'attends  que  vous  me  remercierez  bien  de  cette  adresse,  comme  luy 
de  la  vostre,  et  je  seray  à  touts  deux  du  meilleur  de  mon  cœur. 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 
DE  Peiresc. 

A  Aix  ,  ce  90  mars  i635  '. 

(p.  982,  297,  445).  Cf.  Lettres  inédites  de  '  Peiresc  avait  connu  J.  de  la  Ferriere 

quelques  hommes  célèbres  de  TAgcnais  (Agen,  non  seulement  par  sa  correspondance,  mais 

1898,  p.  vin  et  48-56).  On  trouvera  dans  encore  par  sa  visile  en  Provence. 

ce  dernier  recueil  deux  curieuses  lettres  '  Expression  charmante  dans  sa  pitto- 

écrites  par  La  Ferriere ,  l'une  au  conseiller  resque  naïveté. 

Maran  (Rome,  3  février  i63G),  l'autre  à  '  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de 

Peiresc  (Toulouse,  29  janvier  1687).  Montpellier,  ms.  H  371,  fol.  170. 


[1635]  A  CLAUDE  MENESTRIi-B.  769 


xcvm 

À  MONSIEUR  MENESTRIKR,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  L\  CODR   DE  L'EUI>ENTISSIHe   SEIGNEUR   CARDINAL   BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  receiis  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes  vostre  pactjuet  du 
3  mars  tout  à  poinct  pour  envoyer  la  matinée  suyvante  en  Aviynon 
celuy  que  vous  adressiez  à  M""  de  Vaison,  qui  l'aura  sans  double  eu 
assez  cl  temps  pour  vous  respondre  par  le  présent  ordinaire.  J'ay  priiis 
grand  plaisir  de  voir  les  desseins  de  cez  deux  poids  du  collège  Romain 
et  la  description  que  vous  en  faictes,  ensemble  du  Iroisiesme  que  vous 
n'avez  pas  veu,  vous  priant  de  faire  un  peu  de  diligence  pour  le  voir 
comme  les  autres  et  m'en  envoyer  le  contre  poids  et  l'escrillure.  Si 
m'eussiez  nommé  le  bon  père  qui  en  a  la  charge  et  la  garde ,  je  luy 
en  eusse  escript  un  mot  qui  n'y  eusse  peult  estre  pas  nuy.  Plustost  il 
leur  fault  offrir  de  faire  refaire  à  mes  despans  la  clef  qui  s'est  perdue. 
Et  s'il  n'estoit  trop  difficile  de  faire  accommoder  troys  morceaux  de 
marbre  bien  dur  qui  fussent  respectivement  adjuslez  cliascun  au  poids 
de  l'un  desdicts  modelles  de  bronze  antiques,  je  payeroys  volontiers  la 
despance  du  sculpteur,  et  avant  que  les  adjuster  du  tout,  il  seroit  bon 
d'y  faire  escrire  ou  graver  les  mesnies  inscriptions  et  notes  sur  chascun. 
Et  qu'il  vous  pleust  faire  bien-  polir  le  marbre  à  peu  prez  en  la  forme 
des  poids  antiques  pour  les  conserver  avec  les  autres  modelles  que  j'ay 
qui  en  vallent  la  peine.  Car  je  n'estime  pas  que  ce  soit  ouvrage  de  bien 
grande  constance,  la  mine  de  plomb  ne  pouvant  pas  longuement  con- 
server la  proportion  de  son  poids,  ne  le  plomb  mesines.  J'ay  prins 
plaisir  de  voir  les  desseins  des  poids  de  lillustrissime  Cavalier  Guaido 
et  verroys  volontiers  des  empreintes  de  cez  deux  qui  sont  en  forme  de 
médailles  tant  du  Taureau  que  du  Coq,  bien  que  j'en  aye  de  semblables 
antiques.  Ce  qui  n'empeschera  pas  que  je  ne  vous  aye  bien  aussy 
de  l'obligation  de  celuy  du  Taureau  que  vous  m'avez  procuré  avec  la 
Y.  97 


770  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

iettre  L  au  lieu  du  caducée,  où  je  ne  plaindray  pas  les  sept  Jules  que 
vous  y  avez  employez,  et  j'attendray  fort  impatiemment  puisqu'il  vous 
plaid.  Mais  pour  les  troys  premiers  poids  quarrez  dudict  sieur  Cava- 
lier Gualdo  où  sont  les  images  de  S'  Pierre  et  S'  Pol,  j'ay  bien  esté 
mortilié  de  voir  qu'il  ne  s'en  puisse  pas  espérer  des  empreintes  puisque 
vous  dictes  que  l'argent  de  rapport  y  est  si  tenue  (sic)  et  si  mal  attaché. 

C'est  pourquoy  je  vous  prie  à  tout  le  moings  de  me  les  faire 
desseigner  par  quelque  peintre  exacte  qui  pragne  la  peine  de  les 
portraire  bien  punctuellement,  et  d'y  faire  paroistre  tout  ce  qui  y 
paroistra  et  rien  plus,  soit  pour  les  images  des  saincts  ou  pour  autre 
chose  bien  punctuellement,  et  si  du  papier  fin  mouillé  se  pouvoit 
mettre  dessus  et  presser  légèrement  avec  le  creux  de  main  pour  en 
tirer  l'empreinte  en  papier,  encorcs  ne  me  seroit  elle  pas  inutile.  Sur- 
tout que  j'ayo  le  dessein  ou  l'empreinte  à  tout  le  moings  des  caractères 
du  plus  grand  desdicts  poids  quarrez  puis  qu'il  n'y  a  poincl  d'argent  de 
rapport,  afin  que  je  pragne  sur  la  forme  et  figure  desdicts  caractères 
toute  la  conjecture  que  je  pourray.  Vous  les  pouvez  prendre  avec  de 
la  cire  d'Espagne  sans  toucher  les  figures  de  S'  Pierre,  puisque  ce 
n'est  que  là  qu'est  le  danger.  Et  n'oubliez  pas  de  me  marquer  si  dans 
les  autres  deux  moindres  poids  quarrez  il  n'y  a  pas  des  vestiges  aussy 
des  images  de  S'  Pierre  et  S'  Pol  et  du  Christ  au  mitan.  Et  si  vous 
estes  bien  asseuré  que  ce  soient  les  images  de  S'  Pierre  et  S'  Pol,  car 
ce  pourroient  bien  estre  des  visages  d'empereurs  du  bas  Empire  bar- 
bus. Si  ce  brave  Cavalier  estoit  aussy  traictable  que  deffunct  Mon- 
seigneur Lelio  Pasqualini,  il  ne  feroit  pas  de  difficulté  de  me  confier  les 
originaulx  de  cez  trois  petites  pièces  là,  pour  les  voir  icy  à  mon  aise 
puisqu'd  ne  trouve  pas  bon  de  les  laisser  mouiller,  et  je  les  luy  ren- 
voyeroys  fidèlement,  possible  accompagnez  de  quelque  autre  chose  de 
son  goust  en  revanche  de  l'honnesteté.  Mais  ne  luy  en  dictes  rien,  si 
n'y  trouvez  une  disposition  toute  particulière. 

Je  seray  bien  aise  de  voir  l'inscription  de  vostre  Scipio  Asiaticus,  et 
puisque  vous  l'avez  baillée  à  M'  Dony,  il  la  vous  debvra  bien  commu- 
niquer sans  regret.  Je  la  luy  demanderay  en  ung  besoing,  maia  je  ne 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTllIER.  771 

pense  pas  qu'il  fasse  de  difficulté  de  la  vous  rendre,  et  croys  qu'il  vous 
sçaura  dire  sans  doubte  le  nom  du  {jentilliomme  à  quiappartenoit  l'in- 
scription de  Scipio  Barbatus  chez  qui  vous  la  trouverez  sans  doubte 
pour  peu  que  vous  en  fassiez  de  recherche,  et  au  cas  que  la  retrouviez, 
je  vous  supplie  de  m'en  faire  prendre  une  empreinte  de  piastre,  s'il 
est  possible,  afin  que  j'aye  la  vraye  forme  du  caractère.  Je  n'y  plain- 
dray  pas  la  dcspcnce,  nomplus  qu'à  une  empreinte  de  piastre  que  je 
veux  avoir  de  l'inscription  de  Duillius  du  Capitole,  s'il  vous  plaict,  et 
si  faire  se  peult  encores  l'empreinte  de  piastre  de  celle  d'Herode  du 
cardinal  Farnese,  qui  seront  tousjours  de  beaux  ornements  de  cabinet, 
au  deffault  des  orijjinaulx,  et  cappables  d'en  faire  tirer  de  bonnes  con- 
sequances  ou  autres  choses.  Et  si  vous  faictes  le  voyage  de  Naplcs,  je 
vous  prie  de  chercher  en  passant  à  Cori  l'inscription  d'Appian  qu'il 
dict  estre  au  clocher  où  sont  les  troys  lettres  numérales  B  H  0  et  le  ■*■, 
desquelles  pour  le  moings  je  vouldroys  avoir  l'empreinte  en  piastre, 
si  elle  ne  se  peult  avoir  de  toute  l'inscription  entière.  Si  vous  n'y  allez, 
je  vous  prie  d'en  charger  quelque  amy  curieux  pour  l'amour  de  moy; 
je  feray  soigneusement  rembourser  tous  les  fraiz.  Vous  me  ferez  faveur 
singulière  de  me  faire  avoir  quoique  petit  morceau  de  ce  succinum 
des  couleurs  extraordinaires  et  de  cet  ebur  fossile,  mais  je  vouldroys 
avoir  la  poincte  de  la  dent  la  plus  longue  que  faire  se  pourroit,  pour 
juger  de  la  vraye  forme  naturelle,  et  du  creux  du  derrière,  soit  qu'il 
soit  rond,  ou  en  lozange  comme  le  vostre.  El  si  le  prix  n'ea  est  pas 
grand,  j'en  achepteroys  volontiers  jdusieurs  poinctes  de  dent,  et  si  la 
racine  de  la  dent  se  pouvoit  trouver  en  sorte  qu'elle  fusse  recognois- 
sable,  je  ne  l'achepteroys  pas  moings  volontiers. 

Je  vous  escrivis,  cez  jours  passez,  par  M''  de  la  Ferriert-  qui  s  en 
rêva  en  Italie  pour  sa  seule  curiosité,  et  fis  tout  ce  que  je  peus  pour 
l'induire  au  voyage  de  Sicile.  Je  vouldroys  bien  que  vous  le  peussie» 
faire  avec  iuy  pour  aller  prendre  des  relations  bieu  exactes  de  la  qua- 
lité des  lieux  où  se  trouvent  cez  Géants,  cet  ebur  fossile,  cez  mon- 
tagnes lie  sel,  cez  fontaines  de  Petroglio',  et  tant  d'autres  merveilles 

'  Pétrole.  Le8  Italiens  ëc.-ivent  petrolio. 

97- 


772  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

qu'il  y  a  du  la  nature  aussy  bien  que  des  reliques  de  l'Anfiquilé  Grecque 
et  Romaine.  J'en  ay  escript  aussy  à  l'illustrissime  Cavalier  del  Pozzo. 
Vous  y  adviserez  et  si  besoing  est  j'en  escriray  à  Son  Eminence  pour 
y  interposer  son  intercession,  si  l'on  croid  qu'elle  y  puisse  servir.  Ce 
que  vous  me  dictes  d'avoir  faict  mettre  vostre  cabinet  en  des  caisses, 
me  faict  juger  que  vous  méditez  le  voyage  de  Naples,  que  je  vous  ay 
tousjours  conseillé,  puisque  l'eminentissime  cardinal  Boncon)pagno 
vous  y  convie,  et  ne  semble  pas  que  vous  le  luy  puissiez  honnestement 
refuser.  J'ay  receu  une  fort  honneste  lettre  de  sa  part  sur  la  réception 
du  volume  des  Eclogues  de  Polybe,  et  si  l'ordinaire  ne  me  surprend, 
comme  je  le  crains,  je  luy  en  r'escriray  par  cette  voye  icy. 

J'ay  envoyé  sur  les  galères  qui  ont  porté  M^  le  Cardinal  de  Lion, 
les  plantes  d'ilex  coccigera  que  vous  m'aviez  demandées  pour  le  ser- 
vice de  l'eminentissime  cardinal  Barberin.  M'  le  baillif  de  Fourbin, 
qui  faict  le  voyage ,  s'est  chargé  de  les  faire  loger  en  bon  lieu  et  rendre 
fidèlement,  et  un  jeune  homme  qui  a  servy  la  maison,  lequel  faict  le 
voyage,  s'est  chargé  du  soing  de  les  arrouser  par  les  chemins.  Il  y  en  a 
deux  ou  troys  où  vous  trouverez  les  grains  de  l'escarlatte  qui  s'y  sont- 
conservez  et  qui  ont  esté  enveloppez  avec  du  cuir  blanc.  Nous  eusnies 
l'advis  trop  tard  pour  avoir  du  gland  à  semer,  qui  avoit  esté  mangé 
par  le  bestail,  mais  j'en  feray  cueillir  cette  année  Dieu  aydant  et  seray 
à  jamais, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  3o  mars  i635. 

Ayant  voulu  faire  mieux  relier  le  libvre  des  familles  Romaines  de 
Fulvius  Ursinus  que  vous  m'aviez  envoyé  en  dernier  lieu  et  que  le  bon 
sieur  Stephanini  vous  avoit  desparty  pour  l'amoiuv  de  moy,  il  s'est 
trouvé  imparfect  d'un  cahier  entier  cotté  double  0  dont  je  fus  un  peu 
mortifié.  Mais  ce  n'est  pas  dans  le  texte  d'Ursin  où  sont  les  figures, 
ains  dans  celuy  d'Ant.  Augustinus,  dont  on  ne  se  sert  pas  si  commu- 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  773 

nement.  S'il  se  pouvoit  recouvrer  sans  incommodité,  je  le  feroys  volon- 
tiers, mais  je  ne  vouldroys  pas  incommoder  le  bon  Stefanini  ne  per- 


sonne auitre  ' 


XGIX 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA   COUB  DE   L'EMINENTISSIME   SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Au  retour  des  galères  le  jeune  homme  qui  avoit  conduict  l'ilex  cocci- 
gera  me  rapporta  vostre  lettre  du  i"  d'avril,  avec  la  boitte  fort  bien 
conditionnée,  où  je  trouvay  tout  ce  que  vous  en  aviez  cotUS,  dont  je 
vous  remercie  irez  humblement  et  vous  suis  bien  redevable,  ayant 
prins  plaisir  de  comparer  ce  gros  poids  du  Taureau  avec  ung  pareil 
que  j'ay  qui  est  un  peu  plus  net,  et  lequel  au  lieu  de  la  lettre  L,  na 
rien  qu'une  simple  barre  I  pour  l'unité.  Et  si  sur  le  vostre,  le  crochet 
inférieur  de  la  lettre  L  estoit  accompagné  du  metail  aussy  vif  que  le 
corps  de  la  plus  longue  branche  de  ladicle  lettre,  je  l'estimerois  bien 
encores  davantage  ,  car  je  crains  que  la  rouille  n'aye  peu  fournir  de  la 
matière  sullisante  pour  y  faire  paroistre  et  agoancer  ce  crochet.  Et  vous 
prie  de  bien  considérer  celuy  de  M'  le  Cavalier  Gualdo,  pour  voir  si 
oultre  le  caducée  il  n'y  auroit  poinct  de  vestiges  de  la  mesme  lettre  L 
ou  de  la  note  i.  J'ay  prins  bien  du  plaisir  aussy  de  comparer  la  mé- 
daille avec  le  mot  OBOAOC  sur  une  pareille  que  j'en  avois  beaucoup 
moings  nette  que  la  vostre.  Et  vouldroys  bien  en  avoir  une  do  celle;! 
d'Athènes  avec  la  mesme  inscription  telle  que  l'a  peinte  le  l'yrro  Li- 
gorio  avec  ses  desseins  à  peu  prez.  Et  vous  tiens  assez  heureux  pour 
la  rencontrer  quelque  jour.  Cez  petits  fragments  de  la  teste  et  zampe 
de  bronze  d'un  Trépied  semblable  à  celuy  dudict  sieur  Cavalier  Gualdo. 

'  Bibtiotitècjue  de  t'I'lcole  de  m<Çdpcîne  de  Moiilix'Ilier,  ms.  H  97 1,  fol.  171. 


774  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

m'ont  esté  bien  agi'eables,  et  quand  il  s'en  rencontrera  d'autres,  voue 
m'obligerez  de  me  les  retenir,  et  de  m'en  procurer  ia  preferance  comme 
vous  m'avez  faict  une  singulière  faveur  de  me  retenir  ce  bas  relief  avec 
cet  autre  fragment  de  Trépied,  que  nous  eussions  mieux  aymé  et  plus 
estimé  s'il  eust  eu  ses  pieds  comme  vous  l'avez  assez  jugé,  mais  je  ne 
verray  pas  pourtant  moings  volontiers  ce  qui  s'en  est  peu  recouvrer, 
à  cause  de  ce  double  bassin  dont  vous  me  parlez.  Et  me  tardera  de 
l'avoir,  bien  marry  que  ne  l'ayez  faict  charger  sur  les  Tartanes  des  Mar- 
tegaux  qui  dévoient  partir  le  jeudy  saint.  Car  il  en  est  arrivé  bon  nombre 
au  Martigues,  sur  lesquelles  il  eust  peu  venir,  et  Dieu  sçait  quand  les 
autres  viendront  !  Nous  sommes  tousjours  en  cette  peine  quand  il  est 
question  de  faire  embarquer  quelque  chose,  et  je  ne  suis  pas  seul, 
car  le  sieur  de  Sourans  de  Bezançon  m'a  escript  que  vous  luy  aviez  faict 
espérer  une  caisse  de  curiositez  soubs  mon  adresse,  dont  M"'  de  Gastines 
ne  m'a  sceu  donner  aulcunes  nouvelles.  Aussy  luy  fis  je  i-esponce,  que 
je  croyoys  que  vous  auriez  attendu  le  retour  des  galères,  et  que  vous 
estant  trouvé  surprins  de  leur  arrivée,  vous  attendriez  de  me  l'adresser 
avec  la  caisse  de  ce  bas  relief  dont  vous  me  faisiez  feste.  Me  promet- 
tant que  le  tout  viendroit  par  le  retour  de  Patron  Faulconier,  ou  de 
Patron  Pascal.  Et  que  sitost  que  la  caisse  seroit  ez  mains  de  M'  de  Gas- 
tines, je  procureroys  qu'elle  luy  fust  soigneusement  envoyée  par  voye 
asseurée  et  sans  y  laisser  perdre  aulcun  temps.  Désirant  luy  rendre 
quelque  plus  digne  service  en  meilleure  occasion  pour  l'amour  de  vous 
et  de  son  propre  mérite. 

J'envoyay  à  M''  de  Gastines  vostre  billet  aussy  tost  qu'il  m'en  eust 
donné  le  premier  advis,  comme  je  feray  tousjours  par  cy  aprez  en  pa- 
reilles occasions,  louant  comme  je  doibs  vostre  bon  mesnage  et  le  soing 
qu'avez  eu  de  retenir  cez  deux  escuellons  de  bronze  si  grands,  comme 
vous  dictes,  et  cez  médailles  cottées  de  nombres,  que  j'estime  certai- 
nement davantage  toutes  pucelles  que  nettoyées,  à  cause  qu'on  pour- 
roit  dire  que  les  nombres  y  eussent  esté  faicts  aussy  récemment  que  la 
réparation  et  neltoyement  de  la  rouille.  Et  si  je  cognoissois  le  sculpteur 
qui  s'est  contenté  de  deux  escus  de  profBct,  pour  me  laisser  la  pre- 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  775 

ferance  de  ce  bas  relief  pour  l'amour  de  vous,  je  luy  «1  Usmoianv- 
roys  ma  grallitudo,  et  m'en  rcvaiichei'oys  de  bon  cœur  en  le  servant  si 
je  pouvoys. 

Au  reste  je  suis  tousjouis  en  cette  opinion  que  vous  devez  faire  le 
voyage  de  Naples  et  de  Sicile  cl  y  accompagner  M'  de  la  Ferrici-e  suy- 
vant  ce  que  je  vous  en  ay  escript  par  luy  mcsmo  ot  par  le  dernier  or- 
dinaire et  pense  que  vous  y  aurez  du  regret  toute  voslre  vie,  si  vous 
en  laissez  eschapper  l'occasion.  Toutefoys  il  fauldra  songer  à  ce  qui 
sera  plus  important  à  voz  allaires.  J'en  ay  touché  un  mot,  non  seule- 
ment à  l'eminentissinie  cardinal  Barberin,  mais  aussy  à  l'eminentis- 
sime  cardinal  de  Bagni,  de  qui  je  suis  d'advis  que  vous  en  preniez 
conseil,  car  possible  sera-t-il  bien  aise  d'y  contribuer  quelque  chose 
aux  fraiz  pour  vous  indamniser  de  ce  costé  là.  Parlez  en  aussy  à 
M""  Bourdelot  et  à  quoy  que  ce  soit  que  vous  puissiez  vous  rcsonMi'-, 
asseurez  vous  que  je  seray  tousjours  inviolablement, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Ak^ced  may  i635. 

Depuis  avoir  escript,  l'ordinaire  d'Avignon  ayant  esté  retitrdé  d  un 
jour  cl  au  contraire  celuy  de  Paris  advaucé,  d'aultant  qu'ils  se  sont 
rencontrez  icy  oportunement,  par  celuy  cy  j'ay  receu  de  la  jiarl  de 
M'  Compain  vostre  lettre  du  xi  avril,  où  j'ay  esté  bien  aise  que  le 
Patron  Pascal  se  fust  rencontré  là,  aprez  le  parlement  des  Martegaux 
qui  avoient  desmaré  dez  la  semaine  saincte,  mais  je  double  un  peu  s'il 
aéra  si  tost  expédié,  et  vouldroys  bien  pour  consolation  du  retarde- 
ment que  voz  cavateurs  eussent  en  continuant  leur  travail  retrouvé  le» 
pieds  de  cette  figure  de  marbre  ot  de  ce  Trépied  pour  les  mesmes 
raisons  que  vous  jugez  fort  bien.  Ou  bien  qu'ils  eussent  trouvé  le  res- 
tant de  la  figure  dont  vous  m'avez  envoyé  la  main  avec  le  plectnun, 
en  quoy  certainement  vous  m'avez  faict  un  singulier  plaisir.  J'en 
avois  desjà  d'autres  fragments  niesuies  d'un  Apollon  de  Gorniole  qui 
joue  de  la  lyre  avec  le  plectrum  et  d'un  centaure  de  marbre  qiii  s'en 


776  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

sert  pareillement,  mais  ce  que  j'estime  de  plus  au  vostre  est  de  le  voir 
ployé  en  sorte  que  je  n'eusse  pas  jugé  sur  les  autres.  Mais  je  vous  sup- 
plie que  la  commodité  dudict  Patron  Pascal  ne  vous  eschappe  pas,  s'il 
vous  plaict,  sans  nous  envoyer  le  gros  poids  de  pierre  escript,  le  mor- 
tier, et  autres  grosses  besoignes  de  volume. que  vous  jugerez  de  mon 
goust.  Si  vous  faisiez  mouUer  en  piastre  de  cez  inscriptions  bien  an- 
tiques tant  de  Duillius  que  de  Scipio  Barbatus,  d'Herodes  et  autres, 
vous  me  feriez  un  singulier  plaisir. 

Ce  k  may  au  soir. 

Patron  Pascal  pourroit  bien  apporter  la  caisse  de  M'  de  Sourans,  si 
l'aviez  apprestée,  et  de  cez  gcos  morceaux  d'ebur  fossile  et  autres  pé- 
trifications estranges  de  trop  gros  volume  '. 


À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  retour  de  Patron  Paschal  voz  lettres  du  26  avril, 
avec  la  caisse  et  tout  le  contenu  en  voz  bordereaux  fort  bien  conditionné 
dont  je  vous  remercie  trez  Immblement.  Ayant  prins  grand  plaisir 
de  voir  et  examiner  le  tout  à  mon  aise  et  à  ma  mode,  et  eu  estant 
demeuré  fort  satisfaict,  principalement  du  bas  relief  de  la  Pythonisse, 
qui  est  certainement  trez  beau  et  bon,  et  y  a  bien  à  regretter  ce  qui 
y  manque  à  tout  le  moings  au  pied  ou  base  du  Trépied  et  sur  le  bassin 
oij  il  est  resté  certains  petits  aboutissements  qui  présupposent  d'autres 
choses  que  j'ay  bien  de  la  peine  à  comprendre  et  suppléer.  Cependant 
je  vous  ay  bien  de  l'obligation  de  ce  que  nous  avons  peu  recouvrer  par 
vostre  bonne  industrie  et  charitable  inclination  en  mon  endroict  pour 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  Î27 1 ,  fol.  1 74. 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTHIEIl.  777 

ce  regard  par  preferance  sur  des  autres  qui  la  pouvoient  meriler  mieux 
que  moy.  Il  est  vray  que  possible  n'en  eussent  ils  pas  faict  leur  prodict 
mieux  que  moy  et  n'en  eussent  pas  tiré  plus  de  fruict  pour  le  public. 
Il  y  a  quelque  apparance  que  de  l'autre  costé  du  Trépied  il  y  debvoit 
avoir  quelque  autre  figure  ou  perspective  de  Temple,  et  enfin  quelque 
continuation  du  plalfonds  qui  estoit  entouré  d'une  petite  nioulleure, 
laquelle  règne  dessus  et  de  l'autre  costé  du  derrière  de  la  figure.  Le 
temps  vous  fera  un  jour  rencontrer  quelque  autre  chose,  qui  puisse 
ayder  î\  suppléer  une  partie  de  ce  qui  y  est  plus  incogncu,  puisque 
vous  y  avez  si  bonne  main,  vous  asseurant  que  vous  m'avez  bien  faict 
plaisir  de  vous  saisir  de  tout  ce  que  vous  avez  peu  recouvrer  des  choses 
trouvées  au  mesme  lieu  que  ce  bas  relief  ou  ez  environs.  Car  tout  y 
peult  servir  tost  ou  tard  directement  ou  indirectement,  principalement 
cez  fragments  d'un  Trépied  de  bronze  de  la  fonne  de  celuy  du  sieur 
Cavalier  Gualdi,  cez  vœux  de  terre  cuitte,  cez  médailles  des  nombres, 
cez  escuellons,  ce  cloud  mesmes,  s'il  en  estoit,  ce  que  vous  n'avez  pas 
marqué.  Et  possible  ce  petit  forzo  de  marbre  ammailloté^  sur  lequel  y 
avoit  bien  du  mystère  et  des  choses  que  je  n'dy  pas  rencontrées  ail- 
leurs, en  choses  semblables.  C'est  dommage  qu'il  a  esté  si  mal  conservé 
qu'il  y  en  a  d'aulcunes  bien  mal  recognoissables,  et  qu'il  faudroit  pou- 
voir suppléer  d'ailleurs. 

La  médaille  de  la  colonne  d'Alexandre  Severe  est  de  TROAS.  J'en 
ay  quelques  unes  de  mesmes,  et  de  celle  que  vous  avez  creu  estre  d  un 
Sphynx  qui  semble  plustost  un  Pégase  aux  autres,  et  de  l'autre  inco- 
gneiie,  mais  je  ne  les  ay  pas  trouvées  présentement  pour  les  comparer, 
comme  je  désire  faire  Dieu  aydant;  la  quattriesme,  avec  les  3  pallottes, 
ne  m'a  pas  esté  moings  agréable  que  les  autres,  coiume  aussy  celle 
de  l'Astragale  quoyque  j'en  aye  de  pareilles.  Et  touts  cez  poids  de  pierre 
et  de  metail,  spécialement  celuy  qui  est  en  forme  de  vase,  et  celte 
Teste  suspendue  qui  a  à  l'oreille  gaulche  ce  que  les  autres  figures 
pareilles  soulloient  avoir  i\  la  droicte,  et  s'en  rendra  plus  considei:able 
d'aullant.  Cette  petite  hgurettc  d'Isis  est  fort  bonne  aussy  quoy(iu.'  de 
mauvaise  main,  et  j'en  ay  d'aulres  qui  suppléent  bien  ce  qui  y  delTaull. 
ï.  o" 


778  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

J'ay  veu  fort  volontiers  les  empreintes  des  deux  médailles  Etrusques  de 
l'eminentissime  cardinal  Barberin,  principalement  de  la  plus  grosse, 
à  cause  de  la  marque  du  Dupondium  ,  qui  est  neantmoings  bien  corrom- 
pue dans  l'argille  par  la  fuitte  de  l'argille,  et  si  en  pouviez  prendre  une 
empreinte  plus  nette,  au  moings  de  ce  costé  là,  me  feriez  bien  plaisir. 
Si  vostre  Catalogue  n'est  achevé,  vous  en  pourrez  enrores  trouver  quel- 
que occasion.  Et  pour  le  contrepoids  vous  ne  m'avez  pas  mandé  si  la 
boitte  mesmes  en  faict  partie  ou  non ,  comme  il  y  a  de  l'apparence.  Si 
parmy  cez  médailles  là,  vous  en  trouviez  d'autres  Etrusques  bien  que 
de  moindre  forme,  ne  laissez  pas  d'en  retenir  un  peu  de  mémoire  et 
de  celles  de  l'OBOAOC,  et  de  l'ACCAPIONHMICY  d'Ant.  Augustinus, 
s'il  y  en  avoit.  Que  si  vous  y  en  rencontriez  que  vous  jugeassiez  bien 
dignes  d'examen,  et  que  vous  ne  peussiez  pas  bien  deschiffrer  dans 
vostre  description  courante,  si  m'en  faictes  envoyer  des  empreintes, 
possible  vous  en  pourrons  nous  suggérer  l'interprétation,  ce  que  je 
feray  trez  volontiers  pour  l'amour  de  vous  et  pour  prendre  occasion  de 
renouveller  quelque  recommandation  de  voz  services  que  je  regrette 
bien  estre  si  mal  recogfneus,  et  vous  en  plains  grandement.  Mais  puis- 
que vous  avez  eu  tant  de  patience,  je  vous  conseille  d'en  avoir  un  peu. 
L'empreinte  en  papier  de  M""  Doni  n'est  que  de  l'inscription  de  Duillius, 
que  vous  avez  fort  bien  jugé  avoir  esté  restaurée  postérieurement,  car 
Pline  faict  mention  de  sa  restauration,  et  c'est  pourquoy  je  ne  m'en  fie 
pas  si  absolument,  noraplus  que  des  Fastes  pour  la  forme  du  charac- 
tere.  Aussy  avoys  je  désiré  l'empreinte  de  l'inscription  de  Scipio  Bar- 
batus  pour  cela,  et  n'estimeroys  pas  gueres  moings  celle  de  vostre 
Scipion  Asiatique  si  elle  se  pouvoit  recouvrer.  Mais  je  verroy  pourtant 
bien  volontiers  l'empreinte  que  vous  avez  retenu  en  piastre  de  celle  de 
Duillius,  pour  en  faire  la  comparaison  aux  autres  quand  il  y  aura 
moyen  de  les  avoir,  et  les  attendray  en  bonne,  dévotion,  avec  celles 
des  Termes ,  regrettant  vostre  })eine ,  et  avec  les  modelles  que  vous  faictes 
faire  de  cez  poids  antiques  du  collège  Romain,  en  marbre,  et  de  ce 
gentilhomme  qui  en  a  un  de  presme  d'esmeraulde,  en  porphyre.  Je 
n'y  appréhende  que  la  perte  du  temps  et  des  occasions  de  les  faire 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTHIER.  779 

venir  qui  ne  seront  possible  pas  tousjours  si  libres  qu'elles  avoieiit 
esté  jusques  icy,  si  les  choses  viennent  à  rupture.  Mais  il  ne  faudra 
pas  perdre  courage  pour  cela. 

Je  n'ay  pas  receu  la  lettre  du  R.  P.  Moron,  custode  de  la  Biblio- 
thèque du  collège  Romain.  Vous  eussiez  bien  peu  demander  à  qui  il 
l'avoit  baillée  pour  la  faire  demander,  car  souvent  ccz  bons  Pères  n'ont 
pas  tant  de  liaslc  de  chercher  des  commoditcz  de  faire  tenir  les  lettres 
qu'on  leur  adresse.  S'il  la  vous  eust  baillée  ou  au  R.  P.  Atbanase,  elle 
ne  seroit  pas  demeurée  en  arrière,  et  si  je  sçavoys  à  peu  prez  ce  que  je 
pourroys  y  faire  pour  son  service,  je  la  previendroys  trez  volontiers. 

L'empreinte  de  la  figure  ^Egyptienne  de  l'illustrissime  Cavalier 
Gualdo  m'a  esté  fort  agréable,  bien  qu'il  y  a  des  choses  quasi  imper- 
ceptibles, mais  il  se  fault  contenter  de  ce  qui  est  possible  et  loisible 
du  gré  à  gré  de  ses  amys.  Je  m'en  recognois  bien  son  redevable  et  ne 
manqueray  pas  de  l'en  remercier,  comme  aussy  des  modelles  qu'il  me 
promet  de  ses  poids  chrestiens  et  des  bonnes  relations  qu'il  a  voulu 
faire  de  moy  à  cez  Mess"  qui  ont  imprimé  le  discours  sur  la  colonne 
de  Duillius,  en  quoy  l'affection  qu'il  luy  plaict  me  porter  l'a  porté 
dans  un  peu  trop  d'excez  d'hoimesteté.  Car  je  n'ay  pas  de  quoy  res- 
pondre  à  ce  qu'il  a  faict  ù  croire  de  moy. 

Je  n'ay  encores  peu  prendre  le  loisir  de  lire  ce  discours  attentive- 
ment selon  son  mérite,  comme  il  le  fault,  afin  de  respondre  et  à 
l'aullieur  et  à  celuy  qui  en  a  voulu  faire  l'édition,  et  par  mcsme  moyen 
à  l'illustrissime  Cavalier  Gualdo,  que  vous  dictes  en  avoir  esté  le  pro- 
moteur, m'estant  trouvé  trop  surchargé  d'affaires,  depuis  ce  peu  de 
joui-s  qui  se  sont  escouUez  depuis  l'arrivée  de  la  barque  de  Patron  Pas- 
quai,  et  de  voslre  caisse  et  autres  fagols,  qui  ne  peuvent  pas  venir  si 
tost  que  les  lettres.  Vous  ferez,  s'il  vous  plaist,  mes  excuses  par  cet 
ordinaire  et  je  suppleeray  Dieu  aydant  par  le  prochain,  ce  ((n'atten- 
dant je  finiray  en  vous  réitérant  mes  remerciments  bien  humbles  de 
tant  de  bons  offices  que  vous  me  continuez  et  de  tant  de  belles  choses 
que  vous  me  despartez  à  vostre  préjudice  ou  que  vous  recueillex  de 
mes  amys  et  des  vostres  pour  l'amour  de  moy,  mesmes  du  soing 

9»- 


780  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

qu'avez  prins  de  ce  libvre  et  roulleau  de  M'  Doni  et  de  ce  mouttoa  de 
M""  Bourdelot,  qui  n'est  pas  de  la  qualité  que  l'on  m'avoit  dicte,  mais 
qui  est  neantmoings  bien  asseurement  antique.  Et  si  vous  en  rencontrez 
de  bonne  marque  d'antiquité,  et  qui  se  tienne  bien  droict  sur  ses  pieds, 
vous  me  ferez  plaisir  de  m'en  retenir.  Je  vous  remercie  encorcs  de 
l'ebur  fossile,  et  de  l'ambre  de  Sicile,  et  eusse  bien  désiré  quelque  petit 
fragment  de  celuy  qui  est  de  couleur  et  teinture  extraordinaire. 

Aymez  moy  tousjours,  s'il  vous  plaict,  et  me  commandez  librement 
comme. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  dernier  may  i635  en  hasle. 

Je  vous  prie  de  faire  rendre  l'estuy  et  lettres  cy  joinctes  au  sieur  du 
Monstier  '  de  la  part  du  sieur  Ruffe  ^. 


CI 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BESANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
Je  n'ay  poinct  eu  de  voz  lettres  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes, 
par  qui  je  vous  auroys  accusé  tout  ce  que  le  Patron  Pascal  m'avoit 
apporté  de  vostre  part.  Mais  j'ay  receu  par  Lyon  une  lettre  vostre  du 
8  may,  qui  n'estoit  quasi  que  le  duplicata  de  celle  dudict  Patron 
Pascal,  avec  le  bordereau  du  contenu  en  vostre  caisse,  et  vous  re- 

'  ■  Il  s'agit  là ,  non  du  célèbre  peintre  main»  à  Rome ,  du  mesme  mestier,  qui  sça- 

Daniel  du  Monstier,  mais  d'un  de  ses  pa-  voit  aussy  mille  vers  comme  cela.  » 
rents,  Pierre  du  Monstier,  dont  Tallemant  '  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de 

des  Réaux  parle  ainsi  {Historiettes ,  t.  III,  Montpellier,  ms.  H  ayi,  fol.  175. 
p.  igi):  «J'ay  veu  un  de  ses  cousins  ger- 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  781 

mercie  de  bon  cœur  de  ce  double  soing,  et  de  ce  qu'y  avez  adjoust*- 
concernant  vostre  visite  des  coquillages  de  la  vigne  de  Madame  en  si 
bonne  compagnie  de  M'  de  la  Ferriere  et  de  M'  de  IJoui-delot,  comme 
aussy  de  la  lettre  de  Vincenzo  Mirabella  touchant  les  os  de  ^jeant  dont 
j'attendray  incontinent  la  coppie,  et  crains  bien  que  ce  soit  longue- 
ment, si  ce  doibt  estre  au  retour  de  M'  de  la  Ferriere,  puisque  j'en- 
tends que  M?"'  l'Em'""  Gard"'  de  Lyon  le  veult  retenir  prez  de  soy,  n»' 
croyant  pas  qu'il  le  puisse  facilement  lascher,  si  une  foys  il  ha  goust<'» 
la  doulceur  de  sa  conversation  et  gentillezze  de  son  érudition.  Au  reste 
je  croys  bien  qu'il  vous  aura  faict  voir  son  Aymant  et  les  experiances 
qu'il  en  a  faictes.  Si  vous  en  rencontrez  quelque  bon  morceau,  vous 
me  ferez  plaisir  de  me  l'achepter,  et  des  fragments  de  toutes  les  diffé- 
rentes sortes  que  vous  en  pourrez  rencontrer.  J'en  vouldroys  des  mor- 
ceaulx  si  on  les  peult  distinguer,  tant  de  celuy  de  l'Elba  '  et  de  celuy 
de  l'Espagne  que  de  celuy  du  Levant  et  de  celuy  des  païs  septen- 
trionaulx.  Et  si  vous  alliez  jamais  à  l'Elba,  je  vouldroys  avoir  de  la  terre 
mesmes  des  environs  des  veines  d'Aymant  pour  en  faire  diverses  ex- 
periances à  ma  mode.  Voire  serois  je  bien  aise  de  faire  recueillir  des 
eaux  pluviales  qui  pourroient  distiller  dans  les  cavernes  où  se  tire 
l'Aymant  et  les  faire  conserver  dans  des  fiolles  de  verre  bien  fortes  et 
bien  grattées  pour  en  examiner  les  qualitez  plus  ;\  mon  aise.  Ne  le 
négligez  pas  si  l'ocasion  s'en  presentoit,  et  me  tenez  tousjours  en  vo/ 
bonnes  grâces  comme , 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  obligé  serviteur. 
DB  Pbiresc. 
À  Ak,  ce  a6  juin  i635. 

Un  amy  me  demande  la  figure  du  pilum  des  anciens  tant  pour  le 
boys  que  pour  le  fer  et  sa  juste  longueur  et  grosseur  tant  de  l'un  que 
de  l'autre,  et  jusques  où  descendoit  le  fer  à  peu  prez,  et  comment  le 

'  Probablement  l'Éle  d'Elbe,  que  l'on  appelait  Elba  et  plus  anciennement  ,£Aalia. 


782  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

boys  s'enfonçoit  dans  le  fer,  ou  s'emmanchoit.  Vous  aurez  veu,  je  mas- 
seure,  des  figures  antiques  de  marbre  assez  bien  conservées  pour  y 
recognoistre  cela,  et  de  la  juste  grandeur  et  stature  naturelle  et  de  di- 
vers siècles,  et  possible  des  ferrures  mesmes  antiques,  tant  de  fer  que 
de  bronse,  car  d'aultres  foys  le  fer  se  conserve  assez  pour  cela,  selon 
le  terrain  où  il  a  esté  mis.  Cez  Mess"  qui  ont  des  cabinets  ne  sont  pas 
sans  des  fragments  de  toutes  cez  armes  anciennes,  puisqu'ils  ont  mesmes 
des  celades,  comme  vous  m'avez  dict  aultres  foys.  J'en  escripts  un  mot 
à  M'  Naudé  et  feray  payer  touts  les  fraiz  des  dessains  ou  de  la  mou- 
leure  de  ce  qui  la  pourroit  méritera 


Cil 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  REZANÇON, 

EN  LA   COL'B   DE   L'EHINËNTISSIUE   SEIGNEUB  CARDINAL  BARBERIN, 

À  HOME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  vostre  lettre  du  20  juin  par  Lyon,  accompagnée  de  celle 
du  R.  P.  Moron  à  qui  je  faicls  responce,  et  vous  prie ,  en  la  luy  pré- 
sentant, de  luy  faire  mes  excuses  du  retardement  provenu  du  destour 
de  la  voye  de  Lyon,  car  les  courriers  n'ont  pas  continué  de  passer 
par  icy  et  ont  reprins  leur  ancienne  routte  de  Piémont.  C'est  pourquoy 
il  sera  tousjours  meilleur  que  vous  m'escriviez  sur  la  fin  de  chasque 
moys  ou  commancement  de  l'autre  par  les  ordinaires  de  Gènes  par  la- 
quelle voye  les  lettres  ne  sont  que  1  2  ou  1  5  jours  en  chemin.  Et  si  me 
voulez  envoyer  quelque  petite  boitte  n'excédant  deux  ou  troys  libvres, 
je  m'asseure  que  le  respondanl  que  tient  à  Rome  au  bureau  le 
sieur  Girolamo  Spinola  de  Gènes  la  recevra  trez  volontiers,  et  me  la 
fera  seurement  tenir,  et  vous  pourra  esclaircir  du  vray  temps  que  se 
font  les  despescbes  pour  Avignon.  Avec  lesquelles  viennent  les  miennes 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mëdecine  de  Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  178. 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  783 

jusques  à  Gènes  et  de  Gènes  icy  sans  passer  par  Avignon,  car  si  vouh 
les  laissiez  confondre  dans  l'enveloppe  d'Avignon,  ce  sont  des  tyran- 
nies et  longueurs  nompareilles.  Il  les  fault  adresser  à  Gènes  aH'illus- 
trissinao  S.  Girol"  Spinola  gênerai  délie  poste,  qui  les  consigne  aprez 
au  courrier  d'Avignon  pour  me  les  laisser  icy  en  passant.  Aussy  bi»*n 
me  fault  il  tous  les  ans  envoyer  des  Uegales  audict  sieur  Spinola  pour 
plus  du  triple  que  ne  vauldroient  les  ports  de  toutes  nies  lettres.  C't'^t 
pourquoy  vous  n'y  devez  pas  avoir  plus  de  regret  que  les  autres  foys 
que  vous  l'aviez  practiqué  cy  devant.  Au  contraire  il  sera  bien  aise 
d'avoir  occasion  de  m'obliger  encores  plus  que  les  courriers  de  Lyon 
qui  ne  sont  pas  tousjours  de  trop  bonne  convention,  comme  je  l'a^f 
esprouvé  d'un  qui  me  voila  une  petite  horloge  d'assez  notable  prix. 

Au  reste  j'ay  prins  grand  plaisir  de  voir  le  griffonnenient  et  descrip- 
tion que  vous  me  faictes  de  celte  figurine  de  bronze  si  uiysferieuse.  J'en 
ay  veu  deux  pareilles  en  des  bas  reliefs  de  marbre,  mais  celle  là  aura 
possible  quelque  adminicule  de  plus  ou  de  moings.  Tant  est  que  je  voa» 
suis  bien  obligé  de  la  prcferance  qu'il  vous  plaict  nous  en  reserver. 
Et  vous  en  remercie  de  tout  mon  cœur  comme  aussy  des  autres  petit» 
bronzes  venus  de  nicsme  lieu.  Et  de  l'advis  que  vous  me  donnez  qut* 
les  vestiges  ou  reliques  demeurées  contre  le  bassin  de  vostre  Pylhonisse 
sont  du  bras  et  d'une  main  d'une  autre  pytiionisse,  ce  que  mon  peintre 
avoit  tousjours  creu,  mais  j'y  avoys  quelque  répugnance  d'aultant  (jue 
l'action  de  la  main  y  est  un  peu  trop  forcée  pour  la  naturelle  disposition 
des  membres.  Toutefoys  je  m'en  rapporte  fort  librement  ù  vostre  meilleur 
advis.  Et  seray  bien  aise  que  vous  mouillez  encor  un  coup  le  Dupoiv- 
dium  Hetrusque  du  Cardinal  Patron.  Mais  vous  m'obligeriez  au  cenluplf 
si  vous  me  pouviez  envoyer  un  peu  de  grifloneraont  de  la  Cclala  de 
bronze  antique  de  S.  Eni.  avec  cez  justes  dimentions  et  le  poids  du 
métal  qui  y  reste  et  de  vous  enquérir  du  lieu  où  elle  a  esté  trouvée. 

Je  verray  trez  volontiers  le  piastre  de  l'inscription  de  L.  SCIPIO 
BARBATIJS,  et  pense  que  si  vous  cherchiez  bien  dans  la  vigne  de 
Farnese  vous  y  trouveriez  celle  d'HEHODES,  qui  est  alléguée  par 
Gruterus,  et  me  feriez  un  singulier  plaisir  de  m'envoyer  le  tout  par 


784  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

les  galères  du  Pape  qui  viendront  à  ce  moys  de  septembre;  mais  vous 
attendrez  la  dernière  heure  et  lorsqu'il  ne  sera  plus  temps  de  les  faire 
tenir  à  Civita  Vecchia  pour  cette  commodité  là,  qui  est  trez  seure  et 
indubitable.  Pardonnez  moy  cette  petite  liberté.  Vous  estes  si  bon  que 
vous  vous  laissez  emmener  à  voz  amys  et  quasi  lever  le  morceau  de  la 
bouche. 

J'ay  prins  un  grand  contentement  d'apprendre  que  vous  ayez  esté 
employé  à  prendre  cez  instructions  de  cez  ^Ethiopiens  et  de  la  part  que 
vous  me  faictes  des  relations  des  Marbres  que  vous  en  avez  tirées, 
comme  l'a  faict  M'  Bourdelot  de  celle  de  la  médecine  de  leur  pais.  Je 
vouldroys  que  vous  les  eussiez  interrogez  s'ils  n'ont  poinct  ouy  parler 
en  leur  païs  d'un  Zacharia  Vermeil  '■,  qui  a  quelque  part  aux  bonnes 
grâces  du  Roy  et  quelque  honorable  employ  dans  ses  armées. 

Il  me  reste  à  vous  dire  que  le  sieur  de  la  Ferriere  m'a  parlé  d'un 
seigneur  AHeman  nommé  le  Baron  de  Slackun  lequel  nous  avons  veu 
icy,  et  lequel  me  dict  qu'il  pourroit  bien  passer  en  Sicile.  Or  ce  seroit 
justement  vostre  faict,  car  il  aura  bien  de  la  créance  par  tout  ce  pais  là 
et  vous  pourroit  faire  trouver  accez  et  entrée  partout,  voire  contribuer 
à  la  despance  s'il  falloit  faire  caver  en  quelque  part.  Taschez  de  le 
visiter  et  salluer  de  ma  part  si  ne  l'avez  desja  veu,  combien  qu'en 
tout  cas  je  croys  bien  qu'il  ne  recevra  pas  en  mauvaise  part  ce  compli- 
ment, soit  en  vostre  nom  propre,  ou  bien  au  mien.  H  voulut  voir  cer- 
taines experiances  du  boys  fossile  avec  M"'  de  la  Ferriere,  et  je  croys 
bien  qu'il  se  porteroit  volontiers  sur  les  lieux  à  Aquasparta  et  ez  en- 
virons, et  n'espargneroit  pas  d'y  fouiller  pour  descouvrir  quelque 
chose  de  plus  que  ce  qui  y  peult  paroistre  hors  de  terre.  Et  s'il  s'y  re- 
soult,  faictes  effort  pour  l'y  accompagner  pour  prendre  des  habitudes 
avec  luy,  et  l'obliger  de  vous  mener  en  son  voyage  de  Naples  et  de 

'Ce  Vermeil  était  de  Montpellier.  Pei-  .  él^  publiée    par   le  vicomte   de  Caix  de 

resc  lui  adressa,  rren  la  cour  de  l'empereur  Saiut-Ayiuour  dans  La  France  en  Ethiopie. 

des  Abyssins»,  plusieurs  lettres,  qui  sont  Histoire   des   relations   de   la    France   avec 

conservées  à  l'Inguimberline  (Carpentras).  l'Abyssinie chrétienne  (Paris,  1886,  p.  278- 

—  La  plus  considérable  de  ces  lettres  a  a86). 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  785 

Sicile  comme  il  luy  sera  plus  facile  qu'à  tout  aullre  :  n'y  ayant  plu»  de 
commerce  pour  les  Françoys  de  long  temps,  ne  par  conséquent  pour 
M'  de  la  Fcrriere,  oultre  que  le  service  de  l'Eminenlissime  Cardinal 
de  Lyon  ne  luy  permettra  pas  de  s'en  eslogner  {juieres. 

Vous  le  trouverez  fort  curieux  et  je  ra'asseure  qu'il  prendra  grand 
plaisir  aussy  en  vostre  conversation.  Pleust  à  Dieu  ([u'il  vous  eust  voulu 
mener  en  Sicile,  et  s'il  s'y  rcsolvoit  assez  à  temps  pour  m'en  advertir 
à  l'advance,  faictes  le  et  je  vous  envoyeray  des  instructions  particu- 
lières, et  seray  toute  ma  vie, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  >  aoust  i635. 

Quand  l'Eminontissime  Cardinal  m'a  envoyé  la  Rorna  Sotterranea, 
il  se  trouva  dedans  un  petit  billet  imprimé,  couvert  d'une  enveloppe 
fort  proprement,  qui  me  fit  croire  que  ce  debvoit  estre  quelque  sup- 
plément î\  adjouster  dans  le  libvrc,  mais  je  n'ay  sceu  retrouver  l'en- 
droit où  il  doibt  aller  nomplus  que  mon  libraire,  de  sorte  que  je  le 
vous  renvoyé  pour  en  demander  des  nouvelles  à  l'imprimeur,  ef  pos- 
sible estoit-ce  de  quelque  autre  libvre  '. 


cm 

À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA   COUR   DE  L'EMINENTISSIME  SElGNEUn   CARDINAL  RARRERIN. 

À  ROME. 

Monsieur, 
Vostre  lettre  du  1 6  juillet  m'est  venue  par  la  voye  de  Lyon  contre- 
signée par  M'  Compain,  mais  plus  tard  de  beaucoup  que  si  elle  eust 
passé  par  Gènes.  J'ay  bien  prins  du  plaisir  de  voir  vostre  griffone- 

'  Bibliotliè<iue  de  l'École  de  mt^decine  de  Montp'llier,  mu.  H  471,  fol.  179. 

T.  -  99 


786  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

ment  de  la  table  de  marbre  de  S'  Sebastien  gravée  de  cez  divers 
nombres  encores  que  je  ne  i'aye  pas  sceu  entendre;  il  fauldroit  sçavoir 
si  les  autres  tables  d'alabastre  qui  estoient,  ce  dictes  vous,  ranjjées  à 
l'entour  n'avoient  aulcune  graveure  d'autres  chiflVes  qui  se  peussent 
rapporter  à  ceulx  là,  pour  en  suppléer  l'assortiment.  Et  ne  seroys  pas 
marry  de  l'achepter  avec  quelques  unes  desdictes  tables  d'alabastre  si 
le  prix  en  est  raisonable;  sinon  je  vouldroys  la  moulleure  en  papier 
mouillé  de  deux  bords  ou  extremitez  pour  voir  la  vraye  forme  qu'ils  y 
ont  voulu  donner  à  ce  charactere  qui  ressemble  au  L  renversé  1  à  peu 
prez. 

Vostre  grilTonement  des  fers  de  lance  de  bronze  m'eust  bien  encor 
agréé.  J'en  ay  quelques  uns,  mais  non  pas  de  si  grands  que  le  plus 
gros  des  vostres,  et  verroys  volontiers  un  dessein  de  celuy  du  Cavalier 
Gualdo,  qui  est  double,  ayant  de  la  peine  à  concevoir  la  forme  et 
l'usaige  de  toile  armeure. 

J'entends  que  dans  le  cabinet  du  Prince  Borghese  il  y  en  a  grand 
nombre.  Mais  cela  ne  semble  pas  bien  asseurement  du  siècle  de  l'Em- 
pire Romain,  ne  mesmes  des  derniers  siècles  delà  Republique,  aux- 
quels advindrent  les  plus  importantes  guerres.  Et  puisqu'il  ne  s'en 
peult  guieres  espérer  de  fer  qui  se  reduict  trop  facilement  en  pouldre, 
principalement  dans  les  terres  corrosives  des  environs  de  Rome,  il 
reste  à  recherclier  dans  les  marbres  et  statues  de  marbre  ou  de 
bronze  ce  que  vous  en  pourrez  rencontrer,  et  subsidiairement  dans 
les  bas  reliefs,  en  prenant  les  proportions  et  haulteurs  des  figures,  et 
de  leure  armes  et  ferreures  d'icelles,  dont  je  vous  supplie  de  vouloir 
faire  un  peu  de  perquisition  pour  l'amour  de  moy  et  de  celuy  qui 
m'en  a  prié. 

Si  vous  me  faisiez  portraire  des  volumes  de  Ligorio  qui  sont  au  Va- 
tican tout  ce  que  vous  y  trouverez  en  cette  matière,  vous  m'obligeriez 
bien.  M''  de  Bonnaire  fera  payer  le  peintre  coppiste  de  tout  ce  que  vous 
y  ordonnerez. 

Quant  à  l'Aymant,  j'ay  prins  un  singulier  contentement  d'entendre 
ce  que  vous  en  aviez  observé  et  faict  eslabourer  en  cez  boullettes  et 


[1635]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  787 

moucherons,  et  en  ce  petit  morceau  taillé  à  guise  de  Diamant  qui 
lenoit  8  grains  tout  nud,  et  8o  onces.  Vous  avez  pourtant  oublié  le 
principal  à  remarquer,  qui  estoit  combien  pouvoit  peser  le  corps  de 
l'Aymant  qui  lenoit  8  grains,  si  c'estoit  plus  ou  moings  de  sa  pesan- 
teur propre,  et  à  quelle  proportion.  Et  vous  prie  quand  vous  observerez 
dez  hors  mais  de  vouloir  marquer  combien  le  corps  cpie  vous  emplove- 
rez  tirera  sur  la  proportion  de  sa  propre  pesanteur  à  le  considerei- 
tout  nud  sans  aulcune  armeure  ne  multiplication  de  sa  force,  car  cela 
pourroit  confondre  et  exclurre  les  consequances  que  nous  en  voul- 
drions  tirer. 

Je  serois  bien  aise  (si  vous  en  avez  de  bien  bon)  de  m'en  faire  tailler 
et  arrondir  bien  exactement  une  boullette  un  peu  grossette,  au  moings 
comme  une  noix,  ou  environ,  ou  sinon  telle  que  vous  la  pourrez  avoir, 
mais  taschez  de  faire  observer  qu'elle  ne  soit  pas  plus  grosse  ne  plus 
pesante  d'une  part  que  d'autre,  et  faictes  une  petite  cnarque  à  l'en- 
droit par  où  elle  tire,  sans  la  percer  comme  vous  aviez  faict  la  vostre, 
car  cela  est  cappable  de  faulcer  ou  d'interrompre  le  cours  ou  l'éma- 
nation de  sa  vertu  intrinsèque,  laquelle  il  luy  fault  principalement  con- 
server et  entretenir. 

Et  si  bien  la  première  loys  que  vous  en  avez  voulu  vittritier  il  ne 
vous  a  pas  reuscy,  il  ne  fault  pourtant  pas  se  lasser,  car  puisque  Pline 
a  escript  que  Ton  en  mesloit  avec  le  verre,  je  le  croys  fort  facilement 
et  fault  esprouver  d'en  mesler  avec  des  autres  matières  plus  suscep- 
tibles de  vittrification,  pour  voir  si  par  compagnie  elle  se  pourroit 
mieux  liquéfier.  11  fault  en  faire  toutes  les  experiances  possibles  et  sur- 
tout s'il  s'en  pourroit  calciner  et  en  tirer  aulcun  sel,  qui  seroit  ce  que 
j'en  estimerois  le  plus,  ou  bien  quelque  espèce  d'huille  ou  d'eau  et 
voir  si  le  meslant  avec  du  fer,  ou  de  la  mine  de  frr.  il  -ieroit  plus 
susceptible  de  calcination  ou  de  vitrification. 

Si  vous  en  donnez  le  goust  à  M'  de  la  Ferriere,  ou  h  M'  Bourdelot, 
ils  le  prendront  bien  aisément,  et  je  croys  qu'il  ne  vous  manquera 
pas  là  des  distilleurs  qui  en  pourront  faire  les  preuves  commodément 
parmy  leurs  autres  opérations. 

99- 


788  LETTRES  DE  PEIRESC  [1635] 

Pour  ce  qui  est  de  M"  vostre  oncle  et  de  M"'  le  Curé  de  S'  Pierre  ', 
ce  peu  que  je  leur  avois  desparty  ne  raeritoit  pas  qu'ils  vous  en  don- 
nassent advis.  Bien  est  il  vray  que  je  les  serviroys  trez  volontiers  si  je 
pou  vois,  et  touts  ceux  qui  vous  appartiennent  et  à  plus  forte  raison 
vous  njesmes,  pour  satisfaire  à  mes  vœux,  estant  du  meilleur  de  mon 
cœur, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
À  Aix,  ce  3o  aoust  i635'.  , 


CIV 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZ.VNÇON, 

ES  LA  COUR  DE  L'EMINENTISSIME  SEIGNEUR  CARDINAL  BAHBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  n'ay  poinct  eu  de  voz  lettres  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes, 
noniplus  que  par  ceulx  de  Lyon ,  mais  j'ay  appiins  par  les  lettres  de 
M'  de  la  ï'erriere,  que  vous  vous  estiez  engagé  de  parolle  à  l'Em"* 
Gard"'  de  Bagni  d'aller  voir,  le  moys  de  septembre,  une  certaine  grotte 
prez  de  Civila  Veccliia,  où  les  serpens  veliuz  vont  lescher,  succer  et 
guarir  les  playes  des  ladres  et  aultres  malades  incurables  qui  se  vont 
exposer  à  leur  discrétion  ^,  et  qu'aprez  vous  le  deviez  aller  visiter  à 
Rieti,  et  passer  vraysemblablement  par  Aqua  Sparta,  dont  nous  atten- 
drons voz  bonnes  relations  à  vostre  commodité,  espérant  que  si  ce 
n'est  par  le  présent  ordinaire,  que  vous  ne  laisrez  pas  escliapper  encore 
le  prochain,  sans  nous  faire  part  de  cez  curiositez  si  estranges  et  si 
dignes  d'une  spéculation  exacte,  comme  je  m'asseure  que  sera  la  vostre. 

L'oncle  est  ie  clmnoine  Dumay  ;  le  curé  '  Voir  d'autre»  mentions  de  ces  préten- 
de Saint-Pierre  est  l'abbé  Antoine  Alviset.  dus   serpents  bienfaisants  et  guérisseurs , 

Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  dans  le  tome  IV  des  Lettres  de  Peiresc, 

Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  181.  p.  55i,  562. 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  789 

M'iinaginant  que  parmy  les  merveilles  de  la  nature,  vous  en  trouverez 
bien  quelqu'une  encores  des  reliques  de  l'Antiquité,  où  vous  estes  si 
heureux  de  rencontrer  ce  que  voz  amys  souhaictent.  Et  vous  supplie 
dez  hors  mais  de  vous  rendre  encores  plus  curieux  pour  l'amour  de 
moy  que  vous  n'estiez  de  toute  sorte  de  frajjmenLs  concernant  les  armes 
des  anciens,  et  les  lerreures  de  leurs  espieux  ou  hastons  ferrez,  et 
de  ne  pas  negli{jer  un  dessein  de  cez  deux  fers  de  lance  qui  s'entre- 
tiennent de  l'ill"™  Cavalier  Guaido,  lequel  j'attends  en  boime  dévotion 
et  demeure  tousjours 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 

À  Aix,  ce  4  octobre  i635,  en  baste'. 


cv 

À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  L\  COUR  DE  L'EMINENTISSIHE   SEIGNEUR  CARDINAL   BARRRRIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  l'ordinaire  de  Gènes  vostre  lettre  du  3  accompagnée 
de  ce  petit  griffonement  de  vostre  casque  dont  je  vous  remercie  bien 
fort,  ayant  prins  plaisir  de  le  voir,  et  en  eusse  bien  prins  davantage, 
s'il  eust  esté  desseigné  un  peu  plus  exactement.  Mais  possible  ne  l'osez 
vous  pas  laisser  voir  à  des  peintres  qui  ne  soient  bien  confulants  pour 
ne  laisser  esventer  la  chose,  comme  en  effectce  monde  là  ne  recognoil 
pas  voz  offices  selon  leur  mérite,  et  ne  sçay  si  de  par  deçà  vous  en 
trouverez  qui  en  sçaichent  faire  plus  d'estime,  carceluy  mosme  à  qui 
vous  le  destinez,  quoyque  grand  seigneur,  n'a  pas  l'intelligence  telle 
qu'il  fauldroit  de  la  vallcur  des  choses  *.  Ne  encores  des  moyens  à  mettre 
à  autre  chose  qu'à  acquitter  des  arrérages  de  debtes  et  de  services,  où 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mddecine  de  Monl{K>llier,  vas.  H  87 1 ,  fol.  i83.  —  *  H  s'«gil  U 
du  cai-dinal  Fr.  Barberini, 


790  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

se  sont  ruinez  touts  ceux  de  sa  suitte.  J'en  sçay  des  particularitez.  Et 
l'importance  est  qu'il  y  a  quelque  charge  de  conscience  quand  on  a  en 
main  quelque  jolie  pièce  cappable  de  donner  matière  aux  gents  de 
lettres  d'ayder  le  public  de  quelques  bonnes  notices,  de  l'abandonner  à 
des  gents  de  qualité  si  relevée,  que  ceulx  qui  auroient  besoing  d'en 
avoir  la  veiie  à  toutes  heures  ne  sçauroient  en  obtenir  la  permission, 
ne  en  trouver  la  commodité  sans  se  mettre  à  rançon,  ou  sans  y  perdre 
tant  de  temps  à  valletter  des  vallets,  qu'on  se  lasse  enfin  de  les  pour- 
suyvre. 

Quand  le  feu  sieur  Girol.  Aleandro  vint  en  France  en  compagnie  de 
l'Eminentissime  Cardinal  Légat,  il  m'apporta  cette  pille  de  bronze  des 
poids  antiques  en  l'orme  de  vases  ou  d'escuellons  les  uns  dedans  les 
autres  que  vous  avez  veu.  Je  luy  fis  reproche  de  ce  qu'il  n'avoit  con- 
sacré cette  pièce  dans  le  cabinet  de  son  patron,  où  elle  pouvoit  estre 
plus  dignement.  Et  luy  monstray  des  pièces  rares  et  excellentes  que  je 
faisois  estât  de  luy  presanter.  Mais  il  me  rebroiia  furieusement  et  me 
reprocha  que  je  ne  me  vouloys  rendre  coulpable  envers  la  postérité 
de  luy  avoir  envié  le  fruict  qu'elle  pouvoit  tirer  de  cez  belles  pièces.. 
Qu'aultant  vauldroit  les  jetter  quasi  dans  la  mer  que  de  les  donner  à 
des  gents  de  cette  sorte.  Qu'il  avoit  pour  cette  pille  couru  sur  le  mar- 
ché d'un  cardinal  d'importance,  autre  toutefoys  que  son  patron,  pour 
luy  chercher  un  maistre  qui  la  peusse  examiner  et  faire  valoir  ce  (pi'elle 
meritoit.  Et  de  faict  je  croys  bien  qu'on  n'y  eusse  possible  jamais  des- 
couvert cez  belles  choses  que  j'y  ay  trouvées  avec  ma  patiance  et  mon 
estude,  lesquelles  m'ont  porté  bien  plus  avant  à  d'autres  descouvertes 
qui  seroicnt  pareillement  demeurées  incogneûes. 

Quand  de  simples  marchands  vont  chercher  le  plus  oflVant  ou  der- 
nier enchérisseur,  il  n'y  a  rien  à  leur  reprocher,  parce  qu'ils  n'ont 
autre  but  que  leur  interest,  et  n'ont  aulcune  aflection  à  leur  marchan- 
dise que  pour  la  multiplication  de  leur  fonds.  Mais  quand  des  persones 
qui  ayment  et  cognoissent  des  pièces  dignes  d'estre  bien  estimées  [sic) 
il  leur  fault  faire  de  grandes  violances  sur  leurs  inclinations  pour  les 
abandonner  à  des  gents  indignes  de  les  posséder  et  incappables  de  les 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTRÎER.  791 

cogiioistre,  et  de  les  aymer  selon  leur  mérite  et  leur  valleur,  vovre 
quand  cez  persones  ont  commancé  de  gousler  le  plaisir  qu'il  y  a  d'aymer 
le  public,  et  d'acquérir  du  mérite  envers  la  postérité,  c'est  chose  en- 
core plus  dure  d'en  laisser  eschapper  les  occasions,  pour  un  peu  plus 
ou  moinjjs  d'interesi  bursal,  et  de  laisser  les  perles  ou  marguerites  à 
la  mercy  des  pourceaulx,  comme  l'on  dict. 

Ne  pensez  pas  que  je  vous  dise  cela  ])ar  convoittise,  ne  pour  vous 
desmouvoir  d'aulcun  dessein  que  vous  puissiez  avoir  faict  sar  vostre 
casque  ou  autre  de  voz  belles  siiigularitez.  Je  suis  trop  jaloux  de  laisser 
mes  amys  en  leur  plaine  liberté,  comme  je  suis  bien  aise  qu'ils  me 
souffrent  la  mienne.  Mais  je  penseroys  avoir  prevariqué  envers  la  fran- 
chise que  je  professe,  et  avoir  manqué  grandement  en  mon  debvoir  et 
à  Tardante  afl'ection  que  j'ay  au  bien  du  public  et  à  l'honneur  et  ad- 
vantage  de  mes  bons  amys,  si  je  ne  vous  avoys  dict  ce  que  m'a  dict 
en  cas  pareil  le  plus  honneste  homme  que  l'Italie  voire  l'Europe  easl 
produict  en  ce  siècle,  et  qui  avoit  le  plus  de  cognoissance  du  inonde  et 
de  la  vanité  de  ce  qui  y  est  le  plus  en  prix,  qui  estoit  le  sieur  Aleandro, 
le  vray  miroir  de  la  vertu'.  Car  vous  auriez  quelque  jour  un  grand 
remords  de  conscience  d'avoir  contribué  voz  soings  et  voz  peines  à 
faire  périr  un  monument  de  l'Antiquité  digne  de  mémoire,  quand  vous 
luy  pouviez  achever  de  saulver  la  vie  ({u'il  avoit  si  incsperement  ga- 
rentie  jusques  à  vous,  sans  que  puisse  servir  l'excuse  que  vous  allé- 
guez du  manquement  d'argent  puisque  vous  sçaviez  bien  oii  vous  aviez 
le  crédit  d'en  prendre  aultant  et  davantage  au  besoing,  et  que  M'  d'Es- 
piotz  et  M'  de  Bonnaire  ne  les  eussent  nomplus  refusez  (jue  les  autres 
foys  non  seulement  pour  mon  compte  particulier,  mais  pour  le  vostre 
mesmes,  car  quand  vous  les  auriez  prins  sur  mon  crédit  pour  vostre 
compte  particulier,  je  ne  les  auroys  pas  moings  faict  acquitter,  comme 
je  le  vous  ay  assez  souvent  offert,  sans  qu'il  fusse  besoing  de  vous 
priver  des  graveures  et  autres  curiositez  que  vous  pouvez  avoir  laschées 
à  regret.  Et  si  les  pouvez  encore  racheter  au  mesme  prix  de  celuy  qui 

'  Gn  ma{jnifi(iue  tloge  d'Aleandro  restera  rhoniieur  de  sa  mëmoire,  car  dans  sa  pairie 
même  on  ne  lui  n  jamais  rendu  aussi  complète  jostice  et  en  termes  auosi  remarquables. 


792  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

vous  en  a  accommodé,  ne  m'espargnez  pas,  je  vous  prie,  pour  vostre 
satisfaction,  et  ne  vous  imaginez  nullement  que  j'y  aye  du  dessein,  vous 
en  renonceant  de  bon  cœur  touts  mes  intérêts,  et  aymant  tout  aultant 
chez  mes  amys  que  chez  moy  mesmes  les  pièces  que  j'estime  le  plus, 
quand  ce  sont  persones  traictables  et  acostahles.  Mais  il  ne  fauldroit 
pas  négliger  de  sçavoir  le  vray  lieu  où  cette  pièce  a  esté  desterrée,  et 
ce  qu'il  y  a  voit  de  plus,  s'il  est  possible  de  l'apprendre,  car  cela  ser- 
viroit  encores  plus  qu'il  ne  semble. 

Nous  attendrons  en  bonne  dévotion  par  le  retour  du  Patron  Faul- 
connier  cez  petits  fers  de  dards  ou  de  flesches,  et  les  glands  de  plomb, 
et  l'empreinte  du  double  fer  de  l'illustrissime  Cavalier  Gualdi,  comme 
aussy  l'empreinte  en  piastre  que  me  promettiez  d'un  bas  relief  de 
marbre  où  il  y  avoit  tant  d'armes  antiques,  mais  je  crains  bien  que  vous 
ne  l'ayez  laissé  partir  avant  que  le  faire  mouller,  aussy  bien  que  l'in- 
scription de  L.  Scipio  Barbatus. 

J'ay  grand  regret  à  la  petite  indisposition  que  vous  aviez  trouvée 
en  la  pcrsone  de  l'illustrissime  Cavalier  Gualdi,  et  suis  tout  confus  de 
honte  quand  je  songe  à  l'excez  de  son  honnesteté  de  me  vouloir  faire 
voir  les  originaulx  de  cez  troys  petits  poids  chrestiens  que  vous  m'avez 
descripts.  Lesquels  il  me  tardera  bien  de  voir  pour  juger  si  ce  seront 
des  images  ou  visages  de  S'  Pierre  et  S'  Pol,  ou  des  empereurs  du  Bas 
Empire  qui  pouvoient  estre  lors  en  règne.  Aprez  quoy,  nous  en  estants 
esclaircys ,  il  sera  bien  raisonable  de  les  renvoyer  à  leur  vray  raaistre , 
avec  noz  humbles  actions  de  grâces. 

Que  si  ce  commencement  de  commerce  pouvoit  s'introduire  entre 
nous  comm'il  estoit  autres  foys  avec  feu  M?"  Lelio  Pasqualini,  je  tien- 
droys  à  bien  singuhere  faveur  que  ledict  illustrissime  sieur  Cavalier 
Gualdi  me  voulusse  laisser  voir  l'original  de  cette  petite  figure  égyp- 
tienne dont  vous  m'avez  envoyé  l'empreinte  de  piastre,  car  si  je  ne  me 
trompe  elle  est  escripte  de  touts  costez  en  caractères  Hiéroglyphiques, 
comme  une  autre  plus  grande  qui  m'est  passée  par  les  maius  de  marbre 
noir,  toute  couverte  d'escripture  par  le  derrière,  comme  par  les  costez 
et  dessus  et  dessonbs,  laquelle  un  autre  amy  m'a  confiée  de  bien  loing 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  793 

pour  une  coupple  de  semaines,  aprez  lesquelles  je  la  iuy  ay  renvoyée 
seulement.  Car  je  m'imagine  qu'ell'  est  un  peu  usée  ou  fruste  comme 
cez  médailles,  et  que  telle  useure  peult  avoir  effacé  ou  rendu  plus  mal 
perceptibles  plusieurs  choses  notables,  que  l'empreinte  du  piastre  ne 
nous  sçauroit  représenter.  Que  si  vous  y  recognoissez  la  moindre  ré- 
pugnance du  monde,  ne  vous  en  ouvrez  poinct  plus  avant,  je  vous  prie. 
Seulement  s'il  y  a  des  lettres  sur  le  doz  voyez  de  les  prendre  avec  du 
papier  mouillé,  et  celles  aussy  des  coslez  et  du  dessoubs.  Mais  je  voul- 
droys  sçavoir  si  elle  n'est  pas  de  marbre  tout  noir  ou  meslé  de  verd 
et  de  noir,  et  avoir  un  morceau  de  marbre  adjusté  au  mesme  contre- 
poids de  celuy  là.  Que  s'il  se  rencontroit  du  marbre  de  pareille  (pialilé 
à  peu  prez,  je  l'estimeroys  bien  encore  davantage  et  que  vous  fissiez 
rapporter  sur  l'original  à  peu  prez  un  petit  morceau  de  pareille  quan- 
tité ou  cappacité,  ce  qui  peult  manquer  sur  la  teste  de  ladicte  figure 
ou  ailleurs,  et  le  faire  peser  à  part,  pour  examiner  par  le  poids  la  so- 
lidité du  marbre  ou  bien  s'il  n'y  auroit  rien  d'affecté  au  poids  de  la 
pièce  comme  aux  mystères  de  la  figure  qui  tient  ce  lion,  cez  serpens, 
ce  scorpion  et  autres  animaulx.  J'ay  peur  que  vous  vous  moquerez 
enfin  de  mes  resveries,  mais  il  n'y  a  remède.  Je  ne  vous  sçauroys  rien 
cacher  de  mes  infirmitez,  m'asseurant  que  vous  en  aurez  la  compassion 
charitable  qui  y  peult  escheoir,  et  que  vous  n'en  ferez  pas  de  bruict, 
comme  je  vous  en  supplie  et  conjure,  de  peur  que  les  aullres  n'ayenl 
pas  tant  de  reteniie  que  vous  à  s'empescher  de  se  mocquer  de  moy. 
Nous  attendrons  de  la  monstre  des  chrysoprases  de  Grotta  Ferrata  et 
de  voz  autres  observations  naturelles,  et  attendrons  aussy  qu'elles 
vous  puissent  rendre  un  peu  plus  considérable  de  pardelà,  à  quoy  je 
contribueray  tousjours  de  bon  cœur  tout  ce  que  je  pourray,  en  ayant 
meilleure  espérance  que  devant.  Ne  vous  lassez  poinct.  J'ay  responce 
de  Lyon  de  l'envoy  des  provisions  du  sieur  Alvyset,  mais  non  encore 
de  la  réception  à  Bezançon  que  j'attends  par  le  prorliain  et  demeure 
tousjours  du  meilleur  de  mon  cœur. 

Monsieur,  vostre,  etc. 

À  Aix,  ce  dernier  janvier  i636. 


100 


m  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

Si  j'ay  encore  assez  de  temps  je  pourray  bien  escrire  à  l'illustrissime 
Cavalier  Gualdi  en  remerciment  de  ses  poids  et  sur  cette  figure  hiéro- 
glyphique ^ 


CVI 
\  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DB  BEZANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  le  dernier  ordinaire  de  Gènes  vostre  lettre  du  2*  où 
je  fus  bien  mortifié  de  voir  qu'eussiez  laissé  eschapper  la  commodité 
de  Patron  Faulconier  qui  chargeoit  à  Ripagrande,  sans  le  charger  de 
ce  qu'aviez  en  main  pour  m'envoyer,  je  veux  dire  l'empreinte  de  l'in- 
scription de  Duillius,  restée  l'année  passée,  et  cez  autres  fragment/  de 
marbre  ou  de  bronze  qu'aviez  aprestez  long  temps  devant,  car  pour 
celle  de  Barbatus,  puisqu'elle  estoit  encore  à  faire,  matico  male'^,  maid 
il  fault  prendre  patiance,  et  nous  consoler  en  l'espérance  que  nous 
donnez,  par  Patron  Gaultier,  qui  ne  reviendra  pourtant  pas  si  tost,  si 
Dieu  ne  nous  ayde,  ne  en  saison  si  nette  de  corsaires  et  d'ennemys,  que 
Faulconier.  C'est  pourquoy  si  dans  cez  pièces  de  l'^ES  grave  que  vous 
me  voulez  envoyer  par  ledict  Gaultier,  il  y  en  avoit  quelques  unes  que 
vous  jugeassiez  bien  extraordinaires  principalement  des  petites,  vous 
en  pourriez  faire  un  petit  fagot  bien  enveloppé  avec  du  cotton,  et  le 
remettre  à  M'  de  Bonnaire  pour  me  l'envoyer  par  Gènes,  si  le  commis 
du  sieur  Ger.  Spinola  dans  le  bureau  de  la  poste  de  Rome  s'en  veult 
charger,  comme  il  fera  sans  doubte  volontiers,  quand  le  poids  seroit  de 
cinq  ou  six  libvres,  si  l'enveloppe  est  adressée  audict  sieur  Spinola  et  re- 
commandée de  la  part  de  Son  Eminence  ou  du  Palais.  Car  je  ne  sçay  si 
nous  aurons  icy  Gaultier  avant  l'automne  prochaine.  Tant  cez  gentz  ont 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  971,  fol.  i84.  —  '  Elle 
manque  malheureusement. 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTRIEU.  795 

de  longueur  en  leurs  expéditions.  Et  si  vous  preniez  la  commoditc'!  des 
pescheurs  qui  s'en  retournent  à  Pasques  au  Martigues,  elle  seroit  bien 
meilleure,  et  nultant  et  plus  asseurée,  avec  un  mot  d'adresse  au  Mar- 
tigues, au  sieur  de  Saint  Cesari  juge,  et  au  sieur  Bartelcmy  notaire 
au  Martigues  qui  me  feront  tenir  le  tout.  Mais  je  vois  bien  que  ma  pré- 
sente lettre  n'arrivera  pas  à  temps  entre  voz  mains  avant  leur  despart. 

M'  Aloyset  ne  m'a  poinct  accusa  la  réception  de  ses  provisions,  (pie 
M' de  Rossi  de  Lyon  remit  ez  main  de  M""  Gompain,  vostre  bon  amy,  le- 
quel asseure  les  avoir  bien  et  deuemenl  adressées  et  que  ledict  Aloiset 
les  a  receues  asseurement.  Ce  qui  me  faict  craindre  qu'il  ne  se  soit  Ironvr 
malade,  et  que  possible  il  n'ayl  pas  esté  bien  satisfaict  de  son  expédition. 
J'ay  faict  une  recharge ,  et  en  attendray  la  responce.  Je  suis  bien  ai.se  que 
l'eminentissime  cardinal  Patron  vousaye  semond  de  recommencer  vostro 
pérégrination  par  la  campagne  de  Rome.  Je  lui  ay  faict  deux  ou  Iroys  re- 
charges en  vostre  faveur  assez  à  pro[)os  à  mon  gré,  Son  Eminence  m'ayanl 
uns  dedans  opportunément.  Et  veux  croire  que  cela  pourra  faire  elFect. 

Pour  la  médaille  d'Ovide,  elle  seroit  bien  gentile  si  elle  estoit  vergine, 
mais  je  me  double  fort  qu'en  la  nettoyant  on  n'y  aye  faict  ou  suppléé  les 
lettres  qu'on  a  peu  à  ce  dessein.  Je  dicts  qu'on  a  peu  parce  qu'on  n'y 
eusse  pas  laissé  la  lettre  H  pour  un  E,  si  l'on  eust  peu  bieu  commodément 
la  changer,  et  n'y  eust  on  pas  laissé  nomplus  un  G  sigma  rond  d'un  costé 
et  une  autre  sorte  de  S  du  revers,  je  pense,  avec  une  médaille  pareille  à 
celle  dont  on  a  voulu  tirer  celle  cy,  laquelle  est,  ce  me  semble,  d'An- 
tioche,  mais  je  ne  l'ay  peu  retrouver  présentement,  et  croys  que  le  mot 
d'OTHIAIOC  ayt  esté  forgé  de  celuy  de  GTNKAIIOC  (.sjc).  L'empreinte 
se  feroit  mieux  juger,  si  vous  la  pouviez  extorquer  de  celuy  qui  l'eslinie 
tant.  Cependant  je  vous  suis  tousjours  bien  redevable  de  la  parlicipalion 
et  vous  en  rends  mes  trez  humbles  grâces  avec  supplication  de  me  tenir. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  3  murs  i636  '. 

'   Bibliolhi'^que  dn  l'École  de  niMecine  de        et  la  sig^nnlure  niitographe  de  cette  lettre 
Montpellier,  tus.  H  Q71,  fol.  187.  —  La  date        se  trouvaient  dans  la  marjje  et  ont  di»- 


796 


LETTRES  DE  PEIRESC 


[1636] 


CVII 
À  MONSIEUR   MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUR  DE  l'eHINENTISSIHE  SEIGNEUR  CARDINAL  BARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 

Depuis  avoir  escript,  avant  que  fermer  ma  despesche,  le  courrier 
estant  céans  pour  la  prendre,  j'ay  eu  advis  de  Marseille  que  Patron 
Faulconier  y  estoit  arrivé  à  bon  saulvement,  et  tost  aprez  ay  receu  la 
lettre  du  i3  janvier  dont  vous  l'aviez  chargé,  oi!i  j'ay  apprins  que 
i'avois  grand  tort  de  vous  accuser  comme  je  faisois  de  l'avoir  laissé 
eschapper  sans  m'envoyer  ce  que  vous  aviez  en  main,  puisque  vous 
l'en  avez  chargé.  Mais  vous  aviez  oublié  de  m'en  advertir  par  la  vostre 
du  a  febvrier,  où  vous  me  renvoyiez  seulement  au  Patron  Gaultier 
pour  l'inscription  de  Salviati,  de  sorte  que  vous  estiez  en  partie  coul- 
pable  de  l'occasion  que  j'avoys  prins  de  vous  accuser  quoyqu'à  tort  dont 
je  vous  demande  pardon  de  bon  cœur,  et  ne  pouvant  vous  en  dire  da-. 
vantage  parce  que  le  courrier  veult  passer  oultre,  en  vous  remerciant 
trez  humblement  la  continuation  de  voz  bienfaicts,  je  demeureray, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  7  mai-s  i636  '. 


para.  Une  date  erronée  {3o  mars  au  lieu  de 
3  mars)  a  été  indiquée  d'uue  autre  main  en 
tête  de  la  lettre,  et,  sans  doute  par  suite 
de  celte  erreur,  la  lettre  a  été  à  tort  placée 
dans  le  volume  ms.  au  fol.  187  après  la  lettre 
suivante,  qui  occupe  le  fol.  1 86. 

'  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de 
Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  186.  —  Le 
lendemain ,  Menestrier  écrivit  à  Peiresc  une 
longue  et  importante  lettre  qui  a  été  insérée 
par  M.  le  Commandeur  de  Rossi,  en  1869, 


dans  le  Bulletin  d'archéologie  sacrée ,  accom- 
pagnée de  remai-quables  observations.  J'ai  cru 
devoir  reproduire  à  Y  Appendice  la  lettre  de 
Menestrier  et  les  notes  de  l'éminent  archéo- 
logue pour  l'amélioration  de  la  santé  du- 
quel tous  les  travailleurs  font  tant  de  vœux, 
avec  l'espoir  que  ce  noble  martyr  de  la 
science,  momentanémpnt  épuisé  par  trop  de 
fatigues,  retrouvera  encore  la  force  de  con- 
tinuer des  recherches  qui  ont  été  l'honneur 
de  sa  vie. 


11C36]  À  CLAUDE  MENKSTRIEH.  797 


CVIII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE   DE  BEZANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  receu  par  l'ordinaire  de  Gènes  la  boitte  des  poids  de  l'illus- 
trissime Cavalier  Gualdi  fort  bien  conditionnée  avec  vostre  figure 
mystérieuse  et  les  autres  medailletles  extraordinaires,  le  tout  en  trez 
bon  estât,  comme  j'avois  eu  auparavant  tout  ce  que  vous  aviez  con- 
signé au  Patron  Faulconier  bien  conservé,  dont  je  vous  suis  infiniment 
redevable,  et  encores  plus  de  la  preferance  que  m'avez  accordée  sur 
vous  mesmes,  pour  raison  de  ce  casque  antique  de  bronze  en  (juoy 
vous  m'avez  faict  grand  plaisir  comme  en  la  participation  de  celte 
main  de  marbre  avec  le  cestus,  et  de  toutes  cez  autres  galanteries  que 
vous  y  aviez  joinctes,  mesmes  de  cette  teste  qui  a  de  l'air  de  celle  du 
Tite  Live  de  Padoue,  bien  que  je  la  tienne  de  quelque  esclave  Bar- 
bare, mais  que  je  ne  laisse  pas  d'estimer  pour  l'amour  de  vous  princi- 
palement. L'empreinte  de  l'inscription  de  Duillius  est  si  foible  qu'elle 
en  est  grandement  fragile,  et  a  contracté  une  certaine  boiie  ou  crasse 
provenant  de  l'humidité  du  foing  quand  elle  est  enfermée  sans  estre 
seichée,  qui  est  fort  incommode  à  la  jouy.ssance  de  la  veiie  du  carac- 
tère, ce  que  je  vous  dis  afin  de  vous  servir  d'adresse  une  autre  foys. 
L'empreinte  de  soufre  de  vostre  plaque  de  SVCCESSA  ne  s'est  pas 
conservée  dans  ce  cahottage  de  la  poste,  principalement  le  costé  du 
martyre  soit  de  S'  Laurens  ou  d'elle,  qui  est  fort  brisé  et  mal  cognois- 
sable.  De  l'autre  il  s'en  ponrroit  mieux  tirer  quol<pie  notice  de  sorte 
qu'il  fauldra  une  autre  enq)reinte  de  plomb  ou  de  piastre  s'il  vous 
plaict.  Son  Eminence  m'en  escript,  et  je  feray  diligence  pour  voir  s'il 
s'en  trouvera  rien  qui  vaille  l'escrire.  Je  l'ay  remercié  de  la  collation 
qu'il  vous  avoit  procurée  quoy  que  la  vacance  n'ayt  pas  eu  lieu,  et  l'ay 
supplié  de  faire  à  l'advenir  comme  je  croys  qu'il  le  fera.  Dictes  luy  d»' 


798  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

me  faire  envoyer  un  dessein  de  vostre  plaque  de  verre  avec  S'  Pierre 
et  S'  Pol  assis.  Parmy  les  médailles  de  Faulconier  j'ay  trouvé  bien  jo- 
lie celle  qui  a  un  X  X  à  costé  d'une  teste  d'homme ,  et  une  aigle  de  creux 
au  revers.  Mandez  moy  si  en  avez  veu  d'autres  de  mesmes.  Des  modèles 
des  poids  du  collège  Romain,  il  n'y  avoit  rien  de  marqué  qui  me  les 
peusse  faire  distinguer,  et  n'y  en  a  que  deux  bien  que  vous  me  parlez 
de  troys,  et  il  falloit  bien  y  faire  peindre,  au  moings,  s'il  ne  se  pouvoit 
graver,  ce  qui  estoit  marqué  sur  les  originaulx. 

Il  fauldroit  aussy  le  dessein  entier  de  la  plaque  ronde  en  bas  relief 
de  marbre  d'où  vous  avez  faict  mouller  les  armes  antiques  que  m'avez 
envoyées  et  que  j'ay  veu  volontiers,  aussy  bien  que  l'empreinte  du 
double  fer  de  lance.  La  figure  ^Egyptienne  de  l'illustrissime  Cavalier 
Gualdi  vous  coustera  plus  à  mouller  en  bronze  qu'elle  ne  peult  mé- 
riter. Toutefoys  je  laisse  le  tout  à  vostre  disposition  et  s'il  me  la  vouloit 
laisser  voir,  je  la  luy  renvoyeray  fort  fidèlement,  comme  je  prétends 
faire  de  ses  3  poids,  lorsque  j'en  auray  faict  l'examen,  y  ayant  trouvé 
bien  à  resver  sur  diverses  chosettes,  que  je  n'eusse  pas  imaginées 
sans  les  voir. 

Je  ne  sçauroys  que  vous  envoyer  d'icy  en  eschange  de  cette  pareille 
flgure  en  lapis  lazuli,  mais  si  vous  en  trouvez  à  vendre  qui  soient  dui- 
sables,  je  les  payeray  de  bon  cœur  et  vous  prie  de  tascher  de  me 
l'avoir  et  de  me  l'envoyer  au  plus  tost.  J'entends  que  le  sieur  Angeloni 
en  a  une  encore  pareille  à  ce  que  m'a  dict  un  prebstre  venu  de  Rome 
depuis  peu.  Enquerez  vous  en,  je  vous  prie,  et  m'excusez  si  je  finis 
sans  achever  parce  que  l'ordinaire  vient  d'arriver  et  me  surprendre 
en  sorte  que  je  ne  sçay  si  je  pourray  escrire  quasi  à  M'  de  Bonnaire 
seulement. 

A  la  bonne  heure  j'avoys  escript  une  lettre  que  l'illustrissime  Cava- 
lier Gualdi  m'avoit  demandée,  car  je  ne  pense  pas  luy  pouvoir  escrire 
à  luy  mesmes  à  demy  et  demeure, 

Monsieur,     • 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  3  avril  i636. 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTHIER.  799 

J'ay  receu  des  secondes  provisions  de  M'  Alviset  reformées,  comme 
il  a  désiré.  Vostre  minutte  avoit  faict  faillir  aux  premières  en  la  suy- 
vant  punctuellement'. 


CIX 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUB  DE  L'EUINENTISSIHE   SEIGNEUB   CARDINAL  BAnBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  jugeay  bien  à  l'arrivée  du  dernier  ordinaire  d'avril  sans  voz  lettres 
que  vous  debviez  lors  estre  aux  champs,  ainsin  que  je  l'ay  depuis  veu 
confirmé  par  la  lettre  que  m'avez  escripte  du  1 3  du  mesme  moys  par 
le  Patron  Guill.  Gaultier  qui  arriva  dimanche  à  Marseille  sain  et  saulve, 
et  m'envoya  hier  du  Marligues  vostre  Iroitte  rouge  remplie  de  petits 
poids  antiques,  ensemble  le  vieulx  casque  de  bronze  que  je  trouvay 
trez  beau,  mais  ce  ne  fut  pas  sans  quelque  mortification  de  ce  qu'on 
l'a  voit  apporté  dans  un  sac  de  besognes  de  nuict,  pendu  à  l'arçon  de 
la  selle  d'un  cheval,  sans  aulcune  boitte  ou  ca.ssette,  de  sorte  que  le 
mouvement  du  cheval  l'avoit  un  peu  intéressé  et  descouvert  de  sa  pat- 
tina  verde  à  l'endroict  qui  frottoit  contre  la  selle,  et  (lui  pis  est  le  bout- 
ton  que  vous  aviez  représenté  en  vostre  premier  dessain  ne  s'y  trouva 
plus  pendant,  ne  destaché,  s'estant  perdu  par  les  chemins  vraysem- 
blablement,  à  mon  grand  regret.  Je  l'ay  prié  de  le  faire  chercher 
dans  sa  caisse  et  dans  sa  barque  pour  voir  s'il  y  seroit  tombé  et 
demeuré  par  hazard,  pour  ne  rien  laisser  perdre  des  fragment*  et 
reliques  de  cette  vieille  pièce,  qui  uierifoit  bien  une  boitte.  Mais  telle 
qu'elle  est,  elle  est  encore  bien  belle  à  mon  gré,  et  je  vous  en  de- 
meure bien  obligé  de  la  preferance.  Comme  aussy  de  cez  petitz  mo- 
delles  de  vieux  poids,  dont  celuy  de  la  tortue  m'a  fort  agréé,  encores 

'   Bibliolli(>que  de  l'École  de  m<?decine  do  Montpellier,  ma.  H  «71,  fol.  188. 


8(y0  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

que  j'en  eusse  d'autres  où  elle  estoit,  parcequ'en  celuy  cy  il  y  a  un 
revers  d'une  teste  de  serpent  que  je  n'avoys  encores  veu  en  choses 
semblables,  et  qui  me  met  bien  en  peine  à  le  deschiffrer  et  induire  à 
ma  mode. 

La  médaille  grecque  avec  les  deux  lettres  N-I  m'a  semblé  bien  es- 
trange,  et  sans  en  voir  quelque  autre  pareille  à  peu  prez,  je  ne  pense 
pas  qu'il  s'en  puisse  rien  dire  qui  vaille,  ne  sur  quoy  il  se  puisse  as- 
seoir aulcun  solide  fondement. 

Le  petit  vase  n'a  poinct  de  concavité  apparente  ou  sensible  hors  d'un 
simple  trou  qui  le  perce  d'oultre  en  oultre,  et  ne  sçay  s'il  peult  avoir 
servy  de  modèle  proportionné  à  aulcune  mezure,  ne  contenant  en  tout 
qu'une  goutte  assez  petite.  Je  vous  en  sçay  pourtant  fort  bon  gré, 
comme  aussy  de  la  relation  de  ce  Tertre  des  aqueducs  de  l'Aqua  Claudia 
voisine  de  Tivoli,  si  espois,  et  si  propre  à  travailler  en  colonnes,  comme 
vous  dictes.  Et  j'en  verroys  volontiers  un  morceau  de  cette  couleur 
jaulne  et  tannée,  ondée,  que  vous  luy  attribuez.  Ayant  prins  plaisir 
de  voir  l'arraisonnement  que  vous  en  faictes,  et  approuvant  la  con- 
sequance  que  vous  en  voulez  tirer  sur  la  différence  d'un  lieu  à  autre. 
Sur  quoy,  craignant  que  le  pedon  ordinaire  ne  passe  en  grande  préci- 
pitation, son  terme  n'estant  quasi  plus  en  son  entier,  je  finiray  demeu- 
rant, 

Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  U  may  )636  '. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  189. 


[1636]  A  CLAUDE  MENESTRIER.  80J 


ex 

À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA   COUn   DE  L'EMINENTISSIHE  SEIGNEUR  CARDINAL  RARBERIN, 

À  ROME. 

Monsieur, 

Par  le  dernier  ordinaire  j'ay  receu  une  lettre  de  rEmir.entissinic 
Cardinal  Patron  du  3  may  oi!i  il  m'escriptde  sa  propre  main  cez  propres 
paroles  :  11  signor  Menestrie  si  conserva  degno  d'affetto  per  le  sue  (jua- 
iita,  ma  Vostra  Signoria  vedute  sue  raccomand""  me  lo  rende  piu  caro. 
J'ay  prins  occasion  de  l'en  remercier,  et  l'exhorter  à  continuer  de  vous 
faire  du  bien,  et  à  ne  vous  laisser  pas  oisif,  quand  il  y  aura  moyen  de 
vous  faire  visiter  les  lieux  où  il  se  pourra  descouvrir  des  merveilles 
de  la  nature  et  de  l'antiquité. 

J'ay  receu  la  vostre  du  2  may,  où  il  n'escheoil  pas  d'autre  responce 
que  sur  le  bas  relief  où  vous  dictes  avoir  veu  peser  du  boys,  dont  il 
seroit  tousjours  bon  de  voir  au  moings  le  dessein,  s'il  vous  plairl. 
regrettant  la  podagre  de  M'  Angeloni,  et  de  ne  luy  pouvoir  escrire  par 
cet  ordinaire,  comme  je  l'avoys  résolu.  Je  n'ay  jamais  eu  de  responce 
de  l'illustrissime  Cavalier  Gualdi  sur  mes  dernières  despesches  (jue 
j'eusse  esté  bien  aise  de  voir  avant  que  luy  renvoyer  les  originaux  de 
ses  troys  poids  quarrez.  Voyez  le  un  peu,  je  vous  prie,  sans  faire  sem- 
blant d'en  avoir  charge  de  moy,  pour  voir  si  tireriez  quelque  lettre  en 
responce  de  vive  voix,  et  m'excusez  de  la  peine. 

J'attendray  cette  empreinte  de  l'inscription  de  L.  Scipio,  quand  il 
plairra  à  Dieu  et  que  vous  puissiez  traicter  de  ce  lapis  lazuli,  me  re- 
commandant à  voz  bonnes  grâces  et  demeurant. 

Monsieur, 

vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  5  juin  i636  '. 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mi^decinede  Montpellier,  m«.  H  971,  fol.  19s. 


101 


802  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 


CXI 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  REZANÇON, 

EN  LA   COUn  DE  L'EMINENTISSIHE   CARDINAL  BARBERIN, 
À  ROME. 

Monsieur, 
La  boilte  que  vous  aviez  consignée  à  l'ordinaire  de  Gènes  arriva 
fort  bien  conditionnée  par  le  pedon  d'Avignon  avec  voslre  lettre  du  a"*" 
et  le  modèle  du  scaphium  y  contenu  où  je  trouvay  bien  estrange  d'ab- 
bord  l'embouttisseiaent  ou  relief  du  fonds  de  l'escuellon  qui  iuterrom- 
poil  la  juste  rondeur  de  sa  concavité,  et  encores  plus  de  voir  que  le  corps 
restant  dudict  escuellon  ne  faisoit  pas  le  restant  d'un  juste  Hemispliaire, 
car  il  va  en  ayguisant  en  forme  de  cône  ou  de  montaigne  esmoussée  et 
renfoncée  par  la  cime,  quand  on  la  tourne  c'en  (sic)  dessus  dessoubs. 
Ayant  bien  de  la  peine  à  me  persuader  que  l'antique  soit  en  cela  aul- 
tant  irregulier  que  le  modelle.  Et  pour  le  style  planté  au  fonds,  oultre 
qu'il  n'est  pas  bien  arresté  en  situation  immobile  et  qu'il  est  suscep- 
tible d'inclination  d'une  part  et  d'autre,  il  se  trouve  plus  long  qu'il  ne 
fauldroit  pour  monstrer  les  heures,  car  il  surpasse  le  niveau  de  l'orizon 
de  l'espoisseur  de  plus  de  deux  testons  les  plus  gros,  voire  d'un  ducaton 
et  davantage,  et  toutefoys  à  prendre  sa  mesure  au  juste  il  ne  faict  pas 
la  moitié  du  diamètre  de  la  circonferance  interne  de  l'escuellon,  le- 
quel diamètre  est  de  cinq  poulces  de  roy  une  ligne  et  six  parcelles, 
et  cestuy  là  n'est  pas  de  deux  poulces  el  demy,  y  manquant  une  ligne 
entière  et  quattre  parcelles  de  la  juste  haulteur  qu'il  debvroit  avoir. 
Et  quand  bien  l'on  en  auroit  voulu  roigner  aullant  de  sa  base  comme 
est  le  retranchement  de  la  rondeur  du  fonds  de  l'escuellon,  ou  bien 
son  embouttissement,  il  ne  s'ensuyvroit  pas  qu'il  fallust  les  laisser 
monter  plus  hault  que  le  niveau  de  l'orizon  de  l'escuellon.  Ce  qui  me 
faict  doubter  que  ce  style  aye  esté  originellement  perdu  en  l'original 
antique  et  qu'en  le  voulant  suppléer  ou  restaurer  l'on  n'y  aye  pas 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  80» 

regardé  de  si  prez  com'il  eust  fallu.  Dont  je  seray  bien  aise  d'estie 
esclaircy  par  vous,  s'il  vous  plaict,  et  si  vous  jugez  que  ce  style  ne 
soit  pas  modernement  appliqué  et  anté  dans  cet  escuellon,  et  possibif 
encores  les  deux  petite  bras  ou  languettes  ou  rayons  (mobiles  tant  de- 
dans que  dehors)  qui  pourroient  servir  à  nionstrer  les  jours  de  l'année 
pour  en  régler  le  lieu  où  il  falloil  prendre  la  désignation  des  heures 
Car  elles  ne  sont  pas  faictes  mathématiquement  pour  monstrer  les  vrays 
poincts  nécessaires.  Et  eussent  deub  pour  cet  elTect  estre  plustost  re- 
fendue par  la  ligne  partant  du  centre  dui  trou  où;  elles  se  meuvent 
C'est  pourquoy  je  me  doubte  qu'elles  soient  modernes  et  appliquées 
modernement  à  cet  escuellon  pour  suppléer  ce  qu'où  jugeoit  y  pou- 
voir manquer. 

Que  si  vous  les  estimez  antiques  (comm'il   vous  doibt  estn^  bien 
facile  de  le  recognoistre  en  les  revoyant  originellement)  il  importe- 
roit  bien  de  sçavoir  et  examiner  exactement  si   par  l'assemblage  des 
deux  languettes  il  ne  paroit  pas  que  le  cloud  qui  les  porte  et  tra- 
verse toutes  deux  et  qui  traverse  pareillement  l'eapoisseur  du  corps  de 
l'escueilon,  aye  peu  anciennement  traverser  et  comprendre  encores 
une  seconde  espoisscur  d'un  autre  escuellon  intérieur,  sur  lequel  fus.sent 
tracées  et  gravées  les  lignes  où  l'ombre  du  style  debvoit  manjuer  les 
heures  du  jour,  ce  qui  vous  sera  bien  aise  à  deviner  si  ledict  clond 
s'est  conservé  comm'il  est  nécessaire,  au  cas  que  cez  deux  bras  mo- 
biles soient  antiques,  pour  les  avoir  retenus  en  leur  place.  Car  ledict 
cloud  se  trouvera  audict  cas  moings  serré  sur  les  deux  languelteset 
plus  long  qu'il  ne  fault  de  toute  l'espoisseur  d'un  autre  escuellon  qui 
se  pou  voit  intérieurement  emboitter  dans  celuy  là  et  debvoit  oslre  plus 
parfaictenient  rond  en  sa  concavité  pour  y  recevoir  les  ombres  aux  lieux 
nécessaires  pour  la  mar(|ue  des  vrays  poincts  des  heures  du  jour.  Au- 
quel cas  il  pouvoit  eslre  d'argent  ou  bien  de  quelque  metail  meslé  et 
composé  d'estain  comme  les  timbres  pour  le  rendre  |)lus  clairet  moings 
susceptible  de  salleté  et  de  rouille,   comme  les  miroirs  des  anciens. 
Aussy  en  eust  il  esté  plus  fragile  ou  friable  et  plus  facile  à  se  casser  et 
réduire  en  pouldre,  ou  en  trop  petits  fragments  pour  se  conserver 


80i  LETTRES  DE  PEIRESG  [1636] 

aussy  long  temps  que  le  reste  de  la  machine,  de  quoy  vous  pourrez 
bien  vous  esciaircir  plus  facilement  que  moy  sur  l'original,  en  le  re- 
voyant ainsy  que  vous  le  pouvez  faire  avec  ce  desseing  là,  comme  je 
vous  en  prie.  En  ce  cas  il  falloit  que  le  mesiue  cloud  qui  porte  les  deux 
bras  ou  languettes  mobiles  passast  à  travers  les  deux  escuellons  et  que 
la  languette  intérieure  roullast  par  dessus  la  concavité  de  l'escueilon 
intérieur  pour  servir  à  marquer  le  lieu  où  se  debvoit  régler  la  pro- 
portion des  heures  ou  des  ombres  journellement.  Nous  attendrons  donq 
sur  cela  vostre  responce  cathegorique  pour  en  pouvoir  parler  plus  as- 
seurement.  Et  serons  bien  aises  d'apprendre  (ce  que  vous  avez  oublié 
de  nous  marquer)  de  quel  -metail  est  cet  escuellon  ensemble  ses  deux 
bras  ou  languettes  mobiles,  et  son  style,  si  tout  est  de  Rume  ou  cuyvre 
rouge,  ou  bien  de  metail  jaulne  ou  de  Lotton  ',  ou  si  l'escueilon  est  de 
l'un  d'iceulx  et  le  style  et  languette  d'un  autre  metail,  car  tout  cela 
sert  à  confirmer  ou  destruire  les  susdictes  conjectures  de  l'antiquité 
pareille  ou  différante  de  touts  les  membres  de  cette  machine.  Voire 
quand  vous  nous  manderiez  le  contrepoids  au  juste  de  toute  cette  ma- 
chine et  la  vraye  espoisseur  de  l'escueilon  antique,  possible  ne  seroit  il 
pas  si  inutile  com'on  se  l'imagineroit  d'abbord. 

Nomplus  que  de  nous  faire  sçavoir  de  quel  costé  et  en  quel  sens  es- 
toient  tournez  et  posez  originairement  les  petits  clouds  que  vous  dictes 
avoir  esté  fichez  sur  le  bord  ou  sur  les  lèvres  de  cet  escuellon.  Si  les 
testes  sont  par  le  dessus  ou  par  le  dessoubs  dudict  bord  et  les  poinctes 
rieulées  par  mesme  moyen  au  contraire,  et  si  la  riuleure  est  juste 
contre  la  mesnie  espoisseur  du  bord  de  l'escueilon,  nubien  si  les  clouds 
sont  demeurés  plus  longs  qu'il  ne  fauldroit  pour  cela,  comme  ayants 
comprins  une  plus  grande  espoisseur,  soit  du  second  escuellon  inté- 
rieur, ou  bien  de  quelque  corps  extérieur  qui  eust  servy  pour  arrester 
l'escueilon  en  posteure  bien  ajustée  au  niveau  de  l'orizon  et  à  son 
alignement  du  vray  midy,  ou  du  vray  oriant. 

Vous  me  feriez  encores  plaisir  de  me  faire  mouller  avec  du  piastre 


Laiton? 


[1636J  À  CLAUDE  MENESTRIER.  805 

ou  du  souffre  toute  l'escritture  de  la  Roue  extérieure  ou  du  cercle  des 
moys  grav(^  par  la  convexité  externe  de  l'escuellon,  ensemble  le  cercle 
du  bord  ou  des  lèvres  de  l'escuellon  où  sont  marquez  les  nombres 
rangez  jusques  à  xvi  pour  en  examiner  la  figure  des  lettres  ou  carac- 
tères afin  d'en  prendre  quelque  conjecture  du  siècle  qu'elles  ont  peu 
estre  gravées.  Car  je  ne  puis  pas  si  bien  me  payer  de  ce  que  voslre 
graveur  y  a  buriné  à  sa  fantaisie,  et  ne  pouvant  avoir  la  veiie  de  l'ori- 
ginal, il  fault  suppléer  par  la  veiie  de  l'empreinte  de  ce  qui  nous 
peult  donner  plus  de  lumière  pour  cela.  Car  la  figure  des  lettres  a 
changé  de  mode  touls  les  siècles  aussy  bien  que  le  language  et  les  ha- 
billements. Cette  moulleurc  du  cercle  des  moys  me  servira  encores  à 
recognoistre  mieux  si,  comme  aux  divisions  des  moys  de  septembre  et 
d'octobre  il  y  a  une  raye  de  plus  qu'aulx  autres  moys  de  l'année,  elle 
se  doibt  simplement  suppléer  en  touts  les  autres  ou  bien  conclurre  que 
l'instrument  n'aye  jamais  esté  achevé,  auquel  cas  il  ne  i'auldroit  pas 
trouver  si  estrange  que  la  concavité  de  l'escuellon  qui  reste  n'eust  pas 
esté  aussy  achevée  de  marquer  des  lignes  où  se  debvoient  marquer  les 
heures  par  la  rencontre  des  ombres  du  style  et  possible  que  la  deffec- 
tuosité  de  la  rondeur  de  la  concavité  de  cet  escuellon  (si  tant  est  que 
l'original  soit  aussy  mal  rond  (pie  le  modèle)  pourroit  avoir  faict  né- 
gliger à  l'ouvrier  d'y  achever  de  marquer  les  lignes  horaires,  ayant 
recogneu  qu'elles  n'y  eussent  pas  esté  jamais  assez  justes. 

L'illustrissime  Cavalier  del  Pozzo  m'escript  que  le  sieur  Berti  avoit 
eu  ordre  de  revoir  et  examiner  si  le  modelle  estoit  bien  juste  et  bien 
semblable  à  son  original,  et  puisque  vous  ne  me  dictes  poinct  que 
cela  ayt  esté  faict,  je  m'imagine  que  le  temps  aura  esté  trop  court 
pour  vous  en  donner  le  loisir  et  le  moyen ,  h  quoy  j'ay  bien  un  peu  de 
regret.  Car  en  cez  matières  là  si  extraordinaires  il  ne  fauJt  rien  né- 
gliger des  moindres  adminicules  sur  lesquels  se  peuvent  appuyer  des 
conjectures  que  d'auties  ne  s'imagineroient  jamais  que  ceux  de  la 
profession  dont  il  s'agit.  Je  n'y  regrette  que  vostre  peine,  mais  il  n'y 
a  remède.  Si  fault  il  que  vous  m'en  fassiez  encor  une  relation  la  plus 
punctuelle  que  vous  pourrez  pour  ne  nous  plus  en  laisser  de  scrupule. 


806  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

C'est  à  quoy  je  m'attends  et  que  vous  m'excuserez  comme  vous  en 
supplie , 

Monsieur,  vostre,  etc. 

A  Aix,  ce  98  aoust  i63G  '. 


CXII 
À  MONSIEUR,  MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHANOINE  DE  BESANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
Je  vous  avois  escript  tantost  si  à  la  haste,  et  sans  pouvoir  retrouver 
vostre  lettre  du  a  aoust,  que  je  ne  vous  avoys  parlé  que  du  Sca- 
phium,  et  avois  oublyé  le  reste.  J'ay  depuis  retrouvé  vostre  lettre  et 
ay  esté  bien  aise  de  l'advis  que  vous  me  donnez,  des  acquisitions  que 
vous  avez  faictes,  tant  de  cette  longue  plaque  de  métal  qui  a  le  bœuf 
ou  la  vache,  que  de  cet  aultre  grand  morceau  de  marbre  noir  avec 
cette  inscription  qui  commance  par  le  mot  EXAMEN,  laquelle  m'em- 
barrassera bien ,  si  la  veue  de  la  pièce  mesme  ne  m'y  faict  rencontrer 
d'autres  moyens  de  la  deschiffrer,  vous  advouant  que  je  n'y  cognois 
rien  du  tout  sur  ce  que  m'en  avez  cotté  au  marge  de  vostre  lettre,  et 
appréhende  que  quelqu'un  ne  se  soit  joué  à  mettre  à  la  torture  les 
curieux,  en  affectant  de  cez  extravagances  qui  semblent  si  incompa- 
tibles les  unes  avec4es  autres.  Je  suis  bien  aise  aussy  qu'ayiez  recouvré 
la  Hgure  mystique  de  marbre,  mais  j'aymerois  bien  mieux  qu'eussiez 
peu  faire  troque  de  celle  de  lapis  lazuli  dont  m'aviez  faict  feste  quel- 
que temps  y  a.  Vous  en  trouverez  bien  le  moyen  et  l'occasion  quand 
vous  vouldrez,  je  m'asseure,  et  je  demeureray, 
Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  trez  obligé  serviteur, 

DE  Peiresc. 
A  Aix,  ce  28  aoust  au  soir,  i636. 

'  Bibliothèque  de  l'Kcole  de  médecine  de  Montpellier,  ms.  H  971.  fol.  195. 


[1636]  À  CLAUDE  MENESTRIER.  807 

M'  Melan  est  ceaus  depuis  uue  quinzaine  de  jours.  C'est  un  Ange  ' 
ie  plus  traiclable  et  le  plus  affectueux  du  monde  '^, 


CXHI 
À  MONSIEUR  MENESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

EN  LA  COUR   DE  L'EMINENTISSIME   CARDINAL  BARBERIN, 
À  ROME. 

Monsieur, 

Eiicores  que  je  n'aye  poinct  eu  de  lettre  par  cet  ordinaire  dernier 
de  voslre  part,  je  ne  laisray  pas  de  vous  en  faire  un  petit  mot,  pour 
vous  en  advertir  au  cas  que  ne  l'eussiez  envoyée  chez  M'  de  Bonnaire 
ou  chez  rilluslrissime  Cavalier  del  Pozzo,  et  qu'elle  se  fust  esgarée  en 
chemin,  laulte  de  bonne  adresse,  dont  je  suis  un  peu  en  peine  à  cause 
que  vous  m'aviez  escript  deux  ordinaires  y  a  que  le  suyvant  m'appor- 
teroit  une  boitte  des  empreinics  de  cire  ou  autres  qu'aviez  faicfes  de 
l'escriture  du  Scaphium,  et  toutesl'oys  deux  ordinaires  sont  depuis  ve- 
nus sans  me  l'apporter.  J'avoys  creu  qu'en  auriez  chargé  quelqu'un 
du  train  de  M'  de  Nouailles',  mais  son  aulmosnier  qui  passa  dernière- 
ment par  icy  avec  ses  pages  n'en  sçavoit  rien,  et  la  barque  de  ses 
hardes  est  depuis  arrivée  à  Marseille  sans  que  personne  en  ayt  rien 
déclaré. 

Il  est  depuis  quelques  semaines  allé  h  Rome,  au  lieu  du  Patron 
Faulconicr,  une  aultre  barque  de  Marseille,  par  le  retour  de  laquelle 
vous  auriez  peu  envoyer  tout  ce  que  vous  auriez  voulu.  Et  possible  ne 
sera-t-elle  pas  encore  partie  de  lu. 

M'  lillustrissime  Cavalier  del  Pozzo  m'a  envoyé  le  dessein  de  voslre 

'  Savait-on  que  le  grand  artiste  eût  un  '   BibliolluVjup  derKcole  de  mëdedno  de 

aussi  .tiniablccitractèrc?  Il  y  a  quelque  cliose  Monlpellior,  ms.  H  ayi.foi.  igi. 
de  palernol  dans  i'affpotnousefaniiliaritt'avoc  *  L'ambassadeur  de  France  il  Rome.dëji 

laquelle  Feiresc  compare  son  liôte  à  un  ange.  souvent  mentionne. 


808  LETTRES  DE  PEIRESC  [1636] 

Fascinus  de  marbre  d'un  seul  aspect  par  le  devant.  J'en  eusse  bien  veu 
le  griffonnement  volontiers,  aussy  bien  par  l'autre  veùe  du  derrière. 
Et  puisque  les  dix  petits  pendants  attachez  à  son  tour  de  col  ne  sont  pas 
trop  grands,  vous  me  feriez  bien  plaisir  de  me  les  faire  touts  mouller 
en  piastre,  pour  mieux  juger  de  leur  qualité,  car  je  les  trouve  bien 
bigearres  et  dignes  d'examen. 

Pour  le  Scaphium,  je  vouldrois  que  vous  eussiez  examiné  bien  exac- 
tement avec  un  petit  quart  de  rond  la  mesure  et  proportion  de  sa 
concavité  pour  voir  si  l'antique  estoit  vuide  en  6gure  de  parfaicte  ron- 
deur, ou  non,  puisque  la  bosse  ou  emboufiîsement  du  fonds  monstre 
de  n'avoir  esté  faicte  que  par  bazard  et  par  l'injure  du  temps  et  non 
par  allectation  de  l'ouvrier  qui  l'a  forgé.  Car  le  modelle  que  nous  avons 
veu  est  plustost  une  portion  approchante  de  la  moitié  d'un  globe  de 
figure  ovale,  que  d'un  globe  parfaictement  rond,  et  c' estoit  ce  qui  me 
faisoit  conjecturer,  si  l'original  estoit  de  mesmes,  qu'il  y  debvoit  avoir 
eu  un  autre  globe  ou  escuellon  intérieur,  sur  lequel  les  heures  peussent 
estre  descriptes  plus  justement. 

Je  vous  prie  de  nous  en  esclaircir  et  au  plustost  que  vous  pourrez,, 
puisque  l'Eminentissime  Cardinal  Patron  s'en  est  deschargé  sur  vous, 
et  s'attend  que  vous  m'y  ayiez  satisfaict,  ne  luy  en  osant  moy  escrire 
plus  de  peur  de  vous  charger  en  son  endroict  d'aulcun  reproche.  Si 
vous  avez  encore  la  boitte  de  cez  empreintes  qu'en  avez  prinses,  je 
vous  prie  de  l'envoyer  à  M"'  de  Bonnaire  ou  à  l'illustrissime  Cavalier 
del  Pozzo  qui  trouveront  bien  des  comnioditez  asseurées  de  me  la  faire 
tenir,  et  quand  ils  n'en  auroient  aulcune,  vous  en  serez  au  moings 
valablement  deschargé  envers  Son  Eminence  et  moy.  Aultrement  vous 
me  permettrez,  s'il  vous  plaict,  de  vous  accuser  que  vous  vous  ou- 
bliez et  que  vous  retardez  d'aultant  le  plaisir  que  Son  Eminence  eust 
possible  desja  receu  de  voir  quelque  traicté  sur  ce  Scaphium.  J'en  dicts 
aultant  de  ce  gros  poids  noir,  de  cette  grosse  plaque  de  bronze  quarrée 
de  bœuf  et  vache,  de  cette  figure  ^Egyptienne  en  lapis  lazuli  et  autres 
galanteries  que  vous  nous  faictes  espérer  et  que  nous  aurions  peu  re- 
cevoir parmy  les  hardes  de  M''  le  conte  de  Nouailles,  M"^  le  président 


[1637]  X  CLAUDE  MENESTRIEH.  809 

Maynard^  estant  venu  sur  la  mesme  barque  qui  se  seroit  volonlici-s 
chargé  de  tout  ce  qu'eussiez  voulu  par  l'entremise  de  M'  Bourdelot, 
mais  c'est  une  bien  vieille  querelle  que  nous  avons  vous  et  moy  pen- 
dant que  les  autres  affaires  nous  occupent  plus  que  nous  ne  voudrions 
bien  souvent  quand  il  fault  faire  quelque  chose  l'un  et  l'autre,  dont  je 
m'accuse  le  premier,  afin  qu'il  me  soit  loisible  de  vous  en  accuser  aussy 
'le  plus  doulcement  toutefoys  que  je  puis,  ne  laissant  pas  désire  de 
tout  mon  cœur  en  toute  façon,  quoyque  vous  puissiez  faire  ou  ob- 
mettre  en  mon  endroict, 
Monsieur, 

vostre,  etc. 
A  Aix,  ce  9  décembre  i63C'. 


CXIV 
À  MONSIEUR  MEIVESTRIER,  CHANOINE  DE  BEZANÇON, 

À  ROME. 

Monsieur, 
Je  n'ay  eu  qu'un  petit  billet  vostre  à  ce  coup,  du  3  janvier,  vous 
remerciant  du  souvenir  et  du  soing  qu'avez  eu  de  prier  M'  de  Bon- 
naire  de  s'informer  de  quelque  occasion  pour  me  faire  tenir  ce  qu'avez 
achepté  pour  mon  compte.  Je  vous  avoys,  ce  me  semble,  prié  assez 
souvent  de  ne  vous  pas  arrester  à  cela,  et  de  luy  envoyer  ce  qu'auriez 
prins  pour  moy,  dez  qu'en  auriez  faict  la  resolution,  l'cmpacqueltant 
dans  des  boittes  ou  cassettes  selon  l'exiffence  de  la  chose,  et  l'avois  prié 
d'envoyer  incontinent  le  tout  ramassé  et  cmpacqucfté  ensemble  h 
M'  Uespiols,  à  qui  il  ne  manque  pas  des  conmiodilez  à  toutes  heures. 

'  Ce  président  Maijnard  était  raoadéini-  *  Bililiolhèiiue  de  l'École  de  médecine  de 

cien  François   de  MayiianI,   président  du  Montpellier,    ms.    H    971,  fol.    198.  On 

présidial  d'Aurillac,  qui  ëtait  attache  à  la  trouve,    sur    l'adresse,   ceUc    indiwtioci  : 

maison  de  Nnailles.  Ce  poète  inafjislrat  a  été  tM'  Menesiricr  deineur.'  rinq  ou  six  uiai- 

raentionné  dans  le  recueil  Peiresc-Dupuy,  sons  plus   haut  (pie   M'   d'Ara|>us  devant 


t.  I.  [).  55o. 


Maduna  de  Coustantinol.  ' 


lOS 


810  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

pour  Marseille  à  droicture,  outre  Livourne  et  Gènes  qui  réussissent 
quasi  de  mesmes.  Il  est  party  deux  barques  dans  le  nioys  de  janvier 
arrivées  à  bon  saulvement  dont  la  dernière,  partie  le  25,  arriva  dans 
Il  jours  de  passage,  sans  me  rien  apporter.  Vous  pouvez  juger  si  j'en 
ay  esté  mortiflé,  car  Dieu  sçayt  si  les  suy vantes  rencontreront  la  coste 
si  nette.  11  me  semble  voir  quelque  pareil  malheur  à  celuy  qui  advint 
du  fagot  de  grosses  médailles,  que  vous  aviez  manqué  semblablement 
d'envoyer  par  troys  ou  quattre  barques,  lequel  je  vous  demanday  par 
ce  marault  qui  le  voila,  et  se  perdit  aprez  luy  mesmes.  Car  ce  ne  fut 
que  par  force  que  je  vous  fis  adresser  la  commodité  de  ce  garçon,  pen- 
sant que  sa  sollicitation  vous  feroit  désirer  de  vous  dellivrer  de  ses 
mains  et  des  miennes,  sçaichant  que  les  occupations  journalières  de 
Rome  font  poulser  le  temps  avec  l'espaulle  tant  qu'on  peult.  Il  en  ad- 
viendra ce  qu'il  plairra  à  Dieu ,  mais  vous  me  ferez  faveur  de  ne  plus 
différer,  et  d'envoyer  à  M"^  Despiotz  ce  que  vous  trouverez  bon  de  me 
despartir  pour  ne  plus  faire  ce  destour  chez  M"'  de  Bonnaire  et  le 
descharger  de  l'importunité  du  soing  de  chercher  des  comraoditez  qui 
ne  viennent  pas  à  luy  comme  à  M'  Despiots.  Il  ne  fault  que  faire  les 
adresses  à  vous  et  à  M'  de  Gastines  à  Marseille. 

Je  vous  remercie  de  l'advis  qu'avez  donné  à  M'  Doiii  de  l'arrivée  du 
duc  Salviati,  et  me  double  bien  que  ses  occupations  feront  encor 
eschoûer  toute  cette  affaire  avant  les  pouvoir  bien  adjuster  et  faire 
mettre  les  ordres  pour  trouver  à  tout  le  moings  cette  pierre  et  en  tirer 
l'empreinte  eu  papier  si  elle  ne  se  peult  en  piastre,  n'espérant  pas  que 
celle  là  de  si  difficile  perquisition  se  puisse  faire  puisque  celle  du  pa- 
lais de  Transtevere  qui  estoil  exposée  à  tout  ce  qu'on  peult  désirer, 
n'a  peu  s'achever.  Je  vous  supplie  d'y  faire  ce  que  vous  pourrez  soit 
envers  le  sieur  Doni  ou  envers  le  duc  mesmes  à  qui  il  en  a  esté  escript 
et  à  qui  j'en  escrirois  moy  mesme  à  cette  heure  sans  que  le  courrier 
me  vient  de  surprendre.  Cependant  je  vous  envoie  le  caméléon  que 
m'avez  demandé  où  j'ay  fait  desgainer  la  langue  ([ui  est  des  plus  belles 
choses  à  voir  qui  y  soient.  J'en  ay  encores  deux  vivants,  et  s'ils  peuvent 
eschapper  encor  un  moys  je  pense  qu'ils  nous  donneront  du  plaisir  au 


[1637]  A  CLAUDE  MENESTRIER.  «t, 

printemjjs  et  en  l'esté,  Dieu  aydant.  Le  mal  est  qu'il  y  a  deux  moys 
entiers  qu'ils  ont  cessé  du  tout  de  manger  et  qu'ils  n'ont  cessé  de  dor- 
mir et  me  semblent  bien  elangouris  (sic),  sur  quoy  je  demeure, 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  très  alFectioné  serviteur, 

DE  PeIRESC. 

Je  vous  remercie  de  l'avis  du  vase  de  marbre  de  [ici  «n  met  mec  abré- 
viation illisible]  et  de  la  mesure  que  m'en  promettez;  vous  ne  m'avez 
jamais  envoyé  l'empreinte  que  m'aviez  promise  par  l'ordinaire  du  sca- 
phium  de  Son  Eminence. 

A  Aix,  ce  6  febvrier  1687  '. 


CXV 

À  MONSIEUR  DE  PEIRESC. 

Monsieur, 
J'ay  receu  la  vostre  du  G  febvrier  avec  le  caméléon  qu'il  vous  a  pleii 
m'envoyer,  de  quoy  je  vous  remercie  de  tout  mon  cœur,  ayant  eu  un 
contanteraent  indicible  de  veoir  la  longeur  de  sa  langue,  ce  que  je 
n'avois  veu  en  aulcun  aultre;  je  l'ay  faict  veoir  à  plusieurs  curieux  les- 
quelz  en  ont  receii  le  mesme  contantement  que  moy.  J'ay  veii  par  la 
vostre  le  grand  désir  qu'avez  d'avoir  l'empreinte  de  l'inscription  du  duc 
Salviali;  il  a  î\  la  fin  donné  ordre  h  son  Guardnrobbe  do  nie  la  laisser 
former  et  lacheray  en  tout  moyen  de  l'avoir  en  piastre  comme  aussy 
celle  de  Translevere.  Il  y  a  quelques  jours  que  l'on  treuva  au  milieu 
de  la  place  Montanara  qu'estoit  anciennement  forum  olitorium  ou  à 
peu  près  entre  le  Gampidoglie  et  le  Théâtre  de  Marcelle  deux  inscrip- 
tions en  Iravertino,  lesquelles  m'ont  semblé  dignes  de  faire  mouller  en 
|)lastre  comme  je  fis  faire  avant  hier.  Je  vous  en  envoyé  une  copie  icy 

'  Bibliothèque  de  l'École  de  mëdecine  de  Moiil|)ellier,  ms  H  171.  fol.  ao». 


812  LETTRES  DE  PEIRESC  [1637] 

jointe  attandant  que  recepviez  les  piastres  que  sera  au  plustost  Dieu 

aidant  avec  l'occasion  du  retours  du  Patron  Guillain  lequel  m'a  promis 

de  se  charger  de  tout  ce  que  j'ay  mis  en  ordre  pour  vous  envoyer  avec 

une  empreinte  du  schaphium  de  l'eminentissime  cardinal  Barberin. 

Pour  l'aultre  orologe  de  pierre  que  je  descouvris  hors  de  Rome,  on  ne 

l'a  encore  pas  faict  conduire  à  Rome.  Il  n'estoit  pas  accommodé  pour 

servir  à  aulcun  usage,  ains  seulement  au  lieu  d'une  aultre  pierre  en 

une  muraille  d'une  vieille  Eglise  estant  iceluy  tourné  à  l'occident.  L'on 

n'a  pas  treuvé  ceste  année  icy  aulcune  chose  qui  soit  de  considération  ny 

digne  de  vous  donner  advis.  11  y  a  des  R.  P.  Minimes  lesquelz  mont  prié 

de  vous  faire  tenir  le  cy  joinct  pacquet  lequel  me  semble  assez  gros; 

si  je  ne  sçavois  que  ce  fusse  aultre  que  pour  vostre  service,  je  nel'aurois 

accepté.  Attandant  le  départ  du  Patron  Guillain,  je  me  dis  à  jamais. 

Monsieur, 

vostre  très  humble  et  affectioné  serviteur, 

Claude  Menetrie. 
A  Rome,  ce  6  mars  1687  '. 

'  Bibliothèque  nationale ,  fonds  français ,  ^Shh ,  fol.  2 1 5.  Au  fol.  9 1 6  se  trouvent  les  deux 
inscriptions  suivantes  : 


1 


POPVLVS  EPHESIV 
SALVTIS  ERGO  QVO  DO 
SOVOM  LE1I3ERTATEM  I 
l-EGATEI  HERACLITVS  H 
HERMOCRATESDEM 


POPVLVS  •  LAODICENSIS  •  AF  •  LYCO 
POPVLVM  ROMANVM  QVEI  SIBEI 
SALVTEIFVITBENEFICIERGOQVAESIBEI 
BENIGNE-FECIT- 

0  AHMOS  AAOAIKEON  TQN  HPOS 
Ta  lATKilNI  ■  TON  AHMON  TO 
PiiMAmN  FErONOTA  EA 
SfiTHPA  KAI  ETEPPETHN 
APETHS  ENEKEN  KAI  ETNOIA 
THS  EHSETTON 


ffLes  deux  inscriptions  sont  d'une  mesme  hauteur  et  grandeur  est  asçavoir  de  trois 
palmes  de  longeur  et  deux  d'haulteur  et  semblent  avoir  estds  colloques  l'une  auprès  de 
l'aultre  selon  que  pourez  cognoistre  par  les  piastres  que  je  vous  envoyray.  Le  premier  re- 
presenlei-a  les  letres  de  relief  et  le  2  de  cave.  » 

•  Lfigend.  Tp  ATKfîNI. 


[1637]  À  CLAUDE  MENESTRIEH.  813 


CXVI 
À  MONSIEUR  DE  PKFRESC. 

Monsieur, 

Par  la  voye  de  l'ordinaire  d'Avij;non  je  vous  Gs  asçavoir  comme 
j'ay  chargé  par  la  barque  du  Patron  Gaullliier  cinq  cassettes  dans  les- 
quelles sont  les  choses  que  je  vous  ay  spécifié;  du  depuis  j'ay  tant 
l'aict  que  j'ay  mesuré  le  vase  antique  de  l'Em""'  Seg'  Gard'"  Patro""  avec 
du  millet  selon  que  désirés.  J'avoys  pourté  quantité  de  millet  et  av 
remplis  ledit  vase  jusque  à  la  superflcie  et  puis  avec  une  reigle  j'ay 
passé  par  dessus  les  bords  pour  lever  ce  qu'avancoit  des  labres  '  dudit 
vase  et  puis  j'ay  mis  le  tout  exactement  dans  un  sachet  de  toille  que 
j'ay  aussy  consigné  audit  patron.  J'espère  en  Dieu  que  le  tout  arrivera 
heureusement. 

Monsieur, 

voslre  très  humble  et  affectioné  serviteur, 

Claude  Menetbib. 

Rome,  ce  i5  avril  [1687]  '. 


CXVII 
À  MONSIEUR,   MONSIEUR  MENESTRIER, 

CHAISOINE   DE   BEZANÇON, 
À  ROME. 

Monsieur, 
J'ay  enfin  receu  de  la  main  de  Patron  Gauthier  la  boitte  de  l'em- 
preinte du  scaphium,  dont  je  vous  remercie  trez  affectueusement, 
ayant  prins  plaisir  de  voir  ce  peu  de  vestiges  qui  y  paroissent  des 
nombres  du  bord  et  des  lettres  du  kalendrier  extérieur,  mais  la  boitte 
n'estant  pas  assez  haulte  le  couvercle  qui  touchoit  le  bord  du  piastre 

'  Lèvres,  de  l'italien  labbro,  en  latin  Inbrum.  —  '  Biliiiothècjiie  nationale,  Tonds françù». 
95a,fol.  9t8. 


8U        LETTRES  DE  PEIRESC  À  CLAUDE  MENESTRIER.     [1637] 

l'a  un  peu  rongé  et  gasté  avec  le  mouvement  du  cheval,  comme  la 
paille  et  le  cotton  ont  gasté  la  cire  de  l'empreinte  du  kalendrier.  Toutes- 
fois  ce  peu  qui  est  eschappé  ne  laisse  pas  de  donner  du  contentement 
à  ma  curiosité,  et  de  l'augmentation  à  ce  que  je  vous  debvois,  dont  il 
me  tarde  de  me  pouvoir  bien  acquitter  quelque  jour. 

S'il  y  a  moyen  d'avoir  encore  l'empreinte  en  piastre  des  colonnes 
du  Transtevere,  vous  m'obligerez  plus  que  de  tout  le  reste  pour  y 
avoir  plus  à  apprendre  de  beaucoup,  pour  l'extravagance  des  charac- 
teres,  mais  je  vous  prie  de  n'attendre  pas  si  tard,  quand  les  commo- 
ditez  se  présentent  de  les  envoyer,  parceque  les  enfermant  devant  que 
le  piastre  soit  bien  sec,  il  se  moisit,  se  pourrit,  et  engendre  certaine 
rouille  qui  oste  toute  la  réputation  de  la  chose  et  tout  le  meilleur  goust 
qu'on  y  peult  prendre. 

Je  n'ay  poinct  eu  de  voz  lettres  par  le  dernier  ordinaire  et  attends 
un  autre  Ursinus  quand  vous  en  rencontrerez,  demeurant, 

Monsieur, 

vostre  trez  humble  et  obligé  serviteur, 
DE  Pbiresc. 
A  Aix,  ce  5  juin  1687. 

M'  l'ill""^  Gavai''  del  Pozzo  m'escript  que  vous  vous  estiez  voulu 
charger  de  faire  tenir  une  mienne  despesche  à  l'Em™*^  Gard"'  Buon- 
compagno,  dont  vous  me  ferez  faveur  de  me  dire  ce  que  vous  avez 
peu  faire,  et  s'il  ne  s'en  pourroit  pas  tirer  de  responce,  sans  vous  ar- 
rester  aux  bruictz  de  ma  mort  pretendeùe,  espérant  de  vivre  aultant 
et  possible  plus  que  ceux  qui  se  donnent  carrière  à  forger  de  cez  nou- 
velles à  perte  de  veiie'  et  de  vous  servir  encore  quelque  jour  Dieu 
aydant  plus  utilement  que  je  l'ay  encore  peu  '^. 

'  Peiresc  allait  mourir  vingt  jours  plus  d'écrire  lui-même   la  lettre    qu'on    vient 

tard.  Rien,  le  5  juin,  ne  faisait  prévoir  de   lire,   sa   main  étant  aussi    libre  que 

cet  événement,   puisque  le   grand  savant  sa  pensée. 

parlait  avec  tant  d'assurance  de  la  prolon-  '  Bibliothèque  de  l'École  de  médecine  de 

gation  de  sa  vie  et  puisqu'il  avait  la  force  Montpellier,  ms.  H  271,  fol.  200. 


APPENDICE. 


LETTRE  DE  MENESTRIER  À  PEIRESC. 

Monsieur, 

Ayant  veû  par  la  vostre  du  U  janvier  que  le  dessein  du  casrpie  que  je  vous 
avois  envoyé  vous  avoit  pieu  et  que  désiriez  avoir  l'original,  j'av  incontinent 
mis  en  arrière  toutes  aultres  considérations,  n'ayant  rien  en  mon  petit  pou- 
voir (comme  je  vous  ay  tousjours  tesmogné)  qui  ne  soit  totalement  à  vostre 
service,  vous  estant  par  trop  obligé.  Je  ne  croyois  pas  que  la  dite  pièce  fuss<> 
de  vostre  curiosité  que  je  n'eusse  mancqué  de  plein  abbord  do  vous  la  dédier 
plus  tost  qu'à  ce  personnage  à  qui  je  deseignois  la  présenter.  Un  sien  serviteur 
nommé  il  sig'  Giulio  Belladone,  Romain,  se  parlant  d'icy  il  y  a  environ  un 
an,  me  recommanda  fort  de  trouver  quelque  chose  de  curieux  pour  le  service 
de  monsieur  son  maistre  et  me  l'a  recommandé  du  depuis  par  diverses  lettres: 
mais  n'y  ayant  aulcune  obligation  aultre  ([u'une  spectative  incertaine,  il  n'y  a 
rien  qui  m'engage  à  son  service,  et  pour  éviter  touts  accidents  que  pouroint 
survenir  j'ay  pourlé  ledit  casque  et  consigne  à  Monsieur  de  Bonaire,  attandant 
(juelque  occasion  asseuré  pour  vous  le  faire  tenir;  en  priant  Monsieur  .Mclan  de 
voidoir  prandrc  la  peine  d'en  faire  un  dessein  de  sa  main  pour  vous  envoyer 
par  cest  ordinaire.  Et  suyvant  vostre  ordre  j'ay  prins  les  cinquante  escus  pour 
rachepter  les  gravcures  que  j'avois  donné  en  escliangc,  lesquelles  me  sont  est^ 
rendues  ormis  sept  ou  [huit]  pièces  qu'il  avoit  troqué  contre  aultres  choses,  et 
luy  ayant  mis  l'argent  en  main  il  m'a  dit  qu'il  se  partiroit  dans  deux  jours  pour 
retourner  au  royaulme  de  Naples  pour  «ichepler  plusieurs  aultres  pièces  curieuses 
qui  sont  du  mesme  maistre  du  cas([ue  disant  estre  un  admodiatcur  du  duc  de 
Parme.  Je  l'ay  prié  de  s'informer  du  lieu  auquel  a  esté  treuvé  ledit  casque  et  si 
l'on  auroit  rien  treuvé  avec  iceluy.  Il  m'avoit  promis  de  s'infourmer  diligemcnt 
du  tout. 

Ayant  eu  les  trois  poids  du  Sig.  (iaval'  Gualdi  je  n'ay  voulu  mancquer  (selon 


816  APPENDICE.  [1636] 

ce  que  je  vous  promis  par  mes  dernières)  de  vous  les  faire  tenir  par  la  voye 
de  l'ill""'  Sig.  Ger"°  Spinola  pour  plus  d'asseurance.  J'ay  mis  avec  iceulx  la  figu- 
rette  de  métal  represantant  diverses  deités,  laquelle,  je  tiens,  ne  vous  desplaira 
pas  pour  estre  de  bonne  manière.  Auprès  d'icelles  vous  treuverez  sept  ou  huit 
petites  médailles  grecques  et  en  bas  d'icelle  un  soulphre  que  j'ay  jette  sur  une 
petite  lame  de  métal  corinthe  de  cave,  laquelle  j'achepta  ces  jours  passés  et 
donna  à  M^  l'Em.  Gard.  Pat°°,  lequel  tesmogna  luy  plaire  grandement  pour 
estre  une  pièce  de  la  primitive  église.  11  m'ordona  hier  de  vous  en  faire  tenir 
un  soulphre,  vous  priant  de  luy  en  escrire  vostre  jugement.  Aulcuns  es- 
timent que  ce  soit  le  martyre  de  S*"  Sucessa  y  ayant  d'un  costé  et  d'aultre 
escrit  Sucessa. vivas.  Aultres  tiennent  (jue  ce  soit  S.  Laurent  sur  la  grille.  La 
parolle  de  vivas  estoit  fort  usité  dens  la  primitive  église,  comme  j'ay  veû  en 
des  verres  antiques  là  où  il  y  avoit  Vwas  in  Deo,  Vivas  in  xpo.  Le  mal  est  que 
l'on  ne  treuve  point  le  nom  de  Sucessa  dans  le  martyrologe.  Dans  le  mesme 
lieu  là  où  fut  treuvé  laditte  placque  de  bronze  fut  treuvé  une  patère  de  verre 
fort  espois  de  la  largeur  du  fond  d'une  aissiete  composé  de  deux  verres  collez 
l'un  contre  l'autre  au  milieu  desquels  en  feulle  d'or  cstoint  figurés  les  images 
de  S.  Pierre  et  S.  Paul  assis  touts  deux  sans  barbe,  habillés  à  la  romaine  avec 
des  letres  au  dessus  de  leurs  lestes,  lesquelles  sont  sans  diadème  ou  nimbe, 
Petrus  .  Paulus,  sans  aultres  tiltres.  J'ay  donné  à  Son  Emin.  semblablement 
laditte  pièce.  Vous  treuverez  une  petite  figurette  d'un  Mercure  avec  la  teste 
d'esprivier  laquelle  je  vous  envoyé  non  pour  sa  valeur,  ains  seulement  pour  vous 
faire  veoir  la  sorte  de  pierre  de  laquelle  est  faitte  la  figure  mystérieuse  que 
dessine  du  [sic)  Seig.  Cav'  Gualdi.  11  m'a  promis  de  me  la  consigner  pour  la 
faire  jetter  en  bronze  ou  aultremcnt.  N'ayant  voulu  permettre  la  première  fois 
de  la  porter  hors  de  son  logis,  je  n'eu  la  commodité  de  la  bien  fourmer  en 
piastre.  Mais  à  ceste  heure  je  la  feray  faire  à  mon  plaisir,  m'ayant  asseuré 
qu'avez  tellement  captivé  son  cœur  qu'il  vous  offre  tout  cela  qu'est  de  son  ca- 
binet. J'ay  du  depuis  treuvé  au  logis  d'un  curieux  une  semblable  pièce  et  de 
la  mesme  grandeur  de  lapis  lazuli  représentant  les  mesraes  symboles.  Le  malheur 
est  qu'elle  est  un  peu  brisé  et  eschantoné.  Le  maistre  d'icelle  ne  me  l'a  voulu 
vendre  pour  argent,  mais  il  m'a  dit  que  je  luv  donne  quelques  bonnes  mé- 
dailles de  suitte  des  Empereurs,  qui  soint  de  bronze  ou  d'argent,  et  qu'il  me 
la  donnera.  Si  aviez  quelque  chose  de  double  qui  ne  fusse  de  vostre  goust,  il  y 
auroit  moyen  de  faire  le  troque.  La  couleur  du  lapis  lazuli  n'est  pas  des  plus 
chargé  de  couleur,  ains  assez  blanchastre,  mais  le  maistre  l'estime  pour  estre 


[1636]  APPENDICE.  817 

en  pierro  dure.  Je  vous  eusse  envoyé  aullre  chose,  naais  pour  ne  faire  un  poid 
plus  {Tfos  j'attendray  occasion  des  tartanes  qui  doibvent  partir  biontost  pour 
Marseille,  demeurant  à  jamais. 
Monsieur, 

vostre  très  humble  et  aiïectionné  serviteur. 
Cl.  Menetbié. 

L'on  fit  courir  ces  jours  passés  im  bruit  de  certaines  vacances  de  mon  pays. 
J'avois  demandé  un  prioré  à  Son  Em°  lequel  nie  dit  que  volontiers  i!  feroit  que 
j'en  aurois  la  grâce  et  qu'il  desiroit  vous  donner  contantement.  Mais  li-  malheur 
a  volu  que  la  nouvelle  a  esté  faulce.  J'ay  tousjours  recogneu  sa  bonne  volonté. 

Home,  ce  8  mars  i636'.  ' 


OBSERVATIOfVS  DU  COMMANDEUR  DE  ROSSI. 

Roma  solterranea,  III,  6q6.  (11  est  question  des  lampes  chrétiennes  i|ui 
sont  gravées  et  qui  représentent  le  chandelier  hébraïque  à  sept  branches.) 

rrPeu  après  la  mort  de  Bosio  on  en  trouva  un  exemplaire  dans  le  ciniotièrc  de  Lucina  (ou 
Coinmodissa)  près  de  Sainl-Paul,  comme  nous  l'apprend  une  lettre  de  iViresc  à  Mcneslrier. 
datée  du  3  mars  i634,  conservée  à  Montpellier,  Ec.  mt'd.,  il.  ayi.  Le  loculus  où  fut  (rouvét- 
celle  lampe  portait  l'inscription  :  In  cond{itorio)  Ivtlina  posùa,  «ei  une  petite  docbelte  de 
cuyvre  attache'e  dans  le  touf». 

Bullptin  (VarcMologie  sacrée,  1869,  p.  34. 

"  Première  découverte  de  la  médaille  représentant  le  martyre  de  saint  Laurent.  —  CeUi» 
médaille,  publiée  par  Vettori  {Dissertatio  philologiea  qua  nommlla  monimenta  taerm  vetmiati» 

'   Bibliothèque  nationale,   colleclion    Dupuy,  «Avec  la  boiUe  de»  troj»  poid»  ehnstien»  da  Ci» 

vol.  688    fol.  83.  GuaWi  :  la  figure  du  LWVS,  Harpoenin,  Sfnpi*. 

Panthéon. 
Adresse  : 

A  Moiiitieur  KAEoHATPA  in  pixid*  fpeeaian. 
Peiresc,  conteitler  dii  Roy, 
ri  de  Parlement ,  TripoJu 

AAix. 

Avec  une  boitte  longue.  [,a  eelate  de  bronte  antique. 

l.e  sommaire  de  la  lettre  est  inscrit  é  côté  de  SVCISSA  VIVAS         1        PETRVS  PATLVS 

l'adresse  :  Lanrentin».  |        Srdeolw  ialicriie». 

.  loS 


818  APPENDICE.  [1636] 

ex  museo  Victoria  deprompta  illmlranlw,  Roms ,  1 76 1  ) ,  a  appartenu  à  la  collection  Barbe- 
riiii,  comme  le  prouve  une  lettre  de  Suarez,  évêque  de  Vaison  (Barb. ,  XXXV  ill,  34). 

rr  D'autres  documents  s'ajoutent  à  celui-ci  pour  prouver  Tidenliti  de  cette  médaille.  Un 
trésor  de  renseignements  inédits  sur  les  découvertes  des  premières  périodes  décennales  du 
xvii*  siècle  est  la  correspondance  du  très  savant  Peiresc  malheureusement  dispersée  dans  les 
diverses  bibliothèques  d'Europe,  et  plus  misérablement  encore  en  grande  partie  dr'truile. 
Dans  la  partie  conservée  èi  la  Bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  h  Montpellier,  ms.  971, 
I,  p.  188,  il  y  a  la  mention  de  la  placque  de  Successa,  dont  parle  Peiresc  dans  une  lettre 
datée  d'Aix  le  k  mai  i636  et  adressée  à  Rome  à  Claude  Menestrier,  et  dont  il  demande  ime 
meilleure  empreinte,  <: principalement  le  costé  du  martyre  soit  de  S.  Laurent  ou  d'Elle  {Suc- 
ffcwsa)".  Donc  Menestrier  lui  avait  déjà  envoyé  de  Rome  une  empreinte  avant  le  4  mai  1 636. 
Cette  indication  m'ayant  fait  rechercher  les  lettres  de  Menestrier  à  Peiresc,  j'ai  retrouvé  h 
Paris,  Bibliothèque  nationale,  fonds  Du  Puy,  688,  p.  83,  l'autographe  de  Menestrier  daté 
de  Rome,  le  8  mars  t636.n 

(^Suit  le  texte  de  la  lettre  de  Menestrier.) 

»f  Au  reçu  de  cette  lettre  ,  Peiresc  dut  écrire  à  François  Barberini  sa  demande  au  sujet  de 
l'interprétation  de  la  médaille.  Cette  lettre  est  conservée  à  la  Barberine,  dans  un  volume  de 
lettres  non  encore  inscrit  au  catalogue ,  qui  la  contient  au  fol.  176.  Elle  est  du  99  avril  i636, 
et  contient  le  paragraphe  suivant  : 

irNon  venue  intera  l' impronta  di  zolfo  délia  medaglia  christiana  presentata  à  V.  Em.  dal 
ffS.  Menestrier,  cou  iscritlione  Successa  Vivas,  per  poter  godere  la  figura  di  quel  martyrio 
(tsopra  la  graticola  come  S.  l/)renzo.  Bisognerà  esaminaro  il  dis^no  corne  si  potrà  c  vedere 
«se  non  potrçbbe  essere  conbustione  dopo  la  m^rte  senza  niartirio,  o  culto  erappresi^nlazionc 
itdel  proprio  martire  di  S.  Lorenzo  come  si  trovavano  imagini  di  S.  Pietro  e  S.  Paolo  anti- 
irquissinie  talvolta  senza  uomi.  Bisognerà  cercare  ancora  se  quel  cognome  di  Successa  puô 
ircadero  in  qualcbe  santa  persona  di  cui  si  trovi  memoria  del  che  non  mi  soviene  ancora 
ird'  haver  vislo.  Ma  suspendoremo  il  sentimento  sino  alla  vista  deU'impronlo  intero.» 

irCes  documents  nous  apprennent  que  la  médaille  en  question  fut  tirée  du  sol  romain  en 
i636,  en  môme  temps  qu'un  verre  entier  de  ceux  qu'on  appelle  Cimileriali,  sur  lequel 
étaient  les  effigies  des  apôtres  Pierre  et  Paul.  Ces  deux  pièces  furent  achetées  pour  le  compte 
de  F.  Barberini  par  Menestrier,  et  leur  réunion  et  leur  découverte  en  i636  en  démontrent 
l'indiscutable  authenticité.  La  médaille  a|)partient  à  une  classe  de  monuments  chrétiens  que 
personne  alors  n'aurait  su,  je  ne  dis  pas  contrefaire  ,  mais  même  imaginer.  En  fait,  ni  Me- 
nestrier ni  Peiresc  ne  surent  reconnaître  quelle  relation  l'inscription  avait  avec  le  sujet  de  la 
médaille,  ce  que  des  médailles  analogues  nous  permettent  aujourd'hui  de  faire.  Le  verre 
cimiteriale,  tel  que  le  décrit  Menestriei-,  ne  peut  inspirer  aucun  doute,  la  falsification  en 
serait  invraisemblable  au  début  du  xvn°  siècle.  « 

(M.  de  Rossi  étudie  alors  le  lieu  de  la  découverte  et  l'âge  de  la  médaille; 
il  conclul  que  la  médaille  et  le  verre  ont  dû  être  trouvés  dans  le  plâtre  qui  fer- 


[1036]  APPENDICE.  819 

mait  un  lomlus,  probablement  dans  le  cimetière  de  Ciriaca,  et  (jue  ces  objets 
no  sont  pas  postérieurs  h  la  moitié  du  v'  siècle.) 

<rLe  témoignage  de  Mcnestrier  sur  la  matière  de  ta  médaille,  le  métal  que  les  antitjuaire* 
apjii'Iaient  alors  vtélal  de  Corinlhe,  prouve  que  le  plomb  de  Vellori  (aujourd'hui  au  Vatican) 
nVsl  qu'une  cmpreinle  prise  sur  l'original. i 

Bulletin  (rarchéoloffie  sacrée,  i86(),  p.  St. 

ff  Les  médailles  de  dévotion  étaient  très  répandues  dans  les  premiers  siècles.  L'archéologue 
Pasquaiini  en  posséda  plusieurs  au  commencement  du  xvii'  siècle,  une  entre  autres  repré- 
sentant d'un  côté  le  buste  du  Glirisl,  de  l'autre  l'Adoration  des  Mage.-.  Il  y  eut  dans  l'année 
i6ai  une  discussion  archéologique  entre  lui  et  Peiresc,  comme  nous  l'apprennent  8<>s  auto- 
graphes (Paris,  Bibliothèque  nationale,  fonds  Français,  gSSg).  Dans  la  lettre  (JLVII,  écrite  de 
Rome  le  ai  juillet  lOai,  Pasquaiini  répond  Ji  son  docte  ami  qui  lui  avait  suggéré  de  com- 
parer l'Adoration  des  Mages  de  sa  médaille  avec  celle  d'un  sarcophage  de  Ravenne  du  lemp 
de  Jusiinirn,  et  il  prétend  que  la  «uédaille  est  plus  ancienne  que  le  sarcophage.  Peiresc  lui 
réplicjue  que,  selon  plusieurs  antiquaires,  Jean  Zimiscès  fut  le  premier  h  battre  monnaie 
avec  l'effigie  du  Sauveur.  Pastjualini  répond  le  i5  décembre  i6ai  (lettre  CLXIV);  il  dit 
qu'il  prétond  :  «non  di  coiiwndurc  la  medaglia  ma  di  Irovnre  la  verilàn ,  et  termine  [wr  les 
mois  suivants  :  rlo  non  tcngo  che  questo  e  tutti  gli  allri  medaglioni  simili  fossero  monete 
"per  spendere,  s)  corne  ancora  dico  di  questa  medaglia  mia  la  quale  stinio  sicuraniente  che 
tr  fosse  fnla  solo  per  spéciale  devotione,  si  corne  io  ne  ho  délie  allre,  e  se  ne  veggono  in  mano 
ffdi  molti  ancora  con  diversi  santi.  » 

'    "L'erreur  qui  consiste  à  assimiler  ces  médailles  aux  monnaies  provient  de  Du  llange  qui 
a  compté  le  médaillon  de  Pasquaiini  parmi  les  monnaies  de  Jean  Zimiscès,  et  cela 
l'avoir  vu  et  sur  les  renseignements  de  Peiresc.» 


io3. 


TABLE  DES  MATIERES 


AvRRTISSEMENT l-ïlll 

Lettres  à  Guillemin,  publiées  d'après  les  autographes  de  la  Bibliothèque 

nationale 1-339 

Appendice.  —  Instructions  données  par  Peiresv  à  Guillemin 33i--i/i3 

Lettres  à  Holstmius,  publiées  d'après  les  autographes  de  la  Bibliothèque 

Bar!)enni ûlib-kHb 

Lettres  de  Peiresc  à  Menestrier  et  de  Menestrier  à  Peiresc,  publiées  tes  unes 
d'après  les  autographes  de  la  bibliothèque  de  l'Ecole  de  médecine  de 
Montpellier,  les  autres  d'après  les  autographes  de  la  Bibliothèque 
nationale 489-8 1  ft 

Appendice.  —  Lettre  de  Menestrier  à  Peiresc ,  déjà  publiée  par  M.  de  Ho?8i .    8 1 S -8 1 9 

'  Voir,  au  sujet  de  In  table  par  ordn;  alphabétique  des  noins  de  lieux  et  de  penonoe*  meiilioiiné* 
dans  le  présent  tome,  l'avis  consigne  dans  une  note  de  In  page  61 5  du  tome  IV. 


w  ^^    *    •      rvf  ^ 


PLEASE  DO  NOT  Ri 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  1 

UNIVERSITY  OF  TORON 


DC 

Peiresc,  Nicho! 

36 

Fabri  de 

.98 

Lettres  de  j 

P33M 

Fr^ea  Dupuy 

18S8 

t.  5